Armel Duteil

Vatican 2, 50 ans


Concile de Vatican 2, 50 ans après

Réflexions sur la constitution apostolique : Gaudium et Spes (GS) : « L’église dans le monde de ce temps »

Chapitre 1 : Le Concile Vatican 2

Nous fêtons cette année le 50° anniversaire du Concile Vatican 2. Ce Concile a dit au monde des choses très importantes, que l’on n’a pas fini de mettre en pratique. Je vous propose donc une recherche, sur l’un des documents les plus importants de ce Concile : » L’Eglise dans le monde de ce temps ». Pour commencer, une introduction au Concile dont voici le plan :

  • Qu’est-ce qu’un Concile œcuménique ?

  • Les premiers conciles

  • Le Concile Vatican 1

  • Le monde continue à changer

Le concile Vatican 2

  • La situation du monde au moment du Concile.

  • Le déroulement du Concile Vatican 2. 

  • La composition du Concile 

  • Un changement de méthodes 

  • De quel droit les évêques se sont-ils adressés au monde entier ?

Les différents papes du concile

  • Jean 23

  • Paul 6

  • Jean-Paul 2

  • Benoît 16

Comprendre le concile dans son histoire

  • L’annonce même du Concile

  • Un Concile pastoral

  • L’enseignement de l’Evangile sous des formes différentes

  • L’idée de service

  • Pas de condamnations 

  • Parler d’une manière différente

  • Un Concile œcuménique

  • Liberté et unanimité

  • Le Concile a été une liturgie

  • Aller encore plus loin

Annexe : Chronologie du Concile Vatican 2

NOTA BENE : Ces réflexions doivent être adaptées à la situation locale, pour en tirer des actions possibles, et qui conviennent. Elles sont faites pour être partagées, en tenant compte de la culture et de la langue de l’endroit. On cherchera bien sûr des proverbes, dans la langue du lieu.

Pour que ces réflexions soient comprises par le plus grand nombre de personnes, nous les avons écrites en français simple, au risque d’être parfois imprécis. Pour faciliter la lecture, en public mais aussi personnelle, nous avons ajouté des virgules, là où on peut faire une pause. Tout est écrit en phrases courtes.

Ce travail n’est pas terminé : Ce n’est qu’un début et une première ébauche, afin d’obtenir votre collaboration. Aussi toutes les propositions d’amélioration seront les bienvenues.

N.B. Pour une formation en groupe : ce qui suit, ce sont des idées à faire découvrir, sous forme de questions. En parlant tous ensemble, et non pas comme un enseignement. Pour chaque paragraphe, poser d’abord une question, par rapport à ce qui est dit. Ecouter les réponses des participants. Puis compléter en expliquant ce qui est écrit. Et répondre à leurs questions.

.Ce 1° chapitre est une introduction. Il sera suivi d’une étude, chapitre par chapitre, de la constitution pastorale « l’Eglise dans le monde de ce temps « (Gaudium et Spes : GS). En attendant, vous pouvez déjà lire dans mon site : http://armel.duteil.free.fr le compte-rendu de 4 rencontres sur ce document, à la rubrique : Vatican 2,50 ans.

Qu’est-ce qu’un Concile œcuménique ?

C’est un concile qui regroupe tous les évêques du monde entier. Il y a eu 21 conciles dans l’Eglise Catholique. Les 8 premiers ont été convoqués par l’Empereur, parce qu’au début de l’Eglise, c’était l’Empereur qui avait l’autorité, pas le Pape. Actuellement c’est le pape qui dirige le Concile (Canon 337, 1).

Les premiers conciles ont surtout cherché à bien expliquer la foi chrétienne, pour faire comprendre qui sont vraiment le Christ ou Dieu- Trinité. En effet, il y avait beaucoup de théories différentes à ce sujet, au début de l’Eglise, et des groupes qui s’étaient séparés (des schismes). Dans les conciles suivants, on a commencé aussi à parler de la vie et du travail de l’Eglise, par exemple pour organiser le mariage, qui a beaucoup changé d’après les époques.

De 1545 à 1563 a eu lieu le Concile de Trente pour réorganiser l’Eglise, après la Réforme de Luther et la séparation d’avec les protestants.

Après cela, la société a continué à changer, avec l’arrivée des philosophes au 18° siècle (le siècle des lumières), les révolutions en Europe et en Amérique (en particulier la Révolution française en 1789), la montée des idées libérales et socialistes : tout cela a beaucoup changé les rapports entre l’Eglise et les états, et la société en général. En 1864, Pie 9 publie un texte appelé Syllabus. En même temps qu’il affirme la voie chrétienne, il semble une condamnation du monde moderne, et un rejet de la République en particulier. En effet, au moment de l’apparition des usines (la Révolution industrielle), l’Eglise s’est peu à peu séparée des ouvriers, malgré de très bonnes actions de certains chrétiens. Et l’Eglise a eu beaucoup de mal à accepter la République. Pie 9 décide alors de convoquer un nouveau concile, 306 ans après le Concile de Trente.

Ce Concile Vatican 1 commence le 8 décembre 1869 : pour la première fois, on n’invite pas les chefs d’état, même pas les chefs chrétiens. Les anglicans ne sont pas invités non plus. Les protestants refusent de venir, de même que les patriarches des églises orthodoxes. Il y avait 793 évêques dont 35 % d’italiens. L’Eglise avait senti le besoin de se réformer (changer). Ce Concile devait étudier toute l’organisation de l’Eglise. On commença par parler de l’attitude de l’Eglise face à la société moderne. Puis de l’infaillibilité du pape, proclamée en mars 1870. C’est-à-dire que, quand le pape parle au nom de l’Eglise, il ne peut pas se tromper, car il est éclairé par le Saint Esprit. Le 24 avril 1870, les 667 évêques présents adoptent à l’unanimité (tous ensemble), la Constitution (le texte) sur le Fils de Dieu. Elle condamne le panthéisme (Dieu est dans toute la nature), le rationalisme (c’est la raison humaine qui compte) et le matérialisme (l’important, ce sont les choses matérielles). Mais le 22 septembre, Rome est envahie par les armées du Piémont, et le concile doit s’arrêter. Le résultat, c’est qu’il a encore plus hiérarchisé l’Eglise (commandée d’en haut). Il a donné une très grande place au Pape, mais sans avoir le temps d’expliquer le rôle et la place des Evêques et du peuple chrétien. Il faudra attendre jusqu’en 1962, près de cent ans plus tard, pour que le concile Vatican 2 reprenne et continue les travaux commencés.

Après le concile Vatican 1, le monde continue à changer. Les sociétés modernes avancent beaucoup. Pendant ce temps-là, l’Eglise a tendance à faire du surplace. Devant les évolutions modernes, elle cherche plus à défendre les vérités éternelles de la foi, qu’à voir les besoins des hommes, et à chercher comment y répondre. Pourtant, certaines choses avancent. D’abord, les Papes acceptent la société moderne, et l’importance de la République et de la démocratie. A partir du Pape Léon XIII, ils commencent un enseignement très important sur les questions sociales (les problèmes de la société) : le travail, l’économie et même la politique.

Pendant la 2ème guerre mondiale, un certain nombre de prêtres sont faits prisonniers, en même temps que les autres. Ils sont emmenés en déportation pour des travaux forcés, le STO. Ils vivent les mêmes souffrances que les autres. Cela leur fait comprendre les difficultés des hommes. En même temps, cela les rapproche beaucoup des autres personnes. Cela donne une autre idée de l’Eglise, à la société et aux hommes des temps modernes. C’est ce qui permet aussi aux prêtres de sortir du cléricalisme (ne plus se conduire comme des chefs religieux). C’est pour mieux comprendre et partager la vie des gens que, par exemple, est lancée l’expérience des prêtres ouvriers. La société elle-même a beaucoup avancé avec, en particulier, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, pour éviter que les horreurs de la 2ème guerre mondiale ne reviennent. Et l’Eglise reconnaît finalement cette Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, après des hésitations, parce qu’on n’y parle pas de Dieu directement.

Dans l’Eglise, dans les années 1950, de grandes recherches sont faites au niveau de l’exégèse (l’étude de la Parole de Dieu). On explique la Bible, en tenant compte des découvertes modernes, pas seulement en linguistique (l’étude des langues), mais aussi en sociologie (l’étude des sociétés), en histoire, en psychologie (l’étude de l’esprit de l’homme) et dans toutes les autres sciences humaines.

Les mouvements d’Action Catholique se sont beaucoup développés. Ils permettent aux laïcs de prendre leur place dans l’Eglise. Mais surtout à l’Eglise de s’engager dans le monde, en tenant compte des souffrances des hommes, et des problèmes de la société.

Le concile Vatican 2

Il est annoncé par JEAN 23, dès le 25 janvier 1959. Il est convoqué le jour de Noël 1961, avec trois buts importants : transformer l’Eglise, rapprocher les chrétiens entre eux, rapprocher l’Eglise et la Société (le monde). Pourquoi cela ? Que se passait-il alors dans le monde ? Le Concile Vatican 1 en 1969-1970 avait cherché à défendre l’Eglise dans un monde de plus en plus laïc. Le Concile Vatican 2 a regardé le monde avec un regard positif (en voyant les bonnes choses), en voyant les souffrances des hommes. En regardant les indépendances du Tiers-Monde et pas seulement les problèmes de l’Europe. En pensant spécialement aux pauvres et à la paix internationale dans le monde entier.

En Afrique, l’Eglise avait paru soutenir le colonialisme, malgré tous les efforts d’éducation de certains missionnaires. Le passage à l’Indépendance de nombreux pays africains, dans les années 1960, posait également beaucoup de questions. On voit naître un grand désir de liberté, dans les pays qui viennent juste de sortir de la colonisation. Une organisation des pays du Tiers-Monde se met en place, à partir de la Conférence de BANDOENG. Depuis le problème des rites chinois, se posait aussi la question, de la façon dont l’Eglise était présente et travaillait en Asie. Les difficultés étaient également très grandes en Amérique latine, où de nombreuses populations vivaient sous le poids de dictatures qui les écrasaient. Or les dirigeants de ces pays se disaient chrétiens, et prétendaient défendre la foi et l’Eglise catholique, contre le marxisme et la révolution.

Jean 23 a compris qu’il fallait changer : « ouvrir les fenêtres, pour aérer l’Eglise », et la réconcilier avec le monde moderne. Non pas par intérêt ou par stratégie, mais simplement pour être fidèle au Christ et à son Evangile. En sachant lire les signes des temps, comme Jésus lui-même le demande (Luc 12, 56), et déjà, dans l’Ancien Testament, l’Ecclésiastique : « Il annonce le passé et l’avenir. Il fait comprendre les choses cachées » (Siracide 42, 19). De même, le Prophète Agée dit : »Et maintenant, réfléchissez bien dans votre cœur, à partir d’aujourd’hui et pour l’avenir » (2, 15 à 19). C’est cette idée qui a été reprise par Jean 23, pour annoncer ce Concile : comprendre les signes des temps à la lumière de l’Evangile. Nous expliquerons plus loin ces mots « les signes des temps » si importants.

La situation du monde au moment du Concile. Au moment du Concile Vatican 2, les hommes vivaient des changements très importants, qui souvent leur posaient beaucoup de problèmes. Parmi ceux-ci, une différence de plus en plus grande s’est faite, entre les pays industrialisés qui deviennent de plus en plus riches, et des pays pauvres et même très pauvres. Non seulement sous-développés mais souvent bloqués dans leur développement, et dominés. On voit aussi apparaître de nouvelles idées aux niveaux social, économique et politique (dans la façon de vivre ensemble) : elles entraînent des oppositions entre les deux blocs de pays, communiste et capitaliste. Et aussi, entre les pays colonisateurs et colonisés. A l’intérieur même de ces différents pays, on voit des oppositions entre les différents groupes de la société, aussi bien qu’entre les ethnies (problèmes des minorités et des petits groupes écrasés).

Un début de mondialisation (la globalisation) : on commence à vivre au niveau du monde (du globe terrestre). Mais les gens ne se comprennent pas toujours, parce qu’ils n’ont pas la même civilisation : ils ne mettent pas les mêmes idées, sous les mêmes mots. Les plus forts cherchent à dominer et à écraser les petits. L’argent, le secteur tertiaire (les bureaux et les services), les multinationales (les sociétés internationales) et le système des banques prennent de plus en plus d’importance.

Des progrès techniques de plus en plus importants, à partir de la 2ème guerre mondiale. Mais ces progrès de la science profitent surtout aux pays industrialisés (modernes). Cela augmente encore plus la séparation, entre les différentes sociétés dans le monde. Les nombreuses découvertes de la science ne sont pas toujours utilisées selon la morale, ni pour le bien des hommes, dans le respect de leur dignité. Cela se voit dans tous les domaines, pas seulement au niveau de la biologie (la sexualité et les sciences de la vie), mais peut-être surtout dans les domaines de l’économie, de l’argent et du développement.

Un début de désacralisation : On perd le sens du sacré, on ne croit plus en Dieu. Les prières et la pratique religieuse diminuent, surtout dans certains pays d ’Europe « libérale ». C’est la laïcisation et la sécularisation.

Des oppositions dans les familles et contre l’autorité (les chefs) vont se montrer partout dans le monde, avec la Révolution Culturelle de 1968, mais cela se faisait déjà sentir au début de ce Concile. On refuse les enseignements des anciens, et la culture traditionnelle sous toutes ses formes.

Bien sûr, il n’y a pas que du mauvais dans tout cela. C’est même une grande chance pour créer une « terre nouvelle », dont parlait déjà le prophète Isaïe, selon la volonté de Dieu (Isaïe 65, 17 à 22 et 66, 22). Comme le dit le Concile lui-même : « Sous toutes ces demandes, il y a un désir très grand et général : les personnes et les groupes humains ont soif d’une vie pleine et libre, d’une vie digne de l’homme ».

Les années 1960 étaient donc des années difficiles, années bouleversées par les luttes de libération dans les pays du tiers-monde » et les luttes du mouvement ouvrier en Europe, par la guerre du Vietnam, par le choc pétrolier. Parmi tous les changements du monde auxquels le Concile a cherché à s’adapter, nous remarquons en particulier : l’arrivée de la méthode critique dans les Sciences Humaines. Les révoltes des populations et en particulier des jeunes. L’urbanisation : les gens viennent de plus en plus en ville ; cela change non seulement leur vie, mais aussi leurs idées. Comme on vient de le dire, la sécularisation, la crise de l’autorité, le matérialisme (on pense surtout aux choses matérielles et à l’argent, on oublie les choses de l’esprit) et les problèmes économiques. Les relations et les échanges entre les différentes religions augmentent, avec les émigrés et les voyages qui sont devenus plus faciles. Mais cela entraîne souvent des chocs, parce que les gens ne se comprennent pas. On perd le sens de la vie. Il y a des oppositions entre les différentes théories modernes, et les gens refusent les systèmes et les grandes idées (les idéologies). Les media (moyens de communications : téléphone, radios, télévisions..) deviennent de plus en plus importants, avec l’arrivée d’Internet. Il y a aussi les attaques contre la vie et contre la famille, les dictatures et le terrorisme, la destruction de l’environnement (la nature) et beaucoup d’autres choses encore, pour le côté négatif (les choses mauvaises). Mais ce Concile ne veut pas voir seulement les choses négatives (ce qui ne va pas). Il veut voir aussi le positif (ce qu’il y a de bon dans tous ces changements), pour porter sur le monde, un regard de confiance et plein d’espérance.

L’Eglise avait donc commencé à changer, et l’arrivée du Pape Jean 23 a entraîné un déclic. Jean 23 sent la nécessité de mettre l’Eglise à jour (aggiornamento). Il a donc l’idée de génie, inspiré comme il l’a dit par le Saint-Esprit, de convoquer un nouveau Concile « pour ouvrir les fenêtres, aérer l’Eglise et laisser entrer le soleil, pour la dépoussiérer et qu’elle puisse redevenir jeune, s’ouvrir au monde moderne et être à l’aise avec les hommes de ce temps, en répondant à leurs besoins »

Le déroulement du Concile Vatican 2. 

Ce concile a été ouvert par le Pape Jean 23, le 11 octobre 1962. Il s’est achevé le 8 décembre 1965 avec la Pape Paul 6. C’est certainement l’événement le plus important de l’Eglise au 20° siècle, par son ouverture au monde et à la culture modernes. Pour ce deuxième Concile du Vatican, le bon pape Jean 23 a convoqué le concile de lui-même, sans consulter les cardinaux et à la surprise générale, le 25 janvier 1959, seulement trois mois après son élection. Et sans qu’il n’y ait aucun danger grave ni problème urgent, qui en soit la cause. Au moment de Vatican II, il n’y avait pas de grands changements ou de crises dans l’Eglise. Mais plutôt la nécessité d’adapter la vie de l’Eglise et l’enseignement de l’Evangile, aux idées modernes et au monde de ce temps. Ce que Jean XXIII appelait l’aggiornamento. Au début, il n’a donné qu’un but général et vague à ce concile : changer l’Eglise de l’intérieur, augmenter son témoignage dans le monde et le dialogue avec les autres groupes chrétiens. Ce sont les évêques et les circonstances qui feront préciser les buts recherchés, et avancer les choses. Mais dès le début du concile, Jean 23 dit qu’il s’agit de proposer la foi, sans vouloir condamner des nouvelles erreurs, mais en cherchant ce que Dieu veut nous dire, à travers les signes des temps : »Nous ne ferons pas les prophètes de malheur, qui voient seulement les ruines, et la chute du monde à venir».

Cela nous montre que les choses peuvent changer et avancer peu à peu, dans l’Eglise. En 1960, beaucoup de théologiens étaient découragés. Le monde changeait rapidement, mais l’Eglise ne suivait pas. Et le synode de Rome n’avait pas donné beaucoup de résultats. Au début du Concile, beaucoup d’évêques voulaient un concile rapide, où on aurait simplement voté de nouveaux textes (des vérités à croire), en particulier sur la Vierge Marie. Et où on aurait condamné le communisme et les idées modernes. Mais peu à peu les évêques ont compris que ce n’était pas la solution. Et que les problèmes étaient plus compliqués que cela. Ils ont donc commencé à parler ensemble et à discuter, sans être tous d’accord. Cela a permis à beaucoup d’évêques de comprendre la nouvelle théologie, qui était apparue dans différents pays, suite à des travaux très importants, mais qu’ils ne connaissaient pas. Tout cela leur a ouvert l’esprit, et leur a permis d’avancer. Ils ont écrit d’abord des documents sur la vie intérieure de l’Eglise, en commençant par la liturgie (la façon de célébrer l’Eucharistie et les sacrements). Ils ont réfléchi à la Parole de Dieu, à la liberté religieuse et aux relations avec les autres religions. Ensuite, le document « L’Eglise dans le monde de notre temps » (GS), que nous allons étudier, parlera des rapports de l’Eglise avec le monde actuel: « en cherchant à lire les signes des temps, pour répondre aux questions des hommes actuels, sur le sens de la vie. Et en regardant aussi vers le futur (Luc 9, 62), et non vers le passé…Il est important de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique» (GS 4, 1).

Il y aura des tensions à la mort de Jean 23, pour nommer le nouveau pape qui allait continuer le concile. C’est difficilement que le cardinal Montini a été choisi, pour devenir Paul 6. Mais tout de suite, il annonce que le Concile va continuer, et c’est ce qui s’est fait. Paul 6, à la suite de Jean 23, a été très ouvert. Il a accepté la recherche, et les changements que les évêques demandaient. Bien qu’il ait un caractère différent de Jean 23. Celui-ci laissait les choses se faire. Paul 6, après un temps de liberté, a repris les choses en main, pour garder l’unité de l’Eglise. Mais les choses ont continué d’avancer. Il faut donc garder l’espoir nous aussi, et croire que l’Eglise peut continuer à avancer, malgré les difficultés.

La composition du Concile

A l’ouverture, le 11 octobre 1962, il y avait 2251 évêques venus de 136 pays. Les européens étaient encore de loin les plus nombreux (835 dont 385 italiens). Mais il y avait quand même 577 évêques d’Amérique Latine (dont 171 brésiliens), 273 évêques de l’Amérique du Nord (dont 196 des Etats-Unis), 173 venus d’Afrique et 63 de l’Océanie. C’est donc un vrai Concile œcuménique (universel) qui a écrit 4 Constitutions, 9 Décrets, et 3 Déclarations. C’est pourquoi un grand écrivain catholique (François Mauriac) a pu écrire : « Ces évêques de toutes races et de toutes couleurs qui ont accouru à Rome, annoncent la fin de la conquête coloniale et de la domination européenne dans l’Eglise. Nous sommes devenus des frères, là où les européens étaient des maîtres ». Et c’est vrai que maintenant l’Eglise est vraiment devenue catholique, au moins dans la race des évêques (pas toujours dans leur culture et leurs mentalités !).

Il y avait pourtant des évêques absents, ceux de Russie et d’Asie, car les pays communistes les ont empêchés de venir. Et malgré cela, le Concile ne condamnera pas le communisme, mais il gardera une attitude de dialogue malgré tout (voir plus loin).

Et il n’y avait pas que des évêques Il y avait aussi 487 théologiens et 42 observateurs laïcs.

Malgré tout, les déclarations devaient se faire en latin et beaucoup d’évêques ne parlaient pas bien cette langue ; ce qui a été une limite à la liberté d’expression.

Un changement de méthodes

Au début, beaucoup d’évêques se sont plaints : ils ont trouvé que le programme n’était pas clair, et que la préparation n’était pas bonne. Mais surtout les cardinaux de Rome (la Curie) avaient préparé des textes à l’avance, qu’ils voulaient faire voter par les évêques, sans rien changer. Ils pensaient que ces textes allaient être votés sans difficultés. Mais les évêques étaient venus du monde entier, avec les questions de leur pays. Ils ont réclamé une autre façon de travailler, qui a été acceptée par Jean 23. Cela a donné une plus grande liberté de pensée et de parole, à tous les évêques. Le 3ème jour, le 13 octobre 1962, les évêques devaient choisir les membres des 10 commissions de travail, pour écrire les différents textes. Le Cardinal Liénart, évêque de Lille en France, se lève et dit que ce n’est pas normal, que les cardinaux de Rome dirigent tout. Il demande que les évêques se parlent entre eux, pour voir comment ils vont travailler. La semaine suivante, un cardinal du Vatican très traditionnel, Ottaviani, fait un discours sur la liturgie. Le cardinal Alfrink, évêque d’Utrecht en Hollande, qui dirigeait les débats, lui coupe le micro. A partir de ce moment-là, les évêques vont décider ensemble par eux-mêmes ce qu’ils veulent faire, sans que les cardinaux de Rome leur imposent obligatoirement leurs idées. Le 20 novembre, le premier texte sur la liturgie, préparé par les cardinaux de Rome, est rejeté par les évêques. Le pape Jean 23 donne raison aux évêques. Les travaux vont donc pouvoir commencer dans la liberté.

Cela nous montre que les textes du concile n’ont pas été votés directement. Il y a eu beaucoup de réflexion et de discussions, et même des oppositions. Mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’à la fin tous ces textes ont été votés à une très grande majorité. Ce qui montre bien que dans l’Eglise, il est important que chacun donne ses idées, et parle librement. C’est cela qui fait avancer les choses, et donne de bons résultats.

La première session se termine le 8 décembre 1962. Aucun texte n’a été voté, parce qu’il y a eu de grandes discussions entre les évêques traditionnels et les progressistes, au sujet de la liturgie. En particulier, pour savoir si on allait garder le latin, ou parler les langues modernes. Et aussi au sujet de la participation des fidèles dans la liturgie. De même, les évêques n’arrivaient pas à se mettre d’accord pour le document sur la Parole de Dieu. Ni sur les moyens de communication (les médias), sur le rôle des évêques (la collégialité) et sur les églises orientales (de l’Est). Les évêques retournent donc dans leurs diocèses pendant neuf mois. Pendant ce temps-là chacun va réfléchir. Ils vont parler avec ceux qui les entourent, et ils reviendront en septembre suivant. Cela pendant quatre années. Il y aura au total 300 séances de travail. Mais il faut dire que le Concile a récolté les résultats de tout le travail qui avait été fait les années précédentes, dans les diocèses et par les mouvements d’action catholique, pour les questions liturgiques, bibliques et œcuméniques. Et aussi toutes les réflexions qui avaient été faites par les théologiens, sur la Parole de Dieu, la responsabilité des laïcs, la guerre et la paix, la liberté religieuse etc.

De quel droit les évêques se sont-ils ainsi adressés au monde entier, à tous les hommes, pas seulement aux chrétiens ? C’est au nom de l’Evangile, qui est la base de l’Eglise, qui vient de Dieu lui-même, et donc qui s’adresse à tous les hommes que Dieu a créés. Paul nous dit « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ». Les évêques ont donc prié et écouté le St Esprit, qui leur parlait dans le cœur, à la suite de Jésus lui-même (voir Luc 10, 21). Si les évêques se sont adressés ainsi à tous les hommes, c’est parce qu’ils font partie de l’histoire de l’Eglise, qui accompagne les hommes depuis plus de 2000 ans. Au titre de cette expérience aussi, ils ont le droit de parler.

Les différents papes du concile

Jean 23

Saint Jean dit au début de son Evangile (1,6) : « Il y eut un homme, envoyé de Dieu ; son nom était Jean » Et il ajoute : « Il vint pour témoigner, pour rendre témoignage à la lumière » Au commencement du Concile, il y eut aussi un homme, nommé Jean 23. Il avait d’ailleurs choisi ce nom en mémoire de Jean Bapiste, le prophète des temps nouveaux. Jean XXIII fut prophète lui aussi, proclamant par la conversion des coeurs – l’aggiornamento ! – une ère renouvelée pour l’Eglise et son message de salut à délivrer au monde,

Jean 23 a beaucoup marqué ce Concile.

Il s’appelait Angelo Giuseppe Roncalli. Il est né en 1981 dans un village du nord de l’Italie, dans une famille pauvre. Comme jeune prêtre, il est secrétaire de l’évêque de Bergame, qui travaillait beaucoup au niveau social pour les pauvres. En 1921, il est responsable des OPM (Œuvres Pontificales Missionnaires) pour toute l’Italie. Cela lui fait connaître tous les diocèses du pays, mais aussi le travail des missionnaires italiens dans le monde entier. Il est nommé bientôt délégué apostolique en Bulgarie, dans un pays orthodoxe. Ce qui lui fait connaître cette religion chrétienne non catholique. En 1935, il est nommé en Turquie dans un pays musulman. Il se montre toujours très gentil et souriant, mais en même temps très fort dans la diplomatie, comme représentant du Vatican. En 1953, il est nommé évêque de Venise et Cardinal. Jean 23 est élu pape à 77 ans le 28 octobre 1958. Et tout de suite il étonne les gens. Il prend comme nom de pape : JEAN, un prénom qui n’avait pas été utilisé depuis 500 ans. Il sort du Vatican pour aller visiter son diocèse, le diocèse de Rome. Il annonce un Concile pour l’Eglise catholique en janvier 1959, trois mois seulement après sa nomination comme pape. Il était travailleur et courageux : Il a suivi le début du Concile devant son bureau, à la télévision, parce qu’il était trop malade pour assister aux travaux. Mais il a suivi les choses avec soin : c’est lui qui a permis, que le Concile aille jusqu’au bout.

Le jour de sa béatification, Jean Paul 2 disait : « le Pape Jean 23 a laissé dans le souvenir de tous, l’image d’un visage souriant et de deux bras ouverts pour embrasser le monde entier. » En effet, c’est un homme simple et souriant, quelqu’un qui a confiance dans les hommes et dans le monde, parce qu’il compte sur la grâce de Dieu. Venu d’un milieu pauvre, il vit aussi dans une vraie pauvreté spirituelle (l’humilité). A cause de cela, il est à la fois très libre et très positif (optimiste). Pour lui, l’amour du Christ et de l’Eglise et l’amour des hommes et du monde, tout cela va ensemble. Quand Jean 23 a été élu, on pensait qu’il serait un Pape conservateur et de passage. Mais il a surpris tout le monde, en appelant ce Concile « pour ouvrir les fenêtres de l’Eglise, par amour du monde, et par amour des hommes de ce temps ». Il veut dire aux hommes que Dieu les aime. Et qu’Il aime ce monde qu’Il a lui-même créé. Il veut rendre meilleur ce qu’il y a de bon dans l’homme, même si celui-ci connaît aussi le péché. Il a confiance à la fois en Dieu et en l’homme, parce qu’il croit en un Dieu qui s’est fait homme. C’est pourquoi, il annonce le Concile de cette façon : « Certaines personnes sont très touchées, par le mal qu’il y a dans le monde. A cause de cela, elles pensent que le monde est complètement dans la nuit. Moi, je veux mettre ma confiance en Dieu, qui sauve les hommes. Dieu n’a pas abandonné les hommes pécheurs. Au contraire, Il nous a rachetés. Jésus nous demande de voir les signes des temps. Et je vois aujourd’hui, beaucoup de signes qui annoncent des temps meilleurs, pour l’Eglise et pour tous les hommes ». A l’ouverture du Concile, Jean 23 dit : « Je ne suis pas d’accord avec les gens qui annoncent des malheurs. Ni avec ceux qui voient seulement des catastrophes et des désastres dans le monde d’aujourd’hui ». C’est cette façon de voir les choses qu’on appelle l’ouverture au monde. Jean 23 ne dit pas que tout est bon dans le monde, mais il regarde en premier les bonnes choses et les valeurs. Et il propose au monde ce qui lui manque, en partant de la vie et des paroles du Christ.

Au moment de son élection Jean 23 a donné 3 buts à l’Eglise : la vérité, l’unité et la paix, à vivre dans un esprit de charité. 

Au sujet de la vérité, Jean 23 a insisté sur l’importance de se tenir au courant, des nouvelles connaissances apportées par les sciences modernes, spécialement au sujet de l’homme. Il a demandé de respecter la parole de Dieu, et la vérité enseignée par l’Eglise. Mais en laissant la liberté aux théologiens, pour continuer leurs recherches et réfléchir à la foi. Car ces recherches et les discussions peuvent amener à mieux comprendre la vérité, que Jésus nous a apportée. Et c’est pour cela que, en plus des évêques, Jean 23 a invité au Concile des théologiens prêtres et laïcs, de même que d’autres observateurs laïcs, mais aussi des gens des autres religions chrétiennes.

Pour l’unité dans le monde, Jean 23 a insisté sur le progrès des relations entre les hommes. Après les grands malheurs de la 2ème guerre mondiale, les souffrances supportées ensemble ont réuni les hommes. Cela les pousse à mettre des meilleures relations entre les pays.

Pour la paix, le Pape a dit aux pauvres et aux opprimés (les personnes écrasées), que l’Eglise était avec eux. Il a rappelé la Doctrine Sociale de l’Eglise, pour supprimer les injustices dans le monde et mieux partager les richesses de la terre. Il a insisté pour que les citoyens puissent vivre dans la liberté, et en étant respectés.

Paul 6

Il est très différent de Jean 23. C’est un intellectuel sérieux, d’une famille noble, avec une grande expérience de la diplomatie. Mais il continue Jean 23 à sa manière. Rapidement, après sa nomination, il écrit une Lettre sur l’Eglise « Ecclesiam Suam », où il demande le dialogue de l’Eglise, avec tous les hommes et avec le monde. Il explique comment doit se faire ce dialogue. Et quelles en sont les bases dans la Parole de Dieu : l’Eglise aime les hommes à la suite du Christ, elle veut les rencontrer, leur parler mais aussi les écouter.

C’est cette idée-là qui poussera le Concile à écrire le document sur « l’Eglise dans le monde de ce temps ». On y parle du monde moderne. Et non pas du monde mauvais, du monde du péché, comme Saint Jean dans son Evangile. Dans ce texte, il ne s’agit pas d’exposer des théories économiques, sociales ou politiques, ou de donner des solutions à ce niveau. Le Concile cherche simplement à donner des principes, pour guider les recherches et les activités des hommes, en insistant sur certaines choses importantes : d’abord la dignité absolue de la personne humaine, la nécessité de chercher le bien commun, l’importance de responsabiliser les personnes, de donner leur place aux pauvres et la possibilité à tous d’agir (la subsidiarité), la liberté, etc… Donc à chaque fois, il s’agit de l’homme qui est toujours mis au centre, avec toute sa vie, ses joies comme ses peines. Pour le Concile, il faut écouter les hommes avant de parler. Et toujours avec un regard bon sur le monde, plein d’admiration pour ce qui se fait, de respect pour les personnes, et d’amour de la société et du plus petit. Mais bien sûr, sans oublier les problèmes, les souffrances, les choses mauvaises, comme la guerre, etc… Mais là encore, on regarde ce monde, comme un médecin regarde son malade : avec amour. Comme le Samaritain a regardé le blessé sur la route (Luc 10, 25 à 37). Et comme le disait Paul 6, dans son discours du 13 Janvier 1966, à la noblesse romaine. » Il ne s’agit pas de condamner le monde, mais de rassembler toutes les bonnes volontés pour agir » (Discours de Paul VI au Corps diplomatique, le 8 Janvier 1966).

Il s’agit donc de vivre l’Espérance chrétienne, en participant à l’histoire des hommes. Comme l’a fait Jésus qui s’est fait homme, en se laissant conduire par l’Esprit Saint, dans un monde bon puisque créé par Dieu. Il s’agit d’un message religieux, mais qui n’est pas imposé du dehors, et qui ne vient pas d’en haut. On part de l’homme et des situations réelles, pour chercher ce que Dieu dit à l’homme actuel, tel qu’il est. Avec ses limites, mais sauvé par le Christ. On cherche à transformer le monde, ensemble avec tous les hommes, pour y faire naître le Royaume de Dieu, un Royaume qui justement est ouvert à tous : un Royaume, comme le dit la Préface du Christ Roi, « de grâces et de vérité, d’amour et de pardon, de justice et de paix ». Le Concile fait donc un lien très fort entre les valeurs humaines et les valeurs chrétiennes, puisque toutes viennent de Dieu. C’est d’ailleurs cela qui permettra de faire vraiment entrer l’Evangile, dans les cultures et les civilisations des hommes (l’inculturation). Et d’arriver à une vraie évangélisation du monde, comme nous le demande le synode d’octobre 2012. C’est pourquoi, pendant le Concile lui-même, Paul 6 va jusqu’à New York, pour parler aux Nations Unies. Et les Evêques décident d’inscrire ce discours, dans les documents mêmes du Concile.

Ceci est très important pour nous, 50 ans après le Concile. Car certains groupes de prières chrétiens auraient tendance à ne voir que le péché et le mal dans le monde. PAUL 6 a expliqué lui-même, le dernier jour du Concile, le 7 décembre 1965, l’esprit de Vatican 2 : « Notre Concile s’est beaucoup intéressé à étudier le monde moderne. Jamais avant, l’Eglise n’avait autant senti le besoin de connaître la Société qui l’entoure, de l’approcher, de la comprendre, d’entrer en elle, de la servir et de l’évangéliser. Pour la suivre dans ses transformations rapides qui ne s’arrêtent jamais ... C’est ce que Jésus a fait, Lui, le Fils de Dieu venu sur la terre. Quand il s’est fait homme, il a partagé toute notre vie : il a parlé aux hommes, il les a servis, il les a guéris, il leur a annoncé la bonne nouvelle de l’Evangile –pas seulement par ses paroles mais par sa vie tout entière- et il les a sauvés. Le Concile a cherché à vraiment dialoguer avec le monde. Mais sans accepter « l’humanisme païen et profane, qui est une religion de l’homme, qui veut se faire dieu ». Car il est important de ne pas être naïf, et de comprendre clairement ce qui se passe dans le monde moderne, si on cherche à l’aimer en vérité. Et si on le regarde avec « le réalisme de l’espérance », comme le dira le synode des évêques de 1985. Paul 6 expliquait encore : « On ne peut pas accuser le Concile d’avoir manqué d’esprit religieux. Ni dire qu’il n’a pas été fidèle à l’Evangile, parce qu’il a donné la première place à l’homme, et qu’il s’est ouvert à la société et au monde des hommes. C’est le Christ lui-même qui nous apprend, que le signe des chrétiens, c’est d’aimer leurs frères (Jean 13, 35). Comme l’explique encore Saint Jean : « Tu n’aimes pas ton frère que tu vois. Comment alors aimer Dieu que tu ne voies pas ? ». (1er Jean 4, 20).

Jean-Paul 2

Il a participé au Concile, il y a beaucoup travaillé. Il va donc continuer le travail du Concile, et le mettre en pratique. Il cite souvent le document « l’Eglise dans le monde de ce temps », en particulier le n° 22 « le Christ, homme nouveau ». Il explique dans sa Lettre pour le début du 3ème Millénaire que  « l’homme est la route de l’Eglise… parce que l’homme a été racheté par le Christ. Le Christ s’est uni à tous les hommes, sans oublier personne. Même si beaucoup d’hommes ne le savent pas. Il faut donc aller à la fois de l’homme vers Dieu, et de Dieu vers l’homme, par le Christ ». C’est pour rencontrer les hommes que Jean-Paul 2 a fait autant de voyages, dans le monde entier : pour connaître les hommes, leur vie, leurs espoirs et leurs problèmes. Et aussi pour voir comment appliquer l’enseignement du Concile, aux choses nouvelles qui arrivent dans le monde, au fur et à mesure du temps. Car le monde continue d’avancer…. Et c’est ce que nous devons chercher à faire, nous aussi.

Benoit 16

Il a participé activement au Concile, comme théologien. Actuellement, tout le monde n’est pas d’accord, sur la façon de comprendre les textes du Concile. Certains catholiques l’ont même complètement rejeté, comme les disciples de Monseigneur Lefebvre (les intégristes). Ceux qui veulent mettre le Concile en pratique ne sont pas toujours d’accord non plus, sur la façon de le faire. Ni jusqu’où il faut aller. Faut-il laisser le passé, car le monde a changé, et faire des choses nouvelles ? Ou bien faut-il continuer à avancer, mais en partant des idées et des façons de faire passées ? Il est sûr que Benoît 16 est plutôt pour cette 2ème façon de faire. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir de très bonnes idées, et de tracer des chemins importants pour l’Eglise d’aujourd’hui.

Comprendre le concile dans son histoire

Pour comprendre le Concile, et voir comment le vivre aujourd’hui, il est absolument nécessaire de voir l’évènement du Concile et son histoire, et pas seulement ses textes (d’après la revue : Recherche de sciences religieuses de janvier-mars 2012, Tome 100/1). Déjà, si on veut bien comprendre les documents que le Concile a écrit, on ne peut pas se limiter aux décisions finales. Il faut voir tout ce qui a permis d’arriver à ces conclusions. Mais d’abord, comment s’est passé Vatican 2 ? Quelle est la signification de cette histoire, du Concile ? Car chaque Concile s’est passé d’une façon différente. Quels sont les différents évènements qui ont marqué l’histoire du Concile Vatican 2, et qui nous permettent de mieux le comprendre ?

L’annonce même du Concile a été une grande surprise. Personne ne s’y attendait. Ce fût une décision personnelle de Jean 23 tout seul. Il n’en a pas parlé avant, avec les cardinaux. Il a dit lui-même que c’était une inspiration subite. Jean 23 a expliqué que l’on était arrivé à une nouvelle étape de l’histoire, en particulier après la Deuxième Guerre Mondiale, et toutes les transformations qu’elle a entraînées dans le monde entier. Il a dit : « C’était donc nécessaire de voir ce qui appartient à l’Evangile éternel, et ce qui est une transformation de l’Eglise de ce temps…  car nous entrons dans une époque, que l’on peut appeler universelle… Il est donc important, comme nous le demande Jésus, de découvrir les signes des temps… et au milieu de notre nuit, de découvrir le Seigneur qui nous annonce des temps meilleurs… car l’Eglise est la ligne d’arrivée d’une époque nouvelle…  Les circonstances du monde actuel sont différentes, de celles du Concile de Trente, il y a 400 ans. Mais le moment actuel est tout aussi important, pour l’Eglise et pour la santé du monde ». Cela veut dire que, ce qui a été dit au Concile devra aussi continuer à être adapté, dans un monde qui change selon les époques.

Dès le début du Concile, les évêques ont refusé le plan d’action, préparé à l’avance par les cardinaux de Rome. Ils ont vu tout de suite que ces documents ne respectaient pas ce que Jean 23 voulait. Jean 23 n’avait pas voulu un programme tout fait à l’avance, malgré le désir de certains cardinaux. Il pensait que « en écoutant le Saint Esprit, les évêques trouveraient eux-mêmes, le chemin à suivre pour faire le travail », comme il l’a dit lui-même.

Jean 23 a voulu un concile pastoral. Non pas des idées ou des documents théoriques (doctrinaux), dont on tirerait ensuite des conclusions pour le travail pastoral de l’Eglise. Il a voulu des écrits qui soient directement de la pastorale (les activités de l’Eglise), et que l’on peut mettre immédiatement en application. Ce ne sont plus des textes pour dire avec des grandes théories les vérités de la foi, ce sont des textes qui indiquent comment l’Eglise doit travailler dans le monde, avec les hommes. Le Concile Vatican 2 a écrit un certain nombre de textes. Parmi ces textes, il y en a quatre importants, que l’on appelle des Constitutions. La première Constitution parle de la liturgie, la façon de prier et de célébrer (en latin : De Sacra Liturgia, DS). La deuxième, sur l’Eglise (la lumière des peuples, en latin Lumen Gentium: LG). La troisième, sur la Révélation divine (la Parole de Dieu, en latin Dei Verbum : DV). Et enfin la Constitution Pastorale, que nous allons étudier : « l’Eglise dans le monde de ce temps » (en latin Gaudium et Spes : GS). C’est de cette constitution qu’il s’agira, quand je dirai : « notre document » ou bien GS.

Pour Jean 23, il fallait donc dégager l’Evangile, des choses qui s’y étaient ajoutées au cours de l’histoire. Pour pouvoir présenter l’Evangile en lui-même, aux hommes de ce temps. Le Concile devait être une nouvelle Pentecôte, un grand évènement vivant de l’Eglise, et non pas une occasion d’écrire des documents. Nous avons commencé une nouvelle étape de l’histoire, dans un monde nouveau. Il faut donc une nouvelle présentation de l’Evangile, adaptée aux hommes d’aujourd’hui. Comme le disait Jésus lui-même : « on ne met pas le vin nouveau dans des vieilles outres » (Mat 9,17).

Actuellement, il y a de grandes discussions pour savoir si le Concile Vatican 2 a été une continuation de l’enseignement de l’Eglise, ou une rupture (une cassure). Pour Jean 23, c’est une continuation obligatoire de l’enseignement de l’Evangile, mais qui doit prendre des formes différentes, d’après les moments de l’histoire… et cela devra se faire sans arrêt, tout en cherchant à rester totalement fidèle à l’Evangile. C’est cela la « mise à jour » (aggiornamento) que Jean 23 a voulu. Il n’a pas voulu que le Concile soit un retour aux habitudes passées, qui nous ferait retrouver une manière soi-disant vraie de vivre l’Evangile, comme au premier temps de l’Eglise. Au contraire il a voulu aider à vivre la vérité de l’Evangile, dans le monde d’aujourd’hui. En le libérant de tout ce que les moments passés de l’histoire y ont ajouté, et qui ne sont pas nécessaire à l’Evangile. C’est cette purification (nettoyage) qui permettra de vivre à la fois, la pureté de l’Evangile, et sa valeur pour le monde actuel. Cet effort est à poursuivre sans cesse. Il est à refaire aujourd’hui, 50 ans après le Concile.

Ce que Jean 23 a fait est donc très important. Cela veut dire qu’à partir de Vatican 2, la Parole de Dieu doit être sans arrêt actualisée, c’est-à-dire adaptée au monde actuel et aux choses présentes. Elle doit être à nouveau interprétée (expliquée et comprise) à partir des nouvelles connaissances scientifiques, et à partir de l’histoire du monde actuel qui avance. L’enseignement de l’Eglise ne peut pas être fixé une fois pour toute, par un Concile. Il ne s’agit plus de revenir à chaque fois aux vérités éternelles de la foi, mais de voir comment l’Evangile éternel doit être compris et vécu aujourd’hui, dans les situations nouvelles. «  Pour permettre une nouvelle Pentecôte ». (radio message du 11/09/1962).

Le Concile a été l’Eglise en action parce que les évêques ont vraiment écouté l’Evangile (voir par exemple le début du document sur la Révélation : la Parole de Dieu). On ne peut pas annoncer la Parole de Dieu, si on ne l’a pas d’abord écoutée. Et si on ne la comprend pas. Or cette Parole est toujours actuelle, vivante et adaptée aux hommes auxquels Dieu parle. Tout cela est bien sûr à continuer jusqu’à maintenant. Le Concile a voulu réfléchir à l’Evangile tout entier, et pas seulement à l’une ou l’autre question de l’Eglise. Ce qui n’aurait servi qu’à répéter une nouvelle fois, ce que les conciles et les papes précédents avaient déjà dit. Pour cela, il n’y avait pas besoin d’un nouveau concile. Mais pour revoir ainsi l’enseignement de l’Eglise dans sa totalité, et pour voir comment le vivre dans le monde actuel, il fallait un conseil œcuménique, rassemblant les évêques du monde tout entier. Et utiliser les méthodes de travail de la pensée moderne. « Car on n’a pas changé le contenu de la foi, on a changé la façon de dire la foi, pour qu’elle soit comprise par les hommes d’aujourd’hui. En cherchant avec beaucoup de patience, et en disant les choses d’une façon pratique (pastorale) » comme l’a expliqué Jean 23 lui-même. 

Paul 6 a beaucoup insisté sur l’idée de service, à la suite de Jésus qui est venu « non pas pour être servi, mais pour servir », et donner sa vie pour le plus grand nombre d’hommes. Par le Concile, l’Eglise a voulu vraiment se mettre au service du monde. Paul VI disait encore : « le monde moderne cherche les résultats (le rendement) et l’utilité des choses. Ce Concile a certainement une grande valeur pour le monde moderne. Car il a voulu lui aussi être utile à l’homme. L’Eglise catholique est au service de l’homme. Elle est même la vie de l’humanité. Car pour connaître vraiment ce que l’homme est en profondeur, il faut connaître Dieu. L’Eglise donne un sens à la vie des hommes. Et elle donne à la vie des hommes une force très grande, qui vient de Dieu lui-même ».

C’est pourquoi Jean 23 a refusé que le Concile fasse des condamnations : « Le temps des condamnations est fini ». Il explique, dans son discours d’ouverture du Concile : « L’Eglise s’est toujours opposée aux erreurs. Souvent, elle les a même condamnées, avec beaucoup de sévérité. Maintenant l’Eglise, épouse du Christ, préfère employer les moyens de la miséricorde (de la bonté qui pardonne), plutôt que ceux de la sévérité. Elle préfère répondre aux besoins d’aujourd’hui, en montrant la valeur de son enseignement, plutôt qu’en recommençant à condamner ». Les évêques ont écouté Jean 23. Le Concile n’a condamné personne, ni aucune idée, pas même le communisme. Paul 6 disait : « L’homme moderne est à la fois riche et pauvre de cœur, fort et faible ». L’Eglise a voulu être comme le bon Samaritain, sans juger et condamner le monde. En 1965, le bloc communiste était encore très fort. C’était encore la guerre froide entre l’Est et l’Ouest. De nombreux chrétiens étaient persécutés, et même tués dans les pays communistes. Les évêques n’ont pas voulu condamner le marxisme. Ils ont plutôt fait confiance dans la grâce de Dieu, qui peut changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, comme le disait déjà le prophète Ézéchiel (11,19 et 36,26). Car tout n’est pas mauvais dans le monde moderne, au contraire. Même s’il doit être évangélisé, comme toutes les étapes précédentes de l’histoire des hommes.

C’est ce refus de condamner, qui a amené le Concile à parler d’une manière différente des conciles précédents. Le Concile Vatican 2 cherche plus à convaincre, qu’à enseigner des vérités qu’on ne pourrait pas discuter. Il s’adresse directement aux hommes, dans la situation qui est la leur. Il propose des choses en les expliquant, sans vouloir les imposer. Ni dire qu’elles sont obligatoirement valables, toujours et partout. Les textes ne sont donc pas écrits sous forme de « canon ». Au contraire, tout de suite après le Concile, on a revu l’ancien Droit Canon, non seulement dans son texte, mais dans son esprit (ses idées) et ses orientations (sa direction). Le Concile a cherché à utiliser une langue ordinaire et des mots simples, pour être compris par tout le monde, et non pas des mots trop compliqués. C’est important que nous en fassions autant.

Cela a entraîné une nouvelle façon de prier et de célébrer la messe et les sacrements (la réforme liturgique), de vivre la vie religieuse, ou de former les prêtres, par exemple. Vatican 2 présente une nouvelle idée du rôle de l’évêque et des prêtres. Et une nouvelle explication de la place et du travail des laïcs, dans l’Eglise et dans le monde. Cela change beaucoup l’idée que l’on a de la mission de l’Eglise, et de ses activités missionnaires. Vatican 2 amène une autre idée de l’Eglise. Et une autre façon de la présenter. Elle a une idée nouvelle de sa place dans le monde, et de ses relations avec les autres Eglises chrétiennes ou les autres religions. On a pu dire : ce ne sont plus comme les décisions d’un roi ou d’un président (qui seraient imposées d’en haut), ce sont comme des déclarations d’une assemblée législative de députés (qui ont été discutées tous ensemble).

Une autre qualité de ce Concile, c’est qu’il a voulu être œcuménique (ouvert aux autres religions chrétiennes). Dès le début, Jean 23 « invite à nouveau les fidèles des églises séparées, à participer avec nous, à ce banquet de grâces et de fraternité ». Il parle d’un Concile d’union : cette recherche de l’union est évidemment à poursuivre aujourd’hui, malgré les difficultés.

Jean 23 a su écouter aussi ce que disaient les gens (l’opinion publique). Par exemple au sujet de la liberté religieuse, des juifs ou des religions non chrétiennes. Les Eglises séparées de Rome ont participé au Concile, grâce à leurs observateurs. Leur présence a beaucoup agi, sur la façon de réfléchir aux problèmes, et ensuite d’écrire les documents. Ce sont les évêques qui ont voté les textes, mais ce que pensaient les gens de l’extérieur, même les non chrétiens et les autorités politiques, a été très important. Toutes ces personnes suivaient le travail du Concile, et les évêques faisaient très attention à ce qu’ils disaient. Les conseillers des évêques ont eu aussi un rôle très important, pour aider les évêques à réfléchir, et à penser aux conséquences de ce qu’ils disaient. Ce sont même les théologiens et les philosophes qui avaient été interdits d’enseigner avant le Concile, qui ont apporté les idées les plus importantes, au Concile lui-même. Le monde entier a suivi le Concile, par la radio et la télévision. C’est ce qui a permis non seulement aux chrétiens, mais aussi aux autres hommes, de connaître les idées de l’Eglise et de les comprendre.

Dans les conciles passés, les orientations générales (le chemin suivi) et même l’écriture des textes (la rédaction) dépendaient directement du pape. Au Concile Vatican 2, Jean 23 a donné une liberté totale aux évêques. Il accepte par exemple, quand les évêques refusent le document préparatoire, sur les sources de la révélation. Paul 6, qui remplace Jean 23, respectera cette liberté. Il continuera de travailler avec les évêques. La différence c’est qu’il cherchera surtout l’unanimité (que tout le monde soit d’accord), alors que Jean 23 voulait surtout la liberté. Cela doit nous faire réfléchir, quand nous voyons qu’actuellement, on veut diriger beaucoup de choses de l’Eglise, depuis Rome. Et que les papes prennent de plus en plus les choses en mains. Alors qu’elles deviennent de plus en plus compliquées, et différentes selon les parties du monde et les cultures. Ainsi, pour les Synodes, ce ne sont pas les évêques qui rédigent la déclaration finale, comme pour le Concile. C’était Jean Paul 2, et maintenant Benoît 16, après plusieurs mois ou même plusieurs années de réflexion et d’écriture. Nos 2 synodes n’ont pas été des synodes africains, mais des synodes de l’Eglise universelle pour l’Afrique. C’est à Rome qu’ils ont eu lieu, pas en Afrique. Et sans la présence de laïcs, contrairement au Concile Vatican 2.

Une dernière chose importante, le Concile a été une liturgie. Les rencontres se passaient devant l’Evangile qui était amené en procession, chaque matin. On amenait l’Evangile ouvert, dans la prière. On ne le posait pas sur un pupitre, mais sur un trône devant tous les évêques, pour bien montrer que c’était le Christ Roi lui-même qui dirigeait la réflexion. Le Concile a commencé par une grande prière à l’Esprit Saint. Chaque rencontre commençait, par une célébration de l’Eucharistie. Si nous voulons comprendre le Concile, et le mettre en pratique, c’est absolument nécessaire que nous le vivions nous aussi, dans la prière et la liturgie. Et à partir de l’Evangile qui est le centre de notre foi et de notre vie. Comme il l’était au centre de la Basilique de Rome, l’église où les évêques se réunissaient et travaillaient.

Bien sûr on aurait pu aller encore plus loin, dans la réflexion. Par exemple, on n’a parlé de la liberté de conscience, que par rapport aux Etats, mais pas à l’intérieur de l’Eglise. De même, le document La lumière des peuples (LG) a parlé de l’Eglise catholique universelle, mais pas suffisamment de l’Eglise locale. Ni bien sûr des nouveaux problèmes qui sont apparus dans le monde par la suite, même s’ils étaient déjà présents à ce moment-là. C’est le signe que nous devons continuer à réfléchir et à avancer.

En résumé

Nous allons donc maintenant étudier le document « L’Eglise dans le monde de ce temps ». Pour cela, il nous faut bien garder à l’esprit, ce que nous venons de dire. Il ne s’agit pas seulement d’étudier ces textes théoriquement (en dehors du temps), mais de les relire en écoutant le Saint Esprit dans notre cœur. Lui dont Jésus disait : »On ne sait pas d’où il vient, ni où il va…C’est la même chose pour celui qui est né de l’Esprit saint » (Jn 3,8). « L’Esprit Saint nous apprendra chaque jour des choses nouvelles. Il nous conduira vers la vérité toute entière…Il nous fera connaître ce qui va venir » (Jn 16,13).

Il nous faut regarder notre monde avec un cœur bon et plein d’espoir. Sans chercher à le condamner, mais en voyant le Royaume de Dieu en train d’y grandir. Nous parlerons aux hommes avec les paroles et les pensées d’aujourd’hui. Pas tout seuls, mais tous ensemble : les laïcs avec les prêtres et les évêques, les catholiques avec les autres chrétiens, unis à tous les hommes, sans rejeter personne. Dans la liberté, et en cherchant l’entente pour nous compléter. En rendant la Parole de Dieu actuelle, présente et à l’action dans le monde d’aujourd’hui. Et adaptée à chacune de nos cultures (civilisations et coutumes) de chacun de nos pays. Dans la prière, la foi et l’amour. En continuant d’avancer, pour faire des choses nouvelles. Dieu dit : » Voici que je rends toutes les choses nouvelles » (Apoc 21,5). Comme disait Jésus : » Le disciple, dans le Royaume de Dieu, tire de son trésor du neuf et de l’ancien » (Mat 13,52). Jésus nous dit aujourd’hui, comme il disait à Simon : »Avance au large » Luc 5,4.

Annexes

I°) Histoire des conciles

Dès les commencements de l’Eglise, le besoin s’en est fait sentir. Les responsables des communautés chrétiennes avaient naturellement le désir de se consulter sur les problèmes communs liés à la foi, aux

moeurs et à l’organisation de l’Eglise. L’origine du mot a deux patries : en latin, Concilium évoque le rassemblement, en grec, son équivalent -Synodos- nous donne à penser qu’il nous faut faire route ensemble… De toute évidence, la forme et le contenu, la fréquence et la structure de ces rassemblements ont évolué. Mais, comme la primauté de l’apôtre Pierre, ces conciles sont un aspect essentiel de la vie de l’Eglise.

Les Actes des apôtres (Ac15,1-35) nous rapportent le récit de l’assemblée de Jérusalem, une sorte de 1er concile. Il traitait d’un différend au sujet des pratiques rituelles pour les convertis venus du paganisme. Un processus de discernement ecclésial est déjà décrit : question posée, discussions et échanges, références à l’Ecriture, écoute de l’Esprit-Saint, synthèse puis décision commune formulée par l’apôtre Jacques.

Pour l’Occident, le premier concile ou synode fut celui de Rome en 190 à l’initiative du pape Victor. Il fut cette fois question de fixer la date de la fête de Pâques. Au IIIème siècle se tiennent des assemblées d’évêques à Carthage, à Rome, en Egypte et en Syrie. A cette époque déjà, les Eglises entre elles s’informent par lettres synodales des décisions prises. Au regard des siècles, on va peu à peu distinguer différents types de conciles : le concile provincial sous l’autorité de l’archevêque de la province ecclésiastique, le concile plénier ou national rassemblant tous les évêques d’un pays sous l’autorité d’un légat du pape, le concile oecuménique ou universel réunissant les évêques de l’oikumène, l’ensemble de la terre, et formant ainsi le collège épiscopal présidé par le pape.

On recense 21 conciles oecuméniques. Les 8 premiers furent convoqués en Orient (Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine…) par des empereurs romains et les 13 autres en Occident (Rome, Lyon, Trente…) par le pape.

Le code de droit canonique actuel est très clair : « Il appartient au seul Pontife romain de convoquer le Concile oecuménique, de le présider par lui-même ou par d’autres, ainsi que le transférer, le suspendre ou le dissoudre et d’en approuver les décrets » (c 337,1). Ces conciles sont souvent convoqués lorsque la

conscience de l’Eglise est troublée. Ils veulent résoudre, dans l’unité, les conflits qui traversent les communautés, définir des dogmes, préciser des éléments de doctrine, réformer l’organisation de l’Eglise catholique, apporter des repères pastoraux dans un contexte particulier ou régler des aspects disciplinaires. Dans ses discours précédant l’ouverture du concile Vatican II, Jean XXIII évoqua la nécessité d’un aggiornamento, une mise à jour, du message de l’Eglise pour mieux le transmettre aux hommes et aux femmes de notre temps.

Les décisions des conciles font ainsi partie de la richesse de la foi et de la Tradition vivante dont Vatican II nous précise qu’elle « comprend tout ce qui contribue à conduire saintement la vie du peuple de Dieu et à en augmenter la foi » (Dei Verbum 8). Enfin, on découvre mieux le sens et la portée d’un concile en précisant qu’il est d’abord une célébration, une célébration liturgique avec au coeur de l’assemblée convoquée la Parole de Dieu…

Père Benoît Bertrand
Vicaire général de Nantes (France)

Chronologie du Concile Vatican II

  • 25 janvier 1959 : Jean XXIII, dans une allocution prononcée à Saint-Paul-hors-les-murs, annonce pour la première fois son intention de réunir un Concile oecuménique.

  • 25 décembre 1961 : Jean XXIII, dans la constitution apostolique Humanae Salutis, convoque le Concile oecuménique.

  • 11 octobre 1962 : Début de la 1ère session du Concile.

  • 20 octobre 1962 : Le Concile publie un message à l’humanité.

  • 8 décembre 1962 : Fin de la 1ère session.

  • 3 juin 1963 : Décès de Jean XXIII.

  • 21 juin 1963 : Election de Paul VI.

  • 22 juin 1963 : Paul VI, dans un message Urbi et Orbi, annonce officiellement son intention de continuer le Concile oecuménique.

  • 29 septembre 1963 : Début de la 2ème session du Concile.

  • 4 décembre 1963 : Promulgation de la constitution Sacrosanctum Concilium et du décret Inter Mirifica. Fin de la 2ème session.

  • 4 janvier 1964 : Paul VI se rend en Terre Sainte et a une entrevue avec le patriarche Athénagoras.

  • 14 septembre 1964 Début de la 3ème session du Concile.

  • 21 novembre 1964 : Promulgation de la constitution dogmatique Lumen Gentium, des décrets Unitatis Redintegratio et Orientalium Ecclesiarum. Fin de la 3ème session.

  • 14 septembre 1965 : Début de la 4ème session.

  • 15 septembre 1965 : Paul VI, dans le Motu Proprio Apostolica Sollicitudo, établit le Synode d’évêques.

  • 4 octobre 1965 : Paul VI se rend à New York pour prononcer un discours devant l’Assemblée générale des Nations Unis et, à son retour à Rome, il adresse la parole au Concile.

  • 28 octobre 1965 : Promulgation de trois décrets : Christus Dominus, Optatam Totius, Perfectae Caritatis, et de deux déclarations : Gravissimum Educationis, Nostra Aetate.

  • 18 novembre 1965 : Promulgation de la constitution dogmatique Dei Verbum et du décret Apostolicam Actuositatem. Dans un discours au Concile, Paul VI annonce notamment la convocation du Synode d’évêques pour l’année 1967, la réforme de la curie romaine, l’ouverture des procès de béatification de Pie XII et Jean XXIII.

  • 7 décembre 1965 : Lecture de la déclaration commune du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras. Promulgation de la constitution pastorale Gaudium et Spes, du décret Presbyterorum Ordinis, du décret AdGentes et de la déclaration Dignitatis Humanae.

  • 8 décembre 1965 : Messages du Concile aux gouvernants, aux hommes de la pensée et de la science, aux artistes, aux femmes, aux travailleurs, aux pauvres, aux malades, à tous ceux qui souffrent, aux jeunes. Clôture solennelle du Concile.

Les grandes étapes du concile Vatican II

Quand s’ouvre le concile, le 11 octobre 1962, sa voie pourrait paraître toute tracée. Les commissions préparatoires ont élaboré 70 schémas environ, dont plusieurs ont été déjà adressés aux Pères conciliaires. Ceux-ci, certes, vont les amender, mais peut-être se contenteront-ils de modifications mineures, respectant leur structure. En fait, il en ira tout autrement : le concile s’affirmera comme un groupe constitué, prenant ses responsabilités et décidant de ses orientations.

La première question, qui se pose dès le 13 octobre, est celle de l’élection des membres des commissions qui auront la charge du « suivi » de l’élaboration des textes. Les Pères doivent choisir 16 d’entre eux pour chacune des dix commissions. Mais comment le faire puisqu’ils ne se connaissent pas ? Réélire les membres naguère désignés pour les commissions préparatoires – la solution la plus simple – serait de renoncer de facto à leur droit d’électeurs. Le cardinal Liénart, évêque de Lille, réclame et obtient un délai pour constituer des listes communes facilitant le choix.

Une autre initiative française, qui revient à des théologiens mais reçoit le soutien des évêques, c’est d’adresser un « message au monde ». Même s’il n’a pas le statut de texte conciliaire, il manifeste clairement à l’opinion le souci des Pères de faire leurs les préoccupations du monde et de les porter dans leur réflexion.

Après avoir abordé le schéma sur la liturgie qui ne pose pas de problème majeur, les Pères examinent le schéma sur la Révélation à partir du 14 novembre 1962. La perplexité les envahit : si certains acceptent le schéma comme base de départ, d’autres le refusent carrément, jugeant sa problématique contraire à l’orientation oecuménique impulsée par Jean XXIII au concile. Devant cette incertitude, le conseil de présidence propose, le 21 novembre, un vote sur l’acceptation du texte comme base de discussion. Mais la question est posée à l’envers : le texte doit-il être renvoyé en commission ? La différence est importante, dans la mesure où la majorité des 2/3 est requise. Poser la question ainsi présuppose que le texte est a priori valable et que c’est aux adversaires de faire la preuve de leur nombre. Le résultat est ambigu : 60 % des Pères repoussent le texte. La majorité qualifiée n’est pas atteinte ; en principe, la discussion devrait continuer, malgré le désaveu mathématique. C’est alors que Jean XXIII décide de retirer le schéma et de confier sa refonte à une Commission mixte (Commission doctrinale – Secrétariat pour l’unité des chrétiens), réaffirmant ainsi l’orientation oecuménique initiale.

Début décembre, quand on en vient à examiner le schéma sur l’Église élaboré par la Commission doctrinale, plusieurs des Pères, dont Montini, archevêque de Milan et futur pape, le jugent insuffisant. Il sera lui aussi repris et proposé dans une nouvelle version, lors de la 2e session.

Si le bilan de la 1re session est maigre – aucun texte n’a été voté –, l’entité conciliaire a commencé à prendre corps : les Pères ont noué des contacts les uns avec les autres et avec les observateurs chrétiens non catholiques. Les fruits sont à venir.

En 1963, le pape a changé, c’est Paul VI, qui avait approuvé chaudement l’idée du cardinal Suenens (Bruxelles) de centrer le travail conciliaire selon une double orientation : l’Église ad intra et ad extra, l’Église scrutant son mystère et réfléchissant sur son rapport au monde.

Du coup, le nouveau schéma sur l’Église est au centre de la discussion. Les quatre modérateurs, qui dirigent les débats, proposent, le 30 octobre, un vote d’orientation, invitant à centrer l’ecclésiologie sur le collège des évêques et proposant la renaissance du diaconat permanent. La constitution sur la liturgie est votée, dont la mise en oeuvre pourra débuter au printemps 1964.

Lors de la 3e session, la constitution sur l’Église est adoptée à la quasi-unanimité. Le texte sur les relations de l’Église avec les juifs évolue vers une déclaration sur les relations avec l’ensemble des religions non chrétiennes. Mais les tensions demeurent très vives sur la liberté religieuse et encore plus quand Paul VI, soucieux d’unanimité, annonce que le schéma sera revu par un groupe dont feraient partie des opposants. Une protestation de quatorze cardinaux fait échouer le projet. La session se termine dans une atmosphère de tension, que ne tempère pas, sur le moment, l’adoption du décret sur l’oecuménisme.

La 4e session est celle de la récolte, avec l’achèvement de deux autres constitutions, sur la Révélation et sur les relations de l’Église avec le monde de ce temps. La déclaration sur la liberté religieuse, soutenue à la fois par les évêques américains et ceux d’au-delà du rideau de fer, est adoptée.

Ce texte, suivi de la levée des excommunications avec Constantinople, ouvre des temps nouveaux en concrétisant un rapport inédit du catholicisme avec le monde : l’Église abandonne son armure de combat antiprotestante pour écouter la rumeur du monde tel qu’il est.

Daniel Moulinet


Concile de Vatican 2, 50 ans après

Réflexions sur la constitution apostolique: Gaudium et Spes (GS) :

« L’église dans le monde de ce temps »

Chapitre 2 : Comprendre le concile Vatican 2 aujourd'hui

Nous fêtons cette année le 50° anniversaire du Concile Vatican 2. Ce Concile a dit au monde des choses très importantes, que l’on n’a pas fini de mettre en pratique. Je vous propose donc une recherche, sur l’un des documents les plus importants de ce Concile : » L’Eglise dans le monde de ce temps ».

N. B. : Ces réflexions doivent être adaptées à la situation locale, pour en tirer des actions possibles, et qui conviennent. Elles doivent être partagées, en tenant compte de la culture et de la langue de l’endroit. On cherchera bien sûr des proverbes, dans la langue du lieu.

Pour que ces réflexions soient comprises par le plus grand nombre de personnes, nous les avons écrites en français simple, au risque d’être parfois imprécis. Pour faciliter la lecture, en public mais aussi personnelle, nous avons ajouté des virgules, là où on peut faire une pause. Tout est écrit en phrases courtes.

Ce travail n’est pas terminé : Ce n’est qu’un début et une première ébauche, afin d’obtenir votre collaboration. Aussi toutes les propositions d’amélioration seront les bienvenues.

N.B. : Pour une formation en groupe : ce qui suit, ce sont des idées à faire découvrir sous forme de questions. En parlant tous ensemble, et non pas comme un enseignement. Pour chaque paragraphe, poser d’abord une question, par rapport à ce qui est dit. Ecouter les réponses des participants. Puis compléter en expliquant ce qui est écrit. Et répondre à leurs questions.

Ce 2° chapitre est une introduction. Il sera suivi d’une étude, chapitre par chapitre, de la constitution pastorale « l’Eglise dans le monde de ce temps « (Gaudium et Spes : GS). En attendant, vous pouvez déjà lire dans mon site : http://armel.duteil.free.fr le compte-rendu de 4 rencontres sur ce document à la rubrique : Vatican 2,50 ans.

Rappel du Chapitre 1 : Le concile Vatican 2

Les différents papes du Concile

Comprendre le concile dans son histoire

Chapitre 2 : Comprendre le concile Vatican 2 aujourd'hui

Retrouver aujourd’hui la liberté du début du Concile

Garder l’équilibre entre le texte et l’esprit

Le Concile n’est pas une fin 

Des questions restent posées 

Mettre le concile en pratique

La méthode : réfléchir ensemble avec tous les hommes

Dans notre vie et dans la vie du monde actuel.

En gardant la façon de réfléchir et de parler du Concile

Regarder le monde avec amour

L’unité dans la diversité

Une conversion profonde et totale,

Le travail des laïcs

La marche du monde

Liberté responsable dans l’Eglise

Des erreurs et des fautes, dans l’Eglise.

Nous engager dans le monde tel qu’il est,

Des nouveaux problèmes

La mondialisation et ses conséquences.

Les fanatismes religieux et le terrorisme

La révolution culturelle de 1968

A-t-on mélangé l’espoir humain et l’espérance chrétienne ?

Le monde d'aujourd'hui

Le libéralisme

Le mouvement des Indignés

La destruction de l’environnement

L’énergie atomique et le commerce des armes

La biologie et la sexualité

Apprendre à vivre ensemble : l’exode rural.

Au point de vue religieux : les jeunes, les femmes et les enfants.

Avancer avec le monde, pour davantage de justice

Un exemple, la situation au Sénégal

Le régime libéral

La culture moderne.

Une mentalité d’assisté et la magie

L’exode rural

L’Eglise sénégalaise

Introduction

En 2012, nous fêtons le 50ème anniversaire du Concile Vatican 2. Les anniversaires sont souvent récupérés par des groupes partisans, et interprétés par chacun, selon ses orientations et ses idées. Ce que je vais écrire est un point de vue sur le Concile. Il y en aura d’autres heureusement, car c’est du choc des idées que la lumière peut sortir. Comme autrefois le feu sortait du choc entre deux cailloux. En tout cas, il nous faudrait retrouver aujourd’hui la liberté du début du Concile, où 2500 évêques, entourés de théologiens et d’observateurs des autres religions, soudain libérés du poids des choses décidées à l’avance par les cardinaux de Rome, se sont retrouvés en totale liberté, mais aussi sans orientation fixée ni venue d’en haut. Il a donc fallu s’entendre entre tous, et se mettre à écouter le Saint Esprit, pour dire des choses nouvelles. Même si rapidement des groupes de pression se sont mis en place, et ont cherché à imposer leurs idées. Mais c’est ce qui a permis aux gens vraiment convaincus, d’apporter leurs points de vue nouveaux. Et c’est ce qui a obligé les évêques à parler ensemble, chacun donnant ses idées, pour pouvoir s’entendre, et ouvrir des chemins nouveaux. L’année de la foi lancée par Benoît 16, et le synode sur la Nouvelle Evangélisation, pourraient être aussi cela, si nous le voulons : au lieu de chercher à écrire de nouveaux documents, accepter un certain vide, pour faire des choses nouvelles.

Pour vivre le Concile aujourd’hui, il faut donc garder l’équilibre entre le texte et l’esprit (entre ce qui est écrit, et le sens profond des choses). Ne pas se limiter aux textes qui ont été écrits, mais chercher à comprendre ce qui s’est vraiment passé : pas seulement les idées, mais aussi le but et les circonstances. Et également ce qui se passait dans le monde, au moment où ils ont été écrits (les évènements). Car ils expliquent pourquoi les évêques on dit cela. En effet, il y a ceux qui voient le concile, comme la suite de ce qui a été fait avant. Et ceux qui le voient comme quelque chose de complètement nouveau, une révolution et une coupure d’avec le passé. C’est en tenant ces deux points de vue, qu’on arrivera à trouver l’équilibre, et qu’on avancera tous ensemble. Mais depuis une dizaine d’années, beaucoup de questions et de discussions sont apparues, sur l’importance du Concile du Vatican 2, et la façon de le comprendre. Pour certains, ce Concile a été, non seulement un nouveau départ, mais une rupture avec le passé. Ils parlent d’un esprit du Concile, qui demande d’aller plus loin que les textes. Ils ont raison, mais cela a entraîné parfois des exagérations. D’autres disent que le Concile a été seulement une mise à jour : c’est donc un changement, mais pour continuer ce qui était au plus profond des traditions, un aggiornamento. Ce point de vue entraîne parfois des blocages, car les gens disent alors : « il faut respecter la Tradition de l’Eglise, il faut chercher seulement à mieux comprendre les textes, tels qu’ils sont, il ne faut pas vouloir en tirer des choses nouvelles, à partir de l’esprit du Concile ».

Il faut noter tout de suite que le Concile n’est pas une fin : un but qu’on a atteint et on s’arrête. Ce qui est important c’est d’appliquer ces textes, dans le monde d’aujourd’hui, 50 ans après. Ainsi, la Constitution sur la Liturgie demande une participation pleine et active de l’assemblée. Il faut continuer à chercher comment mettre cela en pratique, sans s’arrêter aux réformes liturgiques proposées par le Concile lui-même. Le Concile n’est donc pas une fin. Le texte que nous allons étudier s’appelle : » l’Eglise dans le monde de ce temps ». Pour nous, « ce temps » il s’agit bien d’aujourd’hui, en 2012, et non pas des années du Concile de 1962 à 1965.

D’ailleurs le Concile lui-même a prévu les moyens, pour continuer à réfléchir et à avancer, en particulier les Synodes. Il est donc important de se tenir au courant. Et d’étudier en particulier les nouvelles Lettres des Papes (Encycliques). Le Concile lui-même a déjà beaucoup profité des Lettres de Jean 23, en particulier sur l’Eglise, maîtresse de vie et mère des hommes (Mater et Magistra), sur la Paix sur la Terre (Pacem in Terris) et sur l’Eglise (Ecclesiam suam). Et les Papes suivants, Paul 6, Jean-Paul 2 et maintenant Benoît 16 ont écrit également de nombreux textes importants. Mais il ne faudrait pas oublier les différents Synodes, et pour nous, en particulier, les deux Synodes sur l’Afrique. Et également toutes les déclarations, des différentes Conférences des Evêques des divers pays africains. Elles sont souvent très fortes, et beaucoup mieux adaptées aux réalités africaines, que les grands textes trop généraux. Jésus disait dans l’Evangile : « Le sage dans le Royaume de Dieu tire de son trésor du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52). Et le document « l’Eglise dans le monde de ce temps », au n° 62, demande « que l’on reconnaisse aux fidèles, aux prêtres comme aux laïcs, une juste liberté de recherche et de pensée. Et une juste liberté de faire connaître, humblement et courageusement, leur manière de voir dans le domaine de leurs compétences ». Après le Concile, les réflexions et la recherche théologique ont continué. On a aussi composé des documents sur la Doctrine Sociale de l’Eglise (le compendium), ou le Catéchisme de l’Eglise universelle. Il est important d’étudier, et de mettre en pratique tous ces textes. Mais toujours en les appliquant à nos réalités locales, et à notre vie réelle.

Des questions restent posées : par exemple, quelles sont les bases, la responsabilité et le pouvoir des conférences épiscopales ? Dans la mesure où chaque évêque commande dans son diocèse, et dépend directement de Rome. Dans le document l’Eglise lumière des nations (LG), les évêques affirmaient que l’ordination épiscopale est un sacrement. Et donc que l’évêque a une autorité propre : il n’est pas seulement un représentant du pape. Mais quelques évêques ont été ensuite parler à Paul 6. Et à la fin, Paul 6 a fait ajouter une note, pour bien affirmer le pouvoir du pape. De même les synodes des évêques sont devenus très importants. Mais ils n’ont pas d’autorité propre : c’est le pape lui-même qui écrit la déclaration finale, et non pas les évêques. Il y a donc des difficultés pour faire l’équilibre, entre la première place du pape et le pouvoir des évêques.

De même il y a des questions sur la participation dans l’Eglise. Il est clair que l’Eglise n’est pas une démocratie. Elle a une organisation qui lui vient du Christ, qui est sa tête. Mais elle ne doit pas être pour autant une dictature ! Le Concile Vatican 2 a ouvert la porte à une organisation démocratique, qui correspond à l’esprit moderne, avec les synodes diocésains et les conseils pastoraux ou presbytéraux. Et les conseils économiques, qui sont obligatoires. Mais parfois ces organisations ont de la peine à se mettre en place. Et elles n’ont pas de pouvoir de décision réel.

Mettre le concile en pratique

Le Concile Vatican 2 a été un évènement, par le fait même qu’il a eu lieu. Le pape Jean 23 aurait pu envoyer une lettre (encyclique), pour dire des nouvelles vérités, ou rappeler les anciennes. Il a préféré appeler les évêques du monde entier à venir à Rome, pour parler tous ensemble. Ils ont travaillé ensemble, aidés par ceux qui les entouraient (les théologiens, les laïcs catholiques, mais aussi les gens des autres religions). Ils ont compris l’Eglise et le monde d’une manière nouvelle. Mais ces idées nouvelles découvertes pendant le Concile, et cette nouvelle façon de regarder la vie des hommes, maintenant il faut les mettre en pratique. A partir du Concile Vatican 2, la réflexion théorique (les idées enseignées), et les façons de les dire, sont toujours unies à ce qui est vécu dans la communauté chrétienne, à tous les niveaux. Ces réflexions seront une communion entre tous, pour que les idées soient adaptées à la vie des hommes du moment. Et qu’elles soient mises en pratique par tous, ensemble. C’est cela le nouveau chemin que le Concile a ouvert

La méthode : réfléchir ensemble avec tous les hommes, à partir de la vie. En se connaissant les uns les autres. Grâce au Concile, les évêques ont connu les différents pays de la terre. Chacun avec ses problèmes, mais aussi ses richesses et sa culture. Pour chacun des évêques, les hommes du monde entier avaient maintenant un visage. Ils étaient devenus proches. Et c’était à ces hommes-là, bien réels, qu’ils pensaient et à qui ils parlaient. Cette nouvelle façon de faire doit être utilisée, toujours et partout. C’est en vivant et en agissant, que l’Eglise comprend ce qu’elle est vraiment, pour Dieu et pour les hommes. Et alors, elle voit ce qu’elle doit faire et dire, concrètement. C’est donc en voyant comment l’Eglise vit aujourd’hui, que l’on peut vraiment comprendre ces textes du Concile, 50 ans après. Les choses importantes de l’Eglise ne sont pas dans les textes et les documents, elles sont dans sa vie. Et c’est sa vie qui permet de mieux comprendre ces documents. Et même la Parole de Dieu, dans toute sa richesse. Car la Parole de Dieu est vivante, aujourd’hui, dans l’Eglise. C’est déjà ce qu’a vécu Saint Pierre : il a vu l’Esprit Saint descendre, sur le centurion Corneille et toute sa famille. Alors, il a compris que Dieu veut sauver tous les hommes. Et qu’il n’est pas nécessaire de devenir juif, pour être sauvé (Actes 11).

C’est aussi la méthode de l’action catholique : voir, réfléchir, agir. C’est la méthode que le Concile Vatican 2 a utilisé. Les évêques du Concile ont vu par exemple, comment les chrétiens vivaient avec les hommes des autres religions, et avec les non croyants. Ils y ont réfléchi. Et cela les a amenés à écrire de nouvelles idées, par exemple sur la liberté religieuse. La Constitution sur la Parole de Dieu (DV) le dit : « la Tradition qui vient des apôtres se développe dans l’Eglise, par la compréhension des choses et des paroles qui sont enseignées : par la prière (la contemplation et la méditation), et par les études que font les croyants sur cette parole. Mais aussi en comprenant profondément les réalités spirituelles qu’ils vivent. » (DV 8). C’est ce qu’on appelle partir de l’expérience, dans laquelle Dieu nous parle. Ce que le Concile à la suite de Jésus-Christ, a appelé les signes des temps.

Il est important aussi de voir comment les autres hommes de l’extérieur (qui ne sont pas chrétiens) ont compris le Concile. Et comment ils comprennent maintenant l’histoire de l’Eglise. Avant de répondre aux problèmes du monde, il nous faut d’abord écouter ce que les autres en disent, comme le Concile a su le faire en son temps. C’est la responsabilité des communautés chrétiennes, partout où elles vivent. C’est aussi ce qui permet aux chrétiens de mieux comprendre l’Evangile, et ses appels actuels. Comme dit le proverbe : « On n’arrose pas le riz d’aujourd’hui avec les pluies d’autrefois. »

Voici quelques idées dans ce sens. Pour mettre le Concile en pratique, il ne suffit pas d’en tirer des enseignements. Il faut chercher ce à quoi ces textes nous appellent aujourd’hui, dans notre vie et dans la vie du monde actuel. Comme le Concile Vatican 2, qui a voulu présenter l’enseignement de l’Eglise, d’une façon qui répondait aux besoins des hommes de cette époque (en 1962), et à leurs désirs (ce qu’ils attendaient de l’Eglise). Cela nous demande de regarder la situation du monde (la vie des hommes), et de la mettre ensemble avec la Parole de Dieu. En cherchant la façon de parler qui pourra être comprise par les hommes de notre temps, tels qu’ils sont actuellement. On ne peut donc pas se contenter de répéter les textes du Concile, tels qu’ils ont été écrits. Il s’agit de penser les questions actuelles de la famille humaine, à la lumière de l’Evangile. Et d’annoncer cet Evangile, selon ce qui se passe dans le monde aujourd’hui : un monde globalisé (la mondialisation). Avec beaucoup d’idées, de religions et de façons de faire différentes, dans tous les domaines : la culture, l’économie (le travail et l’argent), la politique etc... Il faut donc que l’Eglise d’aujourd’hui regarde le monde tel qu’il est. Et qu’elle cherche à comprendre en profondeur, les hommes de ce temps et leurs besoins. C’est à la fois une façon de regarder le monde comme Dieu, avec les yeux de Jésus-Christ, et une façon adaptée de parler aux hommes d’aujourd’hui (voir GS 4). Et il faut commencer cela, d’abord à l’intérieur de l’Eglise : « Les prêtres doivent écouter les laïcs, tenir compte de leurs désirs dans l’amitié, reconnaître les expériences qu’ils vivent, et accueillir leurs connaissances dans les différents secteurs de la vie humaine. Pour pouvoir ensemble, avec eux, lire les signes des temps  (PO 9) ».

Il faut donc reprendre la réflexion du Concile, dans les conditions actuelles (l’actualiser). Car on assiste maintenant à un choc des cultures. Et à une présence des différentes religions partout dans le monde, suite aux voyages et aux migrations. La mondialisation a des conséquences, non seulement sur le commerce, les finances et l’économie, mais aussi sur les choses religieuses. Des pays émergents (qui grandissent) deviennent plus forts. Ils ont une plus grande influence dans le monde moderne, au point de vue religieux comme dans les autres domaines. L’Europe, elle, est dans une situation difficile. Elle n’apparaît plus comme un modèle. Elle ne peut plus imposer ses idées, religieuses ou autres. De même, les problèmes de l’environnement et l’écologie amènent à mieux comprendre ce que le Concile avait déjà dit à ce sujet. Mais auquel on n’avait pas fait suffisamment attention (voir plus bas).

Le concile a fait très attention à ce qui se passait dans l’histoire des hommes. Il regardait cette histoire, comme le lieu où Dieu parle : « l’Eglise sait tout ce qu’elle a reçu, de l’histoire et des progrès des hommes » (GS 44). Les évêques ont voulu proposer des solutions concrètes, et des actions précises. Bien sûr, après 50 ans, le monde et la société ont beaucoup changé. Il s’agit donc de comprendre l’esprit et le but des documents, pour les adapter aux réalités actuelles. Mais en gardant la façon de réfléchir et de parler du Concile. Et aussi les principes et les idées donnés, qui restent toujours valables, et qui sont très importants encore aujourd’hui. C’est pourquoi, 50 ans plus tard, on continue à expliquer les textes de Concile Vatican 2, pour chercher à mieux les comprendre, et à mieux les mettre en pratique. Pas seulement au niveau des théologiens, mais aussi des chrétiens à la base. Par exemple pour l’entente entre les différentes religions (le dialogue œcuménique et inter religieux).

Il est important de bien comprendre l’histoire de l’Eglise, qui a amené au Concile Vatican 2 (voir le chapitre 1). Il est important de bien étudier les textes, et de chercher à les comprendre le mieux possible. Mais le plus important c’est de les mettre en pratique, dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, comme le demande le titre même de notre document : « L’Eglise dans le monde de ce temps ». Pour partager « les joies et les espoirs, mais aussi les peurs et les tristesses des hommes d’aujourd’hui, des pauvres surtout et de ceux qui souffrent », comme nous le demande la première ligne de ce document. Pour être unis aux hommes et à la société, et faire vraiment partie de l’histoire des hommes. En effet, le mouvement du Concile Vatican2 entre dans le grand mouvement, qui a commencé depuis le début du monde, de Dieu qui va à la rencontre des hommes. Nous sommes envoyés en mission dans le monde, pour mettre la communion entre les hommes, comme nous le rappelle le premier objectif du Plan d’Action Pastoral des Eglises de l’Afrique de l’Ouest (PAP).

Dans tout cela, nous regardons le Christ qui est « la lumière des peuples » (voir le document sur l’Eglise). Il est la Parole de Dieu (document sur la Révélation), il est présent dans la liturgie (document sur le Saint Concile), et à chaque fois que nous sommes unis en son nom (Matthieu 18, 20). « C’est Jésus qui éclaire le mystère des hommes, en se faisant homme lui-même, par la lumière de sa résurrection » (document L’Eglise dans le monde de ce temps). Le Concile nous montre ainsi que nous devons bâtir toute notre vie sur le Christ, dans la communion, et en suivant les trois autres objectifs de notre Plan pastoral : la liturgie, le témoignage (l’évangélisation) et le service (dignité de l’homme, développement et charité, justice et paix) à partir du Christ et de sa Parole dans l’Evangile. Célébrer, annoncer et servir, ce sont les trois choses que nous devons faire en tant que chrétiens. C’est ce qu’on nous a déjà dit, le jour de notre baptême : être prêtre (prier et célébrer), prophète (annoncer la Parole de Dieu) et roi (diriger le monde comme Dieu le veut). Cela est vrai pour tous les baptisés, pas seulement pour les prêtres ou les évêques. Quand le Concile dit que l’Eglise c’est le peuple de Dieu, cela veut dire que tout le peuple doit participer, non seulement à la vie de l’Eglise, mais aussi à ses décisions. Tous les chrétiens ont le droit à la parole. Ils doivent prendre leurs responsabilités, dans le respect les uns les autres, et en écoutant le Saint Esprit, pour savoir ce que Dieu veut vraiment pour le monde.

Tout cela veut dire regarder le monde avec amour, comme Dieu le regarde, avec les yeux de Jésus. Jésus disait au travailleur : « Vas-tu regarder avec un œil mauvais, parce que moi je suis bon ? » (Mat 20, 15). C’est Dieu qui a créé le monde. Et Dieu a vu que cela était bon (Genèse 1). Bien sûr, le monde a été ensuite touché par le péché. Mais il a surtout été sauvé par Jésus-Christ le Ressuscité, « qui a créé des cieux nouveaux, mais aussi une terre nouvelle » (Apoc 21,1). Le concile nous demande à la fois, de connaître le monde et de le comprendre. Connaître notre peuple et sa culture : « Ouvrir notre esprit aux différents aspects de la vie des hommes, dans la charité » (OT 20). C’est ce que les évêques du Concile ont d’abord fait eux-mêmes. Mais c’est ce que beaucoup de chrétiens, et même l’Eglise d’aujourd’hui dans son ensemble, a de la peine à faire. En tout cas, c’est un effort qu’il faut sans cesse recommencer, sans jamais quitter ce chemin.

Pendant le Concile, on célébrait l’Eucharistie dans les différentes liturgies des églises d’Occident, mais aussi d’Orient. Cela a fait non seulement comprendre, mais vivre en réalité, que l’Eglise est vraiment catholique, avec des grandes différences qui se complètent, et qui s’enrichissent (l’unité dans la diversité). Ce n’était plus de la théorie, c’était une découverte pratique. Vatican 2 a affirmé avec force que l’Eglise est catholique. C’est-à-dire qu’elle est une. Mais dans la diversité (dans les différences) entre les cultures et les sociétés humaines. Et dans la complémentarité (en s’acceptant et en se complétant les uns les autres). Comme on le dit dans le document sur la liturgie (SC 19) : « en respectant les différents genres de vie, les coutumes, les qualités, les usages, les traditions, les conditions des peuples, leurs tempéraments et leurs génies » (ce sont les mots qui sont utilisés dans le document). Car « l’Evangile doit être annoncé avec les idées et la sagesse des différents peuples » (GS 44). C’est la loi de toute évangélisation.

Cela correspond aux idées importantes du Concile : une Eglise de communion, l’importance des Eglises locales, l’échange des dons entre les différentes Eglises etc. C’est tout cela qui permet à l’Eglise de porter des fruits. C’est dans ce sens que l’on parlé du rite congolais (zaïrois) de l’Eucharistie, ou de la théologie africaine, de l’importance et de la responsabilité des conférences épiscopales, appelées à adapter les formes de la vie chrétienne à leurs pays, etc. L’Eglise a commencé à marcher dans ce sens, mais il y a encore beaucoup de choses à faire. Et il semble même que ces dernières années, le Vatican chercherait à reprendre les choses en mains, pour commander et organiser lui-même les Eglises locales et les Organisations chrétiennes (Caritas, mouvements, universités catholiques, congrégations religieuses…). Ce qui n’est certainement pas ce que vivait l’Eglise primitive, par exemple. Ni ce qui a été vécu au Concile.

Cela nous demande des façons de penser nouvelles, mais aussi des façons nouvelles de vivre, un nouveau comportement. Cela nous demande de changer les mentalités en laissant les habitudes passées. On n’a donc pas fini de mettre ce Concile en application. Il ne s’agit pas seulement de choses à faire, par exemple une nouvelle façon de dire la messe, ou d’enseigner le catéchisme. Il s’agit d’une conversion profonde et totale, pour chacun et pour toute l’Eglise. Ce 50ème anniversaire ne doit pas être une conclusion, mais au contraire un nouveau départ. Il faut donc continuer à étudier les textes. Mais surtout rester en dialogue avec le monde actuel, dans la prière. Et en écoutant ce que le Saint Esprit nous dit, en partant de la Parole de Dieu et de la Tradition vivante de l’Eglise.

Pour cela, il ne faut pas oublier ce que disait Paul 6 (l’un des papes du Concile), dans son document sur l’évangélisation : « Le premier travail des laïcs n’est pas de faire grandir la communauté chrétienne. Cela, c’est le travail des prêtres. Les laïcs doivent faire grandir les semences de l’Evangile, qui sont plantées dans le monde. Le lieu d’action prioritaire des laïcs selon l’Evangile, c’est le monde compliqué de la politique, de l’action sociale, des questions économiques (le travail et l’argent). Et aussi les secteurs de la culture (la civilisation), des sciences, des arts, de la vie internationale et de la communication (les média). Leur travail, c’est d’évangéliser l’amour, la famille, l’éducation des enfants et des jeunes, le monde du travail et la souffrance des hommes. Plus il y aura de laïcs engagés dans ces domaines, plus le Royaume de Dieu pénétrera ces réalités humaines». Benoît 16 dit dans le même sens : « C’est aux fidèles laïcs d’agir directement, pour mettre un ordre juste dans la société. Ils sont citoyens, ils doivent donc participer pleinement à la vie publique de la société. Et agir au niveau de la politique, de l’action sociale, des questions économiques, de la culture. C’est là que se trouve le bien commun que l’on recherche » (Lettre « La vérité dans la charité » n° 2). « Dieu a tellement aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique » (1 Jean 4,9). Si nous croyons en Dieu, nous devons donc, nous aussi, aimer le monde et lui faire connaître l’Evangile : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14). Nous sommes le sel de la terre au milieu des autres hommes (Mt 5,13) et le levain dans la pâte (Mt 13,33).

La marche du monde

Dans l’Eglise : Jusqu’à Pie 12, l’Eglise était organisée depuis le haut (institutionnelle) : elle dirigeait les chrétiens, et voulait même diriger la société. Mais après la 2° guerre mondiale, les gens n’ont plus accepté d’être commandés de la même façon. Ils voulaient comprendre par eux-mêmes, ce qu’on leur enseignait.  Jean 23 l’a très bien compris : il n’a plus voulu être un chef, mais un pasteur (un berger qui marche avec le peuple). Il a commencé à visiter le monde, il est entré dans les prisons, il a reçu les gouvernants du monde. Même Krouchtchev de l’URSS, chef du bloc soviétique, opposé à la foi religieuse et persécuteur des chrétiens.

C’est pourquoi, Jean 23 attendait du Concile une nouvelle Pentecôte. Il disait : « On connaît les vérités chrétiennes, écrites et enseignées depuis longtemps. Il ne s’agit plus d’enseigner à nouveau ces vérités, d’une manière théorique. Mais d’être pastoral. C’est-à-dire, voir comment vivre ces vérités dans le monde actuel. Et premièrement, de n’avoir plus peur du monde moderne. Mais de lui tendre la main, pour lui porter le Christ, et pour le transformer ». Cela demande que tous les chrétiens vivent leur foi, de manière plus profonde et plus personnelle. Et que les laïcs aient leur place, mais aussi leur liberté responsable dans l’Eglise. Jean 23 cherchait à engager davantage l’Eglise dans le monde. Mais aussi à lui donner une foi plus profonde « comme la petite graine de moutarde qui grandit, et les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre  » (Mat 4,32). Cela, il faut le continuer aujourd’hui.

A l’ouverture du Concile, Jean 23 a redit que l’Eglise, éclairée par le Saint-Esprit, est infaillible (elle ne se trompe pas), quand elle parle à partir de l’Evangile, et qu’elle marche à la suite du Christ. Mais il a reconnu qu’il y a eu aussi des erreurs et des fautes, dans l’Eglise. Et qu’on n’a pas toujours su, apporter la lumière du Christ aux hommes. Il a regretté que certains chrétiens refusent la vie moderne. Et qu’ils voient seulement ce qui ne va pas.

Les conciles précédents avaient condamné le monde. Les évêques de Vatican 2 pensaient que la société moderne était bonne, et qu’elle cherchait vraiment la justice et la vérité. Cela n’a malheureusement pas toujours été le cas ensuite. Les évêques pensaient qu’il suffisait d’annoncer l’Evangile, pour résoudre les problèmes. Et que l’Eglise pouvait répondre à toutes les questions. Le danger était de penser, que les hommes ne pouvaient pas trouver de solutions valables par eux-mêmes, en dehors de l’Eglise et de la foi chrétienne. Tout le monde n’a pas accepté cela. Et certains ont refusé le Concile : pas parce qu’ils refusaient le changement. Mais parce qu’ils refusaient cette idée de l’Eglise, d’avoir toute la vérité, à elle toute seule. Beaucoup ont donc voulu se libérer d’un trop grand pouvoir de l’Eglise. Ils ont demandé plus de respect, et plus de liberté. Pourtant le Concile, avec Jean 23, voulait seulement lire les signes des temps, c’est-à-dire reconnaître les signes que Dieu nous donne, dans la vie du monde.

Jésus disait : « Soyez simples comme la colombe, mais malins comme le serpent. » (Luc 10,3) Notre foi nous appelle à nous engager dans le monde tel qu’il est, en voyant les problèmes, tels qu’ils sont réellement. Sans nous tromper nous-mêmes. Ni croire que la grâce ou la prière suffisent, pour apporter des solutions à tous les problèmes, et supprimer le mal dans le monde. Et sans croire que l’Eglise a des réponses toutes prêtes à l’avance. Les premières lignes du document « L’Eglise dans le monde de ce temps » (GS) parlent des joies et des espoirs des hommes, mais aussi de leurs tristesses et de leurs peurs. Il s’agit donc de voir les vrais problèmes et les souffrances du monde actuel, de même que ses manques, pour chercher des vraies solutions et trouver des remèdes adaptés. Nous cherchons donc ce qu’il faut faire aujourd’hui, face aux problèmes qui sont apparus dans le monde, depuis le Concile. Mais dans cette recherche, nous partons des documents du Concile, car ils nous montrent un chemin, et sont un guide de réflexion très important.

Des nouveaux problèmes

C’est vrai que le monde allait assez bien au moment du Concile Vatican 2, malgré les difficultés : guerre froide Est-Ouest, risque de guerre nucléaire... On pensait que les deux blocs avaient appris à vivre ensemble, même s’ils se détestaient. Au moment du Concile, les familles semblaient encore solides, et capables d’éduquer les enfants. Le divorce, l’union libre, le Sida, l’homosexualité n’apparaissaient pas au grand jour, même s’ils existaient déjà. On n’avait pas encore voté de lois les autorisant. De nombreux pays étaient devenus indépendants. Ils donnaient l’espoir d’un progrès international, en faveur de la liberté et du développement. Les sciences avançaient. Les conséquences de la Guerre mondiale s’éloignaient et l’économie marchait bien : les gens avaient du travail et devenaient plus riches. On pensait qu’avec un peu de courage, on trouverait une solution à tous les problèmes de la société. Mais après le Concile, on s’est aperçu que ce n’était pas si simple

Le Concile ne pouvait pas prévoir les problèmes à l’avance, comme par exemple, la mondialisation et ses conséquences. Le Mur de Berlin est tombé. Presque tous les régimes marxistes ont été renversés. Le communisme a perdu sa force. L’Eglise a pensé que tout allait s’arranger. Mais les autres problèmes demeurent : le libéralisme s’est imposé partout, et l’argent a pris de plus en plus de place. La mondialisation s’étend et avec elle, la domination des pays riches sur les pays pauvres, et toutes ses conséquences. Le Concile a soutenu avec raison les organisations humanitaires, qui naissaient pour le développement. Mais cependant la pauvreté a continué à augmenter.

L’ONU (que Paul 6 a visitée pendant le Concile) n’arrive pas à régler les problèmes du monde. Des grands pays refusent de signer ses déclarations internationales, comme l’interdiction des mines anti personnelles. Ou la lutte contre le réchauffement de la terre et la destruction de l’environnement. Ils refusent par exemple l’autorité de la Cour Pénale Internationale (CPI). Ils font des choses très graves, sans l’accord de l’ONU, comme par exemple l’attaque de l’Irak par les Etats Unis. De même l’Eglise, tout en soutenant l’ONU, a été amenée à s’opposer à certaines de ses idées. Par exemple au sujet de la régulation des naissances ou de la théorie du genre, aux conférences internationales du Caire et de Pékin. Et le Protocole de Maputo.

Le communitarisme, et les fanatismes religieux en général, augmentent : chaque groupe humain se replie sur lui-même, pour ne pas être écrasé par la mondialisation, qui veut imposer la même culture à tout le monde. C’est l’une des raisons pour laquelle, l’islamisme (qu’il ne faut pas confondre avec l’Islam) s’est développé dans le monde.

On ne peut pas expliquer le terrorisme, seulement parce que les gens sont pauvres. C’est aussi, parce que leurs droits ne sont pas respectés. Alors, ils ne supportent plus une autre forme de société et de religion, que la leur. C’est le début de l’intolérance, qui conduit jusqu’aux attentats, qui se sont multipliés dans le monde. Il nous faut donc travailler à tous les niveaux : lutter contre l’islamisme par la compréhension entre musulmans et chrétiens ; lutter contre la violence et l’intolérance, en aidant tous les hommes, chrétiens ou non, à changer leur pensée ; et bien sûr, lutter contre la pauvreté et pour la liberté. Cependant, il nous faut aussi rester réalistes (voir les choses comme elles sont) : comprendre ce qui se passe dans le monde actuel, et chercher des solutions adaptées et qui conviennent, mais sans rêver. Ni croire qu’on peut trouver tout de suite des solutions, à tous les problèmes.

Après le Concile, des millions de fidèles catholiques à travers le monde ont cru, qu’un nouvel âge de l'Eglise était arrivé. Elle était sortie de son ghetto (sa prison), elle était devenue nouvelle à l'intérieur, elle était prête à apporter la Bonne Nouvelle de l’Evangile au monde et à redonner l'espoir et la joie aux millions de personnes pauvres et rejetées. Les chrétiens vivaient des jours heureux de changement, de choses nouvelles et de progrès dans la joie. Qu'est-il arrivé? Le monde a complètement changé d’un seul coup. Un changement très grand dans la culture a été mis en place - une révolution dans les universités, dans la politique, dans la culture populaire, la musique, et dans les relations entre personnes et dans le mariage. Les nouveaux penseurs ont appelés les jeunes à la liberté totale. C’est arrivé à la fin des années 1960. On a dit qu’il fallait rejeter la religion, la morale et les traditions. C’est la révolution culturelle de 1968, qui est arrivée aussitôt après le Concile, et qui s’est étendue au monde entier : Les gens ont refusé toute forme d’autorité, donc aussi celle de l’Eglise. Il y a eu deux événements importants à cette  époque : l’apparition de la pilule contraceptive en 1961, qui a été le point de départ de la libération sexuelle, puisqu’il devenait possible de faire des relations sexuelles, sans risque de grossesse. Et le grand concert de Woodstock en 1969, regroupant des artistes et des jeunes, demandant la liberté totale, la drogue…. Tout cela soutenu par des nouveaux « penseurs» et philosophes. Des organisations comme l'Eglise ont été vus alors, comme empêchant le progrès et la liberté. Tout cela a beaucoup diminué l’influence de l’Eglise dans la société. Malgré tout, nous croyons toujours que nous sommes appelés, à être « la joie et l'espérance » du monde. Mais nous devons voir les choses comme elles sont. Et savoir que nous devons aller contre certaines choses, qui se font dans la société actuelle. Et refuser certaines idées et théories.

Le pape Jean Paul 2 a donné un enseignement très profond, sur la sexualité. Mais cela n’a pas empêché le développement de l’union libre (union sans mariage), et de la cohabitation des jeunes (se mettre ensemble avant le mariage). Cela n’a pas empêché le nombre des divorces d’augmenter. Ni l’homosexualité de se vivre en public, et de réclamer des droits semblables à ceux du mariage. Le Pape Jean Paul 2 a cherché à enseigner les vérités de la foi, d’une manière adaptée au monde moderne. Mais il a parfois donné l’impression de parler d’en-haut, plutôt que d’écouter les demandes d’en bas. Et cela se voit encore plus, avec Benoît 16. Beaucoup de chrétiens ont fini par quitter l’Eglise. Les vocations ont diminué, au moins en Europe. Les jeunes applaudissaient le pape Jean Paul 2, mais étaient-ils décidés à changer leur vie à leur retour chez eux ?

Dans l’Eglise elle-même, on a cru que tous les chrétiens allaient accepter le renouveau du Concile. Mais un certain nombre l’a refusé, et ils ont quitté l’Eglise. Peut-être a-t-on mélangé l’espoir humain et l’espérance chrétienne ? L’espoir humain compte seulement sur les forces humaines, et sur ses propres actions. Il pense que l’homme est toujours bon. Et que la société est capable de faire ce qui est bon pour tous les hommes, à chaque fois et sans contrôle. (C’est par exemple, ce que dit la théorie du libéralisme, pour l’économie). Or on constate plutôt le contraire. Parce que, dans le monde moderne comme dans le monde ancien, le mal et le péché existent. Et ils empêchent les meilleures choses de réussir. Peut-être qu’à ce niveau, les évêques du Concile n’ont pas bien compris les signes des temps : par exemple la crise actuelle de la société, qui pourtant s’annonçait. Ils ont cru qu’il suffisait de dire aux laïcs : « Prenez vos responsabilités », pour que les choses changent. Peut-être aussi qu’ils ont eu trop confiance dans la science et les techniques, pour construire un monde plus heureux. Mais ces progrès sont souvent détournés, par certaines personnes ou certains groupes, pour leur propre avantage. En oubliant les autres, surtout les plus pauvres ou les moins forts.

Au contraire, l’espérance chrétienne consiste à garder confiance, au milieu de tous les problèmes du monde, malgré le mal et le péché : le Christ nous sauve, par la force de sa Résurrection. Mais Jésus a d’abord connu l’échec : les hommes ont refusé sa Parole et son Amour, ils l’ont fait beaucoup souffrir et ils l’ont tué. Cela est vrai aussi pour l’Eglise. Et elle doit utiliser les moyens de Jésus, et suivre son exemple, pour sauver le monde. Jésus nous dit encore aujourd’hui : «N’aies pas peur, petit troupeau. Car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume « (Luc 12,32). Mais « un roi qui veut partir en guerre, il commence par s’asseoir, pour voir si, avec 10.000 soldats, il peut attaquer l’autre roi qui vient contre lui, avec 20.000 soldats » (Luc 14,31)

Le monde d'aujourd'hui (en 2012)

D’abord, on a assisté, pendant ces 50 années à la fin des idéologies, en particulier à la fin du marxisme et des régimes communistes, et à la chute du mur de Berlin. Le libéralisme s’est imposé un peu partout dans le monde, avec ses conséquences : la domination de l’argent, la concurrence entre les pays, l’individualisme, etc. Actuellement, on constate tous les dangers de ce libéralisme sans limite, à travers les difficultés des banques, et les problèmes économiques en général.

Depuis les années 1970, on a assisté à la mondialisation et à la globalisation. Le monde est devenu un village, où on peut entrer en contact avec tout le monde, grâce aux moyens de communication (les media). La conséquence, c’est l’Organisation Mondiale du Commerce, avec le danger que ce soit les pays riches et développés qui imposent leurs lois, la loi du plus fort. Et donc, au lieu d’aider les pays les plus pauvres à se développer, comme on le prétend, on les écrase et on les exploite encore davantage. Dans les années 1980, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International sont devenus de plus en plus importants. Ils ont obligé les pays à suivre leurs chemins. Ils ont imposé leurs conditions, pour prêter de l’argent et aider les pays, en particulier l’ajustement structurel. Pour avoir le soutien de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire, il fallait que les pays diminuent leurs dépenses. Et les économies ont été faites souvent dans l’éducation (les écoles), la santé et les projets de développement dans le monde rural (chez les paysans). Cela a entraîné beaucoup de souffrances, de chômage, et de pauvreté. Les enfants ont été moins bien éduqués et formés. Les malades ont été moins bien soignés. Les paysans ont eu de moins en moins de moyens. Les inégalités sociales (les différences) entre les riches et les pauvres ont beaucoup augmenté. Et les pays que l’on disait aider, sont devenus encore plus pauvres. Aujourd’hui, on a abandonné l’ajustement structurel, imposé aux pays du Tiers-Monde, spécialement en Afrique. Mais les conséquences sont toujours là. Et les inégalités continuent d’augmenter, entre les pays riches et les pays pauvres (les pays « développés » et industrialisés et les pays « en développement » du Tiers-monde). Certains pays rejoignent les pays riches : on les appelle les pays émergents. Mais alors, ils se conduisent de la même manière que ces pays industrialisés. Ils cherchent de plus en plus de richesses, ils pensent surtout à leur intérêt. Ils oublient les petits et les faibles du pays. Et leur enrichissement est seulement pour quelques-uns : ceux qui sont au pouvoir et les mieux placés. Pendant ce temps-là, les autres deviennent de plus en plus pauvres, et souffrent de plus en plus. Ils veulent le progrès technique à tout prix (les machines et les appareils), même si cela casse la terre et la nature (les plantes et les animaux), l’environnement et la Création de Dieu. Cela amène des guerres et des grandes violences. On ne respecte plus les droits humains, en particulier ceux des femmes, des enfants et des petits groupes qui sont mis de côté.

Aux Etats-Unis, et surtout en Europe, il y a aussi le problème des banques (la crise financière) à partir de 2008. Depuis ce moment-là, les pays développés ont moins d’argent pour aider les pays pauvres, mais aussi les pauvres qui sont à l’intérieur de leur propre pays, ou de leur région. Les pays et les riches qui ont plus de moyens et d’argent, font souffrir les groupes des plus faibles. C’est ce qui se passe en Europe avec le Grèce. Mais aussi en Espagne et au Portugal, par exemple. Cela a entraîné en réaction, le Mouvement des Indignés, qui se répand partout dans le monde. L’année 2.012 a vu aussi le printemps arabe, spécialement en Tunisie et en Egypte. Ces révoltes se poursuivent en Irak et en Afghanistan, mais aussi en Syrie, au Yémen et dans d’autres pays arabes. Et même si la guerre civile est terminée en Lybie, les problèmes ne sont pas finis pour autant. Il y a là un grand désir de plus de dignité, de démocratie et de solidarité. Cela fait partie des besoins et des désirs profonds de tous les hommes. Il faut donc le faire grandir dans tous les pays, pas seulement dans les pays arabes. Y compris dans l’Eglise. Le printemps arabe montre un vrai désir de plus de justice et de moyens pour mieux vivre. C’est un refus de la dictature et de la pauvreté. Mais ce mouvement est attaqué par des mouvements islamistes. Comment l’Eglise peut-elle participer en vérité, à cette recherche de dignité, d’une vie meilleure et d’une vraie solidarité, mais dans le respect des cultures et des religions ?

Il y a de plus en plus d’usines, de voitures et de machines. Cela produit beaucoup de gaz carbonique, qui a causé le réchauffement de la Terre. Cela a beaucoup de conséquences mauvaises pour les plantes et les animaux, mais aussi pour les hommes. Les glaces des 2 pôles de la terre fondent, et les eaux attaquent les côtes (les bords de mer). Il y a de plus en plus d’inondations, mais aussi de tempêtes. Les produits chimiques de nos usines attaquent la couche d’ozone du ciel, qui nous protège du soleil. Ils polluent (salissent) la terre, le ciel et les eaux. Les forêts disparaissent, avec les plantes et les animaux, parce qu’on coupe des arbres, sans en replanter d’autres pour les remplacer. Les feux de brousse font avancer le désert, etc. Et jusqu’à maintenant, les pays n’arrivent pas à s’entendre, pour lutter contre ce phénomène. C’est la destruction de l’environnement. Le Mouvement Vert (écologiste) essaie de lutter contre tout cela, mais il n’est pas écouté. En juin 2012 a eu lieu à Rio de Janeiro, au Brésil, la conférence mondiale Rio + 20, c’est-à-dire 20 ans après la 1° conférence de Rio. Mais les chefs des pays riches (Etats Unis, Russie, Allemagne…) ne sont même pas venus ! On a beaucoup parlé, mais on n’a pris aucune décision obligatoire, pour que les gens et les pays changent de comportement. Les gens vont donc continuer à casser la terre, sans rien changer. Tout cela est un appel pour nous, à construire une Terre où nos enfants pourront vivre, d’une façon plus humaine. Comme l’a rappelé, en particulier, le 2ème Synode pour l’Afrique, d’Octobre 2009, au Service de la Réconciliation, de la Justice et de la Paix (document « l’engagement de l’Afrique », n° 79 et 80). C’est pour lutter contre tout cela, que les commissions Justice et Paix (JP) sont devenues des commissions JPIC : « Justice, Paix et Intégrité de la Création ». Pour agir tous ensemble. Car nous sommes tous co-responsables de notre terre.

A côté de l’appauvrissement des terres, il y a aussi l’accaparement des terres, par les plus riches du pays et les sociétés étrangères multinationales. Les paysans n’ont plus de terres : non seulement ils deviennent plus pauvres, mais ils perdent leur liberté et leur moyen de vivre. Les terres sont prises pour fabriquer des bio-carburants (du carburant pour les voitures, à partir de plantes que l’on cultive pour cela : alors qu’au contraire, il faudrait réduire la consommation du carburant qui salit et réchauffe l’air). On cultive des produits d’exportation, pour répondre aux besoins des pays riches. Et alors, il y a moins de nourriture pour les populations locales, et elle devient de plus en plus chère. Actuellement, ce sont quelques grandes sociétés multinationales, qui commandent le commerce mondial de la nourriture. Et elles cherchent leurs bénéfices, plus que le bien des plus pauvres.

On a assisté également au développement de l’énergie atomique, avec ses problèmes, comme à Tchernobyl, et maintenant à Fukushima au Japon. Mais aussi aux Etats unis et en Europe. Le commerce des armes se développe de plus en plus, y compris la fabrication de l’arme atomique par l’Inde, le Pakistan, Israël et maintenant la Corée du Nord et l’Iran. Ce commerce coûte très cher, et il y a moins d’argent pour les pauvres, et le développement des peuples. En même temps, la peur et les dangers de guerre augmentent.

Les recherches scientifiques ont beaucoup avancé, en particulier dans les domaines de la biologie (les sciences de la vie). Avec tous les progrès que cela a amenés, pour guérir beaucoup de maladies, et aussi par rapport à la régulation des naissances. Malgré tout, la population mondiale continue à beaucoup augmenter : on a dépassé maintenant les 7 milliards d’habitants. On a appris à lutter contre les maladies génétiques (avant la naissance), mais on voit aussi les manipulations génétiques et les expériences sur les embryons humains, et le risque de clonage (fabriquer des personnes humaines semblables (des doubles), à partir d’une seule cellule). Actuellement, on peut connaître les maladies des bébés dans le ventre de leur mère, avant leur naissance. Certains voudraient que l’on tue ces enfants malades, plutôt que de les laisser vivre. Dans le domaine de la sexualité, de nouvelles théories apparaissent, comme la théorie du genre. Et dans plusieurs pays, on a voté des lois qui autorisent l’homosexualité et le mariage des homosexuels, l’avortement et l’euthanasie (tuer les grands malades que l’on n’arrive pas à soigner). Déjà, l’arrivée des méthodes de contraception (la pilule et toutes les autres) a séparé la relation sexuelle et le don de la vie. Maintenant, on peut faire des relations sexuelles sans risque de grossesses. Cela a transformé complétement la vie des gens mariés, mais aussi la façon de vivre l’amour.

Le monde devient de plus en plus multiculturel : les gens des différentes cultures ne sont plus séparés. Les moyens de communication (les médias) se sont beaucoup développés. Cela permet de nombreux échanges, y compris pour les questions religieuses. Mais nous devons apprendre à vivre ensemble. Il y a de plus en plus de déplacements des personnes (les migrations), à l’intérieur du pays et entre les différents pays. A cause des guerres, des dictatures et de la pauvreté. Il y a aussi l’exode rural. De plus en plus de gens viennent habiter en ville. Les gouvernements n’arrivent pas à organiser ces villes, aussi vite que ces gens arrivent. Autour des villes, il y a de plus en plus de bidonvilles, sans eau, sans électricité, sans école et sans poste de santé, avec beaucoup de saletés et d’insécurité. Dans ces villes, comme dans les divers pays, les gens de différentes civilisations et religions sont de plus en plus mélangés. Ils ont de la peine à se comprendre, et souvent cela entraîne des bagarres et des violences. Les gens ne respectent pas les autres, ils veulent leur imposer leurs idées (manque de tolérance et d’accueil), même au niveau religieux : c’est ce qu’on appelle le fondamentalisme ou l’intégrisme, qu’on retrouve maintenant dans toutes les religions. Il est donc très important de travailler pour la paix et l’entente, entre les différentes civilisations et les différentes religions. Comme le fait par exemple le Mouvement d’Assise, commencé par Jean-Paul 2, ou les Commissions de Relations entre chrétiens et musulmans demandées par la Concile. Il y a aussi tous les efforts pour réconcilier les gens et reconstruire la paix, après les guerres et les dictatures dans nos différents pays. Comme par exemple les Commissions « Vérité et Réconciliation ». Sans oublier toutes les Commissions et Organisations qui travaillent pour les migrants (les émigrés et les personnes déplacées de toutes sortes).

Au point de vue religieux, le monde a perdu le sens du sacré : il est désacralisé, de plus en plus laïc. Mais on voit en même temps apparaître de nombreux mouvements religieux, des sectes, et même des croyances magiques (horoscopes, devins, porte-bonheur, etc…). Ces mouvements promettent le bonheur pour tout de suite, et d’une façon magique. Ils empêchent la vraie foi et l’engagement de l’homme. Dans le monde actuel, on cherche les plaisirs et tout de suite : chacun veut être libre et faire ce qu’il veut. Il nous faut donc comprendre et enseigner, ce qu’est vraiment la liberté. Ce n’est pas faire ce qui me plaît en ce moment, ou ce qui me passe par la tête. Comme le Concile l’a demandé, il nous faut revenir à la foi en Jésus Christ. Mais dans le dialogue avec les autres religions. En l’an 2000 déjà 65 % des catholiques vivaient dans les pays du Sud (et non plus en Europe). A l’inverse, il y a de plus en plus de musulmans en Europe et en Amérique du Nord. Cela nous appelle à vivre en paix entre croyants, mais aussi à mieux transmettre notre foi à nos enfants et à nos jeunes, dans nos familles et dans nos communautés de base

Il nous faut rencontrer les jeunes, pour mieux comprendre ce monde moderne. C’est nécessaire pour l’évangéliser. Car beaucoup de jeunes ne connaissent même pas la religion. C’est pour cela que l’on parle actuellement d’une nouvelle évangélisation. Cela demande que nous revoyions notre foi : d’une manière profonde, mais aussi adaptée au monde moderne. Pour pouvoir être des témoins, en qui les gens auront confiance. Car le monde actuel offre aussi, beaucoup de chances pour une vraie évangélisation, en particulier grâce aux médias. Mais cela ne peut pas se faire n’importe comment, ni comme autrefois.

Le Mouvement de libération des femmes devient de plus en plus important. Il cherche une vraie égalité : pas seulement la parité (le même nombre dans les bureaux ou les partis politiques), ni que les femmes deviennent des hommes. Mais qu’elles aient leur place dans les différents secteurs de la société, en étant elles-mêmes, personnellement et en tant que femmes. L’Eglise ne peut pas rester en dehors de ce mouvement. On a commencé à donner davantage de responsabilités aux femmes, dans l’Eglise. Mais il reste encore beaucoup à faire. Et aussi pour donner plus de place aux jeunes en général, qu’ils soient garçons ou filles. Cela nous demande de changer nos idées sur l’autorité (le pouvoir des évêques et des prêtres), et sur la façon de vivre notre foi dans l’Eglise.

Un autre mouvement qui devient de plus en plus fort, c’est le rejet de la pédophilie, et le respect des enfants. L’Eglise a été fortement touchée par ce problème, à cause du mauvais comportement de certains prêtres et religieux. Suite à cela, l’Eglise a perdu ses privilèges par rapport à la loi civile. Elle est devenue responsable devant la Justice, comme toutes les autres associations. C’est certainement une bonne chose : c’est une libération, et un moyen d’avancer pour l’Eglise. Car de tels crimes ne doivent pas être acceptés ou cachés. Ils doivent être obligatoirement jugés et punis. Et il est important que l’Eglise d’aujourd’hui apprenne à vivre à égalité avec les autres associations, au milieu des hommes. Comme le dit le titre de notre document : l’Eglise dans le monde de ce temps.

Les choses avancent et nous continuons de changer. Il nous faut avancer avec le monde, pour mettre en pratique les enseignements et l’expérience du Concile Vatican. Comme le souligne avec force et très souvent le Concile, il ne faut pas voir que du négatif dans ces progrès. Ce sont des progrès, donc une avancée. Le problème, c’est celui de leur utilisation. Comment les utiliser pour davantage de justice, pour qu’ils entraînent moins de différences de chance, et d’inégalités sociales ? Comment utiliser ces progrès d’une façon intelligente et réfléchie, en prenant nos responsabilités, pour le bien de tous?

Un exemple, la situation au Sénégale

Pour les lecteurs des autres pays, bien sûr ils verront quelles sont les réalités culturelles, sociales, économiques, politiques et religieuses de leur propre pays. Et pour les Sénégalais, ils complèteront et transformeront ce qui suit, en le mettant à jour, au fur et à mesure. On pourra aussi consulter mon site : http://armel.duteil.free.fr. Rubriques: 1) Situation du pays : Sénégal 2001 et 2012 et Guinée 2008, 2009 et 2010. 2) Justice et paix : déclarations de 2011 : justice et paix dans la Fano, en Mauritanie, Sénégal, Guinée Bissao et Guinée Conakry

L’évolution du pays a été très importante depuis l’Indépendance en 1960, avec le changement de régime en 2000, avec le passage du socialisme d’Abdou DIOUF au libéralisme d’Abdoulaye WADE, et une nouvelle alternance avec Macky SALL, aux élections présidentielles de mars 2012. Le régime libéral d’Abdoulaye Wade était très controversé et attaqué, malgré de nombreuses réalisations. Et beaucoup de gens aspiraient à un changement. L’élection de 2012 a été l’occasion de se demander : quel pays construire ? Quel programme mettre en place ? Faut-il continuer une société libérale, avec tous ses dangers de lutte pour le pouvoir, d’individualisme, de promotion personnelle et de corruption ? Une société qui souvent écrase les plus faibles et oublie les plus pauvres. Bien sûr, de grandes réalisations ont été faites : constructions de routes, de grands bâtiments (théâtre, palais de justice, nouvel aéroport, etc..). Mais on doit bien voir que ces réalisations de prestige ont coûté très cher, qu’elles n’ont pas servi à une augmentation du niveau de vie de la plupart des gens, et qu’elles se sont souvent limitées à la capitale, ou à l’intérêt des cadres et des touristes. Ainsi, conséquence du libéralisme, l’aide au monde rural a beaucoup diminué, et le monde des paysans est devenu de plus en plus pauvre : les grands projets n’étant pas réalistes et efficaces, et l’argent étant souvent détourné. Peut-être plus grave encore, on a assisté à un accaparement des terres, par les personnes les plus riches du pays, et aussi par des étrangers. Face à cela, des réactions sont apparues, mais qui ont été souvent réprimées par les forces de l’ordre, parfois avec beaucoup de violence et d’une façon démesurée. Et on a déploré des morts.

Jusqu’à maintenant, la pêche connaît bien des problèmes avec, en particulier, le pillage des fonds marins. Ce qui exaspère le plus la population, ce sont les coupures d’électricité et le manque d’eau. Mais il y a des problèmes sans doute beaucoup plus graves, en particulier celui du chômage et du manque d’avenir professionnel pour les jeunes. Y compris les universitaires, qui se retrouvent sans travail. Il ne faudrait pas oublier non plus, les problèmes des inondations à chaque saison des pluies. Malgré toutes les promesses, finalement pas grand-chose n’a été fait, dans ces différents domaines. Voir dans mon site : Sénégal 2012 : Pourquoi cette révolte ? Pourquoi les sénégalais se révoltent-ils ? Quel avenir pour le Sénégal ?

Lorsque l’on ouvre les journaux du Sénégal, on découvre chaque jour, toute une page « people », avec son culte de l’argent, des « idoles » et d’une fausse culture. On parle également de plus en plus de crimes, de vols, de viols, d’assassinats. Et bien sûr de prostitution, d’homosexualité, d’incestes et de pédophilie… Ces phénomènes existaient déjà autrefois. Ils sont simplement plus connus maintenant, et on en parle ouvertement. Mais il n’empêche que beaucoup de personnes sont perdues et déboussolées, dans cette nouvelle société, où les repères traditionnels n’agissent plus, et ne sont plus adaptés à la vie et aux problèmes des gens. Tout cela crée donc un grand sentiment de malaise, d’insécurité et de troubles. Là encore, il ne faudrait pas voir que le négatif (ce qui est mauvais) dans la culture moderne. A la suite du Concile, nous cherchons à voir les bonnes choses, et les chances de progrès, de bonheur et de libération. Mais en même temps, nous nous demandons : Comment vivre aujourd’hui dans la société sénégalaise ? Comment garder les valeurs traditionnelles, mais d’une façon adaptée et vivable dans le monde d’aujourd’hui ? Que prendre dans la société moderne, mais en intégrant ses qualités dans la culture sénégalaise, etc… ?

On notera aussi que le Sénégal, en particulier, est énormément aidé. Cela entraîne une mentalité d’assisté, qui n’est pas sans conséquence. Le développement du tourisme entraîne avec lui le phénomène de la prostitution, mais surtout la course à l’argent et au confort facile, et la mendicité. Il augmente la soif d’aller ailleurs, et donc l’émigration, la plupart du temps clandestine, avec tous ses malheurs et ses souffrances. Pour occuper et consoler le peuple, le sport prend de plus en plus de place, avec, là aussi, des dépenses exorbitantes. 10 milliards de francs CFA ont été prévus dans le budget de l’année 2012, 1 milliard pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2012), où le Sénégal n’a pas gagné un seul match ! La lutte traditionnelle prend de plus en plus d’importance. Mais est marquée, elle aussi, par le phénomène de l’argent, et surtout par la violence. Les grèves se sont multipliées dans tous les domaines : dans les universités, les transports, de nombreuses entreprises, et même la santé. Ces problèmes ne sont pas encore réglés.

Les phénomènes de sorcellerie, de « maraboutage », de magie, sont encore très présents. On a même parlé de sacrifices humains, et d’essais de kidnapping en particulier d’albinos ou d’enfants, pendant la dernière campagne présidentielle. La guerre larvée de Casamance se continue depuis plus de 30 ans, et on n’en voit pas la fin, malgré quelques efforts récents. Même si l’AQMI, branche africaine d’Al Quaïda, n’est pas active au Sénégal, elle est quand même à nos portes. Et le phénomène du terrorisme, comme celui de la drogue, est un danger inquiétant et présent.

L’exode rural augmente de plus en plus. Il y a 25 ans, la ville de Dakar faisait 3% de la population, maintenant elle arrive à 42 % de la population totale du Sénégal, avec tous les problèmes que cela entraîne : bidonvilles, vie difficile, chômage, délinquance, violence, etc… Bien sûr de nombreux progrès ont été faits et il ne faut pas les oublier. Par exemple au niveau des communications : il y a maintenant l’électricité et le téléphone dans de nombreux villages. Et les autres villages les réclament à grands cris. On y a construit des écoles primaires, et même des collèges et des lycées. On a voulu donner une place beaucoup plus importante à la femme, même si cela reste encore théorique : la parité se limite aux femmes des villes, dans les administrations, ou les classes sociales privilégiées. Et même là, cela reste très formel, et en dehors des réalités de la vie.

Une autre chose inquiétante : le dernier Forum Social Mondial de 2011, qui a eu lieu à Dakar, a très peu marqué la société sénégalaise, pour de nombreuses raisons, politiques et autres. Aussi bien l’Eglise que les Pouvoirs publics se sont tenus à l’écart, et il n’y a donc pas de progrès en ce domaine. Pour l’évolution de l’Eglise sénégalaise, il faudrait que les chrétiens acceptent d’être une minorité. Et qu’ils en tirent les conséquences. Jésus disait : « N’ayez pas peur, petit troupeau ». Il suffit d’un peu de sel, pour donner du goût à toute la nourriture. Il suffit d’un peu de levure, pour faire lever toute la pâte. Nous sommes le sel de la terre et le levain dans la pâte.

NB : Ces réflexions de 2011 ont été réactualisées en juin 2012. Mais elles sont discutables. De toutes façons, elles restent partielles et doivent être mises à jour, au fur et à mesure de l’évolution des choses, qui peuvent changer très vite. Aux lecteurs de autres pays de mener eux-mêmes la même réflexion, avec ceux qui les entourent !


Concile de Vatican 2, 50 ans après

Réflexions sur la constitution apostolique : Gaudium et Spes

« L’église dans le monde de ce temps »

Chapitre 3 : Introduction au document

Dans ce travail sur le concile de Vatican 2, à l’occasion du 50ème anniversaire du Concile, nous nous arrêtons spécialement au document Gaudium et Spes (GS) : » les joies et les espoirs des hommes » (l’Eglise dans le monde de ce temps). Car ce document très important a encore toute sa valeur, et il n’a pas fini d’être mis en pratique. (Voir en introduction du chapitre 1, comment utiliser ce travail, à partir de la vie et de l’expérience des participants)

Contenu du chapitre 3 :

  • Plan du document

  • Le message du document 

Quelques caractéristiques du document :

  • quelle Eglise ? Corps Mystique du Christ - Peuple de Dieu

  • une réflexion de toute l’Eglise 

  • une Constitution pastorale : Les évêques sont partis de la vie,

  • voir en premier le positif,

  • choisir le chemin du dialogue

  • Ce document s’adresse à tout le monde

  • en regardant le Christ

L’histoire du document

  • l’Eglise s’ouvre au monde

  • Les étapes du document 

  • Un travail de plus de 3 ans

  • Les évêques venus d’Afrique

  • Deux Lettres des Papes : la lettre du dialogue et la lettre sur le progrès des peuples.

  • des discussions : la place de Jésus, la bombe atomique et la régulation des naissances

  • la façon dont le Concile a travaillé

  • Celui qui a écrit ce document

  • Tout cela est très important pour nous.

Présentation du document

  • Qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans ce texte ?

  • il part de la vie du monde

  • La vision biblique

  • La vision historique

  • La vision sociale

  • l’Eglise change sa façon de parler

  • rapport avec les autres documents du Concile

  • La liberté

  • La conscience

  • Un nouveau visage de Jésus

  • Qui est Dieu d’après ce document ?

Synthèse du document

Le suivi du document

  • Ce document a des limites : trop optimiste ?

  • dialoguer, dans la vérité et la confiance.

  • voir quels sont les problèmes les plus urgents (pressés) aujourd’hui.

  • les changements dans le monde d’aujourd’hui,

  • L'Eglise et son rapport au monde 

  • faire accepter le Concile 

  • la mondialisation

  • les migrations et les questions écologiques

  • la joie et l’espérance

  • L'Eglise existe pour Dieu, et pour le monde,

  • la responsabilité propre et spéciale des laïcs 

  • Jean Paul 2 a continué le travail commencé

  • Benoît 16

Annexe: 1) Le Pacte des Catacombes

Résumé du document

Plan du document : Préface et introduction (1-3; 4-10)

  • Partie 1: L'Église et la vocation de l'homme

    • Introduction: Répondre aux appels de l'Esprit (11)

    • Chapitre 1: La dignité de la personne humaine (12-22)

    • Chapitre 2: La Communauté des hommes (23-32)

    • Chapitre 3: Les activités des hommes dans le monde (33-39)

    • Chapitre 4: Le rôle de l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui (40-45)

  • Partie 2: Quelques problèmes plus urgents

    • Préface (46)

    • Chapitre 1: la dignité du mariage et de la famille (47-52)

    • Chapitre 2: le bon développement de la culture (53-62)

    • Chapitre 3: la vie économique et sociale (63-72)

    • Chapitre 4: la vie de la communauté politique (73-76)

    • Chapitre 5: garder la paix et construire la Communauté des Nations (77-90)

  • Conclusion: Le rôle des chrétiens et des Eglises locales (91-93)

Le message du document :

La 1° partie donne les principes (les idées de base importantes) :

L’Eglise est solidaire (unie avec toute la famille des hommes), comme le dit le titre du document (n°1).

L’Eglise regarde la vie du monde, pour comprendre les signes des temps (n° 4).

Tous les hommes et les femmes sont créés à l’image de Dieu. Ils ont donc tous une dignité de base, intérieure à eux-mêmes, qui doit être respectée, et que personne ne peut enlever (n°12).

La vie des hommes a été blessée par le péché (n°13).

Chaque homme entend dans son cœur une voix, qui lui montre le bien et le mal. C’est la voix de Dieu, que nous devons écouter (n°14-16).

Les gens doivent être libres de penser, et de faire ce qu’ils trouvent bon et juste (n° 17).

Même ceux qui ne croient pas en Dieu, peuvent chercher le bien des hommes et des peuples (n°19-21).

Nous sommes tous égaux, parce que nous appartenons tous à la race humaine. Et nous avons tous été rachetés par le Christ (n°22).

La justice dans la société doit chercher cette égalité pour tous (n°25).

Puisque nous faisons partie de la famille humaine, nous devons tous participer aux affaires des hommes. Et dépasser nos intérêts personnels, pour chercher le bien commun (n°26).

Le but de l’Eglise n’est pas politique ou économique, il est religieux (n°40).

Mais la foi montre le chemin, elle donne des forces dans les affaires humaines (n°41). L’Eglise est le sacrement (le signe et le moyen) de l’union entre Dieu et le monde (n° 42).

Les laïcs sont appelés à participer activement à la vie de l’Eglise. Ils doivent faire avancer la société, avec l’esprit de l’Evangile. Ils doivent être les témoins du Christ dans le monde (n°43).

-Dans la 2° partie, notre document explique longuement ce qu’est la justice dans la société. En particulier, pour « quelques problèmes plus urgents » : le mariage et la famille, la culture (la civilisation), l’économie (le travail et l’argent), la politique et la paix. Il explique le rôle de l’Eglise, et le travail des chrétiens. Par exemple, le document reconnaît que l’Eglise ne doit pas vouloir diriger la politique. Mais qu’elle peut apporter la lumière de l’Evangile, aux différentes organisations et activités des hommes.

L’Eglise doit travailler dans le monde, pas seulement à l’intérieur d’elle-même, ni pour elle-même.

Quelques caractéristiques du document (les choses spéciales qu’il dit) :

Tout de suite, il est important de voir, de quelle Eglise nous parlons. Car même le Concile n’a pas toujours fait la différence entre l’Eglise, comme Corps Mystique du Christ, et l’Eglise comme Institution (l’organisation de la Cité du Vatican et le Saint Siège comme un état). En effet, l’Eglise c’est d’abord le Corps Mystique du Christ, c’est un Mystère divin, c’est la réalisation du Royaume de Dieu. Le Christ est notre Tête et nous sommes les membres de son Corps (St Paul : 1ère aux Corinthiens, chapitre 12). La Bible, l’Ancien Testament et en particulier l’Evangile, nous présentent l’Eglise comme le troupeau de Dieu, conduit par un Bon Berger. Et aussi comme un arbre, dont le Christ est le tronc, et nous sommes les branches. Le Concile Vatican 1 parlait plutôt de l’Eglise hiérarchique (une société organisée d’en haut), et en particulier du Pape et des Institutions catholiques et romaines, ce que l’on appelle le Vatican. Le Concile Vatican 2, lui, explique l’Eglise comme le Peuple de Dieu. Et l’on pourra remarquer par exemple, que cette Constitution est signée de cette manière : « Moi, Paul, Evêque de l’Eglise catholique », suivie des signatures des autres Evêques (les Pères). Paul VI se situe donc comme évêque parmi les autres évêques, dans l’Eglise, Peuple de Dieu. Et non pas comme Pape, chef et supérieur. Le 1er Synode pour l’Afrique, lui, définira l’Eglise comme famille de Dieu. Car la famille est très importante dans la culture africaine. Elle en est le centre.

On pourra noter aussi, que le titre prévu pour ce document était : L’Eglise ET le monde. Heureusement, un certain nombre de Pères du Concile ont refusé, en disant : « Il n’y a pas l’Eglise d’un côté, et le monde de l’autre côté. L’Eglise est DANS le monde, et dans le monde de ce temps ». Ce qui est le titre définitif : « l’Eglise dans le monde de ce temps ». C’est très important. L’Eglise ne se met plus en face du monde : « l’Eglise et le monde ». Encore moins en opposition. Elle se situe dans le monde, comme une partie du monde, tel qu’il est actuellement. Et les évêques du Concile en tirent les conséquences : l’Eglise et le monde dépendent l’un de l’autre : »L’Eglise est à la fois une organisation visible et une communauté spirituelle (religieuse). Elle fait le même voyage que tous les hommes. Elle partage avec eux le même avenir sur la terre » (n° 40). C’est pourquoi, »le Concile veut dire sa solidarité, son respect et son amour, à toute la famille humaine…Il offre aux hommes la collaboration sincère de l’Eglise, pour mettre la fraternité entre tous les hommes » (n° 3)

Quand un Pape parle, même si son écrit est préparé par toute une équipe, c’est toujours un enseignement un peu personnel. Mais dans le cas du Concile, c’est vraiment la réflexion de toute l’Eglise : une réflexion qui a duré plusieurs années, qui a été préparée avec la participation de laïcs dans le monde entier, et qui est la parole de plus de 2.000 évêques ensemble, avec l’aide de théologiens et de représentants de la société et des autres religions.

Quand les Evêques commencent à écrire ce document, ils se posent tout de suite une question : Est-ce qu’on va écrire un texte, pour dire aux catholiques, comment ils doivent vivre dans le monde ? Ou bien est-ce qu’on s’adresser aux hommes du monde entier ? Ils ont choisi le 2° chemin. C’est pourquoi, ils n’ont pas enseigné comme d’habitude, des vérités théoriques, qui viennent d’en haut. Les évêques sont partis de la vie, et des problèmes actuels des hommes. C’est pour cela qu’ils ont appelé ce document : une Constitution pastorale : une lettre de pasteurs (de bergers), qui marchent ensemble avec tout leur troupeau. C’est pour cela aussi, qu’il a fallu beaucoup de temps pour mettre le texte au point. Et qu’il n’a été publié que le dernier jour du Concile. Car on a dû réécrire ce texte plusieurs fois. Mais c’est sans doute aussi, l’un des textes qui a eu la plus grande influence, sur la vie des chrétiens et de l’Eglise. Avec également la Constitution sur la Liturgie (la façon de prier, de célébrer la messe et les sacrements), le décret sur l’Oecuménisme pour les relations avec les autres chrétiens, et celui sur les relations avec les autres religions (Nostra Aetate).

Un document pastoral, qu’est-ce que cela veut dire ? Pastoral c’est l’adjectif qui vient du mot pasteur. C’est Jésus qui est le Bon Pasteur. Il nous conduit comme un bon berger conduit son troupeau. Le travail pastoral c’est donc continuer le travail de Jésus sur la terre, « Lui qui est passé partout en faisant le bien », et de conduire les hommes vers Dieu qui nous sauve. Le travail pastoral c’est chercher le bien total des hommes, dans toute leur personne (leur cœur, leur corps, leur esprit et leur âme) et dans toute leur vie. Cela en se servant des progrès actuels. C’est pourquoi le Concile parle « des progrès des sciences, pour mieux comprendre l’homme et son mystère » (5). En fait, ce document reste dans la ligne de l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Ce qui est nouveau, c’est qu’il donne toute son importance à la vie des hommes et des sociétés. Comme le dit déjà la première phrase : « les joies et les espoirs des hommes, mais aussi leurs souffrances et leurs tristesses ». Il est célèbre, à cause de sa force et de sa clarté.

Ce que l’on remarque aussi dans ce document, c’est la volonté de dialogue avec le monde. Et non pas de s’opposer à lui. C’est pourquoi les Evêques ont cherché à voir en premier le positif, ce qu’il y a de bon et de beau dans le monde. A tel point qu’on les a quelquefois accusés d’être trop optimistes (de voir seulement les bonnes choses). Et même un peu naïfs (de tout croire, et de tout accepter). Mais c’est une preuve très forte de solidarité. C’est le signe que l’Eglise est unie aux autres hommes, et aux autres religions. C’est un grand signe de respect et d’amour pour l’ensemble des hommes, pas seulement pour les chrétiens. Il s’agit bien de construire ensemble la société. C’est pourquoi, le monde est appelé « communauté internationale ». Il est appelé à devenir une vraie famille humaine (chapitre 5). Une communauté et une famille, et non pas une simple organisation d’états, ayant signé des contrats internationaux, et réunie au sein de l’ONU. C’est là quelque chose de très important, que l’Eglise apporte au monde.

Jean 23 n’a pas voulu, que le Concile condamne des gens ou des idées (voir le chapitre 1). Les évêques n’ont même pas condamné le marxisme, qui pourtant faisait beaucoup souffrir les chrétiens, en Europe de l’Est et en Chine. Ils ont préféré choisir le chemin du dialogue. Comme Jésus qui a envoyé ses 72 disciples, dans tous les villages où il devait aller lui-même (Luc 12, 1). Car « la vérité ne s’impose pas par la violence, mais par la force de la vérité elle-même : elle pénètre les esprits avec douceur », comme le dit le document sur la liberté religieuse, au n° 1. Et c’est en vivant avec les autres hommes, que nous vivons notre foi. Comme Jésus qui s’est fait homme, et qui est passé de village en village, pour annoncer l’Evangile. Il a commencé par partager la vie des gens, leurs souffrances mais aussi leurs espoirs, et leur attente d’un Sauveur. Notre document est le signe de l’ouverture et de la relation (union et entente) : ouverture de l’Eglise au monde. Et relation de la foi à la vie, des catholiques aux autres chrétiens, et des croyants aux non croyants. Pour chercher des solutions, avec les autres hommes du monde, en acceptant de recevoir d’eux et des autres religions.

Ce document s’adresse à tout le monde, pas seulement aux chrétiens. C’est sans doute pour cela, que l’on cite le nom de Dieu 178 fois, et celui de Jésus-Christ seulement 98 fois. Cela montre que les croyants en Dieu, de toutes les religions et de tous les pays du monde, ont le droit à cette Lumière qui vient de Dieu. Car elle éclaire tous les hommes et toutes les femmes de ce temps. Cela montre aussi que c’est dans la vie de tous les jours, que nous rencontrons Dieu (voir la 2ème partie).

Mais après avoir écouté les hommes et partagé leur vie, les évêques du Concile terminent chaque chapitre, en regardant le Christ qui sauve les hommes, comme pour appliquer aux chrétiens ce qui a été dit pour tous les hommes. Car c’est Lui qui donne sens à notre vie, et au monde entier. C’est Lui qui donne la dignité  à la personne humaine, dont il est question partout. Lui, le Fils de Dieu, il fait de l’homme un enfant de Dieu. C’est justement pour cela qu’Il s’est fait homme, et qu’Il a partagé toute notre vie. On conclut donc le chapitre 1 au n° 22, par : » le Christ, homme nouveau ». Le chapitre 2, par : « le Verbe incarné et la solidarité humaine ». Le chapitre 3, par : » la terre nouvelle et les cieux nouveaux, créés par Jésus-Christ ». Le chapitre 4, par : » le Christ, alpha et oméga, début et fin de toutes choses ».Jésus Christ doit être au coeur de notre vie, comme il est au centre de ce document.

L'histoire du document

Pour comprendre le document « L’Eglise dans le monde de ce temps », comme d’ailleurs tous les autres textes du Concile, il nous faut voir trois choses :

  1. L’histoire du document : Comment le texte a été composé : à quel moment, par qui, dans quelles conditions… Et connaître les différentes étapes, par lesquelles il est passé pour être écrit.

  2. Le contenu : Lire et réfléchir au texte même du document.

  3. Le suivi : Voir les résultats du document : ce qu’il a produit dans les communautés chrétiennes et dans la société. C’est ce qui permettra de voir, comment continuer à faire avancer les choses, en les adaptant « au monde de notre temps ». Ce qui est le titre même du document.

Pendant le Concile Vatican 2, l’Eglise s’est d’abord occupée d’elle-même. La 1ère déclaration « la Lumière des Nations » (LG), publiée le 21 Novembre 1964, explique ce qu’est l’Eglise. Puis les évêques ont expliqué ce qu’est la Parole de Dieu, le 18 Novembre 1965. Ensuite, ils ont écrit de nombreux autres documents : sur la liturgie (la façon de prier), l’œcuménisme (les relations entre chrétiens) et avec les autres religions, l’éducation chrétienne, le rôle des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs. Mais, déjà avant le Concile, Jean 23 avait souhaité que l’Eglise s’ouvre au monde. Les évêques ont accepté cela, dès le début de la 1ère session (rencontre de travail), le 20 Octobre 1962, en disant : « Nous sommes venus de toutes les parties de la terre. Nous apportons les souffrances des hommes dans leur corps et dans leur cœur. Et les désirs des peuples, dont Dieu nous a donné la responsabilité. Nous pensons surtout aux plus petits, aux plus pauvres et aux plus faibles. Nous sommes unis à ceux qui ne sont pas encore arrivés à un vrai développement, parce qu’il n’y a pas assez d’entraide dans le monde…. Nous allons beaucoup réfléchir à ces problèmes, dans tous nos travaux. Nous cherchons à construire une vraie communauté, entre tous les peuples ». C’est pourquoi les évêques ont beaucoup réfléchi à la paix et à la justice : comment la mettre et la faire grandir dans la Société.

Les étapes du document : Le 4 décembre 1962, à la fin de la première réunion, le Cardinal Joseph Suenens propose un schéma, qui présente la mission de l’Eglise dans le monde (et non plus à l’intérieur d’elle-même). Cette proposition est composée de 17 parties (17 schémas), avec de nombreuses divisions. Grâce à l’action de plusieurs évêques, dès le 7 Décembre 1962, on présente un plan de travail sur ces questions. On appelle d’abord notre document « le schéma 13 », puisque c’est le 13ème des 17 schémas des textes à travailler. En Janvier 1963, on met en place une équipe, pour travailler sur ce schéma, composée d’évêques et de spécialistes laïcs. Ils transforment le texte et l’appellent : « La présence de l’Eglise dans le monde moderne ». Il s’appelle ensuite : « Principes et actions de l’Eglise, pour faire grandir le bien dans la Société ». Puis : «les joies et les espoirs des hommes de ce temps » : l’Eglise dans le monde de ce temps.

Ceux qui ont écrit ce texte ont apporté des idées importantes : l’Eglise et le monde ne sont pas comme l’eau et l’huile, qui ne se mélangent pas. L’Eglise n’est pas en dehors du monde, ni le monde en dehors du Royaume de Dieu. Ceux qui ont écrit ce texte faisaient partie de la commission doctrinale (d’enseignement) et de la commission pour l’apostolat des laïcs. On a créé ensuite des sous commissions, pour chacun des chapitres à écrire. En choisissant des gens qui avaient, non seulement des connaissances, mais qui avaient faits des choses, dans ces questions. Les projets ont d’abord été écrits en français, avant d’être traduits en latin. Et pour la première fois, la traduction finale a été distribuée dans les principales langues européennes, à la fin de la 4ème session. C’était la première fois que cela se faisait. Avant, tout était écrit en latin, et seulement en latin : une langue que beaucoup d’évêques ne comprenait pas bien, ou même pas du tout. Les théologiens français Chenu et Congar ont eu une grande influence, pour écrire ce texte. Et il y a eu des grandes discussions, entre eux et les théologiens de langue allemande, comme Rahner et Ratzinger, devenu depuis le Pape Benoît 16.

Le travail a duré plus de 3 ans. Au début, on cherchait seulement à faire un résumé de l’enseignement des Papes du siècle passé, sur les problèmes de la Société (un résumé de la doctrine sociale de l’Eglise). Mais au fur et à mesure de la réflexion, la 1ère partie a été beaucoup augmentée. Au début, on parlait seulement de la vocation de l’homme, et de la place de la personne humaine dans la Société. On a ensuite ajouté la signification des actions des hommes dans le monde, d’après le plan de Dieu et dans l’action du Christ. Ce qui a amené à parler beaucoup plus de Jésus-Christ. Dans la 2ème partie, les deux choses les plus discutées étaient : 1°) la contraception artificielle, c’est-à-dire la régulation des naissances avec des appareils ou des produits chimiques, en particulier la pilule. 2°) le danger de la guerre nucléaire (la bombe atomique). Mais là aussi, peu à peu, on a ajouté d’autres problèmes. Par exemple, les évêques d’Amérique du Sud ont demandé que l’on parle des grandes propriétés, aux mains de quelques riches, et qui n’étaient pas travaillées, alors que beaucoup de paysans n’avaient pas de terre, pour vivre avec leur famille. Puis, peu à peu, on a ajouté les problèmes de la famille, de la culture (la civilisation), de l’économie et de la politique.

Au début du Concile, les évêques ont commencé par parler des problèmes intérieurs de l’Eglise comme : qu’est-ce que l’Eglise ? Comment prier (la liturgie) ? Mais peu à peu ils sont arrivés aux problèmes, posés par la vie moderne : la différence des cultures, l’indépendance des pays du Tiers Monde et la libération des personnes, le sens de la vie et de la mort, l’opposition entre les grands pays, et spécialement entre les 2 blocs capitaliste et communiste, la guerre et la paix, les questions économiques (le travail et l’argent) ,mais aussi la vie de la famille, la faim et la pauvreté, etc… Les évêques venus d’Afrique, et ceux qui viennent des pays communistes, apportent aussi leurs problèmes. Mais Ils apportent aussi des nouvelles façons de penser, et des nouvelles idées sur ce que l’on pourrait faire.

Deux Lettres des Papes ont eu une grande influence sur ce document. D’abord la Lettre de Jean 23, du 11 Avril 1963, sur « La paix sur la terre » : 1°) à cause de ce qu’il disait, sur la paix et les armes nucléaires. Et aussi sur la communauté politique, et sur les droits de l’homme. 2°) Mais surtout à cause de la façon dont Jean 23 parlait de ce problème, en commençant par regarder et par écouter la société, avec beaucoup d’amitié, et un esprit ouvert aux idées nouvelles. Par exemple, Jean 23 demandait de faire la différence, entre les erreurs qu’il faut condamner, et les personnes qui se trompent, et qu’il faut conseiller. Et qu’il faut d’abord aimer, écouter et comprendre. C’est aussi important de faire la différence, entre des théories que l’Eglise ne peut pas accepter (comme par exemple le marxisme, qui dit que Dieu n’existe pas), et les bonnes actions, qui sont faites à partir de ces théories, par les marxistes. Ces actions, il faut les respecter, les continuer, et les augmenter en travaillant avec tous. Par exemple pour le marxisme, le soutien des pauvres, l’organisation de la Société, etc…Jésus disait à ses apôtres : » Ne les empêchez pas ! Celui qui n’est pas contre nous, il est pour nous » (Marc 9,40)

Deux mois après son élection, le 6 Août 1963, le Pape Paul 6 écrit une autre lettre : « Son Eglise », que l’on a appelée la lettre du dialogue. A cause de cette Lettre, les évêques ont réécrit ce document GS dans un esprit de dialogue. Et ils ont ajouté une longue réflexion sur l’athéisme (ceux qui ne croient pas en Dieu). Ils ont aussi parlé davantage de l’homme, dans une nouvelle rédaction (la dimension anthropologique). Paul 6 écrira ensuite la lettre sur le progrès des peuples. Grâce à ces lettres des papes, notre document sur l’Eglise de ce temps a marqué un véritable changement et un grand progrès, dans la vie de l’Eglise.

Mais bien sûr, il y a eu des discussions. Dans le texte, on citait Saint Irénée, un Père de l’Eglise, qui disait : « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Mais un évêque, Mgr RENARD a demandé, qu’on n’oublie pas la fin de la phrase : « et la gloire de l’homme vivant, c’est de voir Dieu ». Un autre évêque a demandé, que l’on ne voie pas les choses, seulement du bon côté (l’optimisme). Mais que l’on n’oublie pas la présence du péché et du mal, dans le monde. Et surtout qu’on montre bien, la place de Jésus qui nous sauve. Les évêques des pays de l’Est ont demandé, que l’on ne présente pas l’homme, seulement d’après les sciences humaines (l’anthropologie, la psychologie et la sociologie). Mais surtout comme une image de Dieu, appelée à rendre gloire à Dieu. On a aussi beaucoup discuté sur les armes nucléaires (la bombe atomique). Des évêques, en particulier américains, disaient que la bombe atomique c’est un bon moyen d’empêcher la guerre, parce qu’elle fait peur aux ennemis (la prévention et la dissuasion). Comme dit ce proverbe : Si tu veux la paix, prépare la guerre. Mais les autres évêques n’ont pas été d’accord. Ils ont dit : »Si tu veux la paix, prépare la paix ! »

Pour la régulation des naissances, on a arrêté la discussion, car elle était très compliquée. Les évêques ont décidé, que ce serait le Pape qui réfléchirait à cette question après le Concile, avec des théologiens et des spécialistes laïcs. Ce sera fait. Et le Pape écrira la Lettre sur « La vie humaine », en 1968. Malheureusement, au lieu d’écouter ce que disaient les laïcs, alors que ce sont eux qui sont mariés et qui vivent les problèmes, il a préféré donner son propre avis, et refuser les moyens techniques de limiter les naissances (la pilule, etc…). Cette lettre sera très mal acceptée, même par les chrétiens. Certains quitteront même l’Eglise, à cause d’elle.

Bien sûr, ce document n’est pas parfait. Le problème, c’est que les évêques n’ont pas eu le temps de le discuter suffisamment. Mais ils ont préféré publier un texte, avant la fin du Concile, même s’il était encore incomplet et imparfait. Plutôt que de ne rien dire. GS a été voté par 2307 voix, contre 75.

Pour avoir une idée de la façon dont le Concile a travaillé, voici un exemple. Les cardinaux avaient préparé des textes à l’avance, qu’il fallait seulement faire voter, à leur avis. Mais les évêques venus d’ailleurs ont refusé cela. Ils n’ont pas voulu être commandés et dirigés à l’avance, sans être d’abord écoutés. Et le pape Jean 23 a accepté ce point de vue des évêques. Le Cardinal Suenens va donc voir Jean 23. Avec son accord, il organise une rencontre de plusieurs cardinaux, parmi lesquels le Cardinal Montini qui deviendra Paul 6, Siri, Döpfner et Lercaro. Avec eux, il prépare son discours du 4 décembre 1962. Dans ce discours, il propose un secrétariat sur « les activités de l’Eglise à l’extérieur », pour réfléchir aux relations de l’Eglise avec le monde. L’Assemblée des évêques est d’accord. Alors Jean 23 met en place une commission de coordination, pour revoir le programme de travail du Concile. Le Cardinal Suenens est chargé de faire un premier projet sur « L’Eglise et le monde ». Un autre évêque belge, Monseigneur Philips, qui avait beaucoup travaillé avec le Parlement de son pays, propose la mise en place de sous-commissions, pour étudier les différentes propositions des évêques. Et pour les aider à écrire leurs interventions. Le Cardinal Suenens sent que son projet sur « l’Eglise et le monde » va être refusé. Il demande donc à Monseigneur Philips d’écrire un nouveau texte, sur le même sujet. Mais il y a beaucoup de discussions. Alors on créé une commission de sept évêques, qui arrivent à faire accepter le projet. Monseigneur Philips propose d’ajouter au texte, l’idée de l’Eglise comme Peuple de Dieu. Cette idée, appuyée par le Cardinal Suenens, est acceptée par la commission de coordination du Concile. Monseigneur Philips écrit donc un nouveau texte, qui est présenté à l’Assemblée des évêques. Ce texte sera beaucoup discuté et réfléchi, avec de nombreuses interventions des évêques et des théologiens, jusqu’au texte final. Ainsi chaque texte du Concile a été réfléchi pendant très longtemps, bien préparé et beaucoup discuté. Il y a eu de nombreuses transformations et plusieurs rédactions, jusqu’à ce que la majorité des évêques soit d’accord. 

Celui qui a écrit ce document, après toutes les discussions, s’appelle Monseigneur Pierre Haubtmann. C’était un ancien aumônier national de l’Action Catholique Ouvrière, et le fondateur du Bureau National de l’Information catholique. Il avait beaucoup réfléchi aux relations entre l’Eglise et la société. Il voulait dépasser le comportement renfermé de l’Eglise au 19ème siècle. Il avait beaucoup cherché, comment faire connaître Dieu aux hommes, dans un monde où beaucoup de gens ne croient plus (l’athéisme). Il avait été responsable du service d’information des évêques français. Il connaissait donc bien les moyens de communication (les médias). C’était donc à la fois un homme de réflexion et un homme d’action, qui cherchait à vivre sa foi dans l’espérance et la charité. Pour écrire ce texte qui venait des évêques, il s’est entouré d’une équipe de laïcs et de théologiens. Et après le Concile, il saura faire connaître ce texte à tous, en particulier aux étudiants, puisqu’il sera Directeur de l’Institut Catholique de Paris, au moment de la révolution culturelle de 1968, qui a touché le monde entier.

Finalement, le document s’appellera « l’Eglise dans le monde de ce temps ». Paul 6 l’expliquera de cette façon : « Le Concile (le magistère) n’a pas voulu parler avec des mots théoriques et compliqués. Il a voulu partir des questions qui, aujourd’hui, interrogent le cœur de l’homme et ses activités. Il a cherché à dialoguer (à parler en écoutant) avec tous les hommes. Il n’a pas voulu être intellectuel, mais il a parlé comme dans une conversation ordinaire ». Déjà certains accusaient le document, de ne parler que de l’homme, en oubliant Dieu. Paul 6 explique : « Notre humanisme (notre amour de l’homme) devient christianisme. Et notre christianisme s’attache à Dieu. Car pour connaître Dieu, il faut connaître l’homme…. Et il ne faut pas aimer l’homme, comme un simple moyen pour aimer Dieu, ou pour aller vers Dieu. (Il faut aimer l’homme pour lui-même). Aimer l’homme, c’est déjà la 1ère étape de notre montée vers Dieu. Dieu est notre but dernier et supérieur. Mais Il est aussi le début et la cause de tout amour ». A l’ouverture de la deuxième session du Concile, Paul 6 déclara : « Le jour de la Pentecôte, Pierre a parlé à tout le peuple. Vous aussi, vous avez voulu parler au monde entier, et pas seulement entre vous. Vous avez voulu vous occuper des problèmes du monde entier, au lieu de vous refermer sur l’Eglise ». Car, comme le dit le titre de notre document, l’Eglise est dans le monde. Elle ne doit pas travailler pour elle-même. Elle est au service du Royaume de Dieu, un Royaume ouvert à tous les hommes, de toute langue et de toute religion. C’est un grand enseignement du document, plus important encore que son contenu

Tout cela est très important pour nous. Le document n’a pas été écrit en une seule fois. Il a été beaucoup réfléchi, et aussi beaucoup discuté. On est parti des vrais problèmes de la société de ce temps-là. C’est de cette façon-là, que nous devons travailler dans l’Eglise, ensemble avec les autres hommes : ne pas décider de choses théoriquement, à partir de documents venus d’en haut, et écrits par des chefs. Mais que l’on parle de problèmes concrets, pratiques et précis. Que l’on écoute les gens à la base. Que l’on n’ait pas peur de faire beaucoup de recherches, et de beaucoup discuter entre nous, pour mieux comprendre ce que le St Esprit veut nous dire, à travers nos frères et nos sœurs. Et surtout ne pas chercher à imposer nos idées, encore moins condamner les gens. Au contraire, chercher à les comprendre et à les écouter.

Cette méthode de travail du Concile il faut la garder dans l’Eglise actuelle, dans tout ce qu’on fait. Et ne jamais l’oublier : Avant de dire quelque chose aux hommes, nous devons d’abord beaucoup prier, mais aussi beaucoup réfléchir. Nous devons beaucoup travailler, mais surtout beaucoup écouter. Et beaucoup discuter, avec le maximum de personnes. Pas seulement les chrétiens, mais tous ceux qui vivent ces problèmes, chrétiens ou non. Il ne faut pas partir des idées de l’Eglise, mais de la vie des hommes. Et bien regarder comment les choses se présentent. Pour les papes et les évêques, ils ne doivent pas décider tout seuls. Ils doivent bien écouter les laïcs. Surtout quand il s’agit de choses qui regardent les laïcs, qu’ils vivent eux-mêmes.

Présentation du document : Dans la Constitution, on a :

Yout d'abord, un exposé sur la condition humaine dans "le monde d'aujourd'hui" … qui a beaucoup changé depuis cinquante ans

Ensuite, une Première Partie qui parle de l'Eglise, et des conditions de vie des hommes, avec les idées suivants :

  • la dignité de la personne humaine ;

  • l' Homme créé à l'image de Dieu ;

  • la dignité de l'intelligence et de la conscience morale (de l’esprit et du cœur)

  • la grandeur de la liberté ;

  • l'athéisme (refuser de croire en Dieu), ses formes et ses causes ;

  • la communauté des hommes, selon le plan de Dieu

  • les activités humaines dans un monde, cassé par le péché, mais sauvé par le Christ ;

  • le rôle de l'Eglise dans le monde de ce temps : les rapports entre l’ Eglise et le monde : ce que l'Eglise apporte au monde, mais aussi l'aide que l'Eglise peut recevoir du monde d'aujourd'hui

Enfin, dans la Deuxième Partie, quelques questions importantes qui touchent spécialement les hommes de ce temps, à la lumière des principes qui nous viennent
du Christ :

  • le mariage et la famille ;

  • la culture ;

  • la vie économique et sociale ;

  • la vie politique ;

  • la solidarité des peuples et la paix

Le point de départ : L’Eglise en Europe a eu beaucoup de peine à accepter la chute des rois, et la venue de la République. Et surtout la séparation de l’Eglise et de l’Etat, au 19e siècle. Elle a aussi eu de la peine, à accepter la Déclaration des Droits de l’Homme en 1948, parce qu’on n’y parlait pas de Dieu. Le Concile, avec ce document, a dit un oui sincère et profond à l’âge moderne, avec confiance et un esprit ouvert. L’Eglise ne parle plus au monde de l’extérieur, encore moins d’en haut, mais en se plaçant au cœur même du monde. Ce n’est pas pour rien que son titre est : l’Eglise dans le monde. La première partie explique, ce qu’est la condition de l’homme, dans le monde d’aujourd’hui, en insistant sur sa dignité. Le mystère de la personne humaine se trouve en Jésus-Christ Fils de Dieu, qui montre à la fois la grandeur de l’homme, et le but de sa vie. Ensuite l’homme est un être communautaire, parce qu’il est créé à l’image de Dieu, qui est communauté et famille : la Trinité. C’est de là que vient le devoir de chercher le bien commun, pour toute la société et pour chacune des personnes. Et le devoir de construire ensemble, un monde où il fait bon vivre pour tous. Ce travail de tous les hommes ensemble, tout au long de l’Histoire, construit le Royaume de Dieu sur la terre (n° 39). Le Royaume de Dieu est « le sommet, vers lequel montent tous les désirs, de toute l’histoire et de toutes les civilisations. C’est le centre du genre humain. C’est la joie de tous les cœurs, et la somme de leurs désirs profonds. » (n° 45, 2)

Qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans ce texte ? Paul VI explique : « Le Concile n’a pas voulu annoncer de nouvelles vérités à croire. Il a parlé de beaucoup de questions, qui touchent les activités de l’homme. Il a dialogué avec le monde (il a parlé avec les autres hommes). Non pas en faisant de grandes théories, mais comme dans une conversation. Ce document n’a pas voulu parler seulement aux chrétiens, mais à tous les hommes. Pour que la lumière de Dieu éclaire le cœur de tous les hommes. Et que l’Evangile soit entendu et compris par tous. »

Ce document sur l’Eglise dans le monde de ce temps n’était pas prévu, au début du Concile. Il est sorti de l’assemblée. C’est le plus long des 16 documents de Vatican 2. Le seul qui a été écrit, avec des sous titres. Il a été voté le dernier jour de travail du Concile. Il s’adresse à tous les hommes, pas seulement aux chrétiens. Il a été écrit dans un style nouveau, différent des autres documents : comme un dialogue avec les hommes, proposant une collaboration, et cherchant la participation de tous. Il est dans la ligne de ce que les papes ont écrit, sur la vie dans la société (la Doctrine Sociale de l’Eglise), depuis la lettre « les choses nouvelles » (RN) de Léon 13 en 1891, jusqu’à « la paix sur la terre » (PT) de Jean 23, en 1963.

Ce document utilise une méthode inductive, c’est-à-dire qu’il part de la vie du monde. Mais en utilisant une réflexion philosophique et théologique. Le document répond au désir de Jean 23, d’avoir un concile pastoral, c’est-à-dire qui parle directement de l’action de l’Eglise : « la constitution est appelée pastorale, parce qu’elle parle de la relation de l’Eglise avec le monde et les hommes d’aujourd’hui, tout en s’appuyant sur l’enseignement de l’Eglise ». La première partie est plus doctrinale (des idées), et la deuxième partie plus pastorale (des choses à faire). Mais les deux parties vont ensemble. Pour la partie doctrinale, elle se place à 4 niveaux :

  1. La nature de la personne humaine (anthropologie) ; « L’homme regardé dans son unité et sa totalité : corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté » (n° 3, 1 fin).

  2. La nature morale de l’action humaine (faire le bien et lutter contre le mal), en chrétien, dans la société actuelle.

  3. La nature et la mission de l’Eglise (l’ecclésiologie) : « l’Eglise n’est poussée par aucun désir humain. Elle cherche une seule chose : continuer le travail du Christ, venu dans le monde pour être le témoin de la vérité, en se laissant conduire par l’Esprit Saint consolateur » (n° 3, 2). A ce niveau ce document continue le document « la Lumière des Peuples » (LG)

  4. La nature humaine et divine du Christ (la christologie), qui est le modèle de la personne humaine : « l’Eglise croit que la solution, le centre et le but de toute l’histoire des hommes, se trouve dans le Christ, son Seigneur et son Maître » (n° 10).

Dans ce document on peut voir les choses, à partir de 3 points de vue :

  1. Voir les choses à partir de la Parole de Dieu (vision biblique).

  2. Faire attention à l’histoire des hommes (vision historique).

  3. Voir ce qui se passe dans le monde (vision sociale).

La vision biblique comprend deux choses : d’abord bien sûr, la Parole de Dieu lui-même. Mais aussi la « loi naturelle » : une loi que Dieu lui-même a écrite, dans la nature de l’homme, au plus profond de son cœur et de son être. Il faut donc bien comprendre le sens de ce mot « nature ». Il ne s’agit pas de la nature, comme la terre avec les plantes et les animaux. Il ne s’agit pas non plus de la nature, opposée à la culture (l’éducation et la civilisation). La nature est à comprendre ici, comme ce qui est le plus profond dans le cœur de l’homme. Et qui donne sens à sa vie. (Le sens de ces mots « nature » et « loi naturelle » utilisés par l’Eglise dans ce sens posent problème, car ils sont souvent mal compris par les autres personnes)

La vision historique : le Concile cherche à comprendre l’histoire du monde, la vie de la société, les différentes cultures et civilisations et leurs transformations, au fur et à mesure que les idées et l’organisation de la société avancent : dans les domaines sociaux, culturels, économiques et politiques. Car la vie des hommes est marquée par l’histoire du monde. Mais surtout le Concile cherche à voir les situations actuelles. Quels sont les problèmes du monde moderne ? Qu’est-ce que l’Evangile dit sur cette situation ? : « Les hommes avaient autrefois une idée des choses, comme si elles devaient être toujours les mêmes. C’est pourquoi, il fallait respecter l’ordre mis en place par les ancêtres, et suivre les traditions. C’étaient les anciens qui avaient l’expérience, et donc qui étaient les sages qu’on devait écouter. Actuellement, on a l’idée d’un monde qui avance, et qui change de plus en plus vite. Cela demande de voir ce qui se passe, et de réfléchir à la vie du monde d’une manière nouvelle » (5,3). Le Concile parle de la vie des hommes et du monde, et non plus des idées théoriques (la méthode inductive). On ne part plus des vérités éternelles, mais on regarde le sens de la vie des hommes.



La vision sociale : le document LG (la Lumière des Peuples) a présenté l’Eglise à l’intérieur d’elle-même (sa nature). Notre document regarde les relations de l’Eglise avec l’extérieur : Quelle est sa mission dans le monde ? C’est de faire reconnaître et de faire grandir le Royaume de Dieu, dans les différentes parties de la vie humaine et de la société. On passe alors d’une Eglise qui travaille pour elle-même, à celle de l’Eglise qui est au service du Royaume de Dieu (voir les n° 40 à 42 : le rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps). L’Eglise a alors 4 choses importantes à faire :

  1. Défendre la dignité de chaque personne humaine.

  2. Faire grandir le respect des droits humains.

  3. Construire l’unité de la famille des hommes

  4. Donner un sens à la vie des hommes.

Le Royaume de Dieu est au-dessus de toutes les organisations politiques des hommes. C’est pourquoi, l’Eglise a le droit de parler des choses politiques. Mais en même temps, le Royaume de Dieu se construit dans la société. Et dans les réalités économiques, sociales et politiques de chaque peuple. C’est pourquoi, l’Eglise doit participer à ce qui se fait dans ces domaines, d’une manière adaptée à chaque pays. Et en écoutant tous les hommes qui vivent ces choses.

Les mots principaux de ce document sont : solidarité (être ensemble), dialogue (parler ensemble en s’écoutant), lire les signes des temps. Par exemple, pour la solidarité, voir ce que dit le n° 1, au tout début de ce document.

Dans ce document, l’Eglise change donc sa façon de parler. Elle ne rejette plus les idées modernes. Au contraire, elle voit les signes des temps (voir ce que j’explique plus loin, sur cette parole de Jésus lui-même). Elle regarde d’abord ce qu’il y a de bon dans la vie moderne (le positif, avec un regard optimiste). Elle ne regarde plus le monde comme mauvais et contre Dieu, mais au contraire comme le lieu, où Dieu vient sauver les hommes. L’Eglise ne voit pas seulement la nature de l’homme (la loi naturelle : l’homme de toujours), mais aussi la situation historique et actuelle, de l’homme d’aujourd’hui. Au niveau politique, on ne cherche plus à reconstruire la chrétienté (un monde chrétien dirigé par l’Eglise), comme au Moyen Age : l’Eglise est « un ferment (la levure) dans la pâte. Elle est le sel de la terre ». Elle ne cherche plus à commander les hommes, mais à être prophétique. C’est-à-dire leur montrer un chemin pour l’avenir, qui peut construire le monde à partir de la Parole de Dieu. Par exemple, on ne présente plus le mariage, comme un contrat à respecter (des lois, des commandements et des interdits). Mais beaucoup plus, comme une alliance d’amour, à vivre entre mari et femme, et entre les deux familles. A l’exemple de l’Alliance de Dieu avec les hommes, et du Christ avec l’Eglise (voir la 2ème partie, chapitre premier, n° 47 à 52). Et le but du mariage, ce n’est plus seulement d’avoir des enfants, mais d’abord de s’aimer : entre mari et femme, avec nos enfants, nos 2 familles et tous ceux qui nous entourent = notre prochain. On ne cherche plus à imposer des commandements d’en haut, on cherche surtout à faire appel à la conscience des hommes (à leur cœur). Nous voyons bien, qu’il y a encore beaucoup d’efforts à faire, pour que cela soit vraiment vécu !

Bien sûr, ce document doit être mis en rapport avec les autres documents du Concile. Par exemple, le décret sur les laïcs : les laïcs ont pour mission, à la fois de travailler à l’évangélisation du monde, et de transformer la société. A la suite du Christ, qui s’est fait homme, et qui sauve les hommes, dans toute leur vie (AA n° 5 à 7). Et effectivement, les laïcs ont pris une responsabilité plus grande, à la suite de ce Décret sur l’apostolat des laïcs (Apostolicam Actuositatem). Voir aussi ce que demande le décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise : organiser les activités sociales et économiques ; travailler avec les peuples, pour supprimer la faim, la maladie et l’ignorance ; mettre la paix et la justice dans le monde ; permettre à tous de travailler d’une façon plus humaine (AG n° 12). Voir aussi les documents sur la liberté religieuse et les relations avec les autres chrétiens (décret sur l’œcuménisme). La constitution sur l’Eglise (Lumière des Peuples : LG) a permis de comprendre mieux ce qu’est l’Eglise, comment elle doit être dans le monde, et travailler avec tous les hommes. Grâce au décret sur les moyens de communication, les chrétiens ont pu mieux dialoguer avec le monde, et avec la société. Les prêtres et les religieux se sont engagés, en s’appuyant sur les textes qui les concernent plus directement : le Ministère et la vie des prêtres, et la Rénovation et l’adaptation de la vie religieuse. Le présent document se situe donc dans tout un ensemble, qui l’a accompagné et qui l’a porté. Il reste encore beaucoup de choses à faire. Mais c’est justement pourquoi, il garde toute son importance.

La liberté : Nous voulons la liberté et nous avons raison. Nous voulons que les chefs respectent notre liberté. Mais qu’est-ce que la liberté ? Le n° 17 explique : « la liberté ce n’est pas la permission de faire n’importe quoi, même le mal, du moment que cela nous plaît ». La liberté c’est être capable de faire ce qui est bon, pour soi-même, pour les autres et pour le monde. La liberté c’est faire ce qui nous fait grandir, c’est se mettre au service du bien commun. Le bien de chacun et de toute la société car « la vraie liberté est le signe spécial, qui montre que l’homme est à l’image de Dieu » (17). La liberté c’est aussi refuser ce qui est mauvais. On doit toujours respecter la liberté de pensée et d’action des hommes. L’Etat ne peut pas nous donner la liberté, mais il doit mettre en place les conditions pour que tous les hommes puissent vivre libres. Pour cela chacun doit avoir « tout ce dont il a besoin pour vivre une vie vraiment humaine : la nourriture, les habits, une maison, choisir sa façon de vivre, fonder une famille, recevoir une éducation, avoir un travail, être respecté pour garder sa dignité, le droit à l’information (connaître ce qui est nécessaire pour vivre en paix et heureux), la liberté de conscience pour pouvoir suivre son cœur, le respect de sa vie personnelle et intérieure, et la liberté religieuse » (26)

La conscience : Notre document explique : « La conscience, c’est le centre le plus sacré du cœur de l’homme. C’est le lieu secret où l’homme est seul avec Dieu, et où il entend la voix de Dieu. Au fond de sa conscience (dans son cœur), l’homme découvre une loi qui ne vient pas de lui, et à laquelle il doit obéir. Cette voix qui parle en lui, le pousse à aimer, à faire le bien et à laisser le mal. Elle parle au fond du cœur, quand le moment est venu, pour lui dire : « fais ceci, ne fais pas cela. C’est une loi mise par Dieu dans le cœur de l’homme. La dignité de l’homme c’est d’obéir à cette loi. C’est cette loi qui nous jugera à la fin de notre vie» (16). Par conséquent aucun chef, ni aucune société, ni l’Etat, n’a le droit d’empêcher quelqu’un de suivre sa conscience (de faire ce que son cœur lui commande). Personne n’a le droit d’obliger un homme, à agir contre sa conscience.

Un nouveau visage de Jésus : Notre document a voulu parler avec tous les hommes, et leur montrer la grandeur et la dignité de l’homme. Cela nous fait mieux comprendre en même temps, qui est le Christ fait homme. Quelqu’un qui travaille de ses mains, qui pense et qui agit, qui a une intelligence, une volonté et un cœur d’homme (22, 2). Le Christ est totalement homme, comme nous et avec nous, car « il a pris notre condition d’homme, il est devenu l’un d’entre nous, semblable à nous sauf le péché » (Hébreux 4, 15). Le Christ est le Verbe de Dieu, 2ème personne de la Trinité, présent et agissant dès le début du monde. Mais Il est aussi l’homme Jésus qui a partagé toute notre vie.

Qui est Dieu d’après ce document ? Le Concile Vatican 2 a écrit des documents qui parlent directement de Dieu. Par exemple, « La Lumière des Nations » (LG) ou « le Verbe de Dieu » (VD). Notre document lui, parle de la vie et de l’histoire des hommes. Mais justement Dieu s’est fait connaître à nous, par Jésus-Christ (Hébreux 1, 1 – Jean 1, 9 à 13). Jésus est venu dans le monde, il s’est fait proche de tous les hommes, surtout des petits et de ceux qui étaient mis à l’écart et abaissés. Il a partagé toute la vie des hommes, Il nous a éduqués. Jésus est le visage de Dieu qui nous aime et qui est tout proche de nous. En comprenant la dignité de l’homme, nous comprenons mieux la grandeur de Dieu, « car l’homme a été créé à l’image de Dieu » (Genèse 1, 26).

Pour bien connaître Dieu, il nous faut donc regarder ce que Dieu a fait dans le monde autrefois (l’Histoire Sainte), et ce qu’il continue à faire aujourd’hui. C’est ce que le Concile appelle, à la suite de Jésus, les signes des temps (Luc 12, 56). Quand les disciples de Jean Baptiste demande à Jésus : « Est-ce que tu es celui qui doit venir nous sauver, ou bien est-ce que nous devons en attendre un autre ? Jésus répond simplement : allez dire à Jean ce que vous voyez, et ce que vous entendez » (Luc 7, 22). C’est cela la façon que les évêques du Concile ont pris, pour faire comprendre Dieu dans ce document. Ce n’est donc pas un enseignement théorique sur Dieu, à partir de vérités abstraites et théoriques, ou de grandes idées. Ce document nous apprend à rencontrer et à connaître Dieu, dans notre vie et dans la vie du monde. Un Dieu vivant, présent dans le monde et proche de nous. C’est cela la différence entre le christianisme et les autres religions, qui connaissent elles aussi Dieu, et nous parlent de Lui. Elles nous parlent d’un Dieu qui est au ciel, qui est Tout Puissant, qui a tout créé et qui nous jugera. Le christianisme reconnaît tout cela, mais il nous parle surtout d’un Dieu qui s’est fait homme, et qui est avec nous. C’est ce que veut dire le mot Emmanuel : Dieu avec nous. Dieu a décidé depuis toujours, de nous créer à l’image de son Fils, pour qu’il soit le grand frère d’un grand nombre d’hommes et de femmes (Romains 8, 29). Nous devons donc nous faire petits, devant Dieu et devant les hommes, comme Jésus le dit dans sa prière, quand les 72 disciples reviennent de leur voyage d’évangélisation : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je chante Ta louange, et je te dis merci. Parce que ce que Tu as caché aux sages et aux savants, Tu l’as fait connaître aux tous petits… Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez » (Luc 10, 21 à 23). Mais à condition de passer par Jésus, pour connaître Dieu. Car Jésus dit aussi dans cette prière : « Personne ne connaît qui est le Père, sauf le Fils, et Celui à qui le Fils le fait connaître » (22).

Dans notre document le nom de Dieu est cité 178 fois. Dieu est présent dans le monde. Et pour mieux comprendre Dieu, le Concile a regardé le monde d’une façon positive, en voyant ce qui est bien et bon dans le monde. Le Concile ne condamne pas le monde. Il voit ce qui est bon. Il ne condamne même pas l’athéisme et le marxisme. Il cherche à dialoguer avec eux. Il reconnaît ce qu’il y a de bon dans les autres religions. Il reconnaît la liberté de conscience et de religion « car la vérité ne peut s’imposer que par la force de la Vérité elle-même, qui entre dans les esprits avec douceur » (document sur la liberté religieuse n° 1)

Notre document parle de Dieu en essayant de le comprendre, à partir des deux formes principales d’athéisme qui existaient à ce moment-là :

  1. Le marxisme qui dit que la foi en Dieu est « l’opium du peuple ». elle rend les hommes esclaves (aliénés), et les empêche de construire le monde. Malheureusement, au lieu de libérer l’homme, ce marxisme en est arrivé à écraser les hommes dans les régimes communistes. Face à cela, le Concile affirme que Dieu a créé l’homme libre et responsable. Et qu’il faut respecter la liberté de conscience (la liberté de penser et le cœur de l’homme).

  2. L’athéisme humaniste et intellectuel en Europe de l’Ouest, qui dit avec Sarthe et Camus : « l’enfer c’est les autres », et qui conduit au découragement, au désespoir et au suicide. Face à cela le Concile rappelle que le monde est sauvé par le Christ. Par le Christ, le bien sera plus fort que le mal, et l’amour plus fort que l’égoïsme. Parce que c’est cela la volonté de Dieu. L’homme a une grande dignité, car il peut vivre avec Dieu, et parce qu’il a été créé par Dieu par amour. Mais justement, les athées refusent cette union qu’il y a entre l’homme et Dieu. C’est pour cela que le Concile dit : « l’athéisme fait partie des choses les plus graves de ce temps. Il faut y réfléchir très sérieusement » (19, 1). Tous ces mots importants que ce document utilise pour l’homme, ils nous font comprendre en même temps qui est Dieu : dignité, communion, dialogue, vérité, liberté, amour.

Il nous faut apprendre à croire en Dieu, et à l’annoncer aux autres, dans un monde où beaucoup de gens disent : j’accepte Jésus mais pas l’Eglise. Alors que « l’Eglise est le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen d’unir les hommes à Dieu, et de faire l’unité de tous les hommes « (document LG : la lumière des nations n° 1). Certains disent même « j’accepte l’Evangile, mais sans croire en Dieu ». L’Evangile devient alors une simple sagesse humaine. Mais si nous refusons que Dieu soit notre Père, est-ce que nous pourrons vraiment vivre en frères ? Le marxisme a voulu réunir tous les hommes, en cherchant la justice dans la société, sans la foi. Mais une justice sans Dieu ne peut pas durer, et le marxisme est arrivé à la dictature. Il a écrasé les hommes et les femmes. Et ensuite il est lui-même tombé. Le Concile lui, a confiance dans l’homme. Il est une foi en l’homme, mais une foi qui conduit à la foi en Dieu, et qui se construit à partir de cette foi en Dieu.

C’est la même chose pour l’amour. Dieu est Amour. Paul 6 disait à la fin du Concile : « Il faut aimer l’homme, pas seulement comme un simple moyen d’aimer Dieu, mais pour lui-même. Aimer l’homme, c’est la première étape pour arriver jusqu’à Dieu, qui est le début et la fin de tout amour… » Le Concile nous donne un enseignement simple, neuf et solennel, pour apprendre à aimer l’homme afin d’aimer Dieu… C’est un appel amical et fort,, qui invite les hommes à trouver Dieu par le chemin de l’amour fraternel entre les hommes . Jean disait déjà : « Celui qui dit : j’aime Dieu qu’il ne voit pas, mais qui n’aime pas son frère qu’il voit, c’est un menteur ».

Dans la 2ème partie du document, dans le chapitre sur la dignité du mariage et de la famille, les pères du Concile nous montrent un chemin, pour mieux comprendre l’amour de Dieu : c’est l’amour de l’homme et de la femme, signe de l’amour du Christ pour son Eglise. Comme le disait déjà le prophète : « comme un fiancé aime sa fiancée, c’est ainsi que je t’aime Israël ». Dieu existe, parce que j’aime. Dieu existe, parce que Jésus nous aime. Dieu existe, parce qu’Il nous aime.

Synthèse du document

Les qualités de ce document sont donc l’optimisme (voir les choses du bon côté), de vouloir s’engager avec vérité dans le monde, la solidarité avec tous les hommes, et de faire attention au Royaume de Dieu qui se construit sur la terre. (NB : On trouvera en annexe un résumé de ce document. Et également une séance d’animation sur cette 1° partie dans une paroisse au Sénégal. A voir aussi dans mon site : http://armel.duteil.free.fr, dans la rubrique Vatican 2, 50 ans : Constitution pastorale sur l'église dans le monde de ce temps : GAUDIUM ET SPES 1er mardi de l’Avent).

1° partie : L’Eglise et la vocation humaine

  1. Ce document cherche d’abord à mieux comprendre ce qu’est l’homme et sa dignité, pour pouvoir trouver des solutions aux problèmes du monde actuel (n° 10). Il cherche à voir les signes des temps (n° 4), et à les comprendre à la lumière de l’Evangile.
    A partir de là, il présente ses idées (sa vision) de la société, car nous sommes entrés dans une nouvelle étape de l’histoire du monde. En effet le monde a beaucoup changé, aussi bien pour la vie sociale que pour la culture (la civilisation : n° 54), pour la production industrielle (les usines), pour l’urbanisation (l’exode rural), pour les moyens de communication (radio, télévision, Internet, n° 4-7 : la condition humaine dans le monde moderne). Ce sont de bonnes transformations, qui nous font avancer vers l’unité du monde (n° 42). Elles offrent des chances, pour un développement de la personne humaine (n° 25). Car ces nouvelles techniques permettent de rendre meilleures, les relations entre les hommes (n° 23) pour le bien de tous (n° 26). Ces transformations permettent de mieux comprendre les droits de la personne humaine (n° 26 et 41). A ce moment-là, les hommes refusent de plus en plus l’injustice et les inégalités. Ils veulent une vie libre et digne (n° 9). Ils veulent une action politique, qui protège davantage les droits humains (n° 73). Les hommes veulent prendre davantage leurs responsabilités (n° 59) et se libérer de l’ignorance (n° 60 : le droit à la culture).

  2. Mais des problèmes nouveaux apparaissent (n° 8). Cela ne doit pas nous décourager : c’est ce qui arrive, à chaque fois que des choses nouvelles apparaissent. Mais il nous faut chercher, comment régler ces difficultés. En plus, c’est difficile de vivre nos valeurs traditionnelles, dans un monde qui change vite (n° 4) et profondément (n° 5). Il y a des déséquilibres (n° 8). Et l’un des plus grands problèmes actuels, c’est la séparation entre la foi et la vie des gens (n° 43).
    Les inégalités économiques, les oppositions politiques et sociales entraînent aussi des problèmes, augmentés par l’orgueil et l’égoïsme de l’homme (n° 25, 3). Les activités humaines sont cassées par le péché, et cela risque de mettre le monde en danger (n° 37). La guerre devient de plus en plus sauvage (n° 79). Et même quand il n’y a pas de guerre, les oppositions, la violence et les méchancetés augmentent.
    Le monde est donc à la fois fort et faible. Il est capable des plus belles actions et des plus mauvaises. Il peut produire à la fois, la liberté et un nouvel esclavage. Il avance sur certains points, et il recule sur d’autres. On y trouve aussi bien la communion, que la méchanceté (n° 9).

  3. Comment l’Eglise se conduit-elle dans le monde ? L’Eglise veut marcher avec les hommes, et travailler avec eux, car elle partage leur vie (n° 40) : leurs joies et leurs espoirs, mais aussi leurs tristesses et leurs angoisses, surtout celles des pauvres (n° 1). Les chrétiens cherchent la vérité, avec les autres hommes (n° 16). L’Eglise et les hommes se rendent service l’un l’autre (n° 11). L’Eglise est le ferment, et comme l’âme de la société humaine (n° 40). Elle peut rendre la société plus humaine, et montrer aux hommes le sens de leur vie (n° 41). Elle met dans la société la foi et l’amour (n° 42). Elle respecte tout ce qu’il y a de bon, de vrai et de juste, dans les organisations des sociétés. Les chrétiens y participent, en y mettant l’esprit de Jésus. L’Eglise a beaucoup reçu de l’histoire du monde, et du développement des hommes (n° 44). Les hommes qui travaillent pour rendre le monde meilleur, ils rendent en même temps l’Eglise meilleure. Même si le but final de l’Eglise est le monde futur, et non pas ce monde-ci (n° 40).

  4. Les différentes missions de l’Eglise : Elle veut faire connaître le mystère de Dieu aux hommes (n° 41). Elle veut donner la vie de Dieu au monde (n° 40) et continuer l’action du Christ, en se laissant conduire par le Saint Esprit (n° 3). Pour cela, elle annonce l’Evangile à tous les hommes. Elle leur offre le trésor de la grâce : la paix de Dieu, et la connaissance de son action dans le cœur des hommes ( la loi naturelle) (n° 89). A partir de la Parole de Dieu, l’Eglise tire des principes pour la vie morale et religieuse (n° 33). Elle fait grandir le Royaume de Dieu, qui sauve tous les hommes (n° 45). Elle explique les signes des temps (ce qui se passe dans le monde), à la lumière de l’Evangile (n° 4). Elle fait grandir l’unité entre les hommes (n° 42). Elle renforce la culture humaine et le sens civique (vivre en bon citoyen) (n° 58). Elle fait grandir ce qui est vrai, beau et bon dans la société (n° 76). Elle éclaire le monde entier par la lumière de l’Evangile. Elle réunit les hommes de toutes les nations (n° 92) :
    a / L’Eglise fait comprendre aux hommes le sens de leur vie (n° 41) : les hommes sont grands par ce qu’ils sont (la valeur morale de leur personnes), et non par ce qu’ils ont (l’argent et les biens matériels) (n° 35). La dignité de la personne s’applique à la fois, à son corps que Dieu ressuscitera pour la vie éternelle (n° 14), à son intelligence qui reçoit une part de la lumière et de l’intelligence de Dieu (n° 15) et à son cœur (sa conscience, où il peut entendre Dieu) (n° 16). La dignité de l’homme, c’est d’être libre pour faire le bien.
    b / Par son travail, l’homme continue la création et l’action de Dieu dans le monde (n° 34,2). Les progrès de la science sont un signe de la grandeur de Dieu (n° 34, 3), à condition de chercher le bien de tous. Car c’est en nous donnant aux autres, que nous pouvons trouver la joie.
    c / La vie humaine Elle connaît de très belles choses, mais aussi le péché. C’est pourquoi nous avons besoin d’être purifiés, par la mort et la résurrection de Jésus (n° 34). L’Esprit Saint donne à tous, de participer à ce mystère de salut (n° 22). Dieu nous a créés pour la vie, et Jésus nous a libérés de la mort (n° 18).
    d / La religion : tous les hommes pensent à la mort, et sont sensibles à la religion (n° 41). Croire en Dieu ne diminue pas la dignité de l’homme, au contraire (n° 21). Car notre dignité vient de Dieu (n° 19). De même, la foi et la science ne s’opposent pas (n° 36). La vie religieuse et la vie dans la société ne sont pas opposées non plus (n° 43). La religion se libère peu à peu, des croyances fétichistes et de la magie. Cependant, en même temps, certains croyants s’éloignent de la religion (n° 7). Le Concile explique avec force, que la religion ce n’est pas seulement la prière et les commandements de Dieu : il faut aussi s’engager dans la vie du monde (n° 43). Et on ne doit pas faire de différence, entre les religions (n° 29). Nous devons aimer et respecter tous les croyants (n° 28). Heureusement, ce respect grandit dans le monde.
    De même le Concile recommande l’amitié avec les non-croyants et les athées. C’est un problème très grave (n° 19). Il y a plusieurs manières de ne pas croire en Dieu (athéisme), et les causes sont diverses. Souvent les chrétiens en sont responsables, car ils n’ont pas montré le vrai visage de Dieu dans leur comportement. D’autres hommes refusent Dieu, soit disant pour être totalement libres (n° 20). Et ils pensent pouvoir se libérer par leurs propres forces, sans avoir besoin de Dieu. D’autres pensent que la religion les trompe : en leur parlant du Ciel, on les éloigne de la terre et de leurs engagements (n° 20 : l’aliénation, la religion opium du peuple). Les chrétiens doivent chercher, comment montrer la vraie foi aux hommes. Croyants et incroyants doivent collaborer, pour construire le monde ensemble (n°21).
    e / La morale : Le Concile dit : toutes nos activités doivent rechercher le vrai bien des hommes (n° 33). Nous ne pouvons pas penser seulement à nous-mêmes, par paresse ou par manque d’amour des autres (n° 30). Car Dieu nous a créés, pour vivre ensemble en société (n° 32). Ce qui nous rend libres, c’est de servir les autres, et de travailler ensemble (n° 31). Quand nous sommes libres, nous pouvons marcher vers le bien (n° 17). Chacun doit suivre sa conscience (écouter Dieu qui parle à son cœur : n° 16). Défendre les droits humains n’empêche pas de respecter la loi de Dieu (n° 41, 3), car la Parole de Dieu est bien adaptée à notre vie (n° 13). Mais nous sommes souvent divisés, entre nos besoins pratiques et les commandements de Dieu (n° 8). Croire à la vérité que Dieu nous a fait connaître, ne doit pas nous empêcher d’aimer et de respecter, ceux qui pensent autrement que nous (n° 28). Car il faut faire la différence entre l’erreur (qu’il faut rejeter), et la personne (qui se trompe, mais qu’il faut respecter). Car elle garde toute sa dignité, même quand elle se trompe (n° 9). Dans la 2ème partie, les Pères du Concile expliquent ce qu’il faut faire pour la justice, dans les questions politiques, économiques et sociales, pour aider tous les hommes à garder leur dignité.
    f / Le respect des hommes : le but de toutes les organisations humaines est la personne (n° 25). Chacun doit avoir ce qu’il faut pour vivre une vie digne : nourriture, vêtements, logement, famille, éducation, travail, culture, respect, liberté, protection, liberté religieuse (n° 26, 2). C’est tout cela qu’on appelle le bien commun car Dieu a fait de tous les hommes une seule famille et nous devons vivre dans la fraternité (n° 24). Chaque groupe humain doit respecter besoins et désirs des autres groupes en cherchant le bien de la famille humaine tout entière (n°26). C’est pourquoi nous devons nous rendre le prochain de tous les hommes sans exception et considérer notre voisin comme un autre nous-même (n° 27).
    g / La dignité de la personne humaine demande le respect de la vie. Ce qui va contre la vie est contre Dieu, qui nous a donné cette vie (n° 27). Cela nous demande le respect et l’amour, de ceux qui ne pensent pas comme nous, et qui se conduisent autrement que nous (n° 28). De même tous les peuples sont égaux. Toutes les inégalités entre les hommes et les peuples doivent donc être combattues (n° 29). La personne et la société ont des devoirs l’une envers l’autre : la société doit défendre les droits humains (n° 29). Et chaque personne doit chercher le bien commun, et soutenir les actions faites pour rendre le monde meilleur. Notre premier devoir est de respecter les lois de la société.
    h / Construire ensemble un monde meilleur : Dieu nous a donné le monde, pour que nous le dirigions avec justice et sainteté (n° 34). Et pour vivre dans la vérité (n° 55). Croyants et incroyants travaillent ensemble, pour construire le monde (n° 21), sans violence et sans mensonge. Afin de vivre dans une paix véritable (n° 92). La justice, le bien de tous et l’ordre dans la société sont plus importants, que l’argent et les machines (n° 35). Et il est possible de construire une communauté entre tous les hommes (n° 35).
    i / Les membres de l’Eglise : Les chrétiens attendent le retour du Christ. Cela ne doit pas les empêcher de travailler pour faire avancer ce monde-ci (n° 21, n° 39). Nous cherchons les choses d’en-haut : cela nous pousse à travailler avec les autres hommes, pour un monde meilleur (n° 57). Nous ne devons pas oublier nos responsabilités sur la terre, même s’il y a une vie après la mort (n° 43). Car Dieu nous appelle à construire le monde, et à chercher le bien de nos frères (n° 34). Des gens seront contre nous, mais Jésus nous demande de supporter les insultes. Et c’est d’abord à l’intérieur de l’Eglise, que nous devons faire grandir le respect et l’entente, en remerciant Dieu de nos différences (n° 92).

2ème partie : Cinq problèmes plus urgents

  1. Le mariage et la famille : Le mariage est une communion profonde entre l’homme et la femme (n° 12). Mais de nombreux problèmes attaquent le couple (n° 47). L’amour et le mariage sont très importants pour la dignité, la solidarité, la paix et le bonheur de toute la société (n° 48). C’est pourquoi, tout le monde doit soutenir le mariage et la famille, les parents comme les enfants. Mais aussi les voisins, les prêtres, les chercheurs des sciences biologiques, médicales, sociales et psychologiques, les associations familiales et sociales, etc… (n° 52).

  2. La culture : par la culture, on développe les qualités du corps, et aussi de l’esprit, pour devenir vraiment homme (n° 53). Une culture humaine, commune à tous les hommes, apparaît actuellement dans le monde. Elle peut aider à unir les hommes (n° 54 et 9). L’Eglise n’est attachée à aucune culture particulière (n° 42), ni à aucun mode de vie (n° 58). Elle veut accueillir toutes les cultures, pour pouvoir sauver tous les hommes (n° 58). Même s’il est parfois difficile de réunir certaines cultures, avec la Parole de Dieu. La culture a besoin de liberté et de respect (n° 58). Nous devons respecter et aimer, ceux qui pensent et agissent autrement que nous, dans tous les domaines : vie sociale, politique, religion, etc. (n° 28). La culture doit servir l’homme dans toute sa personne, et chercher le bien de toute la société (n° 59). Faire des différences entre les cultures va contre Dieu (n° 29). Tous les hommes ont le droit d’être éduqués, pour mieux vivre dans leur culture (n° 31 et 60), les femmes autant que les hommes (n° 29). Cela soulève de nombreuses questions : comment faire, pour que la rencontre des cultures ne casse pas la vie des communautés particulières ? Pour qu’elle ne supprime pas la sagesse traditionnelle des anciens, et les qualités de chaque peuple, surtout les plus petits (n° 56) ? Comment faire pour que tous puissent participer, aux valeurs culturelles du monde (n° 56) ? Comment faire grandir la culture, sans aller contre la religion ? En effet, les gens ont tous le droit de chercher la vérité, et de donner leurs idées. Les artistes doivent être libres, pour pratiquer leur art. Mais la culture ne doit pas être utilisée par la politique, pour commander aux hommes, ou par l’économie, seulement pour gagner de l’argent (n° 59).

  3. La vie économique et sociale : L’homme est à la fois la source, le centre et le but de toute la vie économique et sociale (n° 63). Le but des activités économiques, c’est de servir les gens dans leurs besoins matériels, mais aussi pour le développement de leur esprit. Pour aider à un bon comportement (moral), et à la vie religieuse (spirituelle) : n° 64. L’Eglise ne défend aucun système économique (l’organisation du travail, et de la circulation des marchandises) : ni le système libéral, ni le système socialiste (n° 42). Mais elle refuse la trop grande différence, entre les hommes et les groupes humains, pour l’argent ou pour le pouvoir. Elle travaille pour la justice, l’égalité entre les pays développés et les pays pauvres, et la dignité de tous. Elle est aussi contre une trop grande inégalité (différences) entre l’agriculture (les paysans), l’industrie (les usines et ateliers) et les services (les bureaux) (n° 63). L’Eglise pense surtout aux pauvres : elle est triste, quand elle voit la grande richesse des uns, à côté de la faim et de la pauvreté des autres. Le Christ lui-même nous appelle à aimer surtout les pauvres (n° 88).
    Des conditions de vie trop difficiles empêchent le bonheur des hommes ; cela casse la société et va contre ce que Dieu veut (27). Une personne pauvre ne peut pas être libre (31, 2). Dans la société moderne souvent les pauvres sont méprisés (63). Le Concile nous appelle à lutter contre cela pour ne pas devenir comme le riche de l’Evangile, qui a refusé d’aider le pauvre Lazare (27). On doit aider les pauvres avec tout ce que l’on a (le nécessaire), pas seulement avec ce que l’on a en plus (le superflu). C’est pourquoi ceux qui sont très pauvres ont le droit de se servir dans la richesse des autres (68). Le Concile condamne la course pour les armes entre les pays, qui augmente encore plus la pauvreté. Il demande la création d’une organisation de l’Eglise (justice et paix), pour faire grandir à la fois la justice et l’amour du Christ pour le pauvre (90).
    Le Concile cherche une organisation de la société et de l’économie (le travail et l’argent) qui soit juste, car les choses de la terre appartiennent à tout le monde (68). C’est pourquoi tout homme a le droit d’avoir un travail pour vivre et le salaire (l’argent que l’on paie au travailleur) doit lui suffire pour vivre dans la dignité, avec toute sa famille (67). Les travailleurs ont le droit de s’organiser en syndicat, sans avoir peur d’être punis (68). Quand il y a des problèmes, on utilise le dialogue. Mais si cela ne suffit pas, les travailleurs ont le droit de faire grève (68).
    Avoir des choses pour soi (la propriété privée) permet de vivre dans la liberté, mais il ne faut pas devenir égoïste. Ni penser seulement à soi en oubliant les autres, et ses devoirs envers la société (71). On doit utiliser l’argent, en cherchant le bien de tous (le bien commun) (70). Les bénéfices doivent être partagés entre tous. Le plus grand nombre possible de personnes doit participer à l’organisation et à la marche des entreprises, et de l’économie en général (65).
    On ne peut pas laisser les patrons et les sociétés (la loi du marché) ni les gouvernements diriger tout seuls l’économie(65). On doit penser spécialement aux paysans, aux malades et aux personnes âgées (66). Dieu ne veut pas qu’on fasse des différences entre les hommes, à cause de leur richesse ou de leur place dans la société. Il faut lutter contre cela (29). Il faut que les pays travaillent davantage ensemble, dans les questions économiques (84). Qu’ils ne cherchent pas seulement à gagner de l’argent, ni à être plus forts en utilisant l’armée ou la politique (85, 3).

  4. La vie politique : La communauté politique doit chercher le bien commun (le bien de tous et du pays tout entier), pour que la vie en société rende les gens meilleurs (74). Le Concile est heureux de voir, que de plus en plus de gens participent à la vie de la société (73).
    L’Eglise n’est attachée à aucun système politique (42 + 76). Elle peut vivre dans tous les systèmes politiques, à condition qu’ils respectent les droits humains, qu’ils cherchent le bien de tous, et qu’ils laissent l’Eglise libre de faire son travail (42).
    Les gens doivent être libres de choisir leur système politique, et de choisir qui va les diriger (74). La vie politique doit être basée sur la liberté et la responsabilité des citoyens. Elle doit respecter la morale (chercher les bonnes choses) et chercher le bien de tous (74). On ne peut donc pas accepter la dictature, ni les chefs qui s’imposent à leur peuple et ne respectent pas les droits humains (75). Les systèmes politiques ne doivent pas supprimer la liberté des citoyens, ni la liberté religieuse. Les dirigeants ne doivent pas faire souffrir la population, en cherchant l’argent et le pouvoir, et en pensant seulement à eux-mêmes (73). La population a le droit de défendre ses droits, quand les chefs les en empêchent (74). Les citoyens et les gouvernements ont des devoirs les uns envers les autres, et ils doivent tous chercher ensemble le bien commun. Les gens doivent pouvoir voter librement. Les partis politiques doivent chercher le bien du pays, et pas leur propre intérêt (75). Nous devons tous respecter et aimer, ceux qui pensent et ceux qui se conduisent autrement que nous (28).

  5. La paix et la construction de la communauté des nations : La paix est le résultat de la justice et de l’amour. Ce n’est pas seulement l’absence de guerres, ou le calme forcé par une dictature (78). La paix demande la confiance entre les pays. Elle ne peut pas venir de la peur des hommes (82). Les trop grandes différences économiques (en argent) ou sociales (dans la façon de vivre) cassent la paix dans le pays, et aussi entre les différents pays (29). Pour construire la paix, il faut enlever les injustices (83). Les gouvernements ont le droit de défendre leur pays par la guerre, s’ils ont d’abord essayé toutes les autres solutions sans résultat. Les militaires doivent chercher la paix. Ils ne doivent pas obéir aux ordres mauvais, par exemple quand on veut tuer tout un peuple (génocide) (79). Les gens ont le droit de refuser d’entrer dans l’armée (les objecteurs de conscience).
    La guerre avec les armes modernes est beaucoup plus grave qu’autrefois. Elle doit donc être empêchée, car elle détruit des villes et des populations entières. Augmenter les armes (la course aux armements) n’est pas une solution, pour avoir la paix. Au contraire, cela augmente le risque de guerre. Cela augmente la souffrance des pauvres, car cela coûte beaucoup d’argent (81). Il faut arriver à faire des lois entre tous les pays, pour empêcher la guerre (82). Les chrétiens doivent travailler avec tous les artisans de paix. On doit encourager ceux qui refusent d’utiliser la violence, pour faire respecter leurs droits : la non-violence active (79).

Conclusion

Le Christ. A la fin de chaque chapitre, le Concile revient au Christ, car c’est dans le Christ que Dieu donne une réponse complète, aux questions des hommes. Le Christ est l’homme parfait. Celui qui le suit devient plus humain (41). Le Christ est notre modèle et notre guide, pour arriver à la justice dans la société. Il est l’exemple que nous voulons imiter. Il nous montre comment vivre en homme réussi, dans la société (32).

Le Christ n’est pas venu pour condamner le monde, mais pour le sauver. Il n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (3). Par son Esprit Saint, il nous donne la lumière et la force, pour réussir notre vie (10). Dieu notre Père veut que tous les hommes reconnaissent le Christ comme notre grand frère, Lui qui nous a aimés en paroles et en actes (93). Le mariage lui-même est une image de l’amour qui unit le Christ à son Eglise, pour faire connaître l’amour de Dieu au monde entier (48). C’est le Christ qui a sauvé le monde. Par sa mort, il a vaincu la mort. Par sa résurrection, il nous a tous sauvés (18). Nous sommes tous égaux, parce que nous avons tous été rachetés par le Christ (29). Le péché salit toutes nos actions, mais nous sommes purifiés par la mort et la résurrection du Christ (37). Le Christ travaille dans le cœur des hommes par son Esprit Saint (38).

Le Christ est la source, d’où viennent la justice et de la paix que nous cherchons. Il est l’auteur de la paix. Il est le Prince de la paix qui réunit (réconcilie) tous les hommes avec Dieu (78). Le Christ est à la fois le centre et le but de tous les hommes, et de toute l’histoire humaine. Il est le cœur de nos désirs et le centre des civilisations humaines. Il est la joie de tous les cœurs (45). Seul le Christ peut éclairer le mystère de l’homme (22). Il est entré dans l’histoire du monde, comme un être humain parfait, et le sommet de l’histoire des hommes (38).

Le suivi du document

Ce document a des limites, comme tout travail humain : on l’a trouvé trop optimiste. C’est-à-dire qu’il ferait trop confiance aux hommes et à la société. On n’y verrait pas suffisamment les souffrances des hommes. Et donc on aurait oublié la théologie de la Croix. De même, certains ont accusé les évêques de parler trop bien de l’athéisme, sans voir les attaques qui grandissent contre la foi, par la sécularisation. Et d’oublier les chrétiens persécutés dans le monde (violences et coups, mises en prison sans raisons et injustement, et même attentats). Comme c’était déjà le cas, au temps du Concile, en Europe de l’Est. D’autres trouvent qu’on a beaucoup parlé d’espoir, mais sans penser suffisamment à la faiblesse des hommes, et aux échecs possibles. C’est parce que, pendant les années 1960, pendant lesquelles ce document a été écrit, tout semblait aller bien. Mais ensuite le monde a continué à changer. Il faut donc voir, comment ce document peut s’appliquer aujourd’hui, dans la réalité : en regardant bien les problèmes actuels, et sans oublier le mal qui agit dans le monde. Mais en gardant toujours l’espérance qui nous vient de la Résurrection du Christ.

Comme nous l’avons dit, le Concile a cherché à comprendre ce qui se passe dans le monde. Il a accepté les idées nouvelles, pour pouvoir dialoguer en vérité avec les hommes. Tout cela est une façon de faire nouvelle, pour l’Eglise. Il faut la conserver, pour vivre en paix avec les hommes, et nous réconcilier avec le monde. Le Concile a voulu travailler concrètement à un monde meilleur. Il a été très optimiste. Il était confiant, par rapport à tout ce qui se passait dans le monde en 1964. Nous sommes souvent plus méfiants que lui, et plus inquiet par rapport à l’avenir. Car nous avons vu que les choses ne se déroulent pas toujours, aussi bien que cela. Il faut donc être réalistes : bien voir les choses telles qu’elles sont. Mais cela ne doit pas nous empêcher de dialoguer, dans la vérité et la confiance.

Le Concile n’a pas pu tout dire. Il ne l’a pas voulu d’ailleurs. L’introduction à la 2ème partie s’appelle : de quelques problèmes plus urgents. Cela veut dire qu’il nous faudra réfléchir aux autres problèmes, dont le Concile n’a pas parlé. Et aussi voir quels sont les problèmes les plus urgents (pressés) aujourd’hui. Cela est très important, pour tous les documents de l’Eglise. Par exemple, au Concile Vatican 1, on avait prévu de réfléchir à toute la vie de l’Eglise. Mais les évêques n’ont eu le temps de parler que du Pape. Car la guerre est arrivée en 1870, et ils ont dû s’enfuir. Des gens ont oublié cela. En lisant ce qui a été écrit au Concile Vatican 1, ils pensent que l’Eglise, c’est seulement le Pape. Ce qui est évidemment faux. D’ailleurs le Pape lui-même s’appelle « le serviteur des serviteurs ». Ce n’est pas un grand chef, qui est au-dessus des autres. Ni qui commande de loin, sans écouter personne. Notre document met en pratique cette parole de Jésus : « Le sage dans le Royaume de Dieu, tire de son trésor, des choses neuves et des choses anciennes » (Mat 13, 52). Dans la 1ère partie, les évêques ont donc rappelé les choses anciennes : l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur l’homme, la communauté humaine et l’Eglise. Ce sont des vérités auxquelles il faut continuer de réfléchir. Pour mieux les comprendre, et pour les appliquer au monde tel qu’il est aujourd’hui. La 2ème partie parle de quelques problèmes urgents à ce moment-là, en 1962. A nous d’écrire maintenant la 3° partie, en nous posant la question : Quels sont les problèmes les plus pressés aujourd’hui ?

Nous cherchons à bien comprendre, les problèmes qui viennent des changements dans le monde d’aujourd’hui, et des progrès de la science et de la technique. Par exemple, d’un côté il y a des pays et des gens très riches, qui dépensent beaucoup. Ils terminent les ressources de la terre et polluent (salissent et cassent) la planète. De l’autre côté il y a des peuples et des groupements, qui deviennent de plus en plus pauvres et qui souffrent.

Il y a dans le monde un grand désir de liberté, mais aussi des nouvelles formes d’esclavage.

On voit aussi des oppositions entre les groupes et les classes sociales, les ethnies et les groupes religieux, à cause des différences, des inégalités et des injustices.

Les relations s’étendent de plus en plus au monde entier : c’est la mondialisation ou globalisation. Mais souvent ce sont les plus forts qui décident seuls. Ils imposent leur point de vue, pour tirer leur avantage, en profitant des autres. De plus, souvent on ne se comprend pas, car les mêmes mots n’ont pas la même signification pour tout le monde (ex. : liberté, démocratie, développement).

On rejette l’autorité, aussi bien dans la famille, que dans la société et dans la religion. A cause de cela beaucoup de gens se révoltent ou s’éloignent de la religion, surtout en Occident. Il y a aussi une crise de la morale : au nom de la liberté, on rejette l’éducation traditionnelle et la morale d’autrefois (les principes et les façons de se conduire).

On a fait beaucoup de découvertes, mais on ne sait pas les diriger. Par exemple, les progrès de la médecine et des sciences biologiques permettent de diminuer beaucoup de souffrances, dans le corps et dans le cœur. Mais ils sont aussi dangereux, car on ne sait pas, où cela peut nous conduire : Par exemple, les expériences sur les embryons humains et le clonage (faire une nouvelle personne dans un laboratoire, identique à la première, et donc sans personnalité propre). Pourtant  ces découvertes peuvent permettre une vie meilleure, si elles sont respectueuses de tous. Car les personnes et les groupes humains ont soif d’une vie pleine et libre, digne de l’homme. Comment répondre à ces désirs profonds, d’une façon adaptée à notre vie actuelle, avec les moyens qui sont les nôtres aujourd’hui ? “L’Église a le devoir de scruter les signes des temps, et de les interpréter à la lumière de l’Évangile.”

L'Eglise et son rapport au monde : Ce qui compte pour nous aujourd'hui, c’est de mettre en pratique les idées de Gaudium et Spes. Et surtout de suivre la direction donnée par les Pères du Concile. Cette direction a été gardée par Jean-Paul 2. Maintenant, Benoît 16 continue. Mais il ne suffit pas que le Pape montre le chemin. Il faut des communautés chrétiennes, des chrétiens et des chrétiennes, pour marcher dans ce chemin. Il est donc nécessaire, que tous les chrétiens comprennent bien, non seulement les idées du Concile, mais ce qu’il cherchait quand il a dit cela : la façon de l'Eglise de vivre dans le monde, le dialogue (parler avec tous et écouter tout le monde), la collaboration (travailler ensemble avec tous les hommes, sans rejeter personne)… Et aussi les questions, les conseils et les questions que l’Eglise pose à la société.

Un texte ne peut pas être parfait. C’est déjà un beau résultat, qu’il soit pris au sérieux et amélioré. Voilà notre travail : le reprendre et l’adapter au monde tel qu’il a changé, avec ses nouvelles questions. Car les progrès des sciences, des techniques et de la culture, et les progrès économiques posent des problèmes, mais ce sont aussi des richesses, pour le monde et pour l’Eglise. Nous devons donc garder un esprit accueillant, par rapport aux chemins ouverts par le Concile. Et avant de répondre aux problèmes du monde, il nous faut écouter ce que les autres en disent. Comme le Concile a su le faire en son temps. C’est la responsabilité des communautés chrétiennes, là où elles vivent.

Tout n’a pas été simple non plus, pour faire accepter le Concile : juste après le Concile, a eu lieu un grand mouvement social, la Révolution Culturelle de 1968, qui s’est répandue dans le monde entier. C’est un mouvement qui a libéré beaucoup de personnes, mais aussi qui a renversé beaucoup de choses. Il a amené un refus de l’autorité, en particulier de l’autorité religieuse. Suite à cela, des chrétiens ont refusé le Concile. Et même parmi ceux qui l’ont accepté, tous ne le comprennent pas de la même façon. Il y a deux manières de comprendre le Concile : ceux qui voient le Concile comme un mouvement nouveau, un grand tournant, un changement à mettre en place. D’autres le voient comme un passé à continuer. Actuellement, il y a donc deux façons de comprendre ce document, comme tous les autres du Concile : soit on le voit comme quelque chose de complètement nouveau par rapport au passé, soit on pense qu’il continue et complète seulement les documents qui existent déjà et qu’il suffit de le comprendre et de l’adapter. En fait pour comprendre un document, il faut trois choses :

  1. Comprendre ce qui se passait à ce moment-là, et donc connaître le monde de cette époque. C’est cela qui montre, pourquoi on a écrit ces choses.

  2. Réfléchir (analyser le texte même du document, pour voir ce qu’il dit vraiment).

  3. Voir les résultats (les fruits) que ce document a donnés, jusqu’à aujourd’hui.

Pour le premièrement, ce document parle des problèmes et des situations du monde en 1965. Dans la deuxième partie, il parle de quelques problèmes urgents : la famille, l’amour et le mariage, la culture, le travail et les questions économiques, la communauté politique et le bien commun, la paix et la communauté des nations. Donc le Concile n’a pas tout dit. Par exemple, il a surtout parlé de la situation en Europe de l’Ouest. Il n’a pas parlé de la situation des hommes en Asie ni des difficultés politiques en Amérique Latine (seulement la question des grandes propriétés), ni du début des indépendances en Afrique, même pas du communisme en Europe de l’Est. Il ne parle pas non plus du danger du libéralisme, qui laisse l’économie s’organiser elle-même, ce qui fait que c’est la recherche de l’argent qui commande tout. Et que les riches non seulement oublient, mais écrasent les autres. Le document ne parle pas non plus de l’importance de plus en plus grande des sectes, du terrorisme et de la montée de l’islamisme. Il nous faut donc réfléchir à toutes ces questions, mais en utilisant la façon de travailler et la manière de penser de ce document, pour l’appliquer à ces questions, et aux nouveaux problèmes qui apparaissent aujourd’hui. Par exemple, les questions qui se posent suite au progrès de la biologie et des sciences de la vie.

Le Concile n’a pas parlé de tout. Mais les gens ont continué à réfléchir à la lumière du Concile, comme nous le faisons nous-mêmes maintenant. Par exemple, la commission Gaudium et Spes de Belgique a réfléchi à la mondialisation. Le 9 décembre 2005 pour le 40ème anniversaire de la fin du Concile Vatican 2, cette commission a sorti un document : « la mondialisation : évaluation éthique et problèmes évangéliques ». Ce document explique que les chrétiens ont quelque chose à faire dans ce monde qui se globalise. C’est-à-dire où on commence à vivre tous ensemble, aux dimensions du monde (le globe terrestre). C’est un des signes des temps, dont parlaient Jésus et le Concile. Cela nous appelle à prendre nos responsabilités dans cette mondialisation, pour que le monde devienne plus humain. Par exemple, les chrétiens doivent s’opposer, quand on supprime des emplois dans les entreprises, seulement pour gagner plus d’argent. Surtout quand on va installer des usines dans les pays pauvres, où on ne paye pas les gens, et où les droits des travailleurs ne sont pas respectés (la délocalisation). L’Eglise ne connaît pas tout. Le document GS cherche seulement à faire réfléchir, et à agir avec tous les hommes, chrétiens et non chrétiens. Le document explique : « La mondialisation n’est ni bonne ni mauvaise. Elle dépend de ce que les hommes vont en faire ». Il faut donc voir les bonnes possibilités apportées par la mondialisation, pour les faire grandir. Les chrétiens doivent donc proposer des solutions, et des actions à faire, pour que la mondialisation soit l’occasion d’une nouvelle Pentecôte. Pour faire l’unité des hommes, des différentes langues et cultures, grâce à l’Esprit-Saint. Pour mieux se comprendre, et bâtir ensemble un monde plus heureux. Et que le monde devienne une communauté d’amour, et une terre nouvelle. Car dans la mondialisation, il ne suffit pas d’agir chacun personnellement, il faut agir tous ensemble. Et agir sur les structures, c’est-à-dire les bases et les organisations du monde. Par exemple dans la famille, pour l’éducation, la santé, le développement des pays, le soutien des pauvres, les syndicats et les autres organisations des travailleurs, les organisations économiques, politiques etc.

Dans ce document, on ne parle pas beaucoup des migrations, qui sont devenues maintenant très graves avec la mondialisation. Nous en parlerons au chapitre 9.

Le Concile n’a pas beaucoup parlé non plus des questions écologiques, qui sont devenues très importantes, avec le réchauffement de la terre et la destruction de l’environnement. Dans ce document, les évêques parlent encore de dominer la création (n° 9), de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient (n° 34), de dominer la terre (n° 57) en citant Genèse 1, 28. Il parle de l’économie, comme une domination de plus en plus grande sur la nature (n° 63). Il est sûr que maintenant, on comprend beaucoup mieux qu’il faut respecter la nature et la protéger, et non pas seulement la dominer. Parce que beaucoup d’activités humaines la détruisent. Et on parle aussi de l’écologie humaine. Nous verrons tout cela aussi au chapitre 9, ainsi que d’autres questions actuelles.

Même pour les questions dont le Concile a parlé, les choses ont changé. Il faut donc voir comment répondre aujourd’hui aux nouvelles situations qui sont les nôtres

Les premiers mots de notre document sont : la joie et l’espérance. La première chose pour mettre le Concile Vatican 2 en pratique, c’est donc de faire grandir en nous, la joie et l’espérance, pour pouvoir ensuite l’apporter aux autres. Notre religion, c’est la religion des Béatitudes : »Heureux, ceux qui… ». C’est la joie pour tous, à commencer par les pauvres, ceux qui pleurent et tous ceux qui sont traités injustement (Math. 5, 3 à 12). C’est la joie de Noël, que les anges ont annoncé à tous les hommes de bonne volonté. C’est la joie de la résurrection, la joie d’une vie plus forte que la mort et le péché. C’est la joie de l’Esprit Saint (Galates 5, 22). Ce n’est pas seulement une espérance pour plus tard, c’est déjà commencé, depuis la résurrection du Christ. Jésus disait : « Trouvez en moi la paix. Vous allez souffrir dans le monde, mais gardez courage, j’ai sauvé le monde. » (Jean 16,33)

L'Eglise est dans le monde, dans lequel Jésus l’a envoyée. Les hommes se posent beaucoup de questions. Des questions fondamentales (de base) et importantes, celles de toujours. Mais aussi des questions nouvelles, avec les progrès de la science, etc. Les chrétiens, s'ils veulent proposer des réponses, doivent d'abord entendre les questions des hommes. Le Concile a pris son temps pour cela, et la Constitution nous le rappelle : entendre les questions, et découvrir les signes des temps. Pour connaître les hommes, il faut se faire proche d’eux (partager leur vie). Etre dans le monde, et non pas en face. Car l'Eglise n'est pas en face de la société, elle est dedans. Paul 6 disait : "il faut se faire conversation ". Dans une conversation, l'autre me parle aussi. Et je l’écoute, avant de parler. L'Eglise offre au monde ce qu'il ne peut pas se donner lui-même : la Parole de Dieu et l’amour du Christ. Mais elle reçoit aussi de lui : les progrès culturels, scientifiques, sociaux, économiques. Tout cela permet à l'Eglise de mieux comprendre son propre message (l’Evangile), et de mieux l’enseigner. Et d’abord, de mieux le vivre elle-même. C’est de cette façon que l’Eglise pourra travailler, non seulement à l'Unité des chrétiens, mais à la Paix du monde, avec tout ce que cela demande. L'Eglise existe pour Dieu, et pour le monde, et non pas pour elle-même. Et la vocation première de tous les baptisés, ce n'est pas d'abord de construire l'Eglise - même s'il faut le faire aussi - mais de construire le monde comme Dieu le veut. Une terre nouvelle…(2° Pierre 3,13 ; Apoc 21,1 et déjà Isaie 6(,17-25 et 66,22). Et pour cela, il faut travailler avec tous les hommes dans l’amour, comme l’ont fait les pères du Concile

Le Concile rappelle que « l’engagement dans la société, c’est la responsabilité propre et spéciale des laïcs » (LM 31).Le Pape Paul 6 l'a rappelé, dans son texte sur l'évangélisation "le travail premier et pressé des laïcs, ce n'est pas de construire la communauté chrétienne. Cela, c'est le travail des prêtres. Le travail des laïcs, c’est de mettre en pratique, toutes les possibilités chrétiennes et la force de l’Evangile, qui sont déjà présentes et à l’action dans le monde. L’endroit spécial de leur travail d’évangélisation, c'est le monde grand et compliqué de la politique, de la vie sociale et de l'économie. Et également de la culture, des sciences, des arts, de la vie internationale, des mass media. Ainsi que certaines autres réalités, ouvertes à l'évangélisation, comme le sont l'amour, la famille, l'éducation des enfants et des jeunes, le travail professionnel, la maladie et la souffrance. L’Eglise a besoin de ces laïcs remplis de l'Evangile, responsables et clairement engagés dans la société, formés et capables de la faire avancer. Et d’abord, qui cherchent à faire grandir leurs qualités chrétiennes, qui sont trop souvent cachées et étouffées. Plus les baptisés auront ces qualités chrétiennes, sans rien perdre de leurs qualités humaines, mieux ils pourront construire le Règne de Dieu ". De même, Benoît 16 dit, à propos du Service de la Charité : "Le devoir d'agir pour un ordre juste dans la société, c’est le propre des fidèles laïcs. En tant que citoyens de l'Etat, ils sont appelés à participer personnellement à la vie publique. Ils ne peuvent donc pas rester sans agir, dans les questions économiques, la vie de la société, les lois à voter et à mettre en pratique, l’administration et la culture. Car tout cela a pour but de faire grandir le bien commun."

Jean Paul 2 a beaucoup participé aux travaux du Concile. Il a continué le travail commencé par Jean 23, Paul 6 et les Pères du Concile. Dès sa première lettre Encyclique « Redemptor Hominis » (le Rédempteur de l'Homme), il reprend la lettre Ecclesiam Suam et les documents du Concile, en disant : "Au début de mon pontificat, je veux rappeler, avec une grande joie, le travail du Concile Vatican 2". A la fin de sa vie, il écrit un des textes les plus simples, mais les plus forts et peut-être les plus complets, sur notre mission d'aujourd'hui : la "Lettre pour le début du Millénaire". Il dit : "Le Concile est la grande grâce, que l'Eglise a reçue au 20ème siècle ; il nous offre une boussole sûre, pour nous conduire sur le chemin du siècle qui commence ".

Dans beaucoup de ses lettres Encycliques, Jean Paul 2 cite Gaudium et Spes, pour rappeler 2 choses importantes : comment le Mystère du Christ éclaire tout le Mystère de l'Homme. Et comment l'Homme devient totalement Homme, en accueillant la richesse du Christ. Il dit: "l'Homme est la route de l'Eglise. Une route qui est le chemin principal, parmi toutes les routes que l'Eglise doit suivre. Car tout homme, sans aucune exception, a été racheté par le Christ. Le Christ est uni à chaque homme sans aucune exception, même si l’homme ne le sait pas"(Gaudium et Spes n°22). C’est pourquoi, Jean-Paul 2 n’arrête jamais d'aller de l'Homme à Dieu, et de Dieu à l'Homme. En commençant soit par l'un, soit par l'autre. Mais surtout, il va à l'Homme et au monde de ce temps, pour l'écouter, le connaître, le respecter, être près de lui, et lui proposer le message du Christ. C'est cela qui explique les nombreux voyages de Jean-Paul 2. C’est une manière de mettre en pratique, ce que les Pères du Concile ont dit, dans la Constitution Gaudium et Spes. A nous d’en faire autant aujourd’hui !

Jean Paul 2 a mis en pratique, mais il a aussi ajouté à cette Constitution. Aussi bien dans ses bases doctrinales (les principes, les vérités enseignées), que pour les réalités de la société, dont on parle dans la Deuxième Partie. Il l’a complété, parce que tout n'a pas été dit, pendant le Concile. Et parce beaucoup de choses bougent et avancent dans le monde. C’est à nous maintenant, de faire avancer l’Eglise et le monde. Tous ensemble, avec nos frères et nos sœurs. Comment faire ? Nous nous formons, nous réfléchissons ensemble, nous écoutons le Saint Esprit dans nos cœurs, nous nous mettons à l’action, et nous évaluons nos actions pour voir ce qu’il faut continuer, et ce qu’il faut changer pour le rendre meilleur.

C’est intéressant de voir ce que le Cardinal Ratzinger, qui a participé au Concile, et qui est devenu le pape Benoit 16, disait de «Gaudium et Spes», dans son livre : Les Principes de la Théologie Catholique, Esquisse et matériaux, en 1985 : «De tous les textes du 2° Concile du Vatican, la constitution pastorale «sur l'Eglise dans le monde de ce temps» (Gaudium et spes) a été le plus difficile à écrire. Avec la constitution sur la liturgie et le décret sur l'oecuménisme, il est le plus riche, et celui qui a eu le plus de conséquences. Il s'écarte de l'histoire des autres conciles. Il permet ainsi, de mieux comprendre, ce que le dernier Concile a de spécial. C'est pourquoi il est considéré comme le véritable testament du Concile Vatican 2 (page 423)

«Ce qui a eu tant d'influence dans ce texte (Gaudium et spes), ce n'est pas le contenu, qui reste entièrement dans la ligne de la tradition chrétienne, et en utilise toutes ses possibilités : c'est plutôt l'idée de départ,.... (l’ouverture de l’Eglise au monde) (page 424)

«...La Constitution comprend le «monde» comme un partenaire (un vis-à-vis), en face de l'Eglise. Le texte veut les amener à construire le «monde» ensemble.... (idem)

«...une deuxième chose importante du texte, c’est l’idée de dialogue. Le Concile écrit : « on ne peut pas donner une preuve plus forte de solidarité, de respect et d'amour, à l'ensemble de la famille humaine ... qu'en dialoguant avec elle...» (p. 425). «...le but du dialogue c’est de «construire la société humaine» ... Les évêques voulaient faire pour l'humanité, quelque chose de concret, qu’on pouvait voir et toucher.» (idem)

«...Les discussions pour écrire ce texte montrent un optimisme étonnant. Si les hommes et l'Eglise travaillent ensemble, tout sera possible. C’est pourquoi, il fallait enlever la peur du monde moderne» (id.)

Pie 9 et Pie 10 avaient refusé les idées nouvelles de la Révolution. «… On peut dire que ce texte (avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) est un grand changement, et une révision du Syllabus de Pie 11, un écrit qui condamnait le monde moderne. Le Syllabus mettait une séparation entre l’Eglise et les forces modernes de la science, de l’économie (le libéralisme) et de la politique du 19°siècle (p. 426). En fait, les chrétiens avaient accepté ces idées, dans leur vie de chaque jour. Mais ce document « l’Eglise dans le monde de ce temps » a amené une réconciliation officielle de l'Eglise avec le monde, tel qu'il était devenu depuis 1789...» (idem). L'Eglise ne se sent plus isolée, ni séparée du monde, ni en guerre contre lui. Maintenant, elle recherche le dialogue et la coopération.» (id.)

Dans les chapitres 4 à 8, nous allons étudier successivement les différentes parties de ce document, avant de voir au chapitre 9 comment le mettre en pratique aujourd’hui.

Annexe : Le Pacte des Catacombes

Le 16 novembre 1965, peu avant la fin de Vatican 2, une quarantaine d’évêques, dont les noms ne sont pas connus, se réunirent dans la Catacombe de St Domitilla. Ils signèrent un document, au sujet de la richesse, du protocole et des cérémonies dans l’Eglise catholique. Le 7 décembre 1965, la veille de la fin officielle du Concile Vatican 2, ils le distribuèrent aux autres évêques :

Nous, évêques réunis au Concile Vatican ; éclairés sur les manques de notre vie de pauvreté selon l’Evangile ; encouragés les uns par les autres, dans une démarche où aucun de nous ne veut se montrer ni être orgueilleux; unis à tous nos frères évêques ; comptant surtout sur la force et la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, sur la prière des fidèles et des prêtres de chacun de nos diocèses ; nous plaçant par la pensée et la prière, devant Dieu Trinité, devant l’Eglise du Christ, devant les prêtres et les fidèles de nos diocèses, dans l’humilité et en reconnaissant notre faiblesse, mais aussi avec tout le courage et la force dont Dieu veut bien nous donner la grâce, nous nous engageons à ce qui suit :

  1. Nous essayerons de vivre à la manière ordinaire de notre population, en ce qui concerne l’habitation, la nourriture, les moyens de transport et tout le reste.
    Nous refusons pour toujours aux richesses, spécialement dans les habits (les tissus riches et les couleurs voyantes) et les insignes en matière précieuse (en or et argent) : ces insignes doivent correspondre en effet à l’Evangile.

  1. Nous ne posséderons ni maisons, ni meubles ni comptes en banque, etc., en notre propre nom ; s’il faut posséder quelque chose, nous le mettrons au nom du diocèse, ou des œuvres sociales ou caritatives (Caritas)

  2. A chaque fois que c’est possible, nous donnerons la gestion de l’argent et du matériel dans nos diocèses, à un comité de laïcs capables et qui connaissent leur rôle de chrétien. Pour être libérés de l’administration des choses matérielles, et n’être que des pasteurs et des apôtres.

  3. Nous refusons d’être appelés, oralement ou par écrit, par des noms et des titres signifiant la grandeur et la puissance (Eminence, Excellence, Monseigneur). Nous préférons être appelés du nom de Père, comme le demande l’Evangile.

  4. Dans notre comportement et nos relations dans la société, nous éviterons ce qui peut donner des avantages, des priorités ou même une préférence quelconque aux riches et aux puissants (par ex. : des grands repas offerts ou acceptés, des prem !ières places dans les prières et les cérémonies).

  5. Nous éviterons d’encourager l’orgueil des gens, pour les récompenser, pour recevoir des cadeaux, ou pour toute autre raison. Nous demanderons aux chrétiens de regarder leurs offrandes, comme une participation normale à la prière, à l’apostolat, à l’Evangélisation et à l’action sociale.

  6. Nous donnerons tout ce qui est nécessaire de notre temps, réflexion, cœur, moyens, etc., au service des personnes et des groupes faibles et sous-développés, sans oublier les autres personnes et groupes du diocèse. Nous soutiendrons les laïcs, les religieux et les religieuses, et les prêtres que le Seigneur appelle à évangéliser les pauvres et les travailleurs, en partageant la vie ouvrière et le travail.

  7. Nous connaissons l’importance de la justice et de la charité et de leurs rapports mutuels. Nous essayerons de transformer les œuvres de « bienfaisance » (l’aumône) en œuvres sociales, basées sur la charité et la justice, en tenant compte de tous et de tous les besoins, en nous mettant au service des organisations publiques compétentes.

  8. Nous ferons tout notre possible, pour que les responsables de notre gouvernement et de nos services publics décident et mettent en pratique les lois, les structures et les institutions sociales nécessaires à la justice, à l’égalité et au développement équilibré et total de tout l’homme, chez tous les hommes. Pour mettre en place un ordre social, nouveau, digne des fils de l’homme et des fils de Dieu.

  9. L’union des évêques selon l’Evangile doit se faire, en prenant ensemble en charge les hommes qui sont en état de misère physique, culturelle et morale. Ils sont les 2/3 de l’humanité. C’est pourquoi, nous nous engageons :

    • à participer, selon nos moyens, aux actions urgentes des évêques des pays pauvres ;

    • en témoignant de l’Evangile, comme le pape Paul VI à l’O.N.U., à obtenir que les organismes internationaux mettent en place de structures économiques  et culturelles, qui ne fabriquent plus des nations pauvres, dans un monde de plus en plus riche. Mais au contraire, qui permettent aux pauvres de sortir de leur misère.

  10. Nous nous engageons à partager notre vie dans la charité, avec nos frères dans le Christ, prêtres, religieux et laïcs, pour que notre ministère soit un vrai service ; ainsi :

    • nous nous efforcerons de « réviser notre vie » avec eux ;

    • nous chercherons des collaborateurs, pour être davantage des animateurs selon l’Esprit Saint, plutôt que des chefs

  11. dans la société;

    • nous chercherons à être présents et accueillants, d’une façon plus humaine ;

    • nous nous montrerons ouverts à tous, quelle que soit leur religion ;

  12. Revenus dans nos diocèses, nous ferons connaître à nos diocésains ces décisions. Nous leur demanderons de nous aider par leur compréhension, leur soutien et leurs prières.

  13. Que Dieu nous aide à être fidèles.

Résumé du document

Il s’appuie sur deux idées importantes.1 / D’abord l’idée de l’homme, avec ses questions, ses limites et ses désirs. On devient vraiment homme par le Christ. C’est Jésus qui nous fait comprendre, ce qu’est vraiment l’homme, et quelle est sa dignité et son avenir. La dignité de l’homme, c’est l’idée de base, pour parler avec les autres hommes de la société. Ce document insiste sur la liberté, mais aussi sur la conscience (le cœur et la responsabilité) de l’homme. Il affirme que c’est le Christ qui nous rend libres. C’est par Lui qu’on va à Dieu.

C’est un document pastoral : il cherche comment présenter Jésus et son Evangile, aux hommes modernes. L’Eglise veut être vraiment missionnaire. Il s’agit donc davantage d’une méditation (une réflexion dans la foi), que d’un véritable enseignement (voir le n° 22).

Avant-propos L’homme est au centre des pensées du Concile. Dans un monde qui change, l’Eglise veut donner aux hommes quelques principes solides, pour construire leur vie. Elle rappelle que le Christ est le centre et le but de toute l’histoire humaine.

1ère Partie : L’Eglise et la vocation humaine

Grâce à la lumière de la foi, l’Eglise peut vivre à l’aise dans le monde. Car les désirs les plus profonds de l’homme viennent de Dieu : liberté, vérité, respect de la conscience.

Chapitre 1 La dignité de la personne humaine (n° 4-22)

L’homme est créé à l’image de Dieu. Mais il est marqué par le péché, et il se retrouve dans le malheur. C’est à la fois la grandeur et la misère de l’homme (n° 13). Car dans le cœur de l’homme, il y a une loi écrite par Dieu (n° 14 et 15). La dignité de l’homme, c’est sa liberté de conscience (du cœur). Les responsables de l’Eglise doivent eux aussi respecter cette liberté de conscience des chrétiens, sans vouloir leur imposer une façon de vivre. Le monde moderne est bon. Mais les espoirs de l’homme modernes sont arrêtés par un mur : la mort (n° 18). Toutes les possibilités de la science et des techniques ne peuvent rien contre cela. Mais le Christ est plus fort que la mort. En face de l’Eglise, se tient l’athéisme. Le Concile comprend l’athéisme, comme un appel à mieux vivre la foi chrétienne, et à aider l’homme à ne pas s’enfermer dans le matérialisme (penser seulement aux choses matérielles et à la vie ici-bas) (n° 19-21).

En résumé, l’Eglise sait que son message répond aux désirs les plus profonds du cœur de l’homme. Et que le Christ est l’homme nouveau, qui attire tous les hommes à sa suite (n° 22). En devenant homme, il s’est uni à tous les hommes. Par sa résurrection et par son Esprit Saint, il fait de nous des hommes nouveaux.

Chapitre 2 La communauté humaine (n° 23-32)

Elle est nécessaire pour vivre et travailler ensemble. C’est le désir même de Dieu. C’est Dieu qui a créé tous les hommes et il nous demande de les aimer tous. Il veut que nous soyons uns, comme il est Un (Jn 17,21). Le modèle de la communauté humaine, c’est la Trinité. Le premier lieu où nous vivons cette unité, c’est la famille. Dieu est amour, et c’est seulement en se donnant aux autres comme Dieu, que l’homme peut réussir sa vie. Toutes les organisations de la société doivent respecter la dignité de l’homme. En particulier dans la famille, et dans les questions politiques. Le Concile en tire un certain nombre de conséquences : car il y a certaines forces dans la société, qui nous poussent à faire le mal (n° 25).

L’utilisation des choses du monde doit être au service des personnes. Pour cela, chercher le bien commun, et respecter toute personne humaine, même ses adversaires (n° 28). Attaquer les erreurs, mais en continuant à aimer ceux qui se trompent, et en les aidant à trouver la vérité. Car tous les hommes sont égaux. Il faut donc chercher la justice pour tous (n° 29). Cela demande une éducation de tous (n° 30). En tout cela, nous nous appuyons sur l’exemple de Jésus, qui a fait de nous ses frères et ses sœurs (n° 32)

Chapitre 3 L’activité des hommes dans le monde

Ici encore le Concile voit les choses du bon côté : Dieu veut les progrès de la science, il nous a donné l’intelligence pour cela (n° 33). Dieu nous demande de commander la nature, par notre travail, qui fait avancer le monde (n° 34). L’homme grandit par le travail, à condition de pouvoir travailler dans des bonnes conditions. L’homme est grand par ce qu’il est (sa personne), plus que par ce qu’il a (ses richesses). L’union entre des hommes frères est plus importante que les machines et le matériel (n° 35). Mais souvent tout cela est cassé, par la recherche de l’argent et du pouvoir. La science a ses propres lois, qu’il faut respecter. L’Eglise ne doit pas tout commander. Mais cela n’empêche pas, que les sciences sont dans les mains de Dieu, et qu’elles dépendent de lui (n°36). C’est pourquoi, personne n’a le droit d’utiliser le monde, ni d’en prendre les choses, pour lui seul. Car le monde est à Dieu. Comme le disait Paul (1 Cor 3,2) : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ». De plus, souvent les actions humaines sont cassées par le péché (n° 37). Il faut donc transformer la société et le monde du travail : le fonctionnement des entreprises et des autres activités économiques (voir la 2ème partie, au chapitre 3). C’est le travail de l’Eglise. Pour cela, elle peut s’appuyer sur la force de Jésus ressuscité (n° 38). L’amour que Dieu nous demande, ce n’est pas seulement faire l’aumône aux pauvres. C’est transformer le monde, pour que tous les hommes puissent y vivre mieux. C’est cela l’action des chrétiens dans le monde : aimer dans toutes les occasions de la vie, les petites comme les grandes. Jésus nous dira à la fin du monde (Mt 25,21) : « C’est bien, bon et fidèle serviteur. Tu as été fidèle dans les petites choses, je t’en donnerai des plus grandes. Entre dans la joie de ton maître. » Pour cela, nous ne cherchons pas notre propre intérêt, mais le bien des autres.

Nous sommes engagés dans le monde, pour construire une terre nouvelle. Cela ne doit pas nous empêcher d’avancer ensemble, vers Dieu et son « Royaume éternel ». Simplement, ce Royaume de Dieu, c’est sur cette terre que nous commençons à le construire, en nous engageant « pour la vérité et la vie, pour la sainteté et la grâce, mais aussi pour la justice, l’amour et la paix « , comme le dit la Préface du Christ-Roi (n° 39).

Chapitre 4 Rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps

Elle est le levain, qui fait lever le monde. En annonçant l’Evangile, elle éclaire la vie des hommes. Elle renforce la dignité humaine, l’organisation de la société et le travail des hommes. Elle aide les hommes, à se poser les questions les plus profondes sur leur vie, sans se laisser conduire par la mode. L’Evangile n’empêche pas les hommes de vivre leur vie. Au contraire, il augmente à la fois leur liberté et leur conscience (le sérieux dans le cœur). Le pouvoir de l’Eglise, ce n’est pas l’argent ou les armes, c’est la foi et l’amour (n° 42). Mais cela demande que les chrétiens participent à la vie commune, sans séparer la foi et les activités ordinaires. Qu’ils mettent en pratique, les qualités que Dieu leur a données. Qu’ils travaillent à construire le monde, comme Jésus le charpentier l’a fait. L’Eglise n’a pas les connaissances des sciences modernes, mais elle apporte la lumière de l’Evangile aux hommes. Elle forme leur cœur, pour les aider à bien se conduire dans le monde, et à choisir le meilleur pour la société. On ne peut pas laisser les savants et les intellectuels diriger le monde, d’après leurs idées et tout seuls, même s’ils ont beaucoup aidé l’Eglise.

2ème Partie : Quelques problèmes plus urgents

Le Concile applique ces principes généraux à quelques questions importantes de nos jours.

Chapitre 1er : La dignité du mariage et de la famille :

La famille est la base de la société. Mais dans le monde actuel, la famille connaît des problèmes nouveaux (n° 47). Ce que dit le Concile sur cette question, doit donc être complété par les encycliques qui ont suivi : les Lettres des papes, comme celle de Paul VI sur la vie humaine (Humanae Vitae), celle sur l’union de la famille (Familiaris Consortio) et celle sur la vie selon l’Evangile (Evangelium Vitae).

Ce sont l’homme et la femme eux-mêmes, qui se donnent le sacrement de mariage ; le prêtre n’en est que le témoin. Ils doivent donc être unis, dans toute leur vie et toutes leurs activités. C’est ce qu’on appelle la fidélité conjugale. Leur fidélité est le signe de la fidélité du Christ pour l’Eglise. C’est la façon pour les époux, de vivre l’amour de Dieu et des autres : en s’aimant, en donnant la vie à des enfants et en devenant saints. Ils n’ont pas besoin de faire autre chose : Le mariage en lui-même est un chemin de sainteté, quand on s’aime comme le Christ aime l’Eglise. Et que l’on donne la vie comme Dieu le veut. (N° 50)

Avoir des enfants est un des buts du mariage (n° 48), mais ce n’est pas le seul. Le mariage doit aussi rendre saints l’homme et la femme, et faire le bien de l’Eglise. Le centre de tout, c’est l’amour, qui doit être présent dans tout le mariage (n° 49).

Comme dans toute leur vie chrétienne, le mari comme la femme prennent leur responsabilité de personnes humaines, mais en se laissant éclairer par la Parole de Dieu, et par le Saint Esprit (n° 51,52)

Chapitre 2 La culture

L’intérêt de l’Eglise pour la culture est une chose nouvelle. Le Concile a une idée élargie de la culture : c’est l’ensemble des réalisations de l’homme, ainsi que ses expériences spirituelles (n° 53). Le document insiste sur le fait, que chaque communauté humaine développe sa propre culture. Et que cette culture est une conséquence de l’histoire.

Section 1 : Au moment du Concile (1960), les sciences ont fait de très grands progrès, y compris dans le domaine des sciences humaines. Tout cela amène une nouvelle façon de vivre (n° 54). Des nouvelles manières d’être homme (un nouvel humanisme) apparaissent (n° 55), qui entraînent beaucoup de questions (n° 56). Les civilisations et les cultures traditionnelles sont attaquées par la culture occidentale (de l’Europe et des Etats Unis), qui cherche à s’étendre au monde entier, et à s’imposer.

Section 2 : Face à ce mouvement, le document donne quelques principes : les chrétiens ne doivent pas seulement penser au Ciel : avec les autres hommes, ils doivent construire un monde plus humain (n° 57,1). A ce moment-là, les sciences et les arts peuvent conduire au Vrai, au Bien et au Beau, et même jusqu’à Dieu (n° 57,3). C’est pour cela que l’Eglise n’a pas peur de la science. Il faut donc unir la culture humaine et la Parole de Dieu qui nous sauve, comme Jésus nous le montre dans son Incarnation (n° 58). L’Eglise doit se rendre présente à toutes les cultures, en les faisant avancer : sans casser les cultures traditionnelles, et sans vouloir en imposer une en particulier. Car ce qui est moderne, n’est pas toujours le meilleur. La culture et les sciences sont bonnes en elles-mêmes, indépendamment de l’Eglise (n° 59). Mais elles doivent respecter les valeurs morales (le bien de l’homme). Elles peuvent amener les hommes à être heureux, et à remercier Dieu.

Section 3 : Quelques devoirs plus urgents des chrétiens par rapport à la culture : Faire que toutes les personnes puissent profiter de la culture (pas seulement les riches et les intellectuels). C’est pourquoi, il faut donner la possibilité au plus grand nombre, de continuer leurs études. Avec les progrès de la science, l’homme actuel ne peut plus tout connaître. Mais il doit au moins développer sa personne : son intelligence, mais aussi sa volonté, sa conscience morale (pour vivre bien) et la fraternité avec tous. Toutes ces choses viennent de Dieu, et elles conduisent à Lui (n° 61). Les chrétiens doivent présenter la foi d’une façon nouvelle, en tenant compte des nouvelles connaissances. Et aussi des progrès de la science, de la littérature et des arts, qui ont une grande part également dans la vie de l’Eglise (n° 62).

Chapitre III : La vie économique et sociale

Ce chapitre reprend les idées de base, sur la dignité de la personne humaine. Le n° 63,1 affirme dès le début que « l’homme est l’auteur, le centre et le but de toute la vie de la société, et des activités économiques ».

Section 1 : La façon de vivre l’économie a beaucoup changé : autrefois on travaillait surtout la terre (agriculteurs, éleveurs : ce qu’on appelle le secteur primaire). Puis la grande industrie s’est développée au 19e siècle (les usines : le secteur secondaire). Le 20e siècle a développé le secteur tertiaire (les bureaux et les services). Actuellement, c’est l’informatique et Internet qui dominent, de même que les banques et les activités virtuelles (numériques et dématérialisées)… Il y a donc beaucoup plus de manières de travailler. Mais elles sont aussi plus compliquées, et elles demandent davantage de formation. Les anciens travailleurs n’ont pas été préparés à tout cela, ce qui leur cause beaucoup de problèmes, et entraîne du chômage. Pas seulement pour les jeunes.

Il est important que l’économie soit, non seulement dirigée, mais contrôlée. Sinon, on prend des mauvais chemins, comme on l’a vu par exemple dans le système bancaire, avec les « subprimes » pour faire construire des maisons aux Etats Unis. Ou les opérations dangereuses des « traders », qui ont ruiné beaucoup de gens. Normalement c’est le pouvoir politique qui doit diriger l’économie, et il doit le faire pour le bien de tous. Mais cela devient très difficile. En effet nous vivons aux dimensions du monde (la globalisation). Les grandes entreprises industrielles et commerciales sont internationales. Elles échappent au contrôle des états, et au pouvoir des gouvernements. Même l’ONU n’est pas assez forte pour cela, ni les organisations régionales (Union Européenne ou Africaine, CDEAO…). C’est pourquoi, il y a toujours la faim dans le monde. Le nombre de pauvres, de malades et d’analphabètes est toujours très important. L’ONU a proposé huit objectifs pour le 3° millénaire, des buts à atteindre en 2015. Mais seront-ils réalisés ?

Section 2 : Depuis 1962, l’Eglise a proposé dans ce document des principes pour atteindre la justice, dans la vie économique et sociale. Ces principes sont toujours actuels. Ils peuvent beaucoup aider à rendre meilleure la vie économique. Les progrès économiques ne doivent pas seulement apporter une meilleure production des marchandises, ni augmenter les bénéfices ou le pouvoir. Ils doivent servir tous les hommes. « L’économie a ses propres lois et ses méthodes. Mais cela doit rester dans les limites de l’ordre moral, pour répondre à la volonté de Dieu pour l’homme » (n° 64). Au moment du Concile, il y avait dans le monde deux types d’économie : l’économie planifiée par l’Etat (le communisme qui en fait, était un capitalisme d’état, et qui profitait surtout aux dirigeants) et l’économie libérale ou libéralisme (le capitalisme, dirigé par des personnes ou des sociétés privées). Le libéralisme n’est pas une liberté pour tous. Il profite surtout aux propriétaires et aux riches, et il appauvrit souvent les pauvres. Il augmente les richesses, mais ensuite, ces richesses ne sont pas partagées entre tous. Au lieu d’être mises d’abord au service des plus faibles et de ceux qui en ont le plus besoin, ces richesses sont récupérées par les grands, pour eux-mêmes. Actuellement le communisme est tombé. Et on voit toutes les conséquences mauvaises du libéralisme : les inégalités qui augmentent, la pollution qui casse la terre…. L’Eglise n’a pas cherché une troisième façon de faire pour l’économie. Ce n’est pas son rôle. Mais elle a proposé un chemin, pour éviter ces différents dangers (n° 65, 2). Et pour diminuer les inégalités, entre les personnes et entre les pays (n° 66).

Le travail humain : C’est la chose la plus importante dans l’économie. On doit d’abord respecter les travailleurs. Le travail tire sa dignité de Jésus, qui a lui-même travaillé et a sauvé le monde. C’est pourquoi tout homme a le droit d’avoir un travail, et doit travailler sérieusement (n° 67). Les travailleurs doivent pouvoir participer à la vie de l’entreprise. Ils peuvent créer des syndicats, et faire grève quand il n’y a pas d’autre solution à leurs problèmes (n° 68).

Les biens de la terre sont pour tous. Leur utilisation doit être réglée, à la fois par la justice et par la charité. Tous doivent gagner de quoi faire vivre leur famille. Et personne n’a le droit de prendre pour lui, ce qui est nécessaire aux autres pour vivre: « Si tu ne donnes pas à manger à celui qui a faim, tu le tues. » (Gratien). C’est pourquoi la propriété privée n’est permise, que dans les limites du bien commun (n° 71).

Cela demande que l’on garde les organisations de la solidarité traditionnelle. Mais aussi que l’on mette en place des moyens modernes, pour aider toutes les personnes à mieux vivre : la sécurité sociale, les assurances, les services familiaux et sociaux…. Mais les gens ne doivent pas profiter de ces services d’entraide, pour rester sans rien faire par eux-mêmes (passivité, irresponsabilité et paresse). Comme l’a dit Saint Paul (2° Thes 3,11) : « Celui qui refuse de travailler, qu’il ne mange pas non plus. » Ceci est important en particulier dans les pays en développement, pour que les gens ne deviennent pas des mendiants ou des assistés.

Dans toutes ces questions économiques, les chrétiens doivent bâtir leur vie à partir des Béatitudes de Jésus (Mat 5, 3-12). Et conserver l’esprit de pauvreté, selon la justice. » (n° 72)

Chapitre IV : La vie de la communauté politique

Il s’agit de mettre en place une communauté, où les droits des personnes sont protégées (liberté de parole, de pratique religieuse…). C’est nécessaire « pour que les citoyens participent personnellement et ensemble, à la vie de la société. » (n° 73) Cela demande la bonne volonté et les efforts de chacun, ainsi que la justice et l’ordre publics. Il faut bien comprendre ce qu’est la communauté politique, et les limites de l’autorité publique (Note 74).

La communauté politique est nécessaire pour améliorer la vie des hommes, et chercher le bonheur de tous. Elle doit à la fois, respecter la nature de l’homme et la loi de Dieu. Si les gens au pouvoir respectent l’ordre moral (s’ils cherchent le bien), les citoyens doivent leur obéir. Même si on a un mauvais gouvernement, on doit quand même soutenir les bonnes choses qu’il fait (n° 75). Les citoyens participent au choix de leur gouvernement, par le vote. Ils doivent savoir que le gouvernement ne peut pas tout faire.

Le gouvernement doit protéger la famille et les associations, qui sont des intermédiaires nécessaires dans la société.

Les partis politiques doivent chercher le bien commun, et non pas leur propre avantage.

Les chrétiens ont un grand rôle à jouer, dans la communauté politique : pour que les chefs respectent la liberté des personnes, pour faire grandir la justice, et pour la solidarité avec tous.

L’Eglise cherche à la fois à préparer les hommes à la vie éternelle, et à construire un monde meilleur dans cette vie-ci. C’est pourquoi, elle travaille avec la société et les pouvoirs politiques. Mais chacun doit garder son indépendance et sa liberté d’action (n° 76).

Chapitre V : La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations

La situation internationale a besoin d’être transformée, pour l’union de nations. Tous les chrétiens doivent y travailler, avec les autres hommes, pour l’avènement de la paix (n° 77). La paix n’est pas seulement l’absence de guerre. C’est « l’action de la justice » (Is 32,17). La justice doit être recherchée sans s’arrêter, car elle est souvent détruite par le péché, et déjà par les changements de situation du monde. La paix est le fruit de l’amour et de la fraternité. Mais, comme Jésus, les artisans de paix doivent souvent souffrir, et passer par la croix (n° 78, 3). Il faut apprendre à dépasser la violence, et à dire la vérité dans l’amour.

Section 1. Éviter la guerre : Les gouvernements ont le droit, et même le devoir, de défendre leur pays. Mais des lois de la guerre doivent limiter les souffrances, causées par les guerres. Depuis qu’il y a des armes nucléaires (la bombe atomique), on ne peut plus dire, que la guerre est un moyen d’obtenir la justice et le droit (lire la lettre « La paix sur la Terre » de Jean 23). Car ces armes cassent trop de choses, et surtout elles tuent trop de personnes (n° 80). La course aux armements (avoir de plus en plus d’armes), ce n’est pas une solution, pour avoir la sécurité ou la paix. Elle coûte trop cher. Et donc elle mange l’argent, qui devrait servir aux pauvres, et au développement du pays (n° 81). La paix ne peut pas être imposée par la force. Elle a besoin de la confiance entre les hommes, elle demande un monde de justice. L’Eglise soutient tous ceux qui cherchent la paix. Mais la paix demande une éducation, aussi bien de ceux qui dirigent que des citoyens.

Section 2. Construire la communauté internationale: La paix n’est possible que si l’on supprime les causes des guerres, c’est-à-dire les injustices à tous les niveaux : des personnes, de la société, du pays et du monde entier (n° 83). Car le monde devient de plus en plus international (n° 84). Il faut donc augmenter la coopération internationale, au niveau de l’économie (le travail), du commerce, de l’industrie et des finances (l’argent), pour aider les pays pauvres (n° 85). Pour cela, il y a 4 conditions (n° 86) :

  1. chercher le développement humain des peuples, spécialement des petits groupes, en respectant leur sagesse et leurs traditions

  2. toutes les activités entre les pays industrialisés et le Tiers-monde doivent chercher l’intérêt des pays pauvres.

  3. que l’argent soit utilisé avec justice et efficacité

  4. revoir l’organisation économique du monde, en faveur de tous les hommes, y compris leur vie spirituelle : faire grandir tous les hommes, dans toutes leurs dimensions. Ne pas voir seulement l’aspect économique (produire et gagner plus).

Il faut aussi chercher la meilleure solution possible, face à l’augmentation de la population mondiale (n°87).

Les chrétiens doivent s’engager dans l’action internationale et le développement, avec l’amour du Christ (n° 88-90).

Conclusion

L’Eglise est là pour aider tous les hommes, croyants ou non. Pour qu’ils trouvent leur chemin, et construisent ensemble un monde, où l’on respecte davantage la dignité des personnes et la fraternité entre les hommes (n° 91, 92). L’union de tous les peuples et de tous les hommes, passe par l’unité entre les chrétiens (n° 93) « C’est la volonté de Dieu notre Père, que nous reconnaissions dans tout homme, le Christ notre frère. Et que nous aimions vraiment tout homme, en action et en parole. C’est ainsi que nous serons les témoins de la Vérité. Alors, nous partagerons avec les autres l’amour de Dieu, et son Esprit nous donnera l’espérance. » (n° 93)


Concile de Vatican 2, 50 ans après

Réflexions sur la constitution apostolique : Gaudium et spes

« L’eglise dans le monde de ce temps »

Vous pouvez d’abord lire :

  • le chapitre 1  : Le concile Vatican 2 : Introduction générale

  • le chapitre 2 : Comprendre le concile Vatican 2 aujourd'hui

  • le chapitre 3: L’église dans le monde de ce temps. Introduction au document  

Chapitre 4 : L’Eglise dans le monde de ce temps, 1° partie : L’Eglise et la vocation humaine

Le document du Concile Vatican 2 sur l’Eglise dans le monde de ce temps, a ouvert de nouvelles relations entre l’Eglise et la démocratie, entre l’Eglise et la science, entre l’Eglise et les non-croyants. Il a reconnu la liberté de la société, par rapport à l’Eglise (son autonomie). Cela a été redit par le pape Jean Paul 2, dans sa lettre pour le centième anniversaire de l’encyclique « Rerum Novarum » de Léon 13, sur les questions sociales. Les deux passages de ce document les plus souvent cités sont les n° 22 et 24. Le n° 22 explique que Jésus nous montre le visage de Dieu, comme un Père très bon, et il nous donne le sens de notre vie d’homme. Il est la manière d’être vraiment homme, et vraiment chrétien (humanisme chrétien). L’homme réussi, c’est le Christ qui nous aime. Il nous permet de devenir avec Lui, des hommes nouveaux. Pas seulement les chrétiens, mais tous les hommes. Le n° 24 nous explique que réussir notre vie, ce n’est pas être plus fort que les autres (nous imposer), mais c’est nous donner aux autres. Ce document a marqué l’ouverture de l’Eglise au monde. Mais sans l’empêcher de critiquer la société moderne, dans ce qu’elle a de moins bon. Et nous demander de la transformer, pour la rendre meilleure

Voici le plan de ce chapitre :

  • Présentation générale

  • Synthèse de cette 1° partie

  • Quelques passages importants

  • Introduction (n° 1 à 3)

  • L’exposé préliminaire (n° 4 à 10)

  • Les signes des temps

  • L’idée du développement

  • Chapitre 1 : La dignité de la personne humaine (n° 12 à 22)

  • La liberté de conscience

  • Foi et raison 

  • L’athéisme

  • La mort

  • Chapitre 2 : La communauté humaine

  • Le bien commun

  • Le dialogue

  • Chapitre 3 – Les activités de l'homme dans le monde

  • L’autonomie des réalités terrestres,

  • Chapitre IV – L’église et le monde

  • Le rôle des laïcs (n° 43)

  • Agir aujourd’hui dans le monde

  • Annexe : réflexion dans une paroisse de Dakar, au Sénégal

  • Une autre présentation de cette 1° partie

Présentation générale de la 1° partie

En avant propos, le Concile dit avec force que l’Eglise est unie et solidaire avec toute la famille des hommes. Et qu’elle veut être au service de tous les hommes, pas seulement des chrétiens (N° 1-3). Le document « L’Eglise dans le monde de ce temps » présente ensuite un exposé préliminaire (n° 4 à 10), sur la condition humaine dans le monde d’aujourd’hui. Il explique les désirs et les conditions de vie des hommes, en 1965 (cela a beaucoup changé depuis). Il s’agit d’une grande enquête sur la façon dont on voit le monde, et la présence de Dieu, dans tous les continents. Ce que le Concile appelle : les signes des temps. En effet, pour le Concile, avant de parler, il s’agit d’abord de voir ce qui se passe, et de comprendre les problèmes. C’est la condition, pour un dialogue vrai avec les autres hommes. C’est donc cette méthode-là, qu’il faut continuer à utiliser. Nous nous trouvons devant un monde nouveau, mais aussi devant une façon nouvelle de comprendre les choses. Cela nous appelle à de nouvelles réponses à tous les niveaux, suite aux progrès de la science et de la technique, et des changements de civilisations et de cultures. Le Concile voit à chaque fois le positif (le bon côté des choses). Il veut absolument faire confiance aux hommes, et garder l’espérance dans l’avenir. Il s’agit de voir ce que l’Esprit Saint dit, non seulement à l’Eglise, mais aussi au monde. Et cette espérance s’appuie bien sûr sur le Christ et sa résurrection. Remarquons tout de suite que, quand le Concile parle du monde, il ne s’agit pas du monde pécheur, comme par exemple dans l’Evangile de saint Jean. Il s’agit du monde moderne et de la société actuelle.

Ensuite, une 1ère partie parle de l’Eglise et de la vocation de l’homme (ce à quoi les hommes sont appelés, pour répondre aux appels du Saint Esprit). Elle comprend 4 chapitres. C’est de cette première partie, que nous allons parler maintenant.

Chapitre 1 : La dignité de la personne humaine. L’homme est créé par Dieu à son image, mais il vit dans un monde de péché. Sa dignité vient de son intelligence, capable de connaître la vérité, et d’avoir la sagesse. Sa dignité vient aussi de son cœur (la conscience morale), qui le pousse à faire le bien. Ce chapitre parle aussi de la grandeur de la liberté, et du mystère de la mort. Il réfléchit à ce que l’Eglise doit faire, face à l’athéisme (les gens qui ne croient pas en Dieu). Et comment suivre le Christ, l’homme nouveau, parfait et réussi.

Le chapitre 2 explique ce que doit être la communauté des hommes, selon le plan de Dieu : il s’agit de respecter à la fois, la personne et la société. Car elles dépendent l’une de l’autre. Pour cela, respecter chaque personne humaine, et en même temps faire grandir le bien commun : aimer ses adversaires ; respecter l’égalité entre tous les hommes, et la justice dans la société ; ne pas penser seulement à soi-même, mais prendre ses responsabilités envers les autres, et participer à la vie de la société. En se souvenant que, pour les chrétiens, la solidarité entre les hommes se construit avec Jésus Christ, qui s’est fait homme comme nous.

Le chapitre 3 parle des activités des hommes dans le monde : leur importance, leur liberté et leurs conditions. Ces activités sont marquées par le péché, mais elles sont aussi sauvées par la résurrection de Jésus. Elles permettent de construire, un ciel nouveau et une terre nouvelle.

Le chapitre 4 explique ce que l’Eglise apporte aux hommes, et à toute la société. Mais aussi, l’aide que le monde d’aujourd’hui apporte à l’Eglise.

Cette 1° partie du document s’appuie sur 3 idées importantes :

  1. D’abord l’»anthropologie christocentrique « (les questions profondes des hommes : l’homme réussit sa vie par le Christ : n° 10). Elle nous montre la dignité de l’homme, qui est la base nécessaire, pour parler avec les autres personnes de la société. A ce sujet, le document insiste sur la liberté, mais aussi sur la conscience de l’homme (son cœur). Il affirme que c’est Jésus qui nous fait comprendre, ce qu’est vraiment l’homme, et quels sont sa dignité et son avenir. C’est le Christ qui nous rend libres. Et c’est par Lui qu’on va de l’homme à Dieu. Car c’est par le Christ, que Dieu a parlé aux hommes. Et c’est à l’homme, que Jésus a révélé l’Evangile.

  2. C’est un document pastoral : on cherche comment présenter Jésus et son Evangile aux hommes d’aujourd’hui. L’Eglise veut être vraiment missionnaire. Il s’agit donc plus d’une méditation (une réflexion dans la foi), qu’un enseignement théorique (voir par exemple le n° 22). Le document donne aussi des principes pour agir : chercher le bien commun (le bien de toute la société et le bien de chacun), la solidarité (agir ensemble), la justice sociale, la charité qui nous fait penser d’abord aux plus pauvres. C’est tout cela que l’on appelle la doctrine sociale de l’Eglise (voir le document sur cette question dans le site : http://armel.duteil.free.fr/).
    L’Eglise dans ce document parle de choses concrètes. Mais de quel droit ? Ce n’est pas parce qu’elle serait une organisation supérieure aux autres, en tant que telle. C’est à cause de l’Evangile, parole de Dieu, que le Christ lui a laissé. L’Eglise fait connaître l’Evangile aux hommes, en l’appliquant aux réalités de chaque temps. C’est pour cela que le Concile peut vraiment aider tous les hommes et les femmes de ce temps, quels que soient leurs métiers ou leurs places dans la société. Car ce document répond aux questions importantes, sur la vie des personnes humaines, et sur la vie de la société toute entière (n° 10).

  3. Dieu veut sauver tous les hommes : C’est une question très importante, et en pleine recherche dans l’Eglise, actuellement. Paul disait : (1 Tim 2,4) : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et arrivent à connaître la vérité ». Notre document dit : «Le Christ est mort pour tous. La vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine. Nous devons donc savoir, que l'Esprit Saint offre à tous, de pouvoir être unis au mystère de la Résurrection de Jésus, d'une façon que Dieu connaît » (22, 5). «Le Concile s'adresse à tous les hommes, pour éclairer le mystère de l'homme, et l’aider à trouver des solutions aux problèmes de notre temps. Dans la lumière du Christ, l'image du Dieu invisible, premier-né de toute création. "(N° 10)

Synthèse de cette 1° partie

L’Eglise veut aider à mieux comprendre le mystère de l’homme, et aider à trouver des solutions aux problèmes du monde d’aujourd’hui (10). Le Concile s’adresse non seulement aux catholiques mais à tous les chrétiens et aux hommes du monde entier (2). Pour cela il cherche à lire les signes des temps (voir la note sur cette expression), et à les comprendre à la lumière de l’Evangile (4). Car nous sommes dans une nouvelle étape de l’histoire des hommes (54), avec beaucoup de changements dans la société (5), spécialement pour la culture (la civilisation) et la vie ensemble (6). A cause des nombreux changements qui viennent des usines (l’industrialisation), de la ville (l’urbanisation), des moyens de communication (la radio et la télévision, internet, les téléphones portable etc.), et des nouvelles façons de vivre ensemble dans la société. Tout cela entraîne des changements dans la façon des gens de se comporter, et dans ce qu’ils cherchent (leurs valeurs) (7). Tout cela permet d’être davantage unis et de mieux vivre ensemble (42). Cela permet aussi de faire grandir la personne humaine… même si cela entraîne parfois des problèmes (25). Les hommes dépendent de plus en plus des autres (23), et leurs relations s’étendent peu à peu au niveau du monde entier (26). On comprend mieux ce qu’est la personne humaine aujourd’hui. Quels sont ses droits (41), mais aussi ses devoirs, et surtout sa dignité que personne ne peut enlever (26). Les gens comprennent mieux les injustices et les inégalités entre eux, et ils demandent le respect de leurs droits. Ils ont soif d’une vie pleine et libre, digne de l’homme (9). A cause de cela, on cherche davantage à respecter les droits humains, dans la communauté politique et la vie de la société (73). Les hommes prennent davantage de responsabilités, et cherchent à mieux se former (la culture) (55). Cela devient possible de libérer les gens de l’ignorance (60).

Mais il reste des problèmes dans la vie moderne au niveau des personnes, des familles, des groupes et des pays (8). C’est difficile de garder les valeurs traditionnelles, dans un monde qui change vite, et où beaucoup de forces s’opposent (4). L’un des gros problèmes de notre temps, c’est que les gens séparent leur foi et la vie de chaque jour (43). Il y a des difficultés dans la société, qui viennent des problèmes économiques (la pauvreté) ou politiques, qui viennent de l’orgueil et de l’égoïsme des hommes (25). Et le progrès risque même de tuer l’espèce humaine (37). Les guerres continuent, elles deviennent même de plus en plus sauvages, et tuent de plus en plus de gens (79). Et même s’il n’y a pas de guerre, il y a beaucoup de violence dans nos sociétés (83). L’homme moderne est donc à la fois fort et faible. Il est capable de faire les choses les meilleures, comme les plus mauvaises. Il est capable de se libérer ou de se rendre esclave, de faire des progrès ou de reculer, d’aimer ou d’haïr les autres (9).

L’Eglise : elle partage la vie de tous les hommes (40). Elle partage « les joies et les espoirs , mais aussi les tristesses et les peurs des hommes,  surtout des plus pauvres » (1). Les chrétiens sont unis aux autres hommes, pour chercher la vérité (16). Le peuple de Dieu et l’ensemble des hommes se rendent service l’un à l’autre (11). L’Eglise est comme le ferment (la levure), et comme l’âme (le cœur) de la société humaine (40). Elle peut rendre les gens plus heureux, et rendre meilleure l’histoire des hommes (40). Elle peut faire comprendre le sens de la vie humaine (41). Elle apporte à la société la force de sa foi, et un amour mis en pratique. L’Eglise est présente dans tous les pays, c’est ce qui lui permet d’aider à unir tous les peuples. Elle respecte ce qu’il y a de bon, de juste, de vrai dans les organisations humaines (42). Les chrétiens vivent et travaillent dans le monde. Par leur foi, ils rendent meilleures les activités des hommes (43). Mais dans l’autre sens, l’Eglise profite beaucoup de la vie des hommes en société, et des progrès du monde (44) : tous ceux qui travaillent à faire avancer le monde, font avancer l’Eglise en même temps (44).

Dans tout cela, l’Eglise a sa façon d’être présente : elle travaille pour le monde futur (40). Elle n’a pas un but politique ou économique, mais son action peut beaucoup aider les hommes et la société (42). L’Eglise annonce la Parole de Dieu (41). Elle veut rendre Dieu présent et vivant dans le monde (21). Elle veut apporter la vie de Dieu aux hommes, dans le monde entier (40). Elle veut continuer le travail de Jésus, à la lumière du Saint-Esprit (3). Elle veut annoncer l’Evangile et apporter la vie de Dieu à tous (89), pour que l’homme vive mieux et fasse le bien (33). Elle travaille à faire grandir le Royaume de Dieu sur la terre, pour sauver tous les hommes (45). Elle explique ce qui se passe dans le monde, à la lumière de l’Evangile (4). Elle juge tout cela à la lumière de la Parole de Dieu (44). Elle fait grandir l’unité (42). Elle fait grandir la civilisation et la vie de la société (58). Elle rend meilleure tout ce qui a de vrai, de bon et de beau, dans la communauté des hommes (76). Pour réunir dans un même esprit, les hommes de tous les pays, races et cultures (92).

Le sens de la vie : l’Eglise aide les hommes à comprendre le sens de la vie (41). L’homme vaut plus par ce qu’il est (ses qualités), que par ce qu’il a : son argent et les choses qu’il possède (35). La dignité de la personne humaine s’étend à son corps, que Dieu a créé et qu’Il ressuscitera (14). L’intelligence de l’homme participe à la puissance de Dieu (15). Le coeur de l’homme (sa conscience) est l’endroit le plus secret, où l’homme est seul avec Dieu (16). La grandeur de l’homme lui demande de faire le bien, dans la liberté (17). La vie de l’homme est marquée par le mal et le péché (13). L’orgueil menace toutes les activités humaines : le cœur de l’homme a besoin d’être purifié, par la puissance de la croix du Christ et de sa résurrection (37). L’homme ne peut se comprendre qu’à la lumière du Christ, la Parole de Dieu fait homme. L’Esprit de Dieu offre à tous les hommes, la possibilité d’être unis au salut de Jésus Christ (22). Dieu nous a créés pour vivre après la mort, puisque nous sommes libérés par le Christ (18).

Le travail : le travail de l’homme continue la création de Dieu. Il est le signe de la bénédiction de Dieu (34). Le progrès est bon, à condition de ne pas chercher simplement notre propre intérêt, mais aussi le bien des autres (37). C’est en nous donnant aux autres, que nous réussissons notre vie (24).

La religion : tous les hommes se posent des questions par rapport à la religion (41). Croire en Dieu ne supprime ni la grandeur, ni la liberté de l’homme (21). En effet la base de notre dignité, c’est notre union avec Dieu (19). La foi et la science ne sont pas opposées (36). La vie chrétienne et les autres activités dans la société, ne sont pas opposés non plus (36). Beaucoup d’hommes abandonnent actuellement la religion, mais en même temps la vie chrétienne s’est libérée de beaucoup de croyances anciennes : la magie, la sorcellerie etc. (7). La religion, ce n’est pas seulement prier et garder les commandements de Dieu. C’est aussi s’engager dans la vie du monde (43). C’est pourquoi, on doit rejeter toutes les injustices, à tous les niveaux, également par rapport à la religion (29). Nous devons respecter nos adversaires, y compris ceux qui ont d’autres idées que nous, au sujet de la religion (28). D’ailleurs le respect entre les religions grandit dans le monde, de même que le respect des autres droits humains (73). L’athéisme (ne pas croire en Dieu) a beaucoup de formes différentes actuellement. C’est un grand problème de notre époque. Il a de nombreuses causes, et les chrétiens en sont en partie responsables par leur mauvais comportement (19). L’athéisme vient souvent de ce que l’homme veut être indépendant. Il pense que les commandements de Dieu vont contre sa liberté, et empêchent son développement (20). Il faut y réfléchir sérieusement ; mais avec respect. La solution, c’est de mieux vivre notre foi. Les croyants et les incroyants peuvent travailler ensemble, pour construire un monde meilleur (21).

La vie morale (33) : toutes les activités humaines doivent chercher le bien de tous les hommes(35). On ne peut pas penser seulement à soi-même (30), car Dieu nous a créés pour vivre ensemble avec les autres (32). C’est ce qui fait grandir et avancer vers la liberté (31), et aide à faire le bien (17). Pour cela, nous devons écouter la voix de Dieu dans notre cœur : la conscience. Les activités humaines sont souvent cassées par le péché (16) et l’égoïsme (37). Chercher la liberté et le progrès ne doivent pas nous empêcher, de respecter les commandements de Dieu (41). Mais l’homme est souvent divisé dans son cœur (13), entre les choses qu’il désire avoir, et ce que lui dit son cœur (8). Même si on cherche la vérité et le bien, on doit aimer, ceux qui ne pensent pas comme nous. Et respecter ceux qui ne vivent pas comme nous (28). Car on doit lutter contre l’erreur, mais on ne doit pas rejeter les personnes qui se trompent : elles gardent toujours leur dignité de personne humaine (28).

Pour garder la dignité de l’homme (G9), la société doit respecter tous les hommes (25). Pour cela, chaque homme doit avoir, tout ce dont il a besoin pour vivre normalement (26). Nous devons vivre unis avec les autres hommes, car nous sommes une seule et même famille (24). C’est pourquoi chaque groupe doit respecter les autres hommes et les autres groupes, et chercher le bien de tous (le bien commun : 26). Nous regardons chaque personne comme notre frère ou notre soeur, et notre voisin comme un autre nous-mêmes (27). Ne pas respecter la vie, c’est faire du mal à la société, et manquer de respect à Dieu lui-même qui nous a créés (27). Nous reconnaissons que tous les hommes, tous les peuples et toutes les civilisations sont égaux. On doit donc rejeter, toutes les différences et les injustices entre les hommes, au nom même de Dieu. Les organisations humaines doivent respecter les droits de chaque personne (29). Mais en même temps, chaque personne doit travailler pour le bien de tous. Et soutenir les organisations, qui travaillent pour construire le monde. Nous devons donc respecter les lois de la société (31), et travailler ensemble pour faire avancer cette société. Dieu nous appelle à diriger le monde avec justice et dans la sainteté (34), pour construire un monde basé sur la vérité (55). C’est pourquoi nous travaillons ensemble, croyants et incroyants (21), pour bâtir une paix véritable (92). Pour cela, la justice et l’union dans la société, sont plus importantes que les machines et les progrès de la technique (35). Car c’est possible de construire un monde de frères et de sœurs, où l’on s’aime (38).

En plus de ces idées générales, le Concile dit des choses précises dans la 2ème partie sur la famille, la culture, l’économie (le travail et l’argent), la politique et la paix. Voir les chapitres suivants.

Conseils spéciaux pour les chrétiens :

Le Concile s’adresse à tous les hommes du monde entier, mais il donne aussi des conseils spéciaux aux chrétiens :

  • Attendre la fin des temps ne doit pas nous empêcher, de travailler aux problèmes actuels du monde (21).

  • Attendre le ciel ne doit pas nous empêcher de construire la terre (39). Au contraire, « chercher les choses d’en haut » nous pousse à travailler davantage avec les autres hommes, pour bâtir un monde meilleur (57).

  • Les chrétiens doivent donc prendre leurs responsabilités dans la société (43). Car Dieu nous demande de construire le monde, et d’aider les autres pour qu’ils soient heureux (34).

  • Le Christ nous demande de pardonner et d’aimer nos ennemis (28).

  • Dans l’Eglise, entre chrétiens, nous devons accepter nos différences, et chercher le respect entre tous et l’entente (92).

Quelques passages importants de cette 1° partie :

Les joies et les espoirs, les tristesses et les peurs des hommes de ce temps, en particulier ceux qui sont pauvres ou qui souffrent de n’importe quelle façon, ce sont les joies et les espoirs, les tristesses et les peurs des disciples du Christ. (# 1)

Les chrétiens, nous sommes à la fois citoyens de la terre et du ciel. Le Concile demande aux chrétiens, de remplir leurs responsabilités sur la terre, avec courage et fidélité, en se laissant conduire par l’esprit de l’Evangile. C’est notre foi qui nous le demande très fortement. Certains pensent que, parce que nous ne vivrons pas toujours sur la terre, mais que nous irons au ciel, ils n’ont pas besoin de faire leur travail d’homme. Ils s’écartent de la vérité. D’autres pensent au contraire, qu’ils doivent se donner aux activités de la terre, comme si ces activités ne faisaient pas partie de la vie religieuse. Et que la vie religieuse comprendrait seulement, la prière et les commandements de Dieu. Ceux-là aussi se trompent gravement. L’une des grandes erreurs de notre temps, c’est justement de séparer la foi et la vie de chaque jour. Déjà les prophètes de l’Ancien Testament ont lutté contre cela, d’une manière très forte (voir Isaie 58,1-12). Et Jésus, dans le Nouveau Testament, avec encore plus de force (Mat 23,3-23 – Marc 7,10-13). Il ne faut donc pas mettre de séparation, entre le travail et les activités dans la société d’un côté, et la vie religieuse de l’autre. Un chrétien qui ne prend pas ses responsabilités sur la terre, il ne fait pas son devoir envers ses frères. Et encore moins envers Dieu. Et il met en danger sa vie éternelle (n° 43).

L’Eglise a toujours eu le devoir de lire les signes des temps (ce qui se passe dans le monde) et de les expliquer à la lumière de l’Evangile. Ainsi on peut répondre aux questions que les hommes se posent sans cesse, sur le sens de la vie actuelle et de la vie future, et sur les relations entre les deux. En parlant d’une manière adaptée à chaque époque (4).

L’Eglise est à la fois un groupe visible, et une communauté spirituelle (religieuse). Elle marche avec les autres. Elle partage avec eux la vie du monde. Elle est comme le ferment (la levure) de la société humaine, et son âme (son cœur). La société est appelée à être transformée par le Christ, pour devenir la famille de Dieu (40, 2).

Comment remplir son devoir de justice et de charité ? C’est quand chacun travaille au bien commun, selon ses possibilités et en pensant aux besoins des autres. C’est quand on cherche aussi, à faire grandir les organisations publiques ou privées, pour rendre meilleures les conditions de vie des hommes (30, 1).

L’homme est un être social (qui vit en société). Par conséquent, il y a un rapport entre le développement de la personne, et le développement de la société. L’homme a absolument besoin de vivre en société. Mais en même temps, il est la base, le centre et le but de toutes les organisations de la société. Donc la vie sociale, ce n’est pas quelque chose d’ajouté en plus, et sans importance. C’est en partageant avec les autres, en se rendant des services, et en parlant avec ses frères et ses sœurs, que l’homme et la femme grandissent dans leurs personnes, et répondent à l’appel de Dieu sur eux. (21, 1)

Que tous comprennent, qu’être unis aux autres dans la société, cela fait partie des principaux devoirs de l’homme. Et qu’il faut le faire. En effet, le monde devient de plus en plus uni. Par conséquent, les devoirs de l’homme dépassent les groupes particuliers. Ils s’étendent peu à peu au monde entier. Cela n’est possible que si les hommes, mais aussi les groupes, respectent les valeurs morales et sociales (ce qu’il faut faire pour bien vivre en société). Et qu’ils fassent grandir ces valeurs autour d’eux. Alors, des hommes vraiment nouveaux apparaîtront, avec le secours de la grâce de Dieu. Des hommes qui pourront construire une humanité nouvelle (30, 2).

Devant toutes ses activités qui touchent le monde entier, de nombreuses questions se posent : quelle est l’explication et la valeur des activités humaines ? Comment utiliser les richesses du monde ? Quel est le but de tous nos efforts, personnels et communautaires ? L’Eglise n’a pas tout de suite une réponse à ces questions. Mais elle veut unir la lumière de la Parole de Dieu aux idées des hommes, pour éclairer la route que les hommes viennent de prendre (n° 33).

Il y a trop d’inégalités au niveau économique (pour l’argent), et trop de différences dans la vie en société ,entre les personnes mais aussi entre les peuples. Alors que nous sommes une seule famille humaine. Ce n’est pas normal du tout, et cela empêche la justice, l’égalité et la dignité de la personne humaine. Et aussi la paix, dans la société et entre les pays (29, 3).

L’Eglise continue son travail, qui est de donner la vie de Dieu aux hommes. En faisant cela elle éclaire le monde entier de la lumière de Dieu. Elle guérit la dignité de la personne humaine. Elle rend plus forte l’unité de la société. Elle donne aux activités des hommes un sens plus profond et une valeur plus grande. Ainsi par chacun de ses membres et par toutes les communautés chrétiennes, l’Eglise rend plus humaine la famille des hommes et son histoire (40,3).

Plus le pouvoir des hommes et des femmes augmente, plus leurs responsabilités personnelles et communautaires augmentent aussi. La Parole de Dieu ne demande pas aux chrétiens, de refuser de construire le monde, ou de s’occuper de leurs frères et de leurs sœurs. Au contraire, elle les y oblige, encore plus que les autres (34, 3). L’homme vaut plus par ce qu’il est (par sa personne et ses qualités), que par ce qu’il a (ses richesses). Tout ce que les hommes font pour qu’il y ait plus de justice, plus de vie fraternelle, et plus d’organisation humaine de la société, c’est beaucoup plus important que toutes les machines et les progrès modernes. La science et la technique donnent une base matérielle, pour que les hommes avancent. Mais elles ne peuvent pas assurer toute seule, un vrai développement (35, 1).

Que toutes les activités des fidèles soient baignées, dans la lumière de l’Evangile. Qu’ils se souviennent que les hommes se font une idée, de la force et de la vérité du message chrétien, d’après leur comportement et leur engagement, qui montrent au monde le visage de l’Eglise (43, 5).

Le Concile insiste sur le respect de la personne humaine. Que chacun considère son voisin, sans oublier personne, comme un autre lui-même. Qu’il pense à ce dont les autres ont besoin, pour vivre dignement. Qu’il ne fasse pas comme le riche, qui ne faisait pas attention au pauvre Lazare (27, 1).

Tout ce qui s’oppose à la vie, quand on tue des hommes (homicide) ou des peuples tout entier (génocide), un bébé avant sa naissance (avortement) ou des malades très graves (euthanasie) et même se tuer soi-même (le suicide), à chaque fois ,c’est la personne humaine que l’on attaque. Par exemple quand on le mutile (on lui coupe un bras ou une autre partie de son corps, même l’excision pour les femmes), quand on le torture (on le frappe pour le faire souffrir exprès) dans son corps ou dans son cœur, et quand on force les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas faire, tout ce qui va contre la dignité de la vie, comme la pauvreté et les mauvaises conditions de vie, la prison sans raison, les disparitions, les gens que l’on tue en secret, les gens qui sont obligés de vivre loin de chez eux (les émigrés et les réfugiés), les esclaves, la prostitution, le commerce des femmes et des enfants. Et aussi les mauvaises conditions de travail, où on se sert des travailleurs comme des machines, pour gagner plus d’argent, sans respecter leur personne, leur liberté et leur responsabilité : toutes ces choses ,et tout ce qui leur ressemble, sont très mauvaises. Elles cassent la civilisation, elles enlèvent la dignité de l’homme, encore plus celle de ceux qui font ces choses mauvaises, que celle de ceux qui les supportent. Elles attaquent gravement l’honneur de Dieu, qui a créé l’homme (27, 3).

Le bien commun, c’est l’ensemble des conditions qui permettent, aussi bien aux groupes qu’à chacune des personnes, de devenir meilleurs dans la société, plus facilement et plus totalement. Ce bien commun s’étend maintenant aux hommes du monde entier, parce que les relations entre les hommes ne font que grandir. C’est pourquoi, tout groupe d’hommes doit penser aux besoins et aux désirs des autres groupes. Il doit penser au bien de toute la famille des hommes… Il faut donc que tous les hommes aient ce dont ils ont besoin, pour mener une vie vraiment humaine. Dans le dialogue et le progrès de la société, il faut toujours penser d’abord, au bien des personnes. Car les personnes sont plus importantes que les choses (les biens matériels). L’organisation de la société doit donc être basée sur la vérité, se construire sur la justice, et être rendue vivante par l’amour. La société doit grandir dans la liberté, pour être équilibrée, et que tous les hommes soient heureux ensemble. Pour cela, il faut travailler d’abord à changer les idées (changement de mentalités), et à transformer la société (26).

Introduction (n° 1 à 3)

Ce document n’était pas prévu au départ. Il a été composé suite aux appels qui sont venus de la société, et sous l’influence des évêques du tiers-monde. Il s’agit donc d’un appel que le Concile adresse à tous les hommes, et pas seulement aux chrétiens. Ce texte part donc de la vie du monde, pour essayer d’y distinguer les signes des temps. Pour voir ce à quoi Dieu nous appelle dans le monde d’aujourd’hui. Il note l’importance d’étudier les changements de la société et d’écouter les nouveaux appels du monde. Pas seulement entre chrétiens, mais ensemble avec tous les hommes.

Le n° 1 parle » des joies et des espoirs, mais aussi des tristesses et des peurs des hommes de ce temps ». Le monde moderne est très compliqué. Aussi beaucoup de gens vivent dans la peur. Dans ces conditions, comment garder la confiance et le courage ? Notre document répond : c’est parce que l’homme est entouré par l’amour de Dieu. C’est cela qui lui permet de garder l’espérance, et de faire le bien, au milieu de tous les problèmes du monde moderne. L’homme cherche alors à se convertir (changer son cœur et sa vie), pour aimer davantage, dans la liberté.

L’exposé préliminaire (n° 4 à 10)

Il s’agit d’une grande enquête, sur la façon dont on voit le monde dans tous les continents. En effet, pour le Concile, avant de juger, il s’agit d’abord de voir ce qui se passe, et de comprendre les problèmes. C’est la condition, pour un dialogue vrai avec les autres hommes. C’est donc cette méthode là qu’il faut continuer à utiliser. Nous nous trouvons devant un monde nouveau, mais aussi une façon nouvelle de comprendre les choses. Cela nous appelle à de nouvelles réponses à tous les niveaux, suite aux progrès de la science et de la technique, et des changements de civilisations et de cultures. Le Concile voit à chaque fois le positif (le bien, le bon côté des choses). Il garde confiance dans les hommes, et l’espérance dans l’avenir. Il s’agit de voir ce que l’Esprit Saint dit, non seulement à l’Eglise mais aussi au monde. Et cette espérance s’appuie bien sûr sur le Christ et sa résurrection.

Arrêtons-nous maintenant à deux idées importantes de cet exposé préliminaire : Les signes des temps et le développement.

Les signes des temps 

Ce document nous demande de lire les signes des temps. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est voir les choses importantes, qui se passent dans la vie des hommes et du monde. Et y reconnaître Dieu, qui est présent dans tous les domaines : la vie en société, l’économie (le travail et l’argent), la politique, la culture etc… D’après la Bible, le monde avance vers le Royaume de Dieu, avec de nombreuses Alliances qui se sont suivies : Adam et Eve, Noé, Abraham, Moïse et la sortie d’Egypte, les Prophètes… jusqu’à la Résurrection de Jésus et la Nouvelle Alliance. Depuis la lettre de Léon 13 en 1891 sur les « Choses Nouvelles » (Rerum Novarum), les papes ont suivi ce qui se passait dans le monde. Et ils ont écrit des Lettres, aux moments importants de l’histoire.

L’expression « signes des temps » vient directement de Jésus (Mat. 16,2-3) : »Vous savez expliquer l’aspect du ciel. Mais vous n’êtes pas capables d’expliquer les signes des temps ». Et Luc 12,56 dit de son côté : »Vous savez juger l’aspect de la terre et du ciel ! Pourquoi ne savez-vous pas juger le temps où nous sommes ? Et pourquoi aussi, ne jugez-vous pas par vous-mêmes, ce qui est juste ? » Le pape Jean 23 a repris ces mots, pour annoncer le Concile. On les retrouve dans le décret sur le Ministère et la vie des prêtres (Presbyterorum ordinis n° 9). Et au début de notre document Gaudium et spes : «A tout moment, l’Église a le devoir de chercher les signes des temps, et de les expliquer à la lumière de l’Évangile. Pour pouvoir répondre, d’une manière adaptée à chaque époque, aux questions éternelles des hommes, sur le sens de la vie présente et future, et sur leurs relations réciproques» (GS 4,1). Et plus loin : «Le peuple de Dieu est conduit par la foi, et par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers. Il regarde ce qui se passe dans le monde (les événements), les besoins et les demandes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes. Et il cherche à y reconnaître, les signes véritables de la présence de Dieu » (GS 11).

Tous les jours nous entendons des nouvelles à la radio. Comment les comprendre dans la foi ? Ce qui arrive sur la terre, c’est le signe que Dieu agit dans le monde. Mais pour le comprendre, il faut savoir entendre le Saint-Esprit dans notre cœur. Chacun personnellement, mais aussi ensemble en communauté. Cela nous montre l’importance du partage de la Parole de Dieu, dans nos CEB/CCB (communautés de base). Saint Pierre rappelait la parole du prophète Joël (Actes 2, 17) le jour de la Pentecôte : « Vos fils et vos filles prophétiseront. »

Ceux qui savent le mieux lire les signes des temps, ce sont en particulier les pauvres et les petits. Comme le disait déjà Jésus lui-même : « Père je te remercie, parce que tu as fait connaître aux petits, ce que tu as caché aux sages et aux savants » (Luc, 10, 21). Les petits, ce sont les pauvres de cœur, ceux qui ont le cœur pur, ceux qui ont soif de la justice, ceux qui ont pitié des autres, comme les Béatitudes le disent (Mat. 5, 3-12). Il y a aussi des non-chrétiens qui savent lire les signes des temps, comme les bergers de Bethléem, qui ont su reconnaître le Sauveur des hommes promis par Dieu, dans un bébé. Ou les Mages païens, venus de l’Orient, qui ont su voir dans une étoile, le signe de la venue de Dieu dans le monde. C’est vrai encore aujourd’hui

On reconnaît les signes de la présence de Dieu, d’abord dans la nature qu’Il a créée. Mais aussi dans les efforts que les hommes font aujourd’hui, pour protéger et sauver la nature (écologie). On reconnaît aussi les signes de la présence de Dieu dans le monde, dans le travail des ONG : par exemple, pour la paix et la justice, pour la libération de la femme et les droits des enfants. Les Evêques de Vatican 2 ont vu un signe des temps, dans la fin de la colonisation et l’indépendance des nouvelles nations. Bien sûr il y a des dangers. Par exemple la mondialisation, où les plus forts profitent des plus faibles ; le terrorisme et les prises d’otages ; les risques de la science actuelle (les armes nucléaires, les manipulations génétiques…). Mais Jean Paul 2 disait : « N’ayez pas peur ! » L’important, c’est de continuer à réfléchir et à agir, sans nous décourager, mais en voyant les choses telles qu’elles sont (être réalistes).

Au sujet des signes des temps, notre document présente trois idées :

  1. Les valeurs : ce sont les bonnes choses qu’on a dans le cœur, et qu’on veut partager avec les autres (les valeurs morales). C’est ce qui permet l’union entre les hommes, et de faire de bonnes actions ensemble. Par exemple, chercher la dignité et le respect de tous les hommes.

  2. Les besoins : ce sont les choses qui manquent, ce que nous voulons combattre (les injustices). C’est ce qui nous pousse à agir ensemble, pour transformer notre société et le monde.

  3. Les événements : ce qui se passe dans le monde (événements politiques par exemple).

Comment savoir reconnaître, les signes qui viennent de Dieu ? Nous pouvons penser, à ce que St Paul dit des fruits de l’Esprit (Gal 5,22-23) : « Voici ce que fait l’Esprit en nous : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, l’humilité et le contrôle de soi. » Un signe des temps, c’est donc un événement qui nous appelle à plus de liberté et de bonté, à plus de justice et à plus de vérité, parce qu’il vient de Dieu. Et que nous pouvons partager avec tous les autres, chrétiens ou non. C’est quelque chose qui ressemble, à ce que Jésus a fait. Même si cela va contre les idées, de ceux qui sont autour de nous. Et même si cela nous apporte, des ennuis et des souffrances. Jésus a dit : « Heureux ceux qui souffrent, à cause de la justice ! » (Mt 5,10).

Les conditions : Voyons simplement ce que dit notre document : »Cela demande de regarder ce qui se passe dans le monde, en y cherchant les traces de la présence et de l’action de Dieu (n° 44). «C’est le Saint Esprit qui guide l’Eglise, pour continuer le travail du Christ» (n° 3). « Pour cela, l’Eglise a le devoir de chercher à tous moments, à voir les signes des temps. Et à les comprendre à la lumière de l’Evangile. A ce moment-là, elle peut répondre aux questions de toujours, en apportant une réponse adaptée au monde actuel : sur le sens de la vie sur terre, sur la vie à venir, et sur la façon dont ces deux vies sont liées l’une à l’autre. C’est nécessaire pour connaître la vie du monde, avec ce qui nous attend. Car ces choses sont souvent vécues d’une façon dramatique (dans la peur et la souffrance : n° 11).

«En effet, la foi éclaire toutes les choses d’une lumière nouvelle. Elle nous fait connaître ce que Dieu veut, sur le but complet de la vie humaine (la vocation intégrale de l’homme). Elle conduit les intelligences vers des solutions vraiment humaines. Le premier but du Concile, c’est de juger les valeurs les plus aimées aujourd’hui, à la lumière de la foi. Et d’unir à Dieu ces valeurs (les qualités et les bonnes choses que les hommes cherchent), d’où qu’elles viennent. En effet ces valeurs sont très bonnes, car elles viennent de l’intelligence que Dieu a donnée à l’homme. Mais ces valeurs ont besoin d’être rendues meilleures (purifiées). Car souvent elles ne respectent pas l’ordre voulu par Dieu, parce que le cœur de l’homme est gâté (corrompu). Il est important de donner une réponse à ces questions : que pense l’Eglise de l’homme ? Quelles directions donner, pour construire la société d’aujourd’hui ? Quelle explication donner, aux activités dans le monde ? A ce moment-là on verra plus facilement, les services que le peuple de Dieu peut rendre aux hommes. Et on comprendra que l’Eglise, qui est religieuse, est en même temps vraiment humaine » (n° 11).

Il est important de parler de Dieu, d’une façon adaptée au monde d’aujourd’hui. « Depuis le début de son histoire, l’Eglise a appris à annoncer l’Evangile du Christ, en se servant des idées et des langues des différents peuples. Elle a essayé de mettre en valeur la sagesse des psaumes, et à adapter l’Evangile. Pour qu’il soit compris de tous, mais en respectant les idées de chacun… Aujourd’hui, l’Eglise doit continuer de chercher, à comprendre les différentes façons de parler de notre temps, avec l’aide de l’Esprit Saint. C’est le travail, non seulement des prêtres et des théologiens, mais de tout le peuple de Dieu, pour juger des choses à la lumière de la Parole de Dieu. Pour que la vérité enseignée par Dieu soit toujours mieux comprise, mais aussi expliquée d’une manière plus adaptée (qui convienne davantage aux hommes d’aujourd’hui) » (44, 2).

Dans la liberté de penser :

« Que les croyants vivent donc, en étant profondément unis aux autres hommes de leur temps. Qu’ils essaient de comprendre totalement, leur façon de penser et de sentir… Alors ils pourront comprendre la valeur des choses, et les expliquer dans un sens vraiment chrétien » (62, 6). « Nous souhaitons que beaucoup de laïcs reçoivent une formation suffisante, dans les sciences religieuses… Mais pour qu’ils fassent bien leur travail, il faut qu’on leur donne la liberté de chercher, et de penser. Aussi bien aux laïcs qu’aux prêtres, pour qu’ils aient la liberté de faire connaître leurs idées, avec humilité mais aussi avec courage. » (62, 7).

L’idée du développement 

« Les hommes doivent dominer le monde (la création). Ils doivent produire de la nourriture, et toutes les autres choses dont ils ont besoin pour vivre. Mais ils doivent aussi mettre en place, une organisation politique, sociale et économique, qui soit toujours au service de l’homme. Pour permette à chaque personne et à chaque groupe, de vivre dans la dignité, et de grandir » (n° 9). Cela sera expliqué en détail dans la 2ème partie, sur la vie économique et sociale (n° 63 à 72) qui commence ainsi : « Dans la vie économique et sociale, il faut respecter et faire grandir, la dignité de la personne humaine, le but de sa vie (sa vocation), et le but de toute la société. En effet, l’homme est l’auteur (le début), le centre et le but, de toutes les activités économiques et sociales. Le développement, c’est donc beaucoup plus que d’augmenter les richesses (la croissance et l’augmentation du PIB). C’est le développement de tout l’homme et de tous les hommes ». Les évêques sont partis de la vie des hommes, et de l’organisation de la société : « les hommes sont dans un nouvel âge de l’histoire du monde. Des changements rapides qui font peur, s’étendent au monde entier » (n° 4, 2). Citons quelques passages :

« Les esprits sont remués, les façons de vivre sont complètement transformées, les sciences modernes prennent de plus en plus d’importance : les mathématiques, les sciences naturelles et les sciences humaines. Elles transforment la vie des hommes. Cet esprit scientifique amène à comprendre autrement la culture, et entraîne d’autres façons de penser. Les progrès de la technique (les machines, les façons modernes de travailler), tout cela transforme la face de la terre. Et déjà les hommes se lancent dans la découverte de l’espace » (5, 1).

« L’intelligence moderne apprend aussi à commander le monde. On connaît mieux l’histoire passée, on prépare mieux l’avenir. Les sciences humaines permettent de mieux connaître l’homme : la biologie, la psychologie comme les sciences sociales. Cela permet de mieux organiser la vie des sociétés, en utilisant des nouvelles techniques » (5, 2). Cela change aussi, la façon de vivre la religion : « la pensée moderne a appris à réfléchir et à critiquer les choses. Cela permet de laisser la magie et les croyances anciennes. Cela demande de croire d’une manière plus personnelle et plus active. De cette façon, certains comprennent mieux qui est le Dieu vivant… mais en même temps, de plus en plus de gens s’éloignent de la religion. » (n° 7).

Dans tous ces textes, on voit que les évêques ne parlent pas d’une façon théorique. Ils regardent le monde actuel, en tant que pasteurs (comme des responsables religieux). Ils voient comment les choses se passent, et ils en tirent les conséquences pour la vie des hommes. Il ne s’agit pas seulement, de donner des conseils aux hommes. Mais aussi que l’Eglise soit présente dans la vie du monde, pour conduire les hommes, dans la paix et la lumière de Dieu. C’est vrai que beaucoup d’évêques du Concile ne connaissaient pas beaucoup les philosophes modernes, comme Kant, Fichte, Schelling ou Hegel. Ils ne connaissaient pas non plus Maréchal, Blondel, Husserl ou Heidegger. Pour la plupart ils avaient seulement étudié la théologie du Moyen Age, au séminaire. Ils réfléchissaient avec les idées des anciens comme Aristote et Platon. Ils avaient les idées de Dieu qui venaient de Descartes, Spinoza ou Leibnitz. Mais ils regardaient le monde avec un œil et un cœur bon. Et ils profitaient des progrès de l’Exégèse (l’étude de la Parole de Dieu), pour mieux comprendre la Bible, en particulier le Nouveau Testament. Et ce sont ces 2 choses qui leur ont permis, de parler au monde d’une très bonne manière, qui reste encore valable aujourd’hui.

Chapitre 1 : La dignité de la personne humaine (n° 12 à 22) 

Ce chapitre parle de questions très importantes, auxquelles la science ne peut pas répondre : le bien et le mal, la vérité, l’amour, la vie et la mort, etc… Dans tout cela, il s’agit de faire comprendre la grandeur de l’homme, créé à l’image de Dieu, et qui grandit dans la liberté et la responsabilité, en faisant le bien et en aimant. Il s’agit donc à la fois d’écouter la voix de Dieu dans son cœur (la conscience), et de chercher ce qu’il faut faire, ensemble avec les autres hommes (n° 16). Mais aussi (n° 13) des voir les faiblesses, les souffrances et le péché des hommes. Ce chapitre parle de la liberté de conscience et de l’athéisme. Et également (n° 18) de la mort, en attendant la vie totale, qui nous sera donnée par le Christ. Dans ce document, il y a donc un certain nombre de mots très importants, comme par exemple : dignité, bien commun, responsabilité, solidarité, subsidiarité, etc…. Ces mots sont la base de la Doctrine sociale de l’Eglise. Nous allons les étudier, au fur et à mesure.

Au sujet de la dignité, on affirme que l’homme et la femme sont des personnes. Et que la personne humaine a une grande valeur. Elle est unique et spéciale, par rapport aux animaux. Elle est sacrée. Cela pour plusieurs raisons.

  1. L’homme est créé à l’image de Dieu

  2. Le Fils de Dieu lui-même s’est fait homme

  3. Tous les hommes ont été rachetés par les souffrances, la mort et la résurrection de Jésus

  4. Par le baptême, l’homme devient enfant de Dieu. Il commence déjà à vivre aujourd’hui, la vie éternelle de Dieu

Cette dignité appartient à tous les hommes. Elle vient de Dieu. Elle ne dépend pas des qualités de la personne, de sa force, de son intelligence, ou des bonnes choses qu’elle fait (sa bonté). Chaque personne a une dignité, qui fait partie d’elle-même. On ne peut jamais l’enlever, et on doit toujours la respecter (elle est inaliénable). C’est pourquoi : « Tous les hommes naissent libres et égaux, en dignité et en droit », comme le dit la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. (Voir la rubrique sur les Droits Humains, dans mon site : http://armel.duteil.free.fr.) C’est très important pour notre monde d’aujourd’hui. En particulier en ce temps de mondialisation, où beaucoup de personnes sont oubliées, rejetées, écrasées ou traitées injustement. Et où les pays riches exploitent les pays pauvres.

L’homme, est la seule créature, que Dieu a voulue pour elle-même. « L’homme n’est vraiment lui-même, que lorsqu’il se donne aux autres d’une façon désintéressée (sans chercher son propre avantage) ». Et cela commence dans la famille. Car l’homme est à la fois un être individuel et social. C’est une personne libre, mais faite pour vivre en communion avec les autres personnes.

Notre document explique (19, 1) : « L’aspect le plus important de la dignité humaine, c’est que l’homme est appelé à vivre avec Dieu… Car si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour. Et Dieu ne s’arrête jamais, de donner la vie par amour. L’homme ne vit vraiment dans la vérité, que s’il reconnaît librement cet amour de Dieu pour lui. Et s’il se donne complètement à Dieu, son Créateur ». Cela veut dire que notre dignité ne vient pas de la couleur de notre peau, ni de la force de notre pays, ni du nombre d’années que nous avons étudié à l’école, ni de l’argent que nous avons, ni même de notre liberté, et de notre indépendance par rapport aux autres. Notre dignité ne dépend pas de notre travail, de l’honneur de notre famille, du nombre de nos amis, de nos qualités ou de notre intelligence. Notre dignité ne dépend pas de notre force, de notre santé ou de notre âge. Notre dignité vient de Dieu. Et c’est pour cela, que nous devons respecter toutes les personnes humaines.

Nous devons respecter la vie humaine, même avant la naissance (l’enfant dans le ventre de sa mère). Mais aussi la vie des grands malades ou handicapés. Car la vie de l’homme vient de Dieu. La vie humaine doit toujours être respectée. C’est pour cela que, par exemple, on ne peut pas parler d’un droit à l’avortement. Même si on peut comprendre les raisons, pour lesquelles des femmes en arrivent à avorter, à cause de leurs problèmes. Nous n’avons pas à les condamner, mais au contraire à les soutenir. Mais ce n’est pas une raison, pour dire que l’avortement est un droit. Ni que c’est bon, ou même permis. C’est aussi par respect pour la vie humaine, qu’il faut arrêter de faire des expériences et des recherches scientifiques, sur des embryons humains. Surtout, que l’on peut arriver au même résultat, en utilisant des cellules souches adultes, comme cela se fait déjà. C’est aussi pour cela, que la vente des organes humains doit être absolument arrêtée, et supprimée pour toujours. Comme la prostitution, ou la vente d’enfants esclaves. 

Le respect du corps : Ce document nous demande aussi, de respecter notre corps, créé par Dieu, et qui ressuscitera au dernier jour (n° 14). C’est la conséquence de la dignité de la personne humaine, créée à l’image de Dieu (n° 10). C’est la solution pour lutter contre le désespoir, le doute et la peur (12, 2), et contre le péché et la misère du monde (13). Ce qui touche le corps, concerne toute la personne de l’homme. C’est grâce à son corps, que l’homme entre en relation avec les hommes, et également avec Dieu. Cela a des conséquences, sur la façon de vivre sa sexualité, sur la vie de la famille, et pour toutes les expériences que l’on fait actuellement en médecine (la bio éthique, etc…). Le respect du corps de l’homme interdit aussi la torture et les coups, la prostitution et toutes les façons de vivre qui abaissent l’homme (27). Par exemple le travail forcé ou sans respect des travailleurs : il faut respecter l’homme dans toute sa vie, et respecter tous les hommes. Alors que dans la société moderne, souvent on ne respecte l’homme et la femme, que s’ils sont beaux, forts, jeunes et en bonne santé. Cela nous demande d’accepter nos limites et ce qui nous manque, et aussi la vieillesse quand elle arrive.

La première question auquel ce document répond, c’est « qu’est-ce que l’homme ?». C’est une question vraiment très importante pour aujourd’hui. En effet, beaucoup de gens se droguent, et même se tuent (suicides). N’est-ce pas parce qu’ils ont perdu le sens de la vie ? En politique, dans les questions économiques, comme dans la vie sociale, les hommes souvent ne sont pas respectés, surtout pas les pauvres et les petits. Parce qu’on a oublié la dignité de la personne humaine « créée à l’image de Dieu, mais aussi personne sociale…  l’homme sans relation avec les autres hommes ne peut pas vivre, ni faire grandir ses qualités ». (n° 4 et 5). Il est donc important que nous cherchions à mieux connaître, et à mieux respecter, la dignité des personnes humaines. Y compris celle des pauvres et des petits de la société, des analphabètes, des handicapés et des malades mentaux (les fous), des prisonniers et des petits groupes (minorités). Et aussi les personnes âgées et infirmes. Ou encore les voleurs, et ceux qui font le mal. Car même si un homme a fait une chose mauvaise, il reste un homme. D’ailleurs, nous vivons tous dans un monde de péché. Mais cela ne supprime pas notre dignité. Car nous pouvons toujours changer, et lutter contre le mal. Nous sommes des pécheurs, mais des pécheurs pardonnés par Dieu, et sauvés par le Christ. Le Concile n’a pas eu peur non plus, de parler de la mort. Mais il en a parlé à la lumière du Christ ressuscité. Et il nous rappelle que l’homme n’a pas été créé pour la mort, mais pour la vie (voir les n° 18, 21, 22, 39, 41, 82).

Pour Jean Paul II, le travail de l’Eglise c’est de faire grandir la dignité de l’homme. C’est le meilleur service que l’Eglise peut rendre à la famille des hommes. Notre document nous donne justement une idée très claire et très profonde, de cette dignité de la personne humaine. C’est ce qui permet à l’Eglise d’être en contact avec le monde. Croire en Dieu ne diminue absolument pas la dignité de l’homme, puisque c’est Dieu lui-même qui donne à l’homme sa dignité (21, 3). La base de cette communion, c’est que Dieu appelle l’homme à être uni à Lui. L’homme n’existerait pas, s’il n’avait pas été créé par l’amour de Dieu. L’homme ne peut pas vivre librement et dans la vérité, s’il ne reconnaît pas cet amour de Dieu. Et s’il ne se donne pas à Dieu qui l’a créé (19, 1). L’homme est créé par Dieu dans l’amour : la création de l’homme est le premier geste, de l’amour de Dieu pour lui. Le document « l’Eglise dans le monde de ce temps » présente donc une idée de l’homme (un humanisme), qui cherche la liberté et la morale (faire le bien dans la liberté). Il explique comment cette dignité de l’homme doit être vécue dans la famille, dans la culture, dans les questions économiques, sociales et politiques et dans la recherche de la paix (2ème partie du document). C’est sur cette idée de l’homme qu’est basée la foi chrétienne. Mais cette idée de l’homme commence à disparaître, en particulier en Europe. Il n’est pas question de reconstruire une société chrétienne, comme au Moyen Age. C’est pourquoi le Concile insiste sur le dialogue dans la société, et le partage des idées et de la vie, avec tous les hommes. Pour y apporter les idées de l’Evangile sur l’homme et sur le monde. Et pour travailler ensemble, à construire une société meilleure. C’est un appel pour tous les chrétiens du monde.

Un point de vue : Mgr Vincent Nichols

L’archevêque de Westminster, s’est adressé, le 25 juin 2012, aux membres de la « Thomas More Society », à Londres. La « Thomas More Society », basée à Chicago, est un cabinet d’avocats national d’intérêt public, dont le but est de faire grandir le respect pour le droit à la vie, le mariage et la liberté religieuse. Il a demandé que l’on comprenne mieux la dignité humaine. Et qu’on la fasse connaître, pour le bien de tous. En effet, l’idée de la dignité humaine est très importante, pour bien faire marcher la société. Mais actuellement, on l’oublie de plus en plus. « L’idée de la dignité humaine joue un rôle important, en particulier dans les accords entre les pays, dans notre façon de comprendre la vie morale, et dans la vie en société. L'idée de dignité humaine a une longue histoire, depuis Cicéron, saint Augustin et saint Thomas d'Aquin. Elle a ensuite été développée par l'école des Dominicains de Salamanque en Espagne, au moment de la colonisation de l'Amérique, pour le respect et la protection des indiens. Au siècle dernier, les lettres sociales des papes l’ont appliquée à la société moderne. Jean-Paul 2 expliquera, dans sa Lettre pour le 100ème anniversaire de l’Encyclique de Léon 13 sur les choses nouvelles (Rerum Novarum), au n ° 55 : « L’Eglise fait grandir la dignité de l’homme, quand elle fait connaître aux hommes  Dieu qui nous sauve; quand elle leur donne la Vie de Dieu, par les Sacrements ; et quand elle dirige toute leur vie, par le Commandement de l’Amour de Dieu et du prochain (de nos frères et de nos sœurs) ».

L’idée catholique de la dignité humaine peut beaucoup aider. Elle vient de la façon dont nous comprenons le livre de la Genèse, qui explique que toutes les choses créées ont une dignité, qui leur est propre. Mais la dignité humaine est quelque chose de spécial, parce que les êtres humains sont créés à l'image et à la ressemblance de Dieu … L'incarnation (la Parole de Dieu qui se fait Homme) et la mort du Christ, nous montrent la grandeur de notre dignité humaine. Et sa résurrection, nous ouvre le chemin vers la vie totale avec Dieu, à laquelle nous sommes tous appelés. Mais la dignité humaine peut également être comprise, par la seule raison (l’intelligence humaine). C’est ce qu’a rappelé le pape Benoît 16 dans son discours à Westminster Hall, quand il a parlé de la façon dont la religion et la raison ont besoin l’une de l’autre : » Vous n'avez pas besoin d'être croyant, pour reconnaître que la dignité humaine, c’est ce que tous les hommes cherchent. Et qu’elle leur donne une grande force morale (du cœur). La dignité humaine doit rester la force qui rassemble tous les hommes, pour protéger les droits de l’homme ».

La dignité humaine a également une grande importance, en dehors de l'Eglise. La Déclaration Universelle des droits de l'homme des Nations Unies, dit à l'article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux, en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience, et doivent agir les uns envers les autres, dans un esprit de fraternité ». De même, l'article 1 de la loi fondamentale allemande, également écrite en 1948, dit que « la dignité humaine est inviolable. L’Etat a le devoir de la protéger ». De nos jours, on rappelle sans cesse la dignité humaine, en particulier dans les domaines du droit et de la médecine. Mais en même temps, beaucoup de gens refusent de faire, ce que le respect de la dignité humaine demande. Par exemple, pour l'euthanasie (on fait mourir les grands malades, qu’on ne peut pas soigner). On ne sait plus ce que veulent dire : vivre et mourir dans la dignité.

Pour continuer la réflexion, on pourra lire le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise (2005) En voici l’un ou l’autre passage :

  • la dignité humaine est le propre de l’homme C. n°63, C. n°248, de la personne humaine C n° 19, de tout homme et de chaque homme C. n°144, 145, Homme et femme C. n°146, handicapés C. n°148, égalité de tous en dignité C. n°192.

  • la dignité de l’homme, c’est qui peut grandir dans son esprit et son coeur C. n°4, n°27, n°132.

  • elle est bien enseignée par la Parole de Dieu C. n°34.

  • elle grandit par les actions de l’homme C. n°35 ou par le développement économique C. n°94.

  • personne ne peut l’enlever C. n°37, car c’est la volonté de Dieu lui-même, qui a créé l’homme C. n°105, n°108, on ne doit pas y toucher ni la changer C. n°107.

  • elle est un bien de l’homme, comme la fraternité ou la liberté C. n° 57.

  • elle est une et unique, c’est-à-dire qu’elle est la même pour tous C. n°84

  • la dignité peut être cassée par le péché de la société C. n°118). Elle doit donc être protégée par les autorités publiques (les chefs et les responsables de la société) C. n°133.

  • le travail humain est une chose très importante, où la dignité de la personne humaine peut être vécue et grandir C. n°101, n°267- 271, n°287, n°295, n°296.

  • enlever les injustices, cela fait grandir la liberté et la dignité de l’homme. C. n°137.

  • Droits et Devoirs, C. n°140, n°148, n°156 La loi naturelle explique déjà la dignité de la personne. Elle donne la base de ses droits et de ses devoirs. C. n°140.

  • les droits de l’homme correspondent à ce que la dignité humaine demande C. n°152, n°153, n°154.

  • Le Bien Commun : C. n°164 à n° 170 la dignité, l’unité et l’égalité de toutes les personnes sont la base du bien commun. Toute la vie de la société doit s’y rapporter, pour être vraie et totale.

  • La Famille et les groupes C. n° 185 : » Il est impossible de faire grandir la dignité de la personne humaine, si on ne protège pas la famille, les groupes, les associations locales et toutes les organisations économiques, sociales, culturelles, sportives, de loisirs, professionnelles, politiques , etc… »

  • La dignité dans le Mariage C. n°212, n°216, n°221, n°228, n°230, n°234

Voyons maintenant 4 questions importantes abordées dans ce chapitre : la liberté de conscience, foi et raison, l’athéisme et la mort.

La liberté de conscience

Le Concile a publié un autre document, qui porte ce titre : « La dignité de la personne humaine », au sujet de la liberté religieuse. Non pas une liberté totale, mais une liberté qui dépend de la conscience (du cœur). Et qui demande que l’on cherche à connaître la vérité le mieux possible, pour bien faire son devoir. La liberté religieuse est un choix libre, mais réfléchi, et qui prend ses responsabilités. Le Concile a insisté sur l’importance de la vérité : il ne suffit pas d’être sincère (croire vraiment ce que l’on dit), et de faire ce que l’on croit bon. 0n a le devoir de chercher la vérité, et de former son cœur. Et de son côté, l’Eglise doit d’abord rester fidèle à l’Evangile, et faire connaître le grand amour de Dieu pour les hommes. Notre document affirme la liberté de conscience, par exemple au n° 16 : « L’homme découvre au fond de sa conscience (son cœur), une loi qu’il n’a pas faite lui-même, mais à laquelle il doit obéir. Cette voix dans son cœur, lui demande sans arrêt d’aimer, de faire le bien, et de laisser le mal. Elle lui dit, au fond de son cœur : « fais ceci, ne fais pas cela ». C’est une loi écrite par Dieu dans le cœur de l’homme. La dignité de l’homme, c’est d’obéir à cette loi. Et il sera jugé à partir de cette loi. » (Voir Romains 2, 14 à 16). La conscience (le cœur), c’est le centre le plus sacré de l’homme. C’est le temple, où il est seul avec Dieu, et où il entend la voix de Dieu. Cette loi de la conscience se découvre d’une façon admirable, dans le cœur. Elle s’accomplit, dans l’amour de Dieu et du prochain. Les hommes doivent être fidèles à leur conscience. Aussi bien dans leur vie personnelle, que dans leur vie avec les autres. Avec les autres hommes, ils doivent chercher ensemble la vérité, et la solution juste à tous les problèmes moraux (les façons de faire le bien). Plus la conscience droite (le cœur droit) grandit, plus les personnes prennent des bonnes décisions (parce qu’ils voient clair dans leur vie), et plus ils respectent les conditions pour faire le bien. Mais il arrive souvent que la conscience (le cœur) se trompe, sans pouvoir arriver à connaître la vérité. Même si l’homme se trompe de chemin, il garde quand même sa dignité » (16) Mais il y a ceux qui cherchent à enlever Dieu de leur cœur, et qui refusent d’écouter sa voix. Ils font alors une grande faute, parce qu’ils n’écoutent pas les commandements de leur cœur.

Il y a souvent une opposition, entre ce que la conscience (le cœur) dit de faire, et le désir de faire ce que l’on veut (la liberté, même en prenant des mauvais chemins). Cette question est difficile : l’homme doit toujours suivre sa conscience, parce que c’est la voix de Dieu dans son cœur. Mais en même temps, l’homme doit former son cœur, pour arriver à bien penser. Et il ne doit pas chercher ce qu’il doit faire, tout seul, mais y réfléchir avec les autres.

Dans la société moderne, souvent on veut être libre à tout prix. Et faire ce que l’on veut, sans suivre aucune loi… A ce moment-là, on n’écoute plus son cœur (sa conscience). Chacun suit le chemin qu’il veut, il se fait sa propre religion, et se donne ses propres lois. En s’appuyant sur le psychiatre FREUD, certains disent que la conscience, c’est seulement des lois imposées par la société, le « sur moi ». Donc il faut les refuser. D’autres prennent l’excuse du philosophe NIETZSCHE. Ils disent que la conscience finalement, c’est seulement un instinct sublimé (un désir de l’homme, à qui on donne des bonnes raisons et que l’on met en premier). A cause de ces idées, souvent mal comprises, certains chrétiens refusent ce que l’Eglise enseigne. Ils disent qu’ils écoutent leur cœur, et qu’ils sont libres. Comment trouver l’équilibre (le milieu juste), entre ces deux choses : écouter son cœur et rester libre ? Il est sûr que c’est librement, que l’on doit faire le bien. Mais cela ne veut pas dire penser et faire n’importe quoi, ni refuser les Commandements de Dieu. Ni surtout pas la Bonne Nouvelle de l’Evangile, car c’est la Parole de Dieu, qui nous éclaire et nous montre le chemin. Notre document nous rappelle l’importance de la loi de l’amour, et de la nécessité de former son cœur (sa conscience). De chercher la vérité, pas tout seul, mais ensemble avec les autres (n° 16).

Déjà les théologiens du Moyen Age, comme Saint Thomas, avaient bien expliqué ce qu’est la conscience, mais ils insistaient surtout sur le côté moral : comment faire le bien. Le Concile Vatican 2 insiste plutôt sur le côté spirituel (la foi), et il s’appuie davantage sur la Parole de Dieu elle-même. Il a insisté sur la loi de l’amour et de chercher ensemble la vérité. Il a donc voulu que les lois morales soient appliquées, mais avec souplesse et intelligence. Sans rejeter ni la morale, ni les commandements de Dieu bien sûr, mais en voyant comment les vivre dans les situations concrètes. Donc que chaque homme écoute son cœur, et suive la loi naturelle que Dieu a écrite dans son cœur, pour faire le bien et éviter le mal. Mais à la manière de Jésus-Christ et selon son Evangile, comme l’explique Paul (Romains 2, 15 à 16). Jésus n’a jamais condamné personne, au contraire il a pardonné. Il n’a méprisé personne, mais il a fait grandir les gens. D’abord en les accueillant telles qu’elles étaient, et en donnant à tous la paix du cœur, et les moyens de changer leur vie. Comme par exemple avec la femme adultère (Jean 8, 10-11) : »Femme, personne ne t’a condamnée ? Moi non plus, je ne te condamne pas ! Va ! Mais à partir de maintenant, ne pèche plus. ».

Une autre chose importante pour l’Eglise, c’est de reconnaître les différentes cultures et civilisations. Jésus a vraiment vécu dans sa culture juive. Il était homme de son temps, il a compris non seulement les difficultés des gens, mais aussi ce qu’ils cherchaient dans leur cœur. Le problème de l’Eglise officielle, c’est qu’elle est encore trop occidentale (trop européenne), et que la loi de Dieu est souvent comprise et expliquée avec les idées européennes. C’est pourquoi il est tellement important que les chrétiens des différents pays écoutent la Parole de Dieu dans leur cœur, selon leur culture, sous la direction des évêques. Car cette culture vient de Dieu. Qu’ils se demandent, comment écouter leur conscience (leur cœur) et mettre les commandements de Dieu en pratique, dans les conditions de vie qui sont les leurs. Non pas dans l’esprit de l’ancien testament (les commandements), mais avec les idées de Jésus et l’esprit de l’Evangile. Il n’est pas question d’oublier la loi de Dieu. Les commandements de Dieu donnés par Moïse sont valables toujours et partout. Mais il faut ensuite chercher, dans son cœur et avec les autres, comment les vivre en vérité aujourd’hui, dans les conditions qui sont les nôtres. Sinon en n’en verra pas les conséquences concrètes, et donc finalement on ne les mettra pas vraiment en pratique. Et pour nous chrétiens, il nous faut passer des commandements de Dieu donnés par Moïse, aux Béatitudes données par Jésus Christ. Jésus qui disait : « les anciens vous ont dit, moi je vous dis » (voir les chapitres 5 à 7 de Saint Matthieu). Et vivre en vérité son commandement : » Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». 

Jean Paul 2 aimait citer très souvent ce n° 22 qui parle du Christ, homme nouveau. En effet c’est la base de l’enseignement de Vatican II. Notre document parle à la fois de l’homme (anthropologie) et du Christ (christologie). Car Dieu s’est fait totalement homme en Jésus Christ (voir aussi le n° 24 : La dimension communautaire de la vie humaine, selon le plan de Dieu). Jean Paul 2 a expliqué, dans sa lettre sur la foi et la raison : « Dieu est à la fois le Créateur et le Sauveur de l’homme. La connaissance humaine par la raison, et la connaissance surnaturelle (par la foi) vont donc ensemble. Il y a une unité de la vérité, comme le dit encore GS 41, 2 : «Si le même Dieu est à la fois le Créateur et le Sauveur, le Seigneur à la fois de l’histoire des hommes et de l’histoire du Salut, cela ne supprime pas la liberté des créatures, et donc de l’homme en particulier. Au contraire, cela remet l’homme dans sa dignité… C’est pourquoi l’Eglise annonce les droits humains, à partir de l’Evangile que Jésus lui a donné. Et elle trouve très bon, tous les efforts de la société pour faire avancer ces droits. Ceux qui n’ont pas la foi connaissent eux aussi des vérités sur la personne humaine. Ils agissent pour défendre sa dignité. C’est ce qui permet justement à l’Eglise, de parler et de travailler avec tous les hommes,  comme l’a voulu le Concile. Simplement, la Parole de Dieu rend plus forte, ces vérités que nous connaissons sur l’homme. Mais il est vrai que depuis le Concile, les choses ont changé. Les idéologies (les théories politiques) comme le marxisme, et les grandes idées politiques ont disparu. On est devenu plus réaliste et plus pratique. De nouvelles idées et théories se répandent. Il y a beaucoup de sectes qui entrainent les gens, et suppriment leur liberté. Tout le monde veut être libre et suivre le chemin qu’il veut. Beaucoup se font leur propre vérité et leur propre religion. Or pour accueillir véritablement l’Evangile, il faut s’interroger sur le sens et sur le but de la vie humaine. A force d’oublier la religion, on arrive aussi à en oublier la vérité.

Notre document affirme à l’inverse, que tous les hommes qui cherchent la vérité, sont fidèles à Dieu. Même s’ils ne sont pas croyants. « La grâce agit dans le cœur de tous les hommes de bonne volonté. En effet, le Christ est mort pour tous. Le but dernier de tous les hommes est le même : c’est Dieu. Nous devons croire que l’Esprit Saint donne à tous les hommes, de pouvoir être unis au mystère de la Résurrection du Christ. D’une façon que Dieu connaît »(22,5). Dieu veut sauver tous les hommes. C’est une question très importante, et en pleine recherche. Déjà Paul disait (1 Tim 2,4) : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et arrivent à connaître la vérité ».

C’est Dieu qui a mis ce désir de la vérité dans l’homme (17) : » C’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté, les hommes d’aujourd’hui l’aiment beaucoup. Et ils la recherchent avec force. Ils ont raison. Mais parfois ils cherchent la liberté, d’une façon qui n’est pas droite. Par exemple, quand ils font ce qu’ils veulent, même le mal, du moment que ça leur plait. Alors que la vérité est un signe spécial, de l’image de Dieu dans l’homme… La dignité de l’homme demande donc qu’il agisse, en choisissant sa façon de vivre. D’une manière libre, mais en réfléchissant à ce qu’il fait. Et non pas en suivant ses simples désirs (ses instincts) ou en étant forcé. C’est de cette façon, que l’homme arrive à une vrai dignité » (17). Voir le décret sur la liberté religieuse. C’est pour cela que l’homme doit toujours suivre sa conscience.

Le Concile explique encore : « Le Christ est l’homme parfait. Celui qui suit le Christ devient plus homme (41, 1). C’est dans la lumière de la Parole de Dieu, que l’on peut comprendre ce qu’est vraiment l’homme. C’est pourquoi Paul appelle Jésus le Nouvel Adam (l’Homme Nouveau). Mais pour continuer le travail de Dieu dans le monde, croyants et incroyants peuvent agir ensemble, en se respectant (21).

L’homme est faible et pécheur. Souvent il est divisé en lui-même. Et les grandes divisions dans la société viennent de là (10 + 13). C’est surtout au moment de la souffrance et de la mort, que l’homme se demande quel est le sens de sa vie. « L’Eglise croit que le Christ mort et ressuscité pour nous, offre à tous les hommes par l’Esprit Saint, la lumière et la force, pour devenir ce qu’il doit être (répondre à sa vocation), et faire ce que Dieu veut pour lui » (10, 2). Voir aussi le n° 41. Ais il y a le danger de séparer la foi et la vie de chaque jour. La science et la technique (les machines) ne suffisent pas, pour donner une solution aux problèmes de la famille, de la culture, de l’économie, de la politique et de la paix dans le monde (ce sont les 5 titres des chapitres de la 2ème partie du document). Pour respecter sa dignité et pour rendre le monde plus humain (c’est-à-dire meilleur à vivre), l’homme doit chercher à faire le bien (la vie morale). Il doit chercher à aimer le mieux possible, toujours et partout. Il doit aussi former sa conscience (son cœur), pour aimer le bien et avoir le courage de le faire.

L’athéisme

La question de l’homme amène obligatoirement à la question de Dieu : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment, que dans le mystère de la parole de Dieu qui s’est fait homme, Jésus le Sauveur. Le premier homme, Adam, était la figure du nouvel Adam qui devait venir, le Christ Notre Seigneur. Le Christ nous fait connaître Dieu notre Père, et son amour. Et ainsi, il nous fait connaître ce qu’est vraiment l’homme (créé par Dieu et par amour), et la grandeur de sa vie (sa vocation) » (n° 22).

Le concile a parlé de l’athéisme d’une façon positive, et en cherchant à en comprendre les raisons, comme pour toutes les autres questions. Le Concile a expliqué que les chrétiens avaient une part de responsabilité, dans l’apparition de l’athéisme : le mauvais comportement de certains chrétiens a fait dire à des gens : « Dieu n’existe pas. » Mais cela ne doit pas empêcher de réfléchir profondément, aux causes de l’athéisme en lui-même. Car il ne suffit pas que les chrétiens changent de comportement, pour que les athées reviennent à la foi. Il y a en particulier, la question difficile de la présence du mal dans le monde (voir les n° 19 à 21).

L’Eglise n’a pas cherché à condamner l’athéisme. Elle a cherché comment vivre avec lui. Ainsi en plein Concile, le 16 septembre 1964, six nouveaux évêques sont nommés en Hongrie. Mais le parti communiste veut, qu’ils fassent un serment de fidélité à l’Etat. Le Pape accepte, à condition qu’ils disent : « Je promets d’être fidèle à l’Etat, autant qu’un évêque peut le faire. » Et ainsi ces 6 évêques ont pu venir à Rome, pour participer au Concile. En effet, le Concile se sentait fort. Il était prêt à travailler dans le monde en toute confiance. Et à lui présenter la lumière de l’Evangile. Surtout qu'il avait reconnu le bien qui est dans le monde. C’est pour cela, que l'Eglise avait déjà commencé à tendre la main aux gouvernements communistes. Elle pensait que cela pouvait aider les peuples, qui vivaient sous le régime communiste. Et diminuer le poids du communisme qui pesait sur eux. Cela ira jusqu’à la chute du communisme, à laquelle les syndicalistes chrétiens polonais de Solidarnosc ont beaucoup participé, mais aussi le cardinal Wojtila, qui deviendra Jean Paul 2.

Le Concile aborde toujours la question de l’athéisme, en lien avec la dignité de l’homme. Les chrétiens doivent accepter de se laisser interroger, plutôt que de chercher à se défendre, ou même d’attaquer les athées. La question est celle-ci : comment être chrétien, dans un monde incroyant ? Cela demande de comprendre ce qui se passe dans le monde, pour connaître l’attitude à avoir dans toutes choses (n° 2). Et aussi de voir ses propres responsabilités, pour arriver à un dialogue vrai, et un engagement commun avec tous les hommes, croyants ou non. Ces idées seront reprises dans le document sur la liberté religieuse, et beaucoup approfondies. Et également la question des relations avec les autres religions, en particulier avec les musulmans.

La mort

Pour cette question très importante, et qui nous touche tous, nous donnons simplement quelques passages du document, car ils sont très clairs. N° 18 : « C’est face à la mort, que le mystère de la vie humaine est le plus grand… il y a dans l’homme une semence de Vie éternelle, qui ne se limite pas aux seules choses matérielles, et qui se révolte contre la mort… Si l’homme n’avait pas péché, il n’aurait pas été obligé de mourir. Mais la foi chrétienne nous enseigne, que la mort sera vaincue un jour. Notre Sauveur, tout-puissant et plein de bonté, nous sauvera. Il nous rendra le Salut, que nous avons perdu par nos fautes… Cette Victoire sur la Mort, c’est le Christ qui l’a gagnée pour nous, en ressuscitant. Par sa Mort, Il nous a libérés de la mort…. La foi apporte donc une réponse à l’homme, qui se pose des questions avec angoisse (dans la peur), par rapport à son avenir. La foi nous permet aussi d’être unis avec nos frères, qui sont déjà morts, et qui sont déjà unis avec le Christ. La foi nous donne l’Espérance, que la mort finira en vraie Vie, auprès de Dieu ». (Voir aussi le n° 39).

N° 32 : « Jésus est le premier-né de Dieu, l’aîné de beaucoup de frères. Après sa mort et sa résurrection, il a mis un véritable amour de frères entre les hommes, dans la foi et la charité, grâce à l’Esprit Saint qu’Il nous a donné. Dans l’Eglise, nous sommes tous membres les uns les autres, nous devons nous aider mutuellement, chacun selon les dons que Dieu lui a donnés. Et cette union doit grandir, jusqu’au jour où tous les hommes seront sauvés par la Grâce, et rassemblés au Ciel dans la Famille de Dieu. Aimés de Dieu, avec le Christ leur frère, ils rendront à Dieu une gloire parfaite ».

45, 2+3 : « La Parole de Dieu s’est faite homme. Jésus sauve tous les hommes. Il rassemble tout en Lui. Il est le but de l’histoire des hommes. Tous les désirs de l’Histoire et des Civilisations conduisent vers Lui. Il est le centre de la famille des hommes, et la joie de tous les cœurs, Il remplit tous nos désirs. Dieu l’a ressuscité des morts, Il l’a élevé, Il l’a fait asseoir à sa droite, Il l’a fait juge des vivants et des morts. Par son Esprit Saint, nous sommes rassemblés et recevons la vie. Nous marchons vers la fin de l’Histoire des hommes, qui est le but de son amour : « Ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ : celles qui sont dans les cieux, et celles qui sont sur la terre » (Ephésiens 1, 10). Le Seigneur lui-même le dit : «Je viens. Je vais récompenser chacun selon ses actions. Je suis le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Apocalypse 22, 12 à 13) ».

N° 10 : avec les changements du monde d’aujourd’hui, de plus en plus de gens se posent des questions importantes : qu’est-ce que l’homme ? Quel est le sens de la souffrance, du mal, de la mort, qui continuent d’exister, malgré tous les progrès de la science ? A quoi servent tous les progrès modernes, si on doit les payer aussi cher ? Qu’est-ce que l’homme peut apporter à la société ? Qu’est-ce qu’il peut attendre de la société ? Qu’est-ce qu’il lui arrivera après cette vie ? » (voir aussi le n° 41).

N° 21 : « Lorsqu’on n’a pas le soutien de Dieu, et que l’on n’espère pas dans la Vie éternelle, la dignité de l’homme est blessée très gravement. C’est ce que l’on voit souvent aujourd’hui. Alors, le mystère de la vie et de la mort restent sans solution, comme le mystère de la faute et de la souffrance. Alors trop souvent les hommes tombent dans le désespoir ».

22, 3 : « En s’offrant pour nous, le Christ ne nous a pas donné seulement l’exemple, pour que nous marchions derrière Lui. Il nous a ouvert une route nouvelle. Si nous suivons la route du Christ, la vie et la mort deviennent saintes ; elles trouvent un sens nouveau… Le chrétien doit mourir, mais il est uni au Mystère de Pâques (la Résurrection de Jésus). Par la mort, le chrétien devient semblable au Christ. Rendu fort par l’Espérance, il marche vers la résurrection… et cela est vrai pour tous les hommes de bonne volonté, pas seulement pour ceux qui croient au Christ. Car la grâce de Dieu agit dans le cœur de tous les hommes. En effet, le Christ est mort pour tous, et tous les hommes ont reçu le même appel (la même vocation), qui vient de Dieu. C’est pourquoi nous croyons que l’Esprit Saint offre à tous les hommes, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être unis au Mystère de la Mort et de la Résurrection de Jésus (le Mystère de Pâques) ». Bien sûr cela n’est pas vrai seulement au moment de leur mort, c’est vrai pour toute leur vie… C’est par le Christ, et dans le Christ, que la question de la douleur et de la mort s’éclaire. Le Christ, en ressuscitant, a vaincu la mort. Il nous donne la Vie totale, pour que nous devenions enfants de Dieu, avec Lui le Fils de Dieu. Et que nous puissions dire à Dieu, dans l’Esprit Saint : papa, père ». Ainsi la mort du Christ ne nous donne pas seulement le courage au moment de notre mort, elle éclaire toute notre vie. Et cela n’est pas vrai seulement pour les chrétiens, mais pour tous les hommes. Pas seulement pour notre vie personnelle, mais pour la vie du monde entier.

82 : « Ne nous trompons pas, avec de fausses espérances. Nous devons faire des accords solides et honnêtes entre tous les pays, pour vivre une vraie paix, au niveau du monde entier. Sinon, même avec notre science magnifique, le monde ne pourra pas connaître d’autre paix, que la paix affreuse de la mort ».

Chapitre 2 : La communauté humaine

L’homme est une personne sociale. Cela, c’est la base de la doctrine sociale de l’Eglise, en particulier des deux principes de solidarité et de subsidiarité. (Voir les fiches sur la Doctrine Sociale de l‘Eglise dans mon site : http://armel.duteil.free.fr). Autrefois nos ancêtres vivaient en communauté, au village. Actuellement les hommes sont de plus en plus nombreux, en ville. Mais en même temps, ils se retrouvent souvent seuls, au milieu de la foule. Ils ne trouvent plus de gens pour les aider, ou même seulement pour parler ensemble. La société est devenue trop lourde. Les problèmes sont trop grands. Chacun se retire de son côté, pour garder sa liberté, et pour se protéger des autres. L’homme devient individualiste. Il pense d’abord à lui-même. Il se replie sur lui-même. Le Concile rappelle que : «la vie en société, ce n’est pas quelque chose qui est ajoutée à la vie de l’homme. Cela fait partie de sa vie même. L’homme grandit, et devient vraiment un homme, en parlant avec ses frères, en partageant, et en se rendant service les uns aux autres …Dieu qui a créé l’homme est un Dieu Trinité (trois personnes). C’est pourquoi, l’homme doit vivre en société, et partager avec les autres hommes, dans la charité. La personne humaine a besoin de vivre en société, avec les autres. L’homme est le début, le sujet et le but de toutes les organisations de la société. La vie en société est donc nécessaire. Par elle l’homme grandit dans toutes ses possibilités. Il répond en même temps, à l’appel de Dieu sur lui » (n° 25).

Car « Dieu n’a pas créé l’homme, pour qu’il vive tout seul, mais qu’ils s’unissent dans la société. Et Jésus-Christ est venu mettre une nouvelle union de frères, pour ceux qui l’accueillent, dans la foi et dans l’amour. C’est cela l’Eglise. Cette solidarité (vivre ensemble unis, et en s’aidant) doit grandir sans arrêt. Jusqu’au jour où nous serons tous avec Dieu, pour toujours, pour lui rendre l’honneur et la gloire » (n° 32). Notre société trouve sa force et sa signification profonde, dans l’Eglise. Et l’Eglise nous conduit jusqu’au ciel, pour une union avec Dieu qui ne finira jamais. 

Cette dimension sociale de la personne humaine se vit spécialement dans le mariage (12, 4). C’est pourquoi la première question importante dont le document parle dans la 2ème partie, c’est la dignité du mariage et de la famille (n° 47 à 52).

Résumé du chapitre : Il s’agit de vivre la fraternité, dans la famille humaine (N° 23). Ce mot de « famille » appliqué à l’humanité, est très important. Cette famille humaine, pour les chrétiens, vient de Dieu Lui-même : Dieu est Trinité, Il est donc famille et communauté. Et l’homme est créé à l’image de Dieu. La question est : comment vivre la solidarité dans la société actuelle, avec tous ses changements, son évolution moderne, ses problèmes, ses différences et ses désordres ? Comment répondre aux espérances des hommes ? La solution pour le Concile, c’est la communion des personnes : un humanisme social. L’organisation de la société est donc au service des personnes, pour permettre une vie vraiment humaine à tous. La base, c’est l’amour et la justice, qui demandent d’abord un changement de mentalité : une conversion, et pas seulement des techniques, ou des solutions pratiques. L’Evangile nous aide, à faire ce changement de mentalité. Dans cette ligne, le n° 27 refuse les mauvaises choses de la société, le n° 29 condamne les injustices et le manque de respect des droits de l’homme, et le n° 30 montre qu’il ne suffit pas, que chacun fasse le bien de son côté (une morale individualiste). Il faut s’engager ensemble, pour rendre meilleures les organisations publiques et privées. Et faire grandir la responsabilité et les actions sociales (n°31). A ce sujet, le Concile parle, par exemple, du problème de la dette, des impôts, du placement de l’argent à l’étranger dans des paradis fiscaux, etc… et même de questions pratiques, comme l’hygiène publique et le code de la route. A nous de voir, avec ceux qui nous entourent, ce qu’il est possible de faire. Et de chercher les autres endroits, où nous pouvons agir. Le Salut pour tous, que le Christ a apporté, se vit dans la solidarité et la société. Enfin, le N° 32  parle de la communion fraternelle des chrétiens (le Corps Mystique), qui se construit à partir de la communauté humaine, dans la vie concrète de chaque jour.

Le bien commun

C’est un mot souvent utilisé dans l’Eglise, et en particulier dans notre document. C’est un mot un peu compliqué, et un peu spécial. Qu’est-ce que cela veut dire ? Et comment le mettre en pratique, dans les différents domaines de la vie : au niveau personnel, dans les groupes et dans l’état tout entier; dans les questions économique, sociales mais aussi politiques ? Qu’en dit notre document ? Le numéro 26,1 explique : « Le bien commun, c’est l’ensemble des conditions, qui permettent de devenir vraiment et totalement homme, aussi bien pour les groupes que pour chaque personne » (voir le catéchisme de l’Eglise Catholique n° 1906 et le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise n° 164).

Le bien commun, ce n’est donc pas seulement une question d’argent, à partager entre les hommes. Ce n’est pas seulement, avoir de quoi manger et s’habiller. Le bien commun regarde le respect de toute la personne humaine, dans toute sa vie. Et aussi le bien de la société, pour que tous les gens puissent se développer, dans toute leur personne mais aussi tous ensemble. Comme le dit la lettre de Paul 6 sur le développement des peuples : « Le développement de tout l’homme, et de tous les hommes. ». Le bien commun, c’est le respect des droits de l’homme, c’est ce qui permet la paix. C’est pourquoi, chacun des groupes humains doit penser, aux besoins et aux désirs des autres groupes. Et surtout, chercher le bien commun de toute la famille humaine.

Le n° 26 « Promouvoir le bien commun » commence ainsi : « Les relations entre les hommes grandissent de plus en plus. Actuellement, elles s’étendent au monde entier. Le bien commun, c’est l’ensemble des conditions, qui permettent à la société de mieux vivre, d’une façon plus totale et plus facile. Aussi bien pour les personnes particulières, que pour les groupes. Cela regarde les droits et les devoirs de tous les hommes. C’est pourquoi, chaque groupe doit penser, aux besoins et aux désirs des autres groupes. Et encore plus, au bien commun de l’ensemble de la famille humaine ».

Au niveau économique (2° partie, chapitre 3) :

Cela a des conséquences au niveau économique. Simplement, 3 citations qui sont très claires. Elles nous montrent qu’il n’y a pas de bien commun, sans justice économique : « Surtout dans les pays en développement, où les moyens sont limités, et où il y a beaucoup de problèmes urgents : ceux qui gardent des richesses sans les employer, mettent gravement le bien commun en danger. La recherche du bien commun nous demande, de mettre nos richesses et nos possibilités au service de tous » (n° 65).

« La recherche du bien commun demande aussi, que l’on donne à chaque travailleur les moyens de vivre dans la dignité, lui-même et toute sa famille : au plan matériel (les choses nécessaires pour vivre), social (la vie avec les autres dans la société), culturel (la formation de l’esprit) et spirituel (la vie dans la foi). » (n° 67)

« L’Etat a un grand rôle à jouer, par rapport au bien commun. En effet chaque homme a le droit, d’avoir ce dont il a besoin. Et de pouvoir garder, ce qu’il a gagné par son travail (la propriété privée). Mais cela ne doit pas empêcher la propriété publique (que l’Etat possède des choses), ni les nationalisations (que l’Etat prenne des terrains ou d’autres choses pour le bien de tous). A condition que cela soit fait par ceux qui sont au pouvoir, d’une façon normale, et dans le respect de la loi : en respectant le bien commun, et dans la justice (par exemple que l’Etat paye ce qu’il prend aux gens, d’une manière juste). Bien plus, l’Etat doit veiller, à ce que certains ne prennent pas pour eux-mêmes, ce qui est le bien de tous » (n° 71)

Au niveau politique (2° partie, chapitre 4) :

« La communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre. Mais toutes les deux sont au service des mêmes hommes, dans leur vie personnelle et en société. C’est pourquoi, l’Eglise et la communauté politique doivent travailler ensemble, pour mieux servir les personnes, et pour chercher le bien de tous ». (n° 76). Pour cela, il faut savoir à la fois, réfléchir et s’adapter aux changements de la société. En effet « le bien commun de tous les hommes est commandé par la loi éternelle de Dieu. Mais pour la mettre concrètement en pratique, il faut s’adapter aux changements, qui ne s’arrêtent pas dans la marche du monde. » (n° 78) C’est ce que le Concile a appelé savoir lire les signes des temps (voir plus haut).

« Actuellement, il y a de grands changements dans la vie politique des pays. En particulier par rapport aux droits et aux devoirs de chacun, par rapport à la liberté des citoyens, et aussi pour chercher le bien commun… Pour respecter tout cela, on doit refuser toutes les formes de politique, où les gens utilisent leur pouvoir, pour un petit groupe ou pour eux-mêmes, au lieu de le mettre au service du bien commun… Pour mettre en place une vie politique vraiment humaine, le plus important c’est de faire grandir le droit, la justice et la liberté. Et de se donner entièrement au bien commun » (n° 73).

A propos du rôle de l’Eglise, le document explique (n°42) : « Ce que l’Eglise désire par-dessus tout, c’est de pouvoir grandir dans la liberté, pour aider tous les hommes. L’Eglise peut vivre sous n’importe quelle organisation politique, du moment qu’elle respecte les droits de la personne humaine et de la famille, et les conditions du bien commun. » Le bien commun doit être cherché, dans toute la vie de la société : la famille, le quartier ou le village, les loisirs et le travail. C’est donc la responsabilité de la communauté chrétienne, et en particulier des communautés de base (CCB/CEB). Mais il doit être cherché aussi, au niveau de l’Etat tout entier. Cela suppose donc l’engagement politique, économique et social des chrétiens. C’est à chacun de trouver son lieu d’engagement, selon ses possibilités : « Les chrétiens doivent s’éclairer les uns les autres, en se parlant dans la vérité. Qu’ils gardent entre eux la charité. Et qu’ils pensent au bien commun, avant toutes les autres choses » (n°43)

De son côté : « l’Etat doit chercher l’entente et l’unité de tous les citoyens, pour qu’ensemble ils cherchent le bien commun » (Compendium n° 168). Tous les régimes politiques doivent chercher ce bien commun, que l’Eglise demande. Car « la communauté politique existe pour le bien commun. Elle trouve son droit et son action, dans le bien commun. Ce bien commun c’est l’ensemble des conditions de la vie en société, qui permettent aux personnes, aux familles et aux groupes de grandir, plus complètement et plus facilement » (n° 74).

Chaque citoyen doit rendre à l’Etat, les services qui sont nécessaires pour le bien commun. Le concile encourage donc les chrétiens à s’engager dans la société : « Car l’Eglise aime beaucoup, ceux qui se donnent au bien de la société, et qui y travaille pour le service de tous. Pour arriver à ce bien commun, on pourra même limiter les droits des gens, pendant un moment. Mais on devra redonner la liberté à tous, aussitôt que possible. Car on ne peut pas accepter la dictature, ni les gens qui gouvernent par la force. Ce n’est pas humain. Cela va gravement contre les droits des personnes et des groupes ». (n° 75)

Cela a des conséquences pour les élections : « Que tous les citoyens se souviennent de leur droit de voter. Mais aussi, que c’est leur devoir de chercher le bien commun. Pour faire respecter les droits des personnes, des familles et des groupes »

Qu’est-ce que le bien commun ? Le bien commun que tous cherchent, ce sont aussi la sécurité et la paix, le développement du quartier ou du village, et du pays tout entier. C’est tout ce qui aide à bien vivre ensemble. Souvent, les gens ne savent pas ce qu'est un député, ni quel est son rôle. Ils votent pour une personne, simplement à partir de son parti. Ou pour qu'il leur fasse un forage dans leur village, ou une école dans leur quartier. Il est important de bien comprendre le rôle des députés : ce n'est pas de faire une route dans notre village, ou de construire un dispensaire. Cela, c'est le travail du chef du village et de la communauté rurale, du chef de quartier et de commune, sous la direction des agents de développement, des sous-préfets et des préfets. Et finalement du gouvernement, et des différents services et ministères. Et nous devons veiller, à ce qu’ils fassent bien leur travail. Le rôle des députés, c'est 1°) de voter les lois du pays, et de veiller à ce qu'elles soient appliquées, 2°) de voter le budget (comment utiliser l’argent du pays) et 3°) de contrôler le travail du gouvernement. Le député, comme le ministre ou le chef de service, doivent donc chercher des solutions aux problèmes pratiques des gens. Mais aussi faire des plans de développement pour l’avenir. Celui qui est élu doit être capable de réfléchir, pour faire voter des bons projets. Et ensuite suivre les lois qu’il a fait voter, pour qu’elles soient mises en pratique. En particulier, dans le département où il a été élu. Le député doit être aussi capable d’entraîner les forces de la société, pour réaliser réellement les projets, et mettre en pratique ce qui a été voté. Il doit être à la fois créateur (apporter des idées nouvelles) et efficace (pour les mettre en pratique). C’est très difficile. A cause de la crise économique actuelle, chacun cherche à se débrouiller tout seul. Et à profiter des richesses du pays, pour lui-même, sa famille et ses amis. Un responsable doit travailler avec tous les citoyens (tous les hommes de bonne volonté du pays, quelle que soit leur ethnie, leur religion, ou leur place dans la société). Un député chrétien n’est pas l’élu des chrétiens, il est l’élu du peuple… Il est au service de tout le peuple. Et cela est vrai aussi pour les députés musulmans, bien sûr. Tous doivent servir l’intérêt général de la société. En s’appuyant sur leur foi en Dieu, pour l’amour de tous leurs frères et sœurs

Au sujet de la paix (2° partie, chapitre 5):

Il n’y a pas de paix, sans respect de la dignité de toute la personne. La paix ce n’est donc pas seulement l’absence de guerre ou le désarmement. C’est la paix du cœur, qui demande un vrai développement, la justice et la fraternité. La paix a des conditions : le changement des idées et des cœurs (la conversion), qui permet de se parler en vérité et de se réconcilier.

La paix est nécessaire pour avoir le bien commun. Cette paix a comme base la vérité, la justice, l’amour et la liberté. Le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, qui s’inspire de notre document, explique au n° 164 : « le bien commun ne consiste pas, dans le simple total des biens matériels, propres à chaque personne. Il cherche le bien de toute la société, dans son ensemble. Il est commun à tous, et donc il ne peut pas être divisé. Ce n’est qu’ensemble qu’on peut remplir les conditions, pour que chaque personne réussisse sa vie morale, en faisant le bien. Et que chaque société grandisse. Le bien commun, c’est donc le bien moral, dans sa dimension sociale et communautaire. C’est cela qui nous permet de vivre en paix ».

NB : On peut trouver d’autres passages sur le bien commun, en particulier dans le Décret sur l’Apostolat des laïcs (n° 14 et 31), celui sur les moyens de communication sociale (les média : n° 5 et 11), et dans la déclaration sur la liberté religieuse (n° 6 et 7).

Dialogue

Le dialogue (se parler dans le respect, et en s’écoutant mutuellement) est absolument nécessaire, pour arriver au Bien Commun, et vivre dans la paix. Notre document demande : « comment faire pour que les contacts entre les pays et les cultures, ne cassent pas la vie des communautés ? Qu’ils ne suppriment pas la sagesse laissée par les ancêtres ? Et qu’ils ne mettent pas en danger, les richesses du cœur et de l’esprit de chaque peuple ? » (n° 56).

Voyons ce que dit le Concile à ce sujet. Mais en nous rappelant ce que nous avons expliqué au 3° chapitre : Ce que nous devons faire, ce n’est pas seulement réfléchir et discuter sur les textes, mais les mettre en pratique, comme les évêques ont cherché à la vivre pendant le Concile. Par ailleurs, les évêques ont surtout parlé du dialogue entre chrétiens, et entre croyants, avec les autres religions. Ici nous parlons du dialogue avec tous les hommes, dans la société.

  • N°3 : « Le Concile est le témoin, et le guide de tout le peuple de Dieu, rassemblé par le Christ. Il appartient à la famille humaine. La meilleure preuve d’union, de respect et d’amour que le Concile peut donner, c’est de parler avec tous les hommes, de leurs différents problèmes : en éclairant les hommes par la lumière de l’Evangile, et en leur donnant la force du Christ qui sauve le monde. Cette force que l’Eglise reçoit de Jésus, en étant conduite par le Saint Esprit ».

  • N°21 : L’Eglise refuse l’athéisme (dire que Dieu n’existe pas), mais elle reconnaît que tous les hommes peuvent travailler ensemble, pour construire le monde. Qu’ils soient croyants ou incroyants. Cela n’est possible que par un dialogue loyal, et en se parlant dans la vérité et avec prudence ».

  • N° 23 : « Dans le monde d’aujourd’hui, les relations entre les hommes sont de plus en plus nombreuses. C’est un grand progrès, qui est possible grâce aux nouvelles sciences, et aux découvertes de la technique. Mais un vrai dialogue de frères entre tous les hommes, ne doit pas s’arrêter à ce niveau là. Il doit se faire plus profondément, dans une communauté des personnes. Cela nous demande le respect de la dignité spirituelle de tous les hommes (le respect de l’esprit, du cœur, de l’âme et de toute l’intelligence et de la foi (les uns envers les autres).

  • N° 25 : La vie en société n’est pas quelque chose en plus, pour l’homme. Elle est nécessaire. C’est en partageant avec les autres, en se rendant des services les uns aux autres, en se parlant entre frères et sœurs (le dialogue) que l’homme grandit dans toutes ses possibilités, et qu’il peut être vraiment homme.

  • N° 28 : Nous devons apporter le respect et l’amour, même à ceux qui ne pensent pas, ou qui ne vivent pas comme nous. Que ce soit pour la vie en société, pour la politique ou pour la religion. Plus nous essayons de comprendre les idées des autres avec bonté et amour, à partir de l’intérieur, plus le dialogue augmente et devient facile.

  • N° 43 : Les chrétiens doivent toujours chercher à s’éclairer les uns les autres, dans un vrai dialogue. Qu’ils gardent entre eux la charité, et qu’ils cherchent en premier le bien de tous.

  • N°40 : « La base du dialogue qui doit exister entre l’Eglise et le monde, c’est la dignité de la personne humaine, la communauté entre tous les hommes, et le sens profond des activités des hommes. Les évêques doivent se former sérieusement, pour être capables de parler avec les non chrétiens (dialoguer avec le monde) et avec tous les hommes, quelque soient leurs idées et leur foi ».

  • N°85 : « Il y a beaucoup d’organisations pour l’économie (l’argent et le travail) et pour la vie en société. Il est important que les hommes du monde entier trouvent des bases communes, pour organiser un bon commerce international. Ce sera plus facile, si chacun laisse ses idées propres. Et s’il accepte un dialogue sincère (se parler dans la vérité) »

  • N°92 : » l’Eglise est le signe de la fraternité entre les hommes, qui permet de se parler dans la vérité, et de rendre plus grande l’unité entre eux. Mais pour cela, il faut qu’il y ait d’abord dans l’Eglise elle-même le respect et l’entente : pour se parler en acceptant les différences qui sont normales, pour arriver à de vrais résultats entre les chrétiens, qui font partie de ce Peuple de Dieu, aussi bien les laïcs que les prêtres… Pour arriver à ce dialogue, ce qui nous conduit, c’est seulement l’amour de la vérité, qui ne refuse personne : ni ceux qui cherchent le bien mais ne croient pas en Dieu, ni même ceux qui s’opposent à l’Eglise, et qui la font souffrir de toutes les façons possible. »

Chapitre 3 – Les activités de l'homme dans le monde

Résumé du chapitre

Le travail est important, à la fois pour faire grandir l’homme (chapitre 1), et pour développer la société (chapitre 2). Dieu nous a donné le monde, pour que nous le rendions meilleur, par notre travail. Les progrès scientifiques sont importants et bons. C’est Dieu qui nous a donné une intelligence pour réfléchir. Et pas seulement des bras pour travailler. « Ces progrès sont très importants aussi pour le Royaume de Dieu, parce qu’ils aident à mieux organiser la société humaine » (n° 39). C’est justement le rôle des chrétiens, ensemble avec tous les hommes de bonne volonté. « Toutes les activités humaines sont marquées par le péché. Dans toute l’histoire des hommes, il y a toujours eu une lutte contre les forces de la nuit. Les activités humaines doivent donc être au service de Dieu et des hommes. Mais souvent l’orgueil et le mal les transforment en instrument de péché » (n° 37). C’est quand nous avons compris notre dignité de personne, créée à l’image de Dieu, que nous pouvons comprendre ce qu’est vraiment la justice, et que nous pouvons la pratiquer : « Dieu nous prépare une nouvelle Maison et une nouvelle Terre, où la Justice habitera…  Attendre une Terre nouvelle, cela ne nous empêche pas de cultiver notre terre, au contraire. Car c’est sur cette terre-ci, qu’une nouvelle famille humaine peut grandir, en annonçant le monde qui va venir » (n°39). Quelques explications :

L’autonomie des réalités terrestres, c’est-à-dire la liberté des choses de la terre, par rapport à la religion. Le n° 36 explique :

  1. « Beaucoup d’hommes ont peur, que la religion soit trop unie aux activités de leur vie. Et que la religion supprime la liberté des hommes, des sociétés et des sciences.

  2. Si on veut dire, que les choses du monde et les sociétés ont leurs propres lois, et leurs propres valeurs… c’est tout à fait normal… c’est même la volonté de Dieu Créateur… l’homme doit respecter les méthodes spéciales de chaque science, et de chaque technique (les façons de réfléchir et de travailler)… Si on suit la loi de la morale (si on cherche à faire le bien), cela ne va jamais contre la foi. Car les choses de la science et les choses de la foi viennent toutes du même Dieu.

  3. Mais si on veut dire, que les choses créées ne dépendent pas de Dieu, et que l’homme peut les utiliser sans penser à Dieu qui nous a créés, un croyant ne peut pas accepter cela ».

Ce n° 36 reconnaît que certains chrétiens, n’ont pas su respecter la liberté de la science, dans le passé. A cause de cela, beaucoup d’hommes pensent, que la science et la foi ne peuvent pas aller ensemble. Quand les évêques du Concile ont écrit cela, sans doute qu’ils pensaient spécialement, à l’affaire de Galilée : un savant condamné par l’Eglise, au Moyen Age. Le Concile Vatican 2 va donc beaucoup plus loin que le Concile Vatican 1 (Canon 2,1), qui dit que la raison humaine peut connaître l’existence de Dieu. Il va surtout plus loin que le chapitre 4 sur la foi et la raison. Vatican 2 va aussi plus loin, que la Lettre du Pape Pie 10 contre le modernisme (les idées modernes), « Paître le Troupeau du Seigneur », de 1907. Où il dit, par exemple, que la philosophie doit servir la théologie, et que les sciences aussi sont ses servantes. Cela nous montre encore une fois, que l’Eglise continue à avancer. Et à mieux comprendre ce qui se passe dans le monde. En méditant sans arrêt la Parole de Dieu, et en se laissant conduire par le Saint Esprit…. Cela, nous devons continuer à le faire encore aujourd’hui, en particulier par rapport aux sciences et aux techniques nouvelles, comme la biologie (les sciences de la vie).

Quelles sont les relations de l’homme avec la nature ? Comment utiliser les nouvelles techniques modernes dans ce domaine ? Quel est le sens du travail ? Quelle doit être l’autonomie des choses de la terre (le temporel), par rapport à la religion ?

Le N° 34 explique : La science et la technique ne sont pas contre la foi. Mais elles doivent servir au bien des hommes et au développement des peuples. Il s’agit donc de voir, comment utiliser ces techniques. Et de prendre nos responsabilités, par rapport aux découvertes de la science. Les savants sont libres de travailler dans leur domaine scientifique. Mais ils doivent rester au service des hommes, de la vérité et de la justice. L’Eglise n’a pas de solution pratique toute faite. Elle cherche avec les autres hommes. Et d’abord elle les écoute pour cela. Mais en même temps, elle fait attention, à ce que seulement quelques personnes, ne profitent des activités humaines, en mettant les autres de côté. Et que les progrès de la science ne détruisent pas la terre et les hommes, plus ou moins rapidement. Il faut donc chercher tous ensemble, comment nous servir des techniques et des découvertes anciennes et actuelles, d’une façon réfléchie et responsable. Dans la liberté, mais aussi dans la pauvreté et l’humilité. Et ainsi, savoir limiter notre recherche de l’argent et des choses (le profit et la société de consommation). Et ne pas chercher à faire tout ce qui est possible (car ce qui est possible n’est pas toujours bon). Et surtout, que toutes les activités humaines soient vécues dans l’amour. Il s’agit de servir les hommes.

Le monde moderne est très compliqué. Aussi beaucoup de gens vivent dans la peur. Comment garder la confiance et le courage ? Notre document répond que l’homme est entouré par l’amour de Dieu. C’est cela qui lui permet de garder l’espérance, et de faire le bien, au milieu de tous les problèmes du monde moderne. L’homme cherche alors à se convertir (changer son cœur et sa vie), pour aimer davantage dans la liberté. C’est ce qu’expliquent les n° 37 et 38 : Les activités humaines sont cassées par le péché. Mais les activités humaines deviennent parfaites, par la résurrection de Jésus (le mystère pascal). Alors, nous pouvons offrir à Dieu, les travaux et les efforts des hommes, dans l’Eucharistie (n° 39). Il s’agit, comme le disait déjà Isaïe, repris par St Pierre et l’Apocalypse, « de créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle, où la justice habite » (Isaie 65,17; 66,22; 60,21 ; 2ème Pierre 3,13; Rom 8,19; Apocalypse 21,4 et 5). Les 5 chapitres de la 2° partie expliqueront, comment mettre tout cela en pratique.

Chapitre IV – L’église et le monde

« Par l’action des chrétiens, l’Eglise fait avancer le monde (la société), mais elle reçoit aussi beaucoup du monde. Et elle profite des progrès de la science ». L’Eglise aide les pauvres. Elle travaille au développement. Elle transforme la société, en particulier par ses commissions Caritas et Justice et Paix. Mais l’Eglise n’est pas une simple ONG : « Que l’Eglise aide le monde ou qu’elle reçoive de lui, elle est en marche vers un but unique : que le royaume de Dieu vienne, et que tous les hommes soient sauvés » (n° 45). « Car Dieu est le but de toute l’histoire humaine ». Et quand l’Eglise unit les hommes à Dieu, en même temps, elle unit les hommes entre eux. Elle fait grandir la société, en construisant une civilisation de l’amour. L’Eglise ne cherche plus à avoir le pouvoir dans la société. Les Etats du pape n’existent plus. Mais l’Eglise ne quitte pas le Monde. Simplement, elle veut être libre et indépendante, pour se mettre au service du bien commun, et de tous les hommes. Il faut en tirer les conclusions dans nos diocèses, nos paroisses, nos groupes et notre propre comportement personnel dans la société. Il s’agit bien de se mettre au service des hommes et du monde, « pour une Eglise servante et pauvre », comme l’a dit le Concile.

Résumé de ce chapitre

N° 40 : L’Eglise est dans le monde. Elle agit avec lui. C’est dans l’histoire des hommes, que l’Eglise se construit. L’Eglise aide le monde. Mais elle reçoit aussi beaucoup de lui, de l’histoire des hommes et de la société (n° 40, 4 + 44). Cela demande de chacun de nous, une attitude de dialogue et d’accueil : accepter de recevoir et d’apprendre des autres hommes.

Le but de l’Eglise, et donc de chaque chrétien, c’est d’apporter le Salut de Dieu. Mais cela se vit dans le monde, et dans le service de la communauté des hommes. C’est pour cela, que l’Eglise et les chrétiens participent au développement des peuples. L’Eglise n’apporte pas de solutions techniques, scientifiques, militaires ou politiques, ni de l’argent ; elle agit au niveau de la morale, et du sens de la vie. Elle apporte la lumière de l’Evangile, qu’elle a reçue du Christ, et qui éclaire la vie des hommes et du monde (n° 41 à 43). Elle veut être présente dans la société : pas pour commander, mais pour servir l’homme. Pour cela, elle répond aux besoins profonds du cœur de l’homme. Elle cherche à lui faire comprendre sa vocation, c'est-à-dire le but de sa vie, dans un amour ouvert à tous. Pour ensemble, construire une société plus juste et plus fraternelle (n° 43). Donc, pour le chrétien, il n’y a pas de séparation entre sa foi et sa vie. Les laïcs sont les premiers engagés pour cela, dans la société. Ils doivent y prendre leurs responsabilités : Réfléchir par eux-mêmes, sans attendre de l’Evangile des solutions toutes faites. Et sans attendre des prêtres des directions précises pour agir. En voulant servir le bien commun dans la charité, les laïcs chrétiens peuvent avoir des idées différentes les uns des autres. Dans la politique, comme dans les autres choses (43, 3). Ils peuvent prendre des chemins différents. Mais tous chercheront à être de vrais témoins de l’Evangile, chacun selon les appels de Dieu, qu’il entend dans son cœur. L’Eglise reconnaît qu’il y a des situations humaines difficiles. Et qu’il n’y a pas toujours une seule façon de faire, ni même une solution immédiate et totale. Elle cherche donc, ensemble avec les autres hommes, dans un esprit de dialogue. Elle reconnaît ses erreurs et ses fautes. Elle profite des progrès des études sociales, et des organisations de la société, pour mieux s’organiser et mieux vivre elle-même. De même, l’évangélisation se fera dans la langue de chaque pays, et selon sa culture.

Le Christ est le but de toute l’histoire des hommes. Il remplit le désir du cœur des hommes (45, 2), pour qu’ils vivent d’une vie nouvelle, dans un monde nouveau. L’Eglise cherche à donner aux hommes, des raisons de vivre et d’espérer (33, 3). Comme tous les autres chapitres, celui-ci se termine en s’adressant directement aux chrétiens, et en parlant spécialement du Christ. Voir les n ° 22, 32, 38-39, 40-41 et 45.

N.B. Il s’agit là d’affirmations générales, faites par le Concile pour tous les hommes de ce moment-là (1962-65). Donc, il nous faut voir maintenant, comment appliquer ces idées à notre pays, et à notre vie de tous les jours, aujourd’hui : chercher ensemble, avec les hommes et femmes qui nous entourent, et partager nos réflexions avec tous. Dans cette recherche, nous saurons nous appuyer sur nos différentes cultures, nos traditions, notre sagesse, que nous retrouvons en particulier, dans les proverbes et les contes traditionnels.

A l’intérieur de l’Eglise, cette action se mènera dans les communautés chrétiennes de base (CEB/CCB), les mouvements et autres groupes et associations. Et dans les commissions, comme celles de Justice, Paix et Intégrité de la Création (JPIC), la commission des Relations entre chrétiens et musulmans, la Caritas, etc…Cette action s’appuiera sur la Doctrine sociale de l’Eglise, mais aussi sur les Droits humains (voir les fiches que nous avons composées pour cela : http://armel.duteil.free.fr), en sachant utiliser les moyens modernes, par exemple Internet. On écoutera les déclarations du Pape, mais aussi de nos Evêques, et on cherchera à mettre en place les orientations du 2ème Synode pour l’Afrique.

Le rôle des laïcs (n° 43).

Arrêtons-nous à ce numéro important : Tous les baptisés ensemble sont « une race élue, une nation sainte, un peuple de prêtres et de rois », mis à part, pour le service de Dieu et du monde (1ère Pierre 2, 9). « Soyez les pierres vivantes, qui construisent l’Eglise spirituelle. Alors vous serez le sacerdoce (les prêtres) saint. Vous présenterez les offrandes spirituelles, que Dieu acceptera à cause du Christ Jésus » ( 1° Pierre 2,5). Tous les baptisés sont « prêtres, prophètes et rois », comme on le dit le jour du baptême. Nous sommes tous unis au Christ prêtre. Nous sommes tous des consacrés. Nous avons tous la même dignité d’enfants de Dieu, que nous soyons laïcs, religieux, prêtres ou évêques. Nous avons tous reçu le même Esprit, et nous sommes tous temple du Saint Esprit (1° Cor 6, 19). Nous sommes tous appelés à vivre avec le Christ, et à annoncer son Evangile au monde, pour vaincre le mal, et faire grandir la justice et l’amour de Dieu. Comme le dit Pierre : » vous êtes chargés d’annoncer les merveilles, de Dieu qui vous a appelés, de la nuit à sa lumière admirable ». De même, les Béatitudes et le discours sur la montagne (Matthieu, chapitres 5 à 7) sont pour tous les chrétiens, pas seulement pour les religieux. Chacun le vivant dans sa situation. Et c’est tous ensemble, à la messe, que nous nous offrons à Dieu en sacrifice spirituel, unis à Jésus. Et que nous offrons à Dieu toute la vie des hommes « Par Lui, avec Lui et en Lui ». Comme nous le demande par exemple la lettre aux Hébreux (13,15) : »A tout moment, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange »

Mais il reste vrai, que le sacrement de l’Ordre donne au prêtre, une participation spéciale au sacerdoce du Christ. Et une fonction (un travail spécial), dans l’Eglise et dans le monde. C’est lui qui peut consacrer le pain et le vin, au moment de l’Eucharistie, et confesser les péchés au nom de Jésus Christ. Et c’est lui qui dirige la communauté chrétienne.

Les laïcs ont pris de plus en plus de responsabilités, dans les paroisses et la vie de l’Eglise en général, avec les conseils paroissiaux et les commissions. La participation des laïcs dans la liturgie a beaucoup augmenté. Ils se sont organisés en communautés de base (CEB/CCB), en mouvements et en différents groupes et associations. Ils enseignent la catéchèse. Ils préparent les gens au mariage, et au baptême des enfants. En certains endroits, ils dirigent les enterrements. Ils étudient la Parole de Dieu, et font de la théologie. Ils agissent dans les commissions, comme la Caritas et Justice et Paix. Ils sont responsables de nombreux mouvements. Et aussi de groupes de prière et d’évangélisation. Les laïcs sont de plus en plus engagés, en particulier les femmes. Beaucoup ont la responsabilité des écoles et des postes de santé catholiques, et de beaucoup d’autres activités sociales de l’Eglise. Ils ont aussi des responsabilités au niveau du diocèse, et même au Vatican. Cette responsabilité des laïcs a beaucoup augmenté en 50 ans. C’est certainement un fruit du Concile Vatican 2.

Mais notre document demande surtout l’engagement des laïcs dans la société. C’est cela leur première responsabilité : la transformation de la société, dans laquelle ils vivent et travaillent. Pour mieux comprendre cela, on peut lire les autres documents du Concile, qui parlent directement des laïcs. Par exemple LG (Lumière des Peuples) n° 33 : « Les laïcs sont appelés de façon particulière, à rendre l’Eglise présente et agissante dans la société. C’est seulement par eux, que l’Eglise peut devenir le sel de la terre ». Voir aussi tout le document sur l’apostolat des laïcs. Par exemple le n° 2 : « Le caractère spécial du laïc, c’est de vivre au milieu du monde, et dans les affaires profanes (civiles). Les laïcs sont appelés à travailler dans la société, avec la force de leur esprit chrétien, pour être la levure (le ferment) dans le monde ».

Que faire pour cela ? Il s’agit de construire le Royaume de Dieu, dans le monde d’aujourd’hui. Un Royaume de paix, de justice et d’amour, en nous laissant conduire par le Saint Esprit. Un Royaume, que Jésus a déjà commencé lui-même. Mais auquel il nous demande de travailler, pour le faire grandir. Même si l’Eglise n’est pas parfaite elle-même. Et même si beaucoup d’hommes et de femmes refusent de l’écouter. Car le monde a besoin du Christ, de son enseignement et de son amour. Cela se fait dans les choses ordinaires, de la vie de chaque jour. Les laïcs sont ainsi appelés, à fonder des familles où l’on vit dans un amour vrai ; à mettre la paix dans les quartiers et les villages ; à apporter la vérité dans les rencontres ; à faire grandir la dignité et le respect dans les loisirs ; à mettre le sérieux et l’honnêteté dans le travail, pour faire grandir une vraie culture de paix et d’amour. Cela demande aussi, de voir toutes les formes de mal, d’injustice et de péché, présents dans la société. Et de chercher, ensemble avec les non chrétiens, comment lutter contre tout cela. Par exemple, comment lutter contre la pauvreté. Et contre l’exploitation des enfants dans le travail, dans la sexualité (la pédophilie) ou dans les guerres (les enfants soldats). De lutter contre les souffrances des travailleurs, surtout ceux qui font des petits métiers, et les paysans, sans oublier les chômeurs. De s’engager pour le respect, la liberté et la dignité, des jeunes filles et des femmes. Cela demande aussi de lutter contre la violence dans les rues, la drogue, l’alcoolisme et la prostitution. D’agir contre la solitude de nombreuses personnes, et beaucoup d’autres choses encore, comme l’explique tout ce chapitre 4. En particulier dans les domaines, spécialement étudiés par notre document, dans la 2ème partie : le mariage et la famille, la culture, la vie économique et sociale, la vie politique et la paix. En mettant ensemble avec les autres hommes, nos idées et nos forces. Jésus appelle les laïcs à être ses témoins, et à apporter son amour à ceux qui souffrent, partout où ils vivent : à la maison, au travail, dans les hôpitaux, les écoles, dans les entreprises, les ateliers, les commerces et les champs, dans les quartiers et les loisirs, partout. Il ne suffit donc pas de participer à la liturgie, ni de prendre des responsabilités dans la paroisse.

Où trouver les idées et la force pour tout cela ? C’est d’abord en lisant la Parole de Dieu, et en cherchant comment la mettre en pratique. Même si nous ne pouvons faire que des petites choses. Comme l’enfant qui a apporté 2 petits poissons et cinq pains, que Jésus a ensuite multipliés (Jean 6,9). Et aussi en lisant ensemble notre document, et les autres textes du Concile, pour en tirer des conclusions concrètes, dans la société d’aujourd’hui, là où nous vivons. Tout cela demande une formation des laïcs, un plan d’action et une méthode de travail. Par exemple, la méthode de l’action catholique : voir, réfléchir, agir. Cela demande aussi de s’engager dans les associations de toutes sortes, économiques, sociales, culturelles et politiques. Pas seulement dans les mouvements chrétiens. Pour les parents, de chercher d’abord à bien éduquer leurs enfants, pour qu’ils deviennent à leur tour, les apôtres des autres enfants et des jeunes. Il s’agit d’apprendre à lire les signes des temps (voir ce que l’on a dit plus haut, sur cette question). Voici quelques citations du n° 43 de notre document à ce sujet :

« Les métiers et les activités reviennent en propre aux laïcs, même si d’autres peuvent aussi le faire (des religieux et des prêtres). Quand les laïcs agissent comme citoyens  du monde, personnellement ou ensemble, ils cherchent à respecter les lois de chaque métier et activité. Et d’abord à bien apprendre leur travail. Ils aimeront agir avec ceux qui recherchent le même but qu’eux (même s’ils ne sont pas chrétiens). A cause de leur foi et avec la force du Saint Esprit, ils n’auront pas peur de commencer des choses nouvelles au bon moment, et de les conduire jusqu’au bout. Ils forment leur cœur, pour annoncer la Parole de Dieu dans les villes et les villages. Ils peuvent demander aux prêtres des idées, et des forces spirituelles. Mais qu’ils ne pensent pas, que les prêtres connaissent tout. Ni qu’ils peuvent apporter tout de suite une solution précise, aux problèmes qui se présentent à eux… qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités » (43, 2)… « qu’entre laïcs ils cherchent à s’éclairer les uns les autres, qu’ils gardent entre eux la charité, et qu’ils cherchent surtout le bien commun (même si les autres ont des idées différentes, et suivent d’autres chemins) » (43, 3). « Les laïcs ne doivent pas seulement travailler à l’animation chrétienne du monde. Ils sont aussi appelés à être les témoins du Christ, en toute circonstance, au cœur même de la communauté humaine » (43, 4).

Voici en complément, quelques autres citations sur les laïcs, dans un autre document du Concile (LG : L’Eglise, lumière des peuples) : « on appelle laïc, l’ensemble des chrétiens qui ne sont pas prêtres ou religieux. Ils sont entrés dans le corps du Christ par le baptême. Ils font partie du peuple de Dieu. Ils participent à leur manière, au travail du Christ, prêtre prophète et roi. Ils accomplissent leur part du travail de tout le peuple chrétien, dans l’Eglise et dans le monde » (LG 31).

« Le Concile se tourne vers les laïcs. Tout ce qui a été dit au sujet du Peuple de Dieu regarde de façon égale, les religieux, les laïcs et les prêtres. Mais les laïcs, hommes et femmes, sont spécialement responsables de certaines choses, à cause de leur condition de vie. Et de la mission (le travail) que Dieu leur a donnée, dans les conditions actuelles de notre temps, qu’il faut étudier tout spécialement. » (LG 30).

« L’ensemble des fidèles, depuis les évêques jusqu’au dernier des fidèles laïcs, ne peuvent pas se tromper, quand ils parlent ensemble, en étant d’accord, des vérités de la foi et de la façon de la vivre (LG 12) ».

« Toutes les activités des laïcs, leurs prières, leurs actions, leur vie de famille, leurs travaux, leurs loisirs, tout cela devient des offrandes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus Christ (1ère Pierre 2, 5). S’ils le vivent dans l’esprit de Dieu. Même les difficultés de la vie, s’ils les supportent avec patience. Quand on célèbre l’Eucharistie, tout cela est uni au sacrifice du corps du Seigneur, pour être offert au Père dans la foi… Les hommes et les femmes qui travaillent, pour gagner leur vie et celle de leurs familles, et qui cherchent à bien servir la société, doivent savoir que leur travail continue le travail de Dieu Créateur. C’est un service de leurs frères. C’est leur participation pour réaliser le plan de Dieu «  (LG 34).

« Que les laïcs unissent leurs forces, pour rendre meilleures, les organisations et la vie dans la société. Et pour lutter contre ce qui entraîne au mal. Que tout cela soit vécu selon les lois de la justice, pour aider à faire le bien, au lieu de l’empêcher » (LG 36).

« Travailler dans la société, c’est le travail spécial des laïcs » (LG 41)

Agir aujourd’hui dans le monde

Déjà, avant le Concile,  on a voulu revenir, à une Eglise pauvre et pour les pauvres, comme aux origines du Christianisme. En effet, pendant la 2ème guerre mondiale, des prêtres ont été faits prisonniers, comme les autres. Ils ont appris à vivre avec les autres hommes, et comme eux. Par exemple, ils ont eu des contacts avec les communistes, et ils ont appris à se comprendre. Ensuite ils ont travaillé ensemble. Par exemple, dans les bidonvilles, pour les réfugiés, pour les émigrés etc...

Il y a eu aussi l’expérience des prêtres ouvriers : ils ont vu que beaucoup d’ouvriers ne connaissaient pas Jésus-Christ. Alors, ils ont voulu vivre et travailler avec les ouvriers, en étant comme eux et avec eux. Ne plus être seulement des prêtres du culte (qui dirigent les prières), mais des témoins de la Bonne Nouvelle de Dieu pour le monde, dans la vie de tous les jours (voir Luc 4). Et aussi pour rendre meilleures, les conditions de travail des ouvriers. Car ils ont vu, que l’on faisait beaucoup souffrir les ouvriers, on en profitait, on les utilisait (exploitation). Et ce qu’on leur payait ne suffisait pas, pour faire vivre leur famille. Ce que ces prêtres cherchaient, c’était donc à la fois à évangéliser et à lutter pour la justice, dans la charité, à la suite de Jésus Christ. Le pape Pie 12 lui, avait gardé l’idée, que le prêtre est l’homme de la paroisse et du culte (des cérémonies religieuses). C’est pour cela que le 1er mars 1954, il a interdit les prêtres ouvriers. Mais les idées de ces prêtres vont avoir une grande importance, au moment du Concile. N.B. : Cela pose tout le problème de la liberté politique et syndicale. Plus tard, on posera également le problème du célibat des prêtres, et d’abord de la possibilité d’ordonner des hommes mariés.

La théologie de la libération

Au Brésil, il y avait une dictature militaire. Le Concile de Vatican 2 s’est présenté comme une 2ème Pentecôte. Dom Helder Camara explique clairement au moment du Concile, que 20 % seulement des hommes, ont 80 % des richesses de toute la terre. Et encore plus grave, la plupart d’entre eux sont des chrétiens. Il faut donc que l’Eglise change sa façon de travailler. Pas seulement aider les pauvres, mais les écouter, les aider à prendre leurs responsabilités, et se mettre à leur service.

Au niveau religieux. Dans la liturgie, on passe du latin, à l’utilisation des langues vivantes. Le prêtre n’est plus le dos tourné aux chrétiens, parce qu’on a compris que l’Eglise est le peuple de Dieu. Et que le prêtre en fait partie, il n’est pas au-dessus. On recherche aussi l’unité de tous les chrétiens. C’est ce qu’on appelle l’œcuménisme. On reconnaît la liberté religieuse. On présente Jésus, comme le Sauveur de tous les hommes. Ce qui veut dire que tous les hommes peuvent être sauvés, même en dehors de l’Eglise catholique, comme le disait déjà Paul : 1° Tim 4,10. C’est un très grand changement par rapport au Concile de Florence en 1444, au temps du pape Eugène 15, qui disait que les enfants qui ne sont pas baptisés vont en enfer. Le Concile Vatican 2 au contraire demande la liberté des consciences (des cœurs). Il dit que tous les hommes peuvent être sauvés, par des chemins que Dieu seul connaît. Ce qui veut dire que personne ne peut imposer sa foi aux autres.

Mais il y a eu aussi des problèmes. Par exemple, l’interdiction de la pilule a causé beaucoup de difficultés, à un certain nombre de chrétiens. En France, la pilule est autorisée en 1967. Mais Paul 6 l’interdit aux chrétiens en juillet 1968. Pour beaucoup de chrétiens, cela veut dire que l’on ne respecte pas leurs responsabilités. Alors que cela était pourtant demandé par le Concile. En effet, le Concile avait décidé, de mettre en place une commission sur cette question, avec des laïcs mariés. Ils ont pensé que l’on pouvait utiliser la pilule en chrétiens. Mais Paul 6 ne les a pas écoutés.

Il y a eu aussi, le schisme (la séparation) de Monseigneur Lefebvre : Jean Paul 2 et surtout Benoît 16 essaye par tous les moyens de les faire entrer à nouveau dans l’Eglise. Et de nombreux autres problèmes et difficultés!

Tout cela nous montre, que nous devons profiter des bonnes expériences du passé, pour régler nos problèmes d’aujourd’hui. En voyant comment mettre notre document, et tout le Concile, en pratique, dans les conditions de vie actuelles. Par conséquent, dans ce Concile, le plus important, ce ne sont pas textes qui ont été écrits. Ce sont les orientations (les chemins) que le Concile a pris. C’est-à-dire les directions qu’il nous donne à suivre, et le chemin dans lequel nous devons marcher. Cela nous demande des nouvelles façons de penser, mais aussi des façons nouvelles de vivre : un nouveau comportement. Cela nous demande de changer nos mentalités, en laissant les habitudes passées. Nous n’avons donc pas fini de mettre ce Concile en application. Il ne s’agit pas seulement de choses à faire, par exemple une nouvelle façon de dire la messe ou d’enseigner le catéchisme. Il s’agit d’une conversion profonde et totale, pour chacun de nous et pour toute l’Eglise. Ce 50ème anniversaire ne doit pas être une conclusion, mais au contraire un nouveau départ. Il nous faut donc continuer à étudier les textes, mais surtout voir comment rester en dialogue avec le monde actuel. Dans la prière, et en écoutant ce que le Saint Esprit nous dit. En partant de la Parole de Dieu, et de la tradition vivante de l’Eglise.

Annexe

vous pouvez trouver un exemple de réflexion sur cette 1° partie du document, dans une paroisse de Dakar, au Sénégal, en novembre 2011, dans mon site http://armel.duteil.free.fr/ , rubrique : Vatican 2, 50 ans ; article : Constitution pastorale sur « l’Eglise dans le monde de ce temps – Gaudium et Spes ».

Voici une autre présentation de cette 1° partie

Avant-propos

L’homme est au centre des soucis du Concile. Dans un monde qui change, l’Eglise veut donner aux hommes quelques principes solides, pour construire leur vie. Elle rappelle que le Christ est le centre et le but, de toute l’histoire humaine.

1ère PARTIE : L’Eglise et la vocation humaine

Grâce à la lumière de la foi, l’Eglise peut vivre à l’aise dans le monde. Car les désirs les plus profonds de l’homme viennent de Dieu : liberté, vérité, respect de la conscience.

Chapitre 1 La dignité de la personne humaine

L’homme est créé à l’image de Dieu ; mais il est marqué par le péché, et il se retrouve dans le malheur. C’est à la fois la grandeur et la misère de l’homme (n° 13). Car dans le cœur de l’homme, il y a une loi écrite par Dieu (n° 14 et 15). La dignité de l’homme, c’est sa liberté de conscience. Les responsables de l’Eglise doivent eux aussi respecter cette liberté de conscience des chrétiens, sans vouloir leur imposer une façon de vivre. Le monde moderne est bon. Mais les espoirs de l’homme moderne, avec toutes les possibilités de la science et des techniques, sont arrêtées par un mur : la mort (n° 18). Mais le Christ est plus fort que la mort. Face à l’Eglise, se tient l’athéisme. Le Concile comprend l’athéisme, comme un appel à mieux vivre la foi chrétienne, et à aider l’homme à ne pas s’enfermer dans le matérialisme (penser seulement aux choses matérielles, et à la seule vie sur terre) (n° 19-21).

L’Eglise sait que son message répond aux désirs les plus profonds du cœur de l’homme. Et que le Christ est l’homme nouveau, qui attire tous les hommes à sa suite (n° 22). En devenant homme, le Christ s’est uni à tous les hommes. Par sa résurrection et par son Esprit Saint, il fait de nous des hommes nouveaux. Il sauve tous les hommes.

Chapitre 2 La communauté humaine (n° 23-32)

Elle est nécessaire, pour vivre et travailler ensemble. C’est le désir même de Dieu. C’est Dieu qui a créé tous les hommes, et il nous demande de les aimer tous. Il veut que nous soyons uns, comme il est Un (Jean 17,21). Le modèle de la communauté humaine, c’est la Trinité. Le premier lieu où nous vivons cette unité, c’est la famille. Dieu est amour. C’est seulement en se donnant aux autres comme Dieu, que l’homme peut réussir sa vie. Toutes les organisations de la société doivent respecter la dignité de l’homme ; en particulier pour la famille et dans les questions politiques. Le Concile en tire un certain nombre de conséquences : il y a certaines forces dans la société qui nous poussent à faire le mal (n° 25).

L’utilisation des choses du monde doit être au service des personnes. Il faut donc chercher le bien commun, et respecter toutes les personnes humaines, même ses adversaires (n° 28). Il faut attaquer les erreurs, en continuant à aimer ceux qui se trompent, et les aider à trouver la vérité. Car tous les hommes sont égaux. Il faut donc chercher la justice pour tous (n° 29). Cela demande une éducation de tous (n° 30). Dans tout cela, nous nous appuyons sur l’exemple de Jésus, qui a fait de nous ses frères et ses sœurs (n° 32).

Chapitre 3 L’activité des hommes dans le monde

Ici encore le Concile voit les choses du bon côté : Dieu veut les progrès de la science. Il nous a donné l’intelligence pour cela (n° 33). Dieu nous demande de commander la nature, par le travail de l’homme qui fait avancer le monde (n° 34). L’homme grandit par le travail, à condition de pouvoir travailler dans des conditions normales. L’homme est grand par ce qu’il est, plus que par ce qu’il a. L’union entre les hommes est plus importante que les machines et le matériel (n° 35). Mais souvent, tout cela est cassé, par la recherche de l’argent et du pouvoir. La science a ses propres lois, qu’il faut respecter. L’Eglise ne doit donc pas tout commander. Mais cela n’empêche pas, que les sciences sont dans les mains de Dieu : elles dépendent de lui (n°36). C’est pourquoi personne n’a le droit d’utiliser le monde pour lui seul : le monde est à Dieu. Comme le disait Paul (1 Cor 3,2) : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu». Souvent les actions humaines sont cassées par le péché (n° 37). Il faut donc transformer la société et le monde du travail (le fonctionnement des entreprises et les autres activités économiques : voir la 2ème partie chap. 3). C’est le travail de l’Eglise. Elle peut s’appuyer pour cela, sur la force de Jésus ressuscité (n° 38). L’amour que Dieu nous demande, ce n’est pas seulement de faire l’aumône aux pauvres, mais de transformer le monde, pour que tous les hommes puissent y vivre mieux. C’est cela le témoignage des chrétiens dans le monde : aimer dans toutes les circonstances de la vie, les petites comme les grandes. Jésus nous dira à la fin du monde (Mt 25,21) : « C’est bien, bon et fidèle serviteur ! Tu as été fidèle dans les petites choses, je t’en donnerai beaucoup de grandes. Entre dans la joie de ton maître. » Pour cela nous ne devons pas chercher notre propre intérêt, mais le bien des autres.

Notre engagement dans le monde, pour construire une terre nouvelle, ne doit pas nous empêcher d’avancer ensemble, vers Dieu et son « Royaume universel ». Simplement, ce Royaume de Dieu, nous commençons à le construire sur cette terre, en nous engageant « pour la vérité et la vie, pour la sainteté et la grâce, mais aussi pour la justice, l’amour et la paix », comme le dit la Préface du Christ-Roi (n° 39).

Chapitre 4 Rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps

Elle est la levure, qui fait lever le monde. En annonçant l’Evangile, elle éclaire la vie des hommes. Elle rend plus forts, la dignité humaine, l’organisation de la société, et le travail des hommes. Elle aide les hommes, à se poser les questions les plus profondes sur leur vie, sans se laisser conduire par la mode. L’Evangile n’empêche pas les hommes de vivre leur vie. Au contraire , il augmente à la fois leur liberté et leur conscience (le sérieux dans le cœur). Le pouvoir de l’Eglise, ce n’est pas l’argent ou les armes. C’est la foi et l’amour (n° 42). Mais cela demande que les chrétiens participent à la vie de la société, sans séparer la foi et les activités ordinaires. Qu’ils mettent en pratique les qualités que Dieu leur a données. Qu’ils travaillent à construire le monde, comme Jésus le charpentier l’a fait. L’Eglise n’a pas les connaissances des sciences modernes, mais elle apporte la lumière de l’Evangile aux hommes. Elle forme leur cœur, pour les aider à bien se conduire dans le monde, et à choisir le meilleur pour la société. On ne peut pas laisser les savants et les intellectuels, diriger le monde tout seuls, d’après leurs idées, même s’ils ont beaucoup aidé.


Concile de Vatican 2, 50 ans après

Réflexions sur la constitution apostolique Gaudium et Spes (GS)

« L’église dans le monde de ce temps »

Chapitre 5 : 2° Partie,1 : La dignité du mariage et de la famillen° 46 à 52)

Vous pouvez lire d’abord :

  • le chapitre 1 : Le concile Vatican 2 : Introduction générale

  • le chapitre 2 : Comprendre le concile Vatican 2 aujourd'hui

  • le chapitre 3: L’église dans le monde de temps. Introduction au document.

  • le chapitre 4 : 1° Partie : L’Eglise et la vocation humaine (n°1à 45)

  • le Chapitre 6 :  2° Partie,2 :L’essor de la Culture (n° 53 à 62)

  • jusqu‘au chapitre 9

Voici le plan de ce dernier chapitre : L’idée principale

N° 47 : Le mariage et la famille dans le monde d’aujourd’hui. 

N° 48 : la sainteté du mariage et de la famille 

Une communauté profonde de vie et d’amour

Pourquoi Dieu a-t-il fait le mariage ?

Le mariage est un sacrement

Développer la dimension de l’Alliance

N° 49 : l’amour de l’homme et de la femme

La relation sexuelle dans le mariage

L’engagement des chrétiens dans la société

Amour moderne et mariage traditionnel

Des problèmes 

n° 50 : donner la vie dans le mariage (la fécondité).

N° 51 : Le respect de la vie humaine. La régulation des naissances 

La situation

Le Concile

Question très discutée, dans le monde

Les parents sont libres et responsables 

Pour quelles raisons ? Comment les vivre dans l’amour ?

D’autres questions de sexualité

N°52 : La responsabilité de chacun, pour faire avancer le mariage et la famille 

Des questions nouvelles

Revoir notre comportement

L’éducation des enfants

N.B. En complément de ce chapitre, vous pourrez lire la réflexion menée sur cette partie du document, dans une paroisse de Dakar, en novembre 2011, dans mon site http://armel.duteil.free.fr/ , rubrique : Vatican 2, 50 ans ; article : 2ème rencontre: La culture et la famille

A cause de l’importance du sujet, ce chapitre avait été réclamé par beaucoup d’associations familiales. Il n’a pas été écrit par les évêques seuls, mais avec l’aide des observateurs laïcs du Concile, et d’autres laïcs mariés. C’est un document de quinze pages, composé par 152 catholiques des divers continents. Il a été retravaillé de nombreuses fois en ateliers, avant d’arriver à la rédaction finale. Il s’adresse à tous les hommes, chrétiens ou non.

Il faudra compléter ces réflexions, par d’autres textes du Concile. Par exemple les n° 35 et 41 de la Constitution sur l’Eglise (LG), les n° 10 et 29 du Décret sur l’apostolat de laïcs (AA), et déjà les n° 12, 61 et 67 de ce document même. Il faudra les appliquer aux différentes cultures, dans lesquelles le mariage est vécu.

L’idée principale de ce chapitre (n° 48) vient directement de la première partie : la dignité de la personne humaine, vécue dans le mariage : « Le mari et la femme se donnent, et se reçoivent mutuellement. » Les enfants eux aussi sont des personnes, mais ils ont besoin de leurs parents. La recherche du bien des personnes (parents et enfants) est une raison supplémentaire, pour refuser le divorce et la polygamie. Et pour rechercher par tous les moyens, la fidélité dans le couple. Il faut bien voir que le mariage, c’est une organisation humaine de la société. Mais en même temps, il a été fait par Dieu, et béni par Jésus Christ. C’est une image de l’Alliance de Dieu avec les hommes, et de l’Union de Christ avec son Eglise. C’est un sacrement qui transforme l’amour humain, toujours faible et limité, en l’amour de Dieu lui-même, plus fort que la mort. Pour pouvoir nous aimer, avec la force de l’Amour du Christ lui-même. Par le sacrement de mariage, notre amour est vraiment transformé dans l’Amour du Christ. Comme le Christ a changé l’eau en vin, au mariage de Cana. Et comme l’Esprit Saint change le pain dans le Corps du Christ, au moment de l’Eucharistie. Le n° 24,3 rappelle, que l’homme est créé à l’image de Dieu. Et que le mariage est à l’image de la Trinité elle-même. Jésus priait ainsi : « Que tous soient un..., comme Toi et Moi, Père, nous sommes un » (Jn 17, 21-22). Il y a donc une ressemblance certaine, entre l’union des personnes divines, et celle des enfants de Dieu dans la vérité et dans l’amour.  Dieu en trois Personnes est Amour. Et il est famille. Nos familles cherchent à vivre, dans l’amour et la vérité de Dieu.

Résumé : Le mariage est la première forme de communauté, entre l’homme et la femme (n° 12). Mais la vie moderne et les problèmes économiques (l’argent), entraînent beaucoup de difficultés dans les familles (47). Cela a des conséquences sur la dignité des personnes, la paix et le progrès de toute la société humaine (48). Tous doivent travailler pour rendre la société meilleure, et pour protéger le mariage : les parents et les enfants, mais aussi les responsables de la société, tous les chrétiens, les savants et toutes les organisations (52).

Etudions maintenant chacun des Numéros de ce chapitre. Vous pouvez trouver des compléments dans la pièce jointe, ou dans mon site : http://armel.duteil.free.fr/ , rubrique : Vatican 2, 50 ans ; page : L’Eglise dans le monde de ce temps, 50 ans après au Sénégal, fin : la famille = extraits du document, quelques rappels de l’enseignement de l’Eglise, revoir notre comportement et nos pratiques pastorales.

N° 47 : Le mariage et la famille dans le monde d’aujourd’hui. 

Bien sûr, la famille dont parle notre document, c’est la famille qui est basée sur l’union d’un homme et d’une femme, dans le mariage tel qu’il a été créé par Dieu. Nous savons que cette idée chrétienne de la famille et du mariage, est beaucoup attaquée actuellement. On parle maintenant de PACS : un contrat entre un homme et une femme qui vivent ensemble sans se marier. Et aussi, de mariage entre homosexuels, qui demandent même à adopter des enfants, puisque eux-mêmes ne peuvent pas en avoir. Dans les films et Internet, on parle de la pornographie, la pédophilie (relation sexuelle avec des enfants : cela a toujours existé, mais on n’en parlait pas), l’inceste (relation sexuelle avec un parent), l’avortement (il n’était pas autorisé par la loi). Déjà il y a 50 ans, le Concile notait certaines de ces attaques, contre le mariage et la famille. Par exemple, au n° 47, 2 : « la polygamie, le divorce, l’amour soit disant libre, et d’autres déformations. Et aussi l’amour qui est cassé par l’égoïsme, la recherche du plaisir, et les moyens non permis pour ne pas avoir d’enfant ».

Ce document du concile reprend la conception traditionnelle du mariage chrétien. Il commence par montrer, tout ce qui salit la dignité du mariage et de la famille (n° 47, 2). Mais aussi tous les problèmes, qui viennent de la pauvreté, et des changements dans la société : les difficultés économiques (les conditions de vie), sociales (les changements dans la façon de vivre, et la culture), et psychologiques (les nouvelles idées sur le mariage, et les questions que cela amène). Actuellement, le problème le plus grave des familles en Afrique, ce n’est sans doute pas la culture moderne (l’égoïsme et l’individualisme, la liberté et le libertinage, la contraception et le mariage homosexuel…), mais la pauvreté.

Notre texte insiste sur l’importance de la fécondité, sans ignorer les problèmes de l’augmentation de la population dans le monde : nous avons dépassé maintenant, 7 milliards d’habitants sur la terre. Malgré tous ces problèmes, le Concile note « que le mariage et la famille restent des institutions fortes et solides. Et que les changements qui se font dans la société moderne, permettent même de mieux comprendre aujourd’hui, ce que sont le mariage et la famille. Les chrétiens comme les autres hommes, ne doivent donc pas se décourager » (47,3). Mais «  ils doivent savoir que la santé de la personne et de la société, dépendent de la famille et du mariage » (47,1).

N° 48 : la sainteté du mariage et de la famille 

Quelle est la définition du couple chrétien selon le Concile ? C’est « une communauté profonde de vie et d’amour ». La vie et l’amour sont très importants. C’est cela que nous devons garder à tout prix, au milieu de toutes les transformations du monde d’aujourd’hui, et de toutes les idées nouvelles sur le mariage. L’amour, vécu dans des relations sexuelles heureuses, apporte la paix. Même si le mari et la femme (le couple) ne peuvent pas avoir d’enfants. Ou ne veulent pas en avoir, pour des raisons valables. Car on ne doit pas faire des enfants n’importe comment. Il ne suffit pas de pouvoir nourrir ses enfants, il faut pouvoir les éduquer. Et leur permettre de vivre heureux, comme de vrais enfants de Dieu.

Le concile dit : « Le mariage est créé par Dieu lui-même ». On ne peut donc pas en changer les lois et les commandements, comme on veut. Mais on doit chercher à bien les comprendre. Et ensuite, voir comment les vivre dans la situation actuelle, d’après les transformations de la société. Car le monde change. Jésus disait : « Le sage dans le Royaume de Dieu, tire de son trésor, du neuf et de l’ancien » (Mat 13,52).

Pourquoi Dieu a-t-il fait le mariage ?

Le mariage est très important, pas seulement pour continuer la présence des hommes dans le monde (la procréation), mais « pour le progrès des personnes, et le bonheur de tous les membres de la famille. Et aussi, la paix et le bonheur de la société toute entière, dans une dignité qui dure  » (48,1). Le but du mariage c’est donc le progrès des personnes, la paix et le bonheur de la société. Il ne faut jamais l’oublier.

Nous connaissons les interdits du mariage : pas de polygamie, pas d’adultère, pas de divorce, mais aussi, pas d’inceste et pas d’homosexualité. Ce ne sont pas des poids trop lourds à porter, qui nous empêchent d’être libres et heureux. Au contraire, c’est ce qui nous permet d’être heureux, chacun personnellement, en famille, et tous ensemble avec les autres. Cela ne supprime pas notre liberté, car nous les vivons, volontairement et dans l’amour. C’est cela qui nous rend libres, pour mieux aimer. Quand on aime quelqu’un, on veut l’aimer totalement : on ne prend donc pas une 2ème femme, et on ne fait pas entrer une étrangère dans sa maison. Quand on aime, on a envie de rester ensemble. Et donc on ne se sépare pas. Et on n’a même pas envie de faire des relations sexuelles avec quelqu’un d’autre, car on trouve son bonheur, dans celui ou celle que l’on aime. Bien sûr, il y a des problèmes dans le mariage. Ce n’est pas toujours facile de s’entendre. Mais au lieu de se séparer, on cherche à se comprendre. On se parle. On ne se supporte pas seulement, mais on se réconcilie et on se pardonne. C’est cela qui fait grandir notre amour.

Nous voyons donc que les commandements de Dieu sur le mariage sont là, pour nous rendre heureux. Ils correspondent à ce que nous désirons, au plus profond de notre cœur. Mais surtout, nous vivons ces commandements dans la foi en Dieu. Si nous sommes fidèles l’un à l’autre, c’est parce que Dieu est fidèle. Et c’est Lui qui nous aide à être fidèles. Nous voulons être les signes et les témoins de sa fidélité dans le monde. Quand Dieu nous aime, il nous aime pour toujours. C’est pour cela que nous voulons rester toute notre vie ensemble, sans divorcer. Dieu nous aime totalement. C’est pourquoi l’homme aime sa femme de tout son cœur, totalement, et il ne marie pas une deuxième femme. Car nous sommes les témoins de l’amour de Dieu dans le monde. Et nous nous appuyons sur l’amour de Dieu, pour vivre notre amour en vérité.

Le Concile insiste sur la fécondité du mariage, et l’importance d’avoir des enfants (voir le n° 50). Mais il donne la première place à l’amour. C’est parce que l’homme et la femme s’aiment, qu’ils acceptent de s’unir pour toujours, et qu’ils font tout pour rester ensemble (contre le divorce), que le mari n’épouse qu’une seule femme (contre la polygamie), et qu’ils prennent tous les moyens nécessaires, pour rester fidèle l’un à l’autre (contre l’adultère) : ils se parlent et ils se pardonnent. On comprend donc l’importance de tous ces principes (la fidélité, pas de divorce, ni de polygamie, ni d’adultère) : c’est une conséquence de l’amour. Et non pas des commandements imposés d’en haut, sans raison, contre notre liberté et contre le plaisir.

Les enfants, de leur côté, ont besoin d’un père et d’une mère qui s’aiment, et qui restent ensemble pour les éduquer.

Le mariage est la base de la société. Refuser le mariage, c’est casser la société. Et c’est pour cela, que la fidélité est si importante, même si nous voyons beaucoup de divorces autour de nous. Et aussi l’abstinence sexuelle : attendre le mariage, pour commencer les relations sexuelles. D’ailleurs de nombreux états africains le recommandent. Par exemple, quand ils disent au sujet de la lutte contre le sida : 1)fidélité, 2)abstinence, 3)sinon condom. L’abstinence et la fidélité viennent donc en premier. Mais la fidélité et l‘abstinence sexuelle ont une valeur en elles-mêmes. Pas parce qu’on a peur du Sida. Et dans toutes les sociétés, le mariage est organisé et a ses lois.

Le mariage est un sacrement (48, 2). Le Concile reprend l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur le sacrement.

  1. « Par le sacrement Jésus, le Sauveur des hommes, le mari de l’Eglise, permet aux mariés de vivre une Alliance d’amour et de fidélité ». Ainsi ils entrent dans l’Alliance que Dieu a faite avec son peuple. Et dans la nouvelle Alliance de Jésus avec l’Eglise.

  2. Par le sacrement de mariage, « Dieu reste avec les mariés, pour qu’ils s’aiment dans la fidélité. Comme Jésus a aimé l’Eglise, et a donné sa vie pour elle ». (Ephésiens 5, 25). Nous sommes fidèles, parce que Dieu est fidèle. Et grâce à la fidélité de Jésus. Et ainsi, nous sommes témoins de la fidélité de Dieu dans le monde. Quand cela va bien, mais aussi quand il y a des problèmes, des difficultés, des souffrances, des maladies, ou qu’on ne se comprend pas. « On se marie pour le meilleur et pour le pire ».  

  3. Quand nous nous aimons, nous rendons l’amour de Dieu présent dans le monde. Comme disait Jésus « Quand 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis au milieu de vous » (Mt 18,20). Et aussi « Celui qui accueille un enfant, c’est moi qu’il accueille » (Mat 18,4). En effet, l’amour de Dieu, les hommes ne peuvent pas le voir. C’est justement le rôle des mariés chrétiens, de faire connaître cet amour de Dieu aux hommes, par leur amour. Déjà Dieu disait dans l’Ancien Testament : «Comme un jeune homme marie une jeune fille, ton Créateur te mariera. Comme un fiancé aime sa fiancée, c’est ainsi que je t’aime Israël » (Isaie 62,5). Quand un homme et une femme s’aiment, ils font connaître l’amour de Dieu aux autres. Et ils les aident à en vivre.

  4. « L’amour de l’homme et de la femme, entre dans l’amour de Dieu lui-même. Il est dirigé et rendu plus fort, par l’amour de Jésus qui nous sauve ». Par le sacrement du mariage, notre amour est transformé dans l’amour de Dieu lui-même. Comme Jésus a transformé l’eau en vin, au mariage de Cana. Et comme le pain est transformé dans le corps de Jésus pendant l’Eucharistie, que nous célébrons le jour de notre mariage. Nous pouvons alors nous aimer, avec l’amour de Dieu Lui-même. Nous sommes branchés (unis) sur l’amour de Jésus : comme la lampe branchée éclaire toute la maison. Et le Saint Esprit nous éclaire et nous conduit sur le chemin de l’amour.

  5. « Par l’Eglise, le mariage conduit les mariés jusqu’à Dieu. Il les aide et les rend plus forts, dans leur travail de père et de mère de famille », pour qu’ils soient père et mère comme Dieu lui-même, avec le même amour. Et alors, quand ils aiment leurs enfants, ils font connaître Dieu, qui est Père et Mère. Dieu disait à son peuple : «Quand Israël était jeune, je l’ai aimé. Je l’ai appelé : mon fils…J’ai appris à marcher à Ephraïm… Je le prenais dans mes bras. Je le conduisais avec des liens d’amour. Je le soulevais contre ma joue, comme un bébé. Je me penchais vers lui et je le faisais manger » (Osée 11,1-4). Et Dieu dit : »Je suis un Père pour Israël. Ephraïm est mon premier-né » (Jer 31,9). Israël, je t’ai porté dans mes bras, je t’ai allaité, je t’ai éduqué, je t’ai appris à marcher. « Comme celui que sa mère console, moi aussi, Dieu, je vous consolerai » (Isaïe 66,2+13) Et le psaume 131 dit : « Mon âme repose en paix auprès de Dieu, comme un enfant sur le sein de sa mère ». « Même si une mère oubliait son enfant, moi je ne t’oublierai pas ! Regarde j’ai creusé ton nom, à l’intérieur de mes mains » (Isaïe 49,15). On peut lire aussi Osée 2, 19 et Isaïe 50, 1-10.

  6. Ainsi par le mariage, « les mariés deviennent saints, et ils rendent gloire à Dieu » (2ème paragraphe fin). Par conséquent, pour les mariés, c’est très facile d’être saints : il suffit de s’aimer mari et femme. Et ensemble, d’aimer leurs enfants. Il nous faudra relire très souvent ce 2ème paragraphe du n° 48, où l’on retrouve sans cesse les mots de charité, amour, s’aimer. Pas l’amour des artistes et du cinéma, mais un amour à l’image de Dieu. Un amour transformé par l’amour du Christ pour son Eglise.

A partir de là, il est important de comprendre la dimension spéciale du mariage chrétien. En effet, les chrétiens ne se marient pas seulement pour s’aimer, et pour avoir des enfants : les non-chrétiens en font autant. Les mariés chrétiens ont comme première responsabilité, d’être les témoins de l’amour de Dieu. En effet, Dieu, on ne le voit pas. Mais quand je vois un homme et une femme qui s’aiment vraiment, je comprends que « Dieu est amour », comme le dit Saint Jean. Quand je vois l’amour d’un père et d’une mère pour leur enfant, je vois l’amour de Dieu. Voilà le vrai but de l’amour chrétien : montrer à tous l’Amour de Dieu, pour les entraîner eux aussi à mieux aimer. Il ne s’agit pas seulement de faire connaître l’Amour de Dieu, mais de le rendre présent dans le monde. Comme le dit ce chant : « Où sont amour et charité, Dieu est présent ». C’est pour cela, que le Concile a appelé la famille : une Eglise domestique (l’Eglise à la maison).

En Afrique, il faudra développer la dimension de l’Alliance. En effet, le mariage traditionnel est une alliance entre deux familles. Et ces relations entre les 2 familles des mariés, restent aujourd’hui encore très fortes. Même si les jeunes ont le droit de se choisir, et de se marier librement, ils ont encore besoin du soutien et des conseils de leurs parents, pour que leur mariage soit solide. Si les mariés veulent bien s’entendre, il faut que chacun respecte la famille de l’autre, toute sa grande famille. Simplement, maintenant, c’est ensemble, mari et femme, qu’ils doivent aimer leurs 2 familles. On dit souvent : « La mère de ta femme, c’est ta mère ; le père de ton mari, c’est ton père ». Et cette alliance du mariage remonte jusqu’aux ancêtres : il ne faut pas les oublier ! Le mariage chrétien est lui aussi une alliance. C’est un moyen spécial, de vivre l’Alliance de Dieu avec les hommes, et l’Union du Christ avec son Eglise (Eph 5). Cette dimension a été souvent oubliée, dans le monde occidental. Il faut la conserver en Afrique, grâce à l’alliance traditionnelle des deux familles. Il est donc nécessaire de réfléchir plus profondément à cette question, pour mieux comprendre le sens du sacrement, dans la culture africaine.

Pour continuer cette réflexion, voir mes livres sur le mariage : Le secret d’un mariage heureux ; Notre amour a réussi : Et quand ça ne va pas dans notre mariage ? Nous partageons notre amour.

N° 49 : l’amour de l’homme et de la femme

Après avoir expliqué les qualités et la sainteté du mariage, notre document explique ce qu’est l’amour de l’homme et de la femme.

Avant leur mariage, « les fiancés doivent vivre un amour plein de sentiments, mais dans la chasteté ». C’est-à-dire dans la pureté, la dignité et le respect de l’autre. Sans chercher à prendre et à profiter, mais au contraire en se donnant à l’autre.

Les mariés vivront leur union dans un amour total, selon la parole de Dieu. Voir par exemple : Genèse 2, 21-24. Proverbes 5, 18-20 ; 31, 10-31. Tobie 8, 4-8. Le Cantique des Cantiques 1, 2-3 ; 2, 16 ; 4, 16 à 5, 1 ; 7, 8-14. Mat 19,1-15. 1ère aux Corinthiens 7, 3-6 et 13,1-13. Éphésiens 5, 25-33, etc.

  1. Cet amour authentique est recherché, par beaucoup d’hommes et de femmes de notre temps. Mais il doit être vécu d’après la culture et les coutumes de chacun, et d’après leur âge.

  2. Cet amour « sera vécu d’une manière vraiment humaine  (et non pas animale). On cherchera le bien de la personne toute entière (pas seulement le plaisir du corps). Car l’amour va d’une personne à une autre personne ».

  3. Le Concile ne rejette pas le plaisir sexuel. Le plaisir est bon, il a été créé par Dieu. Dès que Adam voit sa femme Eve pour la première fois, il saute de joie en disant : « pour le coup, c’est vraiment l’os de mes os, et la chair de ma chair » (Genèse 2, 23). Il est donc important de développer entre les hommes mariés « les gestes du corps et les sentiments » : la relation sexuelle est bonne. Elle est « le signe spécial de l’amitié entre homme et femme mariés ».

  4. C’est difficile de s’aimer, mais Dieu nous donne son amour « comme un cadeau spécial de sa grâce et de sa bonté.  Et Jésus a guéri notre amour, il l’a rendu meilleur et il l’a relevé ».

  5. Notre amour est vécu dans la foi. Il est donc à la fois « humain et divin. Il nous conduit à nous donner l’un à l’autre, dans la liberté. Nous nous montrons notre amour par des sentiments, mais aussi par des gestes de tendresse. Il transforme toute notre vie. »

  6. « A chaque fois que nous nous aimons, notre amour grandit à nouveau ». L’amour et le mariage sont comme tout le reste de vie : c’est un long chemin. Parfois nous avançons, et parfois nous reculons. Mais nous ne nous décourageons pas. Même nos fautes et nos erreurs peuvent nous servir à avancer. Si nous savons y réfléchir, et en tirer des conclusions. Et nous savons que Dieu marche avec nous, dans cette longue histoire, de notre amour et de notre mariage. C’est notre histoire sainte, que nous voulons vivre avec tout le Peuple de Dieu. Comment vivre cet amour ? Nous pouvons relire 1ère aux Corinthiens 13, 1-8

En écoutant tout cela, un des participants a demandé : « mais pourquoi, on ne nous explique pas tout cela ? ». C’est justement cela notre responsabilité : pas seulement aux prêtres, mais d’abord aux laïcs mariés. C’est pour cela qu’il faut mettre en place, une préparation des fiancés au mariage. Et aussi des commissions de la famille, et des équipes de foyers. Sans oublier une véritable éducation sexuelle des jeunes. Est-ce que cela existe dans notre paroisse ? Comment cela se fait-il, et par qui ?

Un autre participant disait : « mais quand on parle d’amour, ce n’est pas cela que les gens comprennent. Les chanteurs parlent sans arrêt d’amour, dans leurs chansons. Mais ce n’est pas de cette façon ! » C’est vrai. D’ailleurs le Concile l’a déjà dit : « l’amour chrétien dépasse de beaucoup, le seul désir érotique (la recherche du plaisir sexuel). Si on cherche le plaisir sexuel, seulement pour lui-même (en dehors de l’amour), il meurt vite. Et d’une façon très triste ». Actuellement on parle beaucoup de révolution sexuelle, et de liberté sexuelle. Mais souvent cette révolution, au lieu d’être une libération, devient un nouvel esclavage : l’esclavage du corps et du plaisir, cherché à tout prix et par n’importe quel moyen. Cela ne peut que rendre obsédé et malheureux.

Déjà, le n° 24,3 rappelait que l’homme est créé à l’image de Dieu. Et que le mariage est à l’image de la Trinité elle-même. Jésus priait, juste avant sa mort  (Jn 17, 21-22) : « Que tous soient un..., comme Toi et moi, Père, nous sommes un […] Il y a une certaine ressemblance entre l’union des 3 personnes divines, et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. » Dieu en trois Personnes est Amour et il est famille. Nos familles doivent vivre dans l’amour et la vérité de Dieu. La personne humaine, voulue par Dieu pour elle-même, n’existe vraiment, que quand il y a l’amour.

Paragraphe 2

Autrefois, des théologiens parlaient de la relation sexuelle dans le mariage, comme « un remède à la concupiscence ». C’est-à-dire qu’on avait des relations sexuelles entre mari et femme (le devoir conjugal), pour satisfaire notre désir, et pour ne pas aller chercher ailleurs ! Ce n’est pas du tout de cette façon, que le Concile parle de la relation sexuelle. Il parle « d’amour qui se montre d’une manière spéciale, entre gens mariés… La relation sexuelle est une union profonde et pure des mariés. Cette une action bonne et digne, par laquelle l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre. Ainsi ils grandissent ensemble dans la joie, en se disant merci ».

Mais pour connaître cette grande joie, il y a des conditions. Quelles sont-elles ?

  1. Un engagement de l’un envers l’autre, qui est rendu saint par le sacrement du mariage.

  2. Etre fidèle, pas seulement dans son corps (ne pas faire d’adultère), mais dans son esprit (ses pensées) et son cœur. Jésus disait bien : « Celui qui regarde une femme (ou un homme) pour la désirer, il a déjà fait l’adultère dans son cœur » (Mat 5, 27) : le désirer pour prendre dans l’autre notre propre plaisir égoïste, au lieu de nous donner à lui, pour le rendre heureux lui (ou elle).

  3. On rejette donc l’adultère (les relations sexuelles faites avec quelqu’un d’autre), et le divorce (se séparer).

  4. On garde sa dignité, et on fait grandir la dignité de l’autre, celle de la femme aussi bien que celle de l’homme. Dans la relation sexuelle, on se respecte, dans un amour total.

  5. Pour tout cela, il faut en prendre les moyens : la vertu (faire le bien). On cherche un amour fort et grand, prêt à supporter et à souffrir pour l’autre, pour mener une vie sainte.

  6. Un tel amour est comme le feu, il faut le nourrir et le faire grandir, par la grâce de Dieu et par notre prière. Et par tous les gestes d’amour, les sentiments, les tendresses et les caresses de la vie de chaque jour. Il faut que les époux se parlent, pour partager leurs sentiments. Et qu’ils trouvent leurs propres gestes de tendresse, selon leur cœur, sans vouloir copier les artistes ou la télévision.

Voir mon livre : Comment réussir nos relations sexuelles.

Paragraphe 3

Cet amour de l’homme et de la femme doit être respecté par tous. Comment cela se fera-t-il ? C’est « si les mariés chrétiens donnent au monde, le témoignage d’un amour plein de fidélité et d’entente. Qu’ils se donnent, pour bien éduquer leurs enfants. Qu’ils s’engagent dans la société, en prenant leurs responsabilités, pour amener des idées nouvelles sur mariage et la famille : au niveau de la culture, des idées et de la vie en société ». En le partageant avec tout le monde. Cela pose la question de l’engagement des chrétiens dans la société, à tous les niveaux : dans les médias (les journaux, la radio, la télévision), pour faire connaître la beauté de l’amour. Dans l’économie, pour permettre aux familles d’avoir de quoi vivre normalement, et de bien éduquer leurs enfants. Dans la politique, pour soutenir les familles ; pour faire voter des lois qui protègent le mariage, la famille mais aussi les enfants, même ceux qui sont nés en dehors du mariage ; pour donner aux femmes toute leur place dans la société etc.

Dans ce que dit ici le Concile, le mot important est : dévouement, c’est-à-dire se donner. Se donner l’un à l’autre, se donner ensemble à ses enfants, se donner pour le bien de toute la famille, pour le quartier ou le village et le pays tout entier. Comme Jésus a donné sa vie pour nous, totalement et par amour. Jésus disait : « Heureux ceux qui ont un cœur pur, ils verront Dieu » (Mat 5, 8). C’est cela la pureté. Pas seulement, laisser l’adultère. La pureté c’est la force d’un amour très beau, qui pense aux autres avant de penser à soi (la chasteté).

Le Concile par ce document, montre bien la différence entre l’amour chrétien, qui vient de Dieu, et l’amour moderne, tel qu’il est souvent présenté dans les chansons ou les films. Pourtant, tout n’est pas mauvais dans cet amour moderne. Il peut nous aider à vivre notre amour, d’une manière nouvelle, et meilleure. De toutes façons, c’est dans ce monde moderne d’aujourd’hui, que nous devons nous aimer, aimer nos enfants, faire vivre notre famille, et vivre ensemble avec les autres.

Bien sûr, nous gardons nos coutumes et nos traditions. Mais nous voyons bien, tout ce qu’il y a à faire, pour faire grandir et transformer l’amour, tel qu’il nous a été enseigné par nos ancêtres. Cela doit aller dans les deux sens. Notre amour traditionnel doit devenir plus chrétien. Pour cela, il faut laisser la polygamie et donner sa vraie place à la femme. Comme mère, mais d’abord comme épouse, amie du mari. Et comme personne, avec sa dignité et sa liberté. Il faut que la famille respecte davantage le couple et le laisse libre. Il faut revoir la question de la dot. Et aussi la façon dont on traite les femmes stériles (alors que c’est peut-être le mari qui est stérile). Et beaucoup d’autres choses. Mais l’Eglise doit aussi davantage respecter le mariage traditionnel. Et aider à en garder toutes les richesses, les qualités et les valeurs. Cela fait partie de l’inculturation, dont on parle souvent maintenant. L’Eglise ne le fait pas assez. Par exemple, le mariage traditionnel est une alliance entre deux familles, et il a une dimension communautaire. C’est un mariage progressif, par étapes, ce qui permet de mieux se connaître. Et de laisser le temps à l’amour entre l’homme et la femme de grandir, et aussi l’alliance entre leurs deux familles. Est-ce que l’Eglise tient suffisamment compte de tout cela ? De plus, il y a différentes façons de célébrer le mariage, d’après les coutumes et la civilisation

Des problèmes

Actuellement, dans l’Eglise, on se pose de plus en plus la question des divorcés qui se sont remariés. Est-ce normal de leur interdire de recevoir la communion, dans tous les cas ? Sans voir pour quelles raisons ils se sont séparés, ou même ont été abandonnés. Et sans regarder le grand engagement de certains, dans le monde et dans la société. Et déjà la profondeur de leur amour et de leur vie de famille, dans ce deuxième mariage.

Il y aurait aussi beaucoup à faire pour les femmes abandonnées. Pour les veuves et les orphelins, que l’on fait beaucoup souffrir, d’après certaines coutumes. Pour les enfants nés hors mariage. Et aussi, pour les jeunes filles qui ont avorté : souvent elles sont rejetées et méprisées, alors qu’elles ont déjà beaucoup de problèmes. Elles auraient surtout besoin de soutien, et d’être comprises et accueillies. Car c’est très important, d’avoir une très belle idée du mariage. Mais c’est aussi très important, de voir comment aider et accueillir, ceux qui souffrent et qui sont blessés dans leur amour. Notre document n’a pas abordé ces questions-là, au Concile Vatican 2. Mais il faut que nous le fassions à tout prix maintenant.

En conclusion de ce n° 49

ce qui est important, ce n’est pas le contrat et les règlements du mariage, ni la dot, mais bien l’amour entre l’homme et la femme et pour les enfants. Cet enseignement peut être une grande richesse, et un grand soutien, pour le mariage vécu en Afrique. Comme cela a été un grand progrès dans l’enseignement de l’Eglise : cette reconnaissance de l’amour humain, y compris dans les sentiments, les gestes de tendresse et jusqu’à la relation sexuelle : « ce sont des actes honnêtes et dignes, qui réalisent l’union intime des époux ».

Mais le Concile remarque avec raison, que l’amour doit être nourri, pour pouvoir vivre et grandir. Et qu’il faut donc prendre les moyens pour cela. Pas seulement le sacrement de mariage ou la prière, mais aussi toutes les connaissances des sciences sociales et humaines modernes. Sans oublier le soutien des frères et des sœurs et de la communauté.

Lorsque le Concile parle de l’amour, il s’agit bien sûr « d’un amour fort, courageux, prêt à se sacrifier. Un amour qui dépasse de beaucoup le seul désir érotique » (le simple plaisir sexuel). D’où l’importance d’une véritable préparation au mariage. Il y a beaucoup de choses à faire encore, à ce niveau. Il faudra réfléchir également, à l’importance de la prière, dans le couple et avec les enfants, et du partage de la Parole de Dieu en famille. Mais aussi la nécessité de transformer l’opinion publique (les idées des gens et ce qu’on dit à la radio et à la télévision), sur l’amour et le mariage. Pour garder les valeurs traditionnelles de la culture africaine, en y ajoutant les qualités et les valeurs du mariage moderne.

Au sujet de l’amour, vous pouvez lire mes livres : Aimer, qu’est-ce que c’est ? J’ai soif d’amour. Qui m’apprendra à aimer ? Apprenons à nous connaître. Vivre d’amour. La joie de vivre ensemble.

n° 50 : donner la vie dans le mariage (la fécondité).

Le Concile rappelle que le mariage et l’amour restent ordonnés à la procréation : avoir des enfants et les éduquer. Et que les enfants font grandir l’amour, entre les parents eux-mêmes.

Dans nos traditions, on se mariait d’abord pour avoir des enfants. Pas seulement pour avoir beaucoup de bras, pour travailler au champ, comme on le dit souvent. Mais surtout, pour la joie d’être parents, et continuer la vie reçue des ancêtres. Et aussi pour faire grandir la famille : qu’elle soit honorée et respectée. Il nous faut chercher, comment garder la valeur de ces traditions, dans nos façons de vivre le mariage actuellement.

Le Concile, comme nos ancêtres, insiste sur la fécondité dans le mariage. Il explique : « Les enfants sont le plus grand cadeau du mariage, et ils aident beaucoup au bien des parents eux-mêmes ». Avoir des enfants, c’est participer directement à l’action de Dieu : Dieu passe par les parents, pour faire grandir sa vie dans le monde, et pour enrichir la famille des enfants de Dieu (§ 2). C’est pourquoi, «Les parents doivent réfléchir sérieusement, pour voir combien d’enfants ils veulent mettre au monde. C’est à eux de décider ensemble, mari et femme. Après avoir prié et écouté la Parole de Dieu dans leurs cœurs, et aussi ce que dit l’Eglise ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

  1. « Ils prennent leurs responsabilités, en chrétiens ».

  2. « Ils se mettent d’accord mari et femme » : ce n’est pas au mari de décider tout seul.

  3. « Ils pensent à la fois à leur bien, et au bien des enfants »

  4. « Ils voient les conditions matérielles et spirituelles, pour avoir des enfants, dans le monde d’aujourd’hui, et d’après leur situation de famille ». En effet le monde a changé. Et toutes les familles n’ont pas les mêmes possibilités : ni pour l’argent, qui est nécessaire pour prendre soin des enfants, ni pour les qualités intellectuelles et spirituelles (de l’esprit et du cœur), pour bien les éduquer.

  5. « Ils cherchent le bien de la communauté familiale (la grande famille). Ils voient aussi les besoins de la société et de l’Eglise. »

« Quand les parents chrétiens acceptent des sacrifices, pour éduquer leurs enfants, et qu’ils prennent leurs responsabilités de parents, ils rendent gloire à Dieu, qui est notre Père. Ils se rapprochent du Christ, et ils deviennent plus saints ». Donc pour être saints, les parents chrétiens n’ont pas besoin de faire des choses extraordinaires, des grandes prières ou de grands pélerinages. C’est en faisant bien leur travail de parents, dans les petites choses de chaque jour, qu’ils deviennent saints. Et en le faisant ensemble, mari et femme, dans l’amour.

Le paragraphe 3 parle d’un problème important et qui fait beaucoup souffrir en Afrique. C’est quand on n’a pas d’enfants. Le Concile rappelle « que le but du mariage, ce n’est pas seulement de faire des enfants ». Le plus important c’est l’Alliance entre les deux familles, et avec Dieu dans l’Eglise. C’est aussi l’amour entre l’homme et la femme, qui portent ensemble cette grande souffrance, de ne pas avoir d’enfants. Mais surtout, ils se souviennent qu’ils peuvent donner la vie, autrement qu’en faisant des enfants. Par toutes les façons de faire grandir la vie et l’amour, dans la communauté chrétienne et dans la société. Car donner la vie, ce n’est pas seulement faire des enfants. C’est tout ce qui permet aux hommes, de mieux vivre dans le monde. C’est pourquoi « même si on n’a pas d’enfants, le mariage garde toute sa valeur, comme communauté et communion de toute la vie ». (Voir mon livre : Un amour qui donne la vie)

Depuis la Genèse et dans toute la tradition de l’Eglise, le mariage est fondé sur le couple (l’union de l’homme et de la femme, dans l’amour et la liberté). Le couple passe avant la grande famille, au contraire de l’idée traditionnelle du mariage. Cependant quand l’Eglise insiste sur l’importance de donner la vie, cela rejoint le désir d’enfant de la société traditionnelle. Mais avec une raison différente : il ne s’agit pas seulement de faire grandir la famille ou l’ethnie, ni même l’Eglise. Il s’agit de montrer aux hommes l’amour de Dieu qui est Père, et qui donne la vie. Et cela correspond, au désir le plus profond de notre cœur. En effet, quand les époux s’aiment, ils veulent rester ensemble, parce qu’ils sont heureux. Mais en plus, ils désirent avoir des enfants, pour faire grandir leur bonheur, et le partager. En sachant que ce bonheur vient de Dieu Lui-même.

N° 51 – Le respect de la vie humaine. La régulation des naissances 

Actuellement, avec la venue des pilules et des autres méthodes de régulation des naissances, on peut faire des relations sexuelles, sans risque de grossesse. Cela a complètement transformé la façon de vivre la sexualité. Que penser de ces méthodes ? C’est une question difficile. C’est vrai que le plus important dans le mariage, c’est l’amour. Et notre document parle longuement de l’amour conjugal (entre mari et femme), au n° 49. C’est vrai qu’avec les méthodes de régulation des naissances, l’homme et la femme peuvent s’aimer, et se donner l’un à l’autre sans peur, dans leurs relations sexuelles, même s’ils ne veulent pas avoir d’enfants pour le moment. C’est un grand progrès. Cela libère la femme, de grossesses trop nombreuses et trop rapprochées, avec toutes leurs conséquences. Cela permet une meilleure éducation des enfants. Mais il ne faudrait pas en arriver à refuser de donner la vie, si l’on n’a pas de vraies raisons pour cela (voir le n° 50). Ce n’est pas normal de refuser d’avoir des enfants, seulement pour mener une vie tranquille (ne pas se fatiguer avec des enfants), pour être libre de faire ce qu’on veut (aller au cinéma et aux soirées dansantes quand on en a envie), ou à cause de l’argent (acheter une moto ou un frigidaire, plutôt qu’avoir un enfant) : « car le mariage et l’amour de l’homme et de la femme sont dirigés vers les enfants, à mettre au monde mais aussi à éduquer » (48,1). Et c’est cela qui rend vraiment heureux. Beaucoup plus que la voiture ou les soirées dansantes. Même si cela demande des efforts et des sacrifices. Un proverbe dit : » c’est celui qui a le courage de monter sur la montagne, qui peut voir le soleil se lever ».

Sur cette question difficile, on n’a pas encore trouvé de solution parfaite. Le Concile reconnaît « qu’il y a des conditions de vie et des situations, où il n’est pas possible d’avoir des enfants. Et si le mari et la femme arrêtent complètement leurs relations sexuelles, il sera difficile pour eux de garder un amour fidèle, et une communauté de vie (de rester vraiment unis mari et femme). L’éducation des enfants risque d’en souffrir. Et les parents n’auront plus le courage nécessaire, pour accepter d’autres enfants. » C’est toute la question de la régulation des naissances (§ 1).

D’abord le Concile refuse « les solutions malhonnêtes, qui vont jusqu’à tuer des enfants » (avant ou après leur naissance : avortement ou infanticide (§ 2). « On doit donc protéger la vie humaine dès le début, quand l’enfant est encore dans le ventre de sa mère » (§ 3). Mais le Concile rappelle aussi que « la loi de Dieu ne peut pas aller, contre un vrai amour entre l’homme et la femme. »

Le Concile dit encore: « Les chrétiens ne doivent pas suivre des chemins, que les responsables de l’Eglise refusent. » (§ 3 fin). Mais en même temps, le Concile n’a pas voulu décider, quels moyens sont bons, et lesquels sont mauvais, pour la régulation des naissances. Il a demandé au pape d’y réfléchir. Le pape Paul 6 l’a fait. Et dans sa Lettre sur la vie humaine (HV), il a accepté seulement les méthodes naturelles, mais pas la contraception (les produits et les appareils). Cela a entraîné beaucoup de difficultés. Et même, cela a découragé beaucoup de chrétiens. Certains à cause de cela ont quitté l’Eglise, surtout en Europe. Parce qu’ils pensaient que cette interdiction n’était pas juste, et qu’elle ne respectait pas leur liberté, ni leurs responsabilités de parents. D’autres chrétiens continuent à venir prier. Mais pour cette question, ils ne suivent pas l’enseignement de Paul 6. Ils utilisent la contraception, parce que les méthodes naturelles de régulation des naissances leur semblent trop difficiles à utiliser. Ou simplement, ils ne les connaissent pas. En tout cas, on peut regretter la façon dont cette décision a été prise. En effet, le Concile a confié le problème à une commission, composée en particulier de laïcs chrétiens mariés, engagés et connaissant bien ces problèmes. Ces laïcs ont pensé que les chrétiens pouvaient très bien utiliser ces méthodes, s’ils le faisaient pour des raisons valables : dans le respect l’un de l’autre et l’amour, pour le bien de leurs enfants, de leur couple mari, de toute la famille et de la société. Malheureusement Paul 6 ne les a pas écoutés, et il s’est laissé influencer par d’autres personnes. En particulier les évêques et cardinaux autour de lui à Rome, qui eux ne sont pas mariés et ne vivent pas ces problèmes. C’est cela qui a découragé beaucoup de chrétiens. N’est-ce pas une leçon pour l’avenir ? C’est le Pape qui doit décider. Mais il est important qu’il écoute le mieux possible le peuple de Dieu.

Cette question reste présente, jusqu’à maintenant. Car les moyens de régulation avancent. Il faudrait donc réfléchir à nouveau, pour voir ce qu’on peut en dire dans la situation actuelle du monde, après les progrès de la science et de la médecine moderne, mais aussi de la réflexion religieuse : pour « être fondé sur la vérité, basé sur la justice et animé par l’amour » comme les évêques du Concile l’ont écrit dans ce document. Il nous faut donc continuer à réfléchir, en conservant l’esprit de l’Evangile. Pour continuer à vivre « dans un amour véritable, en se donnant l’un à l’autre, dans la chasteté, et selon les possibilités humaines d’avoir des enfants. » Pour les mariés, la chasteté ne signifie pas l’abstinence (rester sans faire de relations sexuelles). C’est vivre ces relations dans l’amour, le respect et la pureté. En cherchant le bien de l’autre, et pas seulement son plaisir personnel. C’est cela qui est le plus important. Saint Paul conseillait (1 Cor 7,5) : « Ne restez pas sans relation sexuelle, sauf si vous êtes bien d’accord tous les deux, pour vous donner à la prière. Et seulement pendant un moment. Ensuite mettez-vous à nouveau ensemble. Sinon, Satan va en profiter, pour vous faire tomber dans le péché (adultère ou infidélité). »

Cette question de la régulation des naissances est très discutée, dans le monde. En effet, il y a des grossesses non désirées, et alors l’enfant risque de ne pas être aimé. Des jeunes filles trop jeunes se retrouvent enceintes. Et cela se termine souvent par des avortements, des accouchements difficiles ou des problèmes de santé. Les familles trop nombreuses ont de la peine, à nourrir et à éduquer leurs enfants. Des mères, fatiguées par des grossesses trop nombreuses et trop rapprochées, vieillissent vite, sans avoir pu vivre leur vie de femme. Et elles doivent parfois supporter les désirs sexuels violents de leur mari, qui ne pensent pas aux conséquences de leurs actes. Pour arrêter cela, les conférences des Nations Unies (Le Caire, septembre 94 ; Pékin, septembre 95) ont voulu imposer la contraception, et autoriser l’avortement. Il y a même des pays, où on a stérilisé des femmes ou des hommes, parfois sans même qu’ils le sachent. Bien sûr, l’Eglise n’accepte pas cela.

Mais cela ne veut pas dire, que les chrétiens doivent faire le maximum d’enfants possibles. Ils sont libres et responsables : ils doivent donc réfléchir au nombre d’enfants qu’ils sont capables d’élever. Pas seulement les nourrir, mais surtout les éduquer. Ce qui n’est pas possible, quand on a trop d’enfants, même si on est riche. Ensuite, mari et femme cherchent ensemble, quels moyens de limitation des naissances ils vont utiliser. Bien sûr, Dieu a commandé, dans la Genèse : « Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre. » Mais nous sommes maintenant 7 milliards d’hommes sur la terre. N’est-elle pas bien remplie? Et surtout, Dieu a ajouté : « Soumettez la terre. » (Gen 1,28) Si nous devons soumettre la terre, ne devons-nous pas commencer d’abord, par soumettre notre sexualité et notre fécondité (le nombre de nos enfants) ?

En tant que chrétiens, nous n’acceptons pas toutes les idées, qui nous viennent de partout, sur cette question. Par exemple sur le mariage, l’avortement ou l’homosexualité. Même si elles sont autorisées par la loi de notre pays. Car il y a des lois mauvaises. Donc tout ce qui est permis par la loi, n’est pas obligatoirement bon. Et même si dans certains pays, on ne veut plus avoir d’enfants, en Afrique nous continuons à en vouloir. Il faut pourtant bien réfléchir, et prendre nos responsabilités. Autrefois nos parents vivaient dans des villages, et ils allaient travailler aux champs. Il fallait beaucoup de bras pour travailler la terre. Maintenant des outils et des machines aident dans le travail. Nous sommes devenus nombreux, et il y a des enfants qui n’ont même plus de terre à travailler. Ils partent en ville, où ils sont chômeurs. Ils deviennent même délinquants. Bien sûr, c’est important d’avoir des enfants, pour nous soigner dans notre vieillesse ou dans la maladie. Mais il ne faut pas faire des enfants pour notre propre intérêt. Car certains parents n’aiment pas vraiment leurs enfants  pour eux-mêmes: ils veulent avoir des enfants, seulement pour leur propre avantage ou l’honneur de la famille. Et au niveau de la société, ne vaudrait-il pas mieux créer une sécurité sociale pour tous (et pas seulement pour les fonctionnaires) comme cela commence à se faire dans certains pays : que l’état nous aide pour élever nos enfants (allocations familiales), pour notre santé, et pour notre vieillesse (pension de retraite). De plus, la médecine a fait des progrès : moins de bébés meurent à la naissance ou en bas âge. Autrefois, pour avoir trois enfants adultes, il fallait en mettre dix au monde. Maintenant trois enfants ont assez de chances de devenir trois adultes.

Donc, il nous faut garder l’amour des enfants et de la vie, comme la tradition nous l’enseigne. Mais il nous faut aussi voir, comment donner la vie dans les conditions actuelles. Et combien avoir d’enfants, puisque nous avons maintenant des moyens de limiter les naissances. Car Dieu ne nous demande pas, d’avoir le maximum d’enfants possible. Il nous demande d’avoir des enfants le plus heureux, et le mieux éduqués possible. Pour vivre comme des vrais enfants de Dieu.

C’est pourquoi, nous nous demandons pour quelles raisons, nous voulons limiter les naissances : est-ce par amour des enfants déjà nés, et pour mieux les éduquer ? Est-ce pour une meilleure santé, et une meilleure vie de la mère ? Ou bien, est-ce que nous refusons d’avoir un bébé, par égoïsme et pour être libres de faire ce qui nous plaît? Ou pour faire comme les blancs ? Est-ce parce qu’un enfant coûte cher, et que nous préférons acheter une voiture? Qu’est-ce qui est le plus important, la voiture ou l’enfant ? Mais nous pouvons aussi espacer les naissances, pour une meilleure santé de la mère, et le bien de toute la famille. Et pour une meilleure éducation des enfants : leur donner la nourriture, les habits et les autres choses nécessaires, et leur payer l’école ; mais surtout donner à chacun le temps et l’amour, dont il a besoin. C’est important de nous interroger, et de demander conseil. Personne ne peut décider à notre place.

Pour bien choisir, rappelons-nous ce que les évêques ont dit au n° 50, au sujet des naissances : « Les parents doivent prendre leurs responsabilités, au point de vue humain et chrétien, en respectant Dieu et en lui obéissant… Ensemble, et en étant bien d’accord. Ils doivent avoir des pensées droites. Ils pensent à la fois à leur bien et au bien des enfants, ceux qui sont déjà nés et ceux qui vont venir. Ils voient quelles sont les conditions de leur vie actuelle et leur situation, aussi bien au point de vue matériel que spirituel. Enfin ils pensent au bien de leur famille, de la société et de l’Eglise elle-même. La décision finale, ce sont les parents eux-mêmes qui doivent la prendre, devant Dieu. Mais qu’ils se rappellent qu’ils ne doivent pas faire seulement ce qui leur plaît. Ils doivent toujours écouter leur cœur (leur conscience) et faire que leur cœur suive la loi de Dieu. Qu’ils écoutent l’enseignement de l’Eglise, qui a le droit d’expliquer les commandements de Dieu, à la lumière de l’Evangile. C’est la loi de Dieu qui donne toute sa valeur à l’amour entre l’homme et la femme, qui le protège et le rend vraiment humain » (n° 50).

Donc, quelle que soient la méthode que nous choisissons d’utiliser, nous le faisons toujours pour mieux nous aimer entre nous, et pour le plus grand bien de nos enfants. Et toujours avec respect l’un envers l’autre. Après avoir prié. Et en voyant ce que nous sommes capables de vivre. C’est cela le plus important : pour quelles raisons voulons-nous limiter les naissances ? Et comment allons-nous utiliser ces méthodes ? Voir mes livres sur cette question, en particulier : Une sexualité libérée, et Un amour qui donne la vie.

Le § 4 nous rappelle que : « notre vie humaine, comme celle des enfants, ne s’arrête pas à la vie sur terre. Cela touche aussi notre vie éternelle, auprès de Dieu. » Mais déjà, vivre dignement et d’une façon humaine, en commençant par notre famille, cela fait grandir l’Eglise, et le Royaume de Dieu sur la Terre. Et nous nous rappelons que le plus important, ce n’est pas le nombre des enfants que nous mettons au monde. Mais la qualité de l‘éducation que nous leur donnons. Rappelons-nous également que la régulation des naissances, ce n’est pas seulement diminuer le nombre des enfants. C’est aussi lutter contre la stérilité, pour avoir des enfants, quand on n’y arrive pas.

Il y a d’autres questions de sexualité, dont le Concile n’a pas parlé, mais dont on parle beaucoup actuellement. Il nous faut y réfléchir, sérieusement et mais sans condamner les personnes. Par exemple, aux questions de l’homosexualité, de la fécondation médicale ou du clonage. Et aussi à l’ordination des femmes ou d’hommes mariés. Et à la possibilité pour les divorcés remariés de communier, dans certaines conditions. Il nous faut voir aussi que faire, pour que les affaires de pédophilie disparaissent, en particulier dans l’Eglise, spécialement au niveau des prêtres et des religieux.

N°52 : La responsabilité de chacun, pour faire avancer le mariage et la famille

Enfin le document parle de l’organisation du mariage (n° 52) :« Le mariage et la famille, c’est la responsabilité de tous. » Notre document explique (§ 1 et 2) :

  1. Les premiers responsables, ce sont les parents. En effet, la famille est une école, où notre valeur d’homme grandit … Mais cela demande, que nos cœurs soient pleins d’amour. Pour mettre ensemble, mari et femme, nos pensées et nos efforts, pour l’éducation de nos enfants. Le père est important, même si la mère s’occupe spécialement de la famille, surtout des enfants les plus jeunes. Sans oublier qu’elle a aussi le droit de travailler, et de prendre des responsabilités dans la société. Les parents doivent « éduquer leurs enfants, pour qu’ils deviennent des adultes responsables; qu’ils répondent à l’appel de Dieu, dans la vie religieuse ou dans le mariage ; qu’ils vivent dans de bonnes conditions morales (bien se conduire et être à l’aise dans la société) et économiques (avoir les moyens de vivre). Les parents et les tuteurs doivent donner des conseils aux jeunes, et les aider à fonder une famille. Mais en les laissant libres de choisir leur façon de vivre. Et de choisir librement leur mari ou leur femme, s’ils décident de se marier ».

  2. La famille : il s’agit ici de la grande famille, « lieu de rencontre de plusieurs générations (plusieurs âges),  où on s’entraide, pour avoir plus de sagesse et d’intelligence. Et où on apprend à respecter à la fois, les droits de la personne et les devoirs de la vie ensemble : c’est la base de la société. » Même si nous vivons en ville, loin de nos parents et du village, il est important de garder de bonnes relations, avec les parents de nos deux familles. Pas seulement pour qu’ils nous donnent de l’argent ou de la nourriture. Mais pour soutenir notre couple, mari et femme, pour mieux vivre dans l’amour. Et pour l’éducation de nos enfants, dans les conditions difficiles de la vie moderne.

  3. « Tous ceux qui ont une influence, sur les communautés et les groupes de la société, doivent défendre le mariage et la famille avec efficacité. » Il ne suffit pas d’avoir des commissions de la famille, des centres de préparation au mariage, ou des équipes de foyers dans nos paroisses, pour aider les gens mariés et bien préparer nos enfants au mariage. (Mais parfois, cela n’existe même pas !). Il faut aussi, que nos groupes et mouvements chrétiens travaillent avec les autres organisations de la société. Là aussi, Jésus nous dit : « Allez dans le monde entier. » (Marc 16,15) « Vous êtes le sel de la terre. » (Mt 5, 12) « Construisez une Terre nouvelle. » (Apoc 21,1) « avec tout le peuple » (Is 65,1-19), «  pour que notre famille et notre ethnie soit bénie de Dieu. Et que notre nom dure sur la terre » (Is 66,22) et « que nous vivions dans la paix et la justice. » (2 Pi 3,13). «C’est d’abord par l’exemple de notre vie, que nous soutenons la famille et le mariage. Et aussi, en travaillant avec tous les hommes de bonne volonté … et en nous adaptant aux temps nouveaux. »

  4. Les responsables du pays (le pouvoir civil) : « Ils ont un devoir sacré, de protéger et de faire avancer le mariage et la famille, de défendre le bon comportement dans la société (la morale publique), et d’aider les familles à bien vivre … Il faut aussi des lois, pour aider ceux qui n’ont pas de famille. » Mais nous savons bien que les responsables du pays ne font pas beaucoup de choses, s’ils ne sont pas soutenus et même poussés, par la population. C’est pourquoi, il est important de mettre en place une société civile, et des mouvements citoyens : par exemple des associations de consommateurs ou de parents. Et que les syndicats ne défendent pas seulement les droits des travailleurs, mais aussi ceux des familles.

§ 4 : « Les savants peuvent aussi beaucoup nous aider » : ceux qui connaissent la biologie, la médecine, les sciences sociales et la psychologie. En particulier pour la régulation des naissances. Pour avoir la paix dans le cœur, et pour mieux vivre ensemble.  Est-ce que nous demandons à ces gens formés de nous aider ? Est-ce que nous les encourageons à travailler dans ce sens, pour la société toute entière. Pas seulement pour eux-mêmes ou pour l’argent ?

§ 5 Les prêtres doivent être formés sur ces questions : « Ils doivent soutenir les gens mariés, par tous les moyens de la pastorale (la Parole de Dieu, la prière et les sacrements). Mais aussi les soutenir, avec bonté et patience, dans leurs difficultés. Et les diriger avec amour, pour qu’ils forment des familles vraiment heureuses ».

§ 6 Les associations familiales sont importantes elles aussi, spécialement pour soutenir les jeunes et les nouveaux mariés. Par leurs conseils, mais aussi par leurs actions. Pas seulement pour la vie familiale, mais aussi pour agir dans l’Eglise, et dans toute la société. En effet, nos ancêtres nous ont appris, à vivre et à agir ensemble. Et de nombreuses associations traditionnelles sont encore très actives, dans le monde actuel (les originaires du même village, les tontines,…). Pourquoi n’arrive-t-on pas à garder le même esprit communautaire, dans l’Eglise ? On a mis en place les communautés chrétiennes de base (CEB/CCB). Mais souvent, ce sont des simples groupes de prières. Mais pas des vraies communautés, où on se soutient dans toute la vie, et où on aide vraiment les autres. En commençant par les familles pauvres, ou qui ont des problèmes. De plus, les chrétiens ne doivent pas rester entre eux, dans leur paroisse. Ils doivent s’engager dans les quartiers, et dans les associations civiles de la société (les associations féminines, les associations de jeunes, les associations de quartier ou de travailleurs…). Sans se limiter aux fêtes, aux tenues, aux danses et aux cotisations. Mais en y apportant un nouvel esprit et de nouvelles idées. Et en prenant en charge les problèmes d’éducation, de la vie de quartier et les problèmes économiques.

Des questions nouvelles

Les choses ont beaucoup changé depuis 50 ans.

Les méthodes de régulation de naissances sont de plus en plus utilisées.

Le Sida s’est beaucoup développé dans le monde.

Maintenant on voit des nouvelles théories sur la sexualité, qui disent que la sexualité des personnes n’est pas fixée par leur corps et par la nature, mais qu’elle dépend d’un libre choix de chacun. On ne naît pas homme ou femme, on le devient. Ce qui compte ce n’est pas son corps et ses appareils génitaux tels que Dieu nous les a donnés, mais ce que nous décidons d’en faire. C’est pourquoi maintenant on ne parle plus de sexe masculin ou féminin, mais de genre. Il y a une grande partie de vrai dans ces idées. Nous ne devons pas nous laisser commander par notre corps, et nous devons vivre notre sexualité d’une façon humaine. Mais ces idées sont souvent exagérées. On va trop loin, et on en tire des conclusions fausses. Et surtout on utilise ces idées contre l’Eglise, ou contre le mariage entre un homme et une femme.

On voudrait des lois qui permettent aux homosexuels, hommes ou femmes, de se marier entre eux et d’adopter des enfants. Bien sûr, il est absolument nécessaire de respecter les homosexuels et surtout de ne pas les attaquer ou les faire souffrir, mais est-ce que ça veut dire que de leur côté, ils ont tous les droits ? Le mariage ce n’est quand même pas n’importe quoi !

A l’inverse, de plus en plus de personne s’engagent contre la pédophilie (des adultes qui s’amusent sexuellement avec des enfants). Car cela est tout à fait anormal bien sûr, et c’est arrivé également dans l’Eglise malheureusement, avec des prêtres, des religieuses et des religieux.

La science a fait beaucoup de progrès pour soigner l’enfant, même quand il est encore dans le ventre de sa mère. Et aussi pour avoir des enfants, grâce aux fécondations artificielles faîtes à l’hôpital.

Maintenant on parle même de clonage, c’est-à-dire de fabriquer plusieurs individus humains semblables, à partir d’un même œuf ou d’un même embryon. On l’a déjà fait pour les animaux, mais est-ce normal de le faire pour des hommes ? En tout cas toutes ces idées arrivent dans nos pays aujourd’hui et il est très important d’y réfléchir.

Il faut voir les problèmes, tels qu’ils se posent dans notre région. Pour proposer des chemins concrets et précis à suivre. Et des actions adaptées à nos problèmes et à notre culture. Notre texte parle surtout de la famille européenne : le père, la mère et les enfants. Pour nous en Afrique, nous sommes divisés entre deux cultures, et au carrefour de deux idées différentes de la famille : la petite famille occidentale et la grande famille africaine, qui s’étend à tous les oncles et tantes, neveux et nièces, cousins et petits frères, qui comprend les morts et remonte jusqu’aux ancêtres. Il nous faudra donc chercher comment appliquer ce document du Concile à nos familles africaines telles qu’elles sont vécues dans les conditions actuelles du monde.

J’ai parlé plus haut des orientations des Nations Unies (Beijing-Pékin, Le Caire, déclaration de Maputo…), au sujet des femmes et de la démographie (la population dans le monde). Ces déclarations doivent être regardées du bon côté, pour retenir les bonnes idées, en vue de la libération de la femme. Sans se bloquer sur les questions de la régulation des naissances, ou du « genre » (la sexualité dépendrait de chacun et de ce qu’il choisit d’en faire, et non plus de son sexe corporel). Mais bien sûr, on ne peut pas accepter les conditions que posent certains pays riches, pour aider les pays pauvres : « si vous voulez qu’on vous aide, il faut d’abord diminuer les naissances ». Surtout quand ils veulent imposer en plus leurs méthodes, sans respecter la liberté des gens.

Les progrès biotechniques (l’utilisation génétique d’embryons humains ou le clonage, dans les hôpitaux et les laboratoires) posent de gros problèmes à l’Eglise, au point de vue moral, en Afrique comme partout. Il faut donc continuer à beaucoup réfléchir à ces questions, ensemble avec les autres hommes

Et bien sûr, même si on comprend pourquoi une femme avorte dans certains cas, on ne peut pas reconnaître l’avortement comme un droit. Parce qu’il s’oppose à un droit plus important : le droit de l’enfant à vivre. Mais, en même temps que nous luttons contre l’avortement, nous cherchons à comprendre et à accueillir les jeunes filles et les femmes qui ont avorté. Car elles ont beaucoup plus besoin d’aide, que de condamnation (Voir mon livre : Avortement, libération ou esclavage ?).

De même, on ne peut pas accepter le « droit » des homosexuels à se marier entre hommes ou entre femmes, et à adopter des enfants. Parce que le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme, ce n’est pas n’importe quelle union. Et l’enfant a besoin d’un père et d’une mère ensemble, pour être éduqué d’une manière équilibrée. Pourtant, on cherchera à comprendre la situation et les difficultés des homosexuel(le)s, pour les aider à vivre dans la paix. Comme toute personne, ils et elles ont droit à notre respect et à notre soutien. Ce sont des personnes humaines et des enfants de Dieu, comme nous. Les chrétiens doivent donc lutter, contre toutes les façons de mettre les homosexuels en dehors de la société. Ils doivent être contre toutes les souffrances et les insultes, que l’on fait supporter aux homosexuels, dans certains pays africains, au nom de la culture traditionnelle.

Nous devons aussi revoir notre comportement. Dieu a créé l’homme et la femme, pour qu’ils soient heureux ensemble. C’est pourquoi, l’Eglise est contre le divorce. Mais Dieu veut que les divorcés, eux aussi, soient respectés et heureux. C’est pourquoi, au lieu de rejeter les divorcés, il faut les accueillir dans l’Eglise. Et les aider à vivre en chrétiens le mieux possible, dans leur situation.

De même, nous ne devons pas traiter trop vite les gens de concubinaires. Par exemple, les jeunes qui commencent à vivre ensemble. En effet, en Afrique, nous connaissons plusieurs mariages : le mariage traditionnel, le mariage civil et le mariage religieux. Il faut les organiser ensemble. Et reconnaître la valeur du mariage traditionnel, qui se fait par étapes. Même si ce n’est pas encore le sacrement du mariage chrétien. Lorsqu’un jeune est allé voir la famille de sa fiancée, même s’il n’a pas encore payé entièrement la dot, mais seulement offert la cola, le poulet et les premiers cadeaux, peut-on dire que ces jeunes sont en concubinage ? Surtout si les parents ont accepté ces cadeaux. Ils ne sont pas comme des gens qui font des relations sexuelles, seulement pour le plaisir et l’argent, sans prendre leurs responsabilités et sans amour. Bien sûr, ces jeunes ne sont pas encore mariés à l’église, mais ils sont déjà engagés. Cet engagement a une valeur. Il a besoin d’être soutenu, pour aller jusqu’au bout, plutôt que d’être condamné. Nous pouvons penser à la Sainte Famille de Jésus, avec Marie et Joseph. En cherchant comment vivre dans le monde actuel, selon la culture africaine, comme ils ont vécu dans leur temps, et dans leur culture.

L’éducation des enfants

C’est une question très importante. Mais comment faire cette éducation des enfants ? On ne peut plus les éduquer comme autrefois. Car « quand le rythme des tam-tams change, le pas de la danse doit changer aussi. » Maintenant, tout le monde veut la liberté. Tout le monde veut être écouté, même les enfants. On ne peut plus forcer les jeunes, ni pour le mariage, ni pour le reste de leur vie. Car « on ne peut pas forcer l’escargot à se coller sur l’arbre. » On ne peut plus frapper les enfants, pour leur imposer notre volonté, ou les empêcher de sortir le soir. D’ailleurs, ça n’a jamais été une bonne solution. Pourtant, il faut continuer à les éduquer : mais en parlant avec eux, et en les écoutant d’abord. En leur apprenant à réfléchir à ce qu’ils voient, pour savoir comment se conduire dans la vie moderne. Pour cela, ils ont encore besoin de nous. On pourra lire à ce sujet, la Lettre de Benoît 16 du 1er janvier 2012 : « Eduquer nos enfants, à la justice et à la paix » dans la ligne du 2ème Synode pour l’Afrique. Et voir ce que l’exhortation de ce Synode dit, sur l’éducation des enfants et le rôle des parents : Vivre ensemble la famille, n° 42 à 68 ; puis : La vision africaine de la vie, n° 69 à 74 ; et aussi : Le monde de l’éducation, n° 134 à 138

Notre document « l’Eglise dans le monde de ce temps » n’a pas de chapitre spécial, sur l’éducation des enfants. Mais il en parle au fur et à mesure, comme nous l’avons vu. On pourra lire aussi d’autres documents du Concile, en particulier celui sur l’éducation chrétienne (GEM). Dans ce document-ci (GS), nous lisons :

(n° 31) « On éduquera tous les jeunes, quelle que soit leur place dans la société. Pas seulement pour qu’ils soient instruits, mais pour qu’ils soient les personnes fortes, dont notre temps a vraiment besoin. »

(n° 48) « Le mariage et l’amour sont tournés par leur nature même, vers l’éducation des enfants, comme vers un but et un sommet. »

(n° 49) « Par conséquent, que les parents se donnent pour l’éducation de leurs enfants. C’est l’un des buts du mariage. C’est le devoir et la mission des parents d’être éducateurs. »

(n° 50) « Ils coopèrent ainsi à la création de l’homme par Dieu. »

(n° 52) « S’il n’y a pas de vrai amour entre les parents, l’éducation des enfants est en danger ».

(n° 52) « Pour que la famille soit réussie, il faut que les parents travaillent, ensemble et avec soin, à l’éducation de leurs enfants. Que les enfants soient éduqués pour devenir des adultes, capables de prendre leurs responsabilités, et de répondre à leur vocation (se marier, être prêtre ou religieux). S’ils se marient, qu’ils fondent leur propre famille, dans de bonnes conditions morales, sociales et économiques ».

(n° 49) « Il faut éduquer les jeunes assez tôt, et de la manière convenable, dans leur famille : pour leur montrer l’amour du mariage, son rôle et la façon de le vivre. On les formera à l’abstinence et à la maîtrise de soi (chasteté), pour qu’ils vivent leurs fiançailles dans la dignité, avant de s’engager dans le mariage ».

Dans la suite du document, on peut lire au sujet de l’économie et la politique :

(n° 69) » Il faut développer les services sociaux qui travaillent à l’éducation. »

(n° 87) « Il faut voir comment les nations riches peuvent aider à l’éducation des personnes, de toute la communauté humaine ».

(n° 75) « On doit aussi penser à l’éducation civique et politique » (être un bon citoyen et prendre sa place dans la vie de la société)

(n° 89) « On fera attention à la formation des jeunes, aussi bien dans l’éducation religieuse que dans l’éducation civique ».

(n° 82) » Les éducateurs auront à cœur, de donner aux jeunes des pensées de paix ».

(n° 87) « Les parents doivent avoir des pensées généreuses et un cœur bien formé … Pour l’obtenir, il faut améliorer les conditions de vie en société, et permettre une éducation religieuse et morale (faire le bien) ».

En particulier, il est très important, d’éduquer les jeunes à l’amour. Voir le n° 49,3 à la fin. Pour leur faire comprendre la grandeur de l’amour, son but, et comment le vivre. Alors, ils pourront « garder l’abstinence jusqu’au mariage, et vivre des fiançailles dans la dignité ». Le Concile nous rappelle que cela doit se faire en premier, dans la famille. Mais est-ce que, 50 ans après le Concile, on éduque vraiment les enfants à l’amour et au mariage ? D’une façon qui leur permette de vivre libres et heureux, dans la société actuelle. Ce que l’on appelle l’éducation sexuelle, est-ce vraiment une éducation… ou bien une simple explication des organes génitaux, et des moyens à utiliser, pour que la fille ne tombe pas enceinte ? Ou que le garçon n’attrape pas le sida ? Est-ce que cela suffit pour savoir aimer, pour réussir son mariage, et sa vie de famille ? Est-ce cela qui va construire la société ? Comment répondre à tous les problèmes d’avortement, d’infanticide, de sida, de prostitution et tous les autres problèmes, que l’on rencontre chez les jeunes, mais aussi chez les adultes ?

Le Concile recommande d’instruire les jeunes à temps, pour les préparer à un mariage libre et réussi (n°52,1). Mais c’est toute la question de l’éducation des enfants qu’il faudra revoir en Afrique, dans le contexte actuel, où l’initiation et les modèles traditionnels disparaissent. On ne peut plus éduquer simplement par l’exemple et les conseils, encore moins par les interdits, les coups ou les punitions. Il s’agit bien de leur apprendre à réfléchir personnellement, dans le monde actuel. Et à prendre leurs responsabilités, pour se conduire comme ils l’ont décidé. Il faudra donc leur proposer un idéal, un but dans la vie. Et donc de parler avec eux. Par exemple, des films qu’ils ont vus, d’Internet, de leurs rencontres dans la rue ou dans les boîtes de nuit. On n’oubliera pas les mouvements de jeunesse, qui les forment et leur donnent un cadre de vie, en leur apprenant à réfléchir et à vivre avec les autres, comme autrefois dans les classes d’âge.

Si l’on veut travailler davantage cette question de l’éducation, on peut se reporter à mes cinq livres de la collection : Comment éduquer nos enfants

  1. Education traditionnelle et éducation moderne

  2. Notre rôle d’éducateur : ce qui peut nous aider

  3. Nos enfants et nous : nos enfants nous font grandir

  4. Notre rôle de parents : problèmes de vie conjugale

  5. Nous éduquons chaque enfant d’une façon personnelle

Nous pouvons relire la conclusion de ce chapitre, au n° 52 § 7, pour bien le comprendre. Et pour prier à partir de ce texte : personnellement, en famille et en communauté. La base de notre mariage, c’est Jésus ; c’est lui la pierre solide, sur laquelle nous voulons construire notre famille (Mt 7,24). C’est son amour, que nous voulons vivre, et partager avec les autres. Retenons les premiers mots de ce document, pour notre mariage comme pour le reste de notre vie : la joie et l’espérance. Nous voulons les partager avec les autres, grâce à l’Esprit-Saint, pour vivre « une communauté profonde de vie et d’amour ». Alors, nous pourrons dire nous aussi : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à mon bien-aimé. » (Cantique des cantiques)


Concile de Vatican 2, 50 ans après

Réflexions sur la constitution apostolique Gaudium et Spes (GS) : « L’église dans le monde de ce temps »

Chapitre 6 :  2° Partie,2 :L’essor de la Culture (n° 53 à 62)

Vous pouvez lire d’abord :

  1. le chapitre 1 : Le concile Vativan 2 : Introduction générale

  2. le chapitre 2 : Comprendre le concile Vatican 2 aujourd'hui

  3. le chapitre 3: Introduction au document

  4. le chapitre 4 : 1° Partie : L’Eglise et la vocation humaine (n°1à 45)

  5. le chapitre 5 : 2° Partie,1 : La dignité du mariage et de la famille (n° 46 à 52)

  6. jusqu‘au chapitre 9

Plan du chapitre

  • Introduction

  • Que nous dit le concile au sujet de la culture ?

  • Les cultures africaines dans la situation actuelle

  • Les valeurs de la culture africaine

  • Comment vivre nos valeurs traditionnelles, dans le monde d’aujourd’hui ?

  • Inculturation et Evangélisation de nos coutumes, par les CEB/CCB

  • La culture moderne

  • Que les chrétiens s’engagent

  • Par rapport aux écoles

  • Au niveau de la santé 

  • Pour continuer la réflexion

  • Qu’est-ce que la culture ?

  • Ce que dit notre document sur la culture 

  • Un nouveau comportement de l’Eglise

  • Les media

  • L’histoire des media 

  • Des dangers et des limites 

  • Que faire ?

  • Le développement total de la personne humaine, dans la solidarité et la justice

  • Sciences, techniques et foi chrétienne.

  • Une parole actuelle 

  • Annexe : Développement intégral de la personne, solidarité, justice

N.B. En complément de ce chapitre, vous pourrez lire la réflexion menée sur cette partie du document, dans une paroisse de Dakar, en novembre 2011, dans mon site http://armel.duteil.free.fr/ , rubrique : Vatican 2, 50 ans ; article : 2° rencontre : « La famille et la culture » (n° 47 à 62)

Au sujet de la culture, on lit au n° 59 : « Il faut respecter les différentes cultures humaines (les civilisations). A condition bien sûr, que ces cultures respectent les droits des personnes et de la société, et qu’elles cherchent le bien commun. C’est à cela que les activités culturelles doivent servir, pas seulement à connaître plus de choses, ou apporter des loisirs ». C’est pourquoi (n° 60) : « Il faut donner à chaque personne assez de biens culturels (une culture de base), pour lutter contre l’analphabétisme. Et donner aux gens, les moyens de participer au bien commun, d’une façon active et vraiment humaine ». On voit donc tout de suite que pour le Concile le terme de culture est très vaste : il recouvre toute la personne humaine, toute l’humanité actuelle, et toute l’histoire du genre humain, d’où son importance. Il y a beaucoup de façons de comprendre ce mot culture. Il est important d’y réfléchir et d’en parler ensemble (voir la façon dont le Concile explique ce mot au n° 53).

Synthèse du chapitre

La culture (la civilisation et l’éducation) permet aux gens de devenir vraiment homme. C’est ce qui fait grandir nos qualités (53). La culture devient de plus en plus commune à tous les hommes. C’est ce qui aide à faire l’unité de toute la famille humaine. Tous les hommes doivent pouvoir profiter de la culture (9). L’Eglise n’est attachée à aucune culture ou civilisation(42), ni à aucune façon de vivre spéciale (58). La culture humaine rejoint le message de l’Evangile qui nous sauve, en beaucoup de choses (58). C’est pourquoi l’Eglise s’intéresse à toutes les cultures (44), même si c’est parfois difficile de les faire marcher ensemble (62). Pour cela la culture a besoin de liberté (59) et chacun doit être éduqué le mieux possible (31). Toutes les différences que l’on met entre les hommes, comme le mépris des cultures, sont contre la volonté de Dieu (29). Tous les hommes ont le même droit à la culture, en particulier les femmes. Tous ont le droit d’aller à l’école, et de pouvoir vivre et travailler dans des conditions humaines (60). Les échanges entre les différentes cultures ne doivent pas tuer la sagesse des anciens, ni les qualités spéciales de chaque civilisation (56). Les cultures doivent pouvoir se développer librement. Et les gens doivent être libres de chercher la vérité, de donner leurs idées et de pratiquer les arts. La culture ne doit pas être utilisée, pour avoir le pouvoir politique ou de l’argent (59). On doit chercher à faire grandir la culture, en commençant par la vie familiale (61).

La foi et la culture (n° 57-59) Foi et culture vont ensemble : la foi fait avancer la culture, tout en respectant sa liberté de recherche sa façon de parler. La foi n’est liée à aucune culture, mais les purifie toutes ; d’où l’importance de l’inculturation.

Introduction

La culture est très importante. Nous sommes nés et nous avons grandi dans une culture. Elle nous a formés. Lui-même Jésus s’est fait homme dans une culture. Il a été pleinement homme de son peuple. Il a vécu totalement ses coutumes et la civilisation de son temps. Par conséquent, notre foi ne nous demande pas de rejeter notre culture. Nous n’avons pas besoin de devenir des européens, pour devenir chrétiens. Au contraire, nous devons être des hommes et des femmes, entièrement de notre peuple. Mais en même temps, l’Evangile du Christ nous appelle à transformer et à rendre meilleure notre culture, comme Jésus l’a fait lui-même pour la sienne. C’est ce qu’on appelle l’inculturation. Car l’Eglise pour être catholique, c’est-à-dire universelle, a besoin des différentes cultures. Les richesses de chaque civilisation enrichissent l’Eglise. Il ne s’agit pas de transformer l’Evangile, ni de le vivre « à l’africaine ». Mais de mieux découvrir la profondeur de l’Evangile, grâce à notre culture, et de mieux en comprendre les richesses et les grandeurs, que l’on n’avait pas encore bien comprises avant. Où en sommes-nous dans ce travail d’inculturation, demandé par l’Eglise ? Est-ce que nous ne nous contentons pas de quelques danses, battements de mains et processions les jours de fête ? Vivons-nous notre foi dans notre culture ? Construisons-nous notre communauté chrétienne selon les valeurs de notre civilisation ? Vivons-nous notre foi chrétienne, en gardant ce qu’il y a de bon dans nos coutumes ? Et en vivant d’une façon moderne (actuelle), les valeurs que nos ancêtres nous ont laissées ?

Après le Concile, Jean-Paul 2 a souvent parlé de culture de mort, et « d’anti-culture ». C’est vrai, que toutes nos cultures sont marquées par le péché, comme les personnes humaines (voir le n° 13). Ce n’est pas vrai seulement pour la culture occidentale, qui s’impose de plus en plus chez nous. C’est vrai pour la façon dont nous vivons nous-mêmes aujourd’hui. Qu’allons-nous faire, face à tout cela. Ensemble, les chrétiens avec tous les autres hommes et femmes de notre pays. Car cela nous regarde tous.

Un autre problème compliqué se pose aujourd’hui. L’Eglise, quand elle s’adresse à tous les hommes, parle souvent du droit naturel, ou de la loi naturelle. C’est-à-dire des choses que tout homme peut connaître, simplement en écoutant la voix de Dieu dans son cœur. C’est ce qu’on appelle la conscience. Qu’il soit chrétien ou non. Mais souvent maintenant, on dit que la nature humaine n’existe pas en tant que telle. Elle n’existe que dans une culture. C’est vrai. Mais il ne faudrait pas que cette idée de culture supprime l’idée de nature humaine, ou empêche de la respecter. Par exemple, actuellement, des gens ont lancé la théorie du genre : le sexe masculin ou féminin n’existe pas. La personne n’est pas homme ou femme par sa naissance, à cause de sa nature humaine. Ce qui compte, c’est le genre masculin ou féminin. Et ce genre est fixé par la culture (la civilisation et la façon de vivre), et non par la nature ou depuis la naissance. Cette théorie a des conséquences très graves. Déjà c’est la porte ouverte à l’homosexualité et aux autres déviations sexuelles… même s’il faut respecter les homosexuels comme tous les hommes bien sûr. C’est pourquoi notre document dit au n° 41 : « A cause de cela, l’Eglise veut protéger la dignité de la nature humaine, contre toutes les idées qui changent. Soit qu’elles rabaissent le corps de l’homme, soit au contraire qu’elles l’élèvent beaucoup trop. »

Que nous dit le concile au sujet de la culture ?

Voici maintenant quelques réflexions plus générales sur ce document. La première partie avait donné un certain nombre de principes généraux (n° 1 à 45). Dans cette deuxième partie dont nous parlons, le Concile a cherché à appliquer ces principes à cinq problèmes urgents, pour guider l’action des chrétiens dans le monde. Mais aussi pour aider tous les hommes à trouver des solutions, quelle que soit leur religion. Ce texte s’adresse donc aussi bien aux hommes en général, qu’aux chrétiens en particulier. Mais bien sûr, s’adressant à tous et au monde entier, il n’a pu qu’en rester à un aspect général. D’où la nécessité de l’appliquer à chaque pays selon sa culture, et à chaque religion. On ne peut donc pas se contenter de cet enseignement, qui date de cinquante ans. Mais il est important de voir que faire à partir de ce texte, en gardant sa méthode : voir, réfléchir, agir. C’est-à-dire partir de la vie des personnes et du monde, l’éclairer par l’Evangile, pour arriver à des actions concrètes et adaptées. Il ne faudra donc pas avoir peur de faire du nouveau, et d’être prophétiques à notre tour. Il faudra s’adapter aux conditions nouvelles et aux progrès de la société, pour continuer à avancer, comme le document nous y invite au n° 91, 2. Ce document est donc un point de départ. L’intérêt de ce texte général, c’est de »réunir tous les hommes de toutes les nations dans un même Esprit, pour faire grandir l’unité du monde. Et travailler à la fraternité, en vue d’un dialogue universel. » (n° 92). Pour les chrétiens plus précisément, il s’agit à la fois de se mettre au service de tous les hommes, et d’être témoins de la vérité et de la charité, pour faire grandir l’espérance dans le monde : être présents aux hommes et engagés dans la société, porter témoignage dans le dialogue, assurer une évangélisation par l’exemple de la vie et des actions concrètes, et pas seulement par des paroles.

Plus précisément par rapport à la culture, malgré la présence d’évêques de tous les continents à ce Concile, on sent dans ce texte un modèle de culture occidentale, qui d’ailleurs s’impose de plus en plus dans le monde. Le Concile note le développement des sciences naturelles et humaines, le développement des médias, le progrès des techniques, les voyages et les échanges interculturels qui agissent au plus profond de l’homme. Le concile insiste aussi sur les progrès moraux, en particulier la liberté et la responsabilité.

Mais suite à cela, les cultures traditionnelles sont cassées. Et souvent, les gens ne savent plus sur quelles valeurs s’appuyer, pour conduire leur vie. La culture moderne attire beaucoup les jeunes, mais certains en ont peur. Et face à elle, de nombreux groupes humains se referment sur eux-mêmes. C’est le phénomène du communautarisme, en particulier au niveau de la religion. On en arriverait à refuser tout progrès, et à s’opposer par principe et totalement, à la culture moderne dite occidentale et chrétienne (même si souvent elle ne l’est plus). Un certain nombre de questions se pose donc : comment résister aux cultures qui s’imposent (par exemple au Sénégal, la culture wolof s’impose de plus en plus) ? Comment respecter les différentes cultures ? Comment garder les cultures traditionnelles, dans le monde moderne ? Comment n’être pas pris par la technique et les machines, et continuer à adorer Dieu, à admirer les bonnes choses, et à agir sans toujours chercher son intérêt ? Comment faire profiter tous les hommes de la culture, et pas seulement les intellectuels ou les riches ? Notre document parle en particulier du droit à la culture des ouvriers, des paysans et des femmes. Comment garder la foi et la dimension religieuse de la vie, dans les cultures modernes et le monde laïc, qui devient de plus en plus incroyant et matérialiste ? Encore une fois, ce document ne trace pas de voie concrète pour l’Afrique. C’est aux africains eux-mêmes de trouver le chemin, et de voir comment appliquer concrètement ces principes, d’une façon adaptée et qui fasse grandir.

Les cultures africaines dans la situation actuelle

D’abord je noterai qu’il y a plusieurs cultures, au Sénégal comme ailleurs. Chaque ethnie a sa langue, et donc sa propre culture. Ce qui pose tout de suite la question du respect, de l’accueil et de la complémentarité, entre les différentes cultures dans un même pays. Il est clair qu’au Sénégal, la culture et la langue wolof prennent de plus en plus d’importance. Cela n’est pas neutre, car à travers la culture wolof, c’est toute une vision de la vie, des valeurs, mais aussi des contre-valeurs qui se développent. Par ailleurs, cette culture est très fortement marquée par l’Islam. Ce qui pose des problèmes pour les chrétiens, mais aussi pour les gens de religion traditionnelle.

Les valeurs de la culture africaine

Je reprends ici ce que disait l’instrument de travail, pour la préparation du 2ème Synode pour l’Afrique. D’abord, il insistait sur l’importance pour chaque personne, de connaître sa culture, de l’aimer et de la développer. En effet, nos différentes cultures viennent de Dieu. Dieu nous a créés comme personnes vivant en société, et donc avec les richesses de nos différentes cultures.

Dans les cultures négro africaines traditionnelles, on reconnaît un certain nombre de valeurs. Par exemple, le respect des anciens, le respect pour la femme en tant que mère, la solidarité, l’hospitalité et l’accueil de l’étranger, la recherche de la communion, le respect de la vie, l’honnêteté et le respect de la parole donnée, etc… Mais déjà un certain nombre de questions se pose par rapport à cela.

D’abord tout n’était pas positif dans ces cultures négro africaines ; il y avait par exemple un poids très lourd, et dur à supporter, de la part des anciens sur les enfants, les jeunes et les femmes. Même lorsque tu étais âgé, si tu avais un grand frère, tu restais jusqu’à ta mort un petit frère. Le mariage était décidé par les familles, ce qui leur donnait leur dimension communautaire, et apportait un soutien non négligeable. Mais avec le danger des mariages précoces, puisqu’on voulait avoir le plus d’enfants possible, et le plus rapidement possible : c’était le but premier du mariage. Et également des mariages forcés, sans oublier la polygamie et l’excision. La condition des veuves était souvent très pénible : étant accusées d’être responsables de la mort de leur mari, elles devaient supporter de nombreuses brimades. Quand elles n’étaient pas chassées avec leurs enfants, par la famille du mari. Et il y avait souvent des problèmes pour l’héritage.

Il existait une médecine traditionnelle, qui cherchait à soigner le cœur et l’esprit, et pas seulement le corps. Elle cherchait la réconciliation du malade avec sa famille. Mais souvent, on cherchait aussi des responsables à cette maladie. Et c’étaient les accusations de sorcellerie. Pas seulement en cas de maladie, mais à chaque fois qu’il y avait des problèmes dans la société.

Il existait une solidarité réelle. Mais d’une part, elle était parfois imposée par les chefs de familles et par le groupe. Cela pouvait entraîner un manque de liberté, et un manque de responsabilité. Et plutôt une vie collective (ensemble), qu’un esprit vraiment communautaire (d’entente profonde et de partage). Le danger, c’était alors le parasitisme (profiter des autres), et aussi le népotisme (favoriser ses parents), et le tribalisme (faire passer son ethnie en premier) : si un parent s’était mal conduit, on le défendait et on lui donnait raison, du moment qu’il était notre petit frère, ou membre de notre propre ethnie. Même s’il avait tort. Tout cela montre que cette question des valeurs est toujours très difficile. Tout ce qu’on appelle valeurs est toujours mélangé. Il y a toujours du positif et du négatif, un bon côté et un côté moins bon.

D’autre part, ces valeurs avaient des limites. Ainsi, la femme était beaucoup respectée en tant que mère. Mais elle ne l’était pas autant, en tant qu’épouse (amie du mari). Il n’y avait pas toujours de vrai partage entre mari et femme, même lorsque tous les deux s’entendaient bien : la femme continuait de prendre conseil auprès de sa propre famille, de ses grands frères ou grandes sœurs, de ses mères et tantes, beaucoup plus que du côté de son mari. C’était d’ailleurs la même chose du côté du mari, qui parlait plus souvent de ses problèmes avec ses camarades hommes, ou avec des membres de sa propre famille. Déjà quand elle était petite fille, puis jeune fille, elle était éduquée en fonction du mariage, pour obéir à son mari et pour avoir des enfants. Toute l’éducation traditionnelle, de même que l’initiation, allaient dans ce sens. Ce qui explique que la jeune fille, et ensuite la femme, étaient souvent mise en 2ème position : elle était respectée en tant que mère, mais beaucoup moins en tant que personne libre, responsable et autonome.

On peut aussi se demander, si c’est valeurs étaient spécifiquement (spécialement) africaines. Ou si ce n’étaient pas les valeurs, de toutes les sociétés rurales. De toute façon, ces valeurs actuellement sont soit oubliées ou même rejetées, soit cassées. Ainsi, on parle du respect de la vie, mais actuellement les avortements se multiplient, et également les infanticides. Et dans le domaine de la sexualité, on constate de plus en plus de libertinage et de prostitution, et aussi d’homosexualité. Il ne faut pas se tromper. L’homosexualité, comme la pédophilie existaient déjà dans le monde traditionnel. Mais on n’en parlait pas, et on faisait tout pour cacher le phénomène.

De même le respect des anciens a beaucoup perdu de sa force. Actuellement, on voit des cadres (responsables de la société) vivant en ville, qui ont oublié leur solidarité familiale. Ils se retrouvent entre amis cadres de la même classe sociale. Et ils oublient complètement leurs parents qui sont restés au village, et qui parfois vivent d’une façon très misérable, dans une case en ruine et qui prend l’eau, et sans avoir les moyens toujours de manger à leur faim. Alors que leurs enfants en ville mènent une vie très aisée, avec grande maison, voiture, télévision et climatisation.

Il y avait autrefois la solidarité, l’accueil de l’étranger et le respect des gens. Actuellement la violence se développe de plus en plus. Dans les campagnes électorales, mais également au niveau religieux, et même dans la vie de chaque jour. Par exemple, les habitants d’un quartier ont voulu chasser les commerçants qui envahissent les rues. Pour cela, ils n’ont pas hésité à mettre le feu à leurs boutiques, et leur faisant ainsi tout perdre.

Dans la plupart de nos pays africains, on assiste ainsi à une perte des valeurs. Un autre exemple : on perd le sens de la vérité, et le respect de la parole donnée. Les médias présentent des nouvelles façons de vivre, qui s’opposent aux valeurs traditionnelles. Et les gens n’ont pas toujours les moyens de voir, comment vivre les valeurs modernes. Ni comment chercher le bien commun, en suivant les valeurs traditionnelles. Ce n’est pas un problème nouveau, cela se retrouve dans toutes les sociétés. Mais il faut y réfléchir sérieusement.

Par exemple, voici certaines valeurs que l’on trouvait au Sénégal, avec leurs noms en ouolof :

  • Le Ngor : il s’agit de la noblesse, le sens de la mesure et de la justice : réagir contre l’avarice et l’ingratitude. Le gor c’est la personne humaine, dans sa dignité et bien développée.

  • Le Kërsa : la grandeur d’esprit, la pudeur, la discrétion sur soi-même, et envers les autres. C’est le respect des autres.

  • Le Jöm : l’honneur et la témérité. Mais parfois ce sens de l’honneur est exagéré, il peut aboutir à l’orgueil.

  • Le Sutura : la décence, savoir garder le secret.

  • Le Mun : la maîtrise de soi, la patience et la persévérance : savoir supporter les difficultés de la vie.

  • Njuubay : la recherche de la justice.

  • Takuté : la fidélité aux engagements

  • Njambaar : le courage

  • La Teranga : l’hospitalité et la bienséance

  • le kadu ; la parole donnée

  • le fit : courage

  • le woolöré : l’amitié, l’alliance

Comment vivre nos valeurs traditionnelles, dans le monde d’aujourd’hui ?

On dit souvent, que le Sénégal est le pays de la téranga (l’hospitalité). Mais comment vivre cette hospitalité, dans le monde moderne ? Si on habite au village, et qu’on a une grande cour, on peut facilement accueillir les étrangers. Mais lorsqu’on est en ville, dans un logement de deux pièces au 4ème étage, ce n’est plus du tout la même chose. Un proverbe disait : « quand tu reçois un étranger, tu l’accueilles et tu le nourris le 1° jour. Le lendemain, tu lui donnes une houe (pour qu’il aille travailler au champ avec toi). » Cela était possible dans un monde traditionnel, où tout le monde était paysan. Mais si ton petit frère vient loger chez toi en ville, et que tu es médecin. Vas-tu l’amener avec toi à l‘hôpital, pour soigner les malades et t’aider dans ton travail ? Il risquerait de tuer les gens, plutôt que de les guérir ! Et alors, c’est la porte ouverte au parasitisme : des parents qui viennent s’implanter chez nous, qui se font nourrir sans travailler, et qui restent aussi longtemps qu’ils veulent.

Le problème est très compliqué, car une culture, c’est tout un ensemble. On ne peut donc pas prendre certaines valeurs, en les séparant du reste, pour les transporter dans une autre culture, un autre temps, et une autre façon de vivre. De toute façon, le monde a changé et on ne vit plus comme autrefois ; il ne sera donc pas possible de vivre de valeurs traditionnelles comme autrefois. Comme le disaient déjà ces proverbes traditionnels : « on ne peut pas arroser le riz d’aujourd’hui avec les pluies d’autrefois » et « lorsque le rythme du tam-tam change, le pas de la danse doit changer lui aussi ». Il faut donc chercher comment vivre ces valeurs de la tradition, dans le monde actuel, d’une façon qui soit adaptée. Sinon elles vont obligatoirement disparaître. Il n’y a pas de solution toute faite à l’avance, et c’est bien cela le problème : il nous faut chercher ensemble, et inventer en faisant preuve de créativité et d’imagination.



Inculturation et évangélisation de nous coutumes par les CEB/CCB

Compte-rendu d’une formation des responsables : « L’inculturation (faire entrer l’Evangile dans nos cultures) ne peut pas se limiter aux danses d’offertoire. Il s’agit d’inculturer et d’évangéliser toute notre vie. D’abord l’organisation de la paroisse et des CEB. On a donné l’exemple de la réunion de la CEB, où on commence par se donner des nouvelles, comme au village. Dans notre CEB, nous n’avons pas voulu avoir seulement un président pour diriger (surtout que c’est presque toujours un homme, et rarement une présidente), mais une équipe d’animation : un homme, une femme, un jeune garçon et une jeune fille. Cela pour respecter à la fois la séparation sexuelle traditionnelle entre hommes et femmes, et les classes d’âge : la séparation entre adultes et jeunes. Par ailleurs, nous avons cherché à répartir les responsabilités entre différents responsables, correspondant aux différents charismes dont parle Paul dans la 1ère lettre aux Corinthiens aux chapitres 10 et 12. Par exemple, nous avons choisi des « sages », des conseillers hommes et femmes pour la réconciliation. Comme Jésus le propose dans Matthieu chap. 18, verset 15 à 19 (voir aussi Romains 6, 1 à 14).

Au sujet des cérémonies, nous avons remarqué en particulier une chose : les chrétiens participent au sacrement du baptême, mais ils ne participent pas aux cérémonies coutumières du  « baptême traditionnel», la présentation de l’enfant aux ancêtres, comme cela se fait dans la tradition.

Souvent on prie pour les malades en réunion de CEB, mais on va beaucoup moins souvent prier avec les malades. Bien sûr toute la communauté ne peut pas se déplacer chaque jour. Mais après une prière commune chez le malade, qu’est-ce qui nous empêche d’envoyer un ou 2 membres de la communauté chaque jour ? Pas seulement pour prier avec la famille, mais aussi pour voir comment ils vivent ce temps de la maladie, pour éviter en particulier toutes les pratiques magiques et le maraboutage, les accusations de sorcellerie, pour soutenir le malade mais aussi sa famille, et qu’ils vivent la maladie dans la foi. Une simple prière en réunion de communauté ne peut pas transformer ni évangéliser, la façon dont les malades et leurs familles vivent la maladie, à la maison et à l’hôpital.

De même, nos CEB ne sont pas présentes pour prier, pour parler avec la famille et pour les conseiller, par exemple au moment de la circoncision.

Les chrétiens participent à une grande fête, le jour où on célèbre le sacrement de mariage. Déjà il faudrait se poser des questions, sur les dépenses énormes qui se font ce jour-là, comme au moment des baptêmes et des premières communions, et aussi des enterrements. Dans ces conditions, les pauvres qui n’ont pas les moyens, ne pourront jamais être baptisés, faire leur première communion ni se marier, parce que c’est trop lourd pour eux. Mais au-delà de cela, attendre que les gens se préparent à célébrer le sacrement de mariage à l’église pour les suivre, c’est trop tard. Souvent les fiancés commencent à vivre ensemble. Et c’est dès le début de leur vie commune, qu’il faut les éclairer et les évangéliser. Lorsqu’un de ses membres garçons prend sa fiancée chez lui, ou au moment du mariage traditionnel, pourquoi la communauté chrétienne n’irait-elle pas réfléchir avec les deux familles sur les questions concrètes, par exemple du montant de la dot ? Et pour conseiller les fiancés, et les aider à vivre leur amour et leur union d’une façon chrétienne dès le début, sans attendre le sacrement. Et prier en communauté avec eux ?

De même on passe beaucoup de temps aux enterrements : la veillée le soir, la levée du corps à l’hôpital, la prière à l’église, l’enterrement au cimetière, les condoléances dans la famille. Comment les gens qui ont un travail salarié vont-ils assurer leur travail dans ces conditions ? Mais surtout, on vient à l’enterrement, et ensuite la communauté chrétienne disparaît complètement. Ne serait-ce pas important d’être présent, non seulement à la veillée mortuaire, mais surtout de s’asseoir ensuite, ensemble avec la famille : pour voir comment ils vont régler les problèmes laissés par le défunt, les questions d’héritage, la condition de la veuve et des orphelins. Et là aussi, éviter les pratiques traditionnelles païennes, les accusations de sorcellerie et autres habitudes qui ne vont pas avec la foi chrétienne. Que la CEB envoie chaque jour, pendant tout le temps du deuil, au moins une ou deux personnes à tour de rôle pour visiter la famille, les conseiller, les soutenir, les encourager et prier avec eux. Il y aurait donc toute une réflexion à faire, aussi bien pour l’inculturation de l’Eglise, que pour la conversion de nos cultures. N’est-ce pas à l’intérieur de nos propres familles que nous pouvons agir en premier, avec le soutien de toute la CEB ?

La culture moderne

On l’appelle souvent la culture occidentale, ce qui serait à préciser. Car cette culture moderne du monde technique s’impose aussi aux cultures occidentales, tout autant qu’aux cultures africaines. Cela se voit d’abord auprès des jeunes, et au niveau des médias : la télévision, le cinéma et la radio avec la place nouvelle donnée aux artistes, le phénomène de la mode que les jeunes veulent suivre, des nouvelles danses… Et aussi le développement de l’Internet. Il sert pour les nouvelles et pour envoyer des documents par mails, pour avoir de nouvelles connaissances. Mais également à des choses, comme la sexualité et la pornographie. Suite à tout cela, on assiste à une montée de l’individualisme (chacun pour soi) et de l’élitisme (dépasser les autres). C’est la concurrence ; il faut être le premier. Même si pour cela on doit écraser les autres.

Comme pour les valeurs traditionnelles, ces valeurs modernes sont ambivalentes, c’est-à-dire qu’elles sont à la fois bonnes et mauvaises. Souvent, on a tendance à idéaliser la société traditionnelle, à n’y voir que des valeurs et des bonnes choses. Et au contraire à avoir un regard négatif sur la culture moderne, en n’en voyant que les dangers ou les limites. A ce niveau-là, le Concile Vatican 2, et en particulier le document sur l’Eglise dans le monde de ce temps, fait preuve de beaucoup plus d’équilibre. Il cherche à voir d’abord le bon côté des choses, et il garde l’espérance de pouvoir mieux vivre, et de faire avancer la société et le monde. Il est clair que les sociétés modernes sont moins communautaires que les sociétés traditionnelles, ou plus exactement, moins collectives. Mais il existe des actions et des engagements communautaires dans le monde moderne, beaucoup plus profonds et qui vont beaucoup plus loin, que les solidarités traditionnelles. Il y a le danger de l’individualisme (chacun pour soi) dans la vie moderne. Mais cette vie permet en même temps une plus grande liberté. Et donc une libération des personnes et une plus grande responsabilité. Le monde moderne a apporté de grandes découvertes scientifiques et de nombreuses techniques. Ces techniques sont certainement un progrès et une chose positive, même si nous devons apprendre à mieux nous en servir, et à les dominer pour ne pas nous laisser commander par elles. Donc les choses ne sont pas faciles.

Par exemple, pour l’école. Même si de plus en plus d’enfants vont à l’école, ça n’est pas le cas de tous, loin de là. Et l’école pose de nombreux problèmes. Pas seulement le manque de moyens, mais aussi parfois, le manque de formation des enseignants. En plus, certains se conduisent mal. Ils donnent des mauvais exemples aux élèves, au lieu de les éduquer. Dans la plupart des pays d’Afrique Noire, les grèves sont très nombreuses, de la part des enseignants mais aussi des élèves et des étudiants. Ces derniers, même lorsqu’ils ont leur diplôme, se retrouvent souvent au chômage. Car l’enseignement ne répond pas aux besoins de la société. C’est pourquoi, on reproche souvent à l’école moderne de ne pas préparer les élèves à leur avenir, ni de faire avancer le pays. On reproche aux enseignants d’enseigner, mais de ne plus éduquer. Il faut donc réfléchir sérieusement, à ce que la vie moderne nous apporte, pour mieux le vivre. Et ce document du Concile ouvre des chemins intéressants, dans ce sens. De même, la Convention pour les Droits de l’enfant est très importante. Mais elle a été parfois mal expliquée, ou mal appliquée. Et de nombreux parents se plaignent, qu’on enseigne leurs droits aux enfants, sans leur enseigner leurs devoirs, ni leur responsabilité à l’égard des autres enfants et des adultes. C’est une déformation de cette Convention. De même, le Ministère de la Culture de nombreux Etats s’occupe surtout de sports ou de loisirs. Souvent les activités «culturelles », ce sont seulement des matchs de football ou des soirées dansantes : c’est vraiment une idée très petite et déformée de la culture. Mais il faut bien reconnaître que l’éducation traditionnelle avait aussi ses défauts. L’initiation était souvent très dure, avec des coups et des punitions, qui ne faisaient pas grandir la personne. En tout cas, l’éducation traditionnelle n’est plus adaptée à la vie actuelle. Elle ne suffit pas à former des jeunes, à l’aise dans le monde moderne. Même s’il faut en conserver certaines qualités.

Un certain nombre de questions reste posées. Par exemple, les problèmes de l’analphabétisme (les gens qui ne savent pas lire), et du respect des petites ethnies ou des petits groupes de la société. Ou encore, apprendre à bien utiliser sa liberté, pour faire grandir chacune des personnes, pour servir ses frères et ses soeurs, et faire avancer toute la communauté. Même si l’on parle beaucoup de libération de la femme, il n’est pas sûr que la vie moderne atteigne vraiment ce but. La femme est encore souvent soumise à l’autorité de son mari ou de sa famille. Elle peut travailler à l’extérieur, mais elle doit continuer à faire le travail à la maison. Elle se retrouve très fatiguée, et écrasée de travail. Ou encore esclave de la mode, et obligée de faire comme tout le monde, même si ce n’est pas cela qu’elle veut.

Pourtant les choses avancent peu à peu, même si c’est en hésitant, avec des erreurs et des retours en arrière. Par exemple, nous assistons à un refus de la dictature et de l’oppression grâce au printemps arabe, en Afrique et au Moyen Orient. Même si là encore, rien n’est gagné ni terminé. Cela nous montre en tout cas, l’importance de réfléchir en profondeur, et de faire participer tout le monde au progrès, comme le Concile le demande.

Que les chrétiens s’engagent selon la Parole de Dieu, en faveur des pauvres et des petits, dans l’esprit des Béatitudes, le Sermon sur la montagne (Mat 5, 3-12). Qu’ils mettent en pratique cette parole de Jésus : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie en abondance (pleine et totale)» (Jn 10,10). Et ce que Jésus nous demandera à la fin du monde, sur la charité (Mt 25,32-45). Plutôt que de toujours chercher l’argent, le confort ou ses propres avantages. Il est clair que par rapport à la culture et à l’inculturation, l’Eglise est encore très timide. Elle reste souvent en dehors de la vie de la société, et enfermée dans la liturgie avec des processions d’offertoire, et des chants en langues diverses avec tam-tam et expression corporelle. On n’est pas encore arrivé à construire une Eglise africaine, dans ses structures, ses manières de penser et d’agir. Pourtant le premier Synode pour l’Afrique a ouvert une piste intéressante, en définissant l’Eglise comme la famille de Dieu. Et en demandant aux chrétiens de s’engager dans la société. Mais il faudrait que les théologiens africains aillent beaucoup plus loin. Et surtout qu’on les écoute, et qu’on leur donne la liberté nécessaire, pour ouvrir des chemins nouveaux. Au lieu de toujours leur rappeler les limites des recherches théologiques et de l’inculturation.

Nos écoles catholiques sont-elles vraiment africaines ? Ne sont-elles pas lancées elles aussi, dans la course aux diplômes et aux résultats ? Est-ce qu’elles n’entraînent pas nos enfants loin de leur culture, en les rendant de plus en plus « européens » ? Cela commence déjà au jardin d’enfants, où l’on impose des habits, des comportements, une politesse et un savoir-vivre occidentaux. Cherche-t-on à y donner une éducation véritablement africaine ? Voici une réflexion menée au cours du chapitre général d’une congrégation religieuse africaine :

Par rapport aux écoles : il ne s’agit pas seulement que nous soyons de bonnes enseignantes qui préparent leurs cours, qui suivent bien leurs élèves, et qui cherchent non seulement à les enseigner mais à les éduquer. Cela c’est la base. De même qu’il est essentiel que nous vivions une vraie vie de charité. Pas seulement avec les élèves, mais aussi avec les enseignants et les employés de nos écoles. Sans oublier les parents, en commençant par les plus pauvres. Mais nous devons aussi nous demander quel type d’école voulons-nous ? Dans quel type d’enseignement et d’éducation voulons-nous nous engager ? Actuellement, il existe des ONG qui travaillent au niveau des écoles informelles, et à tout ce qui touche la formation des apprentis, des enfants de la rue et de tous les exclus qui n’ont pas la possibilité d’aller dans les écoles officielles. Ce qu’ils appellent les formations coin de rue, l’atelier école (pour les apprentis), l’amélioration des daaras (écoles coraniques), la lutte contre l’analphabétisme, les écoles communautaires prises en charge par les parents et les quartiers etc. Nous aurions certainement des choses à apprendre de ce côté-là, pour ne pas nous limiter à l’enseignement formel traditionnel.

Même au sujet des écoles formelles et officielles, dans quelle mesure nous sentons-nous concernés par ce qui se passe actuellement dans le pays ? Pouvons-nous nous contenter de dire : « les gens nous félicitent, parce que nous donnons un enseignement de qualité ». Qu’avons-nous fait pendant toutes ces grèves de l’année dernière ? En particulier avec certains enseignants qui faisaient grève dans les écoles publiques mais continuaient à être payés, et en plus allaient enseigner et se faire payer dans des écoles privées, et donnaient des cours particuliers ? Avons-nous cherché à conscientiser nos enseignants et surtout nos associations de parents d’élèves, par rapport aux grèves dans le public ? Et aussi par rapport à l’éducation et aux écoles en général ? Car il s’agit bien de notre pays et de notre société. Sans oublier qu’il y a aussi des enfants chrétiens et des enseignants chrétiens dans les écoles officielles. Qu’allons-nous faire avec eux et pour eux, dans cette année qui vient ?

Dans nos centres de formation féminine, la formation est évidemment très importante. Mais il ne s’agit pas seulement d’enseigner la couture ou la broderie. Il s’agit de former des femmes, à l’aise dans leur féminité adulte, et capables de s’engager dans la société. Et d’abord, capables de prendre leurs responsabilités, dans leurs familles et dans leurs quartiers. Pas seulement dans l’Eglise ou dans les fraternités des femmes catholiques, qui d’ailleurs trop souvent se limitent aux fêtes, aux cérémonies, aux cotisations et aux uniformes. Mais aussi dans les associations féminines de quartier. Elles ne pourront le faire que si nous les soutenons. Et si nous-mêmes nous sommes en lien avec ces associations. Ensuite, que ces jeunes filles et ces femmes que nous formons, ne se contentent pas de travailler pour elles-mêmes. Mais qu’elles cherchent à partager la formation reçue avec les autres femmes, dans leur quartier ou leur village. C’est la seule solution pour que le pays avance.

Au niveau de la santé : d’énormes efforts et un travail de qualité se font, dans les dispensaires privés catholiques, par rapport à la prévention, à l’éducation sanitaire, à la vaccination etc. Et aussi pour permettre aux plus pauvres d’être soignés. C’est très bien. Mais là encore, nous sentons-nous concernés par les problèmes et les difficultés des dispensaires et des hôpitaux publics ? Que faisons-nous pour qu’eux aussi marchent mieux, et prennent davantage les malades en charge, avec leurs familles ? Comment réagissons-nous contre les grèves incessantes dans la santé ? Les détournements d’argent et de médicaments, et le manque de sérieux dans le travail ?

Nous ne pouvons pas oublier, que la majorité des habitants de notre pays, surtout dans le monde rural, ne peuvent pas se soigner dans les dispensaires : parce qu’ils sont trop pauvres, et parce qu’il n’y a pas de médicaments et même pas de dispensaire dans leur village. Ils se soignent donc avec la pharmacopée traditionnelle, qui est valable et qui est une bonne chose. Mais avec le risque qu’elle soit détournée par des « charlatans », et par des gens qui sont plus des féticheurs que des guérisseurs. Est-ce que nous n’aurions pas nous engager également dans ce secteur ? Dans nos dispensaires, on s’est engagé fortement dans la lutte contre le sida et le soutien des malades. Mais a-t-on vraiment intégré la façon traditionnelle de soigner ? Plus largement, dans la tradition, le guérisseur, avant de soigner le corps, cherchait à découvrir les problèmes du malade, car il voulait soigner toute la personne. Et d’abord son esprit et son cœur. Il donnait des soins à toute la famille, et pas au seul malade. Celle-ci se réunissait au complet, autour du malade pour le soutenir. Et très souvent, avant de donner les médicaments traditionnels, le guérisseur demandait une réconciliation en famille. Car on pensait que la maladie était due aux conflits dans la famille, et au manque de respect des traditions, des ancêtres ou des lois du village. Si un membre de la famille était malade, c’était l’entente et la solidarité qui manquait, et qu’il fallait reconstruire, pour rendre la santé et la paix au malade. Ce sont des éléments très importants de la culture traditionnelle, que nous aurions grand intérêt à garder dans notre médecine moderne. On pourrait donner encore beaucoup d’autres exemples. Et bien sûr, il n’est pas question pour une religieuse travaillant dans la santé, de prendre ses congés pendant l’hivernage, dans la mesure où c’est le moment où il y a le plus de maladies ».

Tout cela demande que les chrétiens sachent lire les signes des temps, comme l’ont fait les évêques de Vatican 2. Qu’ils ne restent pas enfermés dans leurs paroisses. Mais qu’ils s’ouvrent aux autres hommes et femmes, pour travailler avec tous. Pour vivre un christianisme qui fait grandir, et qui rend les hommes et les femmes responsables. Un christianisme moderne, mais bien enraciné dans les cultures du lieu, et signe d’un monde nouveau. Les réflexions de ce chapitre sont tirées de ce qui se passe en particulier au Sénégal. Chaque lecteur saura regarder ce qui se vit chez lui, et l’analyser.

Pour continuer la réflexion

Qu’est-ce que la culture ?

Pour répondre à toutes ces questions, il est nécessaire de mieux comprendre ce qui se passe actuellement dans le monde, en particulier au niveau de la culture. D’après le Concile, c’est l’ensemble des réalisations de l’homme, ses expériences spirituelles (de l’esprit et de la religion), leur communication (le partage avec les autres hommes), et leur conservation pour l’avenir. Chaque communauté humaine produit ses propres choses. Tous, nous sommes le résultat d’une histoire personnelle et communautaire (de notre famille et de notre groupe humain). Rappelons ce que dit le Concile : Depuis les années 1960, il y a eu des grands progrès dans le monde, en particulier pour la connaissance de l’esprit de l’homme (la psychologie), et l’étude de l’histoire des hommes. En même temps, devant les progrès de la science et du monde, beaucoup ont peur. De plus, cette culture s’impose au monde entier, et tue les civilisations traditionnelles. Alors que faire ?

C’est la responsabilité des chrétiens de participer à la construction du monde (n° 57).

En faisant travailler son esprit, l’homme se rapproche de Dieu. Il peut recevoir la lumière, qui éclaire tous les hommes (Jean 1, 9-10). Donc la culture (la civilisation et les progrès de la science) et le salut de Dieu vont ensemble. Bien plus, l’Eglise, grâce à l’Evangile, rend la culture et les civilisations meilleures.

Pour arriver à la culture, il ne suffit pas de réfléchir à certains textes (le raisonnement). Ni de faire marcher des machines (la technique). Il faut être capable d’admirer les belles choses qu’il y a dans le monde (l’art). Et de rentrer dans son cœur, pour comprendre ce qui se passe sur la terre. C’est cela la sagesse, que les anciens nous ont enseignée. Et ce que l’on appelle la prière de contemplation. Pour arriver à une vraie culture qui nous fait avancer, il faut chercher le bien et respecter la morale (ce que Dieu nous demande). Tant que la culture, la science et les arts cherchent le bien, ils peuvent travailler avec l’Eglise sans problème (n° 59).

Les chrétiens doivent prendre leur place, pour faire avancer la culture. Ils doivent aider les gens à mieux vivre (mieux se conduire), mais aussi à avoir une vie meilleure et plus facile (le développement), et en particulier augmenter leurs connaissances, par l’enseignement et l’éducation.

Maintenant, on a découvert trop de choses dans le monde. Aucun homme ne peut tout connaître, comme autrefois. Mais dans ce monde nouveau, où on connaît et où on peut faire beaucoup de choses, nous devons faire attention à ce que la personne humaine soit respectée, dans sa dignité et dans toute sa vie. Et dans toute sa personne : son corps, son esprit, son cœur et son âme. Et que tous les hommes et toutes les femmes soient respectés, pour pouvoir vivre en frères, en se rappelant que notre dignité vient de Dieu.

Ceux qui enseignent la Parole de Dieu doivent apprendre à le faire, d’une manière adaptée au monde moderne, et aux connaissances nouvelles.

Rappelons à nouveau ce que dit notre document sur la culture :

La culture permet aux gens, de développer les qualités de leur cœur et de leur esprit. C’est ce qui permet d’être vraiment homme (53). Actuellement, une culture mondiale (internationale) apparaît. Cela peut aider à faire l’unité de tous les hommes (54). C’est la première fois que cela arrive, dans l’histoire du monde (9). L’Eglise n’est attachée à aucune culture spéciale (42), ni à aucune façon de vivre (58). Mais il y a beaucoup de relations, entre la culture des hommes et le salut de Dieu(58). Même si c’est parfois difficile, de faire marcher ensemble la culture et la parole de Dieu (62). L’Eglise peut aider les différentes cultures et les différents peuples, à mieux se comprendre. En même temps qu’elle peut recevoir beaucoup, des différentes cultures des hommes(44). La culture doit être respectée, et elle a besoin de liberté pour grandir (59). Mais elle doit rester au service des personnes humaines, et du bien commun de la société. La culture ne doit pas aller contre la religion, ni la supprimer (56). Nous devons respecter et aimer, ceux qui pensent et agissent autrement que nous, dans tous les domaines : la vie économique, sociale, politique et religieuse (28). On ne doit mépriser (abaisser) aucune culture (29), et tous les hommes ont le droit de grandir dans leur culture. Les femmes en particulier, ne doivent pas être privées des avantages de la culture (29). Il faut faire attention, pour que la culture moderne ne casse pas la sagesse des anciens, ni les qualités spéciales à chaque peuple (56). La culture ne doit pas être non plus utilisée par quelques-uns, pour prendre le pouvoir politique ou économique (pour commander le pays et les sociétés ou les entreprises (23).

Un nouveau comportement de l’Eglise

Le Concile ne s’est pas contenté de parler de la culture. Il a changé la façon de se conduire de l’Eglise, par rapport à la culture. Le premier document du Concile parle de la liturgie (le Saint Concile : SC). Il demande clairement à l’Eglise, de ne pas être seulement européenne, mais de s’ouvrir à toutes les cultures. En effet dans le passé, il y a eu de gros efforts faits, par exemple par les jésuites en Chine, avec Matteo Ricci. Non seulement pour prier, mais aussi pour penser dans la culture chinoise. Et aussi en Inde et au Japon. C’est d’ailleurs ce que le « ministère » de la Propagation de la Foi de Rome avait demandé, dès la découverte de l’Amérique. Et ce qu’avait fait par exemple, Barthélémy de las Casa » en Amérique latine. Malheureusement au 18ème siècle, Rome (le Saint Siège, le Vatican) a arrêté ces efforts.

Les siècles suivants, il y a eu un gros travail missionnaire. Mais souvent, malgré les conseils anciens de l’Eglise, les missionnaires apportaient la civilisation européenne, en même temps que l’Evangile. Et pourtant, par exemple le père François Libermann, le 2° fondateur des spiritains, disait clairement à ses missionnaires : » Faites-vous noirs avec les noirs. Ne leur imposez pas les idées venues d’Europe ».

-Le Concile a voulu respecter les cultures, en commençant par la vie intérieure de l’Eglise. On a commencé à prier dans les différentes langues locales. « L’Eglise accepte les coutumes et les rites traditionnels,  dans la liturgie elle-même, pourvu qu’ils respectent leur véritable aspect authentique » (SC 37). Et par exemple dans le décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise, le Concile demande que l’Eglise se réconcilie avec les autres cultures (non occidentales). Une autre étape importante sera le décret Nostra Aetate (NA), où le Concile demande l’entente et la collaboration avec les autres religions, en particulier avec les juifs et les musulmans. En commençant bien sûr par les autres religions chrétiennes (voir le décret sur l’oecuménisme).

Les médias

Quelles conséquences tirer de tout cela, par rapport aux médias (les moyens de communication : journaux, radio, télé, internet, téléphones portables, etc...) ? Notre document explique : « Les nouveaux moyens de communication sociale, de plus en plus perfectionnés, aident à mieux connaître ce qui se passe dans le monde. Et à envoyer partout des idées et des sentiments. Ce qui entraîne de nombreuses réactions, les unes à la suite des autres » (6).

« Parmi les différents aspects du monde d’aujourd’hui, il y a l’augmentation des relations entre les hommes, qui sont beaucoup aidées par les progrès techniques actuels » (23).

Mais le document ajoute aussi : « La technique ne suffit pas, pour un vrai dialogue de frères entre les hommes. Il faut une vraie communauté de personnes. Cela demande le respect de leur dignité spirituelle, les uns par rapport aux autres… La culture peut devenir meilleure et s’étendre partout, grâce au développement des techniques. Et grâce à une meilleure organisation des moyens, qui permettent aux hommes de mieux communiquer (se parler) entre eux » (54).

« C’est cela qui va permettre une culture universelle (une culture pour tous) » (61).

L’histoire des medias : Autrefois on recopiait les livres à la main. C’était très fatigant, et on faisait souvent des erreurs. Gutenberg a inventé l’imprimerie en 1450. A ce moment-là, on a pu faire de nombreuses copies du même livre, rapidement et sans erreur. Grâce à cela, l’Eglise a pu faire des livres de prières pour tous. Et c’est grâce aux livres, que la Réforme (religion) protestante a pu se développer en Allemagne. Ainsi, en 1500, on avait imprimé seulement 40 livres. En 1519, il y en avait 111. Quatre ans plus tard, 498.

Pendant 450 ans, on a eu seulement les livres. En 1995, est apparu le premier film. 20 ans plus tard arrive la radio. Et maintenant il y a internet : il n’y a plus de distance entre les hommes. On peut parler avec les hommes du monde entier : on peut de plus en plus facilement, envoyer des nouvelles, mais aussi en recevoir, et même se voir, grâce aux ordinateurs. C’est grâce à la vitesse pour échanger des nouvelles, que l’on a pu aider tout de suite, par exemple les victimes du tsunami, en décembre 2004. Ou du tremblement de terre au Pakistan en 2005. Maintenant, grâce aux téléphones portables, les paysans dans les villages, peuvent connaître le prix de vente de leurs produits en ville, et même dans le monde entier. On ne peut plus les tromper aussi facilement, et ils peuvent s’organiser pour vendre leurs récoltes. On peut connaître la vie des gens et se faire connaître, grâce au blog. On peut écouter à nouveau les programmes de radio, et revoir la télévision, sur Internet et même sur son téléphone portable, n’importe où et à n’importe quel moment. Ce ne sont pas seulement les jeunes qui en profitent, mais aussi par exemple, les personnes âgées : grâce à Internet, elles ne sont plus aussi seules. Elles peuvent parler avec d’autres, et même se voir grâce à Skype. Mais bien sûr, ce n’est pas tout le monde qui peut profiter de tout cela. Et cela amène encore plus d’inégalités dans le monde. Comment mieux utiliser tout cela ? Comment faire pour que cela serve, à mieux nous comprendre entre personnes de cultures différentes ? Et qu’il y ait plus de paix et d’entente dans le monde ?

De même pour la religion : il y a maintenant des groupes de prières et des retraites, sur Internet. Les sages grecs se réunissaient sur l’Aréopage (la place publique), pour échanger des idées. C’est là que Saint Paul a été leur parler (Actes 17, 22-31). Le pape Jean Paul 2 a dit : » le monde est devenu un aréopage, dans lequel la Bonne Nouvelle de l’Evangile doit être annoncée, pour créer une nouvelle culture des temps modernes ».

Des dangers et des limites : On regarde la télévision, tous ensemble, dans le monde entier. Par exemple pour les Jeux Olympiques ou la Coupe du Monde de Foot Ball. Mais de plus en plus, les gens cherchent des relations plus personnelles, pour échanger des idées avec les personnes qui peuvent les comprendre, et pour se former ensemble. Les gens se regroupent d’après leurs idées, la langue qu’ils parlent et leur culture, ou d’après les choses qui les intéressent. C’est très bon. Mais d’abord, cela demande qu’on se dise la vérité, et que l’on ait confiance les uns dans les autres. Car on peut entrer en contact, avec des gens que nous ne pourrons jamais visiter. Mais on peut se montrer autrement, que ce que l’on est vraiment. C’est ce qu’on appelle le monde virtuel. On peut tromper les autres. Mais cela permet aussi d’entrer en relation avec les gens, sans peur et sans honte. Et si ça ne va pas, on peut s’arrêter tout de suite.

Un autre danger, c’est qu’on se parle avec des gens qui sont à des milliers de kilomètres de nous. Mais qu’on ne se parle plus entre voisins. Et qu’on ne partage plus, avec des gens qui ont d’autres idées que les nôtres.

Au niveau de la société, nous ne sommes plus jamais seuls. Nous ne pouvons plus avoir de secrets. Notre vie est de plus en plus contrôlée. C’est un grand danger. Et des gens commencent à se demander : comment garder notre liberté ?

Les SMS permettent d’échanger des idées rapidement, d’une manière courte et résumée. On écrit comme on parle. On crée des façons de parler simples. Mais cela n’apprend pas aux gens à réfléchir en profondeur et avec précision.

Pour l’étudiant, Internet permet de trouver des documents tout de suite, sans aller dans une bibliothèque. Il permet de parler et de travailler avec d’autres étudiants. Il permet d’envoyer des documents, que tout le monde peut lire. Mais il y a beaucoup de gens qui copient les choses sur Internet, au lieu de réfléchir et de travailler personnellement.

Et on trouve de tout sur Internet. Il y a le danger de la pornographie (de la sexualité sans respect et sans amour), et de la pédophilie (prendre des enfants pour son propre plaisir sexuel).

Pourtant, si on veut vivre dans le monde moderne, on ne peut pas refuser ces moyens de communication, même si on perd de la liberté, et qu’il y a des dangers.

Que faire ?

Tout cela demande une éducation. D’abord, il y a de plus en plus de documents. Il faut donc apprendre à choisir, ceux qui sont bons et utiles. Et ne pas passer tout son temps à des jeux, ou à des nouvelles inutiles ou même mauvaises.

Autrefois les jeunes grandissaient dans la famille, qui leur enseignait les traditions et la façon de vivre. Maintenant, ils sont sans arrêt avec la culture moderne. Les parents et les éducateurs ne peuvent plus être des gens, qui enseignent seulement les traditions et la culture. Ils doivent être des guides, qui apprennent à leurs enfants et à leurs élèves à réfléchir. Et à choisir leur chemin, au milieu de toutes les informations modernes. En respectant leur liberté, mais en leur apprenant à prendre leurs responsabilités sérieusement.

Maintenant, avec Ipad, on peut choisir ce qu’on veut voir et écouter. Et se faire son programme personnel, à partir de ce qui existe. C’est important pour nous former.

Et aussi, pour partager notre foi. Par Internet, nous pouvons aller jusqu’aux extrémités de la terre, comme le disait Jésus au moment de quitter ce monde. Mais il nous faut apprendre à faire entrer l’Evangile dans ce langage nouveau, et dans ce monde virtuel. Pas seulement pour annoncer l’Evangile avec ces moyens. Mais pour les convertir, et faire qu’ils soient utilisés comme Dieu le veut, dans l’esprit de l’Evangile. Dans le respect et l’amour des gens. Pour les faire grandir et les éduquer. Mais pour cela, il faut d’abord bien comprendre, comment ces moyens fonctionnent. Et voir comment Dieu peut être présent et agir, dans ces nouvelles techniques. Comme il agit partout ailleurs dans le monde. De même, il faut apprendre à présenter l’Evangile dans la culture moderne, avec les moyens de communication actuels. Mais aussi dans les différentes cultures du monde, alors que l’Eglise est encore très occidentale (européenne), jusqu’à maintenant. Les études sur les langues et l’histoire nous aident à mieux comprendre la Parole de Dieu, à partir de la culture où elle a été annoncée

Le développement total de la personne humaine, dans la solidarité (être ensemble) et la justice

Tous les hommes maintenant sont en relation les uns avec les autres, grâce aux moyens de communication sociale, aux moyens de transport, au commerce, à la politique, etc… Ils partagent les grands problèmes, qui se posent au niveau du monde entier. Comme par exemple la question de l’environnement (le respect de la Création et la protection de la terre), ou les migrations (les émigrés et les réfugiés etc.). Les hommes ont maintenant compris qu’ils ont le même avenir. Cela veut dire que nous sommes devenus responsables du monde entier. Et que nous devons tous devenir une communauté des nations (de tous les pays), et une seule famille humaine. Comme nous le demande le Concile. C’est cela qui nous permet de travailler tous ensemble. Et de construire ensemble le monde, pour le développement et le bonheur de tous les hommes. La solidarité (être ensemble) est une des marques les plus importantes de la culture d’aujourd’hui. Bien sûr, les différentes cultures et les différentes religions continuent d’exister. Il nous faut donc apprendre à vivre et à agir ensemble, dans le respect et en nous complétant. Et à chercher le bien commun pour tous, en n’oubliant et en ne rejetant personne, pour lutter contre la pauvreté et toutes les formes d’injustice. Pour cela, il nous faut utiliser toutes les richesses de nos différentes cultures. Et apprendre à respecter davantage notre terre, qui est la création de Dieu (voir le chapitre 7). Mais surtout respecter la dignité de toutes les personnes humaines, spécialement les pauvres et les petits. En se rappelant qu’il s’agit de développer tout l’homme : pas seulement lui donner à manger, mais faire grandir son esprit (par la culture), son cœur et son âme.

Sciences, techniques et foi chrétienne.

Autrefois il y a eu des problèmes, entre les savants et les responsables de l’Eglise. Parce que ces derniers voulaient s’imposer, et dominer les sciences. Par exemple au procès de Galilée. Le Concile nous dit au contraire, que la science peut permettre de mieux comprendre la foi. Et que la science doit avoir la liberté de recherche, et sa responsabilité propre.

Au sujet de la technique et de la science, voici quelques passages de notre document GS. Le Concile explique que tous les efforts des hommes à travers les siècles, pour rendre la situation du monde meilleure, ne pose aucun problème aux croyants. Cela correspond au plan de Dieu. « L’homme a été créé à l’image de Dieu. Il est appelé à commander le monde, avec tout ce qu’il contient. Et à diriger le monde, dans la justice et la sainteté… pour que le nom de Dieu soit honoré sur toute la terre. »

GS a donc une idée très bonne (positive) des sciences et des techniques. Le document dit par exemple : « Les progrès des sciences de la vie (biologie), de l’intelligence (psychologie), et de la vie en société (sociologie) permettent à l’homme de mieux se connaître. Mais il lui donne aussi, les moyens de diriger la vie des sociétés, en utilisant des techniques (les moyens) qui conviennent (5) ».

Et plus précisément : « Les savants, en particulier les savants des sciences biologiques, médicales, sociales et psychologiques peuvent faire beaucoup, pour aider le mariage, la famille et la paix des cœurs, s’ils cherchent à mieux comprendre les conditions, qui aident à une bonne régulation des naissances » (52 voir aussi le n° 54).

Par conséquent : « que dans le travail de l’Eglise, on connaisse suffisamment non seulement la théologie, mais aussi les sciences modernes, pour bien s’en servir. En particulier la psychologie (l’étude de l’intelligence humaine) et la sociologie (l’étude de la société). A ce moment-là, les fidèles pourront arriver, à une vie de foi plus grande et plus pure » (62, 2).

Mais, d’un autre côté, le Concile dit (AA7): « De nos jours, certains font trop confiance au progrès de la science et de la technique. On dirait qu’ils adorent les choses de ce monde. Au lieu de les commander, ils en deviennent esclaves ».

Que faut-il penser de tout cela, 50 ans après le Concile ? En effet, ces sciences ont beaucoup avancé en 50 ans, avec de grand progrès, mais aussi en apportant des problèmes. Il y a aussi les progrès de l’informatique (les ordinateurs et internet). Cela transforme toute notre façon de vivre.

C’est la première fois, qu’un document officiel de l’Eglise donne une telle place, à la science et à la technique. Cela encourage beaucoup les savants, et leur donne leur place dans la vie des hommes, pour le progrès de la société. Ce document reconnaît que les savants doivent être libres dans leurs recherches, du moment qu’ils respectent la morale (qu’ils cherchent le bien). Ce document montre aussi que la science n’est pas seulement une question de technique, mais qu’elle fait partie de la culture (la civilisation des hommes). Bien sûr, il faut bien voir les choses. La science peut être utilisée aussi pour faire le mal. Elle peut pousser l’homme, à croire qu’il peut tout faire, et qu’il n’a plus besoin de Dieu (l’athéisme). Mais on se rend mieux compte maintenant, que la science ne peut pas tout faire, et qu’elle a besoin d’être dirigée vers le bien. Et qu’avec les changements actuels, il faudra continuer à avancer. Ainsi, la science ne sert pas seulement, à rendre la vie meilleure. Elle est nécessaire, pour que les hommes puissent vivre sur la terre. C’est elle qui permet de nourrir les hommes, de plus en plus nombreux dans le monde.

En même temps, les progrès de la science n’ont pas empêché les différences entre les riches et les pauvres, de devenir de plus en plus grandes. La science a aussi inventé des armes, qui tuent plus qu’avant : armes chimiques, biologiques etc… et pas seulement atomiques. Et on dépense beaucoup plus d’argent pour faire des armes, que pour nourrir des hommes dans le monde.

Au niveau de la foi, il faudrait certainement chercher à présenter l’enseignement du Concile d’une manière nouvelle. Par exemple, pour mieux faire comprendre ce que dit Saint Paul, quand il dit que le Christ est venu sur terre (l’incarnation). Et qu’il est le centre du monde (Epitres aux Colossiens et aux Éphésiens). Car au niveau scientifique, nous savons maintenant que la Terre n’est pas au centre du monde, elle est simplement un satellite (un petit morceau qui tourne autour d’une petite étoile, le soleil, dans une petite galaxie). Et il y a des milliards de galaxies et d’étoiles, dans le monde que Dieu a créé (l’univers). Les savants pensent qu’il y a peut-être d’autres planètes habitées par des êtres vivants et intelligents, différents de nous. . On a compris maintenant que le monde avance, et qu’il n’a pas été créé en six jours comme les nôtres. Mais dans tout cela, Dieu reste libre et il continue d’agir dans le monde.

En tout cas, le centre du monde, ce n’est pas l’homme. C’est le Christ !

Une parole actuelle 

Le Message final du Synode sur la Nouvelle Evangélisation, n° 10, explique : « La Nouvelle Evangélisation fait très attention au dialogue avec les cultures. Nous pensons qu’on peut trouver dans chacune des cultures, des semences de la Parole de Dieu, dont les Pères de l’Eglise ont parlé (Les Semences du Verbe). La Nouvelle évangélisation a besoin de nouvelles relations entre la foi et la raison. En effet, la foi est capable d’accueillir tous les fruits d’une raison saine, ouverte aux choses de Dieu. Et la foi peut soigner les manques et les limites, dans lesquelles la raison humaine peut tomber. La foi reconnaît que la présence du mal, dans le monde actuel et dans l’histoire passée des hommes, lui pose beaucoup de questions. Mais elle trouve dans la résurrection du Christ, la lumière nécessaire pour garder l’espérance. C’est la rencontre de la foi et de la raison, qui pousse la communauté chrétienne à s’engager pour l’éducation et pour la culture, en particulier dans les écoles et dans les universités. L’Eglise doit apporter son expérience, partout où on cherche à faire grandir les connaissances de l’homme, et où on propose une éducation, pour former la personne humaine dans toute sa dimension… Les évêques du Synode remercient ceux qui font ce travail d’éducation, souvent dans des conditions difficiles.

L’évangélisation demande que l’on fasse aussi très attention, aux communications sociales (les médias). Les nouveaux média amènent beaucoup de questions, mais aussi d’espoir. C’est là que les esprits se forment. C’est là que l’on retrouve la vie du monde. C’est une chance nouvelle, pour rejoindre le cœur de l’homme.

Un point pratique de la rencontre entre foi et raison, c’est le dialogue avec la science. Ce dialogue n’est pas loin de la foi. Il fait comprendre l’esprit (la spiritualité), que Dieu a mis dans ses créatures. Il permet de comprendre les bases mêmes de la création. Les sciences sont une grande aide à la foi, pour rendre la vie plus humaine. A condition de ne pas vouloir enfermer l’homme et le monde, dans les choses matérielles (le matérialisme). C’est pourquoi nous disons merci, à tous ceux qui s’engagent dans la recherche de la connaissance.


Nous voulons dire aussi merci, aux hommes et aux femmes qui travaillent dans les arts, sous toutes leurs formes, des plus anciennes aux plus nouvelles. Nous reconnaissons dans les œuvres d’art, un chemin qui conduit à Dieu, parce que ils conduisent l’homme vers la beauté (et Dieu est beauté). Les artistes nous aident, à montrer la beauté de Dieu et de ses créatures. Le chemin de la beauté, c’est un chemin très important pour la nouvelle évangélisation. D’ailleurs, ce sont toutes les choses que l’homme crée par son travail, qui permettent à l’homme de participer au travail de Dieu qui crée le monde.

Annexe

Discours de Benoît XVI à 11 nouveaux ambassadeurs : jeudi 15 décembre 2011 : Développement intégral de la personne, solidarité, justice

L’unité de la famille humaine est aujourd’hui vécue comme un fait. En raison des moyens de communications sociales qui relient toutes régions de la planète les unes aux autres, des transports qui facilitent les échanges humains, des liens commerciaux qui rendent les économies interdépendantes, des défis qui prennent une envergure mondiale tels que la sauvegarde de l’environnement, l’importance des flux migratoires, les hommes ont compris qu’ils avaient désormais une destinée commune. À côté des aspects positifs, cette prise de conscience est parfois perçue comme un fardeau en ce sens qu’elle élargit considérablement le domaine de responsabilité de chacun, et qu’elle confère à la résolution des problèmes une complexité d’autant plus grande que les acteurs sont plus nombreux. Ceci ne peut être nié ; cependant, le regard de l’humanité sur elle-même doit évoluer pour découvrir dans cette interdépendance non pas une menace, mais un avantage : celui qu’ont les hommes à travailler les uns avec les autres, les uns pour les autres. Nous sommes tous responsables de tous, et il est important d’avoir une conception positive de la solidarité. Elle est le levier concret du développement humain intégral qui permet à l’humanité de marcher vers son accomplissement. En considérant tous les champs où la solidarité mérite de s’exercer, nous devons accueillir comme un signe positif de la culture actuelle, l’exigence, de plus en plus présente à la conscience de nos contemporains, d’une solidarité intergénérationnelle. Celle-ci trouve son enracinement naturel dans la famille, qu’il convient de soutenir pour qu’elle continue de remplir sa mission essentielle dans la société. Et en même temps, pour élargir le champ de la solidarité et la promouvoir durablement, l’éducation des jeunes est la voie privilégiée. Dans ce domaine, j’encourage chacun, quel que soit son niveau de responsabilité et particulièrement les gouvernants, à faire preuve d’inventivité, à prendre et à investir les moyens nécessaires pour donner à la jeunesse les bases éthiques fondamentales, notamment en l’aidant à se former, et à lutter contre les maux sociaux que sont le chômage, la drogue, la criminalité et le non-respect de la personne. La préoccupation pour le sort des générations futures conduit à une avancée significative dans la perception de l’unité du genre humain.

Il n’y a pas à craindre que cette responsabilité commune et partagée pour le bien du genre humain tout entier se heurte sans fin à la diversité culturelle et religieuse comme à une impasse. Le pluralisme des cultures et des religions ne s’oppose pas à la recherche commune du vrai, du bien et du beau. Éclairée et soutenue par la lumière de la Révélation, l’Église encourage les hommes à faire confiance à la raison qui, si elle est purifiée par la foi « l'élève, lui permettant ainsi d'élargir ses propres espaces pour s'insérer dans un domaine de recherche insondable comme le mystère lui-même » (Discours à l’occasion du Xe anniversaire de l’Encyclique Fides et ratio, 16.10.2008). Elle est alors capable de dépasser les conditionnements partisans ou intéressés, pour reconnaître les biens universels dont tous les hommes ont besoin. Parmi ces biens, la paix et l’harmonie sociale et religieuse tant désirées sont liées non seulement à un cadre législatif juste et adapté, mais aussi à la qualité morale de chaque citoyen car « la solidarité se présente sous deux aspects complémentaires : celui de principe social et celui de vertu morale » (Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, n.109).

La solidarité remplit pleinement son rôle de vertu sociale lorsqu’elle peut s’appuyer à la fois sur des structures de subsidiarité et sur la détermination ferme et persévérante de chaque personne à travailler pour le bien commun, dans la conscience d’une responsabilité commune. Les nouveaux défis auxquels vos pays se trouvent aujourd’hui confrontés appellent certainement une mobilisation des intelligences et de la créativité de l’homme pour lutter contre la pauvreté et pour une plus efficace et plus saine utilisation des énergies et des ressources disponibles. Tant sur le plan individuel que politique, il s’agit de s’acheminer résolument vers un engagement plus concret et plus largement partagé à l’égard du respect et de la protection de la création. J’encourage donc vivement les autorités politiques de vos pays à œuvrer dans ce sens.

Enfin, faire croître la responsabilité de tous entraîne aussi une vigilance active et efficace pour le respect et la promotion de la dignité humaine face à toute tentative de l’amoindrir, voire de la nier ou à une instrumentalisation de chaque personne. Une telle attitude contribuera à éviter à l’agir social de devenir trop facilement la proie d’intérêts privés et de logiques de pouvoir qui entraînent la désagrégation de la société et accentuent la pauvreté. C’est en s’appuyant sur la notion de développement intégral de la personne humaine que la solidarité pourra advenir et permettre davantage de justice. À cet égard, il revient non seulement aux religions de mettre en honneur la primauté de l’esprit, mais aussi aux États de le faire, notamment à travers une politique culturelle qui favorise l’accès de quiconque aux biens de l’esprit, valorise la richesse du lien social et ne décourage jamais l’homme de poursuivre librement sa quête spirituelle.


Constitution pastorale sur l'église dans le monde de ce temps : GAUDIUM ET SPES

1er mardi de l’Avent. Causerie sur la Constitution « Gaudium et Spes » du Concile Vatican II : Nous allons fêter le 50° anniversaire du concile Vatican 2. C’est un évènement très important. Les textes de Vatican 2 sont toujours valables, de même que la méthode de travail. Mais bien sûr, il faut voir comment les vivre aujourd’hui, car le monde a changé et nous devons marcher avec lui. A la paroisse des Martyrs de l’Ouganda de Dakar, nous avons décidé d’étudier l’un des textes les plus importants : la Constitution Gaudium et Spes : « l’Eglise dans le monde de ce temps ». En attendant un travail plus approfondi, voici le résumé de la 1° rencontre.

Avant propos

1. Étroite solidarité de l’Église avec l’ensemble de la famille humaine 

Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.

Exposé préliminaire :

  1. La condition humaine dans le monde d’aujourd’hui

  2. Espoirs et angoisses

  3. Changements dans l’ordre social

  4. Changements psychologiques, moraux, religieux

  5. Les déséquilibres du monde moderne

  6. Les aspirations de plus en plus universelles du genre humain

A préparer pour le mardi 29 Novembre :

  1. Qu’est-ce qui a changé dans notre société sénégalaise, depuis 50 ans ?

  2. Quelles sont les joies et les espoirs des gens d’aujourd’hui ?

  3. Quelles sont leurs souffrances et leurs peurs ?

  4. Que faire pour que notre Eglise Famille de Dieu diocésaine, notre paroisse, nos CEB, nos commissions et nos mouvements répondent aux attentes de nos frères et sœurs ?

Rencontre

I. Introduction

  1. Un Concile est une assemblée d’évêques avec le Pape pour se concerter autour de questions sur l’Eglise. L’avant-dernier concile avait été en 1870, le concile Vatican I. Presque cent ans plus tard, Jean XXIII convoque le Concile Vatican (car il se célèbre dans cette ville) II. Pour la première fois y assistent des évêques de tous les continents : Asie, Afrique, Amérique. Ils y ont joué un grand rôle et ont ouvert l’Eglise aux dimensions du monde

  2. Pourquoi ce Concile ? L’Eglise était déjà bien organisée, mais elle « tournait en rond ». Il lui fallait un « ajournement » ou mise à jour pour répondre aux besoins de l’homme actuel. Il fallait « ouvrir les fenêtres » pour que le vent de l’Esprit y pénètre. Il fallait que l’Eglise écoute les hommes.

  3. Il y a eu dans le Concile la proclamation de 4 constitutions ou documents plus importants :

    1. Sur la PAROLE DE DIEU., base de notre foi, à mettre au centre de notre vie

    2. Sur la LITURGIE : elle se faisait en latin et « face au mur » ; il fallait changer pour y écouter davantage la Parole de Dieu et assurer une participation pleine et active des fidèles

    3. Sur l’EGLISE. Dans ce document apparaît le nom : « peuple de Dieu ». L’Eglise n’est plus « le Pape plus les évêques plus les prêtres… », mais le peuple de Dieu, dans lequel chacun a sa place et un rôle, qui est un service (voir 1° Cor 12 à 13), dans l’amour du Christ.

    4. GAUDIUM ET SPES (« les joies et les espérances des hommes ») : l’Eglise DANS LE MONDE DE CE TEMPS. Qu’est-ce que l’Eglise doit accueillir du monde, et lui dire au nom du Christ ?

  4. Le Concile est UN DEBUT, pas la fin d’un chemin. Il y a eu une préparation (les encycliques Mater et Magistra et Pacem in Terris entre d’autres, mais aussi toutes les recherches sur la Parole de Dieu – l’exégèse – et les activités pastorales nouvelles à la base : l’Action Catholique…). Mais il faut toujours avancer : à nous de continuer à la mettre en pratique, à la lumière de l’Evangile, en nous laissant conduire par le Saint Esprit.

  5. Il faut bien voir de quelle Eglise nous parlons et de quelle image nous en avons :

  • -Dans l’Evangile, Jésus nous parle de petit troupeau, d’arbre et ses branches,

  • Paul nous parle de l’Eglise comme Corps Mystique de Jésus Christ.

  • Vatican 1 nous parle d’une Eglise organisée  « hiérarchique, avec le Pape, les évêques, les institutions ecclésiales…

  • Vatican II nous présente l’Eglise comme peuple de Dieu

  • Le Synode pour l’Afrique nous dit que l’Eglise est la Famille de Dieu (selon notre culture)

NB Souvent, quand nous parlons de l’Eglise, c’est encore avec les idées de Vatican 1

II. Le texte de la constitution « Gaudium et spes »

Lecture du premier paragraphe. Commentaires :

  • « je ne suis pas chrétien, si je ne partage pas les tristesses et les espoirs des hommes ».

  • « je vis avec le Christ ». C’est ça qui définit le chrétien. Nous sommes unis au Christ et le Royaume de Dieu qu’il a instauré est ouvert à tous. Par exemple à ceux qui construisent la paix (« heureux ceux qui construisent la paix » Mat 5,9 ce sont eux les vrais enfants de Dieu…qu’ils soient chrétiens ou musulmans, de religion traditionnelle ou athées).

III Le monde, le Sénégall et l'église d'aujourd'hui

( cette partie a été traitée sous forme de dialogue avec la participation de tous)

a) Evolution du monde les derniers 50 ans :

Avancement des sciences et technologies / ouverture des frontières / globalisation-mondialisation / augmentation démographique (7 milliards d’hommes sur la terre) urbanisation-exode rural / extension des régimes «démocratiques »- chute des dictatures.

Dans tout cela il y a du bon et du moins bon :

  • dans la mondialisation, le plus fort écrase souvent le plus petit= exemple de l’OMC :l’organisation mondiale du commerce, les traités APE où l’Europe impose ses lois économiques à l’Afrique et aux pays ACP, le FMI et la Banque Mondiale et leur ajustement structurel qui fait souffrir les plus pauvres.

  • La chute du mur de Berlin et du communisme : la fin des idéologies pour laisser la place au libéralisme (=individualisme, loi du plus fort, compétition et promotion personnelle, matérialisme, désir démesuré de l’argent)

  • internet : on peut communiquer avec tout le monde et partout…mais on ne parle plus à son voisin.

  • biologie : le clonage, la fécondation in vitro, expériences sur les embryons humains, eugénisme, etc. et manque de respect de la vie :avortement légalisé, euthanasie…

  • le terrorisme, Al Qaida et Aqmi

b) Evolution du Sénégal les derniers 50 ans :

  • création d’infrastructures

  • indépendance

  • démocratie

  • exode rural

  • émigrations en Europe et reflux (expulsions)

  • scolarisation

  • chômage, surtout des jeunes

  • pauvreté

  • inondations

  • délestages

  • reconnaissance de la femme

  • mentalité d’assistés

  • problèmes du monde paysan

Là aussi, il y a du bon et du moins bon !

c) Evolution de l’Eglise sénégalaise les derniers 50 ans :

  • avancement du christianisme : il est plus respecté

  • inculturation (mais, pas seulement dans la liturgie ; il le faut aussi dans l’organisation de nos communautés et le travail de l’Eglise, à l’exemple de « l’arbre à palabres et du conseil des anciens », en vivant d’une façon actuelle nos valeurs traditionnelles)

  • le renouveau, charismatique…et autre

  • diminution des effectifs dans les mouvements d’action catholique

  • augmentation du service catholique à l’éducation…mais pour qui ? et les enfants de la rue ?

  • augmentation des dispensaires catholiques (mais a-t-on le souci des dispensaires non catholiques et hôpitaux de l’état ? participons à l’effort de santé du gouvernement ?), pratiques encore de maraboutage (même chez les religieux et religieuses !)

  • commissions justice et paix dans les paroisses

  • le synode

  • la nouvelle évangélisation

  • sénégalisation du clergé (mais, est-ce que les laïcs ont-ils aussi pris toutes leurs responsabilités ?)

IV Que nous dit Gaudium et Spes sur tout cela ?

(quelques réflexions sur les extraits de la 1° partie n° 1 à 45, distribués la semaine précédente))

1. Chapitre premier : la dignité de la personne humaine (n°s 9 à 25)

(lecture du nº 9) :À lieu de partir d’en haut (l’enseignement officiel), le concile part d’en bas : les aspirations des hommes. Méthode inductive : partir de la vie. Voir, juger, agir. Dieu est présent dans le m !onde et agit dans la vie des hommes.

L’Église a un regard positif sur le monde, même sur nos frères athées (ne le sont-ils pas en partie par notre faute ? Ils ont aussi quelque chose à nous apprendre). On se met en cause avant d’attaquer les autres (proverbe bambara : lorsque tu montres quelqu’un du doigt (l’index), n’oublie pas que trois autres doigts sont (repliés) tournés vers toi).

L’Eglise n’a pas de solutions concrètes aux problèmes politiques et économiques, mais elle donne des principes :

  • Dignité de la personne humaine

  • Recherche du bien commun total (de toute la personne et de tous)

  • Aspiration à une vie pleinement humaine (Jean 10,10)

  • L’homme doit être libre

  • Subsidiarité : rien faire d’en haut si l’on peut le faire en bas

(lecture du nº 11) Comment devons-nous agir ? En répondant aux appels de l’Esprit.

Respect de la dignité de l’homme (12) : c’est la base de tout à chercher toujours et partout

Dignité de la conscience morale (16). Nous avons le devoir d’obéir à notre conscience, mais nous devons la former, réfléchir, et écouter les conseils.

Ecouter ensemble l'esprit qui nous parle : A quoi tu nous appelles, seigneur, dans ce monde ?

Jésus Christ notre modèle, l’homme nouveau.

2. Chapitre deuxième. La communauté humaine. (lecture nº 26 et 27)

  • L’homme ne peut pas vivre seul : le chrétien non plus.

  • Il faut que toutes les activités humaines servent à tous ; que l’argent soit pour tous.

  • Promouvoir le bien commun = partager les biens spirituels, pas seulement matériels.

  • Bases de l’ordre social : vérité, justice, amour, liberté.

  • Refus de tout ce qui s’oppose à la vie : homicide, génocide, avortement, euthanasie, mutilations, torture, déportations, esclavage, prostitution, commerce des femmes et des jeunes, conditions de travail dégradantes.

  • Respect et amour des adversaires.

3. Chapitre troisième : L’activité humaine dans l’univers (attention à la pollution, au réchauffement climatique…)

nº 35. L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a.

nº 39. Nous attendons une terre nouvelle et des cieux nouveaux : ceci, loin d’affaiblir notre souci de cultiver la terre doit plutôt le réveiller.

5. Chapitre quatrième : le rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps.

  • L’Eglise fait route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde.

  • (nº42) Tout ce qu’il y a de vrai, de juste, dans les institutions très variées…le Concile le considère avec un grand respect.

  • (nº43) Le Concile exhorte les chrétiens à remplir avec fidélité leurs tâches terrestres en se laissant conduire par l’esprit de l’Evangile. Pour être un bon travailleur chrétien, il faut d’abord être un bon travailleur. Il faut être : de bons paysans, de bons fonctionnaires, de bons professionnels… Aux laïcs revient, donc, d’avoir une véritable compétence.

  • C’est à la conscience des laïcs chrétiens d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre.

  • Que les laïcs ne pensent pas que leurs pasteurs peuvent fournir une solution immédiate à tout problème, mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant attention à l’enseignement du Magistère, qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités… Il y a là des choses à revoir, aussi bien du côté des prêtres que des laïcs

  • Quand les chrétiens ne sont pas d’accord sur les questions politiques et autres (par exemple, s’ils appartiennent à des partis politiques différents), que toujours ils cherchent, en dialogue sincère, à s’éclairer mutuellement, qu’ils gardent entre eux la charité.

  • La dernière parole c’est Jésus : IL EST L’ALPHA ET L’OMÉGA.

Extraits du document, à lire avant la rencontre (n° 1 à 45) :

Constitution pastorale sur l'église dans le monde de ce temps : GAUDIUM ET SPES

1. Étroite solidarité de l’Église avec l’ensemble de la famille humaine :

Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.

CHAPITRE PREMIER : La dignité de la personne humaine:

9.Les nations en voie de développement, comme celles qui furent récemment promues à l’indépendance, veulent participer aux bienfaits de la civilisation moderne tant au plan économique qu’au plan politique, et jouer librement leur rôle sur la scène du monde. Et pourtant, entre ces nations et les autres nations plus riches, dont le développement est plus rapide, l’écart ne fait que croître, et, en même temps, très souvent, la dépendance, y compris la dépendance économique. Les peuples de la faim interpellent les peuples de l’opulence. Les femmes, là où elles ne l’ont pas encore obtenue, réclament la parité de droit et de fait avec les hommes. Les travailleurs, ouvriers et paysans, veulent non seulement gagner leur vie, mais développer leur personnalité par leur travail, mieux, participer à l’organisation de la vie économique, sociale, politique et culturelle. Pour la première fois dans l’histoire, l’humanité entière n’hésite plus à penser que les bienfaits de la civilisation peuvent et doivent réellement s’étendre à tous les peuples…… 3. Mais sous toutes ces revendications se cache une aspiration plus profonde et plus universelle : les personnes et les groupes ont soif d’une vie pleine et libre, d’une vie digne de l’homme, qui mette à leur propre service toutes les immenses possibilités que leur offre le monde actuel.

4. Ainsi le monde moderne apparaît à la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du pire, et le chemin s’ouvre devant lui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine.

11. Répondre aux appels de l’Esprit

Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines.

12. La dignité de la personne humaine

La Bible enseigne que l’homme a été créé « à l’image de Dieu », capable de connaître et d’aimer son Créateur, qu’il a été constitué seigneur de toutes les créatures terrestres pour les dominer et pour s’en servir, en glorifiantDieu

16. Dignité de la conscience morale

Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera

17. Grandeur de la liberté

Mais c’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison.

19. Formes et racines de l’athéisme :

Dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent… Il faut surtout le témoignage d’une foi vivante et adulte, c’est-à-dire d’une foi formée à reconnaître lucidement les difficultés et capable de les surmonter.

21 :6. L’Église, tout en rejetant absolument l’athéisme, proclame toutefois, sans arrière-pensée, que tous les hommes, croyants et incroyants, doivent s’appliquer à la juste construction de ce monde, dans lequel ils vivent ensemble : ce qui, assurément, n’est possible que par un dialogue loyal et prudent.

22. Le Christ, homme nouveau

Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal.

CHAPITRE II : La communauté humaine 26. Promouvoir le bien commun :

Il faut rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine, par exemple : nourriture, vêtement, habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière religieuse

3. Aussi l’ordre social et son progrès doivent-ils toujours tourner au bien des personnes. Cet ordre doit sans cesse se développer, avoir pour base la vérité, s’édifier sur la justice, et être vivifié par l’amour ; il doit trouver dans la liberté un équilibre toujours plus humain. Pour y parvenir, il faut travailler au renouvellement des mentalités et entreprendre de vastes transformations sociales.

27. Respect de la personne humaine 2

De nos jours surtout, nous avons l’impérieux devoir de nous faire le prochain de n’importe quel homme et, s’il se présente à nous, de le servir activement : qu’il s’agisse de ce vieillard abandonné de tous, ou de ce travailleur étranger, méprisé sans raison, ou de cet exilé, ou de cet enfant né d’une union illégitime qui supporte injustement le poids d’une faute qu’il n’a pas commise, ou de cet affamé qui interpelle notre conscience en nous rappelant la parole du Seigneur : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

3. De plus, tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur

28. Respect et amour des adversaires 1.

Le respect et l’amour doivent aussi s’étendre à ceux qui pensent ou agissent autrement que nous en matière sociale, politique ou religieuse. D’ailleurs, plus nous nous efforçons de pénétrer de l’intérieur, avec bienveillance et amour, leurs manières de voir, plus le dialogue avec eux deviendra aisé.

CHAPITRE III : L’activité humaine dans l’univers 34 :

On voit par là que le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et ne les incite pas à se désintéresser du sort de leurs semblables : il leur en fait au contraire un devoir plus pressant

35 : par son action, l’homme ne transforme pas seulement les choses et la société, il se parfait lui-même. Il apprend bien des choses, il développe ses facultés, il sort de lui-même et se dépasse. Cet essor, bien conduit, est d’un tout autre prix que l’accumulation possible de richesses extérieures. L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a. De même, tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse en valeur les progrès techniques.

38 : Homme parfait, Jésus nous enseigne que « Dieu est charité » (cf. 1 Jn 4, 8) et il nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de

39. Terre nouvelle et cieux nouveaux :

l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit… le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine.

3. Car ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits… de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père « un Royaume éternel et universel : Royaume de vérité et de vie, Royaume de sainteté et de grâce, Royaume de justice, d’amour et de paix». Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre

CHAPITRE IV : Le rôle de l’Église dans le monde de ce temps » :

l’Église fait route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.

42 : 5. Tout ce qu’il y a de vrai, de bon, de juste, dans les institutions très variées que s’est données et que continue à se donner le genre humain, le Concile le considère donc avec un grand respect. Il déclare aussi que l’Église veut aider et promouvoir toutes ces institutions, pour autant qu’il dépend d’elle, et que cette tâche est compatible avec sa mission. Ce qu’elle désire par-dessus tout, c’est de pouvoir se développer librement, à l’avantage de tous, sous tout régime qui reconnaît les droits fondamentaux de la personne, de la famille, et les impératifs du bien commun.

43. Aide que l’Église, par les chrétiens, cherche à apporter à l’activité humaine 1

Le Concile exhorte les chrétiens, citoyens de l’une et de l’autre cité, à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par l’esprit de l’Évangile…Que l’on ne crée donc pas d’opposition artificielle entre les activités professionnelles et sociales d’une part, la vie religieuse d’autre part. En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son salut éternel. À l’exemple du Christ qui mena la vie d’un artisan, que les chrétiens se réjouissent plutôt de pouvoir mener toutes leurs activités terrestres en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains, familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve coordonné à la gloire de Dieu.

2. Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières. Lorsqu’ils agissent, soit individuellement, soit collectivement, comme citoyens du monde, ils auront donc à cœur, non seulement de respecter les lois propres à chaque discipline, mais d’y acquérir une véritable compétence. Ils aimeront collaborer avec ceux qui poursuivent les mêmes objectifs qu’eux. Conscients des exigences de leur foi et nourris de sa force, qu’ils n’hésitent pas, au moment opportun, à prendre de nouvelles initiatives et à en assurer la réalisation. C’est à leur conscience, préalablement formée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre. Qu’ils attendent des prêtres lumières et forces spirituelles. Qu’ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission. Mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement attention à l’enseignement du Magistère, qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités…

Personne n’a le droit de revendiquer d’une manière exclusive pour son opinion l’autorité de l’Église. Quand des chrétiens ne sont pas d’accord sur les solutions (politiques ou autres), que toujours, dans un dialogue sincère, ils cherchent à s’éclairer mutuellement, qu’ils gardent entre eux la charité et qu’ils aient avant tout le souci du bien commun… L’Église n’ignore pas tout ce qu’elle a reçu de l’histoire et de l’évolution du genre humain.

45. Le Christ, alpha et oméga

C’est lui que le Père a ressuscité d’entre les morts, a exalté et à fait siéger à sa droite, le constituant juge des vivants et des morts. Vivifiés et rassemblés en son Esprit, nous marchons vers la consommation de l’histoire humaine qui correspond pleinement à son dessein d’amour : « ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre » (Ep 1, 10).

Pour la rencontre de mardi : Noter les choses importantes et les questions que nous nous posons.


L'Eglise dans le monde de ce temps – 50 ans après, au Sénégal

2ème mardi de l’Avent : Commentaires sur la Constitution « L’Eglise dans le monde de ce temps »,

2° partie : « La famille et la culture » (n° 47 à 62) pour le 50ème anniversaire du concile Vatican II, par le P. Armel

La Culture (chapitre 2- n°53 à 62)

Questionnaire préparatoire :

  1. Que voyons-nous de dangereux, et même de mauvais, dans la culture moderne, telle qu’elle nous arrive au Sénégal ?

  2. Qu’y a-t-il de bon qui peut nous permettre de mieux vivre ?

  3. Comment garder les valeurs de nos cultures traditionnelles dans le monde actuel ?

  4. Comment vraiment inculturer l’Evangile dans notre société (pas seulement dans l’Eglise et la liturgie) ?

  5. Comment permettre aux analphabètes, aux pauvres, aux paysans et aux petits métiers....d’avoir accès à la formation et à la culture ?

  6. Comment faire respecter la culture des petites ethnies et petits groupes 

Causerie

Rappel de la 1ère causerie :

Nous avons abordé les thèmes suivants à partir de la 1° partie du document :

  • la dignité de la personne humaine (chap.1) et le cas concret de notre propre responsabilité comme chrétiens dans l’existence de l’athéisme ;

  • la communauté humaine (chap.2) : l’homme vit en communauté, pas seul , la recherche du bien de tous, mais aussi du bien de toute la personne ;

  • l’activité humaine ou la place de l’homme dans l’univers (chap.3);

  • le rôle de l’Eglise dans le monde de ce temps (chap.4).

La deuxième partie parle de quelques problèmes plus urgents : culture, famille, économie, politique, paix et relations internationales (n° 47 à 93).

Le concile définit la culture (nº53.2) comme :

  • tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ;

  • s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ;

  • humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile

grâce au progrès des mœurs et des institutions ;

  • traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain.

Changements actuels dans les cultures sénégalaises :

  • En négatif : nous avons adopté de la culture occidentale : le matérialisme, l’individualisme, l’esprit de concurrence (même dans nos écoles catholiques les élèves luttent « pour être les premiers ») ; nous avons perdu nos valeurs : le sens du groupe, le partage, la solidarité ;

  • En positif : il y a de nouveaux styles de vie : progrès de l’autonomie comme de la responsabilité , unification de l’univers ;

Garder nos valeurs traditionnelles :

Le dernier synode a, en faveur de nos cultures, des affirmations très importantes :

  • il faut aimer notre culture dans ses valeurs, car elle vient de Dieu ; pour l’aimer il faut la connaître, la développer (ne pas « avoir honte » de nos cultures , ne pas « copier » les autres cultures, « vouloir être toubab » - Même si l’arbre fait 10 ans dans la rivière, il ne devient jamais un caïman.

  • conserver le respect des anciens (parfois des vieux restent abandonnés au village parce que leurs enfants partis en ville ne pensent plus à eux)

  • le respect de la femme en tant que mère

  • la solidarité, l’hospitalité, l’accueil de l’étranger

  • le respect de la vie (contre l’avortement et l’infanticide)

  • le respect de la parole donnée

Par l’Evangile, rendre meilleures notre culture et notre société

Aucune culture n’est parfaite. Les sacrifices aux ancêtres, c’est bien, mais il y a des aspects qui ne sont pas évangéliques (les accusations de sorcellerie, le « maraboutage », l’excision, la polygamie, les grands qui écrasent les petits…).

L’Evangile nous demande d’aller au-delà des valeurs traditionnelles :

  • la femme était respectée comme mère, plus que comme épouse, ou comme personne libre et responsable (soumission à la famille puis au mari, problème des mariages forcés et trop jeunes : toute son éducation et l’initiation étaient orientées vers le mariage…)

  • le mariage comme union de deux familles a une grande valeur à conserver, mais il est important de développer la vie de couple et l’amour conjugal (Voir dès la Genèse : »L’homme quitte son père et sa mère, il s’attache à sa femme et ils deviennent une seule chair » Gen 2,24)

  • la polygamie, le rejet de la femme stérile, les coutumes du veuvage , les souffrances des orphelins…il faudrait voir en quoi la Parole de Dieu nous éclaire sur toutes ces questions.

  • La vraie solidarité va plus loin que le népotisme (favoriser nos familiers pour l’obtention d’un travail, par exemple) et que le soutien des seules personnes de notre ethnie. Danger de parasitisme.

N.B. Le concile s’adressait à tous les hommes, chrétiens ou non, du monde entier. Il n’a pu nous donner que des principes généraux. A nous de chercher comment vivre tout cela dans notre propre culture, en cherchant ensemble, en faisant preuve de créativité et en écoutant l’Esprit, à la lumière de la Parole de Dieu

Chercher comment vivre les valeurs et qualités de la Tradition dans le monde moderne actuel :

  • Accueillir 50 personnes dans la cour de la concession au village, c’était possible. Mais en ville ? Surtout si on habite dans un deux pièces au 3° étage.

  • Accueillir un neveu dans la famille, on pouvait le faire : le deuxième jour, on l’emmenait déjà travailler à la rizière…mais, en ville, ce n’est pas aussi simple que ça : si tu es médecin, est-ce que tu vas l’amener soigner avec toi.

  • Il faut à tout prix conserver les qualités que nous ont laissées les anciens. Mais si nous ne trouvons pas comment les vivre dans le monde moderne, elles vont obligatoirement disparaître. Comment faire ? Nous n’avons pas de modèle pour cela, nous devons chercher. Pas tout seul, mais tous ensemble.

Dans le cas du Sénégal, il s’agit aussi d’assurer la reconnaissance de toutes les cultures : sérère (plusieurs), diola (plusieurs), mancagne (cf. livre de l’Abbé de Keur Moussa), etc... surtout celle des petites ethnies (bassari, coniagui, beudic

Faire de sorte qu’une culture (par ex. le wolof) ne domine pas sur les autres et n’impose pas indirectement l’Islam ou certaines façons de penser et de vivre critiquables.

Savoir choisir ce qui est bon de la culture moderne (voir, comme Jésus, les aspects positifs):

  • La libération : de l’enfant face à l’adulte, des jeunes, de la femme, des jeunes filles : ceci comporte le refus de l’oppression, mais aussi la formation et la responsabilisation des personnes ;

  • Le goût des sciences et la fidélité sans défaillance à la vérité dans les recherches scientifiques (nº57.6).

  • Mais la liberté ne veut pas dire tout faire ni faire n’importe quoi ! Réfléchir !

  • Internet et les médias ouvrent à une communication plus grande, mais il y a aussi les dangers : copier les autres en tout au lieu d’être nous-mêmes, devenir esclaves de la mode, suivre le comportement de certains artistes sans discernement, la violence, le sexe mal compris, la pornographie…

  • la globalité nous permet davantage de « vivre en frères » (entraide immédiate dans le cas des catastrophes)

NB Mais ces bonnes choses qui nous viennent d’ailleurs, nous devons aussi chercher comment les vivre en chrétiens sénégalais, dans notre propre culture.

Quelques conseils données par le concile (extraits du document)

La Culture :

53.Paragraphe 3) Au sens large, le mot « culture » désigne tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain… Il en résulte que la culture humaine comporte nécessairement un aspect historique et social et que le mot « culture » prend souvent un sens sociologique et même ethnologique.

54. Nouveaux styles de vie Les conditions de vie de l’homme moderne, au point de vue social et culturel, ont été profondément transformées, si bien que l’on peut parler d’un nouvel âge de l’histoire humaine. Dès lors, des voies nouvelles s’ouvrent pour parfaire et étendre la culture… Dans le monde entier progresse de plus en plus le sens de l’autonomie comme de la responsabilité; ce qui est de la plus haute importance pour la maturité spirituelle et morale du genre humain,.. l’unification de l’univers et la mission qui nous est impartie de construire un monde meilleur dans la vérité et la justice. Nous sommes donc les témoins de la naissance d’un nouvel humanisme ; l’homme s’y définit avant tout par la responsabilité qu’il assume envers ses frères et devant l’histoire. ..

56. Paragraphe 5)  Que faut-il faire pour que la multiplication des échanges culturels, qui devraient aboutir à un dialogue vrai et fructueux entre les divers groupes et nations, ne bouleverse pas la vie des communautés, ne fasse pas échec à la sagesse ancestrale et ne mette pas en péril le génie propre de chaque peuple ?

Section 2. Quelques principes relatifs à la promotion culturelle :

57. Foi et culture, Paragraphe  : Il nous faut reconnaître les valeurs positives de la culture moderne. Parmi celles-ci, il convient de signaler : le goût des sciences et la fidélité sans défaillance à la vérité dans les recherches scientifiques, la nécessité de travailler en équipe dans des groupes spécialisés, le sens de la solidarité internationale, la conscience de plus en plus nette de la responsabilité que les savants ont d’aider et même de protéger les hommes, la volonté de procurer à tous des conditions de vie plus favorables, à ceux-là surtout qui sont privés de responsabilité ou qui souffrent d’indigence culturelle. Dans toutes ces valeurs, l’accueil du message évangélique pourra trouver une sorte de préparation, et la charité divine de celui qui est venu pour sauver le monde la fera aboutir…

58. Paragraphe 2).  (Dans l’histoire), l’Eglise a su utiliser les ressources des diverses cultures, pour répandre et exposer par sa prédication le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le découvrir et mieux l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique, comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles.

59. Réaliser l’harmonie des différentes valeurs au sein des cultures. Paragraphe 1)  l’Église rappelle à tous que la culture doit être subordonnée au développement intégral de la personne, au bien de la communauté et à celui du genre humain tout entier. Aussi convient-il de cultiver l’esprit en vue de développer les puissances d’admiration, de contemplation, d’aboutir à la formation d’un jugement personnel et d’élever le sens religieux, moral et social… Paragraphe 3) l’Église affirme l’autonomie légitime de la culture et particulièrement celle des sciences… Paragraphe 4)  Tout ceci exige que, l’ordre moral et l’intérêt commun étant saufs, l’homme puisse librement chercher la vérité, faire connaître et divulguer ses opinions et s’adonner aux arts de son choix. Cela demande enfin qu’il soit informé impartialement des événements de la vie publique… Paragraphe5) Quant aux pouvoirs publics, il leur revient, non pas de déterminer le caractère propre de la civilisation, mais d’établir les conditions et de prendre les moyens susceptibles de favoriser la vie culturelle au bénéfice de tous, sans oublier les éléments minoritaires présents dans une nation. Voilà pourquoi il faut éviter à tout prix que la culture, détournée de sa propre fin, soit asservie aux pouvoirs politiques et économiques.

 Section 3. Quelques devoirs plus urgents des chrétiens par rapport à la culture :

60. Paragraphe 1 : Puisqu’on a maintenant la possibilité de délivrer la plupart des hommes du fléau de l’ignorance, il est un devoir qui convient au plus haut point à notre temps, surtout pour les chrétiens : celui de travailler avec acharnement à ce que, tant en matière économique qu’en matière politique, tant au plan national qu’au plan international, des décisions fondamentales soient prises de nature à faire reconnaître partout et pour tous, en harmonie avec la dignité de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation, de religion ou de condition sociale, le droit à la culture et d’assurer sa réalisation. Il faut donc procurer à chacun une quantité suffisante de biens culturels, surtout de ceux qui constituent la culture dite « de base», pour qu’un très grand nombre ne soient pas empêchés, par l’analphabétisme et le manque d’initiative, de coopérer de manière vraiment humaine au bien commun… Paragraphe 3 : Ceci vaut à un titre spécial pour les agriculteurs et les ouvriers, auxquels il faut assurer des conditions de travail telles qu’elles ne les empêchent pas de se cultiver, mais bien plutôt les y poussent... Ce sera le devoir de tous de reconnaître la participation spécifique et nécessaire des femmes à la vie culturelle et de la promouvoir

61. Formation à une culture intégrale : Paragraphe 3 : Pour cette même éducation, les sociétés actuelles disposent, en particulier grâce à la diffusion croissante des livres et aux nouveaux moyens de communication culturelle et sociale, de ressources opportunes qui peuvent faciliter l’universalité de la culture…Que les loisirs soient bien employés, pour se détendre et pour fortifier la santé de l’esprit et du corps : en se livrant à des activités libres et à des études désintéressées… également par des exercices physiques et des activités sportives qui aident à conserver un bon équilibre psychique, individuellement et aussi collectivement, et à établir des relations fraternelles entre les hommes de toutes conditions, de toutes nations ou de races différentes. Que les chrétiens collaborent donc aux manifestations et aux actions culturelles collectives qui sont de leur temps, qu’ils les humanisent et les imprègnent d’esprit chrétien.

62. Harmonie entre culture et christianisme. Il faut souhaiter que de nombreux laïcs reçoivent une formation suffisante dans les sciences sacrées et les approfondissent. Mais, pour qu’ils puissent mener leur tâche à bien, qu’on reconnaisse aux fidèles, aux clercs comme aux laïcs, une juste liberté de recherche et de pensée, comme une juste liberté de faire connaître humblement et courageusement leur manière de voir, dans le domaine de leur compétence.

Pour la rencontre de mardi prochain : Noter les choses importantes et les questions que nous nous posons.

Résumé des commentaires

  • La culture doit être subordonnée au développement intégral de la personne (nº59.1).

  • L’Église affirme l’autonomie légitime de la culture et particulièrement celle des sciences (n° 59,3 et 62).

  • Les pouvoirs publics doivent établir des conditions et prendre les moyens susceptibles de favoriser la vie culturelle au bénéfice de tous (par ex. contrôler davantage le type de films qui passent à la télévision. Mais pour cela il faut que les spectateurs, spécialement les parents, et les consommateurs interviennent, comme dans tous les autres domaines de la vie. ( n° 59,5)

  • L’Evangile ne donne pas de solutions concrètes. Mais nous pouvons nous baser sur les béatitudes : heureux les pauvres, heureux ceux qui procurent la paix…Et sur d’autres Paroles comme Jean 10, 10 : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie en abondance ».

Comment agir pour une « culture pour tous »

  • Le concile affirme (nº 60) : C’est un devoir, surtout pour les chrétiens, de délivrer les hommes du fléau de l’ignorance.

  • Ceci vaut à un titre spécial pour les agriculteurs et les ouvriers, auxquels il faut assurer des conditions de travail telles qu’elles n’empêchent pas de se cultiver…Et pour les femmes, souvent surchargées de travail (n°60,3)

  • Il faut souhaiter que de nombreux laïcs reçoivent une formation suffisante dans les sciences sacrées. Mais, pour qu’ils puissent mener leur tâche à bien, qu’on reconnaisse aux fidèles, aux clercs comme aux laïcs, une juste liberté de recherche et de pensée, comme une juste liberté de faire connaître humblement et courageusement leur manière de voir dans le domaine de leur compétence (nº 62)

Questionnaire

Sugestion : reprendre ces questionnaires dans les réunions des CEB, des commissions, des mouvements et des différents groupes, et nous envoyer vos réflexions)

  1. Quels changements (bons et mauvais) dans la culture moderne, telle qu’elle nous arrive au Sénégal ?

  2. Comment garder les valeurs traditionnelles ?

  3. Comment inculturer l’Evangile dans notre société ?

  4. Comment réaliser la « culture pour tous » ?

  5. Comment faire respecter les cultures minoritaires.

2° partie : LA FAMILLE(n° 47 à 52)

Pour préparer la rencontre ::

  1. Quelles choses attaquent le mariage et la famille aujourd’hui ?

  2. Que faire pour aider les parents et les familles ?

  3. Le mariage traditionnel : que faut-il laisser ? Que faut-il garder ? Comment le vivre dans la vie moderne ?

  4. Comment éduquer nos enfants dans le monde actuel. Comment mettre des bonnes relations entre le couple et les familles de chacun ?

  5. Que faire pour donner sa place à la famille dans la société ?

N.B. Sur ce problème, comme pour les autres, le concile est resté « général ». Or le mariage et la famille se vivent à l’intérieur d’une culture précise. Il faudra, donc, en chaque cas, en faire l’application à notre situation ici au Sénégal et selon notre religion et la culture de notre ethnie. Il faut tenir aussi compte qu’il s’agit de textes d’il y a 50 ans. Mais les orientations données et la méthode de réflexion et de travail sont toujours valables et peuvent beaucoup nous aider. Pour la situation actuelle de la famille, voir plus haut.

Le Concile Vatican 2 a aussi parlé de la famille et du mariage : Dignité du mariage et de la famille.

47. Paragraphe 2 : La dignité de cette institution… est ternie par la polygamie, l’épidémie du divorce, l’amour soi-disant libre, ou d’autres déformations. De plus, l’amour conjugal est trop souvent profané par l’égoïsme, l’hédonisme et par des pratiques illicites entravant la génération. Les conditions économiques, socio-psychologiques et civiles d’aujourd’hui introduisent aussi dans la famille de graves perturbations. Enfin, en certaines régions de l’univers, ce n’est pas sans inquiétude qu’on observe les problèmes posés par l’accroissement démographique. Tout cela angoisse les consciences.

48. Sainteté du mariage et de la famille : Dieu lui-même est l’auteur du mariage; tout cela est d’une extrême importance pour la continuité du genre humain, pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la famille, pour la dignité, la stabilité, la paix et la prospérité de la famille et de la société humaine tout entière. Et c’est par sa nature même que l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation qui, tel un sommet, en constituent le couronnement. Aussi l’homme et la femme qui, par l’alliance conjugale « ne sont plus deux, mais une seule chair » (Mt 19, 6), s’aident et se soutiennent mutuellement par l’union intime de leurs personnes et de leurs activités ; ils prennent ainsi conscience de leur unité et l’approfondissent sans cesse davantage. Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité. Paragraphe 2) Jésus, le Sauveur des hommes, Époux de l’Église, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s’aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l’Église et s’est livré pour elle. Paragraphe 3) Précédés par l’exemple et la prière commune de leurs parents, les enfants, et même tous ceux qui vivent dans le cercle familial, s’ouvriront ainsi plus facilement à des sentiments d’humanité et trouveront plus aisément le chemin du salut et de la sainteté. Quant aux époux, grandis par la dignité de leur rôle de père et de mère, ils accompliront avec conscience le devoir d’éducation qui leur revient au premier chef, notamment au plan religieux…

49. Paragraphe 3)  Il faut instruire à temps les jeunes, et de manière appropriée, de préférence au sein de la famille, sur la dignité de l’amour conjugal, sa fonction, son exercice : ainsi formés à la chasteté, ils pourront le moment venu, s’engager dans le mariage après des fiançailles vécues dans la dignité...

52. Paragraphe 1) les parents veilleront toutefois à n’exercer aucune contrainte, directe ou indirecte, sur leurs enfants, soit pour les pousser au mariage, soit pour choisir leur conjoint. Paragraphe 4) Membres vivants de la famille, les enfants concourent, à leur manière, à la sanctification des parents. Le veuvage, assumé avec courage dans le sillage de la vocation conjugale, sera honoré de tous. Les familles se communiqueront aussi avec générosité leurs richesses spirituelles. Alors, la famille chrétienne, manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Église, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres

49. L’amour conjugal : un tel amour conduit les époux à un don libre et mutuel d’eux-mêmes qui se manifeste par des sentiments et des gestes de tendresse et il imprègne toute leur vie... Il dépasse donc de loin l’inclination simplement érotique… Paragraphe 2) Cette affection a sa manière particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du mariage. En conséquence, les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux (les relations sexuelles) sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie… c’est pourquoi les époux ne cesseront d’entretenir en eux un amour fort, magnanime, prompt au sacrifice, et ils le demanderont dans leur prière. Paragraphe 3) Le véritable amour conjugal existera, si les époux chrétiens donnent un témoignage éminent de fidélité et d’harmonie, comme le dévouement dans l’éducation de leurs enfants, et s’ils prennent leurs responsabilités (dans la société), pour le nécessaire renouveau culturel, psychologique et social, en faveur du mariage et de la famille.

50. Fécondité du mariage. Paragraphe 2) Dans le devoir qui leur incombe de transmettre la vie et d’être des éducateurs (ce qu’il faut considérer comme leur mission propre), les époux savent qu’ils sont les coopérateurs de l’amour du Dieu Créateur et comme ses interprètes. Ils s’acquitteront donc de leur charge en toute responsabilité humaine et chrétienne, et, dans un respect plein de docilité à l’égard de Dieu, d’un commun accord et d’un commun effort, ils se formeront un jugement droit :(pour choisir le nombre d’enfants qu’ils veulent avoir), ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société temporelle et de l’Église elle-même. Ce jugement, ce sont en dernier ressort les époux eux-mêmes qui doivent l’arrêter devant Dieu… Paragraphe 3) Mais, même s’il n’y a pas d’enfant, le mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indissolubilité…

51. Paragraphe 3) : La vie doit être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables

52. La promotion du mariage et de la famille est le fait de tous : Que le pouvoir civil considère comme un devoir sacré de reconnaître la véritable nature du mariage et de la famille, de les protéger et de les faire progresser, de défendre la moralité publique et de favoriser la prospérité des foyers. Il faut garantir le droit de procréation des parents et le droit d’élever leurs enfants au sein de la famille. Une législation prévoyante et des initiatives variées doivent également défendre et procurer l’aide qui convient à ceux qui, par malheur, sont privés d’une famille… Paragraphe 3) Les chrétiens devront activement promouvoir les valeurs du mariage et de la famille ; ils le feront et par le témoignage de leur vie personnelle et par une action concertée avec tous les hommes de bonne volonté. Paragraphe 4) Les spécialistes des sciences, notamment biologiques, médicales, sociales et psychologiques, peuvent beaucoup pour la cause du mariage et de la famille et la paix des consciences si, par l’apport convergent de leurs études, ils s’appliquent à tirer davantage au clair les diverses conditions favorisant une saine régulation de la procréation humaine… Paragraphe 6) Des œuvres variées, notamment les associations familiales, s’efforceront par la doctrine et par l’action d’affermir les jeunes gens et les époux, surtout ceux qui sont récemment mariés, et de les former à la vie familiale, sociale et apostolique.

Voici quelques rappels résumés de l’enseignement de l’Eglise :

  • La pauvreté est un grave problème pour le bon développement de la famille.

  • Le concile a insisté sur le couple et l’amour, en leur donnant la 1° place.

  • Le couple est libre, même face à la famille, mais sur la base de l’amour (tu marieras une seule femme…car l’homme n’a qu’un seul cœur : il ne peut pas aimer 2 femmes de tout son cœur en même temps ; l’amour sera pour toujours (pas de divorce). La fidélité. Quand il y a des problèmes, on s’asseoit et on se parle pour se comprendre, puis on se pardonne) car c’est la nature de l’amour : quand on s’aime on a envie de rester ensemble, et on fait tout ce qu’il faut pour que ça dure et marche bien. C’est ce que Dieu a fait avec son peuple d’Israël (voir l’Ancienne Alliance) et continue de faire avec nous.

  • Il n’y a pas de commandements : seulement celui d’aimer. Il ne s’agit pas de lois imposées d’en haut : cela vient de notre cœur – et de Dieu – et c’est le chemin du bonheur.

  • A nouveau, l’Evangile ne nous donne pas de solutions concrètes, il nous donne un esprit (« aimer comme Jésus aime son Eglise »  voir Eph 5 et 1° Cor 13)

Le rôle du couple est double :

    1. Etre témoins de l’amour de Dieu dans le monde (aimer comme Dieu, père et mère de son Peuple, mari de la Vierge d’Israël. (« Comme un fiancé aime sa fiancée ») : quand je vois un couple qui s’aime, et des parents qui aiment leurs enfants, je vois l’amour de Dieu : Voir par ex : le Psaume 131, Jer. 31,9 ; Is 66,13 ; Osée 2,16-21 ; Is 62…)

    2. Rendre Dieu présent dans le monde (quand deux s’aiment, Jésus se fait présent : Mat 18, 5 + 20).

Deux valeurs africaines du mariage :

  • alliance entre deux familles. Ceci veut dire ne pas se marier sans dialoguer avec les deux familles, sans les écouter ; considérer le père de ta femme comme ton père ou la mère de ton mari comme ta mère… Dieu a fait alliance avec les hommes ; Jésus Christ a fait alliance avec nous…Ils sont notre source. Nous chrétiens, nous faisons entrer l’alliance du mariage entre nos 2 familles dans la grande Alliance de Dieu avec son peuple, et du Christ avec l’Eglise ( voir Jer 31,31 ; Eph 5…)

  • Le mariage africain est progressif : dialogue entre familles, Première demande, remise progressive de la dot…Il faudrait tenir compte de cela dans notre Eglise, et notre préparation au mariage : Un jeune homme qui a donné la cola et le poulet dans la famille de sa fiancée, peut-on encore dire qu’il est en concubinage si sa fiancée vient habiter chez lui ? Il y a déjà eu un premier engagement qui a sa valeur.

Problème : Pour le même couple il y a 3 mariages ! mariage traditionnel / mariage civil / mariage religieux. Est-ce normal ? Que faire ?

Le divorce. Se rappeler que le thème du synode a été la réconciliation ; importance, donc, de chercher toujours la réconciliation au lieu de divorcer. Revoir le rôle des témoins du mariage et l’exercice de la réconciliation dans nos CEB.

Revoir notre comportement et nos pratiques pastorales : 

  • Dans le cas du divorce, comment traiter les divorcés : pas de rejet ; chercher des solutions…

  • Comment accueillir et soutenir les divorcés remariés, sans aussitôt les condamner.

  • Même si nous sommes contre l’homosexualité et que nous n’acceptons pas le mariage des homosexuels, ce sont des personnes humaines, ce sont nos frères et nos sœurs. Nous devons les respecter et les aimer. Comme Jésus a fait avec la samaritaine (Jn 4,16)

  • Que faisons-nous pour comprendre et aider les prostituées et ceux qui font l’adultère à la lumière de ce que Jésus a fait (Jean 8,1 ; Luc 7, 36 ; Mat 21,31…).

  • Avorter, c’est une chose très grave. Mais les jeunes filles et les femmes qui avortent ont plus besoin d’être comprises, accueillies et soutenues que condamnées.

Questionnaire

(Reprendre ces questions dans les réunions des CEB et de mouvements, dans les commissions et les différents groupes, et nous envoyer vos réflexions).

  1. Quelles choses attaquent le mariage et la famille aujourd’hui ? Que faire pour aider les parents et les familles ?

  2. Le mariage traditionnel : que faut-il laisser ? Que faut-il garder ? Comment le vivre dans la vie moderne ?

  3. Comment éduquer nos enfants dans le monde actuel ?

  4.  Comment mettre des bonnes relations entre le couple et les familles de chacun ?

  5. Que faire pour donner sa place à la famille dans la société ?

N’hésitez pas à reproduire et à distribuer ce compte-rendu.

Pour me contacter :
P. Armel  Tel 77 680 93 07   Mail : armelduteil@hotmail.fr   Site : http://armel.duteil.free.fr


L'église dans le monde de ce temps – 50 ans après, au Sénégal

3ème mardi de l’Avent : Commentaires sur la Constitution « L’Eglise dans le monde de ce temps » pour le 50ème anniversaire du concile Vatican II), par le P. Armel

Deuxième partie. Quelques problèmes plus urgents : culture, famille, économie, politique, paix.

La vie économique et sociale (chapitre 3 – n°63 à 72)

Pour préparer la 3° rencontre : La vie économico-sociale :

  1. Quels sont les problèmes économiques de notre pays actuellement ?

  2. Quelles conséquences ont ces problèmes sur notre vie et celle de la société ?

  3. Quelles bonnes choses ont été faites déjà dans ce domaine ? Que devrait-on faire encore ?

  4. Comment rendre plus justes et plus libres nos relations économiques avec les autres pays ?

Exposé-débat : Problèmes économiques au niveau international

En positif : Quelles choses bonnes sont faites ? En quoi avons-nous avancé ?

    • Au niveau mondial, on fait plus attention au développement humain.

    • Les objectifs des Nations Unies pour le troisième millénaire sont positifs : en économie, en éducation, en santé… ? Mais il faut prendre les moyens pour les atteindre.

    • Les conférences mondiales (comme Kyoto, Durban…) sont sensibles aux problèmes de la planète : émissions de gaz, réchauffement de la terre, désertisation, les glaces qui fondent…A Durban, tous les pays se sont engagés (même les USA, la Chine, l’Inde). Mais ce sont de simples promesses ; il n’y a pas un système de sanctions.

Le MAEP : Organisation africaine d’évaluation par les pairs : Ce sont les pays africains eux-mêmes qui s’organisent pour organiser et contrôler leurs économies et lutter contre la corruption.

ITIE : Initiative de Transparence des Industries Extractives « Publiez ce que vous payez » : Que les sociétés minières fassent connaître leurs bénéfices et aussi ce qu’ils payent à l’Etat, pour qu’on puisse vérifier où va cet argent et comment il est utilisé.

OMC : Organisation Mondiale du Commerce. Malheureusement, c’est la loi du plus fort et on veut nous imposer le libéralisme mondial. Les pays du Tiers Monde résistent et s’organisent.

NEPAD : Un programme de développement pensé par les africains eux-mêmes mais qui est resté au niveau des paroles.

En négatif :

  • Le prix des matières premières est fixé par les bourses internationales.

  • Les Nations Unies ont demandé un ajustement structurel obligatoire qui a entraîné jusqu’à maintenant une baisse des financements pour les écoles, les hôpitaux et les dispensaires, et une baisse de salaire et un licenciement de nombreux fonctionnaires (chômage) mais pas en commençant par ceux qui sont en haut

  • Les pays industriels subventionnent leur agriculture (nourriture, coton..) pour en diminuer le prix et nos pays ne peuvent plus vendre leur production. Surtout que les paysans des pays pauvres n’ont pas les mêmes moyens techniques et ne sont pas soutenus. Il ne suffit pas d’avoir la Sécurité alimentaire (on nous donne -ou vend- de quoi manger). Il faut la Souveraineté alimentaire (produire et être maîtres de notre nourriture)

  • L’Union Européenne veut imposer aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) des nouveaux accords de partenariat (APE) défavorables.

  • L’économie mondiale est complètement bouleversée par la crise monétaire et le comportement inconscient des banques. Ce sont les populations et les pays pauvres qui en subissent les conséquences.

  • L’aide internationale diminue. Le franc CFA, lié à l’Euro, perd de sa valeur.

  • Les industries produisent de plus en plus de gaz carbonique et chimique (pollution), de saletés et d’ordures, la couche d’ozone est attaquée, la terre se réchauffe avec toutes ses conséquences : inondations, cyclones, sécheresse. Les forêts disparaissent avec de nombreuses espèces ; l’environnement est détruit. La communauté internationale est incapable de s’organiser, les pays industrialisés ne veulent pas réduire leur consommation, à la conférence de Durban il n’y a eu que des promesses pour 2015, à appliquer seulement (peut être) à partir de 2020 !

  • La faim ne diminue pas dans le monde.

  • Le libéralisme s’impose partout. Les inégalités sociales augmentent qui entraînent des révolutions et des guerres. Le libéralisme est le seul système économique qui reste après l’effondrement du communisme. Mais, c’est un système qui développe la libre concurrence si bien que « le plus gros mange le plus petit », les riches deviennent plus riches et moins nombreux et les pauvres, plus pauvres et plus nombreux. Le libéralisme c’est l’individualisme, le culte de l’argent et loi du plus fort .Le libéralisme parle de liberté, mais elle n’existe pas s’il y a manque de moyens et si chacun doit se débrouiller tout seul, sans soutien.

  1. Au niveau du pays :

    • Le chômage.

    • L’agriculture : monoculture (il faudrait diversifier) / trop d’importations / manque de production locale / mauvais état des routes / pluies tardives et risque de famine / les arachides : on les vend à l’étranger et nos huileries risquent d’en manquer / pillage de la mer et manque de poissons / avancée du désert et manque de nourriture pour les animaux.

    • Manque de soutien au monde paysan, aux éleveurs et aux pêcheurs.

    • Manque d’accès aux crédits de la part des pauvres (pour sortir de leur pauvreté) : la micro-fiance est trop peu développée et les banques refusent de les aider, faute de garanties.

    • Crise du logement : augmentation anormale des locations (les gens ignorent leurs droits).

    • Le déboisement (charbon de bois et cultures), l’épuisement des sols et l’avancée du désert

    • Les barrages n’ont pas permis une irrigation suffisante et la SAED fonctionne mal.

    • Les terres accaparées par des compagnies étrangères et les « grands » du pays, pour des cultures d’exportation et de biocarburants, pour répondre aux besoins des pays étrangers.

    • Manque d’indépendance au niveau économique.

    • Pas de formation du paysan : pour connaître ses droits ou pour apprendre des nouvelles techniques d’exploitation. Manque de formation technique en général.

    • Manque d’énergie électrique et manque d’eau. Inondations.

    • Pas de sécurité sociale pour tous (seulement pour les salariés), trop peu de mutuelles.

  1. Conséquences sur notre vie et sur la société :

  • Exode rural par manque de quoi vivre et d’infrastructures fondamentales (eau, électricité, école et dispensaire) dans les villages.

  • Manque de production (nous ne sommes pas capables de produire notre riz (notre nourriture de base) et de bonne organisation. Production alimentaire insuffisante qui risque de provoquer la faim dans les mois à venir (il faudrait arriver à l’autosuffisance alimentaire pour ne pas dépendre des autres).

  • Face à cela, des promesses dérisoires et des dépenses en constructions inutiles (palais, théâtre, corniche, monument, tribunal de justice…). Il y a beaucoup de dépenses à réviser : argent pour la CAN, pour les lutteurs, pour les marabouts. Dépenses militaires. Cela doit commencer par nous-mêmes. Nos dépenses en fêtes sociales : baptêmes, première communion, mariages, enterrements…

  • Et au niveau des paroisses et des communautés : combien dépense-t-on pour les fêtes, pour les petits projets et pour les pauvres : comparons les 3 !

  • Emigration à l’étranger dans de très mauvaises conditions.

  • L’homme est devenu un objet de consommation : les enfants travailleurs, la prostitution, le trafic d’organes humains.

2ème partie : Que dit l’Eglise ?

  • Ce n’est pas seulement le concile qui nous parle de ces thèmes, mais dès le début de la Bible, la Parole deDieu nous dit que la terre est à tous. Les prophètes se sont très fortement prononcés :

  • Les pauvres ont le droit à vivre.

  • L’exploitation de la part des riches va contre la loi de Dieu.

  • Jésus Christ est venu « annoncer l’évangile aux pauvres » et les béatitudes sont la charte de notre foi chrétienne. Il a vécu en pauvre et aidé les pauvres. Il a travaillé de ses mains.

  • Les Pères de l’Eglise sont arrivés à affirmer : « si tu n’a pas de quoi manger, tu as le droit de le prendre à celui qui en a ». La propriété privée n’est pas un absolu : elle doit être respectée seulement dans la mesure où les autres ont le nécessaire pour vivre.

  • Les papes, depuis Léon 13 en 1891, dans leurs encycliques ont parlé de la question sociale, du développement, des droits des travailleurs et de leurs conditions de vie (la Doctrine Sociale de l’Eglise).

  • Le Concile Vatican II a continué dans cette ligne.

  • Les commissions Justice et Paix actuelles essayent aussi de donner une suite à cette préoccupation sociale de notre foi catholique.

Extraits du 3ème chapitre sur la vie économico-sociale

Que nous dit Gaudium et Spes :

63. Quelques traits de la vie économique. Paragraphe 1. Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale paragraphe 3) A un moment où le développement de l’économie, orienté et coordonné d’une manière rationnelle et humaine, permettrait d’atténuer les inégalités sociales, il conduit trop souvent à leur aggravation et même, ici ou là, à une régression de la condition sociale des faibles et au mépris des pauvres. Alors que des foules immenses manquent encore du strict nécessaire, certains, même dans les régions moins développées, vivent dans l’opulence ou gaspillent sans compter. Le luxe côtoie la misère. Tandis qu’un petit nombre d’hommes disposent d’un très ample pouvoir de décision, beaucoup sont privés de presque toute possibilité d’initiative personnelle et de responsabilité ; souvent même, ils sont placés dans des conditions de vie et de travail indignes de la personne humaine. Paragraphe 5) De nombreuses réformes sont nécessaires dans la vie économico-sociale ; il y faut aussi, de la part de tous, une conversion des mentalités et des attitudes. Dans ce but, l’Église, au cours des siècles, a explicité à la lumière de l’Évangile des principes de justice et d’équité, demandés par la droite raison,

64. Le développement économique au service de l’homme. Le but fondamental de la production économique n’est pas la seule multiplication des biens produits, ni le profit ou la puissance ; c’est le service de l’homme : de l’homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse ; de tout homme et de tout groupe d’hommes, sans distinction de race ou de continent. C’est pourquoi l’activité économique… doit s’exercer dans les limites de l’ordre moral, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme.

65. Contrôle de l’homme sur le développement économique. Paragraphe 1). Le développement doit demeurer sous le contrôle de l’homme. Il ne doit pas être abandonné à la discrétion d’un petit nombre d’hommes ou de groupes jouissant d’une trop grande puissance économique, ni à celle de la communauté politique où à celle de quelques nations plus puissantes…. Il faut de même que les initiatives spontanées des individus et de leurs libres associations soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics, et qu’elles soient ajustées et harmonisées entre elles… Paragraphe 2). Le développement ne peut être laissé ni au seul jeu quasi automatique de l’activité économique des individus, ni à la seule puissance publique. 3. Les citoyens doivent se rappeler que c’est leur droit et leur devoir, de contribuer selon leurs moyens au progrès véritable de la communauté à laquelle ils appartiennent, le droit personnel de migration étant sauf.

66. Il faut mettre un terme aux immenses disparités économico-sociales. Paragraphe 1). Pour répondre aux exigences de la justice et de l’équité, il faut s’efforcer vigoureusement, de faire disparaître le plus rapidement possible les énormes inégalités économiques...de nos jours, souvent elles s’aggravent. Il faut aider les agriculteurs à accroître leur production et à la vendre, à réaliser les transformations et les innovations nécessaires, à obtenir enfin un revenu équitable ; sinon ils demeureront des citoyens de seconde zone. De leur côté, les agriculteurs, les jeunes surtout, doivent s’appliquer avec énergie à améliorer leur compétence professionnelle, sans laquelle l’agriculture ne saurait progresser. Paragraphe 2) ..tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs publics, doivent traiter les travailleurs étrangers comme des personnes, et non comme de simples instruments de production : faciliter la présence auprès d’eux de leur famille, les aider à se procurer un logement décent et favoriser leur insertion dans la vie sociale du pays ou de la région d’accueil. On doit cependant, dans la mesure du possible, créer des emplois dans leurs régions d’origine elles-mêmes. Paragraphe 3)… il faut se préoccuper d’assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la possibilité d’une formation technique et professionnelle adéquate. On doit aussi garantir les moyens d’existence et la dignité humaine de ceux qui, surtout en raison de la maladie ou de l’âge, se trouvent dans une situation plus difficile.

67. Travail, conditions de travail, loisirs. Paragraphe 2) : par l’hommage de son travail à Dieu, l’homme est associé à l’œuvre rédemptrice de Jésus Christ qui a donné au travail une dignité éminente en œuvrant de ses propres mains à Nazareth. De là découlent pour tout homme le devoir de travailler loyalement aussi bien que le droit au travail. La société doit, pour sa part, aider les citoyens en leur permettant de se procurer un emploi suffisant. Enfin, la rémunération du travail doit assurer à l’homme et à sa famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel. Paragraphe 3) : Il importe d’adapter tout le processus du travail productif aux besoins de la personne et aux modalités de son existence, en particulier de la vie du foyer (surtout en ce qui concerne les mères de famille), en tenant toujours compte du sexe et de l’âge. Les travailleurs doivent aussi avoir la possibilité de développer leurs qualités et leur personnalité dans l’exercice même de leur travail…Que tous jouissent par ailleurs d’un temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette d’entretenir une vie familiale, culturelle, sociale et religieuse.

68. Participation dans l’entreprise et dans l’organisation économique globale. Conflits du travail : il faut promouvoir, la participation active de tous à la gestion des entreprises. Paragraphe 2)… le droit des travailleurs de fonder librement des associations capables de les représenter d’une façon valable (par exemple, des syndicats), et de collaborer à la bonne organisation de la vie économique, sans courir le risque de représailles. Grâce à cette participation organisée… le sens des responsabilités grandira de plus en plus chez tous. Paragraphe 3). En cas de conflits économico-sociaux, on doit s’efforcer de parvenir à une solution pacifique. …la grève peut cependant, demeurer un moyen nécessaire, bien qu’ultime, pour la défense des droits propres et la réalisation des justes aspirations des travailleurs.

69. Les biens de la terre sont destinés à tous les hommes. Paragraphe 1)… selon la règle de la justice, inséparable de la charité…On doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. C’est pourquoi l’homme ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres : on est tenu d’aider les pauvres, et pas seulement au moyen de son superflu. Quant à celui qui se trouve dans l’extrême nécessité, il a le droit de se procurer l’indispensable à partir des richesses d’autrui. Que tous se souviennent de ce mot des Pères : « Donne à manger à celui qui meurt de faim car, si tu ne lui as pas donné à manger, tu l’as tué »… en procurant aux individus et aux peuples les moyens qui leur permettront de s’aider eux-mêmes et de se développer. Paragraphe 2) Fréquemment, la destination commune des biens est partiellement réalisée par des coutumes et des traditions communautaires, garantissant à chaque membre les biens les plus nécessaires. Il ne faut pas attenter imprudemment à ces coutumes honnêtes qui, sous réserve d’une saine modernisation, peuvent encore rendre de grands services… Il importe de poursuivre le développement des services familiaux et sociaux... Mais, il faut veiller à ce que le citoyen n’adopte pas vis-à-vis de la société une attitude de passivité, d’irresponsabilité ou de refus de service.

70. Investissements et question monétaire : Ils doivent tendre à assurer des emplois et des revenus suffisants tant à la population active d’aujourd’hui qu’à celle de demain : prévoir l’avenir et assurer un juste équilibre entre les besoins de la consommation actuelle, individuelle et collective, et les exigences d’investissement pour la génération qui vient. On doit également avoir toujours en vue les besoins pressants des nations et des régions économiquement moins avancées. En matière monétaire, il faut se garder d’attenter au bien de son propre pays ou à celui des autres nations. .

71. Accès à la propriété et au pouvoir privé sur les biens. Paragraphe 1)…Il est très important de favoriser l’accession des individus et des groupes à un certain pouvoir sur les biens extérieurs. paragraphe 2). La propriété privée assure à chacun une zone indispensable d’autonomie personnelle et familiale ; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine

72. L’activité économico-sociale et le Royaume du Christ. Paragraphe 1). Les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent ainsi beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. Dans ces diverses activités, qu’ils brillent par leur exemple, individuel et collectif. Tout en s’assurant la compétence et l’expérience absolument indispensables, qu’ils soient fidèles au Christ et à son Évangile, pour que toute leur vie, tant individuelle que sociale, soit pénétrée de l’esprit des Béatitudes, et en particulier de l’esprit de pauvreté.

Commentaires de ces extraits : (les mots soulignés)

63. Quelques traits de la vie économique

Le but de l’économie. Paragraphe 1). Dans la vie économico-sociale aussi, « il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société ». Dans toutes les questions économiques, il faut donc chercher le bonheur des hommes et pas seulement le rendement, les bénéfices et l’argent. Et on refusera toutes les façons de travailler qui écrasent, sont trop difficiles et ne respectent pas les hommes…ou même la nature (le respect de l’environnement). Paragraphe 3). Il faut réduire les inégalités sociales, car elles conduisent à » une régression de la condition sociale des faibles et au mépris des pauvres... Le luxe côtoie la misère ». Que faire pour cela ? Et comment donner de la valeur au travail manuel, pas seulement au travail intellectuel ou dans les bureaux ? Il faut aussi permettre aux travailleurs de donner leur point de vue et d’organiser leur travail «  Tandis qu’un petit nombre d’hommes disposent d’un très ample pouvoir de décision, beaucoup sont privés de presque toute possibilité d’initiative personnelle et de responsabilité. ». Paragraphe 5) … « De nombreuses réformes sont nécessaires dans la vie économico-sociale ; il y faut aussi, de la part de tous, une conversion des mentalités et des attitudes » :comment changer nos mentalités : comment mettre plus de justice dans le travail, comment mieux utiliser les richesses pour le bien de tous, comment donner du travail à chacun et lutter contre le chômage autrement qu’en paroles, comment soutenir les petits métiers, comment changer nos idées sur le travail, ne pas chercher seulement à faire du commerce mais à produire des choses.. 

64. Le développement économique au service de l’homme « Le but fondamental de la production économique c’est le service de l’homme : de l’homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels et spirituels ; de tout homme et de tout groupe d’hommes, sans distinction de race ou de continent. C’est pourquoi l’activité économique, doit s’exercer dans les limites de l’ordre moral, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme ». Quelles sont les mauvaises façons de travailler et les activités immorales dans les activité économique : vol, paresse, favoritisme, détournements, corruption, manque de connaissance et de sérieux (conscience professionnelle), etc…Comment lutter contre cela ?

65. Contrôle de l’homme sur le développement économique. Paragraphe 1). « Il faut de que les initiatives spontanées (créativité) des individus et de leurs libres associations soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics, et qu’elles soient ajustées et harmonisées entre elles ». Souvent, chacun se débrouille de son côté. Comment mettre cette coordination aux différents niveaux ? Du côté des personnes, il y a souvent trop d’égoïsme : chacun pense à son intérêt et fait ce qu’il veut, au lieu de penser aux autres et à faire avancer le pays. Les associations des paysans (pour la production ou la commercialisation), des consommateurs comme les syndicats ne fonctionnent pas bien parce que chacun veut commander et en profiter. Même les responsables des sociétés et du pays pensent d’avantage à eux-mêmes, à leur famille, leur et hie ou leur groupe, plus qu’au bien commun et aux plus pauvres et à ceux qui en ont le plus besoin. Paragraphe 2). «  Le développement ne peut être laissé ni au seul jeu quasi automatique de l’activité économique des individus, ni à la seule puissance publique » (pas de libéralisme absolu : les lois du marché ne conduisent pas à un équilibre juste, mais à une exploitation des plus pauvres. Un patron n’a pas le droit de tout faire…même si ça rapporte. Les autorités non plus).

66. Il faut mettre un terme aux immenses disparités économico-sociales. Paragraphe 1). « Il faut faire disparaître le plus rapidement possible les énormes inégalités économiques et sociales ». C’est cela le péché du monde. Et Jésus est justement venu renverser cela dans la société en donnant la première place aux pauvres. « De leur côté, les agriculteurs, les jeunes surtout, doivent s’appliquer avec énergie à améliorer leur compétence professionnelle, sans laquelle l’agriculture ne saurait progresser ». A tous les niveaux, il faut lutter contre la mendicité et la mentalité d’assistés. On attend tout des autres, de l’état et des pays étrangers : « Yalla, Yalla, bèy sa tool ! ». Paragraphe 2). « Tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs publics, doivent traiter les travailleurs étrangers comme des personnes et non comme de simples instruments de production. « Et il y a des travailleurs étrangers aussi au Sénégal. Pas seulement des émigrés ! Paragraphe 3). « Il faut se préoccuper d’assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la possibilité d’une formation technique et professionnelle adéquate ».  Selon les possibilités du pays bien sûr. Et sans vouloir être tous fonctionnaires ! Les étudiants ne doivent pas attendre un travail de l’état, mais s’engager eux-mêmes. Par contre, l’état doit s’occuper des malades, des handicapés et des personnes âgées.

67. Travail, conditions de travail, loisirs : L’homme doit grandir par son travail. Paragraphe 2).   Par l’hommage de son travail à Dieu, nous tenons que l’homme est associé à l’œuvre rédemptrice de Jésus Christ qui a donné au travail une dignité éminente en œuvrant de ses propres mains à Nazareth. »Comment vivons-nous notre foi dans les questions économiques ? Comment travaillons-nous en chrétiens ? Mais on ne travaille pas pour payer ses péchés, même si le travail demande le courage des efforts. Avant le péché originel, Adam et Eve travaillaient déjà dans le jardin. Le travail est bon, c’est le péché qui le rend mauvais : la paresse, l’égoïsme, le vol, l’injustice….  » La rémunération du travail doit assurer à l’homme des ressources qui lui permettent une vie digne sur tous les plans : matériel, social, culturel et spirituel. Pas seulement à lui mais à toute sa famille ». Paragraphe 3).. Déjà en dehors de la foi, le travail de l’homme a sa valeur et sa dignité, qu’il faut défendre et faire grandir. « Il importe donc d’adapter tout le processus du travail productif aux besoins de la personne et aux modalités de son existence, en particulier de la vie du foyer (surtout en ce qui concerne les mères de famille), en tenant toujours compte du sexe et de l’âge. Les travailleurs doivent aussi avoir la possibilité de développer leurs qualités et leur personnalité dans l’exercice même de leur travail. » Le travail doit faire grandir l’homme et non pas l’écraser. Pas seulement faire travailler ses muscles, mais aussi sa tête. Se former et apprendre des choses nouvelles. Créer des choses et prendre des initiatives, dans la liberté et la joie. Le travail doit donc être vécu d’une manière humaine et qui rend heureux. On doit tout faire pour cela. Le travailleur n’est pas le serviteur du patron, encore moins un esclave. Il est un collaborateur. On cherche à mettre les meilleures relations possibles entre les travailleurs.  » Que tous jouissent par ailleurs d’un temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette aussi d’entretenir une vie familiale, culturelle, sociale et religieuse. « 

68. Participation dans l’entreprise et dans l’organisation économique globale. Conflits du travail. Paragraphe 1). Il faut promouvoir la participation active de tous à la gestion des entreprises (droit de participer à travers la parole, dans l’organisation, pas seulement aux bénéfices. Dans les grandes entreprises modernes, les directeurs généraux sont eux-mêmes des employés. Et les actionnaires pensent beaucoup plus à leurs bénéfices qu’aux travailleurs. On ne peut plus diriger une grande entreprise comme une petite entreprise familiale). Paragraphe 2). « Le droit des travailleurs de fonder librement des associations capables de les représenter d’une façon valable et de collaborer à la bonne organisation de la vie économique », pas seulement des syndicats. Il faudrait savoir créer des choses nouvelles et revoir le fonctionnement actuel des syndicats : qu’ils ne pensent pas qu’à leurs membres, mais au bien de tout le pays, aux plus défavorisés et à ceux qui n’ont pas de travail. Qu’ils revoient leurs moyens et leurs méthodes d’action : il y a souvent trop de violences verbales et même physiques. Paragraphe 3) « En cas de conflits économico-sociaux, on doit s’efforcer de parvenir à une solution pacifique. Mais…la grève peut cependant demeurer un moyen nécessaire, pour la défense des droits propres et la réalisation des justes aspirations des travailleurs ». Mais seulement après avoir essayé toutes les solutions de dialogue .Est-ce qu’on ne part pas trop facilement en grève au Sénégal ? C'est même souvent devenu le seul moyen d’action. Chez les travailleurs, mais même chez les élèves, au détriment de leurs études et donc de leur propre avenir. Et les autorités pour arrêter la grève font des promesses, alors qu’elles savent très bien qu’elles ne pourront pas les tenir. Alors les gens repartent à nouveau en grève au bout de quelque temps.

69. Les biens de la terre sont destinés à tous les hommes. Paragraphe 1) « Selon la règle de la justice, inséparable de la charité …, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens ». (Conséquence : on est tenu d’aider les pauvres, pas par charité, mais d’abord par justice). Que tous se souviennent de ce mot des Pères : « Donne à manger à celui qui meurt de faim car, si tu ne lui as pas donné à manger, tu l’as tué ». Procurer avant tout aux individus et aux peuples les moyens qui leur permettront de s’aider eux-mêmes et de se développer ». On a bien oublié aujourd’hui l’auto-prise en charge ! On en parle dans l’Eglise, mais cela reste souvent au niveau des paroles. Dans c’est conditions, comment entraîner les autres : Comptons sur nos propres forces ! Paragraphe 2) « Fréquemment, dans des sociétés économiquement moins développées, la destination commune des biens est partiellement réalisée par des coutumes et des traditions communautaires… » Voir ce que nous avons dit la semaine dernière : garder dans le travail, comme dans toute notre vie, les bonnes choses que les anciens nous ont enseignées : le travail communautaire, le respect de la nature et de la terre, l’amour du travail, l’honnêteté…Mais éviter les mauvaises choses : le favoritisme et le népotisme, le parasitisme… » Il importe de poursuivre le développement des services familiaux et sociaux. Mais, il faut veiller à ce que le citoyen ne soit pas conduit à adopter vis-à-vis de la société une attitude de passivité, d’irresponsabilité ou de refus de service ». Comment mettre en place chez nous, des services familiaux et sociaux efficaces et vraiment au service des plus nécessiteux ?

70. Investissements et question monétaire : « Ils doivent tendre à assurer des emplois et des revenus suffisants tant à la population active d’aujourd’hui qu’à celle de demain : prévoir l’avenir et assurer un juste équilibre entre les besoins de la consommation actuelle, individuelle et collective, et les exigences d’investissement pour la génération qui vient. On doit également avoir toujours en vue les besoins pressants des nations et des régions économiquement moins avancées. En matière monétaire, il faut se garder d’attenter au bien de son propre pays ou à celui des autres nations ».Des gens ont fait n’importe quoi et nous sommes maintenant en pleine crise bancaire et monétaire. Benoit 16 a demandé une écologie humaine…pas seulement pour la nature : une économie qui ait le souci de la gratuité et du partage. Et la commission Justice et Paix demande une organisation économique au niveau du monde entier.

72. L’activité économico-sociale et le Royaume du Christ

Conclusion

« Les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent ainsi beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. Dans ces diverses activités, qu’ils brillent par leur exemple, individuel et collectif. Tout en s’assurant la compétence et l’expérience absolument indispensables, qu’ils maintiennent, au milieu des activités terrestres, une juste hiérarchie des valeurs, fidèles au Christ et à son Évangile, pour que toute leur vie, tant individuelle que sociale, soit pénétrée de l’esprit des Béatitudes, et en particulier de l’esprit de pauvreté. »

La PAIX est possible. La pauvreté n’est pas « obligatoire » ; elle est causée.

(suggestion : reprendre ces questionnaires dans les réunions des CEB et autres groupes)

1. Quels sont les problèmes économiques du pays ?

2. Quelles conséquences ont-ils sur notre vie et sur la société ?

3. Quelles bonnes choses sont faites ?

4. Que faire encore ?

N’hésitez pas à reproduire et à distribuer ce compte-rendu. Pour me contacter :
P. Armel  Tel 77 680 93 07   Mail : armelduteil@hotmail.fr   Site : http://armel.duteil.free.fr


L'église dans le monde de ce temps – 50 ans après au Sénégal

Commentaires sur la Constitution « L’Eglise dans le monde de ce temps », pour le 50ème anniversaire du concile Vatican II, par le P. Armel

4ème mardi de l’Avent : La vie de la communauté politique (chapitre 4 n° 73 à 76)

NB : On n’étudiera pas le chapitre 5 (la sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations) faute de temps. On en trouvera quand même des extraits ci-dessous, pour une réflexion personnelle ou en groupe.

Pour préparer la 4° rencontre : La communauté politique,

La paix et le développement :

  1. Que faire pour améliorer la situation politique de notre pays ?

  2. Comment construire la paix ?

  3. Comment participer à la vie internationale ?

  4. Que nous disent l’Evangile et l’Eglise sur ces questions ?

Exposé-débat :

1- Les changements dans le monde : (parmi beaucoup d’autres)

    • Dans les années 1960, de nombreux pays obtiennent ou prennent leur indépendance.

    • En 1970, chute du mur de Berlin. Le bloc communiste s’effondre. Les Etats-Unis deviennent la seule grande nation qui domine le monde. La mondialisation se met en place. Le système libéral s’étend de plus en plus.

    • En 1990, les Etats-Unis attaquent l’Irak pour faire tomber le dictateur Saddam Hussein, sans autorisation de l’ONU. Ils ne se retireront qu’en fin 2011.

    • En 2011, mouvement sociaux populaires dans les pays arabes (le printemps arabe) et chute des dictatures en Tunisie, Egypte et Lybie. Le pouvoir est pris, après des élections, par des partis islamiques. Les dictateurs résistent en Syrie et au Yémen. Elections au Maroc.

    • En Corée du Nord, mort du président remplacé par son fils qui continue le même système d’oppression et de domination du peuple par l’armée. Appauvrissement du peuple et poursuite de la fabrication d’armes atomiques, malgré l’opposition de nombreux pays.

2- En Afrique

  • Recherche de l’entente entre pays. Par exemple, les accords directs entre le Nigeria et le Cameroun pour fixer leurs frontières.

  • Organisation de l’Union Africaine et recherche de résolution africaine des conflits, mais avec beaucoup de lenteurs et de faiblesses, par exemple pour la Lybie. Le président Béchir du Soudan et Hissène Habrè, ancien président du Tchad, ne sont toujours pas jugés.

  • Fin du conflit en Côte d’Ivoire, Commission de Réconciliation en Guinée, mais la guerre continue en Somalie. Elections difficiles et contestées en RDC (Congo).

  • Avancée de la démocratie et multiplication des partis politiques. Mais résultats des élections très souvent refusés.

  • Organisation de la société civile et des mouvements citoyens, mais qui restent encore faibles. Recherche de la Renaissance Africaine.

En négatif :

    • La corruption continue.

    • L’Afrique de l’Ouest devient un lieu de passage de la drogue vers l’Europe.

    • Al Qaïda s’organise en Afrique du Nord et de l’Ouest (l’AQMI).

    • Pouvoir personnel des chefs politiques et dépenses de prestige au dépends des pauvres et de la population.

    • Manque d’éducation civique et de respect des Droits Humains.

3- Au Sénégal

  • La grande question en ce moment, c’est l’approche des élections présidentielles avec la candidature contestée du président Abdoulaye Wade, suite à un changement de la Constitution, interprétée de façon différente par les différents partis. Il existe une grande tension dans le pays, avec des violences verbales et même physiques. De très nombreux candidats à la recherche du pouvoir et du profit. L’opposition est divisée. Les mouvements populaires, surtout des jeunes comme « Y’en a marre », s’organisent.

  • Les tensions se poursuivent en Casamance, avec de nombreux morts et maintenant des prises de militaires en otage. Le mouvement rebelle MFDC est divisé. Jean Marie François Biagui organise une rencontre en vue de négociations, qui sont refusées par le chef du maquis César Atioute Badiane.

  • De nombreuses promesses du gouvernement ne sont pas tenues, ce qui entraîne de nombreuses grèves des enseignants, chauffeurs de taxis, médecins, boulangers…et de nombreuses manifestations dans les villages contre la mauvaise gestion et pour demander l’eau et l’électricité.

  • Les prisonniers sont de moins en moins bien nourris. De nombreux retards dans les jugements et les appels.

4- Qu’est-ce que la démocratie ?

  • C’est « le gouvernement par le peuple et pour le peuple », représenté par les députés. Cela demande des élections libres et que les députés représentent vraiment leur population. Qu’ils soient en contact avec elle et connaisse ses problèmes. Qu’ils ne soient pas imposés par le parti au pouvoir. Les députés doivent défendre les intérêts du peuple et non leurs intérêts personnels et égoïstes, comme cela se passe trop souvent. La plupart du temps, ils ne se rendent même pas compte de ce qu’ils ont fait, aux populations qui les ont élus.

  • La démocratie demande la séparation des 3 pouvoirs : le pouvoir exécutif (le président et le gouvernement qui dirigent le pays), le pouvoir parlementaire (les députés qui votent les lois) et le judiciaire (les juges). Au Sénégal, les députés obéissent au président et à son parti. Surtout que les partis de l’opposition ont refusé de participer aux élections de 2007 et ont laissé toute la place au parti au pouvoir. Et le gouvernement commande sans arrêt la Justice. Beaucoup de juges se laissent faire et se laissent acheter par le pouvoir.

  • La démocratie demande le respect des lois et de la Constitution. Or on a changé 17 fois la Constitution au Sénégal, depuis l’indépendance. Ensuite, il ne suffit pas d’avoir de bonnes Institutions, il faut une bonne gouvernance. Il faut respecter les lois et les appliquer avec justice, et égalité pour tous. Le plus important pour avoir une bonne démocratie, c’est d’avoir des bons gouvernants sérieux et honnêtes, capables et qui cherchent vraiment le bien du peuple, surtout des plus pauvres qui en ont le plus besoin.

  • Pour diriger un pays, il faut surtout que les dirigeants, les députés et les juges s’écoutent les uns les autres le plus possible. Et que l’on arrive à se mettre d’accord, pour travailler ensemble au bien du pays. Ce qui demande du temps, des explications et que chacun puisse donner son avis.

  • Chaque pays doit mettre en place sa propre démocratie, selon sa culture, son histoire, ses possibilités et ses besoins. Nous n’avons pas à copier les démocraties européennes en tout point. Mais à condition que ce soit une vraie démocratie, et non pas une démocratie « à l’africaine »

5- La laïcité : Le Sénégal est une République laïque. Là aussi, nous avons à vivre la laïcité selon notre culture, pas obligatoirement comme les européens ou les américains, qui d’ailleurs ne vivent pas tous la laïcité de la même façon. La laïcité, ce n’est pas refuser la religion. Au contraire, c’est donner à chaque religion sa liberté, mais dans le respect des autres et l’égalité. Mais est-ce qu’on respecte la laïcité au Sénégal ? Par exemple, quand des chefs religieux disent pour qui voter (le ndiggël). La laïcité demande une séparation des religions et de l’Etat. Or on voit souvent des dirigeants et des responsables politiques aller demander le soutien des chefs religieux pour être élus. Et leur donner de l’argent pour cela, même l’argent de l’Etat. Les chrétiens ont été profondément blessés par les paroles du président, disant qu’ils prient un homme, et non pas Dieu. Les écoles catholiques ont été attaquées récemment par des parents d’élèves musulmans traditionnalistes, qui voulaient imposer non seulement le voile mais aussi leur façon de faire dans ces écoles catholiques, alors qu’il existe d’autres écoles, même islamiques, dans lesquelles ils peuvent envoyer leurs enfants.

  • Même s’il existe une bonne entente entre chrétiens et musulmans, des temples protestants ont été brûlés.

  • Mais la laïcité ne dépend pas seulement des dirigeants. Elle dépend de chacun des citoyens. Que tous les croyants acceptent leur situation et la vivent dans la paix. Et dans le respect mutuel.

Pour nous chrétiens, cela suppose que nous acceptions notre situation de minoritaires, sans chercher à nous imposer, ni vouloir tout commander. Jésus disait : » N’ayez pas peur, petit troupeau » (Luc 12,32). Cela nous donne en fait une grande liberté. Et aussi une influence beaucoup plus importante que notre nombre. Nous sommes le sel de la terre (pas seulement de l’Eglise, mais de la terre sénégalaise toute entière). Et il suffit d’un peu de sel pour donner du goût à tout le plat. A condition de garder notre force intérieure (Mat 5, 13), et d’être au milieu de nos frères. Dans la foi mais sans agressivité.

6- La lutte contre la corruption : La corruption existe au Sénégal (voir le rapport de Transparency International). Elle est même importante. Les gens au pouvoir utilisent l’argent pour garder leur place et avoir de nombreux partisans. Pendant les dernières élections de 2007, il y a eu beaucoup de problèmes d’argent. Et jusqu’à maintenant, beaucoup de choses s’achètent. Pas seulement en politique. L’argent est devenu le centre dans le sport : par exemple la lutte ou le football : plusieurs milliards donnés pour la Can, le championnat d’Afrique, pour la lutte… La conséquence c’est que le Sénégal a un développement humain faible. D’après le classement des Nations Unies (IDH du PNUD), le Sénégal est le 144° pays, sur 169 dans le monde.

7- Les élections présidentielles de 2012. Nous avons beaucoup réfléchi à cette question. Il est très important d’entrer dans l’action lancée par la commission Justice et Paix, pour que la campagne électorale se passe dans la paix et sans corruption. Et pour que les citoyens aient une base et des idées pour choisir leur candidat (voir les affiches et les 10 commandements de l’électeur, dans mon site http://armel.duteil.free.fr), il faudra étudier les programmes des candidats et faire réfléchir ceux qui nous entourent. Il est important aussi d’étudier la Charte et le Compte-rendu des Assises Nationales, qui proposent une autre façon de construire et de diriger le pays.

Extraits du 4ème chapitre sur la vie de la communauté politique

Que nous dit Gaudium et Spes ?

73. La vie publique aujourd’hui : Paragraphe 1) De profondes transformations se remarquent de nos jours dans les structures et dans les institutions des peuples ; elles accompagnent leur évolution culturelle, économique et sociale, notamment en ce qui concerne les droits et les devoirs. Paragraphe 2) La conscience de la dignité humaine est devenue plus vive. D’où l’effort pour instaurer un ordre politico-juridique dans lequel les droits de la personne au sein de la vie publique soient mieux protégés : par exemple, les droits de libre réunion et d’association, le droit d’exprimer ses opinions personnelles et de professer sa religion en privé et en public. La garantie des droits de la personne est en effet une condition indispensable pour que les citoyens, individuellement ou en groupe, puissent participer activement à la vie et à la gestion des affaires publiques… Paragraphe 3) le désir s’affirme chez un grand nombre d’hommes de prendre davantage part à l’organisation de la communauté politique… le souci de préserver les droits des minorités et le respect de ceux qui professent une opinion ou une religion différentes. Une plus large collaboration s’établit….Paragraphe 5) Pour instaurer une vie politique vraiment humaine, rien n’est plus important que de développer le sens intérieur de la justice, de la bonté, le dévouement au bien commun,

74. Nature et fin de la communauté politique. Paragraphe 1) Une communauté politique existe pour le bien commun...qui comprend l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir plus complètement et plus facilement… Paragraphe 2) Pour empêcher que la communauté politique ne se disloque, une autorité s’impose qui soit capable d’orienter vers le bien commun les énergies de tous, non d’une manière mécanique ou despotique, mais en agissant comme une force morale qui prend appui sur la liberté et le sens de la responsabilité. Paragraphe 3) …la détermination des régimes politiques, comme la désignation des dirigeants, sont laissées à la libre volonté des citoyens Paragraphe 4) L’exercice de l’autorité politique doit toujours se déployer dans les limites de l’ordre moral, en vue du bien commun, conformément à un ordre juridique légitimement établi ou à établir. Alors les citoyens sont en conscience tenus à l’obéissance. D’où la responsabilité, la dignité et l’importance du rôle de ceux qui gouvernent…. Paragraphe 5) Si l’autorité publique opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent pas ce qui est objectivement requis par le bien commun ; mais qu’il leur soit permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre les abus du pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi naturelle et la loi évangélique… Paragraphe 6) La structure et le bon équilibre des pouvoirs publics peuvent être divers, selon le génie propre de chaque peuple et la marche de l’histoire. Mais ils doivent toujours servir à la formation d’un homme cultivé, pacifique, bienveillant à l’égard de tous, pour l’avantage de toute la famille humaine.

75. Collaboration de tous à la vie publique. Paragraphe 1) Les structures politico-juridiques doivent offrir à tous les citoyens la possibilité de prendre part à l’établissement des fondements juridiques de la communauté politique, à la gestion des affaires publiques, à la détermination du champ d’action et des buts des différents organes, et à l’élection des gouvernants. L’Église estime l’activité de ceux qui se consacrent au bien de la chose publique et en assurent les charges pour le service de tous… Paragraphe 2) Que les droits de toutes les personnes, des familles et des groupes soient reconnus, respectés et valorisés, non moins que les devoirs civiques auxquels sont astreints tous les citoyens, dont l’obligation de rendre à l’État les services matériels et personnels requis par le bien commun. Les gouvernants se garderont de faire obstacle aux associations familiales, sociales et culturelles et aux corps et institutions intermédiaires, ou d’empêcher leurs activités légitimes et efficaces. Quant aux citoyens, qu’ils évitent de conférer aux pouvoirs publics une trop grande puissance ; qu’ils ne s’adressent pas à eux d’une manière intempestive pour réclamer des secours et des avantages excessifs, au risque d’amoindrir la responsabilité des personnes, des familles et des groupes sociaux. Paragraphe 3) ... la complexité croissante des circonstances oblige les pouvoirs publics à intervenir plus fréquemment, en matière sociale, économique et culturelle. Mais si, en vue du bien commun, on restreint pour un temps l’exercice des droits, que l’on rétablisse au plus tôt la liberté quand les circonstances auront changé. Il est en tout cas inhumain que le gouvernement en vienne à des formes totalitaires ou à des formes dictatoriales qui lèsent gravement le droit des personnes ou des groupes sociaux. Paragraphe 4) Que les citoyens cultivent l’amour de la patrie, mais qu’en même temps ils prennent toujours en considération le bien de toute la famille humaine qui rassemble races, peuples et nations, unis par toutes sortes de liens. Paragraphe 5) Tous les chrétiens sont tenus à donner l’exemple en développant en eux le sens des responsabilités et du dévouement au bien commun ; ils montreront comment on peut harmoniser l’autorité avec la liberté, l’initiative personnelle avec la solidarité et les exigences de tout le corps social, les avantages de l’unité avec les diversités fécondes…Qu’ils reconnaissent comme légitimes des manières de voir par ailleurs opposées entre elles et qu’ils respectent les citoyens qui défendent honnêtement d’autres opinions que les leurs. Quant aux partis politiques, ils ont le devoir de promouvoir le bien commun ; il ne leur est jamais permis de préférer à celui-ci leur intérêt propre. Paragraphe 6)…on doit avoir un grand souci de l’éducation civique et politique, surtout pour les jeunes. Ceux qui sont capables d’exercer l’art très difficile de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels. Ils lutteront avec intégrité et prudence contre l’injustice et l’oppression, contre l’absolutisme et l’intolérance, qu’elles soient le fait d’un homme ou d’un parti politique ; et ils se dévoueront au bien de tous avec sincérité et droiture, avec l’amour et le courage requis par la vie politique.

76. La communauté politique et l’Église. Paragraphe 1) … que l’on ait une vue juste des rapports entre la communauté politique et l’Église ; et que l’on distingue nettement entre les actions que les fidèles, isolément ou en groupe, posent en leur nom propre comme citoyens, guidés par leur conscience chrétienne, et les actions qu’ils mènent au nom de l’Église, en union avec leurs pasteurs. Paragraphe 2) L’Église ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique. Elle est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine. Paragraphe 3) La communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. Mais toutes deux sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles rechercheront entre elles une saine coopération, en tenant compte des circonstances de temps et de lieu. Car l’homme vivant dans l’histoire humaine conserve intégralement sa vocation éternelle. Quant à l’Église, fondée dans l’amour du Rédempteur, elle contribue à étendre le règne de la justice et de la charité à l’intérieur de chaque nation et entre les nations. En prêchant la vérité de l’Évangile, en éclairant tous les secteurs de l’activité humaine par sa doctrine et par le témoignage que rendent des chrétiens, l’Église respecte et promeut aussi la liberté politique et la responsabilité des citoyens.

Paragraphe 5). l’Église se sert d’instruments temporels dans la mesure où sa propre mission le demande. Mais elle ne place pas son espoir dans les privilèges offerts par le pouvoir civil. Bien plus, elle renoncera à l’exercice de certains droits légitimement acquis, s’il est reconnu que leur usage peut faire douter de la pureté de son témoignage ou si des circonstances nouvelles exigent d’autres dispositions. Mais il est juste qu’elle puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations.

Commentaires de ces extraits :

  • Les réalités de la Société Politique moderne.

  • La libération de la femme, la place des jeunes dans la société.

  • L’Evangile ne nous apporte pas de solutions directes pour construire la société, mais il nous montre un chemin et des façons d’agir. Il nous donne un but et un état d’esprit. A partir de la vie et des paroles de Jésus. Par exemple les Béatitudes (Mat 5, 3-12). Mais aussi par exemple Mat 5,13-15 ; Luc 4,16-21 ; Luc 7,20-23 ; Is 65,17-25 ; 2° Pi 3,13 ; Ap 21,1 ; 1° Tim 2,1-8 + 3,1-7 ; Ti 1,6-9 + 3,1-3 ; 1° Pi 2,13-17…

  • Il est important de respecter la dignité et la liberté de chacun. Et de rendre les personnes plus responsables.

  • blèmes du pays se retrouvent déjà au niveau de l’Eglise : manque de responsabilisation des laïcs, décisions qui viennent d’en haut et imposées sans vraie réflexion commune, manque de clarté au niveau des finances. Pour construire la société, il nous faut d’abord transformer nos communautés chrétiennes, pour qu’elles soient levain dans la pâte.

  • On doit chercher à faire grandir le Royaume de Dieu, avec tous et pour tous. Ne pas chercher seulement l’intérêt de l’Eglise. L’Eglise est au service du Royaume et des hommes.

  • Les chrétiens ont le droit et le devoir de s’engager dans le parti qu’ils veulent, après s’être formés et avoir sérieusement réfléchi. Ils doivent accepter la pluralité, c'est-à-dire que d’autres chrétiens sérieux et engagés, choisissent un autre parti et un autre candidat qu’eux. Ils doivent chercher à se parler ensemble dans le respect et à se compléter, pour que tous les partis soient éclairés par la lumière de l’Evangile.

  • Les Evêques ont demandé aux chrétiens de s’engager dans la campagne électorale, sous la direction de la commission justice et paix, à travers le canevas suivant :

    1. Réflexion et formation ;

    2. Travail de sensibilisation et de communication auprès de tous ;

    3. Formation d’observateurs indépendants ;

    4. Conscientisation des différents groupes de la société ;

    5. Former les chrétiens afin que chacun s’engage là où il se trouve ;

    6. Organiser des rencontres dans les quartiers (conférences, thés-débats…) ;

    7. Participation de tous en utilisant ses relations et tous ses contacts ;

    8. Donner la priorité aux pauvres dans notre choix des partis et des candidats ;

    9. Utiliser tous les moyens : chants, rap, théâtres, radios et télévisions…

    10. Contacts avec les chefs de quartier, imans et autres personnes influentes de la société ;

    11. Affiches dans les lieux publics : marchés, gares routières… (voir les messages mail envoyés)

Suggestion : reprendre ces questionnaires dans les réunions des CEB et autres groupes)

- Quels sont les problèmes politiques actuels de notre société ? A la lumière de notre document, que faire face à ces problèmes ? - Comment construire une vraie démocratie africaine dans notre pays ? - Comment vivre la laïcité dans l’entente et en nous complétant ? - Comment préparer une campagne électorale vécue dans la paix, sans violence et sans corruption ? - Comment choisir son candidat ?

Extraits du 5ème chapitre sur la sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations

78. La nature de la paix. Paragraphe 1) La paix n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique, mais c’est en toute vérité qu’on la définit « œuvre de justice » (Is 32, 17):… la paix n’est jamais chose acquise une fois pour toutes, mais sans cesse à construire,… l’avènement de la paix exige de chacun le constant contrôle de ses passions et la vigilance de l’autorité légitime. Paragraphe 2) La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde du bien des personnes, ni sans la libre et confiante communication entre les hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices. La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter. Paragraphe3) La paix terrestre qui naît de l’amour du prochain est elle-même image et effet de la paix du Christ qui vient de Dieu le Père. Car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de tous en un seul peuple et un seul corps. Il a tué la haine dans sa propre chair (Eph 2,16 ; Col 4,20) et, après le triomphe de sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans le cœur des hommes. Paragraphe 4) C’est pourquoi, accomplissant la vérité dans la charité (Ep 4, 15), tous les chrétiens sont appelés avec insistance à se joindre aux hommes véritablement pacifiques pour implorer et instaurer la paix. Paragraphe 5) Nous félicitons ceux qui, renonçant à l’action violente pour la sauvegarde des droits, recourent à des moyens de défense qui sont à la portée même des plus faibles (la non violence active).

79. Mettre un frein à l’inhumanité des guerres. Paragraphe 1) Etant donné qu’on emploie des armes scientifiques de tout genre pour faire la guerre, sa sauvagerie menace d’amener les combattants à une barbarie bien pire que celle d’autrefois…Des guerres larvées traînent en longueur. Le recours aux procédés du terrorisme est regardé comme une nouvelle forme de guerre. Paragraphe 2) Les actions par lesquelles on extermine tout un peuple, une nation ou une minorité ethnique(doivent obligatoirement être arrêtées)…l’on ne saurait trop louer le courage de ceux qui résistent aux individus qui ordonnent de tels forfaits. Paragraphe 3) Il existe diverses conventions internationales, qu’un assez grand nombre de pays ont signées en vue de rendre moins inhumaines les actions militaires et leurs conséquences. Telles sont les conventions relatives au sort des soldats blessés, à celui des prisonniers, et divers engagements de ce genre. Ces accords doivent être observés. Paragraphe 4) Aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique, le droit de légitime défense… Mais faire la guerre pour la juste défense des peuples est une chose, vouloir imposer son empire à d’autres nations en est une autre. Et ce n’est pas parce que la guerre est malheureusement engagée que tout devient, par le fait même, licite entre parties adverses. Paragraphe 5) Quant à ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie militaire, qu’ils se considèrent eux aussi comme les serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples.

80. La guerre totale. Paragraphe 1) Le progrès de l’armement scientifique accroît démesurément l’horreur et la perversion de la guerre…. Paragraphe 4) Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation

81. La course aux armements. Paragraphe 2) La course aux armements ne constitue pas une voie sûre pour le ferme maintien de la paix et le soi-disant équilibre qui en résulte n’est ni une paix stable, ni une paix véritable… Tandis qu’on dépense des richesses fabuleuses dans la préparation d’armes toujours nouvelles, il devient impossible de porter suffisamment remède à tant de misères présentes de l’univers… Il faudra choisir des voies nouvelles en partant de la réforme des esprits pour pouvoir libérer le monde de l’anxiété qui l’opprime et lui rendre une paix véritable. Paragraphe 4) …que, plus conscients de nos responsabilités personnelles, nous trouvions les méthodes qui nous permettront de régler nos différents d’une manière plus digne de l’homme.

82. Vers l’absolue proscription de la guerre. L’action internationale pour éviter la guerre. Paragraphe 1). Ce qui requiert l’institution d’une autorité publique universelle, reconnue par tous, qui jouisse d’une puissance efficace, susceptible d’assurer à tous la sécurité, le respect de la justice et la garantie des droits… Pour que la réduction des armements commence à devenir une réalité, elle ne doit certes pas se faire d’une manière unilatérale, mais à la même cadence, en vertu d’accords, et être assortie de garanties véritables et efficaces. Paragraphe 2)…il faut instamment prier Dieu de donner aux dirigeants des pays l’énergie d’entreprendre avec persévérance et de poursuivre avec force cette œuvre d’immense amour des hommes qu’est la construction courageuse de la paix. Qu’ils renoncent à l’égoïsme national et au désir de dominer les autres nations, et qu’ils entretiennent un profond respect envers toute l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus grande unité. Paragraphe 3) …Que l’on prenne garde cependant de ne point s’en remettre aux seuls efforts de quelques-uns, sans se soucier de son état d’esprit personnel. Car les chefs d’État sont très dépendants des opinions et des sentiments de la multitude. Il leur est inutile de chercher à faire la paix tant que les sentiments d’hostilité, de mépris et de défiance, tant que les haines raciales et les partis pris idéologiques divisent les hommes et les opposent. D’où l’urgence et l’extrême nécessité d’un renouveau dans la formation des mentalités et d’un changement de ton dans l’opinion publique, en particulier auprès des jeunes. Nous avons tous à changer notre cœur et à ouvrir les yeux sur le monde, comme sur les tâches que nous pouvons entreprendre tous ensemble pour le progrès du genre humain. Paragraphe 4) Si, inimitiés et haines écartées, nous ne concluons pas des pactes solides et honnêtes assurant pour l’avenir une paix universelle, l’humanité, déjà en grand péril, risque d’en venir, malgré la possession d’une science admirable, à cette heure funeste où elle ne pourra plus connaître d’autre paix que la paix redoutable de la mort. Mais l’Église du Christ n’abandonne pas pour autant une très ferme espérance.

83. Les causes de discorde et leurs remèdes. Pour bâtir la paix, la toute première condition est l’élimination des causes de discorde entre les hommes : elles nourrissent les guerres, à commencer par les injustices. Nombre de celles-ci proviennent d’excessives inégalités d’ordre économique, ainsi que du retard à y apporter les remèdes nécessaires. D’autres naissent de l’esprit de domination, du mépris des personnes et, si nous allons aux causes plus profondes, de l’envie, de la méfiance, de l’orgueil et des autres passions égoïstes…Il est absolument indispensable de vaincre ces maux. Pour réprimer le déchaînement des violences, que les institutions internationales développent et affermissent leur coopération et leur coordination ; et que l’on provoque sans se lasser la création d’organismes promoteurs de paix.

84. La communauté des nations et les institutions internationales.

85. La coopération internationale dans le domaine économique. Paragraphe 1) La solidarité actuelle du genre humain impose aussi l’établissement d’une coopération internationale plus poussée dans le domaine économique. En effet, bien que presque tous les peuples aient acquis leur indépendance politique, il s’en faut de beaucoup qu’ils soient déjà libérés d’excessives inégalités et de toute forme de dépendance abusive, et à l’abri de tout danger de graves difficultés intérieures. Paragraphe 2) La croissance d’un pays dépend de ses ressources en hommes et en argent. L’éducation et la formation professionnelle doivent préparer les citoyens de chaque nation à faire face aux diverses tâches de la vie économique et sociale. Ceci demande l’aide d’experts étrangers; ceux qui l’apportent ne doivent pas se conduire en maîtres, mais en assistants et en collaborateurs. Quant à l’aide matérielle aux nations en voie de développement, on ne pourra la fournir sans de profondes modifications dans les coutumes actuelles du commerce mondial D’autres ressources doivent en outre leur venir des nations évoluées, sous formes de dons, de prêts ou d’investissements financiers ; ces services doivent être rendus généreusement et sans cupidité d’un côté, reçus en toute honnêteté de l’autre. Paragraphe 3) Pour édifier un véritable ordre économique mondial, il faut en finir avec l’appétit de bénéfices excessifs, avec les ambitions nationales et les volontés de domination politique, avec les calculs des stratégies militaristes ainsi qu’avec les manœuvres dont le but est de propager ou d’imposer une idéologie

86. Quelques règles opportunes : Paragraphe 1. a) Les nations en voie de développement auront très à cœur d’assigner pour fin au progrès le plein épanouissement humain de leurs propres citoyens. Elles se souviendront que le progrès prend sa source et son dynamisme avant tout dans le travail et le savoir-faire des pays eux-mêmes ; car il doit s’appuyer non pas sur les seuls secours étrangers, mais en tout premier lieu sur la pleine mise en œuvre des ressources de ces pays ainsi que sur leur culture et leurs traditions propres. Paragraphe 3. b) Les nations développées ont le très pressant devoir d’aider les nations en voie de développement à accomplir ces tâches. Qu’elles procèdent donc aux révisions internes, spirituelles et matérielles, requises pour l’établissement de cette coopération universelle. Paragraphe 4) Ainsi, dans les négociations avec les nations plus faibles et plus pauvres, elles devront scrupuleusement tenir compte du bien de celles-ci ; en effet, les revenus qu’elles tirent de la vente de leurs produits sont nécessaires à leur propre subsistance. Paragraphe 5. c)

C’est le rôle de la communauté internationale de coordonner et de stimuler le développement, en veillant à distribuer les ressources prévues avec le maximum d’efficacité et d’équité... pour que les rapports économiques mondiaux s’effectuent selon les normes de la justice. Paragraphe 6) Que l’on fonde des institutions capables de compenser une excessive inégalité de puissance entre les nations… accompagnées d’une aide technique, culturelle et financière (pour donner aux) nations en voie de développement les moyens nécessaires pour poursuivre l’essor harmonieux de leur économie.

87. La coopération internationale et la croissance démographique. Paragraphe 1). La coopération internationale devient tout à fait indispensable. Il est urgent de rechercher comment, grâce à la collaboration entière et assidue de tous, surtout des nations riches, on peut préparer ce qui est nécessaire à la subsistance et à l’instruction convenable des hommes, et en faire bénéficier l’ensemble de la communauté humaine. Bon nombre de peuples pourraient sérieusement améliorer leur niveau de vie si, instruits comme il convient, ils passaient de méthodes archaïques d’exploitation agricole à des techniques modernes tout en instaurant aussi un meilleur ordre social et en procédant à un partage plus équitable de la propriété terrienne. Paragraphe 2) En ce qui concerne les problèmes de la population, le Concile exhorte tous les hommes à se garder de solutions, qui sont en contradiction avec la loi morale il est très important de permettre à tous d’accéder à un niveau de responsabilité conforme à la morale et vraiment humain qui, sans négliger l’ensemble des circonstances, tienne compte de la loi divine.

88. Le rôle des chrétiens dans l’entraide internationale. Paragraphe 1) Elle doit se faire dans un respect sincère des libertés légitimes et dans l’amicale fraternité de tous , le Christ lui-même, dans la personne des pauvres, réclame la charité de ses disciples. Paragraphe 2) Il faut donc louer et encourager ces chrétiens, les jeunes en particulier, qui s’offrent spontanément à secourir d’autres hommes et d’autres peuples. Bien plus, il appartient à tout le Peuple de Dieu de soulager, dans la mesure de ses moyens, les misères de ce temps. Paragraphe 3) On conjuguera l’action des catholiques avec celle des autres frères chrétiens… il est nécessaire que ceux qui veulent s’engager au service des nations en voie de développement reçoivent une formation adéquate, et dans des instituts spécialisés.

89. Présence active de l’Église dans la communauté internationale. Paragraphe 1) l’Église, contribue à affermir la paix et à établir entre les hommes et les peuples le fondement solide d’une communauté fraternelle : à savoir la connaissance de la loi divine et naturelle. Pour encourager et stimuler la coopération entre tous, il est nécessaire que l’Église soit présente dans la communauté des nations ; et cela tant par ses organes officiels que par l’entière et loyale collaboration de tous les chrétiens – collaboration inspirée par le seul désir d’être utile à tous.

90. Rôle des chrétiens dans les institutions internationales. Paragraphe 1) Les diverses associations catholiques internationales peuvent rendre de multiples services pour l’édification d’une communauté mondiale pacifique et fraternelle. Il faut les consolider… le sens de l’universel, convient sans nul doute aux catholiques, pour donner naissance à la conscience d’une solidarité et d’une responsabilité vraiment mondiales.

91. Rôle de chaque fidèle et des Eglises particulières. Paragraphe 1) Ces propositions ont pour but d’aider tous les hommes de notre temps, qu’ils croient en Dieu ou qu’ils ne le reconnaissent pas explicitement, à percevoir avec une plus grande clarté la plénitude de leur vocation, à rendre le monde plus conforme à l’éminente dignité de l’homme, à rechercher une fraternité universelle, appuyée sur des fondements plus profonds, et, sous l’impulsion de l’amour, à répondre généreusement et d’un commun effort aux appels les plus pressants de notre époque. Paragraphe 2) L’enseignement présenté ici devra encore être poursuivi et amplifié

92. Le dialogue entre tous les hommes. Paragraphe 2) Cela exige qu’au sein même de l’Église nous fassions progresser l’estime, le respect et la concorde mutuels, dans la reconnaissance de toutes les diversités légitimes, et en vue d’établir un dialogue sans cesse plus fécond... Ce qui unit en effet les fidèles est plus fort que tout ce qui les divise : unité dans le nécessaire, liberté dans le doute, en toutes choses la charité. Paragraphe 4) Un tel dialogue, conduit par le seul amour de la vérité et aussi avec la prudence requise, n’exclut personne : ni ceux qui honorent de hautes valeurs humaines, sans en reconnaître encore l’auteur, ni ceux qui s’opposent à l’Église et la persécutent de différentes façons… Puisque nous sommes tous appelés à être frères, nous devons coopérer, sans violence et sans arrière-pensée, à la construction du monde dans une paix véritable.

93. Un monde à construire et à conduire à sa fin. Paragraphe 1) Les chrétiens ne peuvent pas former de souhait plus vif que celui de rendre service aux hommes de leur temps, avec une générosité toujours plus grande et plus efficace. Aussi, dociles à l’Évangile et bénéficiant de sa force, unis à tous ceux qui aiment et pratiquent la justice, ils ont à accomplir sur cette terre une tâche immense. Car la volonté du Père est qu’en tout homme nous reconnaissions le Christ notre frère et que nous nous aimions chacun pour de bon, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la vérité.

N’hésitez pas à reproduire et à distribuer ce compte-rendu.


Concile de Vatican 2, 50 ans après : Réflexions sur la constitution apostolique Gaudium et Spes (GS).

« L’église dans le monde de ce temps » Chapitre 7 : L’économie

Vous pouvez lire d’abord :

  • le chapitre 1 : Le concile Vatican 2 : Introduction générale

  • le chapitre 2 : Comprendre le concile Vatican 2 aujourd'hui

  • le chapitre 3 : L’église dans le monde de ce temps : Introduction au document  

  • le chapitre 4 : 1° Partie : L’Eglise et la vocation humaine (n°1à 45)

  • le chapitre 5 : 2° Partie,1 : La dignité du mariage et de la famille (n° 46 à 52)

  • le chapitre 6 : 2° Partie,2 :L’essor de la Culture (n° 53 à 62)

Voici le plan de ce chapitre :

Introduction : Etre fidèles à l’histoire des hommes 

  1. Résumé du chapitre 

  2. Lecture du document n° par n° :

  3. 1° synthèse de ce chapitre 

  4. L'organisaton de la vie économique et sociale

  5. Un peu d’histoire

  6. Le travail

  7. Le bien commun et la destination universelle des biens de la terre

  8. La propriété privée 

  9. L’économie

  10. Les moyens de communication

  11. Le développement

  12. Les migrations

  13. Accueillir l’étranger, et vivre en pensant au monde entier

  14. Environnement et écologie (voir la 2° partie)

Introduction

Ce document a inauguré une nouvelle méthode de travail pour l’Eglise. Cette nouvelle manière de réfléchir et d’agir mérite d’être conservée aujourd’hui. D’abord les évêques disent qu’il faut changer le monde, pour le rendre meilleur : « Depuis toujours, l’Eglise a demandé aux chrétiens de réfléchir à partir de l’Evangile. Elle a rappelé des lois pour la justice et le droit, que l’intelligence humaine faisait déjà connaître (la loi naturelle dans notre cœur). Aussi bien pour la vie personnelle et des groupes, que celle des pays et du monde entier (international). L’Eglise a enseigné ces principes. Maintenant le Concile essaye d’appliquer ces idées, à la situation du monde de notre temps (1965). En voyant les besoins du développement économique, à tous les niveaux « (n° 63,5). Pour cela, le Concile commence par regarder ce qui se passe dans le monde (lire les signes des temps). Ensuite il apporte la lumière de l’Evangile. A partir de là, les Evêques proposent des lignes d’action pour le bien de tous. Parmi ces actions à mener, il y a la recherche du bien commun, la solidarité, la subsidiarité (donner des responsabilités à la base), la justice sociale, la charité… Tous ces principes forment la doctrine sociale de l’Eglise (voir mon site http://armel.duteil.free.fr , à la rubrique Doctrine sociale de l’Eglise). Ces principes sont valables toujours et partout, mais ils ont besoin d’être appliqués aux différentes situations locales ou nouvelles. Car les actions à mener doivent être adaptées au temps et aux lieux. Par exemple, que faire contre le chômage ? Et face à la dette des pays ? Ou pour améliorer l’agriculture ? etc… Les chrétiens doivent chercher ensemble avec les autres hommes ; ils n’ont pas de solution toute faite à l’avance, ou donnée directement par l’Evangile. C’est pourquoi, il faut sans cesse réfléchir à partir de ces principes, et mettre en commun les expériences, en suivant la méthode de l’Action Catholique : voir, juger, agir. C’est ce que les évêques ont fait au Concile, avec l’aide de techniciens (des gens formés en économie, agriculture, politique, culture et vie sociale : voir les chapitres 2 et 4). Ceci doit être continué, en particulier pour les questions nouvelles comme la bioéthique (les sciences de la vie), les migrations (les gens qui quittent leur pays), les problèmes de l’environnement (le respect de la terre), etc…En donnant la parole aux laïcs et à leurs mouvements.

Etre fidèles à l’histoire des hommes : En Europe, à partir du 18ème siècle, il y a eu beaucoup de changements importants : l’apparition des machines et des grandes usines (la révolution industrielle) ; la révolution politique française de 1789, qui a fait naître la République avec sa devise : liberté, égalité, fraternité ; la révolution russe en 1917 et le communisme qui s’est répandu dans le monde entier. Les Papes ont fait très attention à ces changements. Ils ont cherché à éclairer les chrétiens en écrivant des Lettres très importantes, depuis la Lettre sur les choses nouvelles (RN : Rerum Novarum) de Léon 13, en 1891, jusqu’à la Lettre de Jean 23 sur l’Eglise, mère et maîtresse, au moment du Concile Vatican 2 (MM : Mater et Magistra). Ces Lettres voulaient donner l’enseignement officiel de l’Eglise. Notre document, lui, part davantage de la situation concrète du monde. On ne cherche plus à mettre en place une société complètement catholique, on ne condamne même pas le marxisme ni le communisme, et on reconnaît que beaucoup de bonnes choses ont été faites en dehors de l’Eglise.

Le monde avait besoin de ce message d’espérance en 1960, en pleine guerre froide Est-Ouest, et au début des indépendances de nombreux pays africains. Ce message d’espérance est encore attendu actuellement. Et que l’Eglise travaille avec tous les hommes. La nouveauté de ce document est que l’Eglise s’ouvre au monde : elle ne prétend plus tout connaître, elle ne cherche plus à tout diriger. Au contraire, elle veut servir tous les hommes, sans rejeter personne, dans l’humilité et le respect de l’autre. L’espérance du Ciel ne dispense pas de travailler dans le monde. Au contraire, elle nous donne de nouvelles raisons et de nouvelles forces, pour faire naître « les cieux nouveaux et la terre nouvelle » (2 Pi 3,13).

Il nous faut continuer à adapter notre réflexion et nos actions, à la vie actuelle. Car depuis 1965, les progrès de la science ont amené des changements de mentalité (de pensées) : les gens se sont ouverts au monde entier (au niveau politique, économique et culturel). Les valeurs ont changé (les qualités et les idées, sur lesquelles nous construisons notre vie). Même la vie religieuse est transformée.

Résumé du chapitre

Le Concile reconnaît les progrès faits au niveau économique (pour le travail et l’argent) : nous avons davantage de moyens pour utiliser les richesses de la nature, et les relations entre les hommes ont augmenté. Mais il y a aussi des choses qui posent question : l’économie et l’argent commandent les hommes, alors que ça devrait être le contraire ; il y a de grandes différences, et qui augmentent encore, entre les riches et les pauvres ; les machines automatiques remplacent les travailleurs, et cela cause beaucoup de chômage ; l’homme devient esclave de la machine : c’est la machine qui commande l’homme alors que ça devrait être, là aussi, le contraire. C’est pourquoi notre document demande de respecter les personnes, en particulier les femmes et les familles, mais aussi les enfants et les personnes âgées. Il faut que les hommes puissent grandir, dans leur travail lui-même ; tous doivent avoir le droit de parler, et de participer à la marche des usines, comme aux bénéfices des sociétés. Ils doivent aussi avoir le temps de se reposer, de se former (la culture et l’éducation) et de prier.

Les richesses de la terre sont pour tous, et les pauvres ont des droits. La propriété privée (avoir des choses à soi) permet la liberté. Mais la propriété commune des biens doit aussi avoir sa place, pour le service de tous. La conclusion : Tout homme qui cherche d’abord le Royaume de Dieu et qui suit le Christ, il trouve un amour plus fort et plus pur, pour aider ses frères et pour pratiquer la justice, sous la conduite de l’amour. (72, fin)

Lecture du document n° par n°

  • Le numéro 63 commence ainsi : « Dans la vie économique et sociale, il faut respecter et faire grandir la personne humaine ». C’est l’idée principale et la plus importante de ce chapitre. Cela sera répété sans arrêt dans tous les documents.

  • Le numéro 64 dit que le développement doit être au service de l’homme tout entier, dans ses besoins matériels (les choses pour son corps etc.), son intelligence, (l’enseignement et la formation), son cœur (l’éducation et l’amour), son âme (la religion et la foi). Le développement doit se faire aussi pour tous les hommes, sans regarder leurs races et leur continent. Il faut organiser les lois de l’économie en respectant la morale (en cherchant le bien), pour faire ce que Dieu veut pour l’homme. Actuellement, les inégalités entre les hommes et entre les pays sont trop grandes.

  • Au n° 66, le Concile dit : « Il faut enlever le plus vite possible les différences de richesses, entre les personnes et les pays. Mais en respectant les qualités et la culture de chaque peuple. Sinon il y aura trop d’inégalités entre les personnes et les groupes. Or ces inégalités augmentent de plus en plus actuellement ». Il faut lutter contre ces inégalités, en respectant les droits des personnes et leur civilisation. Il faut aider en particulier les paysans, surtout les jeunes qui sont souvent oubliés. Ils veulent vivre de leur travail. Il ne faut pas en faire des mendiants. Ils doivent pouvoir, non seulement se nourrir mais se former pour mieux travailler. Et produire avec de nouvelles façons de travailler, de nouveaux outils et de nouvelles techniques. Dans tous les pays, il faut la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire que chaque pays produise lui-même, ce dont il a besoin pour nourrir sa population. Et pas seulement acheter la nourriture dans les autres pays.

  • Le N° 66,2 continue : Le développement est un droit, mais aussi un devoir pour tous les hommes. Il faut supprimer les trop grandes différences économiques et sociales. Les responsables du pays doivent permettre à chacun de travailler selon ses moyens, pour faire avancer sa communauté. Cela veut dire que personne n’a le droit de garder des terres pour lui, s’il ne les cultive pas. Alors que pendant ce temps, d’autres ne peuvent pas travailler parce qu’ils n’ont pas de terrain. Les gens doivent pouvoir rester travailler dans leur pays, plutôt que d’être obligés de partir dans un autre pays pour avoir du travail (l’émigration). Les émigrés ont des droits, qui sont reconnus par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Tous les pays qui ont signé cette Déclaration doivent la respecter. Les pays pauvres dépensent beaucoup pour former leurs élèves. Ils doivent donc pouvoir en recevoir les résultats, quand ceux-ci sont grands. Au lieu de les voir partir travailler ailleurs. D’un autre côté, on doit accueillir les travailleurs étrangers avec leurs familles, pour qu’ils puissent vivre dans la dignité et la paix. Ainsi ils aideront le pays qui les accueille, à avancer par leur travail. Mais il faut qu’ils continuent d’aider les pays d’où ils viennent. A ce moment-là, leurs parents pourront vivre et rester travailler chez eux, et n’auront plus besoin de partir à l’étranger (66,2).
    Les machines modernes automatiques remplacent de plus en plus les travailleurs. Cela crée beaucoup de chômage (66, 3). Il faut beaucoup réfléchir à cette question. Et aussi soutenir les travailleurs malades ou âgés (la sécurité sociale et la retraite)

  • N° 67 : Les conditions de travail et les loisirs.C’est par son travail que l’homme peut gagner sa vie, et nourrir sa famille. Par le travail, il est uni aux autres hommes, et il peut les aider dans la charité. Par son travail, il participe au travail de Dieu qui a créé le monde… Bien plus par son travail, l’homme sauve le monde avec Jésus Christ. Jésus a donné au travail une très grande valeur, car il a travaillé de ses mains à Nazareth (67,2). Jean Paul II a écrit : « Le travail doit passer avant le capital » (avant l’argent). Comme le disait déjà le fondateur de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) l’aumônier Cardjein : « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde, car il est fils de Dieu ».

  • N° 68 : La participation des travailleurs à l’entreprise et l’organisation de l’économie. Dans les entreprises économiques se trouvent des travailleurs libres et indépendants, créés à l’image de Dieu, et qui sont réunis pour travailler. Chacun a son rôle. Les propriétaires (ceux qui ont donné l’argent : les actionnaires), les patrons, les cadres (les ingénieurs) et les ouvriers. Il faut que les travailleurs soient bien dirigés. Mais il faut aussi qu’ils puissent participer à la vie de l’entreprise : pas seulement que chacun puisse donner son avis, mais aussi qu’il reçoive sa part des bénéfices de l’entreprise, en plus de son salaire. Et pas seulement les actionnaires qui ont apporté l’argent pour acheter le matériel et les machines.
    Le 3ème paragraphe parle du droit de grève

  • N° 69 : Les biens de la terre sont pour tous les hommes, sans oublier personne. On doit partager les richesses de la terre entre tous, avec justice mais aussi dans la charité.

  • N° 70 : Le Concile demande de lutter contre la spéculation, c’est-à-dire ceux qui gagnent de l’argent sans travailler, mais seulement en achetant et en revendant des actions (les parts de l’argent que l’on a mis pour commencer l’entreprise : le capital). Pour faire marcher l’entreprise, il faut aussi garder l’équilibre entre partager l’argent que l’on gagne, et acheter des nouvelles machines et du matériel, pour que le travail puisse continuer (les investissements). Le Concile refuse aussi, ce qu’on appelle la main invisible du marché (le libéralisme total). C’est quand on dit qu’il faut laisser les entreprises et le commerce marcher comme ils veulent, et que tout ira très bien : les choses s’arrangeront d’elles-mêmes, et tout le monde aura de quoi vivre. Car on s’aperçoit que c’est justement le contraire. Les riches deviennent de plus en plus riches, et les pauvres souffrent de plus en plus. Il est donc nécessaire d’organiser l’économie, le travail et l’argent dans la justice pour le bien de tous. Benoit 16 vient de dire dans « l’Engagement de l’Afrique » (AM 86) : « L’Eglise veut une solidarité, au niveau du monde. Et que dans le commerce international, on ne cherche pas seulement les bénéfices, ni les intérêts propres des personnes ou des groupes. Mais que l’on cherche la gratuité et le don, pour mettre une vraie humanité, et un vrai partage entre les hommes ».

  • N° 71 : Même si tu as travaillé avec honnêteté (sans voler), ce que tu as gagné par ton travail, ce n’est pas pour toi tout seul. Cela doit profiter à tous. Donc tu dois aider les pauvres. Pas seulement en donnant ce que tu as en plus (le superflu), mais même en te privant (en prenant ce dont tu as besoin pour toi-même). Une bonne façon de faire profiter tous les hommes de la richesse de chacun, ce sont les fonds sociaux et aussi la sécurité sociale pour aider les malades, les enfants et les personnes âgées, mais en respectant la liberté de chacun. En effet autrefois dans la tradition, c’était la grande famille et tout le village qui aidaient ceux qui en avaient besoin. Il faut voir comment garder cette solidarité des anciens (l’union de tous pour aider les plus faibles) dans le monde moderne, d’une manière adaptée. Mais en refusant le parasitisme et la paresse (les gens qui se font nourrir par les autres, sans rien faire).

  • N° 71,2 : Le Concile reconnaît le droit à la propriété (avoir des choses pour soi). C’est ce qui permet à l’homme de vivre dans la liberté, et de prendre des responsabilités. Ainsi la personne grandit, elle peut faire des choses par elle-même, et elle vit dans la sécurité. Mais il faut que tout le monde puisse profiter de cette propriété. C’est ce qu’on appelle : la destination universelle des biens. Cela vaut aussi pour les richesses naturelles du monde, comme par exemple le pétrole ou les mines. Elles doivent profiter à tous. Car Dieu les a données aux hommes pour le bien de tous, pas seulement pour les habitants du pays. Le pays peut aussi avoir des propriétés publiques, pour les mettre au service de tous. Par exemple pour construire des écoles, des hôpitaux, des bureaux et des routes. Si l’Etat prend le terrain de quelqu’un à cause de ses besoins, il doit le payer (expropriation et indemnisation). Si on ne respecte pas les choses qui appartiennent aux gens, et qu’on les prend par force, « il va y avoir beaucoup de violence et de disputes » (71, 5). On ne doit pas accepter non plus la spéculation sur les terrains (les gens qui achètent un terrain, pas pour travailler mais seulement pour le revendre plus cher. Et ainsi gagner beaucoup d’argent, sans rien faire). Le Concile parle aussi des grands terrains, par exemple les latifundia en Amérique du Sud : des terres qui ne sont pas travaillées. Le Concile demande qu’on les partage, avec ceux qui n’ont pas de terrain : « souvent ceux qui travaillent pour les grands propriétaires sont mal payés. On ne respecte pas leur dignité. Ils n’ont pas de bonnes maisons, et les gens profitent d’eux ». Tout ce passage est très fort. Il faut bien réfléchir. Cela n’existait pas autrefois en Afrique mais c’est ce qui est arrivé maintenant. Les chefs et les riches du pays, comme les sociétés étrangères qui ont de l’argent, achètent de très grands terrains, et les paysans des villages n’ont plus de terres à cultiver. C’est ce qu’on appelle l’accaparement des terres (voir cette rubrique dans mon site : http://armel.duteil.free.fr). Il faut à tout prix lutter contre cela, et le supprimer.

  • N° 72 : Les activités économiques (Le travail et le Royaume du Christ) Ce chapitre, comme tous les autres, se termine par une réflexion religieuse : le Christ nous sauve par son Evangile. Car le travail et l’économie participent à la construction du Royaume de Dieu : « les chrétiens travaillent pour le développement économique (pour augmenter les richesses et les autres biens pour l’homme). Ils luttent pour faire grandir la richesse et la partager entre tous. Ils doivent savoir qu’en faisant cela, ils font beaucoup pour le bonheur des hommes et pour la paix dans le monde » (72, 1). De cette façon ils prennent leur place, dans le travail de Dieu lui-même (n° 34 et 67) « Notre foi nous donne la force de travailler pour cela » (72, 2). C’est la façon de mettre en pratique les Béatitudes (Matthieu 5,3 à 12) : Avoir un cœur de pauvre, vivre dans un esprit de pauvreté. Les travailleurs peuvent aider les pauvres, et agir dans la justice et la charité. A ce moment-là, ils font venir le Royaume de Dieu sur la terre, pour le bien de tous, même les non chrétiens (n° 39 fin).
    Ce chapitre nous donne des idées, qui sont très importantes encore aujourd’hui. Par exemple, pour faire grandir l’homme dans toute sa personne, et dans la dignité. Et pour faire grandir tous les hommes, sans oublier personne. Il est nécessaire d’organiser le commerce dans le monde, et ne pas laisser le libéralisme (l’argent) diriger les choses comme il le veut. C’est nécessaire d’organiser les banques, et se servir de l’argent pour un développement qui dure, pour que nos enfants puissent vivre heureux (développement durable). Et aussi pour faire avancer la terre, sans la casser (le respect de la création). C’est important de se rappeler que le travailleur vaut plus que l’argent. Et que c’est toujours au travailleur que l’on doit penser en premier, et non pas à l’argent. Les travailleurs doivent recevoir une partie des bénéfices de l’entreprise, mais aussi donner leurs idées, et participer à l’organisation. Mais comme le monde change vite, il faut continuer à réfléchir, pour trouver des nouvelles façons de faire, qui sont mieux adaptées à la vie actuelle. Car « nous devons tous travailler au travail de Dieu pour faire grandir l’homme » (74, 1). Les chefs du pays et toute la population doivent chercher le bien de tous (le bien commun). Mais pour arriver à cela, il faut trouver des nouvelles idées, et des nouvelles façons de faire, en réfléchissant à partir de l’Evangile. Sans nous décourager, et en gardant l’espérance que Jésus nous a donnée.

Il sera aussi important de voir, ce que les évêques de chaque pays disent de cela. Et aussi de toutes les autres questions, comme la famille, le mariage, la régulation des naissances, la culture, la politique (voir les autres chapitres)

Premère synthèse de ce chapitre

L’homme est le début, le centre et le but de toute la vie économique et sociale (63). Le but de la production économique (les résultats du travail) c’est de servir les gens dans leurs besoins matériels, mais aussi pour le progrès de leur esprit (intellectuel), dans le bien (la morale) et dans la vie spirituelle (religieuse) (64). L’Eglise n’est attachée à aucun système économique spécial (42), mais elle est contre les différences trop grandes, entre les personnes ou les groupes, au niveau économique aussi bien que dans la vie en société. Elle s’oppose à toutes les injustices, les inégalités, les manques de dignité et de paix (29). L’Eglise est aussi contre les différences trop grandes entre les pays riches et les pays pauvres. Et contre les différences entre les paysans (les agriculteurs), les industries (les ouvriers dans les usines) et les services (les travailleurs dans les bureaux (63). L’Eglise s’occupe spécialement des pauvres et lutte contre la pauvreté (1). Elle est triste de voir que, malgré tous les progrès de la science et des machines, il y a encore la faim et la pauvreté dans le monde (4). Par la voix des pauvres, c’est le Christ lui-même qui appelle tous ses disciples (les chrétiens), à être plus charitables (88, 1). Les mauvaises conditions de vie cassent la société humaine et elles vont contre Dieu (27). Quand une personne est pauvre, elle n’est plus libre (31). Or le développement écrase souvent les pauvres et les méprise (63). Nous ne devons pas faire comme le riche de l’Evangile, avec le pauvre Lazare (27). Nous devons vraiment aimer les pauvres. Pas seulement avec ce que nous avons en plus (notre superflu), mais même avec ce dont nous avons besoin pour vivre nous-mêmes. Les pauvres ont le droit de prendre les richesses des riches, si on ne leur donne pas de quoi vivre (68).

L'organisation de la vie économique et sociale

Après avoir donné des principes généraux (idées importantes et directions), le Concile parle de quelques problèmes d’organisation et de fonctionnement de l’économie : Le travail, les biens de la terre sont pour tous, la propriété privée, le développement, les migrations, l’écologie.

Mais d’abord, rappelons le contenu de ce chapitre : Les biens de la terre appartiennent à tout le monde (68). Chacun a le droit d’avoir un travail (67). L’argent que l’on donne aux travailleurs (le salaire) doit suffire pour vivre dans la dignité, avec toute sa famille. Les travailleurs ont le droit de se regrouper dans des syndicats, sans être poursuivis. On doit chercher à régler les problèmes des travailleurs par la discussion (la négociation). Mais si on n’y arrive pas, les travailleurs ont le droit de faire grève (68). Les gens ont le droit d’avoir des choses pour eux-mêmes (le droit à la propriété). On doit respecter la vie en société : c’est ce qui permet de vivre dans la liberté (71). L’argent du pays doit servir au bien de tous (70). On ne peut pas laisser l’argent diriger les affaires économiques (la force du marché, le libéralisme). Ni les chefs commander tout seuls (la dictature) (65). Dans le pays, on doit penser spécialement aux paysans, aux émigrés et aux réfugiés, aux malades et aux personnes âgées (66). Dieu n’accepte pas les différences mises entre les hommes, à cause de l’argent ou de leur place dans la société : il faut supprimer cela (29). Les pays doivent s’aider entre eux pour les questions économiques, au niveau du monde entier (84). Mais pour cela, il faut laisser la soif de l’argent, et l’amour du pouvoir par les civils ou les militaires. Et ne pas chercher à imposer ses idées aux autres pays (85).

Le Concile condamne la course pour les armes entre les pays, car cela augmente encore plus la pauvreté. Il demande la création d’une organisation de l’Eglise (justice et paix), pour faire grandir à la fois la justice, et l’amour du Christ pour les pauvres (90). Le Concile cherche une organisation de la société et de l’économie (pour le travail et l’argent) qui soit juste. Car les choses de la terre appartiennent à tout le monde (68). Avoir des choses pour soi (la propriété privée) permet de vivre dans la liberté. Mais il ne faut pas devenir égoïste, et penser seulement à soi, en oubliant les autres, ou ses devoirs envers la société (71). On doit utiliser l’argent, en cherchant le bien de tous (le bien commun) (70). Les bénéfices doivent être partagés entre tous.

Un peu d’histoire

Dans sa lettre sur les choses nouvelles (RN de 1891) qui parle des problèmes de la société, Léon 13 refuse d’abord la proposition socialiste de supprimer la propriété privée, et ses conséquences : « La propriété privée et personnelle est pour l’homme un droit, qui vient de sa nature. Il faut reconnaître à tous les hommes la possibilité, non seulement d’utiliser des choses, mais le droit de les garder en permanence » (n° 5). Léon 13 explique les conséquences mauvaises, si la propriété était commune (collective) sans rien de personnel : « C’est un système injuste. Il augmenterait le désordre dans la société, et causerait une grande dépense, insupportable pour tous les citoyens. Ce serait la porte ouverte à toutes les jalousies, les mécontentements et les disputes. Les gens n’auraient plus envie de travailler, et il n’y aurait plus de production de richesses. Au lieu d’avoir l’égalité que l’on cherche, ce serait l’égalité de tous dans la pauvreté et la misère… Donc ceux qui veulent vraiment le bien du peuple doivent défendre absolument la propriété privée des personnes. 

Toutes les lettres suivantes des papes rediront la même chose, et donc aussi le Concile Vatican 2. Le numéro 63 commence par rappeler la dignité de la personne humaine, et sa place pour le bien de la société. En effet « c’est l’homme qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économique et sociale ». Le n° 64 insiste sur le développement : « pour répondre au désir profond des hommes, il faut augmenter la production de l’agriculture et de l’industrie. Pour cela il faut encourager les progrès techniques (la science et les machines), les nouvelles idées, la création d’entreprise, les efforts de tous les travailleurs et tout ce qui peut aider au progrès ». L’Eglise encourage la création des richesses nouvelles, pour pouvoir répondre aux besoins des plus pauvres. Mais bien sûr en gardant un bon comportement (la morale), pour faire ce que Dieu veut pour l’homme (voir les explications du n° 63 à 71).

Mais le Concile apporte des changements. Au paragraphe 71, 4, les évêques disent que le respect de la propriété privée ne doit pas empêcher les pouvoirs publics (les responsables du pays) de prendre des propriétés privées, pour le bien de tous (les nationalisations). Mais le document en donne les conditions : que ce soit fait par les vrais responsables du pays, dans les limites du bien de tous, et en payant normalement ceux à qui on a pris ces choses. Même la propriété privée doit être au service de tous (caractère social : 71, 5). Le Concile parle des grandes propriétés d’Amérique du Sud (71, 6), et il demande des changements (voir plus haut). Celui qui a des terres doit les travailler, pour créer des richesses pour tous. Sinon on peut lui enlever son terrain.

Le Concile rend les choses plus précises, en particulier pour ce qui regardent les pays en développement. Au moment du Concile, ces pays sont devenus indépendant au point de vue politique. Mais ils n’ont pas eu d’indépendance économique. Et jusqu’à maintenant beaucoup sont toujours aussi pauvres et aussi exploités. Les pays riches profitent d’eux. Dans le monde actuel, on oublie la morale (le bien à faire). On pense seulement à son intérêt, et à gagner le plus d’argent possible. On dit : « Il faut gagner plus, pour consommer plus ». Et alors, on dépense de plus en plus les richesses du monde. Non seulement on rend la terre plus pauvre, mais on la salit (pollution), on la casse et on détruit l’environnement. Jusqu’à maintenant, l’économie du monde est au service des plus riches. On n’a pas trouvé les moyens de mettre le développement au service de tous. Heureusement, actuellement de plus en plus de groupes s’organisent, par exemple pour changer l’organisation du commerce mondial et la façon d’organiser le travail et l’argent dans le pays. Des organisations de la Société Civile, mais aussi des ONG et des groupes, agissent pour le Tiers-Monde. Elles demandent plus de justice et d’égalité. Le n° 34 explique : « Il y a trop de différence pour l’argent (l’économie) et la vie en société, entre les personnes et les peuples de l’unique famille humaine ».

Saint Paul disait : « Le bon moment pour agir est arrivé » (2ème aux Corinthiens 6, 2). Ce document du Concile nous donne de très bonnes idées, qui sont encore valables aujourd’hui. Même s’il n’a pas beaucoup parlé du réchauffement de la terre, de la pollution et de l’écologie en général. Parce qu’à ce moment-là, on n’avait pas encore vu l’importance de ces questions, ni compris les problèmes. Que pouvons-nous faire aujourd’hui ?

26 ans après notre document du Concile, le Pape Jean Paul 2 écrit une lettre sur le travail, pour le 100ème anniversaire de la lettre de Léon 13, juste après la chute du mur de Berlin. Il va approfondir encore certaines choses. Il explique que la propriété privée elle-même, peut servir au partage des richesses avec tous. Et que la seule richesse, ce n’est pas seulement la terre, ce sont aussi les connaissances, la technique (les machines) et le savoir. C’est cela qui fait la richesse des pays industrialisés (modernes). Alors que les pays qui ont des richesses de la terre sont souvent des pays pauvres. Finalement, la vraie richesse c’est l’homme lui-même (le capital humain). Il nous faut donc tout faire, pour partager avec tout le monde les connaissances et les techniques (les machines : n° 32).

Au n° 48, Jean Paul 2 accepte les nationalisations. Mais il dit que cela ne doit se faire, que si cela est vraiment nécessaire. Sinon on va tuer le courage des entreprises et des travailleurs, et le désir d’avancer. Il dit aussi que la concurrence (la compétition) entre les entreprises privées est bonne, car elle pousse les gens à avancer. Ce qu’il faut c’est éviter les monopoles : qu’une seule entreprise produise seule quelque chose. Parce qu’à ce moment-là, elle va faire ce qu’elle veut, et amener beaucoup de difficultés et de souffrances.

Au n° 43 Jean Paul II dit que par son travail, l’homme agit en même temps pour les autres, et que tout le monde en profite. C’est normal que les gens aient leurs propres moyens de travail, surtout s’ils font un travail utile à tous. Mais si on n’utilise pas ce que l’on a, ou que l’on empêche les autres de travailler pour gagner davantage tout seul, cela n’est pas normal. C’est contre Dieu et contre les hommes. Car on doit travailler dans la solidarité et le bien de toute la société. Le travail doit se faire dans la liberté, qui fait grandir tous les hommes. Donc le travailleur a des droits, mais il a aussi des devoirs. Et son premier devoir, c’est de faire grandir les talents que Dieu lui a donnés (Matthieu 25) et de les mettre au service de tous. Par exemple, en donnant un travail et des moyens de vivre à ceux qui n’en ont pas, en augmentant ses richesses et celles du pays, en distribuant ce qu’on a gagné et en produisant des choses qui vont servir à tous. Cela nous montre qu’il faut bien étudier et comprendre ce que dit le Concile. Mais que nous devons aussi continuer à réfléchir, pour avancer et adapter cet enseignement à la vie d’aujourd’hui, comme le Pape Jean Paul 2 l’a fait en son temps.

Benoit 16 a beaucoup insisté pour que dans les questions économiques, on ne cherche pas seulement à produire davantage, et à produire plus d’argent. Mais que l’on ajoute l’idée de la gratuité et du don. C’est notre travail de chrétiens. Car Dieu nous a donné la création gratuitement, sans aucun mérite de notre part. Benoit 16 explique : « Dans notre travail, nous devons continuer le travail de Dieu, qui a créé le monde pour nous, en nous le donnant gratuitement ».Même si nous ne sommes pas riches, nous devons toujours aider les autres. Même si nous n’avons pas d’argent, nous pouvons donner de notre temps et partager nos connaissances.E surtout nous pouvons nous donner nous-mêmes.

On peut tirer quatre conclusions de ce que nous venons de dire.

  1. Que chacun puisse avoir ce dont il a besoin : une maison, des moyens de travailler etc.

  2. Celui qui n’a pas beaucoup de choses, qu’il ait au moins du travail. Cela lui donne de l’argent, avec lequel il peut acheter ce dont il a besoin. Cela demande que l’on lutte contre le chômage.

  3. Les activités économiques permettent d’augmenter les richesses, qui doivent ensuite être partagées entre tous.

  4. Pour ceux qui n’ont pas de propriété et ne peuvent pas travailler, ils ont le droit de recevoir ce qui leur est nécessaire pour vivre.

Le travail

Le numéro 67 du document parle du travail. Les évêques lui ont donné une place importante : « le travail passe avant tout. Toutes les autres actions économiques sont au service du travail, comme par exemple la fabrication des choses, leur vente ou leur entretien (prestation de services) ». (67, 1). Le travail doit être à la première place, parce que l’économie est au service de la personne humaine. Et le travail est une action de la personne, qui lui permet de vivre. En plus, le travail construit la société. Par le travail, « l’homme est uni à ses frères et il leur rend service ». La religion nous dit en plus que « par son travail l’homme peut vivre une vraie charité. Il participe au travail de Dieu qui crée le monde. Plus que cela, l’homme est uni à l’action de Jésus qui sauve le monde, quand il offre son travail à Dieu. Jésus Christ a donné une très grande valeur au travail de l’homme, en travaillant lui-même de ses propres mains à Nazareth » (60, 2). C’est pourquoi le Concile dit que tout homme doit travailler. Mais aussi, que tout homme doit pouvoir travailler dans de bonnes conditions. Et en étant assez payé, pour pouvoir faire vivre sa famille.

Au numéro 68, le Concile nous parle de la participation. Pour le Concile, « tous ceux qui travaillent dans une entreprise sont des associés, unis entre eux par leur travail. Ce sont des personnes libres et responsables, créées à l’image de Dieu. C’est pourquoi, il faut que celui qui dirige (le patron) organise bien les choses. Mais il doit aussi permettre à tous, de participer le mieux possible à la marche de l’entreprise, en respectant leur rôle (la place de chacun) : les propriétaires, les patrons, les ingénieurs et les ouvriers » (68, 1). Dans l’organisation de l’entreprise, les travailleurs ont donc quelque chose à dire, et pas seulement recevoir leur part de bénéfice. Cela à cause de leur valeur de travailleur, et de leur dignité de personne créée par Dieu. Il y a donc beaucoup de progrès à faire, car cela ne se fait pas beaucoup jusqu’à maintenant. C’est à cause de cette dignité, et de cette participation nécessaire, que les travailleurs ont le droit d’avoir des syndicats, pour parler en leur nom. Et aussi le droit de faire grève, si on ne les fait pas participer suffisamment à la marche de l’entreprise, et pas seulement pour gagner plus d’argent (avoir des augmentations de salaire). Mais c’est vrai aussi, que certains syndicats pensent surtout à avoir plus d’argent pour les travailleurs, plutôt que d’augmenter leur dignité et leur respect, et d’avoir des meilleures conditions de travail.

Le bien commun

La destination universelle des biens de la terre : « Dieu a donné la terre et tout ce qu’elle contient, à tous les hommes et à tous les peuples. Les richesses de la terre doivent être partagées entre tous à égalité, selon les lois de la justice, que l’on ne doit pas séparer de la charité… Les choses que l‘homme a et qu’il utilise ne sont pas que pour lui tout seul. Il doit savoir qu’elles sont pour tous. Elles doivent profiter non seulement à lui-même, mais aussi aux autres » (69, 1). C’est à cause de cela qu’i faut aider les pauvres, même en se privant soi-même. C’est pourquoi, la sécurité sociale et les fonds sociaux (l’argent de la société, pour aider ceux qui sont dans le besoin) sont importants : c’est un moyen de partager les biens du pays, avec tous. C’est pourquoi, il ne faut pas perdre la façon de partager et de s’aider, que les anciens nous ont enseignée. Mais à condition que les gens ne deviennent pas paresseux, et qu’ils ne cherchent pas à profiter de leurs parents, sans rien faire : mendicité et parasitisme (69, 2).

Notre document « L’Eglise dans le monde de ce temps » déclare : « c’est à la fois le droit et le devoir de tous les citoyens de voter, mais en pensant au bien commun. L’Eglise aime beaucoup ceux qui travaillent pour le bien public, et qui agissent pour le service de tous ». (voir dans mon site http://armel.duteil.free.fr, la rubrique sur la Doctrine Sociale de l’Eglise, fiche 3, n° 10 et la recherche personnalisée en haut à gauche). Mais qu’est-ce que le bien commun ? D’abord il s’agit de donner à tous, les biens matériels de bonne qualité dont ils ont besoin. Et d’avoir des choses à eux (la propriété privée). Pas seulement des choses, mais aussi par exemple la sécurité (la paix et la protection). Car le bien commun ce sont aussi les biens de l’esprit, pour pouvoir vivre ensemble. C’est pourquoi, les responsables politiques doivent trouver des solutions aux problèmes actuels des gens, mais aussi penser à l’avenir. Ils doivent être capables de faire des projets valables, mais aussi de mettre en action les différents groupes sociaux, pour les faire agir par eux-mêmes. Donc à la fois bien diriger les choses qui existent, mais aussi créer des choses nouvelles (la créativité). C’est un travail très difficile. En effet, à cause de la crise économique actuelle et des transformations de la société moderne, les gens cherchent plutôt à s’en sortir tout seul. Et à trouver des solutions à leurs problèmes les plus pressés, sans penser aux conséquences pour l’avenir. De même pour les députés catholiques : ils doivent savoir qu’ils sont les élus et les représentants de tout le peuple, pas seulement des catholiques. C’est pourquoi, ils doivent chercher le bien de tous, et faire respecter la laïcité, en s’appuyant sur la foi et la Parole de Dieu.

La propriété privée

Ce sont les choses qui appartiennent à une personne. C’est ce qui lui permet d’être libre, en ayant ce qui lui est nécessaire pour vivre, mais aussi de prendre ses responsabilités dans la société. C’est très important pour tous les hommes. La propriété privée n’empêche pas la propriété publique de l’Etat, pour le service de tous. Mais quand l’Etat prend des choses à des personnes pour le bien de tous (les nationalisations ou les prises de terrains), cela doit se faire dans la justice, et en pensant aux conséquences pour les gens. Par ailleurs les citoyens ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent, avec les choses qu’ils ont. Car la propriété privée doit être au service des autres et de toute la société. Notre document reprend ce que disait le Pape Jean 23, dans sa lettre ‘l’Eglise maîtresse et mère’ (MM 119-120) : « La propriété privée a un caractère social, car les biens de la terre sont pour tous. Si on oublie ce service de la société, la propriété privée peut devenir une occasion de désirs et de problèmes graves » (71, 5). C’est ce qui se passe par exemple, quand les commerçants augmentent trop le prix de ce qu’ils vendent, en cherchant le maximum de bénéfice, et en oubliant les problèmes et l’intérêt de ceux qui achètent (les clients). Ou bien ceux qui vendent des terrains trop cher, ou font payer des logements trop cher (les loyers). C’est pourquoi, le Concile demande des changements pour la vente des terres (la réforme agraire), ou quand les propriétaires les gardent en réserve, sans les travailler. « Car pendant ce temps-là, la plus grande partie de la population n’a pas de terres à cultiver. Pourtant c’est très important de produire davantage de nourriture dans le pays » (71, 6). Par ailleurs, souvent les travailleurs sont forcés de travailler dans des conditions très difficiles. Le Concile continue : Il faut à tout prix changer les choses (faire des réformes), pour payer davantage les travailleurs, leur permettre de travailler dans de meilleures conditions, pour qu’ils puissent garder leur travail sans être renvoyés, les aider à participer aux activités, et aussi partager les terres qui ne sont pas cultivées.

L'économie

Rappelons quelques idées qui viennent de l’Evangile, sur l’économie et le travail. Il ne faut pas que le travail devienne un poids trop lourd. Il faut que les gens n’aient pas peur de l’avenir, à cause du chômage qui frappe surtout les jeunes. Il faut que les personnes humaines soient au centre du développement économique, et que le développement fasse grandir tous les hommes ensemble, dans la justice et l’unité. Dans son travail qui transforme le monde, l’homme doit prendre ses responsabilités, par rapport aux hommes qui viendront après lui. Il doit protéger la création, comme Dieu le veut. C’est toute la question de l’écologie dont nous parlerons plus loin.

Ce chapitre 3 commence par montrer le bon côté des progrès et de l’économie : nous cherchons à mieux commander la nature. Nos moyens de contacter les autres se sont développés. Cela nous permet de nous rapprocher entre citoyens… Nous pouvons mieux répondre aux besoins de la famille humaine. Mais il y a aussi des choses qui nous inquiètent. En particulier que c’est l’économie et l’argent qui commandent les hommes, alors que ça devrait être le contraire. Car un proverbe dit : l’argent est un bon serviteur, mais c’est un mauvais maître. Et Jésus disait : « Vous ne pouvez pas servir à la fois, Dieu et l’argent ». Les différences entre les riches et les pauvres augmentent de plus en plus dans le monde. Les machines modernes suppriment des places pour les travailleurs, et ceux-ci se retrouvent au chômage. Et ceux qui ont encore un travail, on les fait travailler de plus en plus. Les travailleurs deviennent esclaves de leur travail. Il faut donc que le travail réponde aux besoins des personnes, et qu’il leur permette de bien vivre, personnellement et en famille, surtout pour les femmes qui travaillent. Il ne faut pas faire travailler les enfants. Et tous les travailleurs doivent pouvoir utiliser leurs qualités dans leur travail. Ils devraient pouvoir travailler librement, et prendre des initiatives : faire des choses par eux-mêmes, en prenant leurs responsabilités. Il faut aussi que les travailleurs aient le temps de se reposer, et d’apprendre des choses : la culture, vivre en famille, participer aux activités de la société et de la religion….

Comment les entreprises peuvent-elles répondre aux besoins du monde actuel ? Au début, l’entreprise était le lieu où on travaillait ensemble. On se soutenait (la solidarité), et on cherchait à avancer ensemble. On voulait créer des choses nouvelles, et les rendre meilleures (la créativité). Mais l’entreprise est devenue peu à peu une affaire d’argent : il n’y a plus de vraie coopération, ni de rencontre entre les hommes. Les ouvriers ne peuvent même plus voir les propriétaires de l’entreprise, car ceux-ci sont très loin et ils sont très nombreux. Même les chefs de l’entreprise (les patrons) sont des employés. Ceux qui décident, ce sont finalement les actionnaires, ceux qui ont donné l’argent pour lancer l’entreprise : le capital. Ces actionnaires ne pensent pas au bien des travailleurs, même pas au bien de l’entreprise. Ce qu’ils cherchent, c’est de gagner de plus en plus d’argent, et le plus vite possible. C’est pourquoi, on voit des entreprises qui gagnent de l’argent (elles font des bénéfices), et pourtant elles renvoient des travailleurs (licenciement). Parce qu’on ne pense pas au bien des travailleurs : on veut seulement gagner de plus en plus. Ce n’est pas normal, et on ne pourra pas continuer comme ça.

Il y a des choses qui se font, pour changer tout cela. Par exemple, les coopératives ouvrières (où les ouvriers travaillent ensemble, et partagent les fruits de leur travail). Ou bien la cogestion, où les travailleurs ont la responsabilité de la marche de l’entreprise. Mais il faudrait aussi donner plus de liberté et de responsabilité aux chefs d’entreprise, pour pouvoir réfléchir, et décider ensemble avec les travailleurs. Il faudrait mettre plus de solidarité entre les actionnaires et les travailleurs, mais d’abord entre les actionnaires eux-mêmes. C’est pour cela que certains parlent de « société à objet social étendu » (SOSE), et non plus « société à responsabilité limitée (SARL).

Il y a eu beaucoup de changements économiques et sociaux dans le monde, depuis le Concile Vatican 2. Des sages ont cherché à éclairer ces changements, et à y apporter la lumière de l’Evangile. A nous de suivre ces progrès, et de les mettre en pratique. Voici par exemple ce que disait Benoît 16, dans son message pour la journée de la paix du 1er janvier 2013 : « Heureux les artisans de paix »

Celui qui veut construire la paix doit d’abord bien connaître les pensées des hommes (l’opinion publique). Les hommes sont de plus en plus touchés par les idées du libéralisme radical. Cette théorie dit qu’en économie, il faut laisser faire les choses (les forces du marché). L’équilibre entre les différentes activités va se faire lui-même. Actuellement les gens sont aussi beaucoup marqués par la technocratie. On compte surtout sur les machines et les techniques, pour faire avancer le monde. A ce moment-là, on pense qu’il faut diminuer l’action sociale de l’Etat. Il faut chercher seulement la croissance économique (l’augmentation des productions et des richesses). Mais alors, on oublie les actions de solidarité (pour s’aider les uns les autres), et le respect des droits et des devoirs de chacun, dans les questions économiques comme dans la vie sociale.

L’un des droits le plus en danger actuellement, c’est le droit au travail, parce qu’on respecte de moins en moins les travailleurs. Pour avoir un développement économique, on laisse une liberté totale au marché (on laisse les pouvoirs, les machines et l’argent agir par eux-mêmes). On regarde le travail comme une partie des affaires d’argent et des banques (une valeur marchande). Alors que ce qui doit venir en premier, c’est la dignité du travailleur, et non pas l’argent qu’il permet de gagner. Pourtant c’est l’intérêt de l’économie, et de la vie sociale et politique (la vie en société), que l’on cherche en premier à donner du travail à tous, et à le conserver pour tous. C’est cela qui fera vraiment avancer la société. Il faut donc changer complètement nos idées sur le travail. Et nous appuyer sur la morale, en cherchant le bien de tous (le bien commun) et les valeurs spirituelles (les qualités de l’esprit et de la religion). Pour que le travail soit regardé comme le bien le plus important, pour la personne, pour la famille et pour la société toute entière. Il faut donc respecter les lois et les droits des travailleurs, et mettre en place des conditions nouvelles et courageuses, pour donner du travail à tous.

De plusieurs côtés, on comprend maintenant qu’il faut regarder autrement le développement des peuples, et avoir des idées nouvelles sur l’économie. On cherche un développement de tout l’homme (intégral), solidaire (pour tous) et qui peut durer (développement durable). Pour cela, il faut s’appuyer sur le bien et sur les valeurs (bonne gouvernance), et finalement s’appuyer sur Dieu lui-même. Il ne suffit pas d’avoir beaucoup de possibilités techniques (des moyens, des machines et de l’argent), ni d’avoir beaucoup de connaissances et de projets. Il faut que tout cela soit utilisé pour une vie bonne. Il faut un bon comportement, qui donne la première place aux choses de l’esprit et de la religion (la dimension spirituelle). Et qu’on cherche en premier le bien de tous (le bien commun). Sinon, tous ces moyens perdent leur juste valeur. Ils deviennent comme des dieux pour l’homme (des idoles).

Les problèmes actuels de l’argent et du travail (la crise financière et économique) font grandir de plus en plus les inégalités entre les hommes. Pour lutter contre cela, il faut des personnes, des groupes et des organisations qui défendent la vie. Et qui aident à faire des choses nouvelles, pour trouver une nouvelle façon de travailler et de gagner de l’argent (un nouveau modèle économique). Jusqu’à maintenant, on cherche le plus d’argent possible, et le plus de choses à utiliser possible (la consommation). Et cela d’une manière égoïste et individuelle. On ne respecte les personnes, que si elles peuvent produire davantage (la compétitivité). Alors que le vrai succès qui dure, on le trouve en se donnant tout entier aux autres, avec ses qualités intellectuelles et ses idées nouvelles (le don). Un développement vraiment humain et une économie qui marche, ont besoin qu’on sache travailler gratuitement, sans toujours chercher son intérêt (la gratuité). Que l’on travaille pour les autres en frères, pour leur bien, et non pas pour son propre avantage. Que l’on se donne aux autres (se donner soi-même, et pas seulement des choses), au lieu de pouvoir en profiter tout seul, et de ne penser qu’à l’argent. Dans les actions économiques, celui qui construit la paix, c’est celui qui met des relations de vérité et de partage, avec ceux qui travaillent avec lui, avec ceux qui fabriquent les choses, et avec ceux qui les reçoivent (les travailleurs, les patrons et les clients). Il travaille pour le bien de tous, il ne cherche pas son propre intérêt. Il pense aux générations présentes, mais aussi aux hommes qui viendront après nous. Il ne travaille pas seulement pour lui, mais aussi pour les autres, pour leur préparer un avenir et un travail qui convient. C’est travailler dans un amour vrai (voir 1° Cor 13,1-8)

Pour ces questions économiques, on demande donc aux états, de chercher des bonnes politiques de développement industriel (les usines) et agricole (les paysans). Pour le progrès de toute la société (la bonne gouvernance). Et qu’il y ait davantage de démocratie, en mettant en place un état de droit (qui respecte les lois). Il est absolument nécessaire que les questions d’argent, les banques et le commerce soient organisés d’une façon morale (pour le bien de tous).Et que leur travail soit contrôlé, pour ne pas faire souffrir les plus pauvres. Les artisans de paix savent que le manque de nourriture (la crise alimentaire), est plus grave que le problème des banques (la crise financière). Le plus important au niveau du monde, c’est que tous les hommes puissent avoir à manger (la sécurité alimentaire). Car il y a beaucoup de problèmes dans l’organisation de l’économie actuelle, avec les conséquences comme l’augmentation rapide du prix des produits, le mauvais comportement de certains patrons, et le manque de contrôle des gouvernements et de l’économie internationale. Les artisans de paix sont appelés à travailler ensemble dans l’entente, depuis la base (le niveau local) jusqu’au sommet (le niveau international). Pour permettre aux paysans, de travailler en famille et en petits groupes (coopératives), d’une façon digne et durable à tous les points de vue. Et que les grandes sociétés respectent l’environnement (la terre).

Les moyens de communication

Les moyens de télécommunication (télévision, internet, journaux, radios, téléphones, etc...) permettent d’unir les gens du monde entier. Maintenant, c’est beaucoup plus facile de se déplacer. Les ONG et les organisations internationales se sont développées. Mais souvent, on oublie les plus pauvres. Par exemple, à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ce sont les pays les plus riches qui décident, en cherchant leur intérêt. Et les pauvres sont écrasés. De même, les Etats Unis ont attaqué l’Irak sans la permission de l’ONU, en disant que Saddam Hussein avait l’arme nucléaire (la bombe atomique), ce qui était faux. Même si c’était un dictateur. Ceux qui n’ont pas assez de force pour lutter contre les plus riches, ils se replient sur eux-mêmes pour se défendre, et sur leur communauté. C’est ce qu’on appelle le communautarisme. Et cela va parfois jusqu’au racisme, le terrorisme et les attentats : ils se défendent en faisant peur, et en tuant les gens. Dans le monde actuel, les riches deviennent de plus en plus riches, tandis que les pauvres continuent à souffrir. Les différences et les inégalités augmentent entre les gens. Cela créé des jalousies et des colères. On ne se comprend plus, on s’oppose les uns aux autres, et même on se fait la guerre. Ces problèmes se posent même à l’intérieur de l’Eglise. C’est pourquoi, de plus en plus de gens demandent que l’on réfléchisse très sérieusement aux problèmes politiques et économiques, comme les deux Synodes pour l’Afrique ont essayé de le faire. Avec les laïcs, en Afrique même, on verra comment mettre en pratique les enseignements du Concile dans la situation actuelle, car le monde a changé. Il s’agit de redonner sa dignité à l’homme africain, chercher le bien commun avant tout le reste, permettre la participation de tous et la responsabilité de chacun, travailler à la justice et à la paix, au vrai développement et à la bonne gouvernance. Car il y a encore beaucoup trop d’hommes et de femmes qui sont écrasés par la misère.

Le développement

Le premier principe

Jean-Paul 2 expliquera au sujet du développement : « Il ne s’agit pas de rendre tous les peuples aussi riches que les plus riches, mais de bâtir une vie plus digne pour tous. En travaillant tous ensemble, pour faire vraiment grandir la dignité de chaque personne. Que chacun puisse agir par lui-même, et répondre à l’appel de Dieu ». Par conséquent, les rapports entre les hommes ne doivent pas être commandés, seulement par les questions économiques. Car l’économie doit être au service de l’homme. L’homme doit donc être le maître de l’économie, et aussi le centre et le but de celle-ci (n° 63)

Essayons de comprendre ce premier principe : « Le développement est au service de l’homme », dans toute sa personne et dans toute sa dimension : les besoins matériels (les choses), comme la vie intellectuelle (réfléchir), morale (faire le bien) et spirituelle (prier) – voir le n° 64 – en voyant les besoins les plus importants. Il ne s’agit pas seulement de donner à manger, des médicaments, des habits et une maison (les besoins matériels). Il faut que l’homme soit enseigné, qu’il puisse connaître les choses de la civilisation (la culture), et qu’il apprenne à réfléchir (les besoins intellectuels). Il faut ensuite qu’il soit éduqué pour faire le bien, et bien utiliser ses connaissances. Enfin, il faut qu’il soit libre de suivre la religion qu’il a choisie. Penser seulement aux besoins matériels, c’est ce qu’on appelle le matérialisme et l’économisme. Le Concile explique (63, 3) : « Beaucoup d’hommes sont commandés par l’économie (l’argent), surtout dans les pays les plus riches. Toute leur vie personnelle et leur vie en société est dirigée vers cela : avoir plus de choses aussi bien dans les pays socialistes (collectiviste) que les autres ». Tous les papes ont repris à nouveau cette idée importante. En particulier Paul 6 dans sa lettre « le Progrès des Peuples » au n° 16. es papes suivants ont repris cela, par exemple Jean Paul 2 dans sa lettre sur le travail (LE 7) et Benoît 16 dans sa lettre « la Charité dans la Vérité » (CV 11).

Le deuxième principe

Il va ensemble avec le premier, c’est que le développement doit rester « sous le contrôle de l’homme » (GS 65). Le Concile explique : « On ne doit pas laisser un petit nombre de personnes ou de groupes, qui ont beaucoup d’argent ou de pouvoir économique, commander le développement du monde et des hommes, ni quelque politicien ou pays plus fort. » On ne doit pas pousser non plus les gens à emprunter de l’argent, qu’ils ne pourront pas rembourser. On a vu par exemple au Sénégal en 2012, des grandes affiches partout dans la ville qui disaient : « empruntez de l’argent aujourd’hui, vous rembourserez en 2013 ». Cela c’est faire tomber des gens dans des trous, dont ils ne pourront plus sortir, ni eux, ni les banques qui leur ont prêtés de l’argent. Il faut donc penser aux lendemains, et aux conséquences de ce que l’on fait (n° 70). Par exemple, aux Etats Unis, il y a eu de grands problèmes, et de grandes souffrances pour les pauvres, avec ce qu’on a appelé les subprimes. On a poussé les gens à construire des maisons, même s’ils étaient trop pauvres pour cela. Ensuite les gens n’ont pas pu rembourser l’argent, que les banques leur avaient donné. Les banques sont tombées les unes après les autres, et cela a failli faire tomber tout le pays. Les banquiers (les traders) ont fait des choses très dangereuses, et ils ont tout perdu. Mais beaucoup de pays ont pris l’habitude de dépenser plus d’argent que ce qu’ils ont. Ils ont fait de grandes dettes. Cela entraîne des problèmes dans le monde entier, que l’on ne sait pas comment soigner.

C’est en contrôlant l’économie, que tous les pays du monde formeront une communauté, et la famille des peuples. Pour qu’il n’y ait pas de guerre ou de terrorisme dans le monde, il faut partager les richesses de la terre entre tous. Et non pas que les pays les plus forts prennent ces richesses, pour eux seulement. Il faut aider les pays pauvres à sortir de leur pauvreté, et aider les pays sous développés à avancer. C’est ce que demandent les huit objectifs (les 8 choses à faire) du millénaire des Nations Unies (ONU) pour 2015. Donner et partager, c’est la condition pour construire un monde nouveau, où les pays pauvres pourront trouver leur place, et leur avenir dans le monde. Car c’est cela la vie humaine : donner, recevoir et partager. C’est cela que nos ancêtres nous ont enseigné, et que nous sommes en train d’oublier et de perdre aujourd’hui.

Le 3ème principe

C’est que le développement doit profiter à tous les hommes, tous les groupes et tous les pays : « sans oublier aucune race ni aucun continent » (n° 64). Le Concile demande donc de supprimer les grandes inégalités, au niveau économique (l’argent) et sociales (la vie en société), qui font souffrir et rabaissent beaucoup de personnes, et même des groupes entiers (66) : « La justice nous demande de lutter avec force, pour faire respecter les droits de chaque personne, et les valeurs propres de chaque peuple. La justice nous demande de supprimer le plus vite possible, les inégalités entre les personnes et les sociétés. Car actuellement, ces différences augmentent de plus en plus ». Le Concile donne l’exemple des paysans qui sont abaissés. Il faut leur permettre de se développer par eux-mêmes, pas seulement les aider. Il faut leur donner les moyens de se former, et de mener des activités qui leur permettent de vivre par eux-mêmes, avec toute leur famille.

Le quatrième

Tous travailler au développement. C’est le devoir de tout homme. « Les citoyens doivent se rappeler que c’est leur droit, mais aussi leur devoir, de participer au vrai progrès de la communauté dont ils font partie, chacun selon ses possibilités. Les chefs du pays doivent aider, à cette participation de tous » (65, 3). Par conséquent, on doit utiliser les ressources du pays, pour le bien de tous. On ne doit pas accepter que des sociétés étrangères viennent profiter des richesses du pays, sans donner du travail aux habitants, et sans aider le pays à avancer. Les émigrés, qui sont partis dans d’autres pays, doivent continuer à aider le pays d’où ils sont venus. En même temps, les responsables des pays où ils vivent maintenant ne doivent pas faire de différence, entre eux et leurs propres citoyens, pour l’argent qu’ils gagnent et pour leurs conditions de travail (66, 2). Au contraire, tous doivent les aider à trouver leur place, dans la société où ils vivent maintenant.

Dans les lettres des papes précédents, on parlait surtout de croissance. Le Concile lui parle de développement, ce qui est plus complet. Cela veut dire que les questions économiques et sociales, ce n’est plus seulement les choses qu’on produit et les richesses, c’est une transformation des relations entre les hommes. Ce n’est pas seulement un développement matériel mais aussi social, culturel et spirituel. En nous rappelant que « c’est l’homme qui est l’auteur, le centre et le but de la vie économique et sociale » (n° 63). Cela veut dire que l’on doit chercher le développement de l’homme tout entier (n° 63). Ensuite ce développement doit rester sous la direction des hommes (65). L’argent est pour l’homme et non pas l’homme pour l’argent. On doit diriger l’économie et en organiser les activités. Et non pas laisser les forces de l’argent commander l’économie.

Le développement doit être pour tous les hommes et pour tous les pays « sans distinction de race et de continent » (n° 64). Enfin le concile demande de supprimer les grandes inégalités économiques et sociales (n° 66). C’est le devoir de tous, chacun ses possibilités et ses connaissances.

Notre document explique avec force le droit des pauvres : « Une personne qui vit dans une pauvreté trop grande, elle a le droit de prendre dans les richesses des autres, ce dont elle a besoin pour vivre ». Car les biens de la terre doivent être partagés entre tous. Cela ne doit pas rester au niveau personnel, pour les choses que chacun a. Il faut que cela devienne vrai, pour les richesses des différents pays. Et aussi pour les banques et les grandes sociétés, pour les capitaux (l’argent pour construire des usines et faire des nouveaux progrès). Il faut donc faire grandir la justice et l’amour du Christ, pour ceux qui sont abaissés et écrasés. Déjà le Concile a demandé une organisation de toutes les Eglises, pour développer les régions pauvres et faire grandir la justice entre les pays (90, 3 : voir plus loin le chapitre 8).

Paul 6 disait le 7/12/65 : « Il y a beaucoup de choses mauvaises, qui attaquent la dignité de l’homme. Par exemple, les conditions de travail trop dures, les gens que l’on met en prison sans raison ou qui sont enlevés de chez eux, les femmes et les enfants qui deviennent esclaves (le travail forcé), ou d’autres que l’on vend, et dont on se sert pour les plaisirs sexuels égoïstes (la prostitution et la pédophilie). Tout cela va contre l’honneur de Dieu lui-même, qui nous a créés ». Et Jean Paul 2 ajoute : « Le plus grand sous-développement de l’homme et sa plus grande pauvreté, c’est de ne pas connaître Jésus Christ. Il ne suffit pas de rendre les hommes plus riches, il faut construire une vie digne pour tous. Et travailler tous ensemble, pour faire grandir la dignité de chaque personne. Pour que chacun puisse agir par lui-même, et répondre à l’appel de Dieu.

En décembre 2012, le journal Financial Times a demandé au Pape Benoît 16, d’expliquer la fête de Noël. Voici sa réponse : « Quand on demande à Jésus s’il faut payer l’impôt, il répond : « Rendez à César (à l’empereur, le chef des pays), ce qui appartient à César. Et rendez à Dieu, ce qui appartient à Dieu ». Par cette parole, Jésus montre qu’Il ne veut pas, que la religion devienne de la politique. Mais il ne veut pas non plus que la politique prenne la place de la religion et encore moins celle de Dieu. Ni que ce soit l’argent, qui commande le monde. Jésus est notre Sauveur, ce n’est pas un chef politique. A l’inverse, les chefs politiques ne sont pas Dieu. Et ils n’ont pas le droit de prendre la place de Dieu. Jésus, par sa naissance à Noël, apporte une paix beaucoup plus grande et meilleure, que la paix des hommes. Jésus n’a pas mis en place une armée, pour se libérer de la colonisation romaine. Il a fait venir le Royaume de Dieu. Il est venu combattre le péché, et toutes les formes de mal et de mort, pour toujours. La naissance de Jésus dans une étable (une cabane où l’on mettait les animaux), nous demande de changer nos idées sur l’argent. Et de changer nos façons de vivre, pour vivre d’une manière simple et libre. C’est dans l’Evangile que les chrétiens trouvent la lumière, pour mieux vivre leur vie de chaque jour. Mais aussi pour organiser leur société, et l’économie (le travail et l’argent), aussi bien la Chambre des députés que les banques. Que les chrétiens s’engagent dans la politique et les activités économiques. Mais pas pour avoir le pouvoir ou plus d’argent. C’est pour lutter contre la pauvreté, en faisant respecter la valeur (la dignité) de toutes les personnes humaines, surtout les plus petites et les plus pauvres. Car tous les hommes et les femmes sont créés à l’image de Dieu. Ils sont faits pour la vie avec Dieu, qui ne finit pas. C’est pour cela que les chrétiens s’engagent : pour que les richesses de la terre soient mieux distribuées. Car si Dieu nous a fait les gardiens de la création (les responsables de la terre), c’est pour protéger les plus faibles et les plus petits. Les chrétiens savent que c’est l’amour gratuit et le partage, sans chercher son avantage, qui nous fait vraiment vivre heureux. Alors, nous sommes libérés du poids de l’argent pour réussir notre vie, comme Jésus l’a enseigné. Et comme il l’a vécu lui-même. Car notre vie ne s’arrête pas sur la terre. Et au moment de notre mort, nous n’emportons rien avec nous. Le Royaume de Dieu est un Royaume d’amour, de vérité, de justice, de paix, de pardon et de partage. Cela beaucoup d’autres hommes l’ont compris eux aussi, en plus des chrétiens. C’est pour cela qu’il nous est possible de travailler tous ensemble, chrétiens et gens des autres religions. Les chrétiens respectent les autorités. Ils rendent à César (aux responsables du pays), tout ce dont il a le droit. Mais en suivant le chemin de Jésus pour cela, et en gardant la Parole de Dieu. Ils n’acceptent donc pas que la politique et ses chefs prennent la place de Dieu, ni les hommes, ni le pouvoir, ni l’argent. Le pouvoir de Jésus repose sur l’amour, pas sur les hommes. Les chrétiens cherchent à apporter l’espoir à tous, particulièrement à ceux qui sont rejetés de la société. Le Christ nous appelle à vivre comme des citoyens de son Royaume, un Royaume que toutes les personnes de bonne volonté peuvent aider à construire sur la terre ».

Les migrations

Au moment du Concile Vatican 2, dans les années 1960, de nombreux pays deviennent indépendants. Ils se regroupent dans l’organisation des pays non alignés. En Europe, la Communauté Européenne se met en place, et le Bloc communiste commence à avoir des problèmes. Tout cela entraîne de nombreux déplacements de populations, à l’intérieur des différents pays, mais aussi entre les pays, et même entre les continents. En même temps, on comprend mieux que chaque pays a sa culture et ses valeurs, qui doivent être respectées. Le Concile Vatican 2 va permettre à l’Eglise de s’occuper davantage de toutes ces personnes.

Le Pape Jean 23, qui a lancé le Concile, dit dans sa lettre « La Paix sur la terre » (PT): « A chaque fois que c’est possible, il est important que ce soit l’argent et les sociétés qui se déplacent, pour aller là où sont les travailleurs. Et non pas l’inverse. Ainsi, on donnera aux travailleurs la possibilité de vivre mieux, sans avoir besoin de quitter leur pays. Car les migrations entraînent beaucoup de souffrances, à cause de la séparation d’avec le pays et de la famille. Et c’est difficile de s’adapter à un nouveau pays, que l’on ne connaît pas. Et où on va vivre d’une manière différente » (n° 102). Jean 23 demande donc aux organisations internationales, de réfléchir à ces problèmes causés par la migration. Pour que les émigrés soient respectés dans leur dignité, qu’ils puissent vivre les richesses de leur culture, et aussi pratiquer leur religion. D’un autre côté, il demande aux migrants de faire des efforts, pour connaître le pays où ils sont partis, et pour respecter ses lois et ses façons de vivre.

Pour le Concile lui-même, on a préparé deux documents, dans lesquels on parlait des émigrés. Des laïcs et des évêques les ont travaillés ensemble. C’est seulement le deuxième document qui a été retenu. Mais finalement le Concile n’a pas voulu parler des migrations, d’une façon spéciale. Il a demandé qu’on y réfléchisse ensuite, d’une manière plus profonde. Le texte qui parle le plus clairement des migrants est « Christus Dominus » (CD n° 18). Il demande aux chrétiens, de penser à ceux qui n’ont pas le soutien d’une paroisse : « Ce sont en particulier les migrants, les exilés, les réfugiés, les marins, les aviateurs, les nomades et les autres catégories de personnes en déplacement. Les évêques doivent s’occuper spécialement de ces personnes, et de leurs problèmes les plus urgents. Et aussi les soutenir dans leur vie religieuse. »

Paul 6, le deuxième pape du Concile, a fait très attention aux problèmes sociaux et économiques. Cela aussi va pousser les chrétiens, à mieux s’occuper des émigrés. Le 24 novembre 1963, en plein Concile, il dit à la radio : l’émigration est l’une des choses les plus importantes et les plus graves, dans le monde d’aujourd’hui. Au Conseil de l’Europe, le 16/11/66, Paul 6 dit : l’Eglise est spécialement touchée, par les difficultés des migrants à être accueillis, dans les pays où ils viennent vivre et travailler. En 1971, dans sa lettre pour le 80ème anniversaire de la lettre de Léon 13 sur les choses nouvelles (RN), il demande aux dirigeants des pays et à tous les hommes, de reconnaître le droit des gens à émigrer (à quitter leur pays). Et du devoir pour tous de les accueillir : « Nous pensons à la situation très difficile des travailleurs émigrés. Souvent ils ne peuvent pas réclamer leurs droits. Pourtant, ils participent au développement économique du pays qui les accueille. Il est important de reconnaître leur droit d’entrer dans le pays, de les accueillir, de les aider à trouver du travail, et une maison dans laquelle ils pourront recevoir leur famille ». Le Pape rappelle que dans l’Eglise, personne n’est étranger. Et il insiste aussi « sur les droits civils, syndicaux et culturels  des migrants. Les autorités ont encore beaucoup à faire pour cela ».

Dans le monde actuel, il y a de plus en plus de déplacements. Les gens de culture et de civilisation différentes se rencontrent. Cela permet de changer nos idées, et de mieux comprendre les étrangers. L’Eglise doit y prendre sa part, car elle est elle aussi en pèlerinage sur la terre. Les migrants aident l’Eglise. Ils l’ouvrent à d’autres cultures et à d’autres traditions. Ils la mettent en contact avec des gens des autres religions. Ils la poussent à respecter la dignité de tous les hommes, et à défendre leurs droits. La Commission pour les migrations disait en 2010 : « Les déplacements humains nous ouvrent aux autres. Ils permettent des rencontres, et l’unité entre les hommes. Malheureusement souvent, les hommes se ferment aux migrants, à cause du racisme ». C’est pourquoi le travail auprès des migrants, doit être un des travaux importants, de l’Eglise comme de la société. Pour défendre tous les émigrés, aussi bien ceux qui sont dans une situation régulière, que les sans papier.

Dans sa lettre sur le travail (LE) du 14 /09 /81, Jean Paul 2 rappelle que « la migration est une perte, pour le pays que les émigrés quittent. Et elle entraîne souvent des problèmes à ces mêmes émigrés. Pas seulement dans leur vie économique (le travail et l’argent), mais aussi dans leur vie morale (pour bien se conduire). Souvent on profite qu’ils sont émigrés ou étrangers, pour les faire travailler très durement. Sans les payer suffisamment, et sans respecter leurs droits. Alors que l’argent doit être au service du travail, et non pas les travailleurs au service de l’argent. Malgré tout, les migrations ne sont pas seulement un problème, elles sont aussi une chance, pour mieux se comprendre entre les hommes des différents pays, et pour construire la famille des peuples. A condition de vouloir le faire véritablement. On ne doit pas oublier que les émigrés ont le droit de vivre avec leur famille, et donc de la faire venir avec eux. Mais alors, il faut que ces familles soient respectées dans leur culture, qu’elles soient traitées à égalité avec les autres, et que leurs enfants soient éduqués comme les autres. Cela fait partie des droits de la famille. C’est pourquoi, il faut éviter que les émigrés vivent seulement entre eux (en ghetto), ce qui ne ferait qu’augmenter les oppositions entre les gens ».

Benoit 16 explique : Le problème des migrations se pose à tous les niveaux : économique, social, culturel, politique et religieux. Il demande une véritable compréhension internationale entre le pays d’où ils viennent, et le pays qui les accueille. Pour qu’ils ne soient pas volés, exploités ou même abandonnés pendant leur voyage. Et ensuite pour qu’ils ne soient pas regardés « comme une marchandise ». Ou comme une simple force de travail, dont il faut profiter au maximum, comme une machine, ou n’importe quel moyen de production. Les émigrés sont des personnes humaines. Ils ont des droits fondamentaux, que l’on ne peut pas enlever. Ces droits doivent être respectés, partout et toujours. (Lettre : L’amour dans la vérité CV n° 62).

Accueillir l’étranger, et vivre en pensant au monde entier. Actuellement, les problèmes s’étendent au monde entier : pauvreté, faim, terrorisme, menaces contre la paix, problèmes de l’environnement, etc. Donc les solutions doivent aussi être trouvées pour le monde entier. Cela demande une meilleure organisation internationale. On ne peut pas empêcher les gens de quitter leur pays, pour essayer de vivre mieux ailleurs. Il faut donc apprendre à accueillir les étrangers et les immigrés. Notre document nous dit : « Une meilleure organisation de la société humaine est très importante, pour le Royaume de Dieu lui-même ». Heureusement beaucoup de gens, surtout des jeunes, commencent à agir par rapport à ces questions. N’est-ce pas un des signes des temps, dont parle le Concile ? Jésus disait: « Vous dites : le ciel est rouge, il fera beau. » Avec Jésus nous ne nous décourageons pas, nous gardons l’espérance. A condition de faire ce que nous devons faire, et de prendre nos responsabilités, en partageant cette espérance avec tous les humains (n° 93).

Les chrétiens doivent travailler, non seulement pour que les émigrés soient bien accueillis dans l’Eglise, mais qu’ils aient aussi leur place dans la société. Et que leurs droits soient respectés. C’est la responsabilité de l’Eglise de faire réfléchir les dirigeants de la société, et toute la population, à la façon dont on accueille les migrants. En luttant contre les mauvaises habitudes passées, et les mauvaises idées contre les émigrés. Il faut aussi travailler, pour que les lois du pays respectent les lois internationales de l’ONU sur les émigrés, «  car au-delà des différences, tous les hommes et toutes les femmes sont frères et sœurs, dans l’unique famille humaine » (lettre sur l’émigration du 22/11/01). Voir par exemple la Convention de Genève et le Pacte International relatif aux droits civils des émigrés du 16/12/1960, et la Convention Internationale sur la pratique des droits des travailleurs émigrés et des membres de leur famille (01/07/03). Voir aussi le texte du Concile, sur le dialogue entre les hommes (n° 92).

Au point de vue religieux, les migrations sont un signe des temps, et un appel de Dieu. C’est pourquoi, l’émigré doit être totalement accueilli dans l’Eglise, à égalité avec les chrétiens du pays. Pour que l’Eglise devienne vraiment catholique, c’est-à-dire universelle. Qu’elle soit la maison de tous, où tous peuvent vivre en frères, et grandir ensemble. Jésus nous dira à la fin du monde « J’étais étranger, vous m’avez accueilli » (Matthieu 25, 38).

La venue d’émigrés d’autres religions dans le pays permet à l’Eglise de vivre le dialogue inter religieux. A condition que les communautés chrétiennes soient ouvertes, et cherchent ce dialogue. Et qu’elles ne cherchent pas à profiter de l’aide qu’elles donnent aux émigrés, pour les convertir au christianisme. En effet, les migrants des autres religions ont souvent beaucoup de problèmes, pour vivre leur foi. D’abord parce qu’ils ne sont plus dans leur culture. Ensuite parce que souvent ils n’ont pas d’endroit organisé, pour les accueillir et pour la prière. Ils sont attaqués par la laïcité, la sécularisation, le matérialisme et l’influence de la société de consommation, qu’ils ne connaissent pas. Et donc dont ils peuvent difficilement se défendre. Ils ont besoin de notre soutien pour garder la foi, quelle que soit leur religion.

Du 16 au 18 mai 2012, la 3ème rencontre internationale des Caritas de la Méditerranée a eu lieu à Cagliari, en Italie. Ces Caritas sont très inquiètes, à cause de la façon dont les pays européens traitent les émigrés. Avec les contrôles à la frontière, où on les regarde souvent comme des délinquants et des bandits, au lieu de respecter leurs droits et de chercher leur bonheur. C’est pourquoi, les émigrés cherchent souvent à entrer dans les pays, en se cachant. Mais alors, ils se font tromper par les gens qui les transportent, ou même ils meurent en route, dans le désert ou dans la mer. C’est vrai que la question de la migration est très difficile. Mais la doctrine sociale de l’Eglise est claire : tout homme a le droit de chercher une vie meilleure dans la paix, dans un autre pays. Et cela est reconnu aussi, par les lois internationales. Cela fait partie des droits humains. Ce n’est pas normal d’arrêter les migrants, et de les mettre en prison, s’ils n’ont rien fait de mal. Les forcer à retourner chez eux n’est pas une solution non plus. C’est pourquoi, les Caritas demandent le respect des droits des migrants, et de leur dignité. Et qu’on organise leur déplacement et leur accueil. Que l’argent soit davantage utilisé à former ces émigrés, plutôt qu’à les forcer à retourner chez eux.

Les Caritas font beaucoup de choses pour aider les émigrés. Il faut continuer. En effet, au moment du Concile, ils étaient très bien accueillis. On les faisait même venir, car on cherchait des travailleurs (de la main-d’œuvre). Mais maintenant dans les pays européens, il y a beaucoup de chômage. On n’a plus besoin des migrants. C’est pourquoi, ils deviennent des sans papier, que l’on n’aime pas et que l’on cherche à rejeter.

L’accueil du pauvre et de l’étranger est une façon de rencontrer le Christ, qui a été aussi abaissé, abandonné et poursuivi. C’est pourquoi beaucoup de chrétiens ont accueilli des sans papier, alors que c’était interdit par la loi de leur pays, à cause de leur foi et de la charité chrétienne. Mais les chrétiens ne peuvent pas se contenter, d’aider les émigrés un par un. Ils doivent s’engager au niveau des lois et de la société. Ils doivent pousser l’Etat, et tous les citoyens, à regarder les émigrés, comme des personnes humaines qui souffrent, et qui ont le droit d’être aidés. Et non pas comme des délinquants (des gens qui ne respectent pas la loi), et qui font des mauvaises choses. Dieu nous demande aujourd’hui, comme Il demandait à Caïn : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (Genèse 4, 10).

Bien sûr, si on veut continuer cette réflexion, il faudrait préciser les choses davantage. Un émigré n’est pas un réfugié, un sans papier n’est pas un demandeur d’asile, un réfugié politique n’est pas un émigré économique (qui cherche du travail) etc.

Les 16 et 17 juin 2012 ont eu lieu dans plus de 200 villes et communes de Suisse, le sabbat (pour les juifs) et (pour les chrétiens) le dimanche des réfugiés. Pour faire comprendre à tous leurs droits, et les faire respecter, y compris le droit d’asile (le droit d’être accueilli dans un pays). Voici leur appel : « N’oubliez pas l’hospitalité (l’accueil). Par l’accueil de l’étranger, certains ont accueilli des anges, sans le savoir (Hébreux 13, 2). Accueillir un étranger c’est difficile et dangereux, parce qu’il peut mal se conduire, et nous faire du mal. Il peut même être un ennemi. Pourtant tous nous voudrions recevoir la visite des anges. Et nous ne savons pas, dans quel homme se cache un ange. A chaque fois que nous rejetons un homme, nous risquons de repousser un ange. En 1985 nous avons déjà écrit : « C’est la base de notre pays et de notre culture, de respecter la dignité de toute personne, quelle que soit sa race, sa langue, sa religion, son sexe et sa place dans la société. Nous devons le montrer, en accueillant les faibles et les défavorisés. Et aussi les émigrés, les réfugiés et ceux qui demandent l’asile (la protection) » (Lettre : Etre aux côtés des réfugiés).

Dans beaucoup de pays, l’Eglise défend les migrants (les émigrés). Elle les met en relation avec la société et les dirigeants du pays. Elle donne son avis sur les lois qui sont votées, par rapport aux étrangers en général. Et plus spécialement pour les déplacés, les réfugiés, les émigrés et ceux qui demandent l’asile. Pour qu’ils soient mieux accueillis, mieux acceptés et qu’ils aient leur place dans la société. Si l’Eglise fait cela, ce n’est pas seulement par charité, c’est à cause de sa foi et de la Parole de Dieu.

Si vous faites partie d’un groupe, vous pouvez demander à chacun des membres, de lire personnellement un des thèmes au choix, ou même l’un après l’autre : Un peu d’histoire, Le travail, Le bien commun et la destination universelle des biens de la terre, La propriété privée, l'économie, Les moyens de communication, le développement, les migrations. Après la lecture de chaque thème, vous vous retrouvez ensemble, pour échanger vos idées, et en tirer des décisions d’action, à mener personnellement ou tous ensemble. A la fin, vous pouvez relire la synthèse de ce chapitre. 

Annexe

vous pouvez trouver un exemple de réflexion sur cette partie du document, dans une paroisse de Dakar, au Sénégal, en novembre 2011, dans mon site http://armel.duteil.free.fr/ , rubrique : Vatican 2, 50 ans ; article : 3ème rencontre: l'économie et la vie en société : Constitution pastorale sur « l’Eglise dans le monde de ce temps – Gaudium et Spes »

Toutes vos réactions seront les bienvenues. En voici une première au sujet du chapitre 5 sur le mariage :

« Armel,
J'ai lu ton document. Mais j'ai une question. Tu dis "Pourquoi Dieu a-t-il fait le mariage ? "
Je recherche des références à ce sujet et je ne trouve pas que Dieu "ait fait" le mariage, car je ne peux croire en la fable de la genèse avec Adam et Eve.
Dans la Bible, il n'est pas rare que des personnages célèbres aient plusieurs femmes.
Dans la société occidentale et l'Eglise, il semblerait que le mariage n'apparaisse qu'au XIème siècle.
Peux-tu m'éclairer à ce sujet ou me donner des textes de référence ?
Amitiés
 »

Réponse : « Merci pour ton message et la confiance que tu me fais. Je ne peux répondre que rapidement. Il faudrait approfondir  et nuancer ma réponse.
Mon document est pour l'Afrique en priorité et n'aborde donc pas tellement les questions débattues en France d'homosexualité, mariage pour tous...

1) Adam et Eve ce n'est pas une fable, c'est un poème de sagesse. Sous les formes d'un conte, il nous enseigne des vérités qui nous aident à vivre. Ce n'est donc pas un texte scientifique. Et  par exemple, on ne dit pas ce que sont ces 6 "jours » de la création (d'ailleurs le mot hébreu est mal traduit...faute de mieux) et on ne dit nulle part que ce sont des jours de 24 heures. Ce qu’on nous dit c’est que c’est Dieu qui a créé le monde, que le monde est bon….et donc qu’il faut le protéger (l’écologie) : voir le chapitre 7, 2° partie. De même pour le mariage.

Ce poème de sagesse nous enseigne beaucoup de choses, sur Dieu, le but de la vie humaine, l'environnement, la liberté de l'homme, le mal dans le monde...
Sur le mariage, il nous dit en particulier que Dieu a créé la personne humaine à son image : "homme et femme il les créa" (Gen 1,27). L'homme-mâle seul n'est pas image de Dieu, la femme seule non plus. C'est l'homme et la femme ensemble qui sont l'image de Dieu. C'est la base du mariage. Dieu dit:" Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Je vais lui faire une "aide qui lui soit assortie" (Gen 2, 18). Et l'homme s'écrie:" Pour le coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair...C'est pourquoi, l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme. Et ils deviennent une seule chair". Ce qui implique que la relation sexuelle doit se vivre non seulement dans l'amour (qui existe aussi entre homosexuels), mais entre un homme et une femme

Pour les conséquences de l'éducation des enfants dans un couple homosexuel, c'est aux psychologues de le dire

2) Dieu nous appelle à nous aimer comme Lui, « à son image ». Dieu nous aime totalement et pour toujours. Il ne nous chasse jamais, mais il nous pardonne sans cesse. C’est de cet amour-là que nous sommes appelés à être les témoins dans le monde : Nous aimer totalement (une seule femme) et pour toujours (pas de divorce), mais se parler et se pardonner sans se décourager. Si dans la Bible  on parle de polygamie, c'est dans la Première Alliance (l'Ancien Testament). Mais nous sommes maintenant dans la Nouvelle Alliance de Jésus Christ. Déjà dans la Première Alliance, il y a eu un progrès dans la découverte de l’amour, et au temps des prophètes, la polygamie n'existait plus en Israel. Déjà, dans la Genèse, Dieu dit: l'homme s'attachera à SA femme (voir plus haut). Donc une seule femme. Les paroles de Jésus sur l'adultère et le. divorce s'appliquent aussi à la polygamie (Mat 19,8):" C'est à cause de votre dureté de coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes. Mais dès l'origine, il n'en fut pas ainsi."

3) Le mariage a toujours existé dans l'Eglise, et dans toutes les sociétés depuis le début du monde, même si c’est sous des formes diverses. Ce qui est apparu dans l'Eglise au Moyen Age, c'est l'obligation d'une cérémonie officielle du mariage d'abord avec 2 témoins, et après le concile de Trente en présence du prêtre. Pourquoi? D'abord pour lutter contre les mariages secrets et clandestins: on ne savait plus qui était marié. Mais surtout pour protéger la femme et lutter contre les mariages arrangés entre familles, les mariages trop jeunes et les mariages forcés...même si cela a mis du temps à disparaître.

Voilà mes premières réactions rapides. Avec toute mon amitié. »


L'Evangélisation 50 ans après Lumen Gentium

Quelle église pour quelle évangélisation ?

Le 50ème anniversaire du Concile Vatican 2 est l’occasion de faire le point sur la vie de nos Eglises. Je voudrais proposer ici quelques réflexions sur la vie missionnaire de l’Eglise au Sénégal, à partir du document Lumen Gentium et de la lettre du pape François « La joie de l’Evangile : EG », en particulier le chapitre 4 : La dimension sociale de l’évangélisation

  1. Confession de la foi et engagement social : N° 178 à 185

  2. L’intégration sociale des pauvres N°186 à 217

  3. Le bien commun et la paix sociale N°218 à 237.

  4. Le dialogue social comme contribution à la paix 238-250

Voici le plan de ma réflexion :

  1. L’EGLISE CATHOLIQUE AU SENEGAL p.1

  2. L’EVANGELISATION p.9

  3. UNE NOUVELLE ETAPE DE L’EVANGELISATION p. 13

  4. COMMENT JESUS ANNONCE-T-IL L’EVANGILE ? p.14

  5. LE ROYAUME DE DIEU p.16

L'église catholique au Sénégal

Le Sénégal compte environ 90 % de musulmans et 5 % de catholiques. L’Eglise est donc très nettement minoritaire. Les missionnaires sont arrivés depuis un peu plus de 250 ans (sans compter les premiers passages des missionnaires portugais, franciscains et capucins) : les messieurs du Saint Esprit à partir de 1763. Ces premiers missionnaires étaient plutôt des aumôniers de l’armée coloniale, des commerçants européens et des métis. Le premier travail, vraiment missionnaire auprès des populations locales a commencé à partir de l’année 1844, avec les pères du Saint Cœur de Marie, qui s’uniront à la congrégation du Saint Esprit. En fait le pays n’était pas vraiment islamisé, la présence islamique s’arrêtait la plupart du temps, à un marabout à côté des chefs traditionnels, mais son influence était importante. Le reste de la population continuait à pratiquer la religion traditionnelle. Reconnaissons d’ailleurs que jusqu’à maintenant, beaucoup de chrétiens pratiquent le Christianisme dans l’esprit de la religion traditionnelle. C’est la même chose d’ailleurs pour les musulmans.

Bien sûr, les réalités sont différentes suivant les régions. Dans le nord on compte 99, 8 % de musulmans, des toucouleurs en particulier, islamisés depuis plusieurs siècles. A part ceux de la ville de Saint Louis, l’ancienne capitale, la plupart des chrétiens viennent du sud. Ils sont venus comme fonctionnaires, ou pour trouver du travail. Ils ne sont donc pas dans leur milieu d’origine. Au contraire, au sud, les populations étaient de religion traditionnelle au moment de l’arrivée des missionnaires. Les chrétiens sont donc plus nombreux, ils sont dans leurs régions d’origine et on trouve dans des mêmes familles des chrétiens et des musulmans, ce qui aide beaucoup à établir de bonnes relations entre les pratiquants des deux religions.

Une véritable Evangélisation suppose une ouverture aux autres, un souci de la vie de chaque jour, et une attention aux plus pauvres. Qu’en est-il de l’Eglise dans le diocèse de Dakar ?

L’Eglise du Sénégal est maintenant bien implantée, tous les évêques sont sénégalais depuis plusieurs dizaines d’années, l’Archevêque de Dakar étant Cardinal pour la deuxième fois : le Cardinal Théodore Adrien Sarr, après le Cardinal Hyacinthe Thiandoum. Les prêtres sénégalais sont maintenant plus d’une centaine, dans le seul diocèse de Dakar. Les vocations sont assez nombreuses, il y a des ordinations sacerdotales chaque année. Les religieux et religieuses sénégalais sont nombreux dans les congrégations internationales. Et il existe une congrégation locale de frères et deux congrégations féminines dont l’une envoie d’ailleurs des membres comme missionnaires à l’extérieur du pays.

Les églises sont remplies chaque dimanche et les différents groupes chrétiens sont nombreux ; ceux qui attirent le plus de monde étant les chorales et les groupes charismatiques. Les différentes structures et services de l’Eglise sont assurés. On se trouve donc en présence d’une Eglise bien vivante. Mais qu’en-est-il de la dimension missionnaire ?

La base de l’Eglise au Sénégal c’est la Paroisse, et les chrétiens aiment bien s’y retrouver. Mais le problème c’est que la vie chrétienne a tendance à se limiter à la vie paroissiale et donc, l’Eglise se centre sur elle-même, elle n’est pas orientée vers l’extérieur. De plus, la vie paroissiale est spécialement tournée vers la prière et la liturgie. Il est clair que la liturgie est le sommet de la vie chrétienne, mais que vaut un sommet sans base ? En tout cas, la vie chrétienne ne peut certainement pas se limiter à la prière et à la liturgie.

Quelques conséquences de cela ? Voici comment je vois les choses, à partir de la paroisse Notre Dame du Cap Vert, dans laquelle je travaille. Les aumôneries de prisons sont confiées aux paroisses, il n’y a pas d’aumônerie diocésaine. Ce qui fait qu’il n’y a pas de vraie réflexion, sur ce que les chrétiens sont appelés à faire avec les détenus. L’action de l’Eglise se limite très souvent aux seuls chrétiens, et pour eux, à la prière, à l’Eucharistie et à la catéchèse. Mais on ne prend pas en compte l’ensemble des détenus, ni leurs différents problèmes : besoins en nourriture et en santé, formation professionnelle, soutien psychologique et écoute, assistance à leurs familles, réinsertion, recherche d’avocats pour des jugements justes, etc.

De même, dans les hôpitaux. On se contente la plupart du temps, d’apporter la communion, de prier, et de donner des conseils aux malades chrétiens. Mais sans vraiment se soucier des malades des autres religions. Et sans prendre en charge les nombreux problèmes des hôpitaux, et de la santé en général. Il n’y a pas une vraie formation et réflexion des agents de santé chrétiens sur leur engagement et leur responsabilité dans l’organisation de la santé dans le pays.

De même, il y a une paroisse universitaire. Mais elle se limite surtout aux activités paroissiales : accueil, animation et soutien des étudiants catholiques. Il ne s’agit donc pas vraiment d’une aumônerie des universités en tant que telle, visant l’animation de l’université dans ses différents domaines. Et qui aurait le souci de l’évangélisation de tous les étudiants, quelle que soit leur religion.

Pourtant, l’apostolat dans les prisons, les hôpitaux et les universités, pourrait être un facteur important d’évangélisation. Mais là on se limite souvent à la dimension prière et sacramentalisation, pour les seuls chrétiens.

Au niveau officiel et théorique, bien sûr l’Eglise est ouverte à tous. Le 3ème Plan d’Action Pastoral pour les quatre années qui viennent, a repris les quatre objectifs du Plan précédent : la communion, la sanctification (liturgie, prières, sacrements, catéchèse), le témoignage (évangélisation et dialogue), et le service (dignité et droits de l’homme, réconciliation, justice, paix, développement), mais dans la pratique l’accent est mis sur les deux premiers objectifs. Et même lorsque les deux derniers objectifs sont mis en action, souvent c’est d’abord en faveur des chrétiens.

Ainsi pour beaucoup, la Caritas est plus une organisation pour aider les chrétiens nécessiteux, qu’une organisation de l’Eglise pour aider tous les pauvres et déshérités quelle que soit leur religion. Et elle se limite souvent à des distributions de dons reçus de l’étranger, au lieu de chercher à mettre en place des projets de développement pris en charge par les gens eux-mêmes, et à partir de nos propres ressources, pour arriver à un changement de mentalité : passer de l’assistanat à la responsabilité, de l’aumône au développement. On se contente trop facilement d’activités (khaware,…), pour gagner de l’argent et apporter des aides ponctuelles, avec le danger de faire des personnes aidées, des assistés et même parfois des mendiants. En tout cas, la Caritas semble trop peu engagée pour transformer la société et pour défendre les droits des pauvres. Et même simplement les former, et leur donner des moyens pour travailler et se prendre en charge eux-mêmes. . Une Eglise qui dépend de l’extérieur peut-elle être vraiment évangélisatrice ?

La commission Justice et Paix qui pourrait aussi être un véritable facteur d’évangélisation, reste très faible, et absente dans de nombreuses paroisses. Quelques équipes ont bien travaillé, au moment des élections. Mais va-t-on profiter de cette action pour continuer à s’engager avec les ONG et autres organisations de la Société Civile ? Voir tout ce que dit notre pape François dans EG au Chapitre 4 : La dimension sociale de l’évangélisation (n° 177-261)

Il ne semble pas non plus que les associations et fraternités de femmes catholiques aient en priorité le souci de l’évangélisation. Elles se contentent souvent de prières entre chrétiennes, de participation aux fêtes religieuses, surtout pour faire la cuisine, jouant dans ce cas-là un rôle d’animation avec de belles tenues, renouvelées à chaque fête, ce qui finit par coûter très cher. On peut admirer leur dévouement, leur courage et leur générosité. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser des questions, sur l’utilisation de toutes ces qualités. Ne vaudrait-il pas mieux orienter tous ces efforts vers l’Evangélisation, plutôt que vers les fêtes ?

Les femmes de la Légion de Marie sont vraiment admirables dans leur engagement. Je dis les femmes car il y a très peu d’hommes, et encore moins de jeunes : visites des malades dans les hôpitaux, visites dans les prisons etc. Mais on retrouve toujours le même problème : elles ont le souci de soutenir les chrétiens, d’accueillir les musulmans qui veulent devenir chrétiens, mais beaucoup moins de soutenir les autres musulmans pour vivre leur foi musulmane d’une façon plus approfondie, dans le sens de l’Evangile. Dans tous les cas, il semble manquer gravement la connaissance de la théologie du Royaume de Dieu, et de sa relation avec l’Eglise. Je vais y revenir plus loin. Continuons l’observation de notre Eglise diocésaine.

L’Eglise est reconnue dans le pays pour ses activités sociales, en particulier ses postes de santé, ses centres de formation féminine, ses écoles. Cela est très positif. On apprécie que, tous les gens, sans distinction de religion ou autres, puissent bénéficier de ces services. C’est donc un témoignage vivant et actif de l’amour du Christ, ouvert à tous. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser un certain nombre de questions.

Les activités sociales de l’Eglise intéressent les non chrétiens et même font leur admiration, pour le dévouement et le désintéressement de ses acteurs : écoles, dispensaires, centres de formation féminine, Caritas, etc. Mais on peut se demander, si ce n’est pas d’abord pour en profiter. Est-ce que cela amène à connaître et à rencontrer la personne de Jésus Christ, qui est pourtant la base et le fondement de nos engagements ? Que faire pour cela ?

Par rapport à ces activités, il semble que l’on se contente souvent de continuer à faire marcher les formes traditionnelles de l’aide aux pauvres, mais que l’on ne soit pas suffisamment attentif aux nouvelles formes de pauvreté qui se font jour actuellement, pour répondre à ces besoins d’une façon adaptée.

On cherche à bien faire marcher les écoles de type classique et à obtenir des diplômes, beaucoup plus qu’à s’investir dans les nouvelles formes d’éducation, comme par exemple les écoles communautaires prises en charge par les parents et le quartier, l’enseignement mixte (théorie et apprentissage d’un métier), enseignement dans les langues locales et adapté aux plus défavorisés, nouvelles méthodes d’enseignement, etc…Alors que des expériences sont déjà menées dans ce domaine, par exemple avec ENDA. A commencer par les jardins d’enfants, qui pour la plupart sont de type vraiment occidental et réservés à une certaine classe sociale.

On a plus le souci des élèves de nos écoles catholiques, que de tous les élèves du pays, spécialement les plus démunis. Alors que l’enseignement rencontre de graves problèmes : grèves incessantes, baisse de niveau, manque d’éducation, l’Eglise semble plus soucieuse de ses œuvres, que du bien commun et de l’avancée de tous. On a des écoles catholiques qui marchent bien, mais les chrétiens ne semblent pas être préoccupés par les autres écoles.

On n’a pas beaucoup le souci des enseignants chrétiens engagés dans le secteur public ou privé laïc. Il y a bien des amicales des enseignants chrétiens, mais ceux-ci se retrouvent plus pour des récollections, quand ce ne sont pas des sorties, des repas, des soirées dansantes et des fêtes, que pour s’engager dans leur milieu (syndicats), et chercher à répondre aux besoins de l’éducation dans le pays.

Pour les élèves, il y a bien quelques aumôneries dans les écoles publiques ou privées non catholiques. Mais on cherche davantage à regrouper des élèves chrétiens pour des partages d’évangile qui se limitent à des discours mais ne débouchent pas sur des actions concrètes, que de faire avancer leur école en tant que telle, avec le souci de tous les élèves, chrétiens ou non, et la participation et la responsabilisation de tous. Et de lutter contre toutes les formes d’injustices et d’inégalités que l’on rencontre dans ces écoles. La JEC, action catholique, est pratiquement inexistante. Cela a des conséquences directes sur l’évangélisation, ou plutôt le manque d’Evangélisation. De même, la JOC n’existe presque plus, sauf quelques équipes de jeunes filles.

On pourrait faire la même réflexion, par rapport aux dispensaires privés catholiques. Tous admirent la qualité des soins, et le dévouement des agents de santé de ces établissements. Mais on n’agit pas suffisamment pour la santé au niveau du pays. Les amicales de santé des agents chrétiens travaillant dans le secteur public, ont plus le souci d’obtenir des billets de pèlerinage gratuits à Rome et à Jérusalem, comme cela est accordé à leurs camarades de travail musulmans pour le pèlerinage à la Mecque, plutôt que de chercher comment améliorer la santé pour tous, et spécialement permettre aux plus pauvres de pouvoir profiter des soins de santé. Personnellement, je n’ai pas pu obtenir que l’amicale des agents de santé chrétiens intervienne régulièrement dans les prisons, pas plus d’ailleurs que l’association des avocats chrétiens. Ils se contentent au mieux d’apporter un repas le jour de Noel. Est-ce cela qui va résoudre les multiples problèmes des détenus et de leurs familles ?

Il est sûr qu’une véritable évangélisation se fait malgré tout dans les écoles, les centres de formation et à partir des dispensaires et autres actions sociales de l’Eglise. Mais cette évangélisation aurait besoin d’être réfléchie en tant que telle, et d’être davantage organisée pour aller plus loin et surtout plus profond.

Malgré les limites que j’ai signalées, à travers toutes les activités sociales et autres de l’Eglise, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent certainement. Et un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple au moment du Ramadan, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion, grâce à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore à vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie, grâce à leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et aussi de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Et la commission pour les relations avec les musulmans n’existe plus. Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

Notre pape François écrit (La joie de l’Evangile=EG : Le dialogue interreligieux, n° 250) : » Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non chrétiennes, malgré les divers obstacles et les difficultés, en particulier les fondamentalismes des deux parties. Ce dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix dans le monde, et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses. Ce dialogue est, en premier lieu, une conversation sur la vie humaine, une « attitude d’ouverture envers eux, partageant leurs joies et leurs peines ». Ainsi, nous apprenons à accepter les autres dans leur manière différente d’être, de penser et de s’exprimer. De cette manière, nous pourrons assumer ensemble le devoir de servir la justice et la paix, qui devra devenir un critère de base de tous les échanges.

251. L’Évangélisation et le dialogue interreligieux, loin de s’opposer, se soutiennent et s’alimentent réciproquement.

252. La relation avec les croyants de l’Islam acquiert à notre époque une grande importance. Ils sont aujourd’hui particulièrement présents en de nombreux pays de tradition chrétienne, où ils peuvent célébrer librement leur culte et vivre intégrés dans la société. Il ne faut jamais oublier qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour ». Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens ; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération ; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux. En même temps, beaucoup d’entre eux ont la profonde conviction que leur vie, dans sa totalité, vient de Dieu et est pour lui. Ils reconnaissent aussi la nécessité de répondre à Dieu par un engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres ».

En conclusion, on doit donc reconnaître que les chrétiens sont davantage engagés dans l’Eglise que dans la société, et plus soucieux d’une vie de prière personnelle que d’un engagement collectif, pour lutter contre les injustices. La lettre sur les fidèles laïcs (Christi Fidelis) n’a pas été assimilée, elle n’est pas passée dans la pratique. Notre pape François nous rappelle (La joie de l’Evangile=EG n°178) : » À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice ».

La catéchèse : C’est un aspect essentiel de la vie de l’Eglise, et elle concerne directement l’évangélisation et la dimension missionnaire de la communauté. Mais encore faudrait-il s’interroger sérieusement, sur les raisons qui poussent certains catéchumènes à demander le baptême. La religion traditionnelle est essentiellement locale, en lien avec la terre des ancêtres. Beaucoup de catéchumènes demandent à entrer dans l’Eglise, ou à devenir musulmans, pour appartenir à une religion universelle et qui paraît plus moderne. C’est donc un moyen de progrès social, mais pas obligatoirement de conversion au Christ. Ce qui explique qu’un certain nombre de catéchumènes disparaissent une fois qu’ils ont « gagné le baptême ».

Et parmi ceux qui continuent à pratiquer, il semble qu’un certain nombre d’entre eux vivent leur foi chrétienne dans l’esprit de la religion traditionnelle. Ou pour dire les choses autrement, qu’ils continuent à vivre la religion traditionnelle à l’intérieur du cadre de la religion chrétienne. Dans ces conditions, peut-on parler vraiment d’évangélisation ? Ils sont baptisés, sont-ils vraiment convertis à Jésus Christ ? Comment alors être missionnaires à leur tour ? Ce qui semble attirer ces catéchumènes, c’est l’amitié et l’esprit de famille qui règnent dans l’Eglise, et aussi la beauté et la qualité des prières et de la liturgie. Et également les soutiens des communautés chrétiennes et de la Caritas. C’est très bon et important. Mais il reste que beaucoup de nouveaux baptisés se contentent de participer à la messe le dimanche, sans véritable engagement ni dans l’Eglise ni dans la société, et sans vrai souci d’évangélisation de leurs frères et de leurs sœurs.

Le lieu où se font l’évangélisation et la catéchèse, c’est la paroisse. On peut d’ailleurs regretter que cette catéchèse ne se fasse pas davantage dans les quartiers. La catéchèse se fait aussi dans les écoles catholiques au risque de devenir une matière scolaire parmi d’autres, et d’être faite par des enseignants pas toujours motivés. Et il reste la question : est-ce que cette catéchèse est vraiment une évangélisation ? Pour les catéchumènes eux-mêmes oui. Mais elle ne semble pas les former pour qu’ils soient eux-mêmes évangélisateurs de leurs frères. En tout cas, les thèmes enseignés en catéchèse devraient certainement être revus pour répondre davantage aux besoins des gens et à l’évolution actuelle de la société.

L’apostolat des jeunes : Le thème des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) nationales de cette année était : « Jeunes, acteurs de la nouvelle évangélisation ». Ce qui montre que l’on porte le souci de l’évangélisation dans l’Eglise. Mais ce n’est pas sûr que cela débouche sur un véritable engagement des jeunes pour l’évangélisation. On a l’impression que beaucoup de jeunes aiment participer à de grandes rencontres ou des marches pèlerinage, mais qui ne transforment pas vraiment leur vie. Cela se manifeste par de grandes manifestations, qui souvent n’ont pas de suivi. Dans notre paroisse, lorsque nous avons voulu organiser une rencontre des jeunes marcheurs après la marche du pèlerinage national, pour voir comment mettre en pratique la formation reçue, très peu sont venus. Comment passer à des actions concrètes organisées, suivies et réfléchies, pour soutenir cette d’évangélisation des jeunes, par les jeunes ? Les jeunes chrétiens ont tendance à se retrouver entre eux dans leurs amicales, mais ils ne sont pas tellement présents dans les ASC (Associations Socio Culturelles) et autres organisations des jeunes dans les quartiers.

Bien sûr ces manifestations publiques de foi ont leur importance. Mais peut-on parler là d’une véritable évangélisation en profondeur ? En tout cas, ce qui attire le plus les jeunes dans le diocèse, mais aussi les adultes, ce sont des amicales où on se retrouve pour faire des fêtes et organiser des soirées dansantes. Les activités principales sont des activités lucratives : repas (khaware), concerts ou soirées payantes pour gagner de l’argent. Cet argent étant surtout utilisé pour des repas et des sorties, ou pour acheter des tenues, tee-shirts et uniformes et organiser des fêtes pour les seuls membres, mais pas pour aider les plus pauvres, même pas ceux qui appartiennent au groupe en question, qu’ils soient choristes, scouts, enfants de choeur ou autre chose. Encore moins pour le développement du pays, et le soutien de projets pour les plus démunis. Quand Zachée a parlé avec Jésus, il lui a dit (Luc 19,2-7) : » je vais donner la moitié de mon argent aux pauvres. Et si j’ai fait du mal à quelqu’un, je vais le payer 4 fois ». Il manque gravement de gratuité dans nos mouvements et associations.

L’Eglise risque de devenir une entreprise commerciale, ou une société d’organisation de fêtes et de danses. Ce qui attire les chrétiens, beaucoup plus que l’engagement dans leur milieu de vie, ce sont par exemple les chorales où les gens passent de nombreuses heures en répétition de chants, plusieurs soirées par semaine, souvent au détriment de leur vie de famille, et de leurs études pour les élèves et les étudiants. La conséquence, c’est que les eucharisties se transforment en concerts, ce qui est tout à fait à l’opposé de « la participation pleine et active de l’assemblée » demandée par le décret sur la Liturgie du Concile Vatican 2. Dans nos assemblées, la foule ne chante plus. Les concerts religieux (choralies) se terminent en soirées dansantes. Et pour venir animer par exemple les mariages, ces chorales se font payer.

Ce qui attire aussi beaucoup les chrétiens jeunes et adultes, ce sont aussi les mouvements charismatiques. Ce n’est pas le lieu ici d’en faire l’évaluation. Ils ont certainement un rôle important dans l’évangélisation, par leur joie et leur courage de présenter officiellement Jésus Christ et son Evangile, sans peur et sans complexe. Il est sûr qu’ils regroupent de nombreux jeunes et adultes, en proposant des formes de prières plus libres et plus animées, mais qui ne sont pas exemptes d’illusion et de sentimentalisme. Or, la foi ce n’est pas seulement une question d’affectivité forte : « avoir le cœur tout chaud ». Elle demande un engagement réel dans la vie. Il est clair que par ailleurs, beaucoup de gens entrent dans ces mouvements plus par intérêt personnel, que par volonté de vivre vraiment avec le Christ. Par exemple : pour trouver du travail, réussir son mariage, avoir des enfants, obtenir son examen, etc. L’un des signes de cela, c’est le nombre de bénédictions qui s’y pratiquent. Et aussi la recherche de signes extraordinaires, de révélations, de rêves, d’apparitions, de conseils, etc. L’Evangile de Jésus Christ ne suffit plus. Or l’évangélisation c’est bien cela : faire découvrir et aimer Jésus Christ, et vivre de son Evangile. Par rapport à la question qui nous intéresse ici, l’évangélisation, on peut aussi se poser des questions sur ce qui se dit dans ces groupes sur l’action de Satan et des démons, et plus largement, sur le péché et le mal dans le monde, et sur la recherche de protections. Comme si le monde n’était pas déjà sauvé par Jésus Christ. Il y a aussi l’illusion que, si on a réussi à rassembler beaucoup de monde, que l’on a des gens qui parlent en langues et qui entrent en transe, que l’on entend un certain nombre de témoignages plus ou moins extraordinaires ou miraculeux, on a assuré une véritable évangélisation et une transformation de la société.

Par rapport à l’engagement politique des chrétiens, il y a eu tout un effort du côté de la hiérarchie pour pousser les chrétiens à s’engager dans la politique, et pour lutter contre cette idée « enseignée par les anciens missionnaires » (sic), qu’un chrétien ne doit pas faire de politique. Sous la conduite de la commission Justice et Paix, une réflexion approfondie a été faite au moment des dernières élections, pour pousser les chrétiens à voter et à s’engager politiquement. Et aussi pour étudier les programmes des différents partis et faire réfléchir les gens dans les quartiers au choix du candidat pour qui voter. Mais cette réflexion importante, quand elle a été faite, est restée enfermée, à l’intérieur de l’Eglise alors qu’on a beaucoup insisté auprès des chrétiens et des communautés, pour qu’ils partagent leurs formations et leurs documents dans leurs quartiers, avec tout le monde. Cela n’a pas été fait. La communauté chrétienne reste centrée sur elle et enfermée dans ses problèmes, ce qui à mon avis, est en opposition directe avec une nouvelle évangélisation. On est prêt à accueillir les gens chez nous, mais beaucoup moins à aller vers eux, et encore moins à accueillir les valeurs et les richesses spirituelles qu’ils pourraient nous apporter. Aux dernières élections locales, un certain nombre de chrétiens se sont engagés dans la politique. Mais ils sont encore trop peu nombreux. Et il reste à savoir dans quelle mesure leur foi et l’Evangile est à la base de leur engagement et de leurs actions futures ? Et quel soutien l’Eglise va leur apporter pour cela ? Quand les chrétiens s’engagent en politique, on a souvent l’impression qu’ils cherchent surtout à obtenir des aides, et même des faveurs pour leur paroisse et pour l’Eglise, beaucoup plus qu’à vouloir faire avancer la société toute entière dans l’esprit de l’Evangile, et à apporter dans les structures officielles les soucis des plus pauvres et de tous ceux qui sont traités injustement. Notre pape écrit (EG 205) : » La politique tant dénigrée, est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun… Je prie le Seigneur qu’il nous offre davantage d’hommes politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres ! »

Les médias : Ils peuvent être un moyen important d’évangélisation. Au Sénégal nous avons la chance d’avoir, non seulement une radio catholique, mais surtout la possibilité d’intervenir dans les différentes télévisions et radios publiques et communautaires. C’est une grande opportunité que l’on nous offre. Malheureusement, on n’a pas toujours le souci d’y présenter Jésus Christ et l’Evangile à la population musulmane, qui est très largement majoritaire et qui forme donc le plus grand nombre des auditeurs. On préfère passer à la télévision des messes, des ordinations sacerdotales et des professions religieuses, sans même prendre le soin, au niveau vocabulaire, de présenter les choses d’une façon compréhensible pour des non chrétiens. De même, les émissions catholiques à la radio consistent souvent à faire une sorte de liturgie de la parole, relire les trois lectures du dimanche en question et d’en faire un commentaire qui s’adresse aux seuls chrétiens et en français, alors que la langue parlée par la majorité de la population et comprise par tous est le wolof et non pas le français. On retrouve toujours la même question. Pour beaucoup, évangélisation cela veut dire conversion au christianisme, baptême et entrée dans l’Eglise catholique. On n’a pas l’idée que l’on peut évangéliser les musulmans qui restent musulmans, c’est-à-dire de leur permettre de vivre leur foi dans l’esprit de l’Evangile, comme Jésus l’a fait avec les gens des autres religions qu’Il a rencontrés.

Les CEB : (Communautés Ecclésiales de Base) : Ces communautés c’est la famille chrétienne dans le quartier. Elles devraient porter le souci de la vie de tous les habitants, et être engagées avec les autres personnes du quartier, pour y construire ensemble le Royaume de Dieu. Mais la plupart du temps, il n’y a pas eu une véritable formation et réflexion sur ce que doit être une communauté chrétienne de quartier. Non seulement les responsables n’ont pas été formés mais souvent, ils ont été abandonnés à eux-mêmes, les prêtres en particulier n’ayant pas la volonté de participer aux réunions de communautés. Les chrétiens se sont retrouvés tout seuls et comme ils ne savaient pas quoi faire, pendant ces réunions, peu à peu, ils en sont venus simplement à réciter le chapelet. Au lieu d’être une famille chrétienne qui prend en charge l’évangélisation de tous, les réunions des communautés sont devenues simplement des réunions de prières. Bien sûr la prière est essentielle à la vie chrétienne, mais elle doit déboucher sur une transformation de la vie, et une action dans le milieu où l’on se trouve.

Relisons l’avertissement de notre pape François dans sa lettre « La joie de l’Evangile » EG n° 95 : « Dans certaines Eglises, on note un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. De cette façon, la vie de l’Église se transforme en une pièce de musée, ou devient la propriété d’un petit nombre…. Elle est privée du sceau du Christ incarné, crucifié et ressuscité, elle se renferme en groupes d’élites, elle ne va pas réellement à la recherche de ceux qui sont loin, ni des immenses multitudes assoiffées du Christ. Il n’y a plus de ferveur évangélique, mais la fausse jouissance d’une autosatisfaction égocentrique ».

2) L'évangélisation

Que devient l’évangélisation dans tout cela ? Les chrétiens aiment dire qu’ils sont des modèles, et qu’ils sont admirés par les musulmans qui les entourent, pour leur sérieux et leur engagement dans le travail, et par rapport à l’argent. Dans la réalité, les choses sont peut-être moins belles et de toutes façons, cela ne conduit pas obligatoirement à une véritable évangélisation. Les chrétiens cherchent davantage à être des exemples qu’à permettre aux non chrétiens de vivre les valeurs de l’évangile. Et beaucoup semblent avoir une politique du tout ou de rien. On est chrétien ou musulman, les jeux sont faits. On ne cherche donc pas à permettre aux musulmans de mieux connaître Jésus Christ, en allant plus loin que ce qu’il en est dit dans le Coran, pour qu’ils vivent dans l’esprit de l’Evangile, même s’ils restent musulmans.

Par rapport à l’évangélisation, il est important de garder la gratuité de nos activités et le respect de la liberté des gens, pour éviter tout prosélytisme, comme Jésus Christ l’a fait lui-même. Et que les conversions ne soient pas causées par le désir de bénéficier des actions humanitaires et caritatives de l’Eglise. L’évangélisation doit se faire d’une façon désintéressée, dans l’amour de Dieu qui est gratuit et désintéressé (« ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le aussi gratuitement »). Cette question n’est pas nouvelle, elle se pose depuis le début de l’Eglise, mais il est très important d’y réfléchir dans le cadre de la société sénégalaise actuelle, avec tous les bouleversements qu’elle connaît.

Ce qui ralentit l’évangélisation, c’est d’abord qu’elle est difficile, surtout dans un pays à très grande majorité musulmane, même si les gens sont très tolérants. L’Eglise catholique a été reconnue et soutenue au temps de la colonisation. Depuis, elle n’a pas pris suffisamment conscience qu’elle est une minorité, et elle n’en a pas tiré les conclusions. Jésus disait : « N’ayez pas peur, petit troupeau » (Luc 12,32). Il disait aussi « Vous êtes le sel de la terre ». Il suffit d’un peu de sel, pour donner du goût à tout le plat. Mais encore faut-il que le sel ne perde pas sa force, sinon on lui marche dessus (Mat 5,13). Et surtout qu’il ne reste pas dans la boîte sur l’étagère, mais qu’il soit vraiment au milieu de la nourriture, présent et agissant. Même si la lumière de l’Eglise n’est pas sous le boisseau, elle reste encore trop souvent enfermée dans la maison. Elle éclaire ceux qui sont dans la maison, mais elle n’est pas encore ouverte, sur une colline, pour éclairer tous les hommes (Mat 5,14). Et le levain est plus souvent partagé, entre chrétiens, que présent dans la pate humaine de la société (Mat 13,33).

Le deuxième obstacle c’est que les chrétiens sont encore restés à une conception, soit de la religion traditionnelle, soit de l’Islam, plus qu’à une évangélisation dans l’esprit de Vatican II. Dans la religion traditionnelle, dans la mesure où c’est une religion liée à la terre et au culte des ancêtres, on dit facilement : chacun a sa religion. Donc, on n’a pas besoin d’aller chercher les autres, qui habitent ailleurs et ont d’autres ancêtres. Les musulmans, eux, cherchent à convertir les gens à l’islam. Et les chrétiens auraient tendance à faire la même chose : chercher à convertir, conversion étant alors synonyme de baptiser les gens pour les faire entrer dans l’Eglise, et non pas changer ses idées, son cœur et sa vie. Par conséquent, si les musulmans contactés ne veulent pas être baptisés, on les laisse poursuivre leur religion, sans plus s’occuper d’eux. On se contente de vivre en paix avec eux. Alors que Jésus est venu faire tout à fait autre chose : il est venu offrir le Royaume de Dieu à tous les hommes, pour permettre à tous de vivre les valeurs du Royaume à l’intérieur de leur propre religion, même s’ils n’entrent pas dans l’Eglise.

Il est sûr que, malgré les limites que j’ai signalées, à travers toutes les activités sociales et autres de l’Eglise, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent certainement. Et qu’un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion au moment du Ramadan, suite à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore à vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie par leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

Ce qui diminue le désir d’exercer l’évangélisation, c’est aussi l’influence de la vie moderne avec l’importance de plus en plus grande prise par les médias, qui cherchent à mettre en place non seulement une société laïque, mais une société de non foi, une société où domine l’individualisme, la recherche du plaisir, du pouvoir, de l’argent, de la facilité et du laisser-aller ; une société de stars et d’ »idoles » : footballeurs, artistes et lutteurs, et du succès facile. Cette volonté de profiter de la vie le plus possible et tout de suite, ne facilite pas bien sûr l’engagement dans la vie chrétienne, encore moins dans l’évangélisation. Mais il ne faudrait pas pour autant condamner la société moderne, qui a ses valeurs de libération, de sincérité, de progrès, etc. Et les choses n’étaient certainement pas plus faciles, ni la société meilleure, par exemple en Europe au temps de la Renaissance ou du Moyen Age. D’ailleurs Jésus nous a prévenus, déjà dans l’Evangile, que « si les gens ont été contre moi, ils seront aussi contre vous. Car le serviteur n’est pas au dessus de son Maître » (Mat 10,24)!

Il y a aussi les limites internes à l’Eglise : La commission pour les relations avec les musulmans cherchent à renaître peu à peu, mais elle est toute petite, et elle n’est pas implantée dans les paroisses. L’Eglise locale semble plus centrée sur elle-même qu’ouverte à l’extérieur. La catéchèse est plus soucieuse de la connaissance que de l’engagement dans la société. On ne travaille pas suffisamment le lien de la catéchèse avec les CEB (communautés chrétiennes de base), les mouvements, en particulier les mouvements d’action catholique, qui d’ailleurs sont en pleine décadence actuellement et ne sont pas véritablement soutenus. Ceux qui ont le vent en poupe, ce sont les groupes de prière charismatique avec leur richesse, mais aussi leurs limites. Au niveau des jeunes ce qui plaît ce sont les amicales, et ils sont plus intéressées à faire des fêtes (xawaré) et des soirées dansantes, qu’à s’engager dans leur milieu de vie, comme je l’ai expliqué plus haut.

Se pose aussi toute la question de l’inculturation. Car il est clair qu’on ne peut pas avoir d’Evangélisation en profondeur sans inculturation. Comme le dit notre pape François (la joie de l’Evangile n°116) : » Quand une communauté accueille l’annonce du salut, l’Esprit Saint féconde sa culture avec la force transformante de l’Évangile…. Par l’inculturation, l’Église « introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté », parce que « toute culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l’Évangile est annoncé, compris et vécu »….Que l’Église « fasse comprendre et présente la vérité du Christ en s’inspirant des traditions et des cultures de la région » n°118. C’est sûr qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Le pape ajoute : n° 129 » Dans les pays où le christianisme est minoritaire, en plus d’encourager chaque baptisé à annoncer l’Évangile, les Églises particulières doivent développer activement des formes, au moins initiales, d’inculturation. Ce à quoi on doit tendre, en définitive, c’est que la prédication de l’Évangile, exprimée par des catégories propres à la culture où il est annoncé, provoque une nouvelle synthèse avec cette culture…Si nous laissons les doutes et les peurs étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement tranquilles sans provoquer aucune avancée et, dans ce cas, nous ne serons pas participants aux processus historiques par notre coopération, mais nous serons simplement spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église ».

Les congrégations missionnaires sont présentes et nombreuses dans l’archidiocèse mais on ne leur permet pas souvent, et d’ailleurs elles-mêmes ne cherchent pas tellement, à vivre leur charisme missionnaire. Pour les religieux prêtres, ce que l’on attend d’eux c’est de tenir des paroisses, mais beaucoup moins de travailler dans la société pour l’évangélisation en tant que telle. Les religieux non prêtres et religieuses, semblent se contenter de faire fonctionner leurs œuvres, comme on l’a toujours fait. Les écoles, centres de santé et centres de formation pourraient être l’occasion d’une évangélisation plus profonde, dans le dialogue, l’accueil et le respect des autres. Toutes ces oeuvres sont comprises comme la mise en pratique de la charité du Christ, ce qui est très important et vrai, mais beaucoup moins comme une véritable évangélisation, dans le sens du dialogue et du partage de la foi, sans prosélytisme. Un simple signe : il y a très peu de sœurs et surtout de frères engagés dans les commissions Justice et Paix et dans les mouvements d’action catholique. Certains, et surtout certaines, sont plus intéressés par les chorales. Beaucoup semblent se limiter à leur vie de communauté et aux œuvres de leur congrégation. Il est difficile de trouver des frères et des sœurs pour accompagner les communautés de quartiers (CEB). Comment s’étonner alors que celles-ci n’aient pas le souci de l’évangélisation de leur quartier ?

Le pape François explique (EG n° 210) : » Il est indispensable de prêter attention aux nouvelles formes de pauvreté et de fragilité dans lesquelles nous sommes appelés à reconnaître le Christ souffrant, même si, en apparence, cela ne nous apporte pas des avantages tangibles et immédiats : les sans-abris, les toxico-dépendants, les réfugiés, les populations indigènes, les personnes âgées toujours plus seules et abandonnées etc. Les migrants me posent un défi particulier parce que je suis Pasteur d’une Église sans frontières qui se sent mère de tous ».

Il faut donc nous demander : quels sont les nouveaux secteurs de la vie moderne qui ont besoin d’être évangélisés. Car le monde a changé. Il y a de nouveaux domaines de manque de foi, comme des nouveaux secteurs de pauvreté et d’injustices, dans lesquels nous devons nous engager. Mais encore faut-il avoir des idées claires. Et chercher une véritable évangélisation, dans le sens du dialogue et du partage de la foi, sans prosélytisme. Il est important de savoir lire les signes des temps, comme nous l’a rappelé le 2° concile du Vatican, à la suite de Jésus Lui-même (Mat 16,3).

Il est absolument nécessaire que les membres des congrégations missionnaires retrouvent leur souffle et le souci de l’évangélisation, et qu’ils reviennent à leur charisme. Même s’ils travaillent en paroisse, que celle-ci soit ouverte à tous, avec le souci des plus pauvres, et qu’ils ne se laissent pas enfermer dans les activités paroissiales. Et qu’ils poussent les chrétiens à s’engager davantage dans la société, en groupe et pas seulement personnellement, comme Jésus a envoyé l’équipe des apôtres dans le monde.

Encore faut-il en prendre les moyens. D’abord un véritable renouvellement spirituel, comme cela se cherche chez les spiritains depuis leur dernier chapitre général. Mais aussi la formation : que les étudiants soient plus intéressés par une formation pastorale missionnaire que par les diplômes, comme l’a rappelé fortement et plusieurs fois le pape François. Et qu’après la formation de base, on ne se contente pas d’envoyer certains se former en philosophie, théologie, liturgie, droit canon…mais aussi dans les sciences humaines : éducation, santé, développement, justice et paix, animation de groupe…Sinon, comment pourront-ils travailler avec les malades du Sida ou d’Ebola, avec les prostitués et les enfants de la rue, avec les émigrés et les marginaux, pour lutter pour les droits humains et aider les pauvres à se prendre en main, et tant d’autres choses.

Rappelons-nous ce que nous dit notre pape François dans sa lettre sur la Joie de l’Evangile : Oui au défi d’une spiritualité missionnaire n°78 : « Aujourd’hui, on peut rencontrer chez beaucoup d’agents pastoraux, y compris des personnes consacrées, une préoccupation exagérée pour les espaces personnels d’autonomie et de détente, qui les conduit à vivre leurs tâches comme un simple appendice de la vie, comme si elles ne faisaient pas partie de leur identité. En même temps, la vie spirituelle se confond avec des moments religieux qui offrent un certain soulagement, mais qui ne nourrissent pas la rencontre avec les autres, l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation. Ainsi, on peut trouver chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un l’autre ».

79. Comme conséquence, beaucoup d’agents pastoraux, même s’ils prient, développent une sorte de complexe d’infériorité, qui les conduit à relativiser ou à occulter leur identité chrétienne et leurs convictions. ..Ils finissent par étouffer la joie de la mission par une espèce d’obsession pour être comme tous les autres et pour avoir ce que les autres possèdent. De cette façon, la tâche de l’évangélisation devient forcée et ils lui consacrent peu d’efforts et un temps très limité.

80. Il faut souligner le fait que, même celui qui apparemment dispose de solides convictions doctrinales et spirituelles, tombe souvent dans un style de vie qui porte à s’attacher à des sécurités économiques, ou à des espaces de pouvoir et de gloire humaine qu’il se procure de n’importe quelle manière, au lieu de donner sa vie pour les autres dans la mission. Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire !

Les possibilités ne manquent pas : Au niveau de l’Etat, nous avons la chance de vivre dans un pays laïc qui soutient une laïcité positive où l’Etat reconnait et soutient chacune des religions. Même s’il nous fait rester très attentifs, face au désir de certains d’islamiser la société, et au danger d’intégrisme de certains mouvements qui pourraient venir de pays voisins. . Mais il y a aussi le danger de certains chrétiens qui sont eux aussi de tendance intégriste. Pour le moment, l’Eglise catholique est acceptée et même reconnue comme les autres religions dans le pays.

Dans la société civile, nous avons la chance d’avoir un certain nombre d’ONG et autres organisations qui s’engagent pour les droits humains, et donc en particulier la liberté de religion. Nous avons la possibilité de travailler avec elles. Même si beaucoup sont très attirés par la culture païenne moderne proposée par les pays occidentaux, à l’ONU et dans les grandes organisations internationales, qui tendent à diminuer fortement le respect de la vie et le soutien de la famille, sans parler des pressions pour autoriser l’euthanasie, l’avortement, etc…

Nous vivons dans une culture tolérante qui accepte les idées et la liberté des autres, et cela est renforcé dans le sud du pays par le fait que dans les mêmes familles il y a des chrétiens et des musulmans. La culture traditionnelle africaine commune à tous les croyants est ainsi une grande chance pour nous, et une base pour construire la paix, l’acceptation mutuelle et le dialogue, et donc pour permettre une véritable évangélisation.


3) Une nouvelle étape de l'évangélisation

Il est important de savoir lire les signes des temps, comme nous l’a rappelé le 2° concile du Vatican, à la suite de Jésus Lui-même (Mat 16,3). Lorsque les premiers missionnaires sont arrivés au Sénégal, ils se sont consacrés à implanter l’église locale, ce qui est bien normal. Ils se sont donc consacrés à la catéchèse, l’organisation des paroisses et à ouvrir des séminaires. Mais en même temps, ils ont eu le souci du développement humain, de l’éducation et de lancements de projets dans les différents secteurs de la vie. Ils n’ont donc pas oublié la dimension caritative et humanitaire : mise en place de dispensaires, d’écoles, de centres de formation professionnelle et technique etc. Maintenant, et déjà depuis de nombreuses années, l’Eglise est en place. Est-ce que les congrégations religieuses en particulier ne devraient pas se tourner plus directement vers une nouvelle évangélisation, d’ailleurs demandée par l’Eglise ? Et rendre leurs paroisses, comme toutes leurs autres activités beaucoup plus missionnaires. Les paroisses sont en place, le clergé diocésain est nombreux et travaille. Cela bien sûr doit se continuer. Mais ne faudrait-il pas passer en même temps à une deuxième étape : ne pas se li !miter à la paroisse, proposer l’évangile à tous ceux qui peuvent l’accepter, qu’ils soient chrétiens ou non, et voir tous les nouveaux secteurs de la vie moderne qui ont besoin d’être évangélisés. Car le monde a changé. Il y a de nombreux domaines de manque de foi, comme des nouveaux secteurs de pauvreté et d’injustices, dans lesquels nous devons nous engager. Mais encore faut-il avoir des idées claires sur ce qu’il faut faire.

La congrégation pour l’évangélisation des peuples au Vatican organise une plénière du 30 novembre au 2 décembre 2015. Dans la lettre préparatoire du 26/05/2014, je lis l’affirmation suivante : « Le but ultime de l’activité missionnaire est l’évangélisation et la plantatio Ecclesiae au sein des populations où la Parole de Dieu n’a pas été semée et où elle n’a pris racine. En d’autres termes, l’Eglise, qui est signe et instrument du salut, ne vit que dans le précepte missionnaire du Christ, tant que l’Evangile n’a pas été annoncé “en tout lieu et à toute créature” (Mc 16,15). Dans le même temps, par l’annonce de l’Evangile, nait l’Eglise et sa plantatio donne forme à la Communauté des croyants ».

Je n‘aime pas beaucoup ce mot « d’implanter ». C’est comme si on amenait un arbre adulte, une Eglise toute faite (occidentale) dans le pays, que l’on vient planter sans tenir compte de la culture et des réalités locales. Ce qu’il faut c’est « semer » la Parole de Dieu dans un nouveau sol, où elle va grandir peu à peu selon les réalités de la terre locale (s’enraciner et s’inculturer). De même, je pense qu’on ne peut pas se limiter à la seule « plantatio Ecclesiae ». Il s’agit de proposer l’Evangile à tous les hommes, quelle que soit leur religion. De toutes façons, au Sénégal, l’Eglise est maintenant implantée. Il reste l’Evangélisation : pas seulement des chrétiens mais de tous les habitants du pays, à l’intérieur même de leurs différentes cultures et religions. Pour la venue du Royaume de Dieu. Et en particulier, permettre à tous les musulmans qui le veulent et qui sont la très grande majorité, mais aussi ceux qui suivent les religions traditionnelles ou ceux qui se disent incroyants, de vivre les valeurs de l’Evangile, même s’ils restent musulmans. Comme le dit d’ailleurs le document Lumen Gentium du concile Vatican II. Dans la limite de ces pages, je me contente de 3 citations. Mais il faudrait lire le document tout entier, et aussi les autres documents du Concile, en particulier Gaudium et Spes (l’Eglise dans le monde). Sans oublier les documents plus récents du Vatican, mais aussi les déclarations de nos évêques. Simplement une citation de la lettre de François, La joie de l’Evangile n° 20 : »Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile ».

LG 9 : « l’Eglise est l’instrument de la rédemption de tous les hommes. Elle est le sacrement visible de l’unité qui sauve les hommes ». Un sacrement c’est un signe efficace, mais c’est un signe, et non pas le but final et unique. “L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain” ( LG 1). L’Eglise est le signe et le moyen de la venue du Royaume de Dieu sur la terre. Mais elle n’est pas le Royaume en elle-même, ni toute seule.

« L’Eglise tire son origine de la mission du Fils et du Saint Esprit, selon la volonté de Dieu le Père » (LG 2). La Trinité est don réciproque et total des trois personnes dans l’amour. La mission c’est de faire entrer tous les hommes dans cet amour, et de leur apprendre à se donner à leurs frères, à l’exemple et avec l’aide de la Trinité. Comme le dit LG 48, “Le Christ (…) a constitué son Corps, qui est l’Eglise, comme le sacrement universel du salut”.

LG 4 : « La mission de l’Eglise que lui a donné son Seigneur, c’est la formation spirituelle, morale et humaine de tout homme, de toute femme et de tout enfant. Elle participe au bien des peuples, répare les fractures existant entre eux et élève la dignité humaine ». C’est cela l’implantation de l’Eglise et non pas seulement des évêques et un clergé local, la construction de bâtiments, des prières, des baptêmes et des confirmations. Et au n° 4-1 : Déjà « pour les chrétiens, le peuple de Dieu doit atteindre une maturité dans tous les aspects de la vie humaine : famille, travail, choix de vie, service, éducation etc. »

4-8 : à mon avis la mission de l’Eglise ce n’est pas seulement « d’enseigner toutes les nations et de prêcher l’évangile à toute créature pour que soit fondée l’Eglise peuple de Dieu ». C’est aussi et d’abord de permettre à tous les hommes de vivre les valeurs de l’Evangile, même s’ils n’entrent pas dans l’Eglise, et ne demandent pas le baptême. C’est-à-dire de faire venir le Royaume de Dieu, pas seulement pour les chrétiens et l’Eglise, mais pour tous les hommes. Pas seulement pour les personnes une par une, mais pour tous les peuples, toutes les sociétés, le monde entier. Et même la création toute entière, comme l’a dit le Christ avant de quitter cette terre (Marc 16,15). Et comme l’explique Paul (Rom 8,19-23).

4) Comment Jésus annonce t'il l'évangile ?

Déjà, Zacharie chante à la naissance de son fils Jean Baptiste (Luc 1,70-79) « Et toi, petit enfant, tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses chemins… pour éclairer ceux qui sont dans la nuit et l’ombre de la mort, et pour conduire nos pas sur le chemin de la paix ». A Noël les anges chantent (Luc 2, 10-14) « Je vous annonce une bonne nouvelle qui donnera la joie à tout le peuple… paix sur terre aux hommes que Dieu aime » et Dieu aime tous les hommes. Et c’est bien pour cela qu’Il fait connaître la naissance de son fils, non pas aux chefs religieux d’Israël, mais d’abord à des pauvres, des hommes rejetés et traités de pécheurs, les bergers, (Luc 2). Et ensuite à des savants païens venus de l’est (Matthieu 2, 1-12). Avant de s’enfuir en Egypte, là où Dieu avait déjà délivré son peuple esclave, au temps de Moïse. Et quand Marie et Joseph présentent leur enfant au Temple pour le consacrer à Dieu, Siméon chante « Il est le Salut que Tu as préparé pour tous les peuples, Lumière qui te fera connaître à toutes les nations du monde » (Luc 2, 30-32). Cette idée que Dieu aime et sauve tous les hommes est déjà très présente dans la Première Alliance (Par exemple Isaïe 12,4; 54,2 ; 56,7). Et quand Jésus à Nazareth explique sa mission, Il reprend justement le prophète Isaïe en disant : « L’Esprit de Dieu est sur moi, Il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être délivrés, que les aveugles vont voir à nouveau, et ceux qui sont écrasés vont être relevés » (Luc 4, 18,21). Par conséquent cela me semble très clair : L’Evangile est pour tous et d’abord pour les pauvres. L’annonce de l’Evangile demande que l’on cherche d’abord à libérer les prisonniers, et les aveugles de toutes sortes : dans leur cœur, mais d’abord dans leurs corps (Luc 4, 18-21).

De même quand Jean Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7,20-23) » Jésus répond : « Allez dire à Jean ce que vous avez vu et entendu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont rendus purs, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Cela nous montre bien que l’évangélisation ce sont des actions (construire le Royaume) et pas seulement des paroles. Comme le dit Jésus : « Voyez ce que je fais ». Quand Jésus annonce l’Evangile, il commence par guérir les malades (Matthieu 15,29). Et Il nourrit la foule (Jean 6, 1) avant d’enseigner le Pain de la vie (Jean 6, 25). Cela nous montre le chemin à suivre pour l’évangélisation. En effet, nos actions sont plus fortes que nos paroles. L’évangélisation c’est une question de témoignage. On peut nous empêcher de parler, mais on ne peut pas nous empêcher de vivre l’Evangile. Comme le dit Jésus : « On vous amènera devant les tribunaux… et ce sera pour eux un témoignage » (Matthieu 10, 18). Tous les hommes ont envie d’être heureux. Si nous sommes heureux en vivant de l’Evangile, ils auront envie de venir avec nous pour rencontrer le Christ. Car l’Evangile est une Bonne Nouvelle.

L’Evangile s’adresse à tout le monde. C’est évident, si on regarde la vie de Jésus. Il traverse sans arrêt les frontières pour aller de l’autre côté du Jourdain (Marc 10, 1), en Samarie (Jean 4,4) ou dans la région de Génésareth (Marc 6, 53). Il guérit les malades et ceux qui sont possédés des esprits mauvais, sans rejeter personne, Il enseigne tout le monde sans distinction, Il aime tous les hommes, Il est accueillant à tous. Mais plus que cela, Il reconnaît l’action de l’Esprit Saint dans le cœur des païens, et Il en rend grâce à Dieu son Père. Il remarque que c’est seulement le lépreux samaritain, qui vient lui dire merci d’être guéri. Il dit de l’officier romain (Mat 8,10) « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Et Il en tire la conclusion « Ils viendront de l’est et de l’ouest, et prendront place à table au repas du Royaume ». Et nous ne pouvons pas oublier que, avant de recevoir le Corps du Christ dans la communion, c’est la prière d’un païen, cet officier, que nous disons : » Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes chez moi, mais dis seulement une parole, et je serai sauvé ». De même, Jésus envoie la Samaritaine, une païenne, une femme de mauvaise vie, pour le faire connaître aux gens de son village, des samaritains, des païens eux aussi (Jean 4,28). Et c’est une femme syrienne qui lui fait comprendre, qu’Il est envoyé par son Père pour tous les hommes : « Même les chiens sous la table mangent les morceaux, que les enfants font tomber » (Marc 7,28).

Jésus dira lui-même : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12,32). Et avant de monter au ciel il dira à ses disciples « Allez annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toute la création», en leur disant que pour cela ils doivent « chasser les esprits mauvais et parler des langues nouvelles (Marc 18­,18). Il ne manque pas de rappeler aux pharisiens ce qu’a fait le prophète Jonas, pour appeler les païens de Ninive à la conversion. Et la reine de Saba qui est venue écouter le Roi Salomon. Et Il dit : « il y a plus ici que Salomon » (Matthieu 11, 20-25)). On pourrait continuer à citer de nombreux autres passages de l’Evangile qui vont dans le même sens.

Paul a consacré toute son énergie à mettre en place des communautés chrétiennes, dans tout l’empire romain. Mais il voulait des communautés ouvertes et missionnaires, qui annoncent l’Evangile à tous. Il s’écrie « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (pas seulement malheur à moi si je n’implante pas l’Eglise : 1°Cor 9, 16). Et il affirme : « Dieu ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour évangéliser » (1° Cor 1,17). Il ajoute : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1° Ti 2,4).

5) Le royaume de Dieu

Ce qui manque à mon avis pour une véritable évangélisation, c’est une théologie du Royaume de Dieu. Sans une réflexion profonde sur ce qu’est le Royaume de Dieu, son importance et les conditions de sa venue, on en restera toujours à une conception limitée de l’évangélisation, comme une simple implantation de l’Eglise. Et on se limitera à ceux qui sont déjà chrétiens, ou qui acceptent de le devenir. Mais alors qu’en sera-t-il de tous les autres hommes ? Le pape François écrit : « Évangéliser c’est rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. » ( EG = Evangelii Gaudium, § 176). Il ajoute n°180 : « Le Royaume nous appelle. En lisant les Écritures, il apparaît du reste clairement que la proposition de l’Évangile ne consiste pas seulement en une relation personnelle avec Dieu. La proposition est le Royaume de Dieu (Luc 4, 43). Il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde. Dans la mesure où il réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous. Donc, aussi bien l’annonce que l’expérience chrétienne tendent à provoquer des conséquences sociales. Cherchons son Royaume : « Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus » (Mt 6, 33). Le projet de Jésus est d’instaurer le Royaume de son Père ; il demande à ses disciples : « Proclamez que le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 10, 7).

Je n’ai pas la place ici de présenter cette théologie du Royaume. Je me contente de quelques citations de l’Evangile, qui concernent plus directement l’évangélisation.

Dans l’Evangile, on parle très souvent de la Bonne Nouvelle du Royaume (Matthieu 4, 23 – Matthieu 9, 35 – Luc 4, 43 etc.). Ce qui montre bien que l’évangélisation est liée à la venue du Royaume. Jésus nous a appris à prier ainsi : « Notre Père… que Ton Règne (ton Royaume) vienne ». Le Royaume c’est vraiment ce qu’il y a de plus important. Comme le dit encore Jésus (Matthieu 6,33) : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et Dieu vous donnera tout le reste en plus ». Et ces paroles s’adressent à tous les hommes, comme les béatitudes. Pas seulement aux chrétiens. Jésus, le nouveau Moïse, les prononce en haut de la montagne. Le Royaume c’est un trésor, une perle fine (Matthieu 13, 44-45) pour lequel nous sommes prêts à tout laisser.

Le Royaume, c’est d’abord Jésus lui-même. C’est Lui que nous aimons, c’est avec Lui que nous vivons, c’est autour de Lui que nous nous rassemblons. Jésus disait : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, Je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18, 20). Le Royaume, c’est vivre avec Jésus, et comme Lui.

Le Royaume de Dieu n’est pas au ciel, il est sur la terre, comme nous l’a dit Jésus dans la prière du Notre Père « Que Ton Règne vienne, Que Ta Volonté soit faite, sur la terre comme au ciel ». Le Royaume, c’est donc commencer à vivre déjà avec tous sur la terre, comme au ciel. Le Royaume est pour tous, pas seulement pour les chrétiens. Et Dieu y appelle sans cesse de nouvelles personnes, comme le maître a appelé les ouvriers aux différentes heures de la journée (Matthieu 20,1). Le Royaume est pour tout le monde, car Jésus « a racheté pour Dieu, des hommes de toutes tribus, de toutes langues, de tous peuples et de toutes nations » (Apocalypse 5,10). Cela, Dieu le disait déjà, par la bouche d’Isaïe (56,7): »Ma maison s’appellera : maison de prière pour tous les peuples ». Et Jésus explique « Il y a beaucoup de places, dans la maison de mon Père » (Jean 14, 2).

Le Royaume, comme l’Evangile, est d’abord pour les pauvres et pour ceux que l’on fait souffrir à cause de la justice (comparer Matthieu 5, 3 + 10 et Luc 4, 18-21). C’est donc à eux que nous annonçons l’Evangile en premier. Et aussi aux pécheurs, et aux hommes et aux femmes de mauvaise vie. Jésus l’a dit avec force : « Les ramasseurs d’impôts et les prostituées arriveront avant vous, dans le Royaume de Dieu » (Matthieu 21, 31).

Quels sont les signes de ce Royaume, qui nous montrent ce que nous devons faire pour qu’il arrive parmi nous ? En premier, c’est l’Amour. Quand l’enseignant de la loi rappelle le commandement de Moïse « Tu aimeras le Seigneur Ton Dieu de tout ton cœur… tu aimeras ton prochain comme toi-même », Jésus lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » (Matthieu 12, 34). Evangéliser et faire venir le Royaume, c’est pardonner et avoir pitié de nos frères (Matthieu 18, 23). Comme nous le dira Jésus, à la fin du monde « Venez, vous qui êtes les bénis de mon Père. Recevez le Royaume qu’Il a préparé pour vous, depuis le début du monde… car j’ai eu faim, vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif, j’étais étranger, nu, malade, en prison… Tout ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que tu l’as fait » (Matthieu 25, 40). Ce n’est donc pas seulement aimer, mais c’est reconnaître dans tout homme un enfant de Dieu, et un frère ou une sœur de Jésus. C’est de cette façon là, que nous pouvons vraiment évangéliser. Et accueillir tous les hommes dans le respect, et sans distinction.

C’est s’engager pour la justice, qui nous fait briller dans le Royaume de Notre Père (Matthieu 13, 43). C’est en même temps être patient. Et supporter le mal qui est dans le monde avec espérance, comme le maître attend le temps de la moisson, pour brûler la mauvaise herbe (Matthieu 13, 24). Le Royaume c’est se faire petit devant Dieu et devant les hommes, comme un enfant (Matthieu 18, 1). Et se faire le serviteur de tous, comme Jésus a lavé les pieds de ses apôtres (Jean 13). L’évangélisation, comme le Royaume, nous demande de laisser le mal. Car le Royaume est comme un filet, qui attrape toutes sortes de poissons, et que les anges viendront trier à la fin du monde (Matthieu 13, 47). Ce n’est donc pas à nous de choisir les gens.

Tout cela nous demande d’agir en vérité car « ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux. Mais ceux qui font la volonté de mon Père « (Matthieu 7, 21). Et Paul explique : « le Royaume de Dieu ce n’est pas une affaire de paroles, mais de puissance » (1ère aux Corinthiens 4, 20), « ce n’est pas une question de nourriture ou de boisson, mais de justice, de paix et de joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14, 17). Face à la situation de notre Eglise que j’ai décrite au début, le Seigneur nous demande donc d’écouter le Saint Esprit, pour « tirer de notre trésor, de l’ancien et du nouveau ». Et de nous adapter au monde de ce temps (Matthieu 13, 52). De commencer tout petit, comme la graine de moutarde, qui est la plus petite des graines (Matthieu 13, 21). Et ensuite de grandir peu à peu, et d’étendre nos bras pour accueillir nos frères, comme l’arbre étend ses branches pour que les oiseaux viennent se reposer. Et qu’ils puissent ensuite repartir librement poursuivre leur propre chemin (Matthieu 13, 31).

Il s’agit bien de partager la vie des hommes et de nous engager dans la société, comme le levain doit être mélangé à la pâte pour agir, et la faire lever toute entière (Matthieu 13, 33). Jésus a dit à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Mais Il ajoute « Je te donnerai les clés du Royaume ». Pas seulement les clés de l’Eglise (Matthieu 16, 19). L’Eglise doit donc être au service du Royaume. « Un règne sans limite et sans fin, règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (Préface du Christ Roi). 


Synode de la famille : Réflexion avec un groupe de jeunes

La famille est très importante. C’est dans la famille que l’on est pris en charge, nourri, logé, soigné et surtout éduqué. C’est dans la famille que l’on apprend à aimer, entre parents et enfants, entre frère et sœur pour pouvoir aimer les autres.

Il n’y a pas de famille parfaite ; C’est donc important d’accepter notre famille telle qu’elle est et de l’aimer, mais en même temps de tout faire pour la rendre meilleure. Que faire pour cela ?

La première chose c’est de se parler ensemble. Il y a des gens, aussi bien l’homme que la femme, que les enfants qui parlent à leurs amis à l’extérieur mais qui ne disent pas vraiment ce qu’ils ont dans leur cœur entre parents. Ensuite, la prière en famille, c’est cela qui peut faire notre unité, nous donner le courage dans nos difficultés et nous aider à soutenir ceux qui souffrent autour de nous. Si nous avons des problèmes dans notre famille, nous essayons d’en parler avec nos parents. Si rien ne change, nous supportons en attendant que les choses s’arrangent et nous offrons nos souffrances à Dieu. Mais en même temps, nous offrons les bonnes choses qui se vivent.

Dans la famille chacun a son rôle. Le père et la mère n’ont pas un rôle spécial mais comme on le dit parfois, le père punit et la mère console. En fait, ils doivent faire les deux et ils doivent le faire ensemble. C’est pour cela qu’il est si important que le père et la mère se parlent et qu’ils voient comment éduquer leurs enfants. C’est pour cela aussi que l’homme, même s’il est le chef de famille, doit laisser la place qui lui revient à sa femme et que la mère doit prendre ses responsabilités dans la famille. Quand Jésus est resté au temple à Jérusalem, c’est Marie qui lui a demandé pourquoi il a fait cela, et non Joseph. Mais elle a dit : »ton père et moi, nous te cherchons » (luc 2,48). Bien sûr, chacun joue son rôle à sa manière et avec ses qualités personnelles.

Pour les jeunes, la première chose c’est d’obéir à leurs parents, mais ils doivent aussi prendre leur part dans la vie de la famille. Il y a des jeunes qui sont au dehors, aux répétitions de la chorale, dans leurs mouvements ou simplement avec leurs camarades dans leur quartier mais qui ne prennent pas leur part dans leur vie de famille.

Ensuite, être sérieux. Par exemple, il y a des jeunes filles qui n’hésitent pas à aller avec des hommes riches pour se faire payer des habits pour les fêtes de Pâques et de Noël si leurs parents sont trop pauvres pour cela. Ou bien des filles qui sortent bien habillés, en pagne, et qui vont se changer dans la maison de leurs camarades pour aller en tenue indécente aux soirées dansantes. Il ne suffit pas d’être bien habillé pour aller à l’Eglise, il faut être bien habillé dans toute sa vie. Il y a aussi de jeunes garçons qui ne pensent qu’à s’amuser pendant les vacances, jouer aux cartes, aux dames etc. et qui à la rentrée demandent à leurs parents de leur payer leurs fournitures alors qu’eux-mêmes n’ont rien fait pendant tout ce temps de vacances.

D’un autre côté, les jeunes même s’ils sont des enfants, ont le droit de parler avec leurs parents, de leur donner des idées et même de les conseiller. Mais il faut apprendre à parler avec ses parents le plus tôt possible. Par exemple, une fille qui n’a jamais parlé avec son père ne pourra pas le faire au moment du mariage si son père veut la marier avec l’homme qu’elle n’aime pas. Et souvent, s’il faut parler avec les parents, comme c’est difficile ce sera utile de passer par un intermédiaire, un grand frère, un oncle ou un ami.

L’idéal c’est de se retrouver ensemble, au moins une fois par an, tous ensemble parents et enfants, pour voir comment nous vivons en famille. Il ne s’agit pas de se faire des reproches, au contraire chacun demande à l’autre ce qu’il pense de son propre comportement. Ensuite, lui pourra dire ce qu’il pense des autres et alors ensemble, on cherchera comment mieux faire pour mieux s’aimer et être mieux ensemble. Nous avons rappelé les conseils de Paul, Colossiens 3, 18-21, « Femmes aimez vos maris, c’est ainsi que vous devez agir devant le Seigneur. Maris aimez vos femmes, ne leur montrez pas un mauvais caractère. Enfants, c’est votre devoir devant le Seigneur d’obéir en tout à vos parents car cela est agréable à Dieu. Mais vous parents, ne fatiguez pas vos enfants pour qu’ils ne se découragent pas ».

Mais bien sûr, si tes parents te demandent des choses mauvaises, tu ne peux pas les accepter, tu as le devoir de refuser parce que, comme disait Saint Pierre : « il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’obéir aux hommes ». Par exemple, si tu es dans une société et que tes parents te demandent de prendre de l’argent dans la caisse parce qu’ils sont pauvres, ou bien si tes parents veulent te marier à un polygame, à quelqu’un de beaucoup plus âgé que toi ou à quelqu’un que tu n’aimes pas. Ou bien si tes parents veulent te conduire chez un marabout ou un féticheur quand ton enfant est malade, ou si tu es marié et que tu n’as pas d’enfant et que tes parents t’amènent une deuxième femme, ou bien qu’ils viennent de prendre, toi la femme, pour te marier avec un autre pour que tu puisses faire grandir la famille. Tout cela bien sûr nous ne pouvons pas l’accepter au nom de Dieu.

Nous les chrétiens nous avons de la chance parce que nous avons 3 bases solides pour construire nos familles.

La première base, c’est la Trinité. Dieu est Amour, Dieu est une Famille, Père Fils et Saint Esprit, et Il nous permet de nous aimer et de vivre en famille.

Nous avons aussi l’exemple de la Sainte Famille de Nazareth, mais en nous rappelant que cette famille était une famille élargie. Ils ne vivaient pas seulement entre eux trois, Marie Joseph et Jésus. Dès que Marie entend qu’Elisabeth est enceinte, elle va la retrouver et l’aider. Les frères de Jésus viennent Le suivre et Le chercher. Et à chaque fois que Jésus a du temps, Il retourne dans son village à Nazareth. D’ailleurs les gens le disent bien : est-ce qu’il n’est pas le fils de Marie ? Est-ce que ses frères ne sont pas parmi nous, Jacques, Jean, José, Jude et Simon et est-ce que ses sœurs ne vivent pas aussi au milieu de nous ? Nous vivons donc l’amour de Dieu le mieux possible en famille, entre parents et enfants, sans oublier le reste de nos parents et nos deux grandes familles qui ont fait alliance au moment de notre mariage.

Enfin, pour nous aider à réussir notre vie de famille, nous avons l’Eglise, la Famille de Dieu, et concrètement la famille de Dieu dans notre quartier, la CEB. C’est pour cela qu’il est si important de participer à nos réunions de CEB.

Le message final de la 1ère Assemblée du Synode sur la Famille

D’abord, il insiste sur ce qu’il y a de bon dans nos familles :

« Il y a de la lumière qui brille dans les maisons des villes mais aussi des banlieues, jusque dans les petits villages et les bidonvilles, qui se reçoit lorsque l’homme et la femme se retrouvent l’un en face de l’autre comme une aide qui lui convient (Genèse 2, 18), quand l’homme et la femme s’acceptent et se complètent car chacun des deux a besoin de l’autre, d’abord pour être soi-même, comme le dit la femme du Cantiques des Cantiques : « Mon Bien Aimé est à moi et moi je suis à lui, je suis à mon Bien Aimé et mon Bien Aimé est à moi (2, 16 + 6, 3) ».

Ensuite ce message explique les conditions : « pour que la vie de famille soit vraie, il faut commencer dès l’enfance à aimer et spécialement au moment des fiançailles qui sont un temps d’attente et de préparation. Cette rencontre devient totale dans le sacrement de mariage où Dieu met sa grâce et sa présence sur les mariés. Mais ce chemin passe aussi par la sexualité, la tendresse et la beauté du cœur, une beauté qui dure même beaucoup longtemps que la jeunesse. L’amour va avec « toujours » jusqu’à donner sa vie pour la personne qu’on aime (Jean 15, 13). C’est pour cela qu’on continue à s’aimer toute la vie malgré les nombreuses difficultés et les limites humaines. C’est l’un des plus beaux miracles que Dieu fait dans nos cœurs ».

A ce sujet, il est donc important que les parents eux-mêmes assurent l’éducation sexuelle de leurs enfants, qu’ils osent en parler sans honte, avec des mots simples, même si cela ne se faisait pas autrefois et si nous n’avons pas l’habitude. Si nous n’assurons pas l’éducation sexuelle de nos enfants, c’est la rue et les camarades qui vont les éduquer, et plus mauvais encore, les films pornographiques. Comment alors pourront-ils vivre leur sexualité d’une façon humaine et respectueuse.

Du côté des jeunes, il est important bien sûr de vivre la sexualité dans l’amitié et le respect. Ne pas se lancer dans des relations sexuelles, mais prendre le temps de se connaître et ensuite voir comment bâtir notre vie commune. Actuellement, déjà au niveau du collège, et même de l’école primaire, chaque jeune cherche à avoir son copain ou sa copine. C’est un appauvrissement très grave. Cela empêche de vivre une vraie mixité, et d’avoir ensuite un choix libre et réfléchi. Pour réussir son mariage il est important de vivre d’abord une vraie camaraderie et une amitié réelle, pour apprendre à aimer. Et aussi une mixité en groupe pour apprendre à connaître l’autre sexe avec son comportement et ses habitudes. Si on cherche à avoir trop vite un seul copain ou une seule copine, c’est un appauvrissement très grave qui nous empêche de choisir le mari ou la femme qui nous convient. Bien sûr cela est difficile. C’est pourquoi il est important que les jeunes appartiennent à des mouvements ou à des groupes pour apprendre à vivre ensemble, non seulement dans le respect, mais en ayant des activités et des engagements communs, en travaillant ensemble. Et pas seulement danser et s’amuser.

Un chrétien doit prier, mais il doit aussi travailler. C’est vrai aussi pour les jeunes. Le travail des élèves c’est de bien apprendre à l’école. Et pour ceux qui ne sont plus à l’école, d’apprendre un métier et de prendre sa part à la vie de la famille.

Il est important aussi de nous engager dans la société et de travailler avec les autres à construire nos familles. C’est ainsi que dans notre paroisse de Pikine, un certain nombre d’amicales de jeunes travaillent avec les ASC de quartiers. De même, l’association des femmes catholiques avec plusieurs groupements de femmes du quartier. Nous travaillons aussi avec l’ONG EQUITAS pour la formation des femmes, en particulier pour prendre leurs responsabilités dans la vie de la société, pour lutter contre la violence faite aux femmes et aux jeunes filles. Et aussi pour obtenir des actes de naissance aux enfants, spécialement les filles qui n’ont pas été déclarées à leur naissance, car cela leur entraîne beaucoup de difficultés par la suite. La commission Justice et Paix travaille aussi avec l’association ATD/Quart-Monde et la Caritas avec l’association Sopi Djiko qui prend en charge des personnes qui se droguent et leurs familles. Au conseil paroissial nous avons aussi décidé de lutter contre les violences et les bagarres dans les quartiers, et d’abord dans notre propre paroisse. Il y a eu des tentatives de viol. Et aussi des bagarres au couteau qui ont entraînés des blessures graves, à la fin de notre kermesse, etc.

Mais on doit reconnaître, qu’en général, que nous sommes trop peu engagés dans la société, que ce soit pour le bien des familles ou le bien du quartier. Chaque samedi des groupes et des associations se réunissent dans la grande salle de notre paroisse mais il y a trop peu de chrétiens qui participent à ces différentes activités dans la société : projets de développement, alphabétisation, éducation citoyenne, éducation pour la santé etc. Nous avons énormément de peine à mettre en place la mutuelle pour la CMU (Couverture Médicale Universelle). Pourtant cela pourrait beaucoup aider nos familles en cas de maladie. Nous devons construire notre famille mais aussi aider les autres familles, surtout les familles les plus nécessiteuses.

Les difficultés des familles : Le message final de la Première Assemblée du Synode du 18 octobre 2014 explique encore : « nous voulons parler des souffrances de la vie. Pensons à la souffrance de la famille quand un enfant est handicapé, qu’il est gravement malade, que les personnes âgées perdent la mémoire, et lorsqu’un membre de la famille meurt. Nous admirons la fidélité généreuse de beaucoup de familles qui vivent ces épreuves avec courage dont la foi et l’amour sont admirables. Elles considèrent que cette souffrance n’est pas quelque chose de forcé mais quelque chose qui leur a été donné, et elles offrent leur souffrance avec le Christ qui a souffert Lui-même.

Nous pensons aux difficultés économiques causées par une mauvaise organisation de la société et par l’amour trop grand de l’argent, par une économie qui ne respecte pas les hommes et qui, au contraire, les abaisse et leur enlève leur dignité. Nous pensons aux pères et aux mères de famille qui n’ont plus de travail et qui n’arrivent plus à nourrir leur famille, et à tous les jeunes qui se trouvent des journées entières à ne rien faire et sans espérance et livrés aux dangers de la drogue et de la violence.

Nous pensons aussi à toutes les familles pauvres, à tous ceux qui montent dans des pirogues pour aller chercher à l’étranger de quoi vivre, aux familles de réfugiés qui traversent les déserts sans rien faire et aussi à toutes les familles que l’on fait souffrir à cause de leur foi ou simplement des valeurs spirituelles et des droits de l’homme, à toutes les familles qui souffrent de la méchanceté, des attentats et des guerres.

Nous pensons aux femmes qui supportent la violence, qui sont exploitées et utilisées, aux enfants et aux jeunes qui souffrent des abus sexuelles, même de la part de leurs propres parents qui devraient pourtant bien s’occuper d’eux et les faire grandir dans la confiance. Nous pensons à toutes les familles qui sont en difficultés, qui sont humiliées, qui souffrent et ne sont pas respectées ».

Tout cela devrait nous faire réfléchir car ce sont nos problèmes à nous aussi. Le Pape François nous demande sans cesse d’aller à la périphérie de notre monde, c’est-à-dire ceux qui sont le plus loin, ceux qui souffrent le plus. Il nous demande de changer notre société, la société du déchet, où on jette comme des ordures, les gens qui n’ont pas de moyens ou qui ne sont pas rentables et productifs : les malades, les personnes âgées, les infirmes, les analphabètes, les chômeurs…. Le Pape a dit clairement à la rencontre de la FAO (Fonds des Nations Unies pour l’Agriculture et contre la Faim), que les pauvres n’ont pas besoin d’aumônes, ils ont besoin de respect, et de moyens pour sortir de la pauvreté.

Pour toutes ces choses, nous devons travailler avec nos municipalités. Nos communes sont devenues maintenant de plein droit, le 3ème Acte de la Décentralisation se met en place. Est-ce que nous les chrétiens nous y prenons notre part pour le bien des citoyens et de toute notre famille ?

Un point auquel nous devrions réfléchir sérieusement, c’est la question de l’argent. Il y a beaucoup de familles pauvres, mais aussi beaucoup de familles qui dépensent de l’argent dans de grandes fêtes aux baptêmes, à la première communion, aux mariages et qui n’ont plus rien ensuite pour vivre et se retrouvent enfoncées dans des dettes énormes. Il y a aussi toutes les dépenses énormes que nous faisons dans les enterrements, parce que les gens veulent nous forcer (la pression sociale). Il y a aussi tout l’argent que nous dépensons dans les CEB pour les fêtes patronales, et dans nos amicales pour faire des fêtes. Dans les chorales, l’argent que nous gagnons avec nos concerts est dépensé en repas, jumelage, fête ou sortie, au lieu d’aider les membres de nos groupes qui sont malades, qui vivent dans la pauvreté, les jeunes qui n’ont pas de quoi se payer des études et les fournitures, les jeunes travailleurs qui n’ont pas d’outils pour gagner leur vie. Sans parler de toutes les familles nécessiteuses autour de nous. Nous dépensons tout cet argent dans des soirées, des repas et des danses, cela est vraiment très grave. Il faut vraiment nous poser la question : comment gagnons-nous cet argent dans nos groupes, nos mouvements, nos associations et nos CEB ? Et comment utilisons-nous cet argent ? Est-ce obligé à chaque fois qu’il y a une manifestation, des JMJ, des rencontres de mouvements, on demande d’acheter des casquettes, des tee-shirts, des foulards et des tenues ? Tout cela fait souffrir les familles les plus pauvres. Nous avons beaucoup à changer à ce niveau.

Pour terminer, quelques autres extraits du message final de la 1ère rencontre pour le Synode sur la Famille.

* L’amour dans la famille passe par la fécondité. « Ce n’est pas seulement faire des enfants, mais aussi accueillir la vie de Dieu dans le baptême, éduquer nos enfants dans la vie humaine et dans la foi, leur apprendre la vie, l’amour et les valeurs qui nous font vivre. Et cela est possible avec les autres enfants, quand on ne peut pas en avoir soi-même. Les familles qui vivent cette aventure lumineuse deviennent pour tous un témoignage, en particulier pour les jeunes ». Cela pose le problème de la régulation des naissances, alors que l’on voudrait nous imposer la contraception (contre la conception, et contre la vie), et la santé reproductive des jeunes et la distribution de condoms, au lieu de leur assurer une véritable éducation sexuelle, et une saine préparation au mariage. Cela pose aussi la question de l’avortement que l’on voudrait faire autoriser par la loi. Nous les chrétiens, que faisons-nous par rapport à tout cela ?

* » Il y a une autre façon de vivre l’amour, la communion fraternelle, la charité, le don. C’est en étant proche de tous ceux qui sont oubliés, ceux qui sont mis de côté, les pauvres, les personnes seules, des malades, des étrangers, des familles en difficultés, nous devons nous rappeler cette parole de Notre Seigneur « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes 20-35). Il s’agit donc de partager ce que l’on a, pas seulement l’argent mais aussi les qualités, d’être présent à ceux qui souffrent, de leur apporter notre amour, d’avoir pitié d’eux. Mais aussi de donner un témoignage de vérité, de lumière et de sens donné à la famille ». Même dans nos familles, on pense trop à l’argent. Et il n’y a pas assez de gratuité dans notre Eglise.

* « On assiste de plus en plus à la diminution de la foi mais aussi des valeurs, à l’individualisme (on pense seulement à soi), à l’appauvrissement des relations, on ne partage plus assez avec les autres membres de la famille. Il y a aussi toutes les difficultés de la vie et la peur de l’avenir, et le travail qui nous prend beaucoup de temps et qui nous empêche de réfléchir à la vie de notre famille. A cause de cela, il y a de nombreux problèmes dans les familles et les mariages et souvent on manque de courage, de patience, de pardon, de réconciliation et même de sacrifices, pour trouver une solution à ses problèmes, on refuse de revoir ses torts, de se remettre en question pour changer sa vie. Cela entraîne en particulier beaucoup de divorces avec de nouvelles unions, des nouveaux mariages qui créent des situations de famille très difficiles et qui empêchent la vie chrétienne ».

* » Durant ce cheminement, qui s'avère parfois un sentier ardu avec ses difficultés et ses chutes, on retrouve toujours la présence et l'accompagnement de Dieu. La famille en fait l'expérience dans l'affection mutuelle et le dialogue entre époux et épouse, entre parents et enfants, entres frères et sœurs. Elle le vit aussi en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu et en partageant la prière commune : petite oasis spirituelle à mettre en place à un moment chaque jour. Il y a aussi l'engagement quotidien de l'éducation à la foi, à la beauté de la vie évangélique et à la sainteté. Ce devoir est souvent partagé et exercé avec beaucoup d'affection et de dévouement aussi par les grands-parents. Ainsi la famille se présente comme une authentique Église domestique, qui s'ouvre sur cette famille de familles qu'est la communauté ecclésiale. Les époux chrétiens sont alors appelés à devenir des maîtres dans la foi et dans l'amour également auprès des jeunes couples ».

Il est dont important que dans nos groupes, nos mouvements, nous prenions le temps de réfléchir à tout cela. Et aussi de préparer la 2ème session de ce Synode sur la famille en octobre 2015. Nous avons reçu les questionnaires en français simple pour cela, cherchons à y répondre le mieux possible et avec le plus grand nombre possible de gens et d’apporter nos réponses à la paroisse pour qu’elles remontent à nos évêques qui la porteront jusqu’à Rome


Quelques appels de « La joie de l'évangile »

On m’a demandé quelques réactions sur la lettre du Pape François » La Joie de l’Evangile ». J’ai déjà donné un certain nombre de réflexions dans mon article sur la vie consacrée : « J’attends de vous que réveilliez le monde » envoyé le 18-4-15. Aujourd’hui je voudrais m’arrêter à certains points plus particuliers que voici :

  1. L’approche positive du document et l’esprit dans lequel se situe cette réflexion.

  2. La loi et la miséricorde

  3. La joie de l'évangile

  4. L’évangélisation

  5. Des points essentiels

  6. Les pauvres

  7. La pastorale paroissiale

  8. L’inculturation de la vie chrétienne

1. L’approche positive

Par exemple au n° 76 : « Ne pas oublier tous les chrétiens qui donnent leur vie par amour : ils aident beaucoup de personnes à se soigner ou à mourir en paix dans des hôpitaux précaires, accompagnent les personnes devenues esclaves de différentes dépendances dans les lieux les plus pauvres de la terre, se dépensent dans l’éducation des enfants et des jeunes, prennent soin des personnes âgées abandonnées de tous, cherchent à communiquer des valeurs dans des milieux hostiles, se dévouent autrement de différentes manières qui montrent l’amour immense pour l’humanité que le Dieu fait homme nous inspire. Je rends grâce pour le bel exemple que me donnent beaucoup de chrétiens qui offrent leur vie et leur temps avec joie. Ce témoignage me fait beaucoup de bien et me soutient dans mon aspiration personnelle à dépasser l’égoïsme pour me donner davantage ».

Au sujet des villes (N° 71) : » La présence de Dieu accompagne la recherche sincère que des personnes et des groupes accomplissent pour trouver appui et sens à leur vie. Dieu vit parmi les citadins qui promeuvent la solidarité, la fraternité, le désir du bien, de vérité, de justice. Cette présence ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée. Dieu ne se cache pas à ceux qui le cherchent d’un cœur sincère, bien qu’ils le fassent à tâtons, de manière imprécise et diffuse ».

Au sujet des femmes (N° 212) ; » …nous trouvons tout le temps chez elles les plus admirables gestes d’héroïsme quotidien dans la protection et dans le soin de la fragilité de leurs familles »

Ce qui me semble important dans cette lettre, ce n’est pas seulement ce que dit François sur les différents points abordés, mais c’est aussi l’esprit dans lequel se situe toute cette réflexion. Par exemple au n°6 : » les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées ; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité ! […] Il est bon d’attendre en silence le salut du Seigneur » (Lm 3, 17.21-23.26).

Et au n°14 : »Beaucoup d’hommes cherchent Dieu secrètement, poussés par la nostalgie de son visage, même dans les pays d’ancienne tradition chrétienne. Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction ».

2. La loi et la miséricorde

Encore trop souvent dans notre Eglise, les prêtres commandent : ils expliquent la doctrine et ils disent ce qu’il faut faire (les commandements). Et les chrétiens viennent demander des permissions. Dans cette lettre, il me semble que c’est tout à fait le contraire. François appelle à la dignité des laïcs : qu’ils prennent leurs responsabilités, et qu’ils apprennent à exercer leur liberté d’enfant de Dieu. Jésus Lui-même a dit un jour (Luc 12,13) : « Mon ami, qui m’a donné le pouvoir, pour régler vos affaires, ou partager vos biens ? ». Et Il a laissé partir le jeune homme tout triste, qui gardait tous les commandements, mais qui n’a pas eu le courage de laisser l‘argent pour suivre Jésus (Luc 18,18). A une rencontre de préparation au mariage, un couple a posé la question de la régulation des naissances : « Parfois une nouvelle grossesse pose des problèmes sérieux à la femme ou au couple, pour des raisons de santé mais aussi de pauvreté, ou pour mieux éduquer les enfants quand les moyens sont limités ». Ce couple m’a alors demandé de leur donner la permission d’utiliser des contraceptifs, « parce que l’Eglise ne le permet pas, mais seulement les méthodes naturelles ». J’ai préféré les renvoyer à leur responsabilité : » Je n’ai pas de permission à vous donner. Et d’abord, pour quelles raisons voulez-vous limiter les naissances ? Sont-elles valables ? ». Il est clair que les méthodes naturelles sont les meilleures, pas seulement pour des motifs d’écologie humaine (respecter le fonctionnement normal du corps humain sans produit chimique, qui risque d’avoir des conséquences), mais surtout parce que ces méthodes aident à maîtriser sa sexualité et à dialoguer dans le couple en profondeur. Mais ensuite, il est bien évident que c’est au couple de voir, en conscience, sérieusement, dans la prière et devant Dieu, ce qu’il peut faire. A condition de ne pas se poser la question seulement au niveau des méthodes à choisir, mais surtout des motivations : pourquoi nous ne voulons pas avoir d’enfants pour le moment ? Est-ce que parce que nous sommes des nouveaux mariés, qu’un enfant coûte cher, et que nous préférons acheter d’abord un frigidaire ? Mais est-ce qu’un enfant n’est pas plus important qu’un frigidaire ? Est-ce pour être libre pour aller aux soirées dansantes, parce que quand on a un bébé, il faut s’en occuper et on n’est plus aussi libre pour les sorties ? Ou bien, est-ce par amour vrai de la femme, des enfants déjà nés ou des enfants à naître ? Que va devenir notre amour dans ces conditions ? Il me semble que cette lettre de François appelle les chrétiens à revoir leurs motivations, voir si elles sont évangéliques, et conformes à l’appel de Jésus. C’est bien un appel et un idéal qu’Il nous propose, et pas seulement des commandements. Il s’agit donc dans chaque situation, de se demander à quoi le Seigneur m’appelle-t-il ? De quoi suis-je capable dans ma situation actuelle ? Et comment faire, pour aimer le mieux possible Dieu et mon prochain, dans cette situation ?

A la même réunion, on m’a posé la question de l’homosexualité. Il est clair que l’Eglise est contre le mariage homosexuel. D’abord parce que ce n’est pas un mariage. Même si ces personnes vivent une vraie amitié, et un véritable amour. Un mariage c’est l’union d’un homme et d’une femme. L’Eglise est contre l’homosexualité mais elle ne peut pas être, à cause de l’amour du Christ, contre les homosexuels. Un chrétien ne peut pas accepter que l’on insulte les personnes ayant des tendances homosexuelles. Et encore moins qu’on les frappe et qu’on les mette en prison. Et c’est important que l’on prie pour eux, et avec eux, même si on ne peut pas leur donner la bénédiction du mariage. Le pape François a répondu à des journalistes, qui l’interrogeaient sur cette question : » Qui suis-je, moi, pour les condamner ? ». Jésus a dit, clairement et fortement : « Dieu n’a pas envoyé son Fils condamner le monde, mais le sauver » (Jean 3,17).

C’est la même chose pour les femmes qui ont avorté. Bien sûr ce qu’elles ont fait n’est pas bon. Mais pourquoi les mettre, en prison ? Ce n’est certainement pas cela qui va les aider à réfléchir, à se prendre en mains et à changer leur vie. Au contraire, se retrouvant avec des femmes condamnées pour d’autres actions criminelles, elles s’enfoncer dans la délinquance, au lieu d’être guéries et pardonnées. François affirme clairement au n° 213 : « Parmi ces faibles, dont l’Église veut prendre soin avec prédilection, il y a les enfants à naître, qui sont les plus sans défense et innocents de tous, auxquels on veut nier aujourd’hui la dignité humaine afin de pouvoir en faire ce que l’on veut, en leur retirant la vie (l’avortement), et en promouvant des législations qui font que personne ne peut l’empêcher ».

Mais en même temps, il dit au n°212 : » Doublement pauvres sont les femmes qui souffrent des situations d’exclusion, de maltraitance et de violence, parce que, souvent, elles se trouvent avec de plus faibles possibilités de défendre leurs droits. Cependant, nous trouvons tout le temps chez elles les plus admirables gestes d’héroïsme quotidien dans la protection et dans le soin de la fragilité de leurs familles ». C’est tout l’enjeu du synode actuel sur la famille : trouver l’équilibre entre la loi et la miséricorde. Et avoir le sens des étapes et voir les possibilités réelles des gens dans leur situation concrète. Ce n’est ni du relativisme, ni du laxisme.

Il nous faut donc apprendre à nous référer à Jésus Christ dans toute notre vie. Jésus était contre la prostitution, mais Il n’a pas condamné la prostituée. Il a préféré lui faire découvrir un amour vrai. Et grâce à cet amour, Il lui a pardonné et lui a permis de mener une vie nouvelle (Luc 7,40). C’est la même chose pour la samaritaine, qui avait eu 5 maris et vivait avec quelqu’un qui n’était pas son mari. Cela ne l’a pas empêchée d’aller faire connaître Jésus aux gens de son village (Jn 4). Jésus est contre l’adultère mais Il n’a pas condamné la femme adultère. Il l’a aidée à retrouver la paix, et lui a dit : « Va en paix ». Bien sûr Il lui a dit aussi « Ne pèche plus ». Il lui a donné sa force et son amour, pour qu’elle ne pêche plus. Et Il avait d’abord dit à ceux qui la condamnaient : »Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Jn 8,11). Et il n’est surtout pas question ici de condamner les femmes, comme on le fait trop souvent. Jésus a eu le même comportement avec Zachée (Luc 19), ou le 2° voleur sur la Croix (Luc 23,42).

Nous lisons au n° 209 : « Avoir soin de la fragilité. Jésus, l’évangélisateur par excellence et l’Évangile en personne, s’identifie spécialement aux plus petits. (cf. Mt 25, 40). Ceci nous rappelle que nous tous, chrétiens, sommes appelés à avoir soin des plus fragiles de la terre. Mais dans le modèle actuel de “succès” et de “droit privé”, il ne semble pas que cela ait un sens de s’investir afin que ceux qui restent en arrière, les faibles ou les moins pourvus, puissent se faire un chemin dans la vie ».

De même pour les jeunes, est-ce qu’on peut se contenter de leur dire : » il ne faut pas faire de relations sexuelles avant le mariage, et il ne faut pas utiliser le condom ». N’est-ce pas plus important de leur faire comprendre ce qu’est l’amour que Jésus nous a fait connaître, et l’importance de dominer sa sexualité ? Leur faire ainsi comprendre la signification profonde de la relation sexuelle, pour la vivre dans le respect de l’autre sexe et dans un amour vrai ? A ce moment-là, ils pourront choisir de ne pas avoir de relations sexuelles, parce qu’ils auront eu des raisons suffisamment motivantes pour cela. Ils pourront vivre leur sexualité, non seulement dans l’abstinence, mais dans la responsabilité, la liberté et l’amitié. Les jeunes n’ont pas besoin de condamnation : ils savent eux-mêmes dans leur cœur, que ce qu’ils ont fait est mauvais. Ils ont besoin d’accueil et d’une vraie éducation sexuelle (pas seulement une information sur le fonctionnement des appareils génitaux, ou d’une distribution gratuite de condoms).

Maintenant, si malgré tout, l’un ou l’autre jeune décide de faire des relations sexuelles, est-ce qu’il ne vaut pas mieux qu’il utilise le condom, pour ne pas attraper ni transmettre le sida. Dieu a dit « Tu ne feras pas l’adultère ». Mais Il a dit aussi « Tu ne tueras pas ». Et le sida tue. Dans ces conditions, utiliser un condom n’est-ce pas un début de responsabilité et d’un engagement envers l’autre, au lieu d’enceinter une fille et de lui dire ensuite : « tu te débrouilles, ce n’est pas mon problème ».

Ces réflexions posent la question de la façon dont on parle des personnes. On dit souvent c’est un homosexuel, c’est une lesbienne, c’est une prostituée, c’est un voleur. Ce n’est pas un homosexuel ou une lesbienne, c’est une personne qui a des tendances homosexuelles, mais c’est d’abord une personne humaine. Elle a sa dignité. Si elle l’a perdue, c’est justement notre responsabilité de l’aider à la retrouver en la responsabilisant comme Jésus l’a fait avec tous. Ce n’est pas un ou une prostituée, c’est une femme ou un homme qui se prostitue mais il reste toujours un enfant de Dieu. D’ailleurs souvent, est-ce qu’il n’a pas des excuses et est-ce que les autres n’ont pas une responsabilité dans ce qu’il a fait, aussi bien sa famille que la société ?

De même ce n’est pas un voleur, c’est une personne qui a volé. Et ce qu’il faut ce n’est pas seulement la condamner, même si c’est normal qu’elle paye sa faute mais dans des conditions humaines et non dégradantes comme cela se passe dans nos prisons actuellement. C’est d’abord contre les conditions d’emprisonnement que nous devons lutter beaucoup plus que pour la morale, et aider les détenus à changer, avoir des activités et leur offrir des moyens pour gagner leur vie dignement. 171. L’écoute des autres nous aide à découvrir le geste et la parole opportune qui nous secouent de la tranquille condition de spectateurs. C’est seulement à partir de cette écoute respectueuse et capable de compatir qu’on peut trouver les chemins pour une croissance authentique, qu’on peut réveiller le désir de l’idéal chrétien, l’impatience de répondre pleinement à l’amour de Dieu et la soif de développer le meilleur de ce que Dieu a semé dans sa propre vie.

Trop souvent dans notre pastorale et notre comportement avec nos frères et sœurs, nous avons une politique du tout ou du rien. Par exemple, si tu n’as pas encore célébré le sacrement de mariage, on te traite de concubinaire. Même si tu as célébré le mariage traditionnel, et qu’en plus tu t’es marié à la mairie. Est-ce que le mariage traditionnel n’est pas important ? Est-ce que ce n’est pas un mariage ? Est-ce que le mariage civil n’est pas déjà un engagement essentiel ? Les personnes qui ont fait ce mariage ne sont pas des concubinaires, ni des gens qui tentent un mariage à l’essai, même s’ils ne sont pas arrivés encore à la totalité de l’amour et de l’engagement, auxquels le Seigneur les appelle.

Cette attitude envers les personnes qui sous-tend cette lettre « La Joie de l’Evangile », doit nous interpeler profondément. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la 2ème session du Synode sur la famille : aller par étape dans nos exigences, en voyant ce que les gens sont capables de faire dans leur situation actuelle avec l’aide du Saint Esprit. Dans la miséricorde et le pardon du Seigneur, au lieu de les décourager et de les écraser. Jésus nous dit qu’il n’éteint pas la mèche qui fume encore, car il sait que les gens ne peuvent pas changer totalement d’un seul coup, ni dès le départ. Jésus vient nous rejoindre là où nous sommes, pour nous aider à avancer. Est-ce que la meilleure façon de faire, c’est d’appliquer la loi immédiatement et dans toute sa rigueur, sans comprendre les situations ni les personnes ? Sans doute que la prochaine lettre de François, à l’occasion de l’année de la Miséricorde, nous aidera à faire un pas dans ce sens. Il ne s’agit pas d’opposer la loi et la miséricorde, mais de voir domment coordonner ces 2 exigences, aussi importante l’une que l’autre.

3. La joie de l'évangile

Le Pape écrit au n° 10: « Il est clair qu’on ne peut pas annoncer l’Evangile qui est une Bonne Nouvelle, si on est triste et découragé. Ce serait le défigurer complètement ». Et il insiste (n°10) : » Que le monde puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux, mais de ministres de l’Évangile dont la vie rayonne de ferveur, qui ont les premiers reçu en eux la joie du Christ ». L’Evangile est une Bonne Nouvelle, une Parole de joie, et qui nous rend heureux.

Cela pose la question de la joie des chrétiens, mais aussi de la façon dont nous annonçons l’Evangile. Jésus a été sévère avec les pharisiens (Mat 23,1-36), qui pourtant étaient très sérieux, et faisaient beaucoup de jeûnes et de prières. Mais il n’y avait ni joie ni amour, dans leur cœur et dans leur vie. Trop souvent comme les pharisiens, nous croyant être les justes et les purs (les séparés), nous ajoutons à la pratique de notre foi, toutes sortes d’habitudes et d’interdits, de rites, de cérémonies et de pratiques, de dévotions spéciales révélées ou non, de rêves, d’apparitions, de révélations particulières et de messages en langue, de toutes sortes de chapelets et de litanies et de façons spéciales plus ou moins magiques de les réciter, de bénédictions et de protections. Tout cela n’a plus rien à voir avec l’Evangile, et transforme notre foi en magie, en fétichisme et en maraboutage soi-disant chrétien. Cela n’a plus rien à voir non plus, avec la religion populaire soutenue par l’Eglise.

Même si nous savons éviter ces déviations, nous faisons de l’Evangile une morale. Nous venons avec les commandements de Dieu : » il ne faut pas tuer, il ne faut pas voler, il ne faut pas faire l’adultère, il ne faut pas mentir, etc. » En oubliant ce que Jésus nous a dit de ces commandements (Mat 5 à 7). Et nous ajoutons encore des tas d’interdits : Il ne faut pas faire cela, c’est mauvais, c’est interdit….

D’abord, les gens connaissent déjà les dix commandements dans leur cœur, pas seulement les musulmans qui ont avec nous en commun Moïse et les prophètes, mais même ceux qui pratiquent les religions traditionnelles. De plus, déjà dans l’Ancien Testament, le commandement le plus important, comme le rappelle Jésus (Marc 12, 29-31), c’est : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toutes forces. Et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et Jésus lui-même nous donne un seul commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme Je vous ai aimés ». Nous avons tous soif d’amour et nous avons besoin d’aimer et d’être aimés, pour être heureux. « La joie de l’Evangile » nous demande donc de revenir à l’essentiel de l’Evangile. Nous ne sommes pas là pour fatiguer les gens, mais pour les libérer comme Jésus l’a fait, avec Lui et grâce à Lui. « Si vous demeurez dans ma Parole, la vérité vous rendra libres ».

François affirme (n°35) : » Quand on assume un objectif pastoral et un style missionnaire, qui réellement arrivent à tous sans exceptions ni exclusions, l’annonce se concentre sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire. La proposition se simplifie, sans perdre pour cela profondeur et vérité, et devient ainsi plus convaincante et plus lumineuse ».



4. L’évangélisation

Que nous dit François dans « la Joie de l’Evangile ?

La première chose c’est de nous laisser évangéliser nous-mêmes. N°264 : » La première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer toujours plus…La meilleure motivation pour se décider à communiquer l’Évangile est de le contempler avec amour, de s’attarder en ses pages et de le lire avec le cœur.

On ne peut pas annoncer l’évangile de Jésus en vérité, si on ne l’aime pas personnellement et profondément. N° 265 : »Toute la vie de Jésus, sa manière d’agir avec les pauvres, ses gestes, sa cohérence, sa générosité quotidienne et simple, et finalement son dévouement total, tout est précieux et parle à notre propre vie. Parfois, nous perdons l’enthousiasme pour la mission en oubliant que l’Évangile répond aux nécessités les plus profondes des personnes, parce que nous avons tous été créés pour ce que l’Évangile nous propose : l’amitié avec Jésus et l’amour fraternel.

Voir Jésus dans nos frères. N° 268 : » Pour être d’authentiques évangélisateurs, il convient aussi de développer le goût spirituel d’être proche de la vie des gens, jusqu’à découvrir que c’est une source de joie supérieure. La mission est une passion pour Jésus mais, en même temps, une passion pour son peuple ».

Il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus Christ dans le visage des autres, dans leur foi et dans leurs appels. N° 91 : » Une relation personnelle et engagée avec Dieu, nous engage en même temps avec les autres… Il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié, quand nous subissons des agressions injustes ou des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité ».

N° 12. » Bien que cette mission nous demande un engagement généreux, ce serait une erreur de la comprendre comme une tâche personnelle héroïque, puisque l’œuvre est avant tout celle du Christ, au-delà de ce que nous pouvons découvrir et comprendre. Jésus est « le tout premier et le plus grand évangélisateur ».

Comment Jésus a-t-il évangélisé ?

Déjà, Zacharie chante, à la naissance de son fils Jean Baptiste (Luc 1,70-79) : « Et toi, petit enfant, tu marcheras devant le Seigneur, pour préparer ses chemins… pour éclairer ceux qui sont dans la nuit et l’ombre de la mort, et pour conduire nos pas sur le chemin de la paix ». A Noël les anges chantent (Luc 2, 10-14) « Je vous annonce une Bonne Nouvelle, qui donnera la joie à tout le peuple : aujourd’hui un Sauveur vous est né… paix sur terre aux hommes que Dieu aime ». Dieu aime tous les hommes. C’est pour cela qu’Il fait connaître la naissance de son Fils, non pas aux chefs religieux d’Israël, mais d’abord à des pauvres, des hommes rejetés et traités de pécheurs, les bergers, (Luc 2). Et ensuite à des savants païens, venus de loin (Matthieu 2, 1-12). Avant de s’enfuir en Egypte, là où Dieu avait déjà délivré son peuple esclave, au temps de Moïse. Jésus a été un refugié, car le roi Hérode voulait le tuer. Il a grandi dans un autre peuple, chez nous en Afrique. Quand Marie et Joseph présentent leur enfant au Temple, pour le donner à Dieu, Siméon chante : « Il est le Salut, que Tu as préparé pour tous les peuples. Il est la Lumière, qui te fera connaître à toutes les nations du monde » (Luc 2, 30-32). Jésus dira lui-même : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12,32). Cette idée que Dieu aime et sauve tous les hommes était déjà très présente, dans la Première Alliance (Par exemple Isaïe 12,4; 54,2 ; 56,7).

L’Evangile s’adresse d’abord aux pauvres et aux petits de la société, à ceux qui souffrent et sont traités injustement. Quand Jésus à Nazareth explique sa mission, Il reprend justement le prophète Isaïe, en disant : « L’Esprit de Dieu est sur moi, Il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être délivrés, que les aveugles vont voir à nouveau, et que ceux qui sont écrasés vont être relevés » (Luc 4, 18,21). Par conséquent c’est très clair : L’Evangile est pour tous, et d’abord pour les pauvres. Annoncer l’Evangile, ce n’est pas d’abord parler. C’est chercher à libérer les prisonniers, et les aveugles de toutes sortes : dans leur cœur, comme dans leurs corps (Luc 4, 18-21).

De même, Jean Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7,20-23). Jésus répond : « Allez dire à Jean, ce que vous avez vu et entendu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont rendus purs, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Cela nous montre bien que l’évangélisation ce sont des actions (construire le Royaume), et pas seulement des paroles. Comme le dit Jésus : « Voyez ce que je fais ». Quand Jésus annonce l’Evangile, il commence par guérir les malades (Matthieu 15,29). C’est seulement ensuite, qu’Il dit : « Le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous ». Il nourrit la foule (Jean 6, 1), avant d’enseigner qu’Il est le Pain de la vie (Jean 6, 25). Il chasse les esprits mauvais, avant de dire qu’Il est le Sauveur. Il guérit l’aveugle de naissance, avant d’enseigner qu’Il est la lumière du monde…. Cela nous montre le chemin à suivre pour l’évangélisation. En effet, nos actions sont plus fortes que nos paroles. L’évangélisation c’est une question de témoignage. Car on peut nous empêcher de parler, mais on ne peut pas nous empêcher de vivre l’Evangile. Comme le dit Jésus : « On vous amènera devant les tribunaux… et ce sera pour eux un témoignage » (Matthieu 10, 18). Tous les hommes ont envie d’être heureux. Si nous sommes heureux en vivant de l’Evangile, ils auront envie de venir avec nous, pour rencontrer le Christ. Car l’Evangile est une Bonne Nouvelle.

L’Evangile est action de grâces. C’est vraiment une Bonne Nouvelle, pour tous. Le Royaume de Dieu nous devons d’abord l’accueillir en nous-mêmes. Et savoir qu’avant que nous parlions à nos frères, le Saint Esprit a déjà travaillé dans leurs cœurs. C’est Jésus qui construit son Royaume, et non pas nous. Nous ne faisons que travailler avec Lui. C’est pour cela que nous prions : « Que Ton Règne vienne sur la terre ». Et nous cherchons à voir Jésus qui agit dans le monde, dans le cœur et dans la vie des hommes. Nous cherchons à connaître les signes du Royaume qui grandit parmi nous, pour dire merci à Dieu. Comme Jésus qui dit à ses apôtres : « Ne soyez pas heureux, parce que vous voyez Satan tomber. Soyez plutôt heureux, parce que vos noms sont écrits dans le ciel ». Et Jésus prie en disant : « Père, Je te dis merci. Parce que Tu as caché les merveilles de Ton Royaume aux sages et intelligents, et tu l’as fait connaître aux petits » (Luc 10,20-23).

L’Evangile est accueil de tous. Jésus traverse sans arrêt les frontières, pour aller de l’autre côté du Jourdain (Marc 10, 1), en Samarie (Jean 4,4), ou dans la région de Génésareth (Marc 6, 53). Il guérit les malades, et ceux qui sont possédés des esprits mauvais, sans rejeter personne. Il enseigne tout le monde sans distinction. Il aime tous les hommes. Il est accueillant à tous. Mais plus que cela, Il reconnaît l’action de l’Esprit Saint dans le cœur des païens. Il admire leur foi, et Il en rend grâce à Dieu son Père. Il remarque que c’est seulement le lépreux samaritain, qui vient lui dire merci d’être guéri. Il dit de l’officier romain (Mat 8,10) « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Et Il en tire la conclusion : « Ils viendront de l’est et de l’ouest, et prendront place à table, au repas du Royaume ». Nous ne pouvons pas oublier que, au moment de recevoir le Corps du Christ dans la communion, c’est la prière d’un païen, cet officier, que nous disons : » Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes chez moi, mais dis seulement une parole, et je serai guéri ». De même, Jésus envoie la Samaritaine, une païenne, une femme de mauvaise vie, pour le faire connaître aux gens de son village, des samaritains, des païens eux aussi (Jean 4,28). Et c’est une femme syrienne qui lui fait comprendre, qu’Il est envoyé par son Père à tous les hommes : « Les chiens sous la table mangent les morceaux, que les enfants font tomber » (Marc 7,28).

L’évangélisation demande aussi une préparation. Comme Jésus s’est préparé à Nazareth, jusqu’à l’âge de 30 ans. Nous n’avons jamais fini de comprendre la Parole de Dieu, que nous voulons annoncer. Et que nous voulons vivre.

L’évangélisation est un appel à la conversion. Jésus ne manque pas de dire aux pharisiens ce qu’a fait le prophète Jonas, pour appeler les païens de Ninive à changer de vie. Et la reine de Saba, qui est venue écouter le Roi Salomon (Mt 11, 20-25). Et avant de monter au ciel, il dira à ses disciples « Allez annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toute la création » (c’est le respect de la Création, l’écologie). Mais pour cela, les disciples doivent « chasser les esprits mauvais, et parler des langues nouvelles » (Mc 16,18). On pourrait citer de nombreux autres passages de l’Evangile qui vont dans le même sens.

Paul a consacré toutes ses forces, à mettre en place des communautés chrétiennes, dans tout l’empire romain. Mais il voulait des communautés ouvertes et missionnaires, qui annoncent l’Evangile à tous. Il s’écrie « Malheur à moi, si je n’annonce pas l’Evangile » (pas seulement : malheur à moi, si je n’implante pas l’Eglise : 1°Cor 9, 16). Il affirme : « Dieu ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour évangéliser » (1° Cor 1,17). Et Il ajoute : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1° Ti 2,4).

4. L’évangélisation

François écrit (n° 250) : » Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non chrétiennes, malgré les divers obstacles et les difficultés, en particulier les fondamentalismes des deux parties. Ce dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix dans le monde, et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses. Ce dialogue est, en premier lieu, une conversation sur la vie humaine, une « attitude d’ouverture envers eux partageant leurs joies et leurs peines. Ainsi, nous apprenons à accepter les autres dans leur manière différente d’être, de penser et de s’exprimer. De cette manière, nous pourrons assumer ensemble le devoir de servir la justice et la paix, qui devra devenir un critère de base de tous les échanges ».

L’Evangile est pour tous les hommes. Jésus dit (Jean 14, 6) : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Personne ne peut aller vers le Père, sans passer par Moi ». Mais alors comment les non chrétiens qui ne reconnaissent pas Jésus Christ comme le Fils de Dieu notre Sauveur, pourront-ils aller vers le Père ? L’Evangile de la fin du monde (Matthieu 25, 31-40) nous dit : « Tout ce que tu fais au plus petit de tes frères, c’est à Jésus que tu le fais ». Jésus s’adresse à tous les hommes : c’est le Jugement dernier. Cela nous montre bien que ce n’est pas obligatoire de croire en Jésus, pour lui donner à boire. Ce n’est pas obligatoire d’être un disciple de Jésus, pour être son frère. Il suffit d’aimer les plus petits. D’ailleurs cela Jésus l’explique plusieurs fois. Par exemple, dans Matthieu 10, 40 : « Celui qui vous reçoit, c’est Moi qu’il reçoit. Et celui qui me reçoit, il reçoit le Père qui m’a envoyé ». Et aussi Matthieu 18, 5 : « Celui qui reçoit un enfant à cause de Moi, il Me reçoit moi-même ». Marc 9, 37 : « Celui qui me reçoit, il ne me reçoit pas seulement moi-même mais aussi le Père qui m’a envoyé. Luc 10, 16 : « Celui qui vous écoute, il M’écoute ». Voir aussi Luc 13, 20

Dans l’Apocalypse, Jésus dit : « Ecoute, Je me tiens à la porte et Je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, J’entrerai chez lui. Je mangerai avec lui et Il mangera avec Moi » (3, 20). Et nous savons bien que l’Esprit de Jésus parle dans le cœur de tous les hommes, sans distinction. Comme Jésus lui-même l’a expliqué (Mat 12,46) : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux ». Evangéliser c’est justement aider toutes ces personnes à vivre davantage les valeurs de l’évangile et de vivre à la manière de Jésus-Christ dans leur propre religion. A ce moment-là, ils sont dans le Royaume de Dieu. Et quand nous cherchons à rencontrer le Christ dans nos frères et dans nos sœurs, nous sommes nous-mêmes évangélisés. Dès le début de la Bible, on dit : « Dieu crée l’homme à son image et à sa ressemblance ». C’est la base à la fois de la dignité de toute personne humaine, et la possibilité pour chacun d’entrer dans le Royaume de Dieu.

Jésus est présent dans tous les hommes et c’est le travail de l’Eglise de faire comprendre cette présence de Jésus en tout homme. 20 : » Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile »

252. La relation avec les croyants de l’Islam acquiert à notre époque une grande importance. Ils sont aujourd’hui particulièrement présents en de nombreux pays de tradition chrétienne, où ils peuvent célébrer librement leur culte et vivre intégrés dans la société. Il ne faut jamais oublier qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour ». Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens ; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération ; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux. En même temps, beaucoup d’entre eux ont la profonde conviction que leur vie, dans sa totalité, vient de Dieu et est pour lui. Ils reconnaissent aussi la nécessité de répondre à Dieu par un engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres ».

Il est sûr qu’à travers les mouvements d’Action Catholique, et les activités sociales de l’Eglise, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent. Un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple au moment du Ramadan, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion, grâce à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore pour vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie, grâce à leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et aussi de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

N° 251 : » L’Évangélisation et le dialogue interreligieux, loin de s’opposer, se soutiennent et s’alimentent réciproquement ». Mais la communauté chrétienne reste trop centrée sur elle et enfermée dans ses problèmes, ce qui à mon avis, est en opposition directe avec une nouvelle évangélisation. On est prêt à accueillir les gens chez nous, mais beaucoup moins à aller vers eux. Et encore moins à accueillir les valeurs et les richesses spirituelles qu’ils peuvent nous apporter. Cela entraîne un appauvrissement très grave de notre Eglise.

Nous cherchons davantage à être exemplaires, qu’à permettre aux non chrétiens de vivre les valeurs de l’Evangile. Nous ne cherchons donc pas tellement à permettre aux musulmans de mieux connaître Jésus Christ, en allant plus loin que ce qu’il en est dit dans le Coran, pour qu’ils vivent dans l’esprit de l’Evangile, à la manière de Jésus Christ, même s’ils restent musulmans.

Car l’Evangile s’adresse à tout le monde. C’est évident, si on regarde la vie de Jésus. Il traverse sans arrêt les frontières pour aller de l’autre côté du Jourdain (Marc 10, 1), en Samarie (Jean 4,4) ou dans la région de Génésareth (Marc 6, 53). Il guérit les malades et ceux qui sont possédés des esprits mauvais, sans rejeter personne. Il enseigne tout le monde, sans distinction de race ni de religion. Il aime tous les hommes, Il est accueillant à tous. Mais plus que cela, Il reconnaît l’action de l’Esprit Saint dans le cœur des païens, et Il en rend grâce à Dieu son Père. Il remarque que c’est seulement le lépreux samaritain, qui vient lui dire merci d’être guéri. Il dit à la foule en montrant l’officier romain (Mat 8,10) « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Et Il en tire la conclusion : « Ils viendront de l’est et de l’ouest, et prendront place à table au repas du Royaume, avec Abraham (Ibrahima), Isaac (Issakha) et Jacob (Yakhouba)». Les musulmans sont eux aussi fils d’Abraham. Nous avons les mêmes 1° prophètes. Et nous ne pouvons pas oublier qu’avant de recevoir le Corps du Christ dans la communion, c’est la prière d’un païen, cet officier, que nous disons : » Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes chez moi, mais dis seulement une parole, et je serai guéri » (Mat 8,8). Nous ne pouvons pas recevoir le Corps du Christ dans la communion, si nous ne sommes pas en communion avec tous, chrétiens ou non. De même, c’est la Samaritaine, une païenne, une femme de mauvaise vie, qui va faire connaître Jésus aux gens de son village, des samaritains, des païens eux aussi (Jean 4,28). C’est une femme syrienne qui fait comprendre à Jésus, qu’Il est envoyé par son Père à tous les hommes : « Même les chiens sous la table mangent les morceaux, que les enfants font tomber » (Marc 7,28).

Jésus dira lui-même : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12,32). Et avant de monter au ciel il dira à ses disciples « Allez annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toute la création». En leur disant que pour cela ils doivent « chasser les esprits mauvais et parler des langues nouvelles » (Marc 18,18). Il ne manque pas de rappeler aux pharisiens ce qu’a fait le prophète Jonas, pour appeler les païens de Ninive à la conversion. Et la reine de Saba qui est venue écouter le Roi Salomon. Et Il dit : « il y a plus ici que Salomon » (Matthieu 11, 20-25)). On pourrait continuer à citer de nombreux autres passages de l’Evangile qui vont dans le même sens. Les avons-nous compris ? Est-ce que trop souvent, nous ne les appliquons pas qu’à nous-mêmes les chrétiens, en oubliant les autres ? Nous aimons Jésus. Mais est-ce que nous cherchons à agir comme Lui ? Et à Le faire aimer par tous ?

Le royaume de dieu

L’évangélisation c’est accueillir le Royaume. François explique (n° 180) : » En lisant les Écritures, il apparaît du reste clairement que la proposition de l’Évangile ne consiste pas seulement en une relation personnelle avec Dieu. La proposition est le Royaume de Dieu (Lc 4, 43) ; il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde. Dans la mesure où il réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous. Donc, aussi bien l’annonce que l’expérience chrétienne tendent à provoquer des conséquences sociales. Cherchons son Royaume : « Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33). Le projet de Jésus est d’instaurer le Royaume de son Père ; il demande à ses disciples : « Proclamez que le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 10, 7 »).


Jésus dit : « Le Royaume des Cieux s’est approché de vous ». Et Il parle très souvent de la Bonne Nouvelle du Royaume (Matthieu 4, 23 – Matthieu 9, 35 – Luc 4, 43 etc.). Jésus nous a appris à prier ainsi : « Notre Père… que Ton Règne (ton Royaume) vienne ». Le Royaume c’est vraiment ce qu’il y a de plus important. Comme le dit encore Jésus (Matthieu 6,33) : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et Dieu vous donnera tout le reste en plus ». Jésus, le nouveau Moïse, prononce ces paroles en haut de la montagne. Elles s’adressent à tous les hommes, comme les béatitudes. Pas seulement aux chrétiens. Le Royaume c’est un trésor, une perle fine (Matthieu 13, 44-45) pour lequel nous sommes prêts à tout laisser.

Le Royaume, c’est d’abord Jésus lui-même. C’est Lui que nous aimons, c’est avec Lui que nous vivons, c’est autour de Lui que nous nous rassemblons. Jésus disait : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, Je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18, 20). Le Royaume, c’est vivre avec Jésus, et comme Lui.

Le Royaume de Dieu n’est pas au ciel, il est sur la terre, comme nous l’a dit Jésus dans la prière du Notre Père « Que Ton Règne vienne, Que Ta Volonté soit faite, sur la terre comme au ciel ». Le Royaume, c’est commencer à vivre déjà sur la terre, comme nous vivrons au ciel. Le Royaume est pour tous, pas seulement pour les chrétiens. Et Dieu y appelle sans cesse de nouvelles personnes, comme le maître a appelé les ouvriers aux différentes heures de la journée (Matthieu 20,1). Le Royaume est pour tout le monde, car Jésus « a racheté pour Dieu, des hommes de toutes tribus, de toutes langues, de tous peuples et de toutes nations » (Apocalypse 5,10). Cela, Dieu le disait déjà, par la bouche d’Isaïe (56,7): »Ma maison s’appellera : maison de prière pour tous les peuples ». Et Jésus explique « Il y a beaucoup de places, dans la maison de mon Père » (Jean 14, 2).

Le Royaume, comme l’Evangile, est d’abord pour les pauvres et pour ceux que l’on fait souffrir à cause de la justice (comparer Matthieu 5, 3 + 10 et Luc 4, 18-21). C’est donc à eux que nous annonçons l’Evangile en premier. Et aussi aux pécheurs, et aux hommes et aux femmes de mauvaise vie. Jésus l’a dit avec force : « Les récolteurs d’impôts (publicains) et les prostituées arriveront avant vous, dans le Royaume de Dieu » (Matthieu 21, 31).

François commente (N°278) : » La foi signifie croire en Jésus, croire qu’il nous aime vraiment, qu’il est vivant, qu’il est capable d’intervenir mystérieusement, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il tire le bien du mal par sa puissance et sa créativité infinie. Nous croyons à l’Évangile qui dit que le Règne de Dieu est déjà présent dans le monde, et qu’il se développe comme une petite semence qui peut grandir jusqu’à devenir un grand arbre (Mt 13, 31) »

-Quels sont les signes de ce Royaume, qui nous montrent ce que nous devons faire, pour qu’il arrive parmi nous ? En premier, c’est l’Amour. Quand l’enseignant de la loi rappelle le commandement de Moïse « Tu aimeras le Seigneur Ton Dieu de tout ton cœur… tu aimeras ton prochain comme toi-même », Jésus lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » (Matthieu 12, 34). Comme nous le dira Jésus, à la fin du monde « Venez, vous qui êtes les bénis de mon Père. Recevez le Royaume qu’Il a préparé pour vous, depuis le début du monde… car j’ai eu faim, vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif, j’étais étranger, nu, malade, en prison…vous m’avez accueilli et aidé ». Et Jésus ajoute : » Tout ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que tu l’as fait » (Matthieu 25, 40). Il ne s’agit donc pas seulement aimer, mais de reconnaître dans tout homme un enfant de Dieu, et un frère ou une sœur de Jésus. C’est de cette façon-là, que nous pouvons vraiment évangéliser. Et accueillir tous les hommes dans le respect, et sans distinction. Evangéliser et faire venir le Royaume, c’est pardonner et avoir pitié de nos frères (Matthieu 18, 23).

C’est en même temps être patient. Et supporter le mal qui est dans le monde avec espérance, comme le maître attend le temps de la moisson, pour brûler la mauvaise herbe (Matthieu 13, 24). Le Royaume c’est se faire petit devant Dieu et devant les hommes, comme un enfant (Matthieu 18, 1). Et se faire le serviteur de tous, comme Jésus a lavé les pieds de ses apôtres (Jean 13). Le Royaume, nous demande de laisser le mal, comme le dit Jésus dès le début de sa mission : « Le Royaume de Dieu s’est approché de vous. Changez de vie, et croyez à la Bonne Nouvelle de l’Evangile » (Marc 1,15). Le Royaume est comme un filet, qui attrape toutes sortes de poissons, et que les anges viendront trier à la fin du monde (Matthieu 13, 47). Ce n’est donc pas à nous de choisir les gens.

Tout cela nous demande d’agir en vérité. Car « ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux. Mais ceux qui font la volonté de mon Père « (Matthieu 7, 21). Et Paul explique : « le Royaume de Dieu ce n’est pas une affaire de paroles, mais de puissance (dans l’Esprit Saint)» (1ère aux Corinthiens 4, 20), « ce n’est pas une question de nourriture ou de boisson, mais de justice, de paix et de joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14, 17). Le Seigneur nous demande donc d’écouter le Saint Esprit, pour « tirer de notre trésor, de l’ancien et du nouveau ». Et de nous adapter au monde de ce temps (Matthieu 13, 52). De commencer tout petit, comme la graine de moutarde, qui est la plus petite des graines (Matthieu 13, 21). Et ensuite de grandir peu à peu, et d’étendre nos bras pour accueillir nos frères, comme l’arbre étend ses branches pour que les oiseaux viennent se reposer. Et qu’ils puissent ensuite repartir librement, poursuivre leur propre chemin (Matthieu 13, 31).

Il s’agit de partager la vie des hommes, et de nous engager dans la société. Comme le levain doit être mélangé à la pâte pour agir, et la faire lever toute entière (Matthieu 13, 33). Jésus a dit à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Mais Il ajoute « Je te donnerai les clés du Royaume ». Pas seulement les clés de l’Eglise (Matthieu 16, 19). L’Eglise doit donc être au service du Royaume. « Un règne sans limite et sans fin, règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (Préface du Christ Roi). Il s’agit de faire grandir la paix, partout dans le monde, ensemble avec tous les hommes de bonne volonté. Saint Paul explique (Rom 14,17-19) : » Le Royaume de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. Celui qui sert le Christ de cette manière, il plaît à Dieu, et il est accepté par les hommes. Recherchons donc ce qui sert à la paix. Et ce qui nous unit les uns aux autres, pour construire ce Royaume ».

On retrouve ces différents points, tout au long de « la Joie de l’Evangile ».On pourra lire aussi avec intérêt une présentation du Royaume de Dieu, d’après la Bible de Jérusalem : Introduction aux Evangiles synoptiques.

5. Des points essentiels

Dans toutes ses interventions, le Pape François insiste sur plusieurs points importants. D’abord, il nous demande sans cesse d’aller à la périphérie, c’est-à-dire d’aller auprès de ceux qui sont loin. Ne pas rester enfermés dans l’Eglise, mais aller vers les plus pauvres, ceux qui sont abaissés, rejetés, mis à l’écart. Ce n’est pas une question de kilomètres. François note bien que dans les villes. N° 75 : « Nous ne pouvons ignorer que dans les villes le trafic de drogue et de personnes, l’abus et l’exploitation de mineurs, l’abandon des personnes âgées et malades, diverses formes de corruption et de criminalité augmentent facilement. En même temps, ce qui pourrait être un précieux espace de rencontre et de solidarité, se transforme souvent en lieu de fuite et de méfiance réciproque… Le sens unitaire et complet de la vie humaine que l’Évangile propose est le meilleur remède aux maux de la ville, bien que nous devions considérer qu’un programme et un style uniforme et rigide d’évangélisation ne sont pas adaptés à cette réalité. Mais vivre jusqu’au bout ce qui est humain et s’introduire au cœur des défis comme ferment de témoignage, dans n’importe quelle culture, dans n’importe quelle ville, perfectionne le chrétien et féconde la ville. Dans tout cela, il est important de garder l’espérance et d’avoir un regard positif, comme François l’ajoute. N° 20 : » Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile ». Et il insiste. N°49 : » Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille. ». C’est très clair !

-Sa deuxième idée forte, c’est de lutter contre la société du déchet, où on ne respecte pas les gens. On les exploite le plus possible, sans aucun respect de leur dignité. Et ensuite, si on ne peut plus rien en tirer, on les considère comme des ordures que l’on pmeutt jeter au dehors : tous ceux qui ne sont pas rentables ou qui sont malades, infirmes, analphabètes ou trop âgés, tous ceux-là on les rejette.

-Cela va ensemble avec la priorité aux pauvres. François l’a rappelé en particulier à la FAO : « Les pauvres n’ont pas besoin d’aumône, ils ont besoin de dignité et de formation ». A Rome, le 11 juin 2015, il leur a rappelé le droit à la nourriture pour tous. Et il a invité à un style de vie sobre pour vaincre la faim, car c'est possible! Et dans un tweet publié le même jour, il dit avec force : « Là où il n’y a pas de travail, il n’y a pas de dignité. 

Dans « La joie de l’Evangile », le pape dit : « Non à une économie de l’exclusion. “Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. Comme conséquence de cette situation, de grandes masses de population se voient exclues et marginalisées : sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie” (n° 53). Il invite à réagir : «  De même que le commandement de “ne pas tuer” pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire “non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. Une telle économie tue », dénonce encore le pape » (n° 53).

Il faudra un gros effort de réflexion, de formation et d’engagement, pour répondre à ces interpellations très fortes, dans nos conditions économiques, sociales et politique de pays d’Afrique noire. Mais il est sûr que tant que nous nous laisserons commander par le FMI, la Banque mondiale ou les grandes multinationales, et tant que nous compterons sur les dons des pays riches et industrialisés, occidentaux ou autres, au lieu de compter sur nos propres forces, et de bâtir notre avenir sur nos valeurs culturelles propres, rien de profond ni de durable ne se fera dans le pays.

6. Les pauvres

Le Pape François reprend l’enseignement DE LA DOCTRINE SOCIALE sur les pauvres, et cet enseignement est toujours à approfondir. 187 : » Le Père qui est bon veut écouter le cri des pauvres : « J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer […] Maintenant va, je t’envoie… » (Ex 3, 7-8.10), L’ancienne question revient toujours : « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » (1 Jn 3, 17). Souvenons-nous aussi comment, avec une grande radicalité, l’Apôtre Jacques reprenait l’image du cri des opprimés : « Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées » (5,4).

Cela demande que nous donnions d’abord aux pauvres leur place dans la société, en commençant par notre Eglise, nos paroisses et nos CEB. Que d’abord ils soient accueillis et respectés. Et qu’ils soient écoutés. Car nous venons avec nos idées toutes faites, pour les aider selon nos idées, et comme nous le voulons. Mais ce sont eux qui vivent la pauvreté. Ce sont eux qui peuvent nous dire comment en sortir, et quels sont leurs vrais besoins. Tant que l’aide aux pauvres et le développement seront décidés dans les bureaux, que ce soit ceux de la Caritas, des ONG ou des ministères, rien de valable ne se fera.

N° 198 : » l’Église a fait une option pour les pauvres, entendue comme une « forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l’Église ». Je désire une Église pauvre pour les pauvres. Ils ont beaucoup à nous enseigner. En plus de participer au sensus fidei (la compréhension de la foi), par leurs propres souffrances, ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux. La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux ». François nous rappelle que les pauvres ont beaucoup à nous enseigner. Or trop souvent, dans l’Eglise, nous sommes prêts à les aider, mais pas à les écouter. Il ne s’agit pas seulement de faire l’aumône, que nous faisons d’ailleurs souvent par intérêt personnel : pour ne pas avoir d’accident en route, pour réussir son examen ou trouver du travail, pour avoir la bénédiction de Dieu…Où est l’amour et le respect des pauvres dans tout cela ? Dans notre pays à très grande majorité musulmane qui nous influence, nous sommes très centrés sur l’aumône et cette aumône est vécue comme un devoir religieux à accomplir plus que comme un véritable acte de charité.

186 : » De notre foi au Christ qui s’est fait pauvre, et toujours proche des pauvres et des exclus, découle la préoccupation pour le développement intégral des plus abandonnés de la société ». Le développement intégral, c’est le développement « de tout l’homme, et de tous les hommes ». C’est permettre à tous les hommes de vivre d’une manière humaine, digne et respectée, dans toute leur personne. Pas seulement leur donner à manger ou les soigner, même si cela est nécessaire, et qu’on doive commencer par cela. Le lancement des CMU (couverture médicale universelle) pourrait être une première étape pour que les populations elles-mêmes prennent leur santé en main. Malheureusement, elles sont très réticentes à se lancer dans cette voie. Et les communautés chrétiennes ne s’y sont malheureusement pas engagées, à part quelques exceptions. Cela pose tout le problème de la Caritas.

N° 197 : » Les pauvres ont une place de choix dans le cœur de Dieu, au point que Lui-même s’est fait pauvre » (2 Co 8, 9). L’attention aux pauvres ce n’est donc pas seulement une question de charité, c’est d’abord une question de foi. Si je crois en un Dieu qui est près des pauvres, et qui veut les sauver, je dois obligatoirement m’engager de leur côté.

Quand nous accueillons les pauvres, ce n’est pas nous qui leur apportons quelque chose, ce sont eux qui nous aident à devenir vraiment enfants de Dieu et Famille de Dieu. Nous recevons beaucoup plus que ce que nous apportons. Nous recevons Jésus Lui-même parmi nous. Mais sommes-nous prêts à recevoir ce que Dieu veut nous apporter par les pauvres ? Et à recevoir Jésus, « l’ami des petits et des pauvres » ?

Ainsi François nous demande :

  1. De nous attaquer aux causes structurelles de la pauvreté.

  2. De travailler au développement intégral des pauvres.

  3. De créer une nouvelle mentalité qui pense en termes de communauté, de priorité, de la vie de tous, sur l’appropriation des biens par quelques-uns. (188)

N° 188 : » Dans ce cadre on comprend la demande de Jésus à ses disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37), ce qui implique autant la coopération pour résoudre les causes structurelles de la pauvreté et promouvoir le développement intégral des pauvres, que les gestes simples et quotidiens de solidarité devant les misères très concrètes que nous rencontrons. Le mot “solidarité” est un peu usé et, parfois, on l’interprète mal, mais il désigne beaucoup plus que quelques actes sporadiques de générosité. Il demande de créer une nouvelle mentalité qui pense en termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns ».


Les chrétiens des classes aisées sont souvent prêts à faire la charité au moment du carême, et aussi à s’engager dans la paroisse, mais beaucoup moins à s’engager dans la société pour changer les structures économiques du pays, qui font que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. La Caritas devrait jouer ce rôle de changement de mentalité de toute la population, mais elle se contente souvent de distribution, ou au mieux, de petits projets de développement souvent financés par l’extérieur. Elle ne pousse pas la population à s’engager et à agir en comptant d’abord sur ses propres forces. Elle agit à l’intérieur de la communauté, mais elle ne pousse pas les chrétiens à s’engager dans les actions sociales des municipalités ou des ONG, pour agir avec tous pour le développement de tous. François note qu’une telle action implique éducation, accès à l’assistance sanitaire et surtout au travail avec un salaire juste (N° 192) : » Mais nous désirons encore davantage, et notre rêve va plus loin. Nous ne parlons pas seulement d’assurer à tous la nourriture, ou une « subsistance décente», mais que tous connaissent « la prospérité dans ses multiples aspects ». Ceci implique éducation, accès à l’assistance sanitaire, et surtout au travail, parce que dans le travail libre, créatif, participatif et solidaire, l’être humain exprime et accroît la dignité de sa vie. Le salaire juste permet l’accès adéquat aux autres biens qui sont destinés à l’usage commun ».

Mais dans leurs engagements dans les mairies, les associations, les ONG et les actions gouvernementales, les chrétiens veilleront à garder leur spécificité qui nous vient de la manière de vivre et d’agir de Jésus, et de son Evangile. N° 199 : » Notre engagement ne consiste pas exclusivement en des actions ou des programmes de promotion et d’assistance ; ce que l’Esprit suscite n’est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il « considère comme un avec lui ». Cette attention aimante est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne, à partir de laquelle je désire chercher effectivement son bien. Cela implique de valoriser le pauvre dans sa bonté propre, avec sa manière d’être, avec sa culture, avec sa façon de vivre la foi… Que « dans toutes les communautés chrétiennes, les pauvres se sentent “chez eux”. Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la Bonne Nouvelle du Royaume ? » Sans l’option préférentielle pour les plus pauvres « l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise ».

Et cela est encore plus important et plus urgent, pour ceux qui sont traités injustement, et exploités de toutes les manières. N° 211 : » La situation de ceux qui font l’objet de diverses formes de traite des personnes m’a toujours attristé. Je voudrais que nous écoutions le cri de Dieu qui demande à nous tous : « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9). Où est ton frère esclave ? Où est celui que tu es en train de tuer chaque jour dans la petite usine clandestine, dans le réseau de prostitution, dans les enfants que tu utilises pour la mendicité, dans celui qui doit travailler caché parce qu’il n’a pas été régularisé ? Ne faisons pas semblant de rien. Il y a de nombreuses complicités. La question est pour tout le monde ». C’est le rôle des commissions Justice et Paix. Elles existent sur le papier dans tous les Plans d’Action Pastorale des paroisses. Mais combien travaillent réellement ?

A ce niveau, on trouve toute l’importance des commissions Justice et Paix demandées par le Concile Vatican II, et réclamées avec insistance, dans les deux derniers Synodes pour l’Afrique. Mais cette commission est pratiquement inexistante dans le pays. Elle se réveille simplement, par exemple, au moment des élections, et là encore seulement dans quelques paroisses. A cette occasion, la commission avait lancé le slogan : « Je ne vends pas ma voix pour un sac de riz ».

Je rappelle aussi que le titre complet de cette commission est « Justice, Paix et Respect de la création ». Sur ce dernier point, nos évêques nous ont écrit une lettre très importante pour le carême 2012, et l’on attend la prochaine lettre de François sur cette question, de même que le Congrès Mondial pour l’Environnement. Mais sommes-nous prêts à passer à l’action dans ce domaine ? En tout cas cela n’a pas été fait après la lettre de carême de nos évêques.

Au sujet de la paix, François nous dit qu’il faut changer la société à la base (N° 218) : «  Ce serait une fausse paix que celle qui réduit au silence ou tranquillise les plus pauvres, de manière à ce que ceux qui jouissent des plus grands bénéfices puissent conserver leur style de vie sans heurt, alors que les autres survivent comme ils peuvent. Les revendications sociales qui ont un rapport avec la distribution des revenus, l’intégration sociale des pauvres et les droits humains ne peuvent pas être étouffées. La dignité de la personne humaine et le bien commun sont au-dessus de tout. Quand ces valeurs sont touchées, une voix prophétique est nécessaire ». Sommes-nous prêts à être les prophètes d’aujourd’hui ? François précise (N° 219) : » La paix ne se réduit pas à une absence de guerres, fruit de l’équilibre toujours précaire des forces. Elle se construit jour après jour dans la poursuite d’un ordre voulu de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes. En définitive, une paix qui n’est pas le fruit du développement intégral de tous n’aura pas d’avenir et sera toujours semence de nouveaux conflits et de diverses formes de violence ».

A partir de là la conclusion est claire (n°269) : » Jésus même est le modèle de ce choix évangélique qui nous introduit au cœur du peuple. Quel bien cela nous fait de le voir proche de tous. Le don de Jésus sur la croix n’est autre que le sommet de ce style qui a marqué toute sa vie. Séduits par ce modèle, nous voulons nous intégrer profondément dans la société, partager la vie de tous et écouter leurs inquiétudes, collaborer matériellement et spirituellement avec eux dans leurs nécessités, nous réjouir avec ceux qui sont joyeux, pleurer avec ceux qui pleurent et nous engager pour la construction d’un monde nouveau, coude à coude avec les autres ».

-Par rapport à l’engagement politique des chrétiens. Notre pape écrit (205) : » La politique tant dénigrée, est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun… Je prie le Seigneur qu’il nous offre davantage d’hommes politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres ! » Beaucoup de chrétiens disent encore : » la politique c’est sale, s’engager dans la vie du pays c’est difficile, travailler dans les organisations et associations civiles c’est dangereux. Nous risquons de perdre nos valeurs chrétiennes ». Pourtant, il y a eu tout un effort du côté de la hiérarchie pour pousser les chrétiens à s’engager dans la politique, et pour lutter contre cette idée, qu’un chrétien ne doit pas faire de politique. Sous la conduite de la commission Justice et Paix, une réflexion approfondie a été faite au moment des dernières élections présidentielles et locales, pour pousser les chrétiens à voter et à s’engager politiquement. Et aussi pour étudier les programmes des différents partis, et faire réfléchir les gens dans les quartiers au choix du candidat pour qui voter. Mais cette réflexion importante, quand elle a été faite, est restée enfermée, à l’intérieur de l’Eglise alors qu’on avait beaucoup insisté auprès des chrétiens et des communautés, pour qu’ils partagent leurs formations et leurs documents dans leurs quartiers, avec tout le monde. Cela n’a pas été fait. La communauté chrétienne reste centrée sur elle et enfermée dans ses problèmes, ce qui est en opposition directe avec l’évangélisation.

N° 102 : » Même si on note une plus grande participation de beaucoup aux ministères laïcs, cet engagement ne se reflète pas dans la pénétration des valeurs chrétiennes dans le monde social, politique et économique. Il se limite bien des fois à des tâches internes à l’Église sans un réel engagement pour la mise en œuvre de l’Évangile en vue de la transformation de la société. La formation des laïcs et l’évangélisation des catégories professionnelles et intellectuelles représentent un défi pastoral important ». Aux dernières élections locales, un certain nombre de chrétiens se sont engagés dans la politique. Mais ils sont encore trop peu nombreux. Et il reste à savoir dans quelle mesure leur foi et l’Evangile est à la base de leur engagement et de leurs actions futures ? Et quel soutien l’Eglise va leur apporter pour cela ? Quand les chrétiens s’engagent en politique, on a souvent l’impression qu’ils cherchent surtout à obtenir des aides, et même des faveurs pour leur paroisse et pour l’Eglise, quand ce n’est pas pour eux-mêmes, beaucoup plus qu’à vouloir faire avancer la société toute entière dans l’esprit de l’Evangile, et à apporter dans les structures officielles les soucis des plus pauvres et de tous ceux qui sont traités injustement.

N° 220 : » En chaque nation, les habitants développent la dimension sociale de leurs vies, en se constituant citoyens responsables au sein d’un peuple, et non comme une masse asservie par les forces dominantes. Souvenons-nous qu’« être citoyen fidèle est une vertu, et la participation à la vie politique une obligation morale ». Je me demande si on ne fait pas une erreur d’appréciation. Parler d’engagement politique fait peur à beaucoup. Et il est vrai qu’il faut avoir non seulement la volonté, mais aussi la formation et les compétences nécessaires pour s’engager dans ce domaine. Ne devrait-on pas d’abord parler d’engagement dans le quartier, dans les petites choses, à partir des CEB. Pour les jeunes des amicales, faire partie de leur ASC de quartier. Pour les femmes catholiques, faire partie des associations féminines de leur quartier et aller à la maison de la femme de la mairie. Pour tous participer aux rencontres des différentes commissions municipales, aux formations et aux actions lancées par les mairies. Et d’abord, connaître au moins le délégué et l’imam du quartier. A partir de là, certains chrétiens auront le goût et les compétences pour s’engager plus haut, au niveau départemental ou national.

7. La pastorale paroissiale

Voyons maintenant ce que François nous dit sur la Pastorale paroissiale. D’abord la liturgie (N° 95) : » Dans certaines Eglises, on note un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. De cette façon la vie de l’Église se transforme en une pièce de musée, ou devient la propriété d’un petit nombre….. Dans tous les cas, elle est privée du sceau du Christ incarné, crucifié et ressuscité, elle se renferme en groupes d’élites, elle ne va pas réellement à la recherche de ceux qui sont loin, ni des immenses multitudes assoiffées du Christ. Il n’y a plus de ferveur évangélique, mais la fausse jouissance d’une autosatisfaction égocentrique ».

On dirait que le Pape s’est adressé directement à l’Eglise du Sénégal. Dans mon article « J’attends que vous réveilliez le monde », j’ai noté combien les chrétiens ont tendance à se replier sur la paroisse et sont peu engagés dans la société. Actuellement, les évêques demandent aux chrétiens de s’engager dans le domaine politique. Bien sûr cela est important. Mais cela me semble beaucoup trop limité. D’abord, tout le monde n’a pas la capacité ni la formation nécessaire pour s’engager dans le domaine politique. Ce à quoi il faudrait plutôt appeler les gens, à mon avis, c’est que les chrétiens s’engagent dans les quartiers et la société civile à la base. C’est cela la priorité. Et alors quand ils auront acquis une expérience valable à ce niveau, ceux qui ont les qualités nécessaires pourront s’engager dans le domaine politique. Mais beaucoup de chrétiens ne connaissent même pas le délégué de leur quartier. Comment pourraient-ils apporter leurs propositions pour faire avancer le quartier ? Beaucoup de chrétiens ne connaissent pas non plus l’imam de leur quartier. Comment pourraient-ils agir ensemble avec les musulmans ? Les jeunes sont actifs dans les amicales, à la paroisse et dans les CEB, mais ils ne sont pas présents dans les ASC de leur quartier. Les femmes catholiques se retrouvent entre elles à l’Eglise mais elles ne font pas partie des associations féminines du quartier. En conséquence, elles ne peuvent participer ni aux formations ni profiter des projets et autres avantages procurés par la mairie, spécialement depuis la mise en place de l’Acte 3 de la Décentralisation. Par conséquent, il n’y a pratiquement pas de chrétiens dans les conseils municipaux. Ceux qui y sont le sont à titre personnel mais coupés de leur communauté. Ensuite les chrétiens se plaignent de ne pas profiter des aides aux étudiants, des bourses familiales, de la couverture médicale universelle, des formations, des emplois et des autres soutiens apportés pmar les mairies. A qui la faute ?

François note que trop souvent dans l’Eglise, on se replie « sur la liturgie, la doctrine et le prestige ». Il suffit de voir, par exemple, comment le 3ème Plan d’Action Pastorale est détourné dans certaines paroisses. On parle bien de communion, mais il s’agit seulement de la communion entre chrétiens et non pas dans toute la société. On parle de sanctification, mais là encore seulement pour les chrétiens, comme si nous n’étions pas responsables de tous les hommes et que nous ne pouvions pas aider les non chrétiens à devenir saints eux aussi. On parle d’évangélisation mais on comprend cela comme baptiser les gens et les faire entrer dans l’Eglise, comme si nous ne devions pas proposer à tous de connaître et de vivre, en vérité, les valeurs de l’évangile dans leur propre religion ou convictions : les musulmans, les gens de religion traditionnelle et des autres religions, mais aussi les agnostiques et les athées qui ne manquent pas en Afrique, quoiqu’on en dise. Et comme si les frères et sœurs des autres religions n’avaient rien à nous apporter. Pourtant Jésus lui-même a admiré la foi des païens : les samaritains, la femme syrienne, l’officier romain, et tant d’autres. Et pour le service, même la Caritas tend à être limitée au soutien des seuls chrétiens. Et les commissions Justice et Paix ne s’engagent pas dans la société.

(N° 105) : »Dans les structures habituelles, les jeunes ne trouvent pas souvent de réponses à leurs inquiétudes, à leurs besoins, à leurs questions et à leurs blessures… Il est nécessaire de rendre plus stable la participation des groupements de jeunes à la pastorale d’ensemble de l’Église ». Ce qui est très inquiétant, c’est la diminution, pour ne pas parler parfois de la disparition des mouvements d’Action Catholique. Ils étaient des éléments essentiels de l’Evangélisation et de la transformation de la société. Les jeunes se tournent maintenant vers les amicales, les groupes charismatiques, les chorales et toutes sortes de petits groupes fermés sur eux-mêmes et se limitant à des neuvaines et des fêtes patronales qui ne débouchent pas sur la vie. L’action catholique des femmes est remplacée maintenant par des associations de femmes catholiques, ce qui n’est pas du tout la même chose. Quant à l’action catholique des hommes, on n’en parle pas.


Le thème des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) nationales de cette année était : « Jeunes, acteurs de la nouvelle évangélisation ». Ce qui montre que l’on porte le souci de l’évangélisation dans l’Eglise. Mais ce n’est pas sûr que cela débouche sur un véritable engagement des jeunes pour l’évangélisation. On a l’impression que beaucoup de jeunes aiment participer à de grandes rencontres ou des marches pèlerinage, mais qui ne transforment pas vraiment leur vie. Cela se manifeste par de grandes manifestations, qui souvent n’ont pas de suivi. Dans notre paroisse, lorsque nous avons voulu organiser une rencontre des jeunes marcheurs après la marche du pèlerinage national, pour voir comment la prolonger, très peu sont venus. Comment passer à des actions concrètes organisées, suivies et réfléchies, pour soutenir cette d’évangélisation des jeunes, par les jeunes ? Bien sûr ces manifestations publiques de foi ont leur importance. Mais peut-on parler là d’une véritable évangélisation en profondeur ?

N° 207 : » Toute la communauté de l’Église, dans la mesure où celle-ci prétend rester tranquille sans se préoccuper de manière créative et sans coopérer avec efficacité pour que les pauvres vivent avec dignité et pour l’intégration de tous, court aussi le risque de la dissolution ». Pire que cela, il semble que notre Eglise soit devenue de plus en plus une Eglise de fêtes et d’argent. Les activités principales de beaucoup d’amicales, de mouvements et de chorales, et même de CEB et de paroisses, ce sont les xawaré, les ngel, les yendoo, les concerts et les repas de gala. Et trop souvent au niveau des groupes, sinon même des paroisses, l’argent ainsi gagné est utilisé pour des sorties, des fêtes et des repas, et non pas pour aider les pauvres, même pas ceux du groupe en question.

Ce problème de l’argent se retrouve d’une façon très grave dans tout le pays. Et ce n’est pas la Cour de Répression d’Enrichissement Illicite (CREI) qui va y changer quelque chose. On retrouve la corruption à tous les niveaux depuis les petits fonctionnaires et les employés jusqu’au sommet supérieur de l’Etat. Plus grave que cela, c’est la course à l’argent que l’on légitime, sous prétexte de défendre ses droits. Les exemples des grèves des enseignants et des agents de la santé sont significatifs mais ils ne sont pas les seuls malheureusement, il y en a beaucoup d’autres. On demande sans cesse des augmentations de salaire, des subventions de toutes sortes, des per diem, sans tenir compte de la situation économique du pays. Et sans penser aux conditions de vie très difficile des paysans, de tous ceux qui exercent des petits métiers et des chômeurs. L’Eglise est le sel de la terre. C’est elle qui devrait lutter contre cette mentalité selon laquelle seul compte l’argent. Mais c’est l’inverse qui se produit. C’est l’Eglise qui se laisse envahir par cette soif de l’argent à tout prix.

Que faire ? François nous montre le chemin (N°28) : » La paroisse peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. Même si, certainement, elle n’est pas l’unique institution évangélisatrice, si elle est capable de se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être « l’Église elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles ».Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. La paroisse est présence ecclésiale sur le territoire, lieu de l’écoute de la Parole, de la croissance de la vie chrétienne, du dialogue, de l’annonce, de la charité généreuse, de l’adoration et de la célébration ». Il faudrait reprendre cette citation point par point, mpour voir comment la mettre en pratique.

Les villes prennent de plus en plus d’importance et s’étendent de plus en plus dans notre pays. François n’a pas oublié cet aspect (N° 75) : « Nous ne pouvons ignorer que dans les villes le trafic de drogue et de personnes, l’abus et l’exploitation de mineurs, l’abandon des personnes âgées et malades, diverses formes de corruption et de criminalité augmentent facilement. En même temps, ce qui pourrait être un précieux espace de rencontre et de solidarité, se transforme souvent en lieu de fuite et de méfiance réciproque… Le sens unitaire et complet de la vie humaine que l’Évangile propose est le meilleur remède aux maux de la ville, bien que nous devions considérer qu’un programme et un style uniforme et rigide d’évangélisation ne sont pas adaptés à cette réalité. Mais vivre jusqu’au bout ce qui est humain et s’introduire au cœur des défis comme ferment de témoignage, dans n’importe quelle culture, dans n’importe quelle ville, perfectionne le chrétien et féconde la ville ». Là aussi, il faudrait reprendre cette citation point par point. Et mettre en place une véritable pastorale organisée, avec la formation, le suivi et les moyens nécessaires, et non pas du bricolage qui va dans tous les sens. Il n’y a pas d’aumônerie diocésaine des prisons, ni du tourisme, ni des drogués, des enfants de la rue et des talibés (malgré l’interdiction officielle de la mendicité). L’aumônerie des universités, lycées et collèges, comme celle des malades serait à revoir en profondeur. Et d’abord l’organisation et le travail des CEB, ces communautés chrétiennes de quartier, qui devraient être la base de l’évangélisation de la ville, et qui se sont réduites à devenir des simples groupes de prières ne débouchant pas sur l’action.

-De ces constatations, François tire des conclusions pour les agents pastoraux (N° 78) : » Aujourd’hui, on peut rencontrer chez beaucoup d’agents pastoraux, y compris des personnes consacrées, une préoccupation exagérée pour les espaces personnels d’autonomie et de détente, qui les conduit à vivre leurs tâches comme un simple appendice de la vie, comme si elles ne faisaient pas partie de leur identité. En même temps, la vie spirituelle se confond avec des moments religieux qui offrent un certain soulagement, mais qui ne nourrissent pas la rencontre avec les autres, l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation. Ainsi, on peut trouver chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un l’autre ». Cela se manifeste de multiples façons. Ainsi des jeunes, mais aussi des adultes hommes et femmes, passent tout leur temps en prières, réunions et répétitions, mais ne sont pas présents dans leur famille, encore moins engagés dans leur quartier ou leur travail. Des jeunes en arrivent même à demander à l’Eglise de leur fournir du travail. Et à voir leur manque d’engagement missionnaire, on se demande si certains et certaines n’entrent pas dans la vie religieuse pour être à l’abri et mener une petite vie tranquille, bien logés et bien nourris. Comme le dit François (N° 80) : » Il faut souligner le fait que, même celui qui apparemment dispose de solides convictions doctrinales et spirituelles, tombe souvent dans un style de vie qui porte à s’attacher à des sécurités économiques, ou à des espaces de pouvoir et de gloire humaine qu’il se procure de n’importe quelle manière, au lieu de donner sa vie pour les autres dans la mission. Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire ! »

En conclusion (N° 268) : » Pour être d’authentiques évangélisateurs, il convient aussi de développer le goût spirituel d’être proche de la vie des gens, jusqu’à découvrir que c’est une source de joie supérieure. La mission est une passion pour Jésus mais, en même temps, une passion pour son peuple ».

8. L'inculturation de la vie chrétienne

François pose aussi la question de l’inculturation. Il est clair qu’on ne peut pas avoir d’Evangélisation en profondeur sans inculturation (N°118) : »Que l’Église fasse comprendre et présente la vérité du Christ, en s’inspirant des traditions et des cultures de la région. » Mais comment réussir cette inculturation ? La première chose, c’est de connaître la culture et les différentes religions du milieu, où le Seigneur nous a appelés à vivre. Il s’agit d’en découvrir les valeurs, donc de le regarder d’une manière positive. Mais en même temps en étant réaliste. Par exemple en ouolof, le Jom, c’est le sens de l’honneur et de la dignité. Mais cela peut devenir de l’orgueil.

Ensuite il s’agit de voir comment vivre ces valeurs traditionnelles dans le monde d’aujourd’hui. Par exemple la Téranga (l’accueil et l’hospitalité). Quand on habite dans un deux pièces au 5ème étage, on ne peut pas accueillir les gens aussi facilement qu’on le faisait au village, là où on avait une grande cour. Autrefois quand on recevait un parent, on pouvait ensuite l’amener travailler avec nous au champ. Mais si tu es en ville et que tu es médecin ou enseignant, cela n’est évidemment pas possible.

Enfin, il faut voir les choses telles qu’elles se passent aujourd’hui. Par exemple, on parle du respect de la vie en Afrique, et c’est sûr que c’est une grande valeur. Mais nous ne pouvons pas oublier tout ce qui se passe en réalité, en particulier les avortements et les infanticides. Et on pourrait dire la même chose des autres secteurs de notre vie. Trop souvent nous rêvons à un monde traditionnel idéalisé et non pas tel qu’il était vraiment et qui, de toute façon, n’existe plus aujourd’hui. Par exemple, il ne s’agit pas de dire qu’autrefois la dot était un cadeau symbolique, pour créer une alliance entre les deux familles. Il faut voir ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Et voir comment lutter efficacement contre ces déviations et ces exagérations.

N° 62 : »Dans la culture dominante, la première place est occupée par ce qui est extérieur, immédiat, visible, rapide, superficiel, provisoire. Le réel laisse la place à l’apparence. En de nombreux pays, la mondialisation a provoqué une détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies ». Il nous faut donc faire le même travail d’évaluation, par rapport aux influences culturelles qui nous viennent de l’étranger : Que pouvons-nous accueillir ? Que faut-il rejeter ? Et ce que nous accueillons, comment l’intégrer dans notre culture, pour le vivre selon nos valeurs, et ce que nous cherchons dans la vie, aussi bien au niveau humain qu’au point de vue chrétien.

-L’inculturation doit aller dans les deux sens : enrichir l’Eglise par les valeurs des différentes cultures africaines, mais aussi inculturer (enraciner) l’Evangile dans nos différentes cultures, pour les convertir et les christianiser. Comme le dit François (n°116) : » Quand une communauté accueille l’annonce du salut, l’Esprit Saint féconde sa culture avec la force transformante de l’Évangile…. Par l’inculturation, l’Église introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté, parce que toute culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l’Évangile est annoncé, compris et vécu ». Cela demande deux choses :

* D’abord de rester vraiment africain et sénégalais, profondément enracinés dans notre culture, alors que toute notre formation scolaire, humaine et chrétienne a tendu à nous occidentaliser, et à nous coloniser culturellement. Beaucoup d’entre nous préfère parler français, et ne sont même plus capables de s’exprimer clairement dans leurs propres langues, encore moins dans la langue nationale ouolof. Pour les étrangers, leur devoir c’est de comprendre et de respecter les différentes cultures sénégalaises le mieux possible.

* Vivre réellement et concrètement l’Evangile dans les réalités actuelles de notre société et non pas en théorie.

Nous sommes en minorité au Sénégal. A cause de cela, nous aurions tendance à nous rattacher au français et aux Eglises occidentales par besoin de sécurité, et à « faire comme à Rome » pour nous affirmer. François pense exactement le contraire (n° 129) : » Dans les pays où le christianisme est minoritaire, en plus d’encourager chaque baptisé à annoncer l’Évangile, les Églises particulières doivent développer activement des formes, au moins initiales, d’inculturation. Ce à quoi on doit tendre, en définitive, c’est que la prédication de l’Évangile, exprimée par des catégories propres à la culture où il est annoncé, provoque une nouvelle synthèse avec cette culture…

Pour cela, il nous faut chercher, sans avoir de solution toute faite à l’avance. Nous devons inventer, avec le risque de nous tromper, et de devoir revenir en arrière pour corriger les choses (N° 129 fin) : « Si nous laissons les doutes et les peurs étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement tranquilles sans provoquer aucune avancée. Dans ce cas, nous ne serons pas participants aux processus historiques par notre coopération, mais nous serons simplement spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église ».

(N° 115) : » le peuple de Dieu s’incarne dans les peuples de la terre, chacun de ses membres a sa propre culture. Il s’agit du style de vie d’une société précise, de la manière propre qu’ont ses membres de tisser des relations entre eux, avec les autres créatures et avec Dieu. Comprise ainsi, la culture embrasse la totalité de la vie d’un peuple ». L’inculturation ne peut pas se limiter aux danses d’offertoire, et aux processions d’offrande. Il s’agit d’inculturer et d’évangéliser toute notre vie. Et d’abord l’organisation de la paroisse et des CEB.

-Dans les réunions de CEB, on commence par se donner des nouvelles comme au village. Il n’y a pas seulement un président pour diriger (surtout que c’est presque toujours un homme, et rarement une présidente) mais une équipe d’animation, un homme, une femme, un jeune garçon et une jeune fille (responsables de la CPJ : Coordination Pastorale des Jeunes). Cela pour respecter à la fois la séparation traditionnelle entre hommes et femme, et aussi les classes d’âge. Par ailleurs, nous cherchons à répartir les responsabilités entre plusieurs responsables, conformément aux différents charismes dont parle Paul (1° Corinthiens, chapitres 10 et 12). En particulier nous avons des « sages », des conseillers hommes et femmes pour la réconciliation, conformément à ce que Jésus propose (Mat 18,15-19. Voir aussi Romains 6, 1-14). Mais aussi à la manière traditionnelle de régler nos problèmes (le palabre) : non pas pour savoir qui a raison, et pour condamner l’autre ? Mais pour réconcilier tout le groupe. En donnant la parole à chacun, et en prenant le temps qu’il faut pour cela Et bien sûr, on fait la réunion dans les langues nationales. Alors qu’il n’y a pratiquement pas d’Eucharistie célébrée en wolof le dimanche dans les paroisses, au moins de Dakar.

Notre conseil paroissial s’est réuni pour évaluer le travail de l’année. Au sujet des CEB, nous avons remarqué en particulier une chose : » les chrétiens participent au sacrement de baptême des bébés, mais ils ne participent pas aux cérémonies coutumières du 8° jour, la présentation des enfants aux ancêtres comme cela se fait dans la tradition. Souvent on prie pour les malades en réunion de CEB, mais on va beaucoup moins souvent prier avec les malades. Bien sûr toute la communauté ne peut pas se déplacer chaque jour, mais après une prière commune, qu’est-ce qui empêche d’envoyer un délégué de la communauté chaque jour, pas seulement pour prier avec la famille mais pour voir comment ils vivent ce temps de la maladie, pour éviter en particulier toutes les pratiques magiques et le maraboutage, les accusations de sorcellerie et pour vivre la maladie dans la foi. Une simple prière en réunion de communauté ne peut pas transformer tout cela ». 

De même, nos CEB ne sont pas présentes au moment du mariage traditionnel. Alors que les chrétiens participent à une grande fête, le jour où on célèbre le sacrement de mariage. Déjà il faudrait se poser des questions sur les dépenses énormes qui se font ce jour-là, comme au moment des baptêmes et des premières communions, mais aussi des enterrements. Dans ces conditions, les pauvres qui n’ont pas les moyens, ne pourront jamais être baptisés, faire leur première communion ni se marier, parce que c’est trop lourd pour eux.

Mais au-delà de cela, attendre que les gens célèbrent le sacrement de mariage à l’église pour les suivre, c’est trop tard. Souvent les fiancés commencent à vivre ensemble, avant de célébrer le sacrement. C’est dès le début de leur vie commune qu’il faut les éclairer et les évangéliser. Pourquoi la communauté chrétienne lorsqu’un de ses membres garçon prend sa fiancée chez lui, n’irait-elle pas réfléchir avec les deux familles sur les questions concrètes, par exemple du montant de la dot. Et aussi pour conseiller les fiancés, et les aider à vivre leur mariage d’une façon chrétienne dès le début, sans attendre le sacrement. Et lire au moins une Parole de Dieu et prier ensemble.

De même on passe beaucoup de temps aux enterrements : la veillée le soir, la levée du corps à l’hôpital, la prière à l’église, l’enterrement au cimetière, les condoléances dans la famille. Comment les gens qui ont un travail salarié vont-ils assurer leur travail dans ces conditions ? Mais surtout, on vient au moment de l’enterrement et ensuite la communauté chrétienne disparaît complètement. Ne serait-ce pas important, non seulement d’être présent à la veillée mortuaire mais surtout de s’asseoir ensuite, ensemble avec la famille, pour voir comment ils vont régler les problèmes laissés par le défunt, les questions d’héritage, la condition de la veuve et des orphelins. Et là aussi, éviter les pratiques traditionnelles païennes, les interdits imposés aux veuves, les accusations de sorcellerie et autres habitudes incompatibles avec la foi. Et que la communauté envoie chaque jour pendant les premiers jours du deuil, au moins une ou deux personnes à tour de rôle pour visiter la famille, les conseiller, les soutenir, les encourager et prier avec eux. Il y aurait donc toute une réflexion à faire, aussi bien pour l’inculturation de l’Eglise que pour la conversion de nos cultures. A Pikine, nous avons composé un livret de prières pour ces célébrations traditionnelles. Cela fait partie de notre responsabilité de chrétien de sanctifier nos traditions et d’évangéliser toute la vie de nos frères et sœurs

-Dans la catéchèse : C’est un aspect essentiel de la vie de l’Eglise, et elle concerne directement l’évangélisation et la dimension missionnaire de la communauté. Mais encore faudrait-il s’interroger sérieusement, sur les raisons qui poussent certains catéchumènes à demander le baptême. La religion traditionnelle est essentiellement locale, en lien avec la terre des ancêtres. Beaucoup de catéchumènes demandent à entrer dans l’Eglise, ou à devenir musulmans, pour appartenir à une religion universelle et qui paraît plus moderne. C’est donc un moyen de progrès social, mais pas obligatoirement de conversion au Christ. Ce qui explique qu’un certain nombre de catéchumènes disparaissent une fois qu’ils ont « gagné le baptême ».

Et parmi ceux qui continuent à pratiquer, il semble qu’un certain nombre d’entre eux vivent leur foi chrétienne, dans l’esprit de la religion traditionnelle. Ou pour dire les choses autrement, qu’ils continuent à vivre la religion traditionnelle, à l’intérieur du cadre de la religion chrétienne. Dans ces conditions, peut-on parler vraiment d’évangélisation ? Ils sont baptisés, sont-ils vraiment convertis à Jésus Christ ? Ce qui semble attirer ces catéchumènes, c’est l’amitié et l’esprit de famille qui règnent dans l’Eglise, et aussi la beauté et la qualité des prières et de la liturgie. Et également les soutiens des communautés chrétiennes et de la Caritas. C’est très bon et important. Mais il reste que beaucoup de nouveaux baptisés se contentent de participer à la messe le dimanche, sans véritable engagement ni dans l’Eglise ni dans la société. Et sans vrai souci d’évangélisation de leurs frères et de leurs sœurs.

Bien sûr, il y aurait encore beaucoup d’autres choses à relever dans ce document. A chacun de le lire et de le travailler. Et de voir comment le vivre dans le milieu et les conditions de vie qui sont les siennes. Dans une joie qui se renouvelle et se communique (N° 6) : » les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées ; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité ! […] Il est bon d’attendre en silence le salut du Seigneur » (Lm 3, 17.21-23.26).

P. Armel Duteil Pikine - Tel : 00 221 – 77 680 93 07 Mail : armelduteil@hotmail.fr
blog : www.armelduteilsenegal.blogspot.com


Message du carême 2016 du pape François

Résumé en français simple

Les actions de miséricorde dans l’année du Jubilé : « C’est la miséricorde que je veux et non pas les sacrifices » (Mat 9, 13)- « Ne gaspillons pas ce temps de carême, temps du changement du cœur et de vie. Nous le demandons par la prière de notre Mère la Vierge Marie. »

  1. Marie est le modèle d’une Eglise qui annonce l’Evangile, parce qu’elle a d’abord accueilli elle-même l’Evangile. Marie peut chanter la miséricorde par laquelle Dieu l’a choisie, parce qu’elle a d’abord accueilli la Bonne Nouvelle, annoncée par l’ange Gabriel. C’est l’image de l’Eglise. Pour évangéliser, on doit d’abord se laisser évangéliser soi-même par le Saint Esprit.
  2. L’Alliance de Dieu avec les hommes, c’est une histoire de miséricorde.
    Dieu est plein de miséricorde, surtout dans les moments les plus difficiles, quand le peuple rejette Dieu. Comme l’explique par exemple le prophète Osée. L’amour de Dieu se montre le plus fort, quand son Fils Jésus se fait homme. Il a écouté parfaitement la Parole de Dieu : « Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt 6,4-5). Jésus est le Mari de l’Eglise. Il l’aime d’un amour total, jusqu’à mourir sur la croix pour nous. La miséricorde de Dieu permet au pécheur de demander pardon, et de changer sa façon de vivre (ses actions). Mais aussi sa façon de croire (changer nos idées, notre mentalité, par rapport aux coutumes mauvaises, ou aux mauvaises habitudes modernes. Et changer notre cœur).
  3. Les œuvres de miséricorde
    La miséricorde de Dieu transforme le cœur de l’homme. Il vit alors un amour, total qui lui permet d’être miséricordieux à son tour dans les œuvres de miséricorde du corps, de l’esprit et de la foi (spirituelles). En effet, dans le pauvre, c’est Jésus qui souffre à nouveau, qui est torturé, blessé, frappé, qui a faim et qui est perdu. En particulier quand c’est un frère ou une sœur qui souffre à cause de sa foi (voir l’histoire du pauvre Lazare et du mauvais riche).
    Dans le pauvre, non seulement nous rencontrons Jésus vivant aujourd’hui, mais dans le pauvre Lazare, c’est Jésus Lui-même qui mendie notre conversion. Lazare (le pauvre), c’est la possibilité que Dieu nous donne, de changer notre vie. Et que souvent nous ne le voyons pas.
    Celui qui est le plus pauvre, c’est celui qui ne veut pas reconnaître qu’il est pécheur. Et qui n’utilise pas sa richesse et son pouvoir, pour servir Dieu et les autres. Comme le riche qui refuse de voir le pauvre Lazare devant sa porte. Et de l’aider (Luc 16, 20-21).
    Ceux qui manquent de miséricorde deviennent aveugles, mais ils veulent se montrer comme des riches. C’est ce qui a entraîné les dictatures au 20ème siècle. Ce sont les hommes qui, jusqu’à maintenant, refusent Dieu. Et qui traitent leurs frères comme des choses. Alors dans le développement du pays, c’est l’argent qui devient un Dieu : les personnes ne s’occupent plus des pauvres. Et les pays riches leur ferment leurs portes.
    Le carême de cette année, c’est l’occasion d’écouter la Parole de Dieu, et de faire des actions de miséricorde. Pas seulement les actions corporelles (donner à manger, des habits, ouvrir sa maison, accueillir les étrangers, visiter les malades, les prisonniers et tous ceux qui souffrent etc.). Mais aussi les actions spirituelles (conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier pour les gens).
    En touchant le corps du Christ dans le pauvre, nous voyons que nous sommes nous-mêmes des pauvres, qui ont besoin de mendier la miséricorde de Dieu. Nous comprenons que les puissants et les riches sont aimés eux aussi, par le Christ mort sur la croix et ressuscité. C’est seulement cela qui peut remplir notre soif de bonheur et d’amour, que la science, le pouvoir et l’argent ne peuvent pas nous donner.
    Comme le dit Abraham, dans la parabole du pauvre Lazare : » ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent ». Ecouter la Parole de Dieu c’est cela qui nous permettra d’être plus fort que le péché, pour fêter la résurrection de Jésus à Pâques. C’est ce qui veut rendre son Eglise sainte en attendant son retour.
    Ne perdons pas ce temps de carême, qui nous permet de changer notre vie. Nous prions Marie pour cela. Elle a reconnu sa petitesse, en s’appelant l’humble servante du Seigneur (Luc 1, 38 + 48).


Réflexions à partir du message du pape François sur le carême

1. Quel est le titre de ce message ?

Le message se situe dans l’année du jubilé de la miséricorde. Il s’appelle les actions de miséricorde. Le Pape François nous appelle avec force, en disant : ne laissons pas passer, sans résultat, ce temps de carême qui nous aide à changer notre cœur et notre vie. Nous le demandons par la prière de notre Mère la Vierge Marie. Le titre est cette parole de Jésus : « C’est la miséricorde que Je veux, et non pas les sacrifices (Matthieu 9, 13) ». Mais d’abord, qu’est-ce que la miséricorde ? Ce terme est composé de deux mots : misère et corde (cœur en latin). La miséricorde ce n’est pas seulement faire l’aumône, ce n’est pas seulement avoir pitié, mais c’est sentir la misère de l’autre dans notre cœur, nous laisser toucher, partager sa misère le plus possible. Ce n’est pas seulement de la sympathie. C’est entrer dans le cœur de l’autre.

2. Le pauvre Lazare

La base de cette lettre, c’est l’évangile du pauvre Lazare qui mendie à la porte du mauvais riche (Luc 16, 20). Le Pape nous donne ici une nouvelle façon très profonde, de comprendre cet évangile. Il ne s’agit pas seulement de faire l’aumône, et de donner à manger aux pauvres qui sont devant notre maison.. Qu’est-ce que cela veut dire ?

D’abord que « dans la personne du pauvre, la chair du Christ devient à nouveau visible. Dans le corps du pauvre, frappé, blessé, torturé, qui a faim, qui est perdu, nous reconnaissons Jésus. Nous nous laissons toucher par lui et nous l’aidons le mieux possible. » Comme nous dira Jésus à la fin du monde : « Tout ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que tu l’as fait ».

Le Pape nous dit : Lazare c’est le Christ qui, dans les pauvres, mendie notre conversion Et il continue par rapport à la conversion : « Le pauvre le plus misérable, ce n’est pas celui qui a faim ou qui est nu, mais c’est celui qui refuse de reconnaître sa pauvreté. Il se croit riche mais en fait, il est le plus pauvre d’entre les pauvres ». Pourquoi cela ? Parce qu’il est esclave du péché. Et le péché (Satan) le pousse à utiliser sa richesse et son pouvoir, pas pour servir Dieu et les autres, mais pour fermer son cœur. Son péché l’empêche de reconnaître, qu’il est lui-même qu’un pauvre mendiant. Et alors il y a la conséquence : En refusant de se reconnaître pauvre, il ne veut plus voir le pauvre Lazare qui mendie à la porte de sa maison, il refuse les pauvres. Faisant cela il refuse Dieu lui-même. Il chasse le Christ qui mendie, non pas de l’argent mais notre conversion. Et qui nous supplie de changer notre vie. Lazare, c’est la possibilité pour nous de changer notre vie. C’est la grâce que Dieu nous offre pendant le temps de carême : voir les pauvres qui sont à côté de nous.

3. La vie du pays

Le Pape en tire alors les conséquences pour notre pays. Jusqu’à maintenant, des gens veulent nous obliger à les suivre. Ils nous forcent à penser comme eux, et ils suppriment notre liberté. Des savants refusent de donner à Dieu sa place, dans la vie de la société. Ils veulent utiliser les hommes comme des machines. C’est cela qui entraîne un mauvais développement du pays. Le développement est trop souvent basé sur l’argent, en oubliant les pauvres. D’abord dans les sociétés riches, qui ferment leurs portes aux réfugiés et aux émigrés. Mais aussi dans notre propre pays. Le PIB, c’est-à-dire la richesse du pays, a augmenté. Mais le nombre de pauvres a augmenté en même temps. Et le pays se retrouve parmi les 25 plus pauvres du monde. Comment cela est-il possible ? C’est parce qu’on pense d’abord à l’argent. Comme si le développement, ce n’était pas d’abord développer les personnes, pour qu’elles soient plus libres, mieux éduquées, et qu’elles vivent mieux. Pas seulement matériellement, mais dans leur esprit et dans leur cœur.

Ce mauvais développement vient aussi de ce que l’argent du pays est récupéré par les plus riches, qui deviennent de plus en plus riches. Pendant que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres.

Bien sûr, il y a de bonnes choses que l’on essaie de faire dans le pays : les bourses familiales, la lutte contre le chômage des jeunes, l’aide au monde rural, la couverture médicale universelle, les soins gratuits pour les enfants et les personnes âgées, etc. Tout cela est très bon. Mais cela reste encore au niveau de l’aide, de la charité et même de l’aumône. On ne change pas l’organisation profonde du pays, ni les orientations et les buts que nous voulons atteindre. Nous allons avoir un référendum, pour un changement de la Constitution. Mais cela touche plus au fonctionnement du pays, qu’au genre de pays que nous voulons construire véritablement, en vérité, pour le bien de tous : où tous auront leur place, où chacun pourra vivre heureux et libre, où chacun sera éduqué. On parle beaucoup du retour aux valeurs traditionnelles. Mais ces valeurs, il faut voir comment les vivre dans le monde d’aujourd’hui. Pas seulement répéter les valeurs à la manière d’autrefois. Et ne pas oublier la valeur principale, qui est notre foi et la Parole de Dieu.

Il y a beaucoup de choses à faire, pour changer notre pays en profondeur. On appelle le Sénégal, le pays de la téranga. Mais souvent on accueille mieux les touristes, que les plus pauvres. Il faut que notre pays devienne vraiment un pays de miséricorde. Car dans les services, dans les bureaux, dans les sociétés, dans les hôpitaux, souvent il n’y a pas de miséricorde. Ce sont seulement les riches, ceux qui parlent français, ceux qui sont bien habillés, ceux qui ont de l’argent et qui ont une bonne place qui sont accueillis. C’est tout cela que le Pape nous dit : » les structures de péché conduisent à un développement, fondé sur l’amour de l’argent, qu’on cherche comme un Dieu, en oubliant l’avenir des pauvres ».

Que faire pendant ce temps de carême ?

D’abord continuer, et même augmenter, les actions de miséricorde, que nous avons déjà commencées. Les actions corporelles, pour aider nos frères et nos sœurs dans leurs corps : leur donner à manger et les accueillir. Mais en sachant surtout respecter leur dignité : celui qui est nu a besoin d’habits, pas seulement pour lutter contre le froid, mais d’abord pour retrouver sa dignité. Quelqu’un qui est nu devant tout le monde, il doit se cacher, il ne peut plus vivre devant les autres. Et surtout les actions de miséricorde spirituelles : aider nos frères dans leur cœur, dans leur esprit, et dans toute leur vie. Les écouter, les accueillir, leur donner leur place dans la société. Comme le dit si souvent notre Pape : « aller aux périphéries », c’est-à-dire aller jusqu’au bout de la société. Pour rejoindre les plus pauvres, ceux qui sont rejetés, ceux qui n’ont pas leur place dans la société. Et aussi « lutter contre la société du déchet » qui traite les pauvres, les infirmes, les analphabètes, les paysans, les petits métiers, et tant d’autres personnes, comme des déchets. C’est conseiller, enseigner, pardonner, avertir les gens en danger, prier pour eux. Et le pape nous rappelle que les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles ne doivent jamais être séparées. C’est en touchant la chair de Jésus ressuscité dans le plus pauvre, que le pécheur peut connaître, par la grâce de Dieu, qu’il est lui-même un pauvre mendiant.

Comment vivre l’année de la miséricorde ?

Nous accueillons d’abord le pardon de Dieu.

Ensuite nous sommes miséricordieux envers nous-mêmes, pour nous accepter devant Dieu dans la paix, avec notre faiblesse.

Puis nous cherchons à être miséricordieux envers les autres. Pas seulement faire l’aumône, mais les aider dans leur cœur, dans leur corps et leur esprit.

Mais nous aidons aussi nos frères et nos sœurs à devenir miséricordieux. C’est cela notre responsabilité. Pas seulement les chrétiens. Chez les musulmans, l’un des 99 noms de Dieu, le nom le plus important, c’est justement le Miséricordieux « Rahmane ». Et chacune des sourates commence par cette invocation : « Au nom de Dieu le Compatissant, le Miséricordieux ».

C’est donc tous ensemble que nous devons construire un pays de miséricorde. Pas seulement être miséricordieux à notre niveau, mais travailler avec nos responsables. Déjà avec les délégués de quartier et les marraines (badièni gox). Avec la municipalité, en tenant compte des nouvelles responsabilités et possibilités, données par l’Acte 3 de la Décentralisation. Et en utilisant tous les moyens que nous avons pour intervenir,et pour nous faire entendre, pour construire un pays de miséricorde. Et aussi travailler avec les ONG et les autres associations qui viennent dans nos quartiers.

Le Pape nous rappelle, que nous pouvons compter sur l’aide de Marie. Comme Marie, nous nous laissons d’abord évangéliser. « Marie est l’image parfaite de l’Eglise : Marie évangélise, parce qu’elle s’est d’abord laissée évangéliser, par le Saint Esprit qui a fait d’elle la Mère de Jésus. Et c’est parce qu’elle a accueilli la bonne nouvelle, annoncée par l’ange Gabriel, qu’elle peut chanter la miséricorde de Dieu. D’abord pour elle-même, en se disant l’humble servante du Seigneur (Luc 1, 38 + 48). Mais aussi en étant miséricordieuse pour les autres, à la suite de Dieu qui comble les affamés, qui relève ceux qui sont écrasés, qui fait descendre les puissants de leur trône, et qui renvoie les riches les mains vides. »


Quelle Église, pour quelle évangélisation ?

Le 50ème anniversaire du Concile Vatican 2 est l’occasion de faire le point sur la vie de nos Églises. Je voudrais proposer ici quelques réflexions sur la vie missionnaire de l’Église au Sénégal, à partir du document Lumen Gentium et de la lettre du pape François « La joie de l’Evangile : EG », en particulier le chapitre 4 : La dimension sociale de l’évangélisation

  1. Confession de la foi et engagement social : N° 178 à 185

  2. L’intégration sociale des pauvres N°186 à 217

  3. Le bien commun et la paix sociale N°218 à 237.

  4. Le dialogue social comme contribution à la paix 238-250

Voici le plan de ma réflexion :

  1. L’Église catholique au Sénégal

  2. L’évangélisation

  3. Une nouvelle étape de l’évangélisation

  4. Comment Jésus annonce-t-il l’évangile

  5. Le royaume de Dieu

  6. L’Église catholique au Sénégal

Le Sénégal compte environ 90 % de musulmans et 5 % de catholiques. L’Église est donc très nettement minoritaire. Les missionnaires sont arrivés depuis un peu plus de 250 ans (sans compter les premiers passages des missionnaires portugais, franciscains et capucins) : les messieurs du Saint Esprit à partir de 1763. Ces premiers missionnaires étaient plutôt des aumôniers de l’armée coloniale, des commerçants européens et des métis. Le premier travail, vraiment missionnaire auprès des populations locales a commencé à partir de l’année 1844, avec les pères du Saint Cœur de Marie, qui s’uniront à la congrégation du Saint Esprit. En fait le pays n’était pas vraiment islamisé, la présence islamique s’arrêtait la plupart du temps, à un marabout à côté des chefs traditionnels, mais son influence était importante. Le reste de la population continuait à pratiquer la religion traditionnelle. Reconnaissons d’ailleurs que jusqu’à maintenant, beaucoup de chrétiens pratiquent le Christianisme dans l’esprit de la religion traditionnelle. C’est la même chose d’ailleurs pour les musulmans.

Bien sûr, les réalités sont différentes suivant les régions. Dans le nord on compte 99, 8 % de musulmans, des toucouleurs en particulier, islamisés depuis plusieurs siècles. A part ceux de la ville de Saint Louis, l’ancienne capitale, la plupart des chrétiens viennent du sud. Ils sont venus comme fonctionnaires, ou pour trouver du travail. Ils ne sont donc pas dans leur milieu d’origine. Au contraire, au sud, les populations étaient de religion traditionnelle au moment de l’arrivée des missionnaires. Les chrétiens sont donc plus nombreux, ils sont dans leurs régions d’origine et on trouve dans des mêmes familles des chrétiens et des musulmans, ce qui aide beaucoup à établir de bonnes relations entre les pratiquants des deux religions.

Une véritable évangélisation suppose une ouverture aux autres, un souci de la vie de chaque jour, et une attention aux plus pauvres. Qu’en est-il de l’Église dans le diocèse de Dakar ?

L’Église du Sénégal est maintenant bien implantée, tous les évêques sont sénégalais depuis plusieurs dizaines d’années, l’Archevêque de Dakar étant Cardinal pour la deuxième fois : le Cardinal Théodore Adrien Sarr, après le Cardinal Hyacinthe Thiandoum. Les prêtres sénégalais sont maintenant plus d’une centaine, dans le seul diocèse de Dakar. Les vocations sont assez nombreuses, il y a des ordinations sacerdotales chaque année. Les religieux et religieuses sénégalais sont nombreux dans les congrégations internationales. Et il existe une congrégation locale de frères et deux congrégations féminines dont l’une envoie d’ailleurs des membres comme missionnaires à l’extérieur du pays.

Les églises sont remplies chaque dimanche et les différents groupes chrétiens sont nombreux ; ceux qui attirent le plus de monde étant les chorales et les groupes charismatiques. Les différentes structures et services de l’Église sont assurés. On se trouve donc en présence d’une Église bien vivante. Mais qu’en-est-il de la dimension missionnaire ?

La base de l’Église au Sénégal c’est la Paroisse, et les chrétiens aiment bien s’y retrouver. Mais le problème c’est que la vie chrétienne a tendance à se limiter à la vie paroissiale et donc, l’Église se centre sur elle-même, elle n’est pas orientée vers l’extérieur. De plus, la vie paroissiale est spécialement tournée vers la prière et la liturgie. Il est clair que la liturgie est le sommet de la vie chrétienne, mais que vaut un sommet sans base ? En tout cas, la vie chrétienne ne peut certainement pas se limiter à la prière et à la liturgie.

Quelques conséquences de cela ? Voici comment je vois les choses, à partir de la paroisse Notre Dame du Cap Vert, dans laquelle je travaille. Les aumôneries de prisons sont confiées aux paroisses, il n’y a pas d’aumônerie diocésaine. Ce qui fait qu’il n’y a pas de vraie réflexion, sur ce que les chrétiens sont appelés à faire avec les détenus. L’action de l’Église se limite très souvent aux seuls chrétiens, et pour eux, à la prière, à l’Eucharistie et à la catéchèse. Mais on ne prend pas en compte l’ensemble des détenus, ni leurs différents problèmes : besoins en nourriture et en santé, formation professionnelle, soutien psychologique et écoute, assistance à leurs familles, réinsertion, recherche d’avocats pour des jugements justes, etc.

-De même, dans les hôpitaux. On se contente la plupart du temps, d’apporter la communion, de prier, et de donner des conseils aux malades chrétiens. Mais sans vraiment se soucier des malades des autres religions. Et sans prendre en charge les nombreux problèmes des hôpitaux, et de la santé en général. Il n’y a pas une vraie formation et réflexion des agents de santé chrétiens sur leur engagement et leur responsabilité dans l’organisation de la santé dans le pays.

De même, il y a une paroisse universitaire. Mais elle se limite surtout aux activités paroissiales : accueil, animation et soutien des étudiants catholiques. Il ne s’agit donc pas vraiment d’une aumônerie des universités en tant que telle, visant l’animation de l’université dans ses différents domaines. Et qui aurait le souci de l’évangélisation de tous les étudiants, quelle que soit leur religion.

Pourtant, l’apostolat dans les prisons, les hôpitaux et les universités, pourrait être un facteur important d’évangélisation. Mais là on se limite souvent à la dimension prière et sacramentalisation, pour les seuls chrétiens.

Au niveau officiel et théorique, bien sûr l’Église est ouverte à tous. Le 3ème Plan d’Action Pastoral pour les quatre années qui viennent, a repris les quatre objectifs du Plan précédent : la communion, la sanctification (liturgie, prières, sacrements, catéchèse), le témoignage (évangélisation et dialogue), et le service (dignité et droits de l’homme, réconciliation, justice, paix, développement), mais dans la pratique l’accent est mis sur les deux premiers objectifs. Et même lorsque les deux derniers objectifs sont mis en action, souvent c’est d’abord en faveur des chrétiens.

Ainsi pour beaucoup, la Caritas est plus une organisation pour aider les chrétiens nécessiteux, qu’une organisation de l’Église pour aider tous les pauvres et déshérités quelle que soit leur religion. Et elle se limite souvent à des distributions de dons reçus de l’étranger, au lieu de chercher à mettre en place des projets de développement pris en charge par les gens eux-mêmes, et à partir de nos propres ressources, pour arriver à un changement de mentalité : passer de l’assistanat à la responsabilité, de l’aumône au développement. On se contente trop facilement d’activités (khaware,…), pour gagner de l’argent et apporter des aides ponctuelles, avec le danger de faire des personnes aidées, des assistés et même parfois des mendiants. En tout cas, la Caritas semble trop peu engagée pour transformer la société et pour défendre les droits des pauvres. Et même simplement les former, et leur donner des moyens pour travailler et se prendre en charge eux-mêmes. . Une Église qui dépend de l’extérieur peut-elle être vraiment évangélisatrice ?

La commission Justice et Paix qui pourrait aussi être un véritable facteur d’évangélisation, reste très faible, et absente dans de nombreuses paroisses. Quelques équipes ont bien travaillé, au moment des élections. Mais va-t-on profiter de cette action pour continuer à s’engager avec les ONG et autres organisations de la Société Civile ? Voir tout ce que dit notre pape François dans EG au Chapitre 4 : La dimension sociale de l’évangélisation (n° 177-261)

Il ne semble pas non plus que les associations et fraternités de femmes catholiques aient en priorité le souci de l’évangélisation. Elles se contentent souvent de prières entre chrétiennes, de participation aux fêtes religieuses, surtout pour faire la cuisine, jouant dans ce cas-là un rôle d’animation avec de belles tenues, renouvelées à chaque fête, ce qui finit par coûter très cher. On peut admirer leur dévouement, leur courage et leur générosité. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser des questions, sur l’utilisation de toutes ces qualités. Ne vaudrait-il pas mieux orienter tous ces efforts vers l’Evangélisation, plutôt que vers les fêtes ?

Les femmes de la Légion de Marie sont vraiment admirables dans leur engagement. Je dis les femmes car il y a très peu d’hommes, et encore moins de jeunes : visites des malades dans les hôpitaux, visites dans les prisons etc. Mais on retrouve toujours le même problème : elles ont le souci de soutenir les chrétiens, d’accueillir les musulmans qui veulent devenir chrétiens, mais beaucoup moins de soutenir les autres musulmans pour vivre leur foi musulmane d’une façon plus approfondie, dans le sens de l’évangile. Dans tous les cas, il semble manquer gravement la connaissance de la théologie du Royaume de Dieu, et de sa relation avec l’Église. Je vais y revenir plus loin. Continuons l’observation de notre Église diocésaine.

L’Église est reconnue dans le pays pour ses activités sociales, en particulier ses postes de santé, ses centres de formation féminine, ses écoles. Cela est très positif. On apprécie que, tous les gens, sans distinction de religion ou autres, puissent bénéficier de ces services. C’est donc un témoignage vivant et actif de l’amour du Christ, ouvert à tous. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser un certain nombre de questions.

Les activités sociales de l’Église intéressent les non chrétiens et même font leur admiration, pour le dévouement et le désintéressement de ses acteurs : écoles, dispensaires, centres de formation féminine, Caritas, etc. Mais on peut se demander, si ce n’est pas d’abord pour en profiter. Est-ce que cela amène à connaître et à rencontrer la personne de Jésus Christ, qui est pourtant la base et le fondement de nos engagements ? Que faire pour cela ?

Par rapport à ces activités, il semble que l’on se contente souvent de continuer à faire marcher les formes traditionnelles de l’aide aux pauvres, mais que l’on ne soit pas suffisamment attentif aux nouvelles formes de pauvreté qui se font jour actuellement, pour répondre à ces besoins d’une façon adaptée.

-On cherche à bien faire marcher les écoles de type classique et à obtenir des diplômes, beaucoup plus qu’à s’investir dans les nouvelles formes d’éducation, comme par exemple les écoles communautaires prises en charge par les parents et le quartier, l’enseignement mixte (théorie et apprentissage d’un métier), enseignement dans les langues locales et adapté aux plus défavorisés, nouvelles méthodes d’enseignement, etc…Alors que des expériences sont déjà menées dans ce domaine, par exemple avec ENDA. A commencer par les jardins d’enfants, qui pour la plupart sont de type vraiment occidental et réservés à une certaine classe sociale.

On a plus le souci des élèves de nos écoles catholiques, que de tous les élèves du pays, spécialement les plus démunis. Alors que l’enseignement rencontre de graves problèmes : grèves incessantes, baisse de niveau, manque d’éducation, l’Église semble plus soucieuse de ses œuvres, que du bien commun et de l’avancée de tous. On a des écoles catholiques qui marchent bien, mais les chrétiens ne semblent pas être préoccupés par les autres écoles.

On n’a pas beaucoup le souci des enseignants chrétiens engagés dans le secteur public ou privé laïc. Il y a bien des amicales des enseignants chrétiens, mais ceux-ci se retrouvent plus pour des récollections, quand ce ne sont pas des sorties, des repas, des soirées dansantes et des fêtes, que pour s’engager dans leur milieu (syndicats), et chercher à répondre aux besoins de l’éducation dans le pays.

Pour les élèves, il y a bien quelques aumôneries dans les écoles publiques ou privées non catholiques. Mais on cherche davantage à regrouper des élèves chrétiens pour des partages d’évangile qui se limitent à des discours mais ne débouchent pas sur des actions concrètes, que de faire avancer leur école en tant que telle, avec le souci de tous les élèves, chrétiens ou non, et la participation et la responsabilisation de tous. Et de lutter contre toutes les formes d’injustices et d’inégalités que l’on rencontre dans ces écoles. La JEC, action catholique, est pratiquement inexistante. Cela a des conséquences directes sur l’évangélisation, ou plutôt le manque d’Evangélisation. De même, la JOC n’existe presque plus, sauf quelques équipes de jeunes filles.

-On pourrait faire la même réflexion, par rapport aux dispensaires privés catholiques. Tous admirent la qualité des soins, et le dévouement des agents de santé de ces établissements. Mais on n’agit pas suffisamment pour la santé au niveau du pays. Les amicales de santé des agents chrétiens travaillant dans le secteur public, ont plus le souci d’obtenir des billets de pèlerinage gratuits à Rome et à Jérusalem, comme cela est accordé à leurs camarades de travail musulmans pour le pèlerinage à la Mecque, plutôt que de chercher comment améliorer la santé pour tous, et spécialement permettre aux plus pauvres de pouvoir profiter des soins de santé. Personnellement, je n’ai pas pu obtenir que l’amicale des agents de santé chrétiens intervienne régulièrement dans les prisons, pas plus d’ailleurs que l’association des avocats chrétiens. Ils se contentent au mieux d’apporter un repas le jour de Noel. Est-ce cela qui va résoudre les multiples problèmes des détenus et de leurs familles ?

Il est sûr qu’une véritable évangélisation se fait malgré tout dans les écoles, les centres de formation et à partir des dispensaires et autres actions sociales de l’Église. Mais cette évangélisation aurait besoin d’être réfléchie en tant que telle, et d’être davantage organisée pour aller plus loin et surtout plus profond.

Malgré les limites que j’ai signalées, à travers toutes les activités sociales et autres de l’Église, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent certainement. Et un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple au moment du Ramadan, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion, grâce à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore à vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie, grâce à leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et aussi de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Et la commission pour les relations avec les musulmans n’existe plus. Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

Notre pape François écrit (La joie de l’Evangile=EG : Le dialogue interreligieux, n° 250) : » Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non chrétiennes, malgré les divers obstacles et les difficultés, en particulier les fondamentalismes des deux parties. Ce dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix dans le monde, et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses. Ce dialogue est, en premier lieu, une conversation sur la vie humaine, une « attitude d’ouverture envers eux, partageant leurs joies et leurs peines ». Ainsi, nous apprenons à accepter les autres dans leur manière différente d’être, de penser et de s’exprimer. De cette manière, nous pourrons assumer ensemble le devoir de servir la justice et la paix, qui devra devenir un critère de base de tous les échanges.

251. L’Évangélisation et le dialogue interreligieux, loin de s’opposer, se soutiennent et s’alimentent réciproquement.

252. La relation avec les croyants de l’Islam acquiert à notre époque une grande importance. Ils sont aujourd’hui particulièrement présents en de nombreux pays de tradition chrétienne, où ils peuvent célébrer librement leur culte et vivre intégrés dans la société. Il ne faut jamais oublier qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour ». Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens ; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération ; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux. En même temps, beaucoup d’entre eux ont la profonde conviction que leur vie, dans sa totalité, vient de Dieu et est pour lui. Ils reconnaissent aussi la nécessité de répondre à Dieu par un engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres ».

En conclusion, on doit donc reconnaître que les chrétiens sont davantage engagés dans l’Église que dans la société, et plus soucieux d’une vie de prière personnelle que d’un engagement collectif, pour lutter contre les injustices. La lettre sur les fidèles laïcs (Christi Fidelis) n’a pas été assimilée, elle n’est pas passée dans la pratique. Notre pape François nous rappelle (La joie de l’Evangile=EG n°178) : » À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice ».

-La catéchèse : C’est un aspect essentiel de la vie de l’Église, et elle concerne directement l’évangélisation et la dimension missionnaire de la communauté. Mais encore faudrait-il s’interroger sérieusement, sur les raisons qui poussent certains catéchumènes à demander le baptême. La religion traditionnelle est essentiellement locale, en lien avec la terre des ancêtres. Beaucoup de catéchumènes demandent à entrer dans l’Église, ou à devenir musulmans, pour appartenir à une religion universelle et qui paraît plus moderne. C’est donc un moyen de progrès social, mais pas obligatoirement de conversion au Christ. Ce qui explique qu’un certain nombre de catéchumènes disparaissent une fois qu’ils ont « gagné le baptême ».

Et parmi ceux qui continuent à pratiquer, il semble qu’un certain nombre d’entre eux vivent leur foi chrétienne dans l’esprit de la religion traditionnelle. Ou pour dire les choses autrement, qu’ils continuent à vivre la religion traditionnelle à l’intérieur du cadre de la religion chrétienne. Dans ces conditions, peut-on parler vraiment d’évangélisation ? Ils sont baptisés, sont-ils vraiment convertis à Jésus Christ ? Comment alors être missionnaires à leur tour ? Ce qui semble attirer ces catéchumènes, c’est l’amitié et l’esprit de famille qui règnent dans l’Église, et aussi la beauté et la qualité des prières et de la liturgie. Et également les soutiens des communautés chrétiennes et de la Caritas. C’est très bon et important. Mais il reste que beaucoup de nouveaux baptisés se contentent de participer à la messe le dimanche, sans véritable engagement ni dans l’Église ni dans la société, et sans vrai souci d’évangélisation de leurs frères et de leurs sœurs.

Le lieu où se font l’évangélisation et la catéchèse, c’est la paroisse. On peut d’ailleurs regretter que cette catéchèse ne se fasse pas davantage dans les quartiers. La catéchèse se fait aussi dans les écoles catholiques au risque de devenir une matière scolaire parmi d’autres, et d’être faite par des enseignants pas toujours motivés. Et il reste la question : est-ce que cette catéchèse est vraiment une évangélisation ? Pour les catéchumènes eux-mêmes oui. Mais elle ne semble pas les former pour qu’ils soient eux-mêmes évangélisateurs de leurs frères. En tout cas, les thèmes enseignés en catéchèse devraient certainement être revus pour répondre davantage aux besoins des gens et à l’évolution actuelle de la société.

L’apostolat des jeunes : Le thème des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) nationales de cette année était : « Jeunes, acteurs de la nouvelle évangélisation ». Ce qui montre que l’on porte le souci de l’évangélisation dans l’Église. Mais ce n’est pas sûr que cela débouche sur un véritable engagement des jeunes pour l’évangélisation. On a l’impression que beaucoup de jeunes aiment participer à de grandes rencontres ou des marches pèlerinage, mais qui ne transforment pas vraiment leur vie. Cela se manifeste par de grandes manifestations, qui souvent n’ont pas de suivi. Dans notre paroisse, lorsque nous avons voulu organiser une rencontre des jeunes marcheurs après la marche du pèlerinage national, pour voir comment mettre en pratique la formation reçue, très peu sont venus. Comment passer à des actions concrètes organisées, suivies et réfléchies, pour soutenir cette d’évangélisation des jeunes, par les jeunes ? Les jeunes chrétiens ont tendance à se retrouver entre eux dans leurs amicales, mais ils ne sont pas tellement présents dans les ASC (Associations Socio Culturelles) et autres organisations des jeunes dans les quartiers.

Bien sûr ces manifestations publiques de foi ont leur importance. Mais peut-on parler là d’une véritable évangélisation en profondeur ? En tout cas, ce qui attire le plus les jeunes dans le diocèse, mais aussi les adultes, ce sont des amicales où on se retrouve pour faire des fêtes et organiser des soirées dansantes. Les activités principales sont des activités lucratives : repas (khaware), concerts ou soirées payantes pour gagner de l’argent. Cet argent étant surtout utilisé pour des repas et des sorties, ou pour acheter des tenues, tee-shirts et uniformes et organiser des fêtes pour les seuls membres, mais pas pour aider les plus pauvres, même pas ceux qui appartiennent au groupe en question, qu’ils soient choristes, scouts, enfants de choeur ou autre chose. Encore moins pour le développement du pays, et le soutien de projets pour les plus démunis. Quand Zachée a parlé avec Jésus, il lui a dit (Luc 19,2-7) : » je vais donner la moitié de mon argent aux pauvres. Et si j’ai fait du mal à quelqu’un, je vais le payer 4 fois ». Il manque gravement de gratuité dans nos mouvements et associations.

L’Église risque de devenir une entreprise commerciale, ou une société d’organisation de fêtes et de danses. Ce qui attire les chrétiens, beaucoup plus que l’engagement dans leur milieu de vie, ce sont par exemple les chorales où les gens passent de nombreuses heures en répétition de chants, plusieurs soirées par semaine, souvent au détriment de leur vie de famille, et de leurs études pour les élèves et les étudiants. La conséquence, c’est que les eucharisties se transforment en concerts, ce qui est tout à fait à l’opposé de « la participation pleine et active de l’assemblée » demandée par le décret sur la Liturgie du Concile Vatican 2. Dans nos assemblées, la foule ne chante plus. Les concerts religieux (choralies) se terminent en soirées dansantes. Et pour venir animer par exemple les mariages, ces chorales se font payer.

Ce qui attire aussi beaucoup les chrétiens jeunes et adultes, ce sont aussi les mouvements charismatiques. Ce n’est pas le lieu ici d’en faire l’évaluation. Ils ont certainement un rôle important dans l’évangélisation, par leur joie et leur courage de présenter officiellement Jésus Christ et son Evangile, sans peur et sans complexe. Il est sûr qu’ils regroupent de nombreux jeunes et adultes, en proposant des formes de prières plus libres et plus animées, mais qui ne sont pas exemptes d’illusion et de sentimentalisme. Or, la foi ce n’est pas seulement une question d’affectivité forte : « avoir le cœur tout chaud ». Elle demande un engagement réel dans la vie. Il est clair que par ailleurs, beaucoup de gens entrent dans ces mouvements plus par intérêt personnel, que par volonté de vivre vraiment avec le Christ. Par exemple : pour trouver du travail, réussir son mariage, avoir des enfants, obtenir son examen, etc. L’un des signes de cela, c’est le nombre de bénédictions qui s’y pratiquent. Et aussi la recherche de signes extraordinaires, de révélations, de rêves, d’apparitions, de conseils, etc. L’Evangile de Jésus Christ ne suffit plus. Or l’évangélisation c’est bien cela : faire découvrir et aimer Jésus Christ, et vivre de son Evangile. Par rapport à la question qui nous intéresse ici, l’évangélisation, on peut aussi se poser des questions sur ce qui se dit dans ces groupes sur l’action de Satan et des démons, et plus largement, sur le péché et le mal dans le monde, et sur la recherche de protections. Comme si le monde n’était pas déjà sauvé par Jésus Christ. Il y a aussi l’illusion que, si on a réussi à rassembler beaucoup de monde, que l’on a des gens qui parlent en langues et qui entrent en transe, que l’on entend un certain nombre de témoignages plus ou moins extraordinaires ou miraculeux, on a assuré une véritable évangélisation et une transformation de la société.

Par rapport à l’engagement politique des chrétiens, il y a eu tout un effort du côté de la hiérarchie pour pousser les chrétiens à s’engager dans la politique, et pour lutter contre cette idée « enseignée par les anciens missionnaires » (sic), qu’un chrétien ne doit pas faire de politique. Sous la conduite de la commission Justice et Paix, une réflexion approfondie a été faite au moment des dernières élections, pour pousser les chrétiens à voter et à s’engager politiquement. Et aussi pour étudier les programmes des différents partis et faire réfléchir les gens dans les quartiers au choix du candidat pour qui voter. Mais cette réflexion importante, quand elle a été faite, est restée enfermée, à l’intérieur de l’Église alors qu’on a beaucoup insisté auprès des chrétiens et des communautés, pour qu’ils partagent leurs formations et leurs documents dans leurs quartiers, avec tout le monde. Cela n’a pas été fait. La communauté chrétienne reste centrée sur elle et enfermée dans ses problèmes, ce qui à mon avis, est en opposition directe avec une nouvelle évangélisation. On est prêt à accueillir les gens chez nous, mais beaucoup moins à aller vers eux, et encore moins à accueillir les valeurs et les richesses spirituelles qu’ils pourraient nous apporter. Aux dernières élections locales, un certain nombre de chrétiens se sont engagés dans la politique. Mais ils sont encore trop peu nombreux. Et il reste à savoir dans quelle mesure leur foi et l’Evangile est à la base de leur engagement et de leurs actions futures ? Et quel soutien l’Église va leur apporter pour cela ? Quand les chrétiens s’engagent en politique, on a souvent l’impression qu’ils cherchent surtout à obtenir des aides, et même des faveurs pour leur paroisse et pour l’Église, beaucoup plus qu’à vouloir faire avancer la société toute entière dans l’esprit de l’Evangile, et à apporter dans les structures officielles les soucis des plus pauvres et de tous ceux qui sont traités injustement. Notre pape écrit (EG 205) : » La politique tant dénigrée, est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun… Je prie le Seigneur qu’il nous offre davantage d’hommes politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres ! » .

Par ailleurs, parler d’engagement politique fait peur à un certain nombre de chrétiens. Et il est vrai que tout le monde n’est pas compétent, pour être ministre ou député. Il vaudrait prendre la question à la base, et demander aux chrétiens de s’engager dans la société civile (pas seulement dans les partis), et de commencer par s’engager au niveau du quartier (contacter les délégués et les imams de quartier, les badièni gox, les Ong, Asc et autres associations) et de la commune (voir la feuille de route des représentants de la paroisse auprès des mairies).

Les médias : Ils peuvent être un moyen important d’évangélisation. Au Sénégal nous avons la chance d’avoir, non seulement une radio catholique, mais surtout la possibilité d’intervenir dans les différentes télévisions et radios publiques et communautaires. C’est une grande opportunité que l’on nous offre. Malheureusement, on n’a pas toujours le souci d’y présenter Jésus Christ et l’Evangile à la population musulmane, qui est très largement majoritaire et qui forme donc le plus grand nombre des auditeurs. On préfère passer à la télévision des messes, des ordinations sacerdotales et des professions religieuses, sans même prendre le soin, au niveau vocabulaire, de présenter les choses d’une façon compréhensible pour des non chrétiens. De même, les émissions catholiques à la radio consistent souvent à faire une sorte de liturgie de la parole, relire les trois lectures du dimanche en question et d’en faire un commentaire qui s’adresse aux seuls chrétiens et en français, alors que la langue parlée par la majorité de la population et comprise par tous est le wolof et non pas le français. On retrouve toujours la même question. Pour beaucoup, évangélisation cela veut dire conversion au christianisme, baptême et entrée dans l’Église catholique. On n’a pas l’idée que l’on peut évangéliser les musulmans qui restent musulmans, c’est-à-dire de leur permettre de vivre leur foi dans l’esprit de l’Evangile, comme Jésus l’a fait avec les gens des autres religions qu’Il a rencontrés.

Les CEB : (Communautés Ecclésiales de Base) : Ces communautés c’est la famille chrétienne dans le quartier. Elles devraient porter le souci de la vie de tous les habitants, et être engagées avec les autres personnes du quartier, pour y construire ensemble le Royaume de Dieu. Mais la plupart du temps, il n’y a pas eu une véritable formation et réflexion sur ce que doit être une communauté chrétienne de quartier. Non seulement les responsables n’ont pas été formés mais souvent, ils ont été abandonnés à eux-mêmes, les prêtres en particulier n’ayant pas la volonté de participer aux réunions de communautés. Les chrétiens se sont retrouvés tout seuls et comme ils ne savaient pas quoi faire, pendant ces réunions, peu à peu, ils en sont venus simplement à réciter le chapelet. Au lieu d’être une famille chrétienne qui prend en charge l’évangélisation de tous, les réunions des communautés sont devenues simplement des réunions de prières. Bien sûr la prière est essentielle à la vie chrétienne, mais elle doit déboucher sur une transformation de la vie, et une action dans le milieu où l’on se trouve.

Relisons l’avertissement de notre pape François dans sa lettre « La joie de l’Evangile » EG n° 95 : « Dans certaines Eglises, on note un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. De cette façon, la vie de l’Église se transforme en une pièce de musée, ou devient la propriété d’un petit nombre…. Elle est privée du sceau du Christ incarné, crucifié et ressuscité, elle se renferme en groupes d’élites, elle ne va pas réellement à la recherche de ceux qui sont loin, ni des immenses multitudes assoiffées du Christ. Il n’y a plus de ferveur évangélique, mais la fausse jouissance d’une autosatisfaction égocentrique ».

2) L’évangélisation

Que devient l’évangélisation dans tout cela ? Les chrétiens aiment dire qu’ils sont des modèles, et qu’ils sont admirés par les musulmans qui les entourent, pour leur sérieux et leur engagement dans le travail, et par rapport à l’argent. Dans la réalité, les choses sont peut-être moins belles et de toutes façons, cela ne conduit pas obligatoirement à une véritable évangélisation. Les chrétiens cherchent davantage à être des exemples qu’à permettre aux non chrétiens de vivre les valeurs de l’évangile. Et beaucoup semblent avoir une politique du tout ou de rien. On est chrétien ou musulman, les jeux sont faits. On ne cherche donc pas à permettre aux musulmans de mieux connaître Jésus Christ, en allant plus loin que ce qu’il en est dit dans le Coran, pour qu’ils vivent dans l’esprit de l’Evangile, même s’ils restent musulmans.

Par rapport à l’évangélisation, il est important de garder la gratuité de nos activités et le respect de la liberté des gens, pour éviter tout prosélytisme, comme Jésus Christ l’a fait lui-même. Et que les conversions ne soient pas causées par le désir de bénéficier des actions humanitaires et caritatives de l’Église. L’évangélisation doit se faire d’une façon désintéressée, dans l’amour de Dieu qui est gratuit et désintéressé (« ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le aussi gratuitement »). Cette question n’est pas nouvelle, elle se pose depuis le début de l’Église, mais il est très important d’y réfléchir dans le cadre de la société sénégalaise actuelle, avec tous les bouleversements qu’elle connaît.

Ce qui ralentit l’évangélisation, c’est d’abord qu’elle est difficile, surtout dans un pays à très grande majorité musulmane, même si les gens sont très tolérants. L’Église catholique a été reconnue et soutenue au temps de la colonisation. Depuis, elle n’a pas pris suffisamment conscience qu’elle est une minorité, et elle n’en a pas tiré les conclusions. Jésus disait : « N’ayez pas peur, petit troupeau » (Luc 12,32). Il disait aussi « Vous êtes le sel de la terre ». Il suffit d’un peu de sel, pour donner du goût à tout le plat. Mais encore faut-il que le sel ne perde pas sa force, sinon on lui marche dessus (Mat 5,13). Et surtout qu’il ne reste pas dans la boîte sur l’étagère, mais qu’il soit vraiment au milieu de la nourriture, présent et agissant. Même si la lumière de l’Église n’est pas sous le boisseau, elle reste encore trop souvent enfermée dans la maison. Elle éclaire ceux qui sont dans la maison, mais elle n’est pas encore ouverte, sur une colline, pour éclairer tous les hommes (Mat 5,14). Et le levain est plus souvent partagé, entre chrétiens, que présent dans la pate humaine de la société (Mat 13,33).

Le deuxième obstacle c’est que les chrétiens sont encore restés à une conception, soit de la religion traditionnelle, soit de l’Islam, plus qu’à une évangélisation dans l’esprit de Vatican II. Dans la religion traditionnelle, dans la mesure où c’est une religion liée à la terre et au culte des ancêtres, on dit facilement : chacun a sa religion. Donc, on n’a pas besoin d’aller chercher les autres, qui habitent ailleurs et ont d’autres ancêtres. Les musulmans, eux, cherchent à convertir les gens à l’islam. Et les chrétiens auraient tendance à faire la même chose : chercher à convertir, conversion étant alors synonyme de baptiser les gens pour les faire entrer dans l’Église, et non pas changer ses idées, son cœur et sa vie. Par conséquent, si les musulmans contactés ne veulent pas être baptisés, on les laisse poursuivre leur religion, sans plus s’occuper d’eux. On se contente de vivre en paix avec eux. Alors que Jésus est venu faire tout à fait autre chose : il est venu offrir le Royaume de Dieu à tous les hommes, pour permettre à tous de vivre les valeurs du Royaume à l’intérieur de leur propre religion, même s’ils n’entrent pas dans l’Église.

Il est sûr que, malgré les limites que j’ai signalées, à travers toutes les activités sociales et autres de l’Église, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent certainement. Et qu’un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion au moment du Ramadan, suite à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore à vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie par leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

Ce qui diminue le désir d’exercer l’évangélisation, c’est aussi l’influence de la vie moderne avec l’importance de plus en plus grande prise par les médias, qui cherchent à mettre en place non seulement une société laïque, mais une société de non foi, une société où domine l’individualisme, la recherche du plaisir, du pouvoir, de l’argent, de la facilité et du laisser-aller ; une société de stars et d’ »idoles » : footballeurs, artistes et lutteurs, et du succès facile. Cette volonté de profiter de la vie le plus possible et tout de suite, ne facilite pas bien sûr l’engagement dans la vie chrétienne, encore moins dans l’évangélisation. Mais il ne faudrait pas pour autant condamner la société moderne, qui a ses valeurs de libération, de sincérité, de progrès, etc. Et les choses n’étaient certainement pas plus faciles, ni la société meilleure, par exemple en Europe au temps de la Renaissance ou du Moyen Age. D’ailleurs Jésus nous a prévenus, déjà dans l’Evangile, que « si les gens ont été contre moi, ils seront aussi contre vous. Car le serviteur n’est pas au dessus de son Maître » (Mat 10,24)!

Il y a aussi les limites internes à l’Église : La commission pour les relations avec les musulmans cherchent à renaître peu à peu, mais elle est toute petite, et elle n’est pas implantée dans les paroisses. L’Église locale semble plus centrée sur elle-même qu’ouverte à l’extérieur. La catéchèse est plus soucieuse de la connaissance que de l’engagement dans la société. On ne travaille pas suffisamment le lien de la catéchèse avec les CEB (communautés chrétiennes de base), les mouvements, en particulier les mouvements d’action catholique, qui d’ailleurs sont en pleine décadence actuellement et ne sont pas véritablement soutenus. Ceux qui ont le vent en poupe, ce sont les groupes de prière charismatique avec leur richesse, mais aussi leurs limites. Au niveau des jeunes ce qui plaît ce sont les amicales, et ils sont plus intéressées à faire des fêtes (xawaré) et des soirées dansantes, qu’à s’engager dans leur milieu de vie, comme je l’ai expliqué plus haut.

Se pose aussi toute la question de l’inculturation. Car il est clair qu’on ne peut pas avoir d’Evangélisation en profondeur sans inculturation. Comme le dit notre pape François (la joie de l’Evangile n°116) : » Quand une communauté accueille l’annonce du salut, l’Esprit Saint féconde sa culture avec la force transformante de l’Évangile…. Par l’inculturation, l’Église « introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté », parce que « toute culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l’Évangile est annoncé, compris et vécu »….Que l’Église « fasse comprendre et présente la vérité du Christ en s’inspirant des traditions et des cultures de la région » n°118. C’est sûr qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Le pape ajoute : n° 129 » Dans les pays où le christianisme est minoritaire, en plus d’encourager chaque baptisé à annoncer l’Évangile, les Églises particulières doivent développer activement des formes, au moins initiales, d’inculturation. Ce à quoi on doit tendre, en définitive, c’est que la prédication de l’Évangile, exprimée par des catégories propres à la culture où il est annoncé, provoque une nouvelle synthèse avec cette culture…Si nous laissons les doutes et les peurs étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement tranquilles sans provoquer aucune avancée et, dans ce cas, nous ne serons pas participants aux processus historiques par notre coopération, mais nous serons simplement spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église ».

Les congrégations missionnaires sont présentes et nombreuses dans l’archidiocèse mais on ne leur permet pas souvent, et d’ailleurs elles-mêmes ne cherchent pas tellement, à vivre leur charisme missionnaire. Pour les religieux prêtres, ce que l’on attend d’eux c’est de tenir des paroisses, mais beaucoup moins de travailler dans la société pour l’évangélisation en tant que telle. Les religieux non prêtres et religieuses, semblent se contenter de faire fonctionner leurs œuvres, comme on l’a toujours fait. Les écoles, centres de santé et centres de formation pourraient être l’occasion d’une évangélisation plus profonde, dans le dialogue, l’accueil et le respect des autres. Toutes ces oeuvres sont comprises comme la mise en pratique de la charité du Christ, ce qui est très important et vrai, mais beaucoup moins comme une véritable évangélisation, dans le sens du dialogue et du partage de la foi, sans prosélytisme. Un simple signe : il y a très peu de sœurs et surtout de frères engagés dans les commissions Justice et Paix et dans les mouvements d’action catholique. Certains, et surtout certaines, sont plus intéressés par les chorales. Beaucoup semblent se limiter à leur vie de communauté et aux œuvres de leur congrégation. Il est difficile de trouver des frères et des sœurs pour accompagner les communautés de quartiers (CEB). Comment s’étonner alors que celles-ci n’aient pas le souci de l’évangélisation de leur quartier ?

Le pape François explique (EG n° 210) : » Il est indispensable de prêter attention aux nouvelles formes de pauvreté et de fragilité dans lesquelles nous sommes appelés à reconnaître le Christ souffrant, même si, en apparence, cela ne nous apporte pas des avantages tangibles et immédiats : les sans-abris, les toxico-dépendants, les réfugiés, les populations indigènes, les personnes âgées toujours plus seules et abandonnées etc. Les migrants me posent un défi particulier parce que je suis Pasteur d’une Église sans frontières qui se sent mère de tous ».

Il faut donc nous demander : quels sont les nouveaux secteurs de la vie moderne qui ont besoin d’être évangélisés. Car le monde a changé. Il y a de nouveaux domaines de manque de foi, comme des nouveaux secteurs de pauvreté et d’injustices, dans lesquels nous devons nous engager. Mais encore faut-il avoir des idées claires. Et chercher une véritable évangélisation, dans le sens du dialogue et du partage de la foi, sans prosélytisme. Il est important de savoir lire les signes des temps, comme nous l’a rappelé le 2° concile du Vatican, à la suite de Jésus Lui-même (Mat 16,3).

Il est absolument nécessaire que les membres des congrégations missionnaires retrouvent leur souffle et le souci de l’évangélisation, et qu’ils reviennent à leur charisme. Même s’ils travaillent en paroisse, que celle-ci soit ouverte à tous, avec le souci des plus pauvres, et qu’ils ne se laissent pas enfermer dans les activités paroissiales. Et qu’ils poussent les chrétiens à s’engager davantage dans la société, en groupe et pas seulement personnellement, comme Jésus a envoyé l’équipe des apôtres dans le monde.

Encore faut-il en prendre les moyens. D’abord un véritable renouvellement spirituel, comme cela se cherche chez les spiritains depuis leur dernier chapitre général. Mais aussi la formation : que les étudiants et étudiantes soient plus intéressés par une formation pastorale missionnaire que par les diplômes, comme l’a rappelé fortement et plusieurs fois le pape François. Et qu’après la formation de base, on ne se contente pas d’envoyer certains se former en philosophie, théologie, liturgie, droit canon…mais aussi dans les sciences humaines : éducation, santé, développement, justice et paix, animation de groupe…Sinon, comment pourront-ils travailler avec les malades du Sida ou d’Ebola, avec les prostitués et les enfants de la rue, avec les émigrés et les marginaux, pour lutter pour les droits humains et aider les pauvres à se prendre en main, et tant d’autres choses.

Rappelons-nous ce que nous dit notre pape François dans sa lettre sur la Joie de l’Evangile : Oui au défi d’une spiritualité missionnaire n°78 : « Aujourd’hui, on peut rencontrer chez beaucoup d’agents pastoraux, y compris des personnes consacrées, une préoccupation exagérée pour les espaces personnels d’autonomie et de détente, qui les conduit à vivre leurs tâches comme un simple appendice de la vie, comme si elles ne faisaient pas partie de leur identité. En même temps, la vie spirituelle se confond avec des moments religieux qui offrent un certain soulagement, mais qui ne nourrissent pas la rencontre avec les autres, l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation. Ainsi, on peut trouver chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un l’autre ».

79. Comme conséquence, beaucoup d’agents pastoraux, même s’ils prient, développent une sorte de complexe d’infériorité, qui les conduit à relativiser ou à occulter leur identité chrétienne et leurs convictions. ..Ils finissent par étouffer la joie de la mission par une espèce d’obsession pour être comme tous les autres et pour avoir ce que les autres possèdent. De cette façon, la tâche de l’évangélisation devient forcée et ils lui consacrent peu d’efforts et un temps très limité.

80. Il faut souligner le fait que, même celui qui apparemment dispose de solides convictions doctrinales et spirituelles, tombe souvent dans un style de vie qui porte à s’attacher à des sécurités économiques, ou à des espaces de pouvoir et de gloire humaine qu’il se procure de n’importe quelle manière, au lieu de donner sa vie pour les autres dans la mission. Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire !

Les possibilités ne manquent pas : Au niveau de l’Etat, nous avons la chance de vivre dans un pays laïc qui soutient une laïcité positive où l’Etat reconnait et soutient chacune des religions. Même s’il nous fait rester très attentifs, face au désir de certains d’islamiser la société, et au danger d’intégrisme de certains mouvements qui pourraient venir de pays voisins. . Mais il y a aussi le danger de certains chrétiens qui sont eux aussi de tendance intégriste. Pour le moment, l’Église catholique est acceptée et même reconnue comme les autres religions dans le pays.

Dans la société civile, nous avons la chance d’avoir un certain nombre d’ONG et autres organisations qui s’engagent pour les droits humains, et donc en particulier la liberté de religion. Nous avons la possibilité de travailler avec elles. Même si beaucoup sont très attirés par la culture païenne moderne proposée par les pays occidentaux, à l’ONU et dans les grandes organisations internationales, qui tendent à diminuer fortement le respect de la vie et le soutien de la famille, sans parler des pressions pour autoriser l’euthanasie, l’avortement, etc…

Nous vivons dans une culture tolérante qui accepte les idées et la liberté des autres, et cela est renforcé dans le sud du pays par le fait que dans les mêmes familles il y a des chrétiens et des musulmans. La culture traditionnelle africaine commune à tous les croyants est ainsi une grande chance pour nous, et une base pour construire la paix, l’acceptation mutuelle et le dialogue, et donc pour permettre une véritable évangélisation.

Une nouvelle étape de l’évangélisation

Il est important de savoir lire les signes des temps, comme nous l’a rappelé le 2° concile du Vatican, à la suite de Jésus Lui-même (Mat 16,3). Lorsque les premiers missionnaires sont arrivés au Sénégal, ils se sont consacrés à implanter l’église locale, ce qui est bien normal. Ils se sont donc consacrés à la catéchèse, l’organisation des paroisses et à ouvrir des séminaires. Mais en même temps, ils ont eu le souci du développement humain, de l’éducation et de lancements de projets dans les différents secteurs de la vie. Ils n’ont donc pas oublié la dimension caritative et humanitaire : mise en place de dispensaires, d’écoles, de centres de formation professionnelle et technique etc. Maintenant, et déjà depuis de nombreuses années, l’Église est en place. Est-ce que les congrégations religieuses en particulier ne devraient pas se tourner plus directement vers une nouvelle évangélisation, d’ailleurs demandée par l’Église ? Et rendre leurs paroisses, comme toutes leurs autres activités beaucoup plus missionnaires. Les paroisses sont en place, le clergé diocésain est nombreux et travaille. Cela bien sûr doit se continuer. Mais ne faudrait-il pas passer en même temps à une deuxième étape : ne pas se li !miter à la paroisse, proposer l’évangile à tous ceux qui peuvent l’accepter, qu’ils soient chrétiens ou non, et voir tous les nouveaux secteurs de la vie moderne qui ont besoin d’être évangélisés. Car le monde a changé. Il y a de nombreux domaines de manque de foi, comme des nouveaux secteurs de pauvreté et d’injustices, dans lesquels nous devons nous engager. Mais encore faut-il avoir des idées claires sur ce qu’il faut faire.

La congrégation pour l’évangélisation des peuples au Vatican organise une plénière du 30 novembre au 2 décembre 2015. Dans la lettre préparatoire du 26/05/2014, je lis l’affirmation suivante : « Le but ultime de l’activité missionnaire est l’évangélisation et la plantatio Ecclesiae au sein des populations où la Parole de Dieu n’a pas été semée et où elle n’a pris racine. En d’autres termes, l’Église, qui est signe et instrument du salut, ne vit que dans le précepte missionnaire du Christ, tant que l’Evangile n’a pas été annoncé “en tout lieu et à toute créature” (Mc 16,15). Dans le même temps, par l’annonce de l’Evangile, nait l’Église et sa plantatio donne forme à la Communauté des croyants ».

Je n‘aime pas beaucoup ce mot « d’implanter ». C’est comme si on amenait un arbre adulte, une Église toute faite (occidentale) dans le pays, que l’on vient planter sans tenir compte de la culture et des réalités locales. Ce qu’il faut c’est « semer » la Parole de Dieu dans un nouveau sol, où elle va grandir peu à peu selon les réalités de la terre locale (s’enraciner et s’inculturer). De même, je pense qu’on ne peut pas se limiter à la seule « plantatio Ecclesiae ».

Il s’agit de proposer l’Evangile à tous les hommes, quelle que soit leur religion. De toutes façons, au Sénégal, l’Église est maintenant implantée. Il reste l’Evangélisation : pas seulement des chrétiens mais de tous les habitants du pays, à l’intérieur même de leurs différentes cultures et religions. Pour la venue du Royaume de Dieu. Et en particulier, permettre à tous les musulmans qui le veulent et qui sont la très grande majorité, mais aussi ceux qui suivent les religions traditionnelles ou ceux qui se disent incroyants, de vivre les valeurs de l’Evangile, même s’ils restent musulmans. Comme le dit d’ailleurs le document Lumen Gentium du concile Vatican II. Dans la limite de ces pages, je me contente de 3 citations. Mais il faudrait lire le document tout entier, et aussi les autres documents du Concile, en particulier Gaudium et Spes (l’Église dans le monde). Sans oublier les documents plus récents du Vatican, mais aussi les déclarations de nos évêques. Simplement une citation de la lettre de François, La joie de l’Evangile n° 20 : »Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile ».

LG 9 : « l’Église est l’instrument de la rédemption de tous les hommes. Elle est le sacrement visible de l’unité qui sauve les hommes ». Un sacrement c’est un signe efficace, mais c’est un signe, et non pas le but final et unique. “L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain” ( LG 1). L’Église est le signe et le moyen de la venue du Royaume de Dieu sur la terre. Mais elle n’est pas le Royaume en elle-même, ni toute seule.

« L’Église tire son origine de la mission du Fils et du Saint Esprit, selon la volonté de Dieu le Père » (LG 2). La Trinité est don réciproque et total des trois personnes dans l’amour. La mission c’est de faire entrer tous les hommes dans cet amour, et de leur apprendre à se donner à leurs frères, à l’exemple et avec l’aide de la Trinité. Comme le dit LG 48, “Le Christ (…) a constitué son Corps, qui est l’Église, comme le sacrement universel du salut”.

LG 4 : « La mission de l’Église que lui a donné son Seigneur, c’est la formation spirituelle, morale et humaine de tout homme, de toute femme et de tout enfant. Elle participe au bien des peuples, répare les fractures existant entre eux et élève la dignité humaine ». C’est cela l’implantation de l’Église et non pas seulement des évêques et un clergé local, la construction de bâtiments, des prières, des baptêmes et des confirmations. Et au n° 4-1 : Déjà « pour les chrétiens, le peuple de Dieu doit atteindre une maturité dans tous les aspects de la vie humaine : famille, travail, choix de vie, service, éducation etc. »

4-8 : à mon avis la mission de l’Église ce n’est pas seulement « d’enseigner toutes les nations et de prêcher l’évangile à toute créature pour que soit fondée l’Église peuple de Dieu ». C’est aussi et d’abord de permettre à tous les hommes de vivre les valeurs de l’Evangile, même s’ils n’entrent pas dans l’Église, et ne demandent pas le baptême. C’est-à-dire de faire venir le Royaume de Dieu, pas seulement pour les chrétiens et l’Église, mais pour tous les hommes. Pas seulement pour les personnes une par une, mais pour tous les peuples, toutes les sociétés, le monde entier. Et même la création toute entière, comme l’a dit le Christ avant de quitter cette terre (Marc 16,15). Et comme l’explique Paul (Rom 8,19-23).

Comment Jésus annonce-t-il l’évangile ?

Déjà, Zacharie chante à la naissance de son fils Jean Baptiste (Luc 1,70-79) « Et toi, petit enfant, tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses chemins… pour éclairer ceux qui sont dans la nuit et l’ombre de la mort, et pour conduire nos pas sur le chemin de la paix ». A Noël les anges chantent (Luc 2, 10-14) « Je vous annonce une bonne nouvelle qui donnera la joie à tout le peuple… paix sur terre aux hommes que Dieu aime » et Dieu aime tous les hommes. Et c’est bien pour cela qu’Il fait connaître la naissance de son fils, non pas aux chefs religieux d’Israël, mais d’abord à des pauvres, des hommes rejetés et traités de pécheurs, les bergers, (Luc 2). Et ensuite à des savants païens venus de l’est (Matthieu 2, 1-12). Avant de s’enfuir en Egypte, là où Dieu avait déjà délivré son peuple esclave, au temps de Moïse. Et quand Marie et Joseph présentent leur enfant au Temple pour le consacrer à Dieu, Siméon chante « Il est le Salut que Tu as préparé pour tous les peuples, Lumière qui te fera connaître à toutes les nations du monde » (Luc 2, 30-32). Cette idée que Dieu aime et sauve tous les hommes est déjà très présente dans la Première Alliance (Par exemple Isaïe 12,4; 54,2 ; 56,7). Et quand Jésus à Nazareth explique sa mission, Il reprend justement le prophète Isaïe en disant : « L’Esprit de Dieu est sur moi, Il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être délivrés, que les aveugles vont voir à nouveau, et ceux qui sont écrasés vont être relevés » (Luc 4, 18,21). Par conséquent cela me semble très clair : L’Evangile est pour tous et d’abord pour les pauvres. L’annonce de l’Evangile demande que l’on cherche d’abord à libérer les prisonniers, et les aveugles de toutes sortes : dans leur cœur, mais d’abord dans leurs corps (Luc 4, 18-21).

De même quand Jean Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7,20-23) » Jésus répond : « Allez dire à Jean ce que vous avez vu et entendu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont rendus purs, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Cela nous montre bien que l’évangélisation ce sont des actions (construire le Royaume) et pas seulement des paroles. Comme le dit Jésus : « Voyez ce que je fais ». Quand Jésus annonce l’Evangile, il commence par guérir les malades (Matthieu 15,29). Et Il nourrit la foule (Jean 6, 1) avant d’enseigner le Pain de la vie (Jean 6, 25). Cela nous montre le chemin à suivre pour l’évangélisation. En effet, nos actions sont plus fortes que nos paroles. L’évangélisation c’est une question de témoignage. On peut nous empêcher de parler, mais on ne peut pas nous empêcher de vivre l’Evangile. Comme le dit Jésus : « On vous amènera devant les tribunaux… et ce sera pour eux un témoignage » (Matthieu 10, 18). Tous les hommes ont envie d’être heureux. Si nous sommes heureux en vivant de l’Evangile, ils auront envie de venir avec nous pour rencontrer le Christ. Car l’Evangile est une Bonne Nouvelle.

L’Evangile s’adresse à tout le monde. C’est évident, si on regarde la vie de Jésus. Il traverse sans arrêt les frontières pour aller de l’autre côté du Jourdain (Marc 10, 1), en Samarie (Jean 4,4) ou dans la région de Génésareth (Marc 6, 53). Il guérit les malades et ceux qui sont possédés des esprits mauvais, sans rejeter personne, Il enseigne tout le monde sans distinction, Il aime tous les hommes, Il est accueillant à tous. Mais plus que cela, Il reconnaît l’action de l’Esprit Saint dans le cœur des païens, et Il en rend grâce à Dieu son Père. Il remarque que c’est seulement le lépreux samaritain, qui vient lui dire merci d’être guéri. Il dit de l’officier romain (Mat 8,10) « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Et Il en tire la conclusion « Ils viendront de l’est et de l’ouest, et prendront place à table au repas du Royaume ». Et nous ne pouvons pas oublier que, avant de recevoir le Corps du Christ dans la communion, c’est la prière d’un païen, cet officier, que nous disons : » Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes chez moi, mais dis seulement une parole, et je serai sauvé ». De même, Jésus envoie la Samaritaine, une païenne, une femme de mauvaise vie, pour le faire connaître aux gens de son village, des samaritains, des païens eux aussi (Jean 4,28). Et c’est une femme syrienne qui lui fait comprendre, qu’Il est envoyé par son Père pour tous les hommes : « Même les chiens sous la table mangent les morceaux, que les enfants font tomber » (Marc 7,28).

Jésus dira lui-même : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12,32). Et avant de monter au ciel il dira à ses disciples « Allez annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toute la création», en leur disant que pour cela ils doivent « chasser les esprits mauvais et parler des langues nouvelles (Marc 18,18). Il ne manque pas de rappeler aux pharisiens ce qu’a fait le prophète Jonas, pour appeler les païens de Ninive à la conversion. Et la reine de Saba qui est venue écouter le Roi Salomon. Et Il dit : « il y a plus ici que Salomon » (Matthieu 11, 20-25)). On pourrait continuer à citer de nombreux autres passages de l’Evangile qui vont dans le même sens.

Paul a consacré toute son énergie à mettre en place des communautés chrétiennes, dans tout l’empire romain. Mais il voulait des communautés ouvertes et missionnaires, qui annoncent l’Evangile à tous. Il s’écrie « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (pas seulement malheur à moi si je n’implante pas l’Église : 1°Cor 9, 16). Et il affirme : « Dieu ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour évangéliser » (1° Cor 1,17). Il ajoute : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1° Ti 2,4).

Le royaume de Dieu

Ce qui manque à mon avis pour une véritable évangélisation, c’est une théologie du Royaume de Dieu. Sans une réflexion profonde sur ce qu’est le Royaume de Dieu, son importance et les conditions de sa venue, on en restera toujours à une conception limitée de l’évangélisation, comme une simple implantation de l’Église. Et on se limitera à ceux qui sont déjà chrétiens, ou qui acceptent de le devenir. Mais alors qu’en sera-t-il de tous les autres hommes ? Le pape François écrit : « Évangéliser c’est rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. » ( EG = Evangelii Gaudium, § 176). Il ajoute n°180 : « Le Royaume nous appelle. En lisant les Écritures, il apparaît du reste clairement que la proposition de l’Évangile ne consiste pas seulement en une relation personnelle avec Dieu. La proposition est le Royaume de Dieu (Luc 4, 43). Il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde. Dans la mesure où il réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous. Donc, aussi bien l’annonce que l’expérience chrétienne tendent à provoquer des conséquences sociales. Cherchons son Royaume : « Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus » (Mt 6, 33). Le projet de Jésus est d’instaurer le Royaume de son Père ; il demande à ses disciples : « Proclamez que le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 10, 7).

Je n’ai pas la place ici de présenter cette théologie du Royaume. Je me contente de quelques citations de l’Evangile, qui concernent plus directement l’évangélisation.

Dans l’Evangile, on parle très souvent de la Bonne Nouvelle du Royaume (Matthieu 4, 23 – Matthieu 9, 35 – Luc 4, 43 etc.). Ce qui montre bien que l’évangélisation est liée à la venue du Royaume. Jésus nous a appris à prier ainsi : « Notre Père… que Ton Règne (ton Royaume) vienne ». Le Royaume c’est vraiment ce qu’il y a de plus important. Comme le dit encore Jésus (Matthieu 6,33) : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et Dieu vous donnera tout le reste en plus ». Et ces paroles s’adressent à tous les hommes, comme les béatitudes. Pas seulement aux chrétiens. Jésus, le nouveau Moïse, les prononce en haut de la montagne. Le Royaume c’est un trésor, une perle fine (Matthieu 13, 44-45) pour lequel nous sommes prêts à tout laisser.

Le Royaume, c’est d’abord Jésus lui-même. C’est Lui que nous aimons, c’est avec Lui que nous vivons, c’est autour de Lui que nous nous rassemblons. Jésus disait : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, Je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18, 20). Le Royaume, c’est vivre avec Jésus, et comme Lui.

Le Royaume de Dieu n’est pas au ciel, il est sur la terre, comme nous l’a dit Jésus dans la prière du Notre Père « Que Ton Règne vienne, Que Ta Volonté soit faite, sur la terre comme au ciel ». Le Royaume, c’est donc commencer à vivre déjà avec tous sur la terre, comme au ciel. Le Royaume est pour tous, pas seulement pour les chrétiens. Et Dieu y appelle sans cesse de nouvelles personnes, comme le maître a appelé les ouvriers aux différentes heures de la journée (Matthieu 20,1). Le Royaume est pour tout le monde, car Jésus « a racheté pour Dieu, des hommes de toutes tribus, de toutes langues, de tous peuples et de toutes nations » (Apocalypse 5,10). Cela, Dieu le disait déjà, par la bouche d’Isaïe (56,7): »Ma maison s’appellera : maison de prière pour tous les peuples ». Et Jésus explique « Il y a beaucoup de places, dans la maison de mon Père » (Jean 14, 2).

Le Royaume, comme l’Evangile, est d’abord pour les pauvres et pour ceux que l’on fait souffrir à cause de la justice (comparer Matthieu 5, 3 + 10 et Luc 4, 18-21). C’est donc à eux que nous annonçons l’Evangile en premier. Et aussi aux pécheurs, et aux hommes et aux femmes de mauvaise vie. Jésus l’a dit avec force : « Les ramasseurs d’impôts et les prostituées arriveront avant vous, dans le Royaume de Dieu » (Matthieu 21, 31).

Quels sont les signes de ce Royaume, qui nous montrent ce que nous devons faire pour qu’il arrive parmi nous ? En premier, c’est l’Amour. Quand l’enseignant de la loi rappelle le commandement de Moïse « Tu aimeras le Seigneur Ton Dieu de tout ton cœur… tu aimeras ton prochain comme toi-même », Jésus lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » (Matthieu 12, 34). Evangéliser et faire venir le Royaume, c’est pardonner et avoir pitié de nos frères (Matthieu 18, 23). Comme nous le dira Jésus, à la fin du monde « Venez, vous qui êtes les bénis de mon Père. Recevez le Royaume qu’Il a préparé pour vous, depuis le début du monde… car j’ai eu faim, vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif, j’étais étranger, nu, malade, en prison… Tout ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que tu l’as fait » (Matthieu 25, 40). Ce n’est donc pas seulement aimer, mais c’est reconnaître dans tout homme un enfant de Dieu, et un frère ou une sœur de Jésus. C’est de cette façon là, que nous pouvons vraiment évangéliser. Et accueillir tous les hommes dans le respect, et sans distinction.

C’est s’engager pour la justice, qui nous fait briller dans le Royaume de Notre Père (Matthieu 13, 43). C’est en même temps être patient. Et supporter le mal qui est dans le monde avec espérance, comme le maître attend le temps de la moisson, pour brûler la mauvaise herbe (Matthieu 13, 24). Le Royaume c’est se faire petit devant Dieu et devant les hommes, comme un enfant (Matthieu 18, 1). Et se faire le serviteur de tous, comme Jésus a lavé les pieds de ses apôtres (Jean 13). L’évangélisation, comme le Royaume, nous demande de laisser le mal. Car le Royaume est comme un filet, qui attrape toutes sortes de poissons, et que les anges viendront trier à la fin du monde (Matthieu 13, 47). Ce n’est donc pas à nous de choisir les gens.

Tout cela nous demande d’agir en vérité car « ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux. Mais ceux qui font la volonté de mon Père « (Matthieu 7, 21). Et Paul explique : « le Royaume de Dieu ce n’est pas une affaire de paroles, mais de puissance » (1ère aux Corinthiens 4, 20), « ce n’est pas une question de nourriture ou de boisson, mais de justice, de paix et de joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14, 17). Face à la situation de notre Église que j’ai décrite au début, le Seigneur nous demande donc d’écouter le Saint Esprit, pour « tirer de notre trésor, de l’ancien et du nouveau ». Et de nous adapter au monde de ce temps (Matthieu 13, 52). De commencer tout petit, comme la graine de moutarde, qui est la plus petite des graines (Matthieu 13, 21). Et ensuite de grandir peu à peu, et d’étendre nos bras pour accueillir nos frères, comme l’arbre étend ses branches pour que les oiseaux viennent se reposer. Et qu’ils puissent ensuite repartir librement poursuivre leur propre chemin (Matthieu 13, 31).

Il s’agit bien de partager la vie des hommes et de nous engager dans la société, comme le levain doit être mélangé à la pâte pour agir, et la faire lever toute entière (Matthieu 13, 33). Jésus a dit à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Mais Il ajoute « Je te donnerai les clés du Royaume ». Pas seulement les clés de l’Église (Matthieu 16, 19). L’Église doit donc être au service du Royaume. « Un règne sans limite et sans fin, règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (Préface du Christ Roi).

Le 50ème anniversaire du Concile Vatican 2 est l’occasion de faire le point sur la vie de nos Églises. Je voudrais proposer ici quelques réflexions sur la vie missionnaire de l’Église au Sénégal, à partir du document Lumen Gentium et de la lettre du pape François « La joie de l’Evangile : EG », en particulier le chapitre 4 : La dimension sociale de l’évangélisation

  1. Confession de la foi et engagement social : N° 178 à 185

  2. L’intégration sociale des pauvres N°186 à 217

  3. Le bien commun et la paix sociale N°218 à 237.

  4. Le dialogue social comme contribution à la paix 238-250

Voici le plan de ma réflexion :

  1. L’Église catholique au Sénégal

  2. L’évangélisation

  3. Une nouvelle étape de l’évangélisation

  4. Comment Jésus annonce-t-il l’évangile

  5. Le royaume de Dieu

  6. L’Église catholique au Sénégal

Le Sénégal compte environ 90 % de musulmans et 5 % de catholiques. L’Église est donc très nettement minoritaire. Les missionnaires sont arrivés depuis un peu plus de 250 ans (sans compter les premiers passages des missionnaires portugais, franciscains et capucins) : les messieurs du Saint Esprit à partir de 1763. Ces premiers missionnaires étaient plutôt des aumôniers de l’armée coloniale, des commerçants européens et des métis. Le premier travail, vraiment missionnaire auprès des populations locales a commencé à partir de l’année 1844, avec les pères du Saint Cœur de Marie, qui s’uniront à la congrégation du Saint Esprit. En fait le pays n’était pas vraiment islamisé, la présence islamique s’arrêtait la plupart du temps, à un marabout à côté des chefs traditionnels, mais son influence était importante. Le reste de la population continuait à pratiquer la religion traditionnelle. Reconnaissons d’ailleurs que jusqu’à maintenant, beaucoup de chrétiens pratiquent le Christianisme dans l’esprit de la religion traditionnelle. C’est la même chose d’ailleurs pour les musulmans.

Bien sûr, les réalités sont différentes suivant les régions. Dans le nord on compte 99, 8 % de musulmans, des toucouleurs en particulier, islamisés depuis plusieurs siècles. A part ceux de la ville de Saint Louis, l’ancienne capitale, la plupart des chrétiens viennent du sud. Ils sont venus comme fonctionnaires, ou pour trouver du travail. Ils ne sont donc pas dans leur milieu d’origine. Au contraire, au sud, les populations étaient de religion traditionnelle au moment de l’arrivée des missionnaires. Les chrétiens sont donc plus nombreux, ils sont dans leurs régions d’origine et on trouve dans des mêmes familles des chrétiens et des musulmans, ce qui aide beaucoup à établir de bonnes relations entre les pratiquants des deux religions.

Une véritable évangélisation suppose une ouverture aux autres, un souci de la vie de chaque jour, et une attention aux plus pauvres. Qu’en est-il de l’Église dans le diocèse de Dakar ?

L’Église du Sénégal est maintenant bien implantée, tous les évêques sont sénégalais depuis plusieurs dizaines d’années, l’Archevêque de Dakar étant Cardinal pour la deuxième fois : le Cardinal Théodore Adrien Sarr, après le Cardinal Hyacinthe Thiandoum. Les prêtres sénégalais sont maintenant plus d’une centaine, dans le seul diocèse de Dakar. Les vocations sont assez nombreuses, il y a des ordinations sacerdotales chaque année. Les religieux et religieuses sénégalais sont nombreux dans les congrégations internationales. Et il existe une congrégation locale de frères et deux congrégations féminines dont l’une envoie d’ailleurs des membres comme missionnaires à l’extérieur du pays.

Les églises sont remplies chaque dimanche et les différents groupes chrétiens sont nombreux ; ceux qui attirent le plus de monde étant les chorales et les groupes charismatiques. Les différentes structures et services de l’Église sont assurés. On se trouve donc en présence d’une Église bien vivante. Mais qu’en-est-il de la dimension missionnaire ?

La base de l’Église au Sénégal c’est la Paroisse, et les chrétiens aiment bien s’y retrouver. Mais le problème c’est que la vie chrétienne a tendance à se limiter à la vie paroissiale et donc, l’Église se centre sur elle-même, elle n’est pas orientée vers l’extérieur. De plus, la vie paroissiale est spécialement tournée vers la prière et la liturgie. Il est clair que la liturgie est le sommet de la vie chrétienne, mais que vaut un sommet sans base ? En tout cas, la vie chrétienne ne peut certainement pas se limiter à la prière et à la liturgie.

Quelques conséquences de cela ? Voici comment je vois les choses, à partir de la paroisse Notre Dame du Cap Vert, dans laquelle je travaille. Les aumôneries de prisons sont confiées aux paroisses, il n’y a pas d’aumônerie diocésaine. Ce qui fait qu’il n’y a pas de vraie réflexion, sur ce que les chrétiens sont appelés à faire avec les détenus. L’action de l’Église se limite très souvent aux seuls chrétiens, et pour eux, à la prière, à l’Eucharistie et à la catéchèse. Mais on ne prend pas en compte l’ensemble des détenus, ni leurs différents problèmes : besoins en nourriture et en santé, formation professionnelle, soutien psychologique et écoute, assistance à leurs familles, réinsertion, recherche d’avocats pour des jugements justes, etc.

-De même, dans les hôpitaux. On se contente la plupart du temps, d’apporter la communion, de prier, et de donner des conseils aux malades chrétiens. Mais sans vraiment se soucier des malades des autres religions. Et sans prendre en charge les nombreux problèmes des hôpitaux, et de la santé en général. Il n’y a pas une vraie formation et réflexion des agents de santé chrétiens sur leur engagement et leur responsabilité dans l’organisation de la santé dans le pays.

De même, il y a une paroisse universitaire. Mais elle se limite surtout aux activités paroissiales : accueil, animation et soutien des étudiants catholiques. Il ne s’agit donc pas vraiment d’une aumônerie des universités en tant que telle, visant l’animation de l’université dans ses différents domaines. Et qui aurait le souci de l’évangélisation de tous les étudiants, quelle que soit leur religion.

Pourtant, l’apostolat dans les prisons, les hôpitaux et les universités, pourrait être un facteur important d’évangélisation. Mais là on se limite souvent à la dimension prière et sacramentalisation, pour les seuls chrétiens.

Au niveau officiel et théorique, bien sûr l’Église est ouverte à tous. Le 3ème Plan d’Action Pastoral pour les quatre années qui viennent, a repris les quatre objectifs du Plan précédent : la communion, la sanctification (liturgie, prières, sacrements, catéchèse), le témoignage (évangélisation et dialogue), et le service (dignité et droits de l’homme, réconciliation, justice, paix, développement), mais dans la pratique l’accent est mis sur les deux premiers objectifs. Et même lorsque les deux derniers objectifs sont mis en action, souvent c’est d’abord en faveur des chrétiens.

Ainsi pour beaucoup, la Caritas est plus une organisation pour aider les chrétiens nécessiteux, qu’une organisation de l’Église pour aider tous les pauvres et déshérités quelle que soit leur religion. Et elle se limite souvent à des distributions de dons reçus de l’étranger, au lieu de chercher à mettre en place des projets de développement pris en charge par les gens eux-mêmes, et à partir de nos propres ressources, pour arriver à un changement de mentalité : passer de l’assistanat à la responsabilité, de l’aumône au développement. On se contente trop facilement d’activités (khaware,…), pour gagner de l’argent et apporter des aides ponctuelles, avec le danger de faire des personnes aidées, des assistés et même parfois des mendiants. En tout cas, la Caritas semble trop peu engagée pour transformer la société et pour défendre les droits des pauvres. Et même simplement les former, et leur donner des moyens pour travailler et se prendre en charge eux-mêmes. . Une Église qui dépend de l’extérieur peut-elle être vraiment évangélisatrice ?

La commission Justice et Paix qui pourrait aussi être un véritable facteur d’évangélisation, reste très faible, et absente dans de nombreuses paroisses. Quelques équipes ont bien travaillé, au moment des élections. Mais va-t-on profiter de cette action pour continuer à s’engager avec les ONG et autres organisations de la Société Civile ? Voir tout ce que dit notre pape François dans EG au Chapitre 4 : La dimension sociale de l’évangélisation (n° 177-261)

Il ne semble pas non plus que les associations et fraternités de femmes catholiques aient en priorité le souci de l’évangélisation. Elles se contentent souvent de prières entre chrétiennes, de participation aux fêtes religieuses, surtout pour faire la cuisine, jouant dans ce cas-là un rôle d’animation avec de belles tenues, renouvelées à chaque fête, ce qui finit par coûter très cher. On peut admirer leur dévouement, leur courage et leur générosité. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser des questions, sur l’utilisation de toutes ces qualités. Ne vaudrait-il pas mieux orienter tous ces efforts vers l’Evangélisation, plutôt que vers les fêtes ?

Les femmes de la Légion de Marie sont vraiment admirables dans leur engagement. Je dis les femmes car il y a très peu d’hommes, et encore moins de jeunes : visites des malades dans les hôpitaux, visites dans les prisons etc. Mais on retrouve toujours le même problème : elles ont le souci de soutenir les chrétiens, d’accueillir les musulmans qui veulent devenir chrétiens, mais beaucoup moins de soutenir les autres musulmans pour vivre leur foi musulmane d’une façon plus approfondie, dans le sens de l’évangile. Dans tous les cas, il semble manquer gravement la connaissance de la théologie du Royaume de Dieu, et de sa relation avec l’Église. Je vais y revenir plus loin. Continuons l’observation de notre Église diocésaine.

L’Église est reconnue dans le pays pour ses activités sociales, en particulier ses postes de santé, ses centres de formation féminine, ses écoles. Cela est très positif. On apprécie que, tous les gens, sans distinction de religion ou autres, puissent bénéficier de ces services. C’est donc un témoignage vivant et actif de l’amour du Christ, ouvert à tous. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser un certain nombre de questions.

Les activités sociales de l’Église intéressent les non chrétiens et même font leur admiration, pour le dévouement et le désintéressement de ses acteurs : écoles, dispensaires, centres de formation féminine, Caritas, etc. Mais on peut se demander, si ce n’est pas d’abord pour en profiter. Est-ce que cela amène à connaître et à rencontrer la personne de Jésus Christ, qui est pourtant la base et le fondement de nos engagements ? Que faire pour cela ?

Par rapport à ces activités, il semble que l’on se contente souvent de continuer à faire marcher les formes traditionnelles de l’aide aux pauvres, mais que l’on ne soit pas suffisamment attentif aux nouvelles formes de pauvreté qui se font jour actuellement, pour répondre à ces besoins d’une façon adaptée.

-On cherche à bien faire marcher les écoles de type classique et à obtenir des diplômes, beaucoup plus qu’à s’investir dans les nouvelles formes d’éducation, comme par exemple les écoles communautaires prises en charge par les parents et le quartier, l’enseignement mixte (théorie et apprentissage d’un métier), enseignement dans les langues locales et adapté aux plus défavorisés, nouvelles méthodes d’enseignement, etc…Alors que des expériences sont déjà menées dans ce domaine, par exemple avec ENDA. A commencer par les jardins d’enfants, qui pour la plupart sont de type vraiment occidental et réservés à une certaine classe sociale.

On a plus le souci des élèves de nos écoles catholiques, que de tous les élèves du pays, spécialement les plus démunis. Alors que l’enseignement rencontre de graves problèmes : grèves incessantes, baisse de niveau, manque d’éducation, l’Église semble plus soucieuse de ses œuvres, que du bien commun et de l’avancée de tous. On a des écoles catholiques qui marchent bien, mais les chrétiens ne semblent pas être préoccupés par les autres écoles.

On n’a pas beaucoup le souci des enseignants chrétiens engagés dans le secteur public ou privé laïc. Il y a bien des amicales des enseignants chrétiens, mais ceux-ci se retrouvent plus pour des récollections, quand ce ne sont pas des sorties, des repas, des soirées dansantes et des fêtes, que pour s’engager dans leur milieu (syndicats), et chercher à répondre aux besoins de l’éducation dans le pays.

Pour les élèves, il y a bien quelques aumôneries dans les écoles publiques ou privées non catholiques. Mais on cherche davantage à regrouper des élèves chrétiens pour des partages d’évangile qui se limitent à des discours mais ne débouchent pas sur des actions concrètes, que de faire avancer leur école en tant que telle, avec le souci de tous les élèves, chrétiens ou non, et la participation et la responsabilisation de tous. Et de lutter contre toutes les formes d’injustices et d’inégalités que l’on rencontre dans ces écoles. La JEC, action catholique, est pratiquement inexistante. Cela a des conséquences directes sur l’évangélisation, ou plutôt le manque d’Evangélisation. De même, la JOC n’existe presque plus, sauf quelques équipes de jeunes filles.

-On pourrait faire la même réflexion, par rapport aux dispensaires privés catholiques. Tous admirent la qualité des soins, et le dévouement des agents de santé de ces établissements. Mais on n’agit pas suffisamment pour la santé au niveau du pays. Les amicales de santé des agents chrétiens travaillant dans le secteur public, ont plus le souci d’obtenir des billets de pèlerinage gratuits à Rome et à Jérusalem, comme cela est accordé à leurs camarades de travail musulmans pour le pèlerinage à la Mecque, plutôt que de chercher comment améliorer la santé pour tous, et spécialement permettre aux plus pauvres de pouvoir profiter des soins de santé. Personnellement, je n’ai pas pu obtenir que l’amicale des agents de santé chrétiens intervienne régulièrement dans les prisons, pas plus d’ailleurs que l’association des avocats chrétiens. Ils se contentent au mieux d’apporter un repas le jour de Noel. Est-ce cela qui va résoudre les multiples problèmes des détenus et de leurs familles ?

Il est sûr qu’une véritable évangélisation se fait malgré tout dans les écoles, les centres de formation et à partir des dispensaires et autres actions sociales de l’Église. Mais cette évangélisation aurait besoin d’être réfléchie en tant que telle, et d’être davantage organisée pour aller plus loin et surtout plus profond.

Malgré les limites que j’ai signalées, à travers toutes les activités sociales et autres de l’Église, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent certainement. Et un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple au moment du Ramadan, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion, grâce à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore à vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie, grâce à leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et aussi de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Et la commission pour les relations avec les musulmans n’existe plus. Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

Notre pape François écrit (La joie de l’Evangile=EG : Le dialogue interreligieux, n° 250) : » Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non chrétiennes, malgré les divers obstacles et les difficultés, en particulier les fondamentalismes des deux parties. Ce dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix dans le monde, et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses. Ce dialogue est, en premier lieu, une conversation sur la vie humaine, une « attitude d’ouverture envers eux, partageant leurs joies et leurs peines ». Ainsi, nous apprenons à accepter les autres dans leur manière différente d’être, de penser et de s’exprimer. De cette manière, nous pourrons assumer ensemble le devoir de servir la justice et la paix, qui devra devenir un critère de base de tous les échanges.

251. L’Évangélisation et le dialogue interreligieux, loin de s’opposer, se soutiennent et s’alimentent réciproquement.

252. La relation avec les croyants de l’Islam acquiert à notre époque une grande importance. Ils sont aujourd’hui particulièrement présents en de nombreux pays de tradition chrétienne, où ils peuvent célébrer librement leur culte et vivre intégrés dans la société. Il ne faut jamais oublier qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour ». Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens ; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération ; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux. En même temps, beaucoup d’entre eux ont la profonde conviction que leur vie, dans sa totalité, vient de Dieu et est pour lui. Ils reconnaissent aussi la nécessité de répondre à Dieu par un engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres ».

En conclusion, on doit donc reconnaître que les chrétiens sont davantage engagés dans l’Église que dans la société, et plus soucieux d’une vie de prière personnelle que d’un engagement collectif, pour lutter contre les injustices. La lettre sur les fidèles laïcs (Christi Fidelis) n’a pas été assimilée, elle n’est pas passée dans la pratique. Notre pape François nous rappelle (La joie de l’Evangile=EG n°178) : » À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice ».

-La catéchèse : C’est un aspect essentiel de la vie de l’Église, et elle concerne directement l’évangélisation et la dimension missionnaire de la communauté. Mais encore faudrait-il s’interroger sérieusement, sur les raisons qui poussent certains catéchumènes à demander le baptême. La religion traditionnelle est essentiellement locale, en lien avec la terre des ancêtres. Beaucoup de catéchumènes demandent à entrer dans l’Église, ou à devenir musulmans, pour appartenir à une religion universelle et qui paraît plus moderne. C’est donc un moyen de progrès social, mais pas obligatoirement de conversion au Christ. Ce qui explique qu’un certain nombre de catéchumènes disparaissent une fois qu’ils ont « gagné le baptême ».

Et parmi ceux qui continuent à pratiquer, il semble qu’un certain nombre d’entre eux vivent leur foi chrétienne dans l’esprit de la religion traditionnelle. Ou pour dire les choses autrement, qu’ils continuent à vivre la religion traditionnelle à l’intérieur du cadre de la religion chrétienne. Dans ces conditions, peut-on parler vraiment d’évangélisation ? Ils sont baptisés, sont-ils vraiment convertis à Jésus Christ ? Comment alors être missionnaires à leur tour ? Ce qui semble attirer ces catéchumènes, c’est l’amitié et l’esprit de famille qui règnent dans l’Église, et aussi la beauté et la qualité des prières et de la liturgie. Et également les soutiens des communautés chrétiennes et de la Caritas. C’est très bon et important. Mais il reste que beaucoup de nouveaux baptisés se contentent de participer à la messe le dimanche, sans véritable engagement ni dans l’Église ni dans la société, et sans vrai souci d’évangélisation de leurs frères et de leurs sœurs.

Le lieu où se font l’évangélisation et la catéchèse, c’est la paroisse. On peut d’ailleurs regretter que cette catéchèse ne se fasse pas davantage dans les quartiers. La catéchèse se fait aussi dans les écoles catholiques au risque de devenir une matière scolaire parmi d’autres, et d’être faite par des enseignants pas toujours motivés. Et il reste la question : est-ce que cette catéchèse est vraiment une évangélisation ? Pour les catéchumènes eux-mêmes oui. Mais elle ne semble pas les former pour qu’ils soient eux-mêmes évangélisateurs de leurs frères. En tout cas, les thèmes enseignés en catéchèse devraient certainement être revus pour répondre davantage aux besoins des gens et à l’évolution actuelle de la société.

L’apostolat des jeunes : Le thème des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) nationales de cette année était : « Jeunes, acteurs de la nouvelle évangélisation ». Ce qui montre que l’on porte le souci de l’évangélisation dans l’Église. Mais ce n’est pas sûr que cela débouche sur un véritable engagement des jeunes pour l’évangélisation. On a l’impression que beaucoup de jeunes aiment participer à de grandes rencontres ou des marches pèlerinage, mais qui ne transforment pas vraiment leur vie. Cela se manifeste par de grandes manifestations, qui souvent n’ont pas de suivi. Dans notre paroisse, lorsque nous avons voulu organiser une rencontre des jeunes marcheurs après la marche du pèlerinage national, pour voir comment mettre en pratique la formation reçue, très peu sont venus. Comment passer à des actions concrètes organisées, suivies et réfléchies, pour soutenir cette d’évangélisation des jeunes, par les jeunes ? Les jeunes chrétiens ont tendance à se retrouver entre eux dans leurs amicales, mais ils ne sont pas tellement présents dans les ASC (Associations Socio Culturelles) et autres organisations des jeunes dans les quartiers.

Bien sûr ces manifestations publiques de foi ont leur importance. Mais peut-on parler là d’une véritable évangélisation en profondeur ? En tout cas, ce qui attire le plus les jeunes dans le diocèse, mais aussi les adultes, ce sont des amicales où on se retrouve pour faire des fêtes et organiser des soirées dansantes. Les activités principales sont des activités lucratives : repas (khaware), concerts ou soirées payantes pour gagner de l’argent. Cet argent étant surtout utilisé pour des repas et des sorties, ou pour acheter des tenues, tee-shirts et uniformes et organiser des fêtes pour les seuls membres, mais pas pour aider les plus pauvres, même pas ceux qui appartiennent au groupe en question, qu’ils soient choristes, scouts, enfants de choeur ou autre chose. Encore moins pour le développement du pays, et le soutien de projets pour les plus démunis. Quand Zachée a parlé avec Jésus, il lui a dit (Luc 19,2-7) : » je vais donner la moitié de mon argent aux pauvres. Et si j’ai fait du mal à quelqu’un, je vais le payer 4 fois ». Il manque gravement de gratuité dans nos mouvements et associations.

L’Église risque de devenir une entreprise commerciale, ou une société d’organisation de fêtes et de danses. Ce qui attire les chrétiens, beaucoup plus que l’engagement dans leur milieu de vie, ce sont par exemple les chorales où les gens passent de nombreuses heures en répétition de chants, plusieurs soirées par semaine, souvent au détriment de leur vie de famille, et de leurs études pour les élèves et les étudiants. La conséquence, c’est que les eucharisties se transforment en concerts, ce qui est tout à fait à l’opposé de « la participation pleine et active de l’assemblée » demandée par le décret sur la Liturgie du Concile Vatican 2. Dans nos assemblées, la foule ne chante plus. Les concerts religieux (choralies) se terminent en soirées dansantes. Et pour venir animer par exemple les mariages, ces chorales se font payer.

Ce qui attire aussi beaucoup les chrétiens jeunes et adultes, ce sont aussi les mouvements charismatiques. Ce n’est pas le lieu ici d’en faire l’évaluation. Ils ont certainement un rôle important dans l’évangélisation, par leur joie et leur courage de présenter officiellement Jésus Christ et son Evangile, sans peur et sans complexe. Il est sûr qu’ils regroupent de nombreux jeunes et adultes, en proposant des formes de prières plus libres et plus animées, mais qui ne sont pas exemptes d’illusion et de sentimentalisme. Or, la foi ce n’est pas seulement une question d’affectivité forte : « avoir le cœur tout chaud ». Elle demande un engagement réel dans la vie. Il est clair que par ailleurs, beaucoup de gens entrent dans ces mouvements plus par intérêt personnel, que par volonté de vivre vraiment avec le Christ. Par exemple : pour trouver du travail, réussir son mariage, avoir des enfants, obtenir son examen, etc. L’un des signes de cela, c’est le nombre de bénédictions qui s’y pratiquent. Et aussi la recherche de signes extraordinaires, de révélations, de rêves, d’apparitions, de conseils, etc. L’Evangile de Jésus Christ ne suffit plus. Or l’évangélisation c’est bien cela : faire découvrir et aimer Jésus Christ, et vivre de son Evangile. Par rapport à la question qui nous intéresse ici, l’évangélisation, on peut aussi se poser des questions sur ce qui se dit dans ces groupes sur l’action de Satan et des démons, et plus largement, sur le péché et le mal dans le monde, et sur la recherche de protections. Comme si le monde n’était pas déjà sauvé par Jésus Christ. Il y a aussi l’illusion que, si on a réussi à rassembler beaucoup de monde, que l’on a des gens qui parlent en langues et qui entrent en transe, que l’on entend un certain nombre de témoignages plus ou moins extraordinaires ou miraculeux, on a assuré une véritable évangélisation et une transformation de la société.

Par rapport à l’engagement politique des chrétiens, il y a eu tout un effort du côté de la hiérarchie pour pousser les chrétiens à s’engager dans la politique, et pour lutter contre cette idée « enseignée par les anciens missionnaires » (sic), qu’un chrétien ne doit pas faire de politique. Sous la conduite de la commission Justice et Paix, une réflexion approfondie a été faite au moment des dernières élections, pour pousser les chrétiens à voter et à s’engager politiquement. Et aussi pour étudier les programmes des différents partis et faire réfléchir les gens dans les quartiers au choix du candidat pour qui voter. Mais cette réflexion importante, quand elle a été faite, est restée enfermée, à l’intérieur de l’Église alors qu’on a beaucoup insisté auprès des chrétiens et des communautés, pour qu’ils partagent leurs formations et leurs documents dans leurs quartiers, avec tout le monde. Cela n’a pas été fait. La communauté chrétienne reste centrée sur elle et enfermée dans ses problèmes, ce qui à mon avis, est en opposition directe avec une nouvelle évangélisation. On est prêt à accueillir les gens chez nous, mais beaucoup moins à aller vers eux, et encore moins à accueillir les valeurs et les richesses spirituelles qu’ils pourraient nous apporter. Aux dernières élections locales, un certain nombre de chrétiens se sont engagés dans la politique. Mais ils sont encore trop peu nombreux. Et il reste à savoir dans quelle mesure leur foi et l’Evangile est à la base de leur engagement et de leurs actions futures ? Et quel soutien l’Église va leur apporter pour cela ? Quand les chrétiens s’engagent en politique, on a souvent l’impression qu’ils cherchent surtout à obtenir des aides, et même des faveurs pour leur paroisse et pour l’Église, beaucoup plus qu’à vouloir faire avancer la société toute entière dans l’esprit de l’Evangile, et à apporter dans les structures officielles les soucis des plus pauvres et de tous ceux qui sont traités injustement. Notre pape écrit (EG 205) : » La politique tant dénigrée, est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun… Je prie le Seigneur qu’il nous offre davantage d’hommes politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres ! » .

Par ailleurs, parler d’engagement politique fait peur à un certain nombre de chrétiens. Et il est vrai que tout le monde n’est pas compétent, pour être ministre ou député. Il vaudrait prendre la question à la base, et demander aux chrétiens de s’engager dans la société civile (pas seulement dans les partis), et de commencer par s’engager au niveau du quartier (contacter les délégués et les imams de quartier, les badièni gox, les Ong, Asc et autres associations) et de la commune (voir la feuille de route des représentants de la paroisse auprès des mairies).

Les médias : Ils peuvent être un moyen important d’évangélisation. Au Sénégal nous avons la chance d’avoir, non seulement une radio catholique, mais surtout la possibilité d’intervenir dans les différentes télévisions et radios publiques et communautaires. C’est une grande opportunité que l’on nous offre. Malheureusement, on n’a pas toujours le souci d’y présenter Jésus Christ et l’Evangile à la population musulmane, qui est très largement majoritaire et qui forme donc le plus grand nombre des auditeurs. On préfère passer à la télévision des messes, des ordinations sacerdotales et des professions religieuses, sans même prendre le soin, au niveau vocabulaire, de présenter les choses d’une façon compréhensible pour des non chrétiens. De même, les émissions catholiques à la radio consistent souvent à faire une sorte de liturgie de la parole, relire les trois lectures du dimanche en question et d’en faire un commentaire qui s’adresse aux seuls chrétiens et en français, alors que la langue parlée par la majorité de la population et comprise par tous est le wolof et non pas le français. On retrouve toujours la même question. Pour beaucoup, évangélisation cela veut dire conversion au christianisme, baptême et entrée dans l’Église catholique. On n’a pas l’idée que l’on peut évangéliser les musulmans qui restent musulmans, c’est-à-dire de leur permettre de vivre leur foi dans l’esprit de l’Evangile, comme Jésus l’a fait avec les gens des autres religions qu’Il a rencontrés.

Les CEB : (Communautés Ecclésiales de Base) : Ces communautés c’est la famille chrétienne dans le quartier. Elles devraient porter le souci de la vie de tous les habitants, et être engagées avec les autres personnes du quartier, pour y construire ensemble le Royaume de Dieu. Mais la plupart du temps, il n’y a pas eu une véritable formation et réflexion sur ce que doit être une communauté chrétienne de quartier. Non seulement les responsables n’ont pas été formés mais souvent, ils ont été abandonnés à eux-mêmes, les prêtres en particulier n’ayant pas la volonté de participer aux réunions de communautés. Les chrétiens se sont retrouvés tout seuls et comme ils ne savaient pas quoi faire, pendant ces réunions, peu à peu, ils en sont venus simplement à réciter le chapelet. Au lieu d’être une famille chrétienne qui prend en charge l’évangélisation de tous, les réunions des communautés sont devenues simplement des réunions de prières. Bien sûr la prière est essentielle à la vie chrétienne, mais elle doit déboucher sur une transformation de la vie, et une action dans le milieu où l’on se trouve.

Relisons l’avertissement de notre pape François dans sa lettre « La joie de l’Evangile » EG n° 95 : « Dans certaines Eglises, on note un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. De cette façon, la vie de l’Église se transforme en une pièce de musée, ou devient la propriété d’un petit nombre…. Elle est privée du sceau du Christ incarné, crucifié et ressuscité, elle se renferme en groupes d’élites, elle ne va pas réellement à la recherche de ceux qui sont loin, ni des immenses multitudes assoiffées du Christ. Il n’y a plus de ferveur évangélique, mais la fausse jouissance d’une autosatisfaction égocentrique ».

2) L’évangélisation

Que devient l’évangélisation dans tout cela ? Les chrétiens aiment dire qu’ils sont des modèles, et qu’ils sont admirés par les musulmans qui les entourent, pour leur sérieux et leur engagement dans le travail, et par rapport à l’argent. Dans la réalité, les choses sont peut-être moins belles et de toutes façons, cela ne conduit pas obligatoirement à une véritable évangélisation. Les chrétiens cherchent davantage à être des exemples qu’à permettre aux non chrétiens de vivre les valeurs de l’évangile. Et beaucoup semblent avoir une politique du tout ou de rien. On est chrétien ou musulman, les jeux sont faits. On ne cherche donc pas à permettre aux musulmans de mieux connaître Jésus Christ, en allant plus loin que ce qu’il en est dit dans le Coran, pour qu’ils vivent dans l’esprit de l’Evangile, même s’ils restent musulmans.

Par rapport à l’évangélisation, il est important de garder la gratuité de nos activités et le respect de la liberté des gens, pour éviter tout prosélytisme, comme Jésus Christ l’a fait lui-même. Et que les conversions ne soient pas causées par le désir de bénéficier des actions humanitaires et caritatives de l’Église. L’évangélisation doit se faire d’une façon désintéressée, dans l’amour de Dieu qui est gratuit et désintéressé (« ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le aussi gratuitement »). Cette question n’est pas nouvelle, elle se pose depuis le début de l’Église, mais il est très important d’y réfléchir dans le cadre de la société sénégalaise actuelle, avec tous les bouleversements qu’elle connaît.

Ce qui ralentit l’évangélisation, c’est d’abord qu’elle est difficile, surtout dans un pays à très grande majorité musulmane, même si les gens sont très tolérants. L’Église catholique a été reconnue et soutenue au temps de la colonisation. Depuis, elle n’a pas pris suffisamment conscience qu’elle est une minorité, et elle n’en a pas tiré les conclusions. Jésus disait : « N’ayez pas peur, petit troupeau » (Luc 12,32). Il disait aussi « Vous êtes le sel de la terre ». Il suffit d’un peu de sel, pour donner du goût à tout le plat. Mais encore faut-il que le sel ne perde pas sa force, sinon on lui marche dessus (Mat 5,13). Et surtout qu’il ne reste pas dans la boîte sur l’étagère, mais qu’il soit vraiment au milieu de la nourriture, présent et agissant. Même si la lumière de l’Église n’est pas sous le boisseau, elle reste encore trop souvent enfermée dans la maison. Elle éclaire ceux qui sont dans la maison, mais elle n’est pas encore ouverte, sur une colline, pour éclairer tous les hommes (Mat 5,14). Et le levain est plus souvent partagé, entre chrétiens, que présent dans la pate humaine de la société (Mat 13,33).

Le deuxième obstacle c’est que les chrétiens sont encore restés à une conception, soit de la religion traditionnelle, soit de l’Islam, plus qu’à une évangélisation dans l’esprit de Vatican II. Dans la religion traditionnelle, dans la mesure où c’est une religion liée à la terre et au culte des ancêtres, on dit facilement : chacun a sa religion. Donc, on n’a pas besoin d’aller chercher les autres, qui habitent ailleurs et ont d’autres ancêtres. Les musulmans, eux, cherchent à convertir les gens à l’islam. Et les chrétiens auraient tendance à faire la même chose : chercher à convertir, conversion étant alors synonyme de baptiser les gens pour les faire entrer dans l’Église, et non pas changer ses idées, son cœur et sa vie. Par conséquent, si les musulmans contactés ne veulent pas être baptisés, on les laisse poursuivre leur religion, sans plus s’occuper d’eux. On se contente de vivre en paix avec eux. Alors que Jésus est venu faire tout à fait autre chose : il est venu offrir le Royaume de Dieu à tous les hommes, pour permettre à tous de vivre les valeurs du Royaume à l’intérieur de leur propre religion, même s’ils n’entrent pas dans l’Église.

Il est sûr que, malgré les limites que j’ai signalées, à travers toutes les activités sociales et autres de l’Église, l’esprit de l’Evangile et la connaissance de Jésus Christ passent certainement. Et qu’un certain nombre de musulmans vivent leur religion et comprennent le Coran, différemment et d’une façon plus spirituelle, grâce à leurs contacts avec les chrétiens. Par exemple, pour ne pas se limiter au jeûne mais chercher une vraie conversion au moment du Ramadan, suite à la façon des chrétiens de vivre le Carême. Et aussi dans la façon de prier, plus personnelle et à partir de la vie, en dépassant la seule récitation de formules. Ou encore à vivre leur foi dans l’amour, et pas seulement garder les 10 commandements d’une façon parfois moralisante ou extérieure. On peut se demander, à l‘inverse, dans quelle mesure la foi des chrétiens est purifiée et grandie par leur vie en commun avec les musulmans. En effet, les musulmans nous appellent à un respect de Dieu plus grand : « Dieu est Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu ». Ils prient 5 fois par jour, et nous rappellent l’importance de la prière, et de manifester notre foi en public. Le sérieux avec lequel ils jeûnent pendant le Ramadan nous interroge sur la façon dont nous vivons le Carême. Et beaucoup d’autres choses encore. Mais combien de chrétiens, trop sûrs de leur foi, sont prêts à se laisser interpeler par les musulmans ? Or il ne peut pas y avoir d’évangélisation sans dialogue et accueil de l’autre.

Ce qui diminue le désir d’exercer l’évangélisation, c’est aussi l’influence de la vie moderne avec l’importance de plus en plus grande prise par les médias, qui cherchent à mettre en place non seulement une société laïque, mais une société de non foi, une société où domine l’individualisme, la recherche du plaisir, du pouvoir, de l’argent, de la facilité et du laisser-aller ; une société de stars et d’ »idoles » : footballeurs, artistes et lutteurs, et du succès facile. Cette volonté de profiter de la vie le plus possible et tout de suite, ne facilite pas bien sûr l’engagement dans la vie chrétienne, encore moins dans l’évangélisation. Mais il ne faudrait pas pour autant condamner la société moderne, qui a ses valeurs de libération, de sincérité, de progrès, etc. Et les choses n’étaient certainement pas plus faciles, ni la société meilleure, par exemple en Europe au temps de la Renaissance ou du Moyen Age. D’ailleurs Jésus nous a prévenus, déjà dans l’Evangile, que « si les gens ont été contre moi, ils seront aussi contre vous. Car le serviteur n’est pas au dessus de son Maître » (Mat 10,24)!

Il y a aussi les limites internes à l’Église : La commission pour les relations avec les musulmans cherchent à renaître peu à peu, mais elle est toute petite, et elle n’est pas implantée dans les paroisses. L’Église locale semble plus centrée sur elle-même qu’ouverte à l’extérieur. La catéchèse est plus soucieuse de la connaissance que de l’engagement dans la société. On ne travaille pas suffisamment le lien de la catéchèse avec les CEB (communautés chrétiennes de base), les mouvements, en particulier les mouvements d’action catholique, qui d’ailleurs sont en pleine décadence actuellement et ne sont pas véritablement soutenus. Ceux qui ont le vent en poupe, ce sont les groupes de prière charismatique avec leur richesse, mais aussi leurs limites. Au niveau des jeunes ce qui plaît ce sont les amicales, et ils sont plus intéressées à faire des fêtes (xawaré) et des soirées dansantes, qu’à s’engager dans leur milieu de vie, comme je l’ai expliqué plus haut.

Se pose aussi toute la question de l’inculturation. Car il est clair qu’on ne peut pas avoir d’Evangélisation en profondeur sans inculturation. Comme le dit notre pape François (la joie de l’Evangile n°116) : » Quand une communauté accueille l’annonce du salut, l’Esprit Saint féconde sa culture avec la force transformante de l’Évangile…. Par l’inculturation, l’Église « introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté », parce que « toute culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l’Évangile est annoncé, compris et vécu »….Que l’Église « fasse comprendre et présente la vérité du Christ en s’inspirant des traditions et des cultures de la région » n°118. C’est sûr qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Le pape ajoute : n° 129 » Dans les pays où le christianisme est minoritaire, en plus d’encourager chaque baptisé à annoncer l’Évangile, les Églises particulières doivent développer activement des formes, au moins initiales, d’inculturation. Ce à quoi on doit tendre, en définitive, c’est que la prédication de l’Évangile, exprimée par des catégories propres à la culture où il est annoncé, provoque une nouvelle synthèse avec cette culture…Si nous laissons les doutes et les peurs étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement tranquilles sans provoquer aucune avancée et, dans ce cas, nous ne serons pas participants aux processus historiques par notre coopération, mais nous serons simplement spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église ».

Les congrégations missionnaires sont présentes et nombreuses dans l’archidiocèse mais on ne leur permet pas souvent, et d’ailleurs elles-mêmes ne cherchent pas tellement, à vivre leur charisme missionnaire. Pour les religieux prêtres, ce que l’on attend d’eux c’est de tenir des paroisses, mais beaucoup moins de travailler dans la société pour l’évangélisation en tant que telle. Les religieux non prêtres et religieuses, semblent se contenter de faire fonctionner leurs œuvres, comme on l’a toujours fait. Les écoles, centres de santé et centres de formation pourraient être l’occasion d’une évangélisation plus profonde, dans le dialogue, l’accueil et le respect des autres. Toutes ces oeuvres sont comprises comme la mise en pratique de la charité du Christ, ce qui est très important et vrai, mais beaucoup moins comme une véritable évangélisation, dans le sens du dialogue et du partage de la foi, sans prosélytisme. Un simple signe : il y a très peu de sœurs et surtout de frères engagés dans les commissions Justice et Paix et dans les mouvements d’action catholique. Certains, et surtout certaines, sont plus intéressés par les chorales. Beaucoup semblent se limiter à leur vie de communauté et aux œuvres de leur congrégation. Il est difficile de trouver des frères et des sœurs pour accompagner les communautés de quartiers (CEB). Comment s’étonner alors que celles-ci n’aient pas le souci de l’évangélisation de leur quartier ?

Le pape François explique (EG n° 210) : » Il est indispensable de prêter attention aux nouvelles formes de pauvreté et de fragilité dans lesquelles nous sommes appelés à reconnaître le Christ souffrant, même si, en apparence, cela ne nous apporte pas des avantages tangibles et immédiats : les sans-abris, les toxico-dépendants, les réfugiés, les populations indigènes, les personnes âgées toujours plus seules et abandonnées etc. Les migrants me posent un défi particulier parce que je suis Pasteur d’une Église sans frontières qui se sent mère de tous ».

Il faut donc nous demander : quels sont les nouveaux secteurs de la vie moderne qui ont besoin d’être évangélisés. Car le monde a changé. Il y a de nouveaux domaines de manque de foi, comme des nouveaux secteurs de pauvreté et d’injustices, dans lesquels nous devons nous engager. Mais encore faut-il avoir des idées claires. Et chercher une véritable évangélisation, dans le sens du dialogue et du partage de la foi, sans prosélytisme. Il est important de savoir lire les signes des temps, comme nous l’a rappelé le 2° concile du Vatican, à la suite de Jésus Lui-même (Mat 16,3).

Il est absolument nécessaire que les membres des congrégations missionnaires retrouvent leur souffle et le souci de l’évangélisation, et qu’ils reviennent à leur charisme. Même s’ils travaillent en paroisse, que celle-ci soit ouverte à tous, avec le souci des plus pauvres, et qu’ils ne se laissent pas enfermer dans les activités paroissiales. Et qu’ils poussent les chrétiens à s’engager davantage dans la société, en groupe et pas seulement personnellement, comme Jésus a envoyé l’équipe des apôtres dans le monde.

Encore faut-il en prendre les moyens. D’abord un véritable renouvellement spirituel, comme cela se cherche chez les spiritains depuis leur dernier chapitre général. Mais aussi la formation : que les étudiants et étudiantes soient plus intéressés par une formation pastorale missionnaire que par les diplômes, comme l’a rappelé fortement et plusieurs fois le pape François. Et qu’après la formation de base, on ne se contente pas d’envoyer certains se former en philosophie, théologie, liturgie, droit canon…mais aussi dans les sciences humaines : éducation, santé, développement, justice et paix, animation de groupe…Sinon, comment pourront-ils travailler avec les malades du Sida ou d’Ebola, avec les prostitués et les enfants de la rue, avec les émigrés et les marginaux, pour lutter pour les droits humains et aider les pauvres à se prendre en main, et tant d’autres choses.

Rappelons-nous ce que nous dit notre pape François dans sa lettre sur la Joie de l’Evangile : Oui au défi d’une spiritualité missionnaire n°78 : « Aujourd’hui, on peut rencontrer chez beaucoup d’agents pastoraux, y compris des personnes consacrées, une préoccupation exagérée pour les espaces personnels d’autonomie et de détente, qui les conduit à vivre leurs tâches comme un simple appendice de la vie, comme si elles ne faisaient pas partie de leur identité. En même temps, la vie spirituelle se confond avec des moments religieux qui offrent un certain soulagement, mais qui ne nourrissent pas la rencontre avec les autres, l’engagement dans le monde, la passion pour l’évangélisation. Ainsi, on peut trouver chez beaucoup d’agents de l’évangélisation, bien qu’ils prient, une accentuation de l’individualisme, une crise d’identité et une baisse de ferveur. Ce sont trois maux qui se nourrissent l’un l’autre ».

79. Comme conséquence, beaucoup d’agents pastoraux, même s’ils prient, développent une sorte de complexe d’infériorité, qui les conduit à relativiser ou à occulter leur identité chrétienne et leurs convictions. ..Ils finissent par étouffer la joie de la mission par une espèce d’obsession pour être comme tous les autres et pour avoir ce que les autres possèdent. De cette façon, la tâche de l’évangélisation devient forcée et ils lui consacrent peu d’efforts et un temps très limité.

80. Il faut souligner le fait que, même celui qui apparemment dispose de solides convictions doctrinales et spirituelles, tombe souvent dans un style de vie qui porte à s’attacher à des sécurités économiques, ou à des espaces de pouvoir et de gloire humaine qu’il se procure de n’importe quelle manière, au lieu de donner sa vie pour les autres dans la mission. Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire !

Les possibilités ne manquent pas : Au niveau de l’Etat, nous avons la chance de vivre dans un pays laïc qui soutient une laïcité positive où l’Etat reconnait et soutient chacune des religions. Même s’il nous fait rester très attentifs, face au désir de certains d’islamiser la société, et au danger d’intégrisme de certains mouvements qui pourraient venir de pays voisins. . Mais il y a aussi le danger de certains chrétiens qui sont eux aussi de tendance intégriste. Pour le moment, l’Église catholique est acceptée et même reconnue comme les autres religions dans le pays.

Dans la société civile, nous avons la chance d’avoir un certain nombre d’ONG et autres organisations qui s’engagent pour les droits humains, et donc en particulier la liberté de religion. Nous avons la possibilité de travailler avec elles. Même si beaucoup sont très attirés par la culture païenne moderne proposée par les pays occidentaux, à l’ONU et dans les grandes organisations internationales, qui tendent à diminuer fortement le respect de la vie et le soutien de la famille, sans parler des pressions pour autoriser l’euthanasie, l’avortement, etc…

Nous vivons dans une culture tolérante qui accepte les idées et la liberté des autres, et cela est renforcé dans le sud du pays par le fait que dans les mêmes familles il y a des chrétiens et des musulmans. La culture traditionnelle africaine commune à tous les croyants est ainsi une grande chance pour nous, et une base pour construire la paix, l’acceptation mutuelle et le dialogue, et donc pour permettre une véritable évangélisation.

Une nouvelle étape de l’évangélisation

Il est important de savoir lire les signes des temps, comme nous l’a rappelé le 2° concile du Vatican, à la suite de Jésus Lui-même (Mat 16,3). Lorsque les premiers missionnaires sont arrivés au Sénégal, ils se sont consacrés à implanter l’église locale, ce qui est bien normal. Ils se sont donc consacrés à la catéchèse, l’organisation des paroisses et à ouvrir des séminaires. Mais en même temps, ils ont eu le souci du développement humain, de l’éducation et de lancements de projets dans les différents secteurs de la vie. Ils n’ont donc pas oublié la dimension caritative et humanitaire : mise en place de dispensaires, d’écoles, de centres de formation professionnelle et technique etc. Maintenant, et déjà depuis de nombreuses années, l’Église est en place. Est-ce que les congrégations religieuses en particulier ne devraient pas se tourner plus directement vers une nouvelle évangélisation, d’ailleurs demandée par l’Église ? Et rendre leurs paroisses, comme toutes leurs autres activités beaucoup plus missionnaires. Les paroisses sont en place, le clergé diocésain est nombreux et travaille. Cela bien sûr doit se continuer. Mais ne faudrait-il pas passer en même temps à une deuxième étape : ne pas se li !miter à la paroisse, proposer l’évangile à tous ceux qui peuvent l’accepter, qu’ils soient chrétiens ou non, et voir tous les nouveaux secteurs de la vie moderne qui ont besoin d’être évangélisés. Car le monde a changé. Il y a de nombreux domaines de manque de foi, comme des nouveaux secteurs de pauvreté et d’injustices, dans lesquels nous devons nous engager. Mais encore faut-il avoir des idées claires sur ce qu’il faut faire.

La congrégation pour l’évangélisation des peuples au Vatican organise une plénière du 30 novembre au 2 décembre 2015. Dans la lettre préparatoire du 26/05/2014, je lis l’affirmation suivante : « Le but ultime de l’activité missionnaire est l’évangélisation et la plantatio Ecclesiae au sein des populations où la Parole de Dieu n’a pas été semée et où elle n’a pris racine. En d’autres termes, l’Église, qui est signe et instrument du salut, ne vit que dans le précepte missionnaire du Christ, tant que l’Evangile n’a pas été annoncé “en tout lieu et à toute créature” (Mc 16,15). Dans le même temps, par l’annonce de l’Evangile, nait l’Église et sa plantatio donne forme à la Communauté des croyants ».

Je n‘aime pas beaucoup ce mot « d’implanter ». C’est comme si on amenait un arbre adulte, une Église toute faite (occidentale) dans le pays, que l’on vient planter sans tenir compte de la culture et des réalités locales. Ce qu’il faut c’est « semer » la Parole de Dieu dans un nouveau sol, où elle va grandir peu à peu selon les réalités de la terre locale (s’enraciner et s’inculturer). De même, je pense qu’on ne peut pas se limiter à la seule « plantatio Ecclesiae ».

Il s’agit de proposer l’Evangile à tous les hommes, quelle que soit leur religion. De toutes façons, au Sénégal, l’Église est maintenant implantée. Il reste l’Evangélisation : pas seulement des chrétiens mais de tous les habitants du pays, à l’intérieur même de leurs différentes cultures et religions. Pour la venue du Royaume de Dieu. Et en particulier, permettre à tous les musulmans qui le veulent et qui sont la très grande majorité, mais aussi ceux qui suivent les religions traditionnelles ou ceux qui se disent incroyants, de vivre les valeurs de l’Evangile, même s’ils restent musulmans. Comme le dit d’ailleurs le document Lumen Gentium du concile Vatican II. Dans la limite de ces pages, je me contente de 3 citations. Mais il faudrait lire le document tout entier, et aussi les autres documents du Concile, en particulier Gaudium et Spes (l’Église dans le monde). Sans oublier les documents plus récents du Vatican, mais aussi les déclarations de nos évêques. Simplement une citation de la lettre de François, La joie de l’Evangile n° 20 : »Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile ».

LG 9 : « l’Église est l’instrument de la rédemption de tous les hommes. Elle est le sacrement visible de l’unité qui sauve les hommes ». Un sacrement c’est un signe efficace, mais c’est un signe, et non pas le but final et unique. “L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain” ( LG 1). L’Église est le signe et le moyen de la venue du Royaume de Dieu sur la terre. Mais elle n’est pas le Royaume en elle-même, ni toute seule.

« L’Église tire son origine de la mission du Fils et du Saint Esprit, selon la volonté de Dieu le Père » (LG 2). La Trinité est don réciproque et total des trois personnes dans l’amour. La mission c’est de faire entrer tous les hommes dans cet amour, et de leur apprendre à se donner à leurs frères, à l’exemple et avec l’aide de la Trinité. Comme le dit LG 48, “Le Christ (…) a constitué son Corps, qui est l’Église, comme le sacrement universel du salut”.

LG 4 : « La mission de l’Église que lui a donné son Seigneur, c’est la formation spirituelle, morale et humaine de tout homme, de toute femme et de tout enfant. Elle participe au bien des peuples, répare les fractures existant entre eux et élève la dignité humaine ». C’est cela l’implantation de l’Église et non pas seulement des évêques et un clergé local, la construction de bâtiments, des prières, des baptêmes et des confirmations. Et au n° 4-1 : Déjà « pour les chrétiens, le peuple de Dieu doit atteindre une maturité dans tous les aspects de la vie humaine : famille, travail, choix de vie, service, éducation etc. »

4-8 : à mon avis la mission de l’Église ce n’est pas seulement « d’enseigner toutes les nations et de prêcher l’évangile à toute créature pour que soit fondée l’Église peuple de Dieu ». C’est aussi et d’abord de permettre à tous les hommes de vivre les valeurs de l’Evangile, même s’ils n’entrent pas dans l’Église, et ne demandent pas le baptême. C’est-à-dire de faire venir le Royaume de Dieu, pas seulement pour les chrétiens et l’Église, mais pour tous les hommes. Pas seulement pour les personnes une par une, mais pour tous les peuples, toutes les sociétés, le monde entier. Et même la création toute entière, comme l’a dit le Christ avant de quitter cette terre (Marc 16,15). Et comme l’explique Paul (Rom 8,19-23).

Comment Jésus annonce-t-il l’évangile ?

Déjà, Zacharie chante à la naissance de son fils Jean Baptiste (Luc 1,70-79) « Et toi, petit enfant, tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses chemins… pour éclairer ceux qui sont dans la nuit et l’ombre de la mort, et pour conduire nos pas sur le chemin de la paix ». A Noël les anges chantent (Luc 2, 10-14) « Je vous annonce une bonne nouvelle qui donnera la joie à tout le peuple… paix sur terre aux hommes que Dieu aime » et Dieu aime tous les hommes. Et c’est bien pour cela qu’Il fait connaître la naissance de son fils, non pas aux chefs religieux d’Israël, mais d’abord à des pauvres, des hommes rejetés et traités de pécheurs, les bergers, (Luc 2). Et ensuite à des savants païens venus de l’est (Matthieu 2, 1-12). Avant de s’enfuir en Egypte, là où Dieu avait déjà délivré son peuple esclave, au temps de Moïse. Et quand Marie et Joseph présentent leur enfant au Temple pour le consacrer à Dieu, Siméon chante « Il est le Salut que Tu as préparé pour tous les peuples, Lumière qui te fera connaître à toutes les nations du monde » (Luc 2, 30-32). Cette idée que Dieu aime et sauve tous les hommes est déjà très présente dans la Première Alliance (Par exemple Isaïe 12,4; 54,2 ; 56,7). Et quand Jésus à Nazareth explique sa mission, Il reprend justement le prophète Isaïe en disant : « L’Esprit de Dieu est sur moi, Il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être délivrés, que les aveugles vont voir à nouveau, et ceux qui sont écrasés vont être relevés » (Luc 4, 18,21). Par conséquent cela me semble très clair : L’Evangile est pour tous et d’abord pour les pauvres. L’annonce de l’Evangile demande que l’on cherche d’abord à libérer les prisonniers, et les aveugles de toutes sortes : dans leur cœur, mais d’abord dans leurs corps (Luc 4, 18-21).

De même quand Jean Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7,20-23) » Jésus répond : « Allez dire à Jean ce que vous avez vu et entendu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont rendus purs, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Cela nous montre bien que l’évangélisation ce sont des actions (construire le Royaume) et pas seulement des paroles. Comme le dit Jésus : « Voyez ce que je fais ». Quand Jésus annonce l’Evangile, il commence par guérir les malades (Matthieu 15,29). Et Il nourrit la foule (Jean 6, 1) avant d’enseigner le Pain de la vie (Jean 6, 25). Cela nous montre le chemin à suivre pour l’évangélisation. En effet, nos actions sont plus fortes que nos paroles. L’évangélisation c’est une question de témoignage. On peut nous empêcher de parler, mais on ne peut pas nous empêcher de vivre l’Evangile. Comme le dit Jésus : « On vous amènera devant les tribunaux… et ce sera pour eux un témoignage » (Matthieu 10, 18). Tous les hommes ont envie d’être heureux. Si nous sommes heureux en vivant de l’Evangile, ils auront envie de venir avec nous pour rencontrer le Christ. Car l’Evangile est une Bonne Nouvelle.

L’Evangile s’adresse à tout le monde. C’est évident, si on regarde la vie de Jésus. Il traverse sans arrêt les frontières pour aller de l’autre côté du Jourdain (Marc 10, 1), en Samarie (Jean 4,4) ou dans la région de Génésareth (Marc 6, 53). Il guérit les malades et ceux qui sont possédés des esprits mauvais, sans rejeter personne, Il enseigne tout le monde sans distinction, Il aime tous les hommes, Il est accueillant à tous. Mais plus que cela, Il reconnaît l’action de l’Esprit Saint dans le cœur des païens, et Il en rend grâce à Dieu son Père. Il remarque que c’est seulement le lépreux samaritain, qui vient lui dire merci d’être guéri. Il dit de l’officier romain (Mat 8,10) « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Et Il en tire la conclusion « Ils viendront de l’est et de l’ouest, et prendront place à table au repas du Royaume ». Et nous ne pouvons pas oublier que, avant de recevoir le Corps du Christ dans la communion, c’est la prière d’un païen, cet officier, que nous disons : » Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes chez moi, mais dis seulement une parole, et je serai sauvé ». De même, Jésus envoie la Samaritaine, une païenne, une femme de mauvaise vie, pour le faire connaître aux gens de son village, des samaritains, des païens eux aussi (Jean 4,28). Et c’est une femme syrienne qui lui fait comprendre, qu’Il est envoyé par son Père pour tous les hommes : « Même les chiens sous la table mangent les morceaux, que les enfants font tomber » (Marc 7,28).

Jésus dira lui-même : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12,32). Et avant de monter au ciel il dira à ses disciples « Allez annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toute la création», en leur disant que pour cela ils doivent « chasser les esprits mauvais et parler des langues nouvelles (Marc 18,18). Il ne manque pas de rappeler aux pharisiens ce qu’a fait le prophète Jonas, pour appeler les païens de Ninive à la conversion. Et la reine de Saba qui est venue écouter le Roi Salomon. Et Il dit : « il y a plus ici que Salomon » (Matthieu 11, 20-25)). On pourrait continuer à citer de nombreux autres passages de l’Evangile qui vont dans le même sens.

Paul a consacré toute son énergie à mettre en place des communautés chrétiennes, dans tout l’empire romain. Mais il voulait des communautés ouvertes et missionnaires, qui annoncent l’Evangile à tous. Il s’écrie « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (pas seulement malheur à moi si je n’implante pas l’Église : 1°Cor 9, 16). Et il affirme : « Dieu ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour évangéliser » (1° Cor 1,17). Il ajoute : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1° Ti 2,4).

Le royaume de Dieu

Ce qui manque à mon avis pour une véritable évangélisation, c’est une théologie du Royaume de Dieu. Sans une réflexion profonde sur ce qu’est le Royaume de Dieu, son importance et les conditions de sa venue, on en restera toujours à une conception limitée de l’évangélisation, comme une simple implantation de l’Église. Et on se limitera à ceux qui sont déjà chrétiens, ou qui acceptent de le devenir. Mais alors qu’en sera-t-il de tous les autres hommes ? Le pape François écrit : « Évangéliser c’est rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. » ( EG = Evangelii Gaudium, § 176). Il ajoute n°180 : « Le Royaume nous appelle. En lisant les Écritures, il apparaît du reste clairement que la proposition de l’Évangile ne consiste pas seulement en une relation personnelle avec Dieu. La proposition est le Royaume de Dieu (Luc 4, 43). Il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde. Dans la mesure où il réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous. Donc, aussi bien l’annonce que l’expérience chrétienne tendent à provoquer des conséquences sociales. Cherchons son Royaume : « Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus » (Mt 6, 33). Le projet de Jésus est d’instaurer le Royaume de son Père ; il demande à ses disciples : « Proclamez que le Royaume des cieux est tout proche » (Mt 10, 7).

Je n’ai pas la place ici de présenter cette théologie du Royaume. Je me contente de quelques citations de l’Evangile, qui concernent plus directement l’évangélisation.

Dans l’Evangile, on parle très souvent de la Bonne Nouvelle du Royaume (Matthieu 4, 23 – Matthieu 9, 35 – Luc 4, 43 etc.). Ce qui montre bien que l’évangélisation est liée à la venue du Royaume. Jésus nous a appris à prier ainsi : « Notre Père… que Ton Règne (ton Royaume) vienne ». Le Royaume c’est vraiment ce qu’il y a de plus important. Comme le dit encore Jésus (Matthieu 6,33) : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et Dieu vous donnera tout le reste en plus ». Et ces paroles s’adressent à tous les hommes, comme les béatitudes. Pas seulement aux chrétiens. Jésus, le nouveau Moïse, les prononce en haut de la montagne. Le Royaume c’est un trésor, une perle fine (Matthieu 13, 44-45) pour lequel nous sommes prêts à tout laisser.

Le Royaume, c’est d’abord Jésus lui-même. C’est Lui que nous aimons, c’est avec Lui que nous vivons, c’est autour de Lui que nous nous rassemblons. Jésus disait : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, Je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18, 20). Le Royaume, c’est vivre avec Jésus, et comme Lui.

Le Royaume de Dieu n’est pas au ciel, il est sur la terre, comme nous l’a dit Jésus dans la prière du Notre Père « Que Ton Règne vienne, Que Ta Volonté soit faite, sur la terre comme au ciel ». Le Royaume, c’est donc commencer à vivre déjà avec tous sur la terre, comme au ciel. Le Royaume est pour tous, pas seulement pour les chrétiens. Et Dieu y appelle sans cesse de nouvelles personnes, comme le maître a appelé les ouvriers aux différentes heures de la journée (Matthieu 20,1). Le Royaume est pour tout le monde, car Jésus « a racheté pour Dieu, des hommes de toutes tribus, de toutes langues, de tous peuples et de toutes nations » (Apocalypse 5,10). Cela, Dieu le disait déjà, par la bouche d’Isaïe (56,7): »Ma maison s’appellera : maison de prière pour tous les peuples ». Et Jésus explique « Il y a beaucoup de places, dans la maison de mon Père » (Jean 14, 2).

Le Royaume, comme l’Evangile, est d’abord pour les pauvres et pour ceux que l’on fait souffrir à cause de la justice (comparer Matthieu 5, 3 + 10 et Luc 4, 18-21). C’est donc à eux que nous annonçons l’Evangile en premier. Et aussi aux pécheurs, et aux hommes et aux femmes de mauvaise vie. Jésus l’a dit avec force : « Les ramasseurs d’impôts et les prostituées arriveront avant vous, dans le Royaume de Dieu » (Matthieu 21, 31).

Quels sont les signes de ce Royaume, qui nous montrent ce que nous devons faire pour qu’il arrive parmi nous ? En premier, c’est l’Amour. Quand l’enseignant de la loi rappelle le commandement de Moïse « Tu aimeras le Seigneur Ton Dieu de tout ton cœur… tu aimeras ton prochain comme toi-même », Jésus lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » (Matthieu 12, 34). Evangéliser et faire venir le Royaume, c’est pardonner et avoir pitié de nos frères (Matthieu 18, 23). Comme nous le dira Jésus, à la fin du monde « Venez, vous qui êtes les bénis de mon Père. Recevez le Royaume qu’Il a préparé pour vous, depuis le début du monde… car j’ai eu faim, vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif, j’étais étranger, nu, malade, en prison… Tout ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que tu l’as fait » (Matthieu 25, 40). Ce n’est donc pas seulement aimer, mais c’est reconnaître dans tout homme un enfant de Dieu, et un frère ou une sœur de Jésus. C’est de cette façon là, que nous pouvons vraiment évangéliser. Et accueillir tous les hommes dans le respect, et sans distinction.

C’est s’engager pour la justice, qui nous fait briller dans le Royaume de Notre Père (Matthieu 13, 43). C’est en même temps être patient. Et supporter le mal qui est dans le monde avec espérance, comme le maître attend le temps de la moisson, pour brûler la mauvaise herbe (Matthieu 13, 24). Le Royaume c’est se faire petit devant Dieu et devant les hommes, comme un enfant (Matthieu 18, 1). Et se faire le serviteur de tous, comme Jésus a lavé les pieds de ses apôtres (Jean 13). L’évangélisation, comme le Royaume, nous demande de laisser le mal. Car le Royaume est comme un filet, qui attrape toutes sortes de poissons, et que les anges viendront trier à la fin du monde (Matthieu 13, 47). Ce n’est donc pas à nous de choisir les gens.

Tout cela nous demande d’agir en vérité car « ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux. Mais ceux qui font la volonté de mon Père « (Matthieu 7, 21). Et Paul explique : « le Royaume de Dieu ce n’est pas une affaire de paroles, mais de puissance » (1ère aux Corinthiens 4, 20), « ce n’est pas une question de nourriture ou de boisson, mais de justice, de paix et de joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14, 17). Face à la situation de notre Église que j’ai décrite au début, le Seigneur nous demande donc d’écouter le Saint Esprit, pour « tirer de notre trésor, de l’ancien et du nouveau ». Et de nous adapter au monde de ce temps (Matthieu 13, 52). De commencer tout petit, comme la graine de moutarde, qui est la plus petite des graines (Matthieu 13, 21). Et ensuite de grandir peu à peu, et d’étendre nos bras pour accueillir nos frères, comme l’arbre étend ses branches pour que les oiseaux viennent se reposer. Et qu’ils puissent ensuite repartir librement poursuivre leur propre chemin (Matthieu 13, 31).

Il s’agit bien de partager la vie des hommes et de nous engager dans la société, comme le levain doit être mélangé à la pâte pour agir, et la faire lever toute entière (Matthieu 13, 33). Jésus a dit à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Mais Il ajoute « Je te donnerai les clés du Royaume ». Pas seulement les clés de l’Église (Matthieu 16, 19). L’Église doit donc être au service du Royaume. « Un règne sans limite et sans fin, règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (Préface du Christ Roi).