Armel Duteil


Daniel Brottier.

Mais nous avons un confrère spiritain ayant travaillé au Sénégal au 20° siècle, Daniel Brottier, un homme de courage mais aussi de fort tempérament. C’était un enfant turbulent, et même bagarreur. Mais il a su se dominer peu à peu, pour répondre à l’appel du Seigneur

Dès sa jeunesse, il veut être missionnaire, mais d’abord il entre au grand séminaire diocésain, puis il décide d’entrer Chez les Spiritains. Il est envoyé à Saint-Louis du Sénégal. C’est là qu’il va mettre en place une pastorale des jeunes tout à fait dynamique et nouvelle avec des activités, une fanfare et du théâtre suivi de réflexions conduisant à des actions. Il sait faire grandir l’amitié entre les jeunes et les encourager à prendre leurs responsabilités.

Mais il a des maux de tête très forts. Il va donc rentrer en France. Il essaye d’être moine, et de rentrer à la Trappe, mais il voit que ce n’est pas sa vocation Monseigneur Jalabert, l’archevêque de Dakar, lui demande alors de chercher des fonds pour construire une cathédrale à Dakar. Ce sera une action dans laquelle il s’engage de tout son cœur, comme il le fait toujours.

Malheureusement la deuxième guerre mondiale éclate, qui arrête tous ses efforts. Tout de suite, bien que réformé, il décide d’être aumônier militaire. Mais il ne porte pas les d’armes. Il est infirmier, et il soigne tous les combattants sans distinction, y compris les Africains qui se retrouvaient à ce moment-là à la guerre, Il est un vrai soutien pour les soldats, il les aide à garder la foi et à se conduire en chrétiens en pleine guerre. Monseigneur Jalabert le confie à la protection de sainte Thérèse, et il finira la guerre sans aucune blessure, malgré les nombreux dangers. Son exemple est important pour nous, vu ce qui se passe actuellement en Ukraine, en Palestine, au Soudain et au Congo, et les attentats terroristes partout dans le monde. Ainsi, il nous entraîne d’abord dans une vraie pastorale des jeunes et à construire l’Eglise comme à Saint Louis, mais aussi à être présents au milieu des souffrances des hommes.

Après la guerre il va regrouper les anciens soldats dans une amicale, pour aider en particulier les blessés et les handicapés, pour leur donner le courage de redémarrer dans la vie. C’est à ce moment-là qu’a Paris, monseigneur Dubois lui donne une nouvelle responsabilité qui va être une nouvelle étape dans sa vie. Il lui demande de prendre en charge l’œuvre des orphelins apprentis d’Auteuil, une action qui avait été commencée par l’Abbé Roussel, et qui s’occupait des enfants pauvres qui traînaient dans les rues.

Le père Daniel Brottier va se consacrer totalement à cette œuvre, comme toujours dans la foi, la prière et un amour absolument extraordinaire. Il accueille aussi les orphelins de la guerre, qui n’ont plus de parents. Il dédie toute son œuvre à Sainte Thérèse, à qui il construit une chapelle. Il ouvre des nouveaux ateliers pour les apprentis pour leur enseigner un métier et leur permettre de s’en sortir dans la vie. Il ouvre pour eux des écoles et des orphelinats, d’abord en France, puis à l’extérieur. Il accueille auss les personnes en difficulté. Il étend son action à tous les pauvres et les malades de la société, en plus des blessés de la guerre. Il passe beaucoup de temps à écrire pour trouver des gens pour l’aider. Il n’hésite pas à mettre des affiches pour cela dans le métro.

L’œuvre des apprentis d’Auteuil se continue jusqu’à aujourd’hui, accompagnée par les spiritains. Elle s’est adaptée. Elle accueille les enfants de la rue, mais aussi des cas sociaux, des enfants de famille nécessiteuses et des enfants migrants avec plus de 4000 jeunes, 30 maisons d’accueil et 25 écoles dans le monde entier, avec de nombreux de nombreux éducateurs.

le 2 février 1936, la cathédrale de Dakar est consacrée, au souvenir des morts d’Afrique de la deuxième guerre mondiale, après 25 ans de travail. Le père Daniel est trop fatigué. Il ne peut pas y assister. Avant de mourir, il dit au médecin qui le soigne : « ne cherchez pas les causes de mon mal. Ce n’est pas la maladie, ce sont toutes les misères qui frappent à ma porte, et que je cherche à soulager ». Daniel Brottier a donné sa vie jusqu’au bout, et il meurt le 28 février. Voilà en résumé la vie du bienheureux Daniel Brottier pour lequel nous prions, pour qu’il soit canonisé. Nous fêtons le Père des pauvres, des personnes qui souffrent et des enfants abandonnés. Nous admirons sa charité extraordinaire qui l’a épuisé et l’a conduit jusqu’à la mort.

Nous avons fêté cet anniversaire à la cathédrale de Dakar ; avec une conférence suivie d’une messe solennelle : les Spiritains, mais aussi les CEB, les écoles et les chorales qui portent le nom de Daniel Brottier, et qui sont nombreux au Sénégal. Que l’exemple que Daniel Brottier nous donne comme lui d’aimer les jeunes, spécialement les orphelins, les enfants de la rue, les cas sociaux, les familles nécessiteuses, tous ceux qui souffrent et qui aujourd’hui encore ont besoin de notre amitié et de notre aide. Chacun peut faire quelque chose, c’est possible, en demandant à Dieu d’avoir le même courage que Daniel Brottier, quels que soient nos propres problèmes, nos souffrances ou nos maladies. Ouvrons nos coeurs à nos frères et sœurs qui souffrent. Prions pour eux. Que le seigneur nous aide à mieux vivre à l’exemple et sous la protection de Daniel Brottier que nous venons de fêter.

 

 

 


Spiritualité du P. Libermann

NB : Ce document est inspiré du livre du Père Alphonse Gilbert « Tu as mis sur moi ta main ».

Rappel : Le père François Libermann, quand il était encore séminariste, a été rendu sensible et attentif aux souffrances des Noirs grâce à deux amis, de la grande famille spiritaine comme lui : les pères Tisserand et Levasseur, qui lui ont parlé de la situation des populations noires en Haïti et à l’île de la Réunion. À la suite de cela, il lance ce qu’il a appelé « l’œuvre des Noirs «. Lorsqu’il est guéri de l’épilepsie après un pèlerinage à Notre Dame de Lorette en Italie, il fonde avec eux et d’autres amis la congrégation du Saint Cœur de Marie. En 1848, il accepte que sa congrégation se fonde dans la congrégation du Saint Esprit, qui n’avait presque plus de membres, suite aux persécutions de la Révolution française. 1848, c’est l’année de l’interdiction de l’esclavage en France. C’est pour cela que le Père Libermann consacre sa congrégation dès les règlements en 1849, pour « nous faire les avocats, les soutiens et les défenseurs des faibles et des petits, contre tous ceux qui les oppriment ». Or, ceux qui étaient le plus opprimés à ce moment-là, ce sont les esclaves libérés, qui se retrouvaient sans formation, sans soutien et sans position pour vivre.

Pour travailler à la libération de ces esclaves, qui étaient les plus nécessiteux de cette époque, le Père Libermann veut avoir des missionnaires qui soient des religieux. C’est par la vie religieuse en communauté qu’on peut selon lui être les meilleurs missionnaires. Il leur donne dès le début cette direction : « Faites-vous Noirs avec les Noirs, conformément aux orientations de l’Église. N’apportez pas la civilisation ni les manières de faire de l’Europe, mais mettez-vous à l’écoute des populations, et de ce à quoi le Saint Esprit, auquel vous êtes consacrés, vous appelle, à travers la vie des populations noires de ce temps. » Pour être « les avocats et les soutiens des plus nécessiteux, des opprimés et des populations noires ». Le Père a écrit dans ce sens à des habitants du Sénégal : « Je n’ai pas l’honneur de vous connaître, mais je sais que vous êtes les prémices (les premiers) d’un peuple, au salut duquel je suis uniquement consacré, et que j’aime du plus profond de mon âme ». Libermann va former ses religieux dans ce sens.

Voici certaines caractéristiques de sa spiritualité.

En premier, il demande à ses jeunes confrères d’évangéliser les pauvres. Comme il le dit : « Je veux nous mettre au service de tous. » Pour ce service d’évangéliser les pauvres, le Père Libermann compte d’abord et absolument sur Dieu. C’est la base de sa spiritualité : « Il s’agit de nous mettre au service des plus pauvres, mais en comptant sur Dieu. Il faut nous laisser conduire par la Providence ». Cela veut dire que la base de notre apostolat missionnaire c’est la prière, mais une prière qui nous conduit à l’action pour les plus opprimés, pour ceux qui en ont le plus besoin. Comme le dit par exemple ce proverbe des Sénégalais, chez qui Libermann va envoyer ses premiers missionnaires : « Prie Dieu, mais travaille ton champ » : Yalla, Yalla, bèyil sa tool. Comme le dit un autre proverbe : » Dieu est bon, mais Il ne donne rien à celui qui reste couché «. Le Père Libermann ne fait donc pas d’opposition entre la contemplation et l’action, comme on a voulu le faire parfois.

Pour répondre à l’appel du Seigneur, l’essentiel est donc d’écouter la Parole de Dieu, et d’apprendre à lire les signes des temps, comme le demande Jésus (Luc 12,54). En France en 1848 a lieu la révolution. On demande au Père Libermann s’il faut accepter cette révolution qui a des aspects anti=religieux. Il cherche tout de suite à dégager le sens spirituel de cet évènement. Il insiste sur l’importance de rentrer dans ce mouvement, et donc de voter, même si l’on est prêtre. Il écrit à un ami sulpicien : « Vous me demandez si le clergé doit participer aux élections. Je crois qu’il doit le faire. Il le doit à Dieu, à l’Église et au pays. Dès demain je vais m’inscrire sur les listes électorales avec tous ceux qui sont avec nous. Si tous les prêtres de France remplissent sérieusement ce devoir pour procurer un bon choix pour élire les députés de la République, nous aurons une bonne constitution, et ensuite une bonne forme de gouvernement. » Pour Libermann, l’évangélisation suppose donc l’engagement dans la société. Il rappelle à ses missionnaires que s’ils sont missionnaires, religieux et chrétiens, ils doivent être aussi des bons citoyens. Cela est vrai bien sûr au sujet des troubles que nous vivons actuellement au Sénégal, et aux injustices et manque de paix dans tous les pays où nous sommes envoyés.

Pour assurer cette évangélisation, le Père Libermann demande donc la contemplation et l’écoute de la Parole de Dieu, mise vraiment en pratique dans les réalités concrètes de la vie : « La perfection chrétienne ne consiste pas dans un certain état d’oraison plus ou moins élevé, mais dans une union d’amour parfait avec notre Seigneur : un amour fondé sur un renoncement complet à nous-mêmes, à notre amour propre, à notre volonté, à nos aises et à nos satisfactions et à tout ce qui tient à nous. Plus notre renoncement sera parfait, plus notre amour sera parfait. L’évangélisation est donc le don le plus total de soi-même, en renonçant à soi-même pour se donner aux autres. »

C’est là la base de la sainteté selon Libermann, qui rappelle ces paroles du Seigneur : Je suis venu allumer le feu sur la terre (Luc 12, 49). Et il poursuit : « Voulant produire cet incendie, Dieu mettra nécessairement des torches ardentes entre les mains de ceux qu’il charge de l’allumer. Pourquoi y a-t-il si peu de saints incendiaires ? C’est parce qu’il y a trop peu de saints, trop peu d’âmes unies à Dieu dans les habitudes pratiques de leur vie. Et donc leurs torches sont condamnées à rester éteintes. Elles produisent au maximum le feu d’une allumette. » C’est pour cela que le Père Libermann a consacré sa congrégation au Saint Esprit, pour que les missionnaires soient animés par le feu de l’Esprit Saint, un feu allumé, qui brûle en eux et qui soit partagé avec les autres.

La base de l’évangélisation est la confiance en Dieu et en sa miséricorde : « Là où il y a de la confiance, là aussi il y a de l’amour. La grandeur de l’amour peut se mesurer à celle de la confiance que l’on fait en Dieu. » Cela demande donc de prendre conscience de la bonté de Dieu, et de vivre dans sa miséricorde : « Que tout soit naturel en vous, et vienne de l’Esprit Saint. Car tout ce qui découle de cet Esprit est doux, suave, modeste et humble. La force et la suavité : voilà l’action de Dieu ; voilà aussi le résumé de toute action missionnaire. »

Se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint

et se laisser conduire par Lui. Non pas en faisant des choses extraordinaires, ni en attendant des miracles, mais dans la simplicité, dans la vie de tous les jours, et dans la fidélité aux appels ordinaires du Saint Esprit. C’est cela qui nous permet de garder la paix dans notre cœur. « N’embrassez jamais une idée avec ardeur. Ne prenez une détermination que quand vous sentez que l’entraînement de votre esprit et son ardeur sont tombés, et que vous êtes dans la paix. Toutes les fois que vous n’êtes pas maîtres de votre pensée, vous êtes dans le faux ou dans l’exagéré, ou dans la spéculation presque toujours impraticable. »

L’évangélisation n’est donc pas se laisser prendre par une passion, ni faire des tas de spéculations et de théories. Mais c’est retrouver d’abord le calme du Saint Esprit, pour agir dans la paix pour le bien de tous les hommes. Cette écoute du Saint Esprit est absolument essentielle, comme le dit le Père Libermann dans sa prière : « Ô très saint et adorable Esprit de mon Jésus, faîtes-moi entendre votre douce voix. Rafraichissez-moi par votre souffle délicieux. Ô divin esprit, je veux être devant vous comme une plume légère, pour que votre souffle m’emporte là où il veut, et que je n’apporte jamais la moindre résistance. » Être missionnaire, c’est donc se laisser conduire par le Saint Esprit, pour aller là où il veut nous conduire.

Dans un autre endroit, le Père Libermann explique : « Nous sommes comme la pirogue. C’est le Saint Esprit qui souffle dans la voile et qui nous fait avancer. Mais c’est à nous de tenir le gouvernail (l’aviron, la pagaie)) pour aller là où le Seigneur veut nous conduire ! »

Note importante :

Cette spiritualité, c’est-à-dire cette façon de comprendre et de vivre l’évangile, n’est pas réservée aux prêtres spiritains. Elle s’adresse d’abord aux laïcs spiritains engagés, associés ou membres des Fraternités. Mais nous sommes tous appelés à être des disciples missionnaires, chacun là où nous vivons, dans notre situation particulière. Cette spiritualité est donc pour tous.

Ceux qui souffraient le plus au temps de Libermann, c’étaient les esclaves. Pour continuer l’action missionnaire de Libermann, il faut nous demander : quels sont ceux qui souffrent le plus dans le monde d’aujourd’hui. Quelles sont les nouvelles formes de pauvreté, de souffrances et d’injustices qui apparaissent aujourd’hui. Et qu’est-ce que nous allons faire contre cela ? Ensemble avec les autres.




Vivre dans l'Esprit Saint

 

L’Esprit Saint nous guide dans notre vie

D’abord nous nous rappelons qui est le Saint Esprit. Nous le connaissons, c’est l’amour du Père et du Fils. Le Père et Fils sont tellement unis que leur amour est le Saint Esprit, la troisième personne de la Trinité. Un peu pour un petit exemple, comme quand un homme et une femme s’aiment d’un véritable amour, ils mettent au monde un enfant heureux qui vit dans l’amour. Le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont totalement unis.

Déjà Dieu avait dit à Moïse pour nous faire entrer dans son amour : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit. Et ton prochain comme toi-même ». L’esprit Saint, c’est l’Esprit de Dieu, la force de Dieu qui nous permet d’aimer, car il est l’amour de Dieu. Et nous pouvons partager cela avec nos frères musulmans, car Moïse est aussi l’un de leur prophète. Eux aussi connaissent les commandements que Dieu a donnés à Moïse.

Saint Paul nous parle des fruits du Saint Esprit dans l’épître aux Galates au chapitre 5 aux versets 22 à 25. Il nous dit : « voici ce que produit l’Esprit Saint dans nos cœurs et dans nos vies : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, l’humilité et la maîtrise de soi. Face à tout cela, il n’y a plus aucune loi qui est importante. Ce qui compte c’est l’amour par ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux le péché avec ses tendances mauvaises, et avec ses passions.».

Voilà donc ce à quoi le Seigneur nous appelle. Et à vivre ce qu’on appelle les sept dons du Saint Esprit, ce que le Saint Esprit nous permet de vivre : « la crainte de Dieu, la science, la piété, la force, la sagesse et l’intelligence ». Ce sont les dons que le Saint Esprit met dans notre cœur.

Saint Paul ajoute au verset 25 : « puisque l’Esprit nous fait vivre, laissons-nous conduire par le Saint Esprit ». Pour cela ce qui est important, c’est de nous tenir en prière, mais en silence, en écoutant le Saint Esprit dans notre cœur. Nous prions beaucoup, nous récitons beaucoup de prières. Mais parfois nous parlons sans arrêt, et nous n’écoutons pas le Saint Esprit. Si nous ne restons pas en silence pour écouter le Saint Esprit, nous ne pourrons pas avoir ses idées, ni recevoir sa sagesse. Nous ne pourrons pas changer de mentalité, ni changer de vie. Parce que vivre l’évangile, c’est vivre vraiment à la manière de Jésus Christ, comme l’évangile nous le demande. Et non pas comme tout le monde.

Dans l’Eglise actuellement, il y a un certain nombre de groupe de prières, et on peut vraiment les encourager et les féliciter. Grâce à ses groupes, beaucoup de jeunes, mais aussi des adultes, sont revenus à l’Eglise. Et ils se sont engagés. Beaucoup de personnes se sont converties. Beaucoup de familles se sont réconciliées. Beaucoup de gens qui étaient découragés ont appris à prier et ont retrouvé l’espérance. C’est donc important de continuer dans ce sens.

Mais en même temps, il y a un certain nombre de dangers qui nous guettent. En effet, nous sommes dans un monde difficile, avec des groupes de prières et des mouvements chrétiens. Mais aussi de nombreuses sectes qui utilisent l’évangile à leur manière, comme les assemblées de Dieu ou les témoins de Jéhovah. A côté de ceux qui sont chrétiens comme nous, les protestants, les luthériens, les méthodistes… il y a tous ces gens qui prennent un passage de la parole de Dieu, un passage de l’ancien testament le plus souvent. Mais à partir de là, ils font des longs discours qui n’ont rien à voir avec l’évangile. Nous voyons sans arrêt des gens qui se lèvent, en disant qu’ils sont prophètes, et qu’ils sont envoyés par Dieu. Et même certains viennent dire qu’ils parlent au nom de Jésus Christ. D’autres vont affirmer : la Vierge Marie m’a dit de vous dire cela. Mais quand ont-ils vu la Vierge Maire ? Est-ce que c’est Jésus qui leur a parlé ? Ou plutôt ce sont des choses qu’ils pensent eux-mêmes parfois en se trompant. Ce sont des rêves qu’ils ont faits et qu’ils prennent pour des révélations de Dieu. Alors que c’est seulement leurs propres idées qu’ils partagent.

Dans ces groupes et ces sectes, il y a souvent ce que l’on appelle des abus de conscience, c’est-à-dire que, au nom de Dieu, on oblige les gens à obéir, à faire des choses qu’ils ne voudraient pas, et que Dieu ne commande pas. On leur demande de l’argent et certains en deviennent très pauvres. Ils n’ont plus de liberté. Ils ne savent plus ce qu’ils font, ni ce qu’ils doivent faire. On les oblige à prier d’une certaine manière obligatoire. On les enferme dans le groupe, dans la secte. On les empêche de parler avec leurs amis chrétiens ou avec leurs familles.

Jésus nous a prévenu. Dans l’évangile de Matthieu au chapitre 24 verset 24. Jésus nous dit ; » il y aura des faux Christ et des faux prophètes, qui feront des grands signes et des miracles. Au point de tromper même les élus (les croyants) si c’était possible, les élus. Voici que je vous ai prévenu. Donc si on vous dit le Christ est là, n’y allez pas. Si on vous dit qu’il est dans un endroit, ne le croyez pas ».

Ils disent qu’ils sont des prophètes envoyés par Dieu. Mais le dernier des prophètes, c’est Jean Baptiste. Nous n’en attendons plus d’autres. L’épître aux hébreux nous dit que Dieu nous a parlé d’une façon définitive et pour toujours, dans le Christ Jésus. Il n’y aura pas d’autre prophètes et nous n’avons pas besoin d’autres révélations, ni d’autres mystères. Jésus nous a parlé dans l’évangile. L’évangile nous suffit pour être heureux, et pour rendre les autres heureux.

Un autre danger qui nous guette ce sont tous les réseaux sociaux et les vidéos, dans les médias. Il y a un tas de sites qui se disent chrétiens mais qui en fait ne suivent pas l’évangile. Il y a des tas de sites qui parlent au nom de certains évêques alors qu’ils ne sont pas évêques, ils n’ont pas été consacrés. Ils nous parlent des cathédrales, mais leurs cathédrales qui ne sont pas des églises. Ils prétendent parler au nom de Jésus Christ, mais ils ne sont pas catholiques. En fait, ils prennent l’évangile, ils le transforment à leur manière et ils trompent beaucoup de gens. Il est donc très important de faire attention et d’être prudents dans l’utilisation des moyens sociaux et des sites que nous voyons dans les médias qui se disent chrétiens et qui en fait ne le sont pas, même s’ils prennent un nom chrétien. Et de même dans nos sites chrétiens. Certains ouvrent des sites dans les médias, mais ensuite ils n’ont pas les moyens de les remplir. Alors ils prennent d’autres vidéos qui viennent d’autres pays, et d’autres groupes, et ils font passer cela comme si c’était l’évangile et l’enseignement de l’Eglise catholique,

Nous ne voulons pas condamner ceux qui ne sont pas avec nous, mais Jésus nous a dit : » soyez simples comme la colombe et prudents comme le serpent ». Ne croyons pas tout ce que nous voyons, cherchons de vrais sites de chrétiens. Cherchons à comprendre vraiment l’évangile, ensemble à la lumière de la parole de Dieu, dans l’Eglise, la famille des enfants de Dieu que Jésus lui-même a construit, l’Eglise que Jésus a bâtie sur les apôtres, et dans laquelle il nous appelle à vivre et agir.

Les dangers qui nous guettent sont nombreux. Demandons au Saint Esprit de nous éclairer. Prions le Saint Esprit en vérité. Prions-le ensemble. Conseillons-nous les uns les autres pour voir plus clair, et pour connaitre le chemin qui nous sauve.

L’effusion dans l’esprit

Jésus a promis le Saint Esprit à ses disciples (Jean 16, 5-15).

Après sa résurrection, Jésus dit à ses apôtres : « recevez le Saint Esprit ».  A la Pentecôte, le Saint Esprit est descendu sur Marie et les apôtres et sur la famille de Dieu dans la prière et pour l’évangélisation. Quand Jésus monte au Ciel, les anges disent aux apôtres : « allez dans le monde entier, annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toute la création ». Pas seulement aux hommes, mais à toutes les créatures.

Nous qui sommes baptisés, nous avons reçu le Saint Esprit, qui est en nous depuis notre baptême et qui nous fait vivre. Et il a été répandu sur nous au moment de la confirmation. C’est lui d’abord qui fait vivre et agir la communauté chrétienne, la famille des enfants de Dieu.

Le Saint Esprit est présent aussi dans le cœur de tous les hommes. C’est ce qu’on appelle la conscience. Et déjà Il parle au cœur de tous les hommes, comme le dit la deuxième prière eucharistique pour la réconciliation : » Ton Esprit travaille au cœur de tous les hommes et les ennemis enfin se parlent, les adversaires se tendent la main, des hommes qui ne s’entendaient pas acceptent de faire ensemble une partie du chemin. C’est cela que le Saint, Esprit fait dans le monde entier, avec tous et pour tous.

Il ne faut pas confondre l’action du Saint Esprit avec de la magie, des miracles ou des choses extraordinaires. Il agit dans la simplicité, l’humilité et la douceur, dans les choses ordinaires de la vie de chaque jour. Pas dans des cris ou des grands gestes théâtraux.

Le Saint Esprit agit ensemble avec le Père et le Fils. IL est l’amour du Père et du Fils. Ils sont unis tous les trois totalement, dans la Trinité.

Le Saint Esprit fait de nous des fils du Père, des enfants de Dieu. Il nous fait comprendre l’Evangile de Jésus Christ. Jésus qui est la parole de Dieu, par qui le Père a créé le Monde. Le Saint Esprit est présent avec nous pour construire le royaume de Dieu dans le Monde, en étant engagés dans la société, en étant les témoins de l’amour du Père.

Comment reconnaitre l’action du Saint Esprit ?

Saint Paul nous le dit dans l’Epitre aux Galates (5, 22-25). Jésus disait déjà que l’on reconnait l’arbre à ses fruits. Nous avons reçu le Saint Esprit au baptême. Nous avons peut-être reçu l’effusion du Saint- Esprit dans un groupe de prière. Mais de toute façon, cela demande que nous vivions véritablement dans l’amour et dans la joie, qui sont les premiers fruits du Saint Esprit. Si nous construisons la paix dans la patience et dans la bonté, le Saint Esprit nous accompagne. Et si nous sommes fidèles à Jésus dans la douceur et la maîtrise de soi.

Si nous cherchons à tuer en nous les habitudes mauvaises, les mauvaises pensées, les mauvaises tendances et le péché. Et déjà si nous cherchons à refuser les tentations, avec la force du Saint Esprit, à ce moment-là le Saint Esprit est vraiment présent dans notre vie. Et c’est avec lui que nous construisons notre avenir.

A condition d’abord de l’écouter dans notre cœur. Et ensuite, de l’écouter ensemble en communauté, de prier ensemble, de méditer ensemble l’évangile, et de partager la parole de Dieu. Comme les apôtres étaient ensemble autour de Marie le jour de la Pentecôte, dans la Sagesse et dans la foi, parce que transformés par la prière.

Nous sommes responsables les uns des autres. D’abord, des catéchumènes, mais aussi de tous ceux qui se préparent à accueillir la parole de Dieu, et de tous les hommes de bonne volonté qui cherchent la volonté de Dieu : ceux qui écoutent Dieu dans leur cœur et leur conscience. Même s’ils ne sont pas chrétiens, et même s’ils ne connaissent pas Jésus Christ.

Vivre avec le Saint Esprit ce n’est pas faire des discours, ou raconter des théories. C’est de le suivre dans notre vie de tous les jours et dans nos engagements. Pour cela il n’est pas nécessaire d’avoir des diplômes, ni d’avoir fait de grandes études de théologie. L’Esprit est simple et il nous rend libres.

Mais bien sûr cela ne doit pas nous empêcher d’écouter et de partager les enseignements de l’Eglise, qui nous protège des sectes, des abus et des mauvaises habitudes. Saint Paul nous dit « n’éteignez pas le Saint Esprit. Mais vérifiez tout et retenez qui est bon » (1 THESSALONICIENS 5, 19). Il faut donc nous laisser conduire par le Saint Esprit mais pas en faisant n’importe quoi, pas en écoutant n’importe qui, pas en cherchant des choses extraordinaires.

C’est seulement si nous sommes vraiment unis dans la foi, que nous vivons dans l’amour de Dieu et de nos frères, que nous vivons en vérité et que le Saint Esprit pourra nous conduire. Il est l’Esprit de vérité, la Sagesse et l’Intelligence de Dieu. Nous avons tous reçu le Saint l’Esprit, que nous soyons baptisés et confirmés, ou que nous ayons reçu l’effusion du Saint Esprit dans un groupe de prière. Ce n’est pas cela l’important. L’important c’est de nous laisser conduire par le Saint Esprit, de vivre dans un esprit nouveau pour une vie nouvelle, pour créer un monde nouveau, le Royaume de Dieu sur la Terre. Par nos engagements dans l’Eglise et dans la société.


Activités pastorales missionnaires

 

Réflexion sur nos activités dans la Pano (province d’Afrique du nord-ouest)

Il est clair que de nombreux confrères vivent des choses très positives dans leurs engagements paroissiaux et autres. Mais il faudrait que ces actions soient davantage partagées et réfléchies en communauté. 

I.1. Quel bilan faites-vous de la mission spiritaine au Sénégal, en Guinée, en Guinée-Bissau et en Mauritanie ?

I.2 : La mission spiritaine :

Que proposez-vous au sujet de la mission et des missionnaires dans le contexte de la PANO ?

Il n’est pas question d’abandonner les paroisses mais de faire en sorte que nos paroisses soient davantage missionnaires

  1. Plus attentives et plus engagées dans les réalités sociales. Sur chaque paroisse, il y a des écoles publiques ou privées laïques, des dispensaires non catholiques, des ONG qui interviennent, des ASC (Associations Socio-Culturelles des jeunes), des organisations féminines, etc…avec qui il est possible de collaborer. Ils en sont même très souvent heureux.

  2. Il faudrait travailler davantage avec les autorités administratives : mairies, chefs de quartier, badiènou gokh (marraines de quartier) et les autorités religieuses musulmanes : imams, associations, organisations de jeunes etc. Ils n’attendent que ça.

  3. Etre plus proches des faibles et des plus fragiles, en lien avec les ONG et associations qui travaillent dans ce sens : ATD Quart-Monde, santé, alphabétisation, maisons de justice, boutiques des droits, transformation des produits, petits projets économiques des femmes et des jeunes

Jean 3,28 : « Celui qui fait la Vérité, vient à la lumière » : c’est la base de notre action missionnaire. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1° Tim 2,4). Mais tous n’acceptent pas d’être chrétiens. Alors que faire ? Si nous aidons ceux qui nous entourent à faire la vérité, nous les aidons à entrer dans la lumière de Dieu. A ce moment-là, ils ne sont pas baptisés mais ils vivent dans le Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie ». Ils ne sont pas dans l’Eglise, mais ils sont dans le Royaume de Dieu, s’ils cherchent à vivre « à la manière de Jésus Christ », même sans le savoir. Du moment qu’ils vivent les valeurs de l‘Evangile dans leur propre religion, et même dans leur absence de la religion, ils sont évangélisés.

I.3. Compte tenu des crises – crise sanitaire, crise économique… – et des changements rapides de société et de mentalité, quelle(s) méthodes(s) missionnaires avons-nous besoin aujourd’hui ?

Ne pas s’engager seulement pour les pauvres (tout le monde se prétend pauvre), mais nous approcher des personnes vivant dans l’extrême pauvreté, conformément aux orientations des Nations Unies pour les personnes vivant dans une très grande pauvreté et des O.D.D. (Orientations pour le Développement) pour 2030.

Ecouter davantage et donner plus de responsabilités aux laïcs, spécialement aux femmes et aux jeunes.

A côté des conseils paroissiaux, travailler avec des chrétiens formés et responsables dans la société : responsables d’entreprises, personnel de santé, syndicalistes, éducateurs sociaux : CDEPS, AEMO, engagés dans la politique, etc.

I.4 - Et quelle est votre vision pour la pratique de la mission et de son avenir ?

Ma vision est celle proposée par le pape François : une Eglise pauvre au service des pauvres.

En ce temps de pandémie, le pape François, invite à affronter « un autre virus… celui de l’injustice sociale, de l’inégalité des chances, de la marginalisation et du manque de protection des plus faibles ».

“Église en sortie” n'est pas une expression à la mode que j'ai inventée. Elle est le commandement de Jésus qui, dans l'Evangile selon Saint Marc, demande aux siens d'aller dans le monde entier et de prêcher l'Evangile « à toute créature »

Une Eglise pauvre, au service des pauvres »

« Allez à la périphérie » vers ceux qui sont loin et rejetés, vers les plus nécessiteux.

« Luttez contre la société du déchet » où l’on traite les gens comme des ordures, parce qu’ils ne sont pas rentables, qu’ils n’ont pas la santé, la connaissance, la force ou l’argent.

« Construisez des ponts et pas des murs », pour unir les hommes et non pas les séparer. « 

Que l’Eglise soit un hôpital de campagne », c’est-à-dire qu’elle rejoigne vraiment les blessés de la vie, là où ils sont. Là où les gens souffrent. Qu’elle ne se contente pas d’être un grand hôpital au centre-ville pour les gens hauts-placés, là où il y a la tranquillité et les moyens.

Et son souhait : « je veux une église pauvre au service des pauvres. Une Eglise qui soit sale parce qu’elle a travaillé et s’est compromis avec les blessés du monde, plutôt qu’une Eglise qui a les mains propres parce qu’elle n’a rien fait ».

I.5 - Comment comprendre la réalité des flux migratoires Aujourd’hui dans la PANO ?

Au Sénégal, il y a trois types de migrants. Les jeunes sénégalais qui veulent à tout prix partir en Europe ou en Amérique du Nord. C’est tout le problème de la migration clandestine avec ses conséquences et ses souffrances.

Les migrants venant des autres pays africains présents au Sénégal, voulant s’y établir, ou en route vers l’Europe.

Les migrants refoulés de l’Europe, de l’Afrique du nord ou de la Lybie et en retour forcé au Sénégal : sénégalais ou originaires d’autres pays d’Afrique noire.

I.6. Quelles sont les causes internes, externes des migrations illégales et ses conséquences pour notre mission ?

Les causes sont essentiellement la pauvreté et le chômage, et dans les autres pays : l’insécurité et les guerres ainsi que les attentats, de même que la dictature et le manque de liberté et de démocratie.

C’est vrai qu’il y a beaucoup de jeunes au chômage et de choses qui les découragent : corruption, discours sans réalisations, détournements des fonds et des projets. Il y a aussi l’attrait de l’Europe, présentée d’une manière hydillique et fausse dans les média occidentaux, les migrants qui ne disent pas la vérité et cachent leurs souffrances et difficultés quand ils viennent en congés au pays, et le manque d’amour du pays et d’éducation civique du côté des jeunes

A la base, il y a que le gouvernement, à côté d'actions sociales et de développement, s’engage dans des constructions de prestige qui coûtent très cher au pays, au détriment des plus pauvres. Et sans lutter suffisamment contre la corruption. Les inégalités sociales augmentent dans le pays. L’augmentation du PIB ne profite pas à la population : il est récupéré par les classes sociales « supérieures » ou rapatrié dans les pays occidentaux par les compagnies étrangères.

Derrière tout cela, il y a le problème de la pauvreté et du chômage, surtout chez les jeunes, qui s'est encore aggravé avec la pandémie de la Covid19 et toutes les restrictions qu'elle a amenées. La jeunesse sénégalaise a soif de justice, de liberté, d’emploi, de formation et de projets d’avenir ! Près de 60 % de la population a moins de 20 ans. Chaque année de nombreux nouveaux demandeurs d’emplois entre 15 et 34 ans arrivent sur le marché du travail. Le taux de chômage global, estimé à 49 % selon l’Agence pour le niveau national, grimpe à 61 % pour les moins de 30 ans. Et le gouvernement n’a pas réussi à faire les réformes économiques, sociales et institutionnelles nécessaires, malgré les nombreuses déclarations et organisations mises en place et financées pour cela. Il n’a pas organisé non plus une éducation adaptée aux besoins du pays ni une véritable politique d’insertion sociale et de formation professionnelle.

I.7 - Quelles stratégies missionnaires mettre en place pour sensibiliser sur les dangers et pour résoudre ce problème dans nos 4 pays de la PANO ?

Est-ce que la PANO est prête à dégager des confrères pour se former à l’action sociale et pour la Commission Justice et Paix et proposer des solutions concrètes et réalistes ?

Nous rendre attentifs et voir ce qu’il est possible de faire à partir de chacune des paroisses pour les handicapés, les enfants de la rue, les jeunes chômeurs sans formation, les travailleurs du milieu informel etc.

Pour le diocèse de Dakar, l’année dernière était l’année du Saint Esprit (thème choisi par Monseigneur Benjamin). Quelle a été notre participation à la réflexion et aux actions menées dans le diocèse ? Quelles initiatives avons-nous prises en tant que spiritains (congrégation du Saint Esprit) dans ce sens ? A l’exemple de la Mauritanie qui travaille avec les migrants, en collaboration avec le PARI (Point d’Appui des Réfugiés et Immigrés) à Dakar.

Notre commission Justice et Paix a proposé l’année dernière un document clair avec des orientations précises : « Une école missionnaire et évangélisatrice ». Il faudrait mettre ce document en pratique.

I.8 - Quelles politiques de gouvernance et d’organisation des mesures de protections des mineurs, mettons-nous en place pour une meilleure prise en place de notre mission ?

On a distribué les documents des évêques et du Conseil Général par rapport aux violences sexuelles. Il faudrait organiser maintenant des sessions de réflexion avec les confrères et des formations sur ces documents avec les enseignants pour une mise en pratique par tous. Sans se limiter aux paroisses où nous avons une école ou un internat. Et en invitant les autres spiritains à y participer, au profit de tous ceux avec qui nous travaillons, en particulier les catéchistes et responsables de CEB, les responsables des mouvements et associations et nos employés, parce que nous sommes tous concernés. Une proposition a été lancée dans ce sens par la commission Justice et Paix.

III . Sur l’identité, la vocation et la formation spiritaines dans la province

III.1 - Y a-t-il une caractéristique proprement spiritaine dans les stratégies que vous adoptez dans vos lieux d’insertion missionnaire ? Si oui, laquelle ? Si non, pourquoi et comment la mettre en place ?

Ma stratégie est de m’insérer en priorité dans le secteur social et Justice, Paix et Respect de la Création, au niveau de la commission des religieux et à partir du doyenné.

Et aussi en créant des liens d’amitié et une collaboration avec les autres intervenants dans les lieux où j’interviens (prisons, hôpitaux et centres sociaux) pour réfléchir ensemble à la meilleure façon d’exercer nos activités et responsabilités.

En partageant la Parole de Dieu dans les media : internet, Facebook, WhatsApp, radio et télévision

Pour la communauté du SPEM, il faudrait des réunions communautaires, pour rechercher ensemble comment mieux vivre notre charisme spiritain, à partir des engagements de chacun. Il faudrait d’abord que l’on prie davantage ensemble

J’essaie de faire passer la dimension religieuse et missionnaire de notre charisme dans les différentes rencontres auxquelles je participe. D’abord dans mon apostolat avec les volontaires pour les prisons et pour la santé, et dans les différentes formations et groupes lesquels je travaille, dans les conseils paroissiaux, les réunions de doyennés et les assemblées diocésaines. Et également les différentes organisations civiles, ONG et associations auxquelles je participe.

J’essaie de faire passer mon identité spiritaine par mails (envoi de documents et commentaires de la Parole de Dieu par internet et sur mon site) et par les différents media.

III.3- Comment vérifier en pratique l’identité et la vocation spiritaines là où vous êtes en mission ? Quels sont les indices qui les montrent ? Qu’est-ce que les autres – laïcs, consacrés, prêtres… – disent de vous, spiritains ?

Pour moi personnellement, ce sont les différents appels et les demandes d’intervention qui me sont adressés dans les paroisses, groupes et associations, et également dans les différentes radios et chaines de télévision, qui sont un signe. Mais il faudrait analyser davantage ces appels en communauté pour voir ce qu’il y a derrière, et davantage réfléchir sur nos activités pastorales en communauté.

La formation : Que dans chaque paroisse et à partir de chaque communauté, il y ait un groupe vocationnel, avec un suivi spécial pour les jeunes voulant être spiritain ou spiritaine.

-une session Justice et Paix chaque année dans chacune des quatre structures : postulat, philosophât, noviciat et théologat,

-une variété des affectations pastorales des étudiants et novices : ne pas se limiter à la catéchèse, la chorale ou les enfants de chœur, ni même aux seules activités paroissiales. Mais proposer une diversité d’engagements sociaux la plus large possible, à partir des paroisses où nous envoyons nos étudiants ( caritas, justice et paix, mouvements d’action catholique) mais aussi des autres organisations : handicapés chez les soeurs de Saint Thomas et les franciscaines à Médina, enfants dans la rue avec les maristes, animations de quartiers avec les frères de Taizé, organisation des jeunes avec les salésiens, migrants avec le PARI, malades dans les dispensaires et hôpitaux avec la commission santé diocésaine, prisonniers avec l’aumônerie des prisons diocésaine, projets de développement avec les piaristes, dans les centres sociaux avec les sœurs…Dans les organisations catholiques mais aussi dans des organisations et associations laïques des villes et quartiers. Pour qu’après leur ordination, nos jeunes confrères aient le souci de travailler avec les communes et dans la société, et pas seulement dans la paroisse.

-Pour les engagements paroissiaux dans les paroisses, assurer une préparation, un suivi, une réflexion et une évaluation avec les responsables des paroisses, du travail et des engagements de nos étudiants.

- J’apprécie que malgré les limites imposées par la Covid-19, les étudiants aient reçu chacun une affectation dans une paroisse

V.3. Compte tenu des changements rapides de société et de mentalité, quelles nouvelles formes de communication proposez-vous ?

Utiliser davantage les moyens modernes de communication : internet, vidéo-conférences, etc. Mais veiller à chaque fois à ce qu’il y ait un suivi et des réalisations concrètes pour tous, aussi bien les confrères âgés que les jeunes en formation. Veiller à une bonne utilisation de Facebook et des autres médias : WhatsApp, etc. Proposer des choses qui nous poussent à réfléchir à nos engagements, à nous former et aller plus loin. Ne pas se contenter de nouvelles de la vie de chaque jour, ni de cliquer « J’aime » ou amen, ni de mettre notre photo sur Face Book. Ne pas mettre dans ces medias des documents qui ne nous concernent pas et ne peuvent pas nous aider à réaliser notre vocation.

V.4. Quelle est votre vision de l’avenir ?

Revenir à nos sources et à notre spiritualité. Réactualiser notre charisme spiritain, religieux et missionnaire dans le monde actuel. Et pour cela, réfléchir et travailler sur les évolutions de la société dans les quatre pays où nous travaillons.

Travailler à nos motivations, pour un meilleur engagement spiritain, religieux et missionnaire de chacun, et de tous ensemble.

 


Mes livres

 

Simone SARAZIN (Côte d’Ivoire)

Armel DUTEIL (Sénégal)

Plusieurs équipes de foyers (Congo, etc.

Comment reussir nos relations sexuelles L’harmonie sexuelle.

«Collection POUR MIEUX S’AIMER» Série adultes

Autres livres : Collection «Le grand problème du mal»

  1. La sorcellerie, pourquoi ? : Que croire, que faire ?

  2. Ou trouver la chance ? : Maraboutage, fétichisme et magie.

  3. Vainqueur du mal : Lutter contre l’injustice. Nos souffrances deviennent vie.

  4. Santé et bonheur pour tous : Pour un développement intégral et humain.

  5. Une vie plus forte que la mort : Vivre d’une vie nouvelle.

  6. Un deuil qui devient espérance : Vivre la mort autrement.

Collection : En marche vers l’amour.

Prépare ton avenir : Formation de la personnalité humaine.

Qui m’apprendra à aimer ? : Les étapes de l’amour.

Aimer, qu’est-ce que c’est ? : Découverte de l’amitié.

J’ai soif d’amour : Pour un amour épanouissant.

L’amitié entre filles et garçons est-elle possible ? : La mixité.

Choisis ta fiancée : Préparation à la vie conjugale.

Prépare ton mariage : Même thème pour les jeunes filles.

Collection : Pour bâtir ensemble (Psychologie et culture africaines)

  1. Apprenons à nous connaître : Différences sexuelles, psychologiques et culturelles.

  2. Vivre d’amour : Les lois psychologiques de l’amour.

  3. La joie de vivre ensemble : Comment nous compléter (deuxième partie).

Collection : Comment éduquer nos enfants ?

  1. Education traditionnelle et éducation moderne.

  2. Notre rôle d’éducateur : Ceux qui peuvent nous aider.

  3. Nos enfants et nous : Nos enfants nous font grandir.

  4. Notre rôle de parents : Problème de vie conjugale.

  5. Nous éduquons chaque enfant d’une façon personnelle.

Collection : Problèmes de sexualité

Connais-toi : Etude de la sexualité humaine, première partie.

Comment faire la vie ? : Sexualité humaine, deuxième parie.

Et pourquoi on n’aurait pas des relations sexuelles ? : (Jeunes).

Comment réussir nos relations sexuelles ? : (Adultes).

Le début de la vie : Education sexuelle des enfants.

Une sexualité libérée : Régulation des naissances.

(En préparation) : Stérilité, avortement, maladies vénériennes, prostitution.

Montages audio-visuels : série Redaja

Problèmes de sexualité. Psychologie et culture.

Amitié, amour et mariage. Vie conjugale.

Problèmes de vie. Formation religieuse.

Nous demander le catalogue complet.

Série Communauté chrétiennes

Animation de communautés (ville et village). Formation des responsables.

Version pour l’Afrique et version pour l’Europe.

Ces différents montages sont déjà traduits en anglais, ansi qu’en plusieurs langues africaines.

Nous sommes mariés, nous nous aimons, nous sommes contents d’être ensemble. Nous sommes heureux d’avoir des enfants. Nos relations sexuelles sont pour nous une source de grande joie. Et pourtant, dans notre cœur, nous cherchons encore plus.

Nous voudrions un amour encore plus grand et plus beau. Alors, comment mieux vivre nos relations sexuelles ? Comment mieux nous aimer ?

On entend dire beaucoup de choses. Par exemple :

  • La femme doit se libérer de l’esclavage de l’enfant.

  • Du moment qu’elle travaille, pourquoi devrait-elle encore supporter un mari tous les jours ?

  • Celui qui n’a pas de relations sexuelles tous les jours c’est un «faiblard».

  • Une femme qui demande des relations sexuelles, c’est une prostituée. Une femme sérieuse doit seulement accepter.

  • Dans la relation sexuelle, on a le droit de tout faire

  • Jamais de vie ! Ce sont les femmes bordel qui font ces choses-là !

Que penser de tout cela ?

  • On parle de plus en plus de ces questions de sexualité.

On utilise de mots compliqué comme «orgasme», «harmonie sexuelle», etc. Qu’est-ce que cela veut dire ?

  • Les anciens pensaient que les relations sexuelles étaient surtout faites pour avoir des enfants. Maintenant, on parle de plus en plus du plaisir. On dit même qu’un couple qui ne s’entend pas pour le plaisir, il ne peut pas être heureux. On parle de différentes positions, de techniques des relations sexuelles, etc. Pour certains, on a l’impression que ces relations sont vraiment ce qu’il y a de plus important dans la vie. Et que c’est uniquement pour cela qu’ils se marient.

Mais, en même temps, on n’a jamais autant parlé d’impuissance, de frigidité, etc.

  • Et quand on veut réfléchir sérieusement à ces questions, beaucoup disent : «Il ne faut pas parler de ces choses-là !»

Mais est-ce que cela va empêcher les autres d’en parler ? Est-ce qu’il n’y a pas beaucoup de livres et de revues sur ces questions, qui circulent autour de nous ? On parle cela dans les chansons, dans les films… Déjà, les hommes en discutent entre eux. Et les femmes de même dans leur parcelle, ou lorsqu’elles vont à l’eau.

  • Mais souvent, on en parle en se cachant.

  • Pourquoi ne pas en parler sérieusement et calmement ?

  • N’est-ce pas important dans la vie de notre foyer ?

La relation sexuelle, c’est le geste spécial que nous avons, pour nous montrer notre amour, entre mari et femme.

  • Si nos parents n’avaient pas eu de relations sexuelles, est-ce que nous serions là ? Et si c’est quelque chose de beau, pourquoi avoir honte d’en parler ?

Dans les parables de mariage ces questions tiennent une grande place. Mais, pourquoi attendre que ça aille mal pour y réfléchir ? Est-ce qu’il ne vaut pas mieux commencer, tout de suite, à mieux nous aimer ? Et alors, peut-être qu’il y aura moins de problèmes dans notre mariage… Si tu vois l’herbe dans le champ d’arachides, tu l’enlèves tout de suite. Sinon, après, l’herbe devient trop haute. Et l’arachide ne pousse pas bien…

  • En tout cas, nos ancêtres parlaient de l’union sexuelle sans honte. Comme nous le montre, par exemple, ce conte bassari.

Autrefois, les deux sexes vivaient ensemble. Un jour, ils vont au marché, pour acheter du sel. Mais il se met à pleuvoir. Le sexe masculin dit : «Ou allons-nous mettre notre sel, pour qu’il ne fonde pas sous la pluie ?» Le sexe féminin répond : «J’ai un endroit ou le cacher». Elle prend le sel, le met dans son ventre. La pluie s’arrête. Le sexe masculin lui dit : «Rend-moi mon sel !» Elle regarde, mais tout le sel est fondu… Le sexe masculin lui dit : «Tu mens». Elle répond : «Viens vois, si tu veux !» Alors, il rentre pour regarder. Et il trouve une telle douceur à l’intérieur, qu’il ne veut pas sortir. Mais le sel le prend à la gorge. Alors, il vomit et il sort.

Et depuis ce temps-là, le sexe masculin entre dans le sexe féminin, pour chercher son sel. A chaque fois, il s’y trouve bien. Mais il finit par vomir. Alors, il doit sortir.

  • Que pensons-nous de ce conte ?

  • Connaissons-nous des contes de ce genre dans notre langue ?

  • Que disent-ils ?

  • Qu’est-ce que les anciens nous ont appris sur les relations sexuelles ?

Voici la chanson d’une jeune femme enceinte :

Quand je n’étais pas mariée, je pensais que je n’étais pas belle.

J’avais peur d’être rejetée par les garçons. Et de rester comme ça.

Même quand on me faisait des compliments, je me disais : «ce sont des paroles pour m’avoir»…

Maintenant, je suis chez toi. Chez toi, mon mari

J’ai senti la caresse de ta main sur moi. Je sais que tu m’aimes.

Par toi, j’ai découvert mon corps. Grâce à toi, je suis bien.

Je me sens heureuse. Comme le bébé, quand on lui caresse la joue avec amour.

Lorsque tu poses ta main sur mon ventre, je sens mon sang tourner : Il tourne vite, comme pour revenir rapidement à mon cœur, d’où il est parti.

Et alors, je sens mon corps vivre. Et je t’aime.

Et maintenant, mon corps devient encore plus que moi-même.

Tes caresses m’ont faite femme. Et bientôt mère.

Et lorsque tu caresses mon ventre de femme enceinte,

Je sens que ton amour, fait grandir l’enfant en moi…

Comment vivre nos relations sexuelles ?

La préparation

Pages

13- Nous parlons ensemble

15- Des gestes d’amour

16- Les caresses 19- Notre corps, une merveille

L’union proprement dite

26- L’orgasme

28- L’orgasme partager

31- Une union ou chacun participe

33- La fin de la relation sexuelle

37- Les différentes positions

45- L’union réservée

46- Les obstacles

47- La frigidité

50- L’impuissance

54- L’éjaculation précoce

Les circonstances

55- La quantité ou la qualité

60- Quatre autres questions

62- Faut-il prévoir à l’avance ? 63- Qui doit décider ?

Pour une union sexuelle réussie

65- Nous nous connaissons

67- Une préparation lointaine

69- L’union sexuelle, parole du couple

Nos unions sexuelles sont liées à tout ce que nous vivons

79- Nos relations sexuelles transforment toute notre vie

81- Nos relations sexuelles montrent qui nous sommes

82- Si l’on ne peut pas avoir de relations

Nos relations sexuelles évoluent avec l’âge

83- Les premiers mois

88- Le temps de la grossesse

90- Une nouvelle étape

93- La ménopause 97- La vieillesse

QUE CHERCHONS-NOUS DANS NOS UNIONS SEXUELLES ?

Aimer, qu’est-ce que ça veut dire ?

101- Comment faire pour aimer ?

103- La sexualité, cela regarde toute notre vie : le désir sexuel

A la découverte de la sexualité

106- Donner et recevoir de l’amour

107- Trouver ensemble, plaisir et joie

111- Le désir de donner la vie

112- Nous compléter et nous aider, d’une façon qui dure

115- Faire grandir le monde, avec nos frères

119- Les anciens connaissent déjà ces cinq dimensions de la sexualité

121- Une sexualité aux dimensions du monde

Pour une union sexuelle de qualité

123- La relation sexuelle a besoin des 5 dimensions ensemble 125- Le plus important c’est l’amour 128- L’amour, lui aussi, a besoin des autres qualités

L’union sexuelle évolue avec la vie de la société

130- La sexualité d’après les ancêtres 138- Les dangers de la façon actuelle, de vivre la sexualité 141- Comment unir les deux ? 143- La circoncision – L’excision

146- L’excision ne répond plus à ce qu’on attend d’elle

147- L’excision à des conséquences graves

149- Une solution meilleure pour le même but

152- Nous ne vivons plus comme autrefois

153- Que faire ?

155- La circoncision du cœur

Une autre signification de l’union sexuelle

159- Dieu nous dit la beauté de la sexualité

160- Qui nous apprendra à aimer ?

161- Donner la vie

163- Devenir des adultes réussis

164- Les relations sexuelles sont bonnes (le plaisir)

171- Un amour qui prend toute notre vie

173- Signe d’un amour plus grand

176- Un appel à un amour plus vrai

181- L’union sexuelle nous rapproche de Dieu

184- La relation sexuelle nous fait comprendre qui est Dieu

186-Nous acceptons les limites de nos relations

189-Nos relations sexuelles nous ouvrent sur l’infini

La sexualité dans l’Islam

193- Un homme libre, dans un monde sexué

195- Une sexualité qui prend toute sa dimension

198- Pour trouver la joie dans l’union sexuelle

199- L’union sexuelle, un chemin pour aller vers Dieu


Évangélisation

 

N.B. : En réponse à la question : « Quelles sont les paroles de Dieu que vous connaissez qui parlent de l’évangélisation ? », les participants ont cité en particulier les passages suivants :

une affirmation de Paul : « Malheur à moi si je n’annonce par l’Evangile » (1° Cor 9.16) ; le Seigneur ne m’a pas choisi pour baptiser, mais pour évangéliser (1° Cor 1.17) car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (Lettre à Tite).

  • Jésus lui-même au moment de quitter cette terre disait à ses apôtres : « Allez enseigner toutes les nations » (Marc 16,15)

  • Le Concile Vatican II rapporte que : « l’Esprit Saint donne à tous les hommes de prendre part au Mystère pascal (de ressusciter avec Jésus Christ) d’une façon que Dieu Lui-même connaît ».

Notes prises au cours de la Conférence : Quelques principes

  1. Jésus a dit : « Allez enseigner toutes les nations ». Il l’a dit, mais il l’a fait lui-même en premier. Cela veut dire que l’évangélisation,c’est Jésus lui-même. C’est d’abord le connaître, ensuite vivre avec lui, enfin continuer son travail. C’est le Christ qui est le noyau et le centre de toute l’évangélisation. Si on ne vit pas avec le Christ on ne peut ni être évangélisé, ni évangéliser ses frères.

  2. L’Evangile, ce n’est donc pas un livre à connaître, ni des choses à enseigner, c’est une personne ; et c’est là l’une de nos différences avec les musulmans. Pour les musulmans, le texte est sacré et ils font des récitations du Coran. Pour nous, nous ne faisons pas de récitation de l’Evangile parce que ce n’est pas le texte qui est important, c’est Jésus, Jésus qui disait : « Je suis la Vérité, le Chemin et la Vie ».

  3. L’Evangile, c’est une Bonne Nouvelle. Le Père a alors demandé aux participants  quelle était la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Ensuite il leur a demandé de citer les phrases des Béatitudes qu’ils connaissaient par cœur, puisque ces Béatitudes, le Sermon sur la montagne, est la base de l’Evangile et le discours programme de Jésus-Christ. Cela veut dire que Dieu veut que nous soyons heureux ; toutes les phrases des Béatitudes commencent par ce mot. Et qu’évangéliser ce n’est pas apporter aux hommes des commandements, encore moins des interdits, mais c’est les rendre heureux. En particulier, rendre heureux ceux qui ne le sont pas, ceux qui ne sont pas respectés, ceux qui sont méprisés, ceux qui sont écrasés, ceux qui n’ont pas leur place dans la société, ceux qui souffrent et qui sont pauvres. L’évangélisation, ce n’est pas amener des commandements, c’est rendre les hommes heureux.

  4. Enfin, l’évangélisation c’est un acte de foi,c’est un engagement ; comme on nous l’a dit au début de ce Carême : « Convertis-toi et crois à l’Evangile ».

Une remarque : on dit parfois « il faut s’évangéliser avant d’évangéliser les autres ». Je ne suis pas tellement d’accord avec cette formule. En fait, nous ne pouvons pas nous évangéliser nous-mêmes, nous nous laissons évangéliser par l’Esprit-Saint, l’Esprit de Jésus. Et lorsque nous sommes évangélisés par Dieu, alors nous pouvons apporter l’Esprit de l’Evangile à nos frères.

Autre chose : ce n’est pas d’abord par nos paroles que nous évangélisons, mais par notre témoignage de vie. Si nous sommes heureux d’être chrétiens et de vivre selon l’Evangile, les gens suivront notre chemin, car eux aussi ils ont envie d’être heureux. Il ne s’agit pas tellement de montrer l’exemple, car nous ne sommes pas toujours exemplaires. Ce qui est important, ce n’est pas d’être exemplaires, mais c’est de nous engager avec les autres, chrétiens et non chrétiens, pour construire ensemble le Royaume de Dieu. C’est de cela que l’Eglise, comme le monde, a besoin.

N.B. : Toute la conférence a été coupée par des chants sur l’évangélisation. Après un de ces chants, le Père Armel a demandé aux participants de dire par cœur ce que Jésus a fait lorsqu’il a envoyé ses disciples en mission. Puis il a ensuite repris ce texte en l'expliquant point par point. Voici certaines de ses remarques, à partir du chapitre10 de St Luc

L’envoi des disciples

  • Jésus envoie 70 disciples. Ce ne sont donc pas les apôtres seulement que Jésus envoie. Cela veut dire que « évangéliser » c’est la responsabilité de tous les chrétiens (les disciples) pas seulement des prêtres, des évêques et des religieux.
    Ensuite, le Christ envoie ses disciples deux par deux. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire d’abord qu’on ne peut pas être chrétien tout seul, mais on ne peut pas non plus évangéliser tout seul.
    L’évangélisation, ce n’est pas l’affaire d’une personne, même la plus motivée, c’est la responsabilité de toute la communauté ; c’est la communauté qui va évangéliser en s’appuyant sur les qualités et les charismes de chacun.

  • La première chose que Jésus dit c’est : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson ». La base de l’évangélisation, c’est d’abord la prière, puisque ce n’est pas nous qui évangélisons mais c’est bien l’Esprit de Jésus, c’est Dieu qui travaille dans le cœur des hommes.

  • Ensuite l’évangélisation nous demande d’être courageux ; Jésus le dit clairement : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ». Il faut donc que nous soyons décidés, motivés, convaincus et prêts à supporter les accusations et les oppositions dans la paix et dans le calme. Comme le disait déjà Jésus dans les Béatitudes : « Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice » ; « ils m’ont persécutés, ils vous persécuteront vous aussi ». Si nous annonçons l’Evangile, les gens ne seront pas d’accord et ils nous feront souffrir ; c’est obligé.

  • Une autre recommandation de Jésus : « Ne portez ni bourse, ni sac, ni soulier ». Si nous voulons évangéliser, il faut que nous soyons pauvres de cœur, détachés et généreux. Jésus nous avertit : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». Beaucoup de gens se lancent dans toutes sortes d’activités, pour avoir le pouvoir et l’argent. Si nous nous engageons dans l’évangélisation, c’est pour Dieu, et non pas pour un intérêt égoïste .

  • Jésus continue : « Dans toute maison où vous entrez, dites d’abord : que la paix soit sur cette maison ». La première façon d’évangéliser nos frères et nos sœurs, c’est de leur apporter la paix de Dieu. Et avec eux de travailler pour faire grandir la paix, la vraie paix de Jésus-Christ. Comme nous le disions, l’évangélisation, ce n’est pas des discours, ce sont des actions. La première action, c’est de construire la paix, tous ensemble, avec ceux qui nous reçoivent.

  • Jésus dit encore : « Demeurez dans cette maison-là, mangez et buvez ce qu’on vous donnera ». Qu’est-ce que cela veut dire ? L’évangélisation suppose que l’on prenne le temps d’abord de se connaître, de vivre ensemble, de partager nos idées, nos soucis et nos problèmes. C’est ensuite, lorsque nous avons vécu ensemble et que nous sommes demeurés longtemps dans une maison, que nous pouvons y apporter l’Evangile. D’ailleurs s’il n’y a pas une amitié entre nous, l’autre ne pourra pas nous écouter, il n’acceptera ni ce que nous dirons, ni notre témoignage de vie. A ce moment-là, l’Evangile ne pourra pas passer.

Le Père Armel a ensuite repris le retour des disciples, aux versets 17 à 21, en disant en particulier ceci : "Les 70 disciples reviennent dans la joie". L’Evangile est une Bonne Nouvelle. On ne peut l’annoncer que dans la joie. Ils disent eux-mêmes « les démons sont soumis à ton Nom ». Jésus répond « Je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et sur les scorpions et sur toute la puissance de l’ennemi ». L’évangélisation, c’est l’action de Dieu ; nous croyons qu’Il est avec nous, Il nous soutient, Il nous protège. Mais Jésus ajoute : « Ne vous réjouissez pas que les démons vous soient soumis ; soyez heureux parce que vos noms sont écrits dans les cieux ». Par l’évangélisation, nous vivons avec Dieu, nous sommes avec Lui dans toute notre vie, sur la terre et après notre mort.

  • "Jésus tressaille dans le Saint Esprit". L’évangélisation, ce n’est pas notre œuvre, ce ne sont pas nos idées que nous devons transmettre, ce ne sont pas nos manières de faire ou de vivre que nous devons enseigner aux autres, mais c’est bien d’écouter le Saint Esprit dans notre cœur, c’est Lui qui nous montrera ce que nous avons à faire et ce que nous avons à dire, pour évangéliser.

  • Enfin, il y a la prière de Jésus : « Père je te rends grâce, parce que tu as caché ton Evangile à ceux qui se croient sages et intelligents ; et tu l’as fait connaître aux petits ». Comme Jésus disait déjà dans les Béatitudes : « Heureux les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux ». L’Evangile s’adresse d’abord aux petits de la société, à tous ceux qui sont rejetés, mis à côté, marginalisés ; c’est à eux que nous devons d’abord nous adresser. C’est eux que l’Evangile va d’abord délivrer.

L'envoi en mission

Après avoir donné la parole aux participants, le Père continue : Jésus dit « Allez enseigner toutes les nations, de tous les peuples faites mes disciples ». Et Marc dit même « Allez enseigner l’Evangile à toute la Création »(Marc 16,15). Pas seulement aux hommes, mais à toutes les créatures, comme nous la montré par exemple St François. Ou comme le dit Paul aux Romains « La création tout entière attend d’être libérée de la corruption et de la mort" (Rom 8,22).L'évangélisation va ensemble avec le respect de la création. C'est-à-dire avec la lutte contre la pollution, contre les feux de brousse, contre la désertification, contre le déboisement et contre les saletés qui salissent notre terre, les déchets chimiques de nos usines et même les déchets atomiques envoyés chez nous par les pays riches. L'évangélisation ne va pas sans la protection de l'environnement. Il nous faut beaucoup réfléchir à tout cela. Car nous n'avons pas encore compris que notre foi nous demande de respecter la création que Dieu nous a donnée;

  • Jésus dit:"Allez enseigner toutes les nations. De tous les peuples faites des disciples" (On a chanté ce chant ensemble). Il ne s'agit pas seulement d'évangéliser les personnes une par une, individuellement. Il s'agit bien d'évangéliser tout le peuple ensemble. Evangéliser toute la nation guinéenne. Comme nous le rappelle ce que Jésus disait sur la montagne à tous ses disciples, dès le début de son enseignement de l'Evangile:"Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde" (Mat 5,13-15). Jésus ne dit pas: vous êtes le sel de la communauté chrétienne, mais bien le sel de toute la terre. Et à ce sujet, le père a fait remarquer qu’il suffit d’un peu de sel pour donner du goût à tout le plat. Souvent, nous disons : nous les chrétiens nous sommes trop peu nombreux, nous ne pouvons pas évangéliser. Mais si nous avons la force de Jésus, nous pouvons donner le goût des choses de Dieu à tout le pays. A condition de ne pas être un sel pourri que l’on jette par terre et sur lequel on marche. A condition aussi d’être au milieu de nos frères et de partager leur vie ; si le sel n’est pas au milieu du riz, il ne donne lui pas de goût ; à condition d’être vraiment éclairés et allumés par le Christ, pour pouvoir, à notre tour, faire entrer nos frères dans la Lumière de Dieu. Comme disait Jésus : « Celui qui fait la Vérité vient à la lumière »(Jean 3,21), quelle que soit sa religion.

  • Il s’agit donc d’évangéliser tout le peuple et tout le pays. Notre pays, la Guinée, est en pleine transition. Nous avons maintenant un Gouvernement d’union nationale. La Commission nationale des élections indépendante se met en place. Un Comité de transition est en train de revoir la Constitution et de préparer les élections. Tout cela, ce sont autant d’appels que Dieu nous adresse à construire notre pays, dans la ligne du Synode, dont le thème était justement « Réconciliation, Justice et Paix  ». C’est tout cela que nous devons mettre en pratique pour faire grandir notre pays : la Guinée. Comme le disait déjà le prophète Isaïe, dans le chapitre 58 au début de notre Carême : « Si tu t’engages avec Dieu, ton pays qui était un désert deviendra un jardin bien arrosé, où les eaux ne manquent jamais ; tu rebâtiras les ruines anciennes ; tu rendras à nouveau fortes, les fondations d’autrefois ; on t’appellera celui qui répare les murs, celui qui remet en service les routes ». C’est cela l’évangélisation.

  • C’est Dieu qui nous a donné notre terre. A nous, non seulement de la garder, mais de la développer. Comme le disait déjà Dieu à Adam et Eve dès le début du monde : « Croissez et multipliez-vous ; toute la terre est à vous ; développez le monde ». Cela suppose donc que les chrétiens s’engagent dans la société et également dans la politique. A condition de s’engager dans la politique non pas pour gagner et détourner de l’argent, non pas par soif du pouvoir pour s’imposer aux autres, mais vraiment pour construire le pays selon l’Evangile. Et pour se mettre au service de nos frères, comme Jésus qui a dit : « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir » (Mat 20,27; Luc 22,27). Il a lavé les pieds de ses apôtres, et il a dit : « le plus grand parmi vous, ce sera celui qui se fait petit devant ses frères ».

  • Jésus nous demande de construire le pays d’après les Béatitudes. Il disait : « Heureux les pauvres » (Mat 5,3). Nous pensons d’abord aux pauvres, dans nos projets de développement. Nous leur donnons leur place dans la société. Ensemble, nous cherchons à construire la paix. Nous avons faim et soif de justice. Et dans notre engagement, nous pensons à consoler ceux qui pleurent (voir Matthieu 5, 3-12).

  • En effet, nous sommes bien obligés de nous poser un certain nombre de questions quand nous voyons ce qui se passe dans le pays. En quittant CONAKRY pour venir à MONGO, nous avons traversé des quartiers populaires, des banlieues où les gens ont de la peine à vivre. Mais dans ces banlieues, nous avons vu aussi des grandes maisons pleines de luxe. Et nous avons croisé des voitures modernes tout-terrain qui coûtent des millions. Alors que dans ces quartiers, les gens n’ont pas de quoi vivre, manger, s’habiller ou se soigner. Le gouvernement vient de décider une augmentation de 50 % du salaire des fonctionnaires. Mais combien y a-t-il de fonctionnaires dans le pays ? Et les chômeurs, eux, que vont-ils faire ?... Car le prix du carburant a augmenté pour tout le monde, pas seulement pour les fonctionnaires. Et il a entraîné l’augmentation du coût de la vie pour la nourriture et pour tout ce dont nous avons besoin. Les pauvres vont devenir de plus en plus pauvres, et également le pays. Car tout cela ne peut que créer l’inflation et faire perdre sa valeur à notre monnaie.
    On a prévu des mesures d’accompagnement pour les militaires. Mais quelles mesures a-t-on prévu pour tous ceux qui sont dans le secteur informel, et qui se débrouillent en exerçant des petits métiers ? On est en train de mettre l’eau et l’électricité dans la ville de CONAKRY. C’est très bien. Mais que fait-on pour le monde rural ? Les villageois ont droit à l’eau et à l’électricité, comme ceux de la ville. La saison des pluies va commencer. Que fait-on pour aider les paysans, leur fournir des engrais, des semences et du petit matériel, pour qu’ils puissent cultiver. Et ainsi non seulement vivre mais nourrir tout le pays. L’évangélisation, c’est reconstruire le pays dans la justice, la paix, la réconciliation. Si nous ne faisons pas cela, nous ne sommes pas chrétiens. Et tout ce que nous pourrons dire ça ne sera que des discours inutiles et creux.

Évangéliser est plus large que baptiser

Paul disait : « Dieu ne m’a pas choisi pour baptiser mais pour évangéliser » (1° Cor). Qu’est-ce que cela veut dire ? Baptiser quelqu’un, c’est lui donner le sacrement qui le fait entrer dans l’Eglise. C’est quand il demande à devenir chrétien. Evangéliser quelqu’un, c’est lui permettre de vivre dans l’esprit de l’Evangile, quelle que soit sa religion. Un non chrétien qui met en pratique les valeurs de l’Evangile et écoute la voix de Dieu dans son coeur, il est déjà évangélisé. Il est déjà dans le Royaume de Dieu. Jésus disait:" Celui qui fait la vérité, il vient à la lumière". Et Jésus disait au :"Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu" En effet, qu’est-ce que l’évangélisation : c’est rendre présent et faire grandir le Royaume de Dieu parmi nous

Qu’est-ce que le Royaume de Dieu ?

Les participants ont longuement échangé sur cette question. Ils ont rappelé ces paroles de Jésus : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6,33). Le Royaume de Dieu, c’est quand nous changeons notre cœur et que nous commençons une vie nouvelle (Jean 3, 38). Le Royaume de Dieu, c’est quand nous donnons ce que nous avons aux pauvres (Matthieu 19, 21) et surtout quand nous avons un cœur de pauvre (Matthieu 5, 3 ; Jacques 2, 5). Le Royaume de Dieu, comme l’évangélisation, c’est Jésus. Quand Jésus est là, le Royaume de Dieu est là. Et Jésus disait : « Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux » (Mat 18,19). Le Royaume de Dieu est là quand il y a l’amitié, l’amour, la communion. Jésus disait : « Celui qui accueille un enfant, c’est moi qu’il accueille » (Mat 18,5; Mat 19,14). Quand nous accueillons un enfant, ou un petit de la société, un pauvre, un exclu, un humilié, Jésus est là, le Royaume de Dieu est là. St Paul expliquait : le Royaume de Dieu est justice, paix et joie(Romains 14, 17). Dans la prière nous disons : « Notre Père, que ton Royaume vienne, que ta volonté soit faite sur la terre ». Le Royaume de Dieu est ouvert à tous. Jésus accepte de guérir le serviteur de l’officier romain, qui était non seulement un païen et un étranger, mais un colonialiste qui faisait souffrir et tuait le peuple. Et Jésus s’écrie : « je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ». Il ajoute « ils viendront de l’est et de l’ouest, et prendront place à table au repas du Royaume » (Mat 15,21-28). Avant de recevoir la communion, c’est justement la prière de ce païen et de cet étranger que nous reprenons : « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri"

C’est le Saint Esprit qui nous guide dans notre travail d’évangélisation."Le fruit de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience et la bonté" (Galates 5, 22). Le Royaume, c’est quand il y a l’amour. C’est ce que Jésus nous dira à la fin du monde (Matthieu 25, 34-40) : « Venez, vous les bénis de mon père, parce que j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’étais étranger, vous m’avez accueilli ; j’étais nu, vous m’avez habillé (et donc vous m’avez rendu ma dignité) ; j’étais en prison, vous êtes venu me visiter et me libérer ; j’étais malade, et vous m’avez soigné. Entrez dans le Royaume ». C’est cela l’évangélisation ; ce ne sont pas des paroles, mais aimer et aider les pauvres, les étrangers, les malades, les prisonniers, ceux qui pleurent, ceux qui sont rejetés. La Préface de la Fête du Christ-Roi nous explique ce qu’est le Royaume de Dieu: unRoyaume d'amour et de vérité, de justice et de paix." Et l' Evangélisation, c'est faire venir le Royaume sur la terre

Après un temps de partage avec les participants, le Père Armel a expliqué la relation entre l’Eglise et le Royaume de Dieu. L’Eglise ne doit pas travailler pour elle-même, elle est au service du Royaume, un Royaume qui est plus grand que l’Eglise. Dans ce Royaume, tous les hommes ont leur place, "les hommes de toutes langues, de toutes cultures, de toutes races", mais aussi de toutes religions. Car Dieu a ouvert son Royaume à tous. C’est pour cela que nous devons aider tous les hommes à vivre selon l’Evangile, même s’ils ne connaissent pas Jésus, du moment qu’ils se laissent conduire par l’Esprit qui parle dans leur cœur et qui les conduit vers le Royaume de Dieu. Voir le document L 54 « Evangélisation et Royaume de Dieu", dans notre site, rubrique « Justice et Paix », à la 2ème page : formation.

Évangélisation et dialogue

  • L’évangélisation ne peut se faire que dans le dialogue. Mais un vrai dialogue, non pas une simple discussion, surtout pas une conversation banale. Ni une conversation agressive, où l’on veut convertir l’autre à ses idées ou à sa religion. Dans le dialogue, nous nous aidons les uns les autres à nous convertir à Dieu. Car tous nous avons besoin de conversion. Conversion veut dire : se tourner. Il s’agit de s’aider et de se soutenir, pour se tourner ensemble vers Dieu. Et non pas vouloir faire changer l’autre de religion. Le dialogue ne peut se faire que dans une rencontre profonde, où chacun offre à l’autre, dans la liberté, le meilleur de lui-même. Mais, en même temps, où chacun cherche à accueillir le meilleur de l’autre, pour nous rejoindre au plus profond de notre cœur.

  • Le dialogue ne peut se faire que dans l’humilité. Car Dieu seul est Vérité. Bien sûr, la Vérité existe : c’est Dieu Lui-même. Mais nous, nous ne voyons qu’une partie de la Vérité. Nous ne la comprenons que très imparfaitement. Bien plus, la Vérité de Dieu nous la recevons des autres. Il s’agit donc de nous éclairer mutuellement, en partageant notre foi, pour mieux comprendre qui est Dieu et ce qu’Il nous demande. Car les croyants des autres religions ont aussi beaucoup de choses à nous apprendre sur Dieu. Et beaucoup de choses à nous apporter.

  • L’évangélisation ne peut se faire que dans le respect de l’autre. Comme Jésus a respecté la Samaritaine. Alors que les Juifs méprisaient les étrangers et abaissaient les femmes. Surtout les femmes comme la Samaritaine « qui avait eu cinq maris. Et l’homme avec qui elle vivait n’était pas son mari » (Jean 4,18). L’évangélisation suppose l’accueil de l’autre, qui est étranger par sa langue et sa religion. Comme Jésus a accueilli les lépreux. Et le seul qui est venu lui dire merci, justement c’était un étranger et un païen, un Samaritain (Luc 17, 11-19).

  • L’évangélisation suppose que l’on admire les gens des autres religions. Comme Jésus a admiré la foi de la Syrienne, en disant «femme ta foi est grande! » (Mat 15,21-28). Nous croyons que Dieu travaille au cœur de tous les croyants. C’est pour cela que la foi de l’autre me pose question, mais aussi me fait grandir. Dans la mesure où, comme Jésus, je suis capable de la découvrir et de l’admirer. Jean-Paul 2 disait en 1981, aux musulmans des Philippines : « Je veux que vous soyez convaincus, que vos frères et sœurs chrétiens ont besoin de vous. Et qu’ils ont besoin de votre amour ». Nous n’évangélisons pas d’abord pour apporter quelque chose aux autres, mais pour recevoir de nos frères leur amour et leur foi. Et ainsi grandir ensemble dans l’amour et la foi. Déjà, le Psaume 86 disait de Jérusalem : « Jérusalem, tu es la ville de Dieu, en qui tout homme est né ». Dieu a créé Jérusalem pour tous les hommes ; tous les hommes sont appelés à entrer dans le Royaume.

C’est bien pour cela que les deux Conseils présents à Rome, le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples ont rédigé ensemble, il y a une vingtaine d’années un document très important, qui s’appelle justement « Dialogue et annonce ». On ne peut pas annoncer l’Evangile en dehors d'un vrai dialogue. Et nous sommes évangélisés par nos frères, tout autant que nous les évangélisons. D’ailleurs, dès le début de l’Evangile, Jean nous dit (Jean 1, 9) : « Jésus est le Verbe de Dieu ; il est la Lumière qui éclaire tout homme venu dans le monde ». Comme le disait le Concile Vatican II : « tout homme est associé au Mystère pascal par l’Esprit-Saint d’une manière que Dieu connaît » (même si nous, nous ne la connaissons pas ou ne la comprenons pas).

Pendant longtemps dans l’Eglise, « Evangélisation et promotion humaine » a été une option pastorale de certains de nos diocèses au Sénégal. Selon cette option, il faut comprendre la promotion humaine comme faisant partie intégrante de l’évangélisation. Le Pape Benoit XVI évoque ici l’encyclique « Evangelii Nuntiandi de Paul VI : « Entre l’évangélisation et la promotion humaine – développement, libération – il y a en effet des liens profonds » [31] : conscient de cela, Paul VI établissait un rapport clair entre l’annonce du Christ et la promotion de la personne dans la société. Le témoignage de la charité du Christ à travers des œuvres de justice, de paix et de développement fait partie de l’évangélisation car, pour Jésus Christ, qui nous aime, l’homme tout entier est important. C’est sur ces enseignements importants que se fonde l’aspect missionnaire  [32] de la doctrine sociale de l’Église en tant que composante essentielle de l’évangélisation [33]. La doctrine sociale de l’Église est annonce et témoignage de foi. C’est un instrument et un lieu indispensable de l’éducation de la foi. »

Le Pape François dans «  La joie de l’Evangile » donne une autre dimension du rapport entre Evangélisation et Promotion en insistant sur la force de l’évangile pour libérer l’homme et le conduire au développement authentique : « À partir du cœur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice. L’acceptation de la première annonce, qui invite à se laisser aimer de Dieu et à l’aimer avec l’amour que lui-même nous communique, provoque dans la vie de la personne et dans ses actions une réaction première et fondamentale : désirer, chercher et avoir à cœur le bien des autres. »

Si nous pouvons parler d’une dimension évangélisatrice de l’action sociale de l’Eglise, son action caritative, il nous faut aussi parler de la dimension de promotion humaine de l’évangélisation en cela l’annonce de Jésus Christ a une action libératrice et transformatrice, libération sans laquelle il n’y a pas de développement authentique. 

Dans la première prière eucharistique pour la Réconciliation, on affirme « Seigneur, ton Esprit travaille au cœur des hommes et les ennemis enfin se parlent ». C’est cela l’évangélisation, c’est l’Esprit qui travaille dans le cœur des hommes, de tous les hommes. Evangéliser ce n’est donc pas d’abord apporter un message. C’est surtout apprendre aux hommes à reconnaître Dieu présent dans leur vie, la leur et la nôtre. Leur apprendre à écouter la voix de Dieu dans leur cœur. Car l’Esprit Saint parle au cœur de tous les hommes. Et comme dit Jésus, « nous ne savons pas d’où il vient ni d’où il va »(Jean 3,8). Nous ne pouvons donc pas venir évangéliser nos frères avec des théories toutes faites, ou des idées préconçues. Nous nous mettons ensemble à l’écoute de ce que l’Esprit de Dieu dit à chacun de nous dans notre cœur. Nous le partageons. C’est ainsi que nous nous éclairons et que nous nous fortifions pour avancer ensemble. Nous ne cherchons donc pas tellement à dire aux autres, ce qu’ils doivent faire pour répondre à l’appel de Dieu. Nous cherchons plutôt à leur apprendre à écouter Dieu qui parle dans leur cœur. En même temps que nous-mêmes, nous essayons d’apprendre ce que Dieu nous dit à nous aussi, dans notre cœur.

Par conséquent, le vrai témoin de l’Evangile, ce n’est pas nous, c’est l’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus. En vivant au milieu d’autres croyants, nous constatons dans la joie, qu’ils peuvent être de vrais témoins de Dieu, grâce à l’Esprit Saint. Même s’ils ne sont pas de notre religion. Le témoignage n’est pas seulement pour les disciples du Christ, il est pour tous ceux qui essaient de vivre en se laissant conduire par le Saint Esprit. Souvent, nous avons le cœur et la bouche beaucoup trop remplis de ce que nous voulons enseigner aux autres. Au lieu de rencontrer les personnes, leurs cultures et leurs religions et de les écouter. L’annonce de l’Evangile c'est le partage. Je ne vais pas évangéliser mes frères, mais ensemble nous cherchons à nous mettre à l’écoute de l’Esprit de Dieu, qui va tous nous évangéliser.

Faire toute chose nouvelle

Déjà, Dieu disait par la bouche du Prophète Isaïe: « Je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habitera » (Isaie 65,17; 66,22). Pierre et l'Apocalypse redisent la même chose (2° Pierre 3,13 ; Apoc 21,1) : c’est cela l’évangélisation. Il s’agit donc de créer toute chose nouvelle, comme Jésus nous disait : « Je vous donne un commandement nouveau, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13,34). Il nous a fait entrer dans une alliance nouvelle, ouverte à tous les hommes. Son Evangile est une Bonne Nouvelle, qui nous appelle à vivre d’une vie nouvelle, à devenir des hommes et des femmes nouveaux. Cela veut dire aussi qu’il s’agit d’évangéliser les nouveaux secteurs de la vie et du monde. Par exemple les phénomènes de la mondialisation et de la globalisation. Pour que cela se fasse pour le bien de tous, et la libération des pauvres, et non pas leur exploitation et leur marginalisation. Il s’agit d’évangéliser les communications sociales, mais aussi les nouvelles pauvretés, qui apparaissent dans les pays même les plus riches. Il s’agit d’évangéliser nos communautés afin qu’elles deviennent des communautés comme Dieu le veut. Et la première communauté, c’est notre famille. Jean Paul II demandait une nouvelle évangélisation: il s’agit d’évangéliser la ville, d’évangéliser les migrations, avec tous ces Africains et autres habitants du monde qui n’hésitent pas à risquer la mort pour venir habiter en Europe ou aux Etats-Unis. Cela suppose l’information et l’inculturation. Le Père Armel a expliqué tout cela, en reprenant le message final de l’assemblée de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, du 16 au 18 Novembre 2.009.



 


Voyage en Mauritanie.

 

Dans le cadre de notre commission « Justice, Paix et Respect de l’Environnement », on m’a demandé d’aller visiter notre communauté de Nouadhibou au nord de la Mauritanie. Je vous ai déjà envoyé le récit de ce voyage. Voici maintenant quelques réflexions.

Nouadhibou se situe en Mauritanie,

République Islamique, c’est-à-dire où notre liberté est très limitée. Ainsi nous n’avons pas le droit de baptiser un mauritanien qui le désirerait. L’Eglise est acceptée principalement à cause de la Caritas et de ses œuvres sociales, et limitée à cela. Le pays lui-même est divisé par différentes options politiques mais aussi des tensions entre les populations arabes (maures) qui parlent le hassania, une version de la langue arabe, bien que la langue officielle soit le français, les noirs anciens esclaves, (haratines) et les populations noires de la zone du sud qui ont beaucoup de mal à trouver leur place dans la société. L’Eglise a bien sûr, un rôle important à jouer dans ces conditions mais dans les limites qui lui sont imposées. Il y a aussi de grands problèmes d’environnement, dans un pays envahi par le désert et une population dont la majorité est très pauvre, à côté de personnes très aisées.

La paroisse de Nouadhibou

que j’ai visitée après un court passage à Rosso, est située à la frontière nord du pays. C’était autrefois un lieu de passage important d’émigrants en route vers l’Europe, soit par la mer et les Canaries Espagnoles, soit par le désert et le Maroc. Mais maintenant la marine espagnole, présente sur place, bloque les voyages par mer. De même pour le Maroc, ceux qui passent par le désert, sont refoulés dès qu’ils sont repérés. Quand les uns comme les autres ne meurent pas, en mer ou dans le désert. La paroisse y travaille depuis plus de 50 ans auprès des populations mauritaniennes nécessiteuses. Spécialement, quatre religieuses indiennes, tandis que nos confrères prennent davantage en charge les migrants.

Pour la population mauritanienne,

sœurs et prêtres offrent un soutien scolaire qui est très apprécié, un jardin d’enfants avec cinq classes, et une bibliothèque bien fournie et très appréciée. Une des religieuses travaille le matin à l’hôpital officiel et donne ses soins à la paroisse l’après-midi et une aide en médicaments, lunettes…. A cela s’ajoutent de nombreuses formations pour aider les plus pauvres à se prendre en charge avec leur famille : enseignement du français, de l’anglais et de l’espagnol, alphabétisation, formation en informatique, en comptabilité et en gestion, en cuisine et pâtisserie, en couture et broderie, en teinture, etc…Tous les membres de l’équipe sont engagés pour l’accueil, le soutien et la formation des plus pauvres dans la Caritas, pour qu’ils puissent s’en sortir.

Auprès des chrétiens, il y a des visites régulières à la prison, les,prêtres et soeurs n’étant pas autorisés à rencontrer les détenus mauritaniens. Et des formations pour les migrants sur leurs droits et leurs devoirs, leurs protections et leurs défenses en cas de conflits. La paroisse a un avocat qui travaille dans ce domaine, pour les cas les plus difficiles. Elle permet à certains migrants qui le décident de retourner chez eux, avec l’aide de l’OIM (Organisation Mondiale de l’immigration. Il y a aussi un gros travail d’accueil et de soutien auprès des migrants qui ont été bloqués à la frontière et qui n’ont pas les moyens ni le désir de retourner chez eux, ayant le sentiment d’avoir échoué et ayant honte de retourner dans leur famille qui, souvent s’est sacrifié lourdement au point de vue financier pour leur permettre le voyage. Ce soutien des migrants se fait avec l’aide du CCFD français (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement), auquel s’ajoute une aide du diocèse de Munich en Allemagne et de l’Association allemande Misereor.

La paroisse soutient en particulier une école pour les enfants de migrants. Car dans les écoles de la ville, l’enseignement est donné en arabe. Elle soutient également les migrants dans leurs activités et organisations. En effet les migrants des différentes nationalités se sont organisés en association. Leurs responsables se retrouvent dans un bureau de coordination pour défendre leurs droits, accueillir les nouveaux venus et coordonner leurs actions. La paroisse soutient aussi une maison d’accueil pour les nouveaux migrants qui arrivent pendant les premières semaines, pour qu’ils puissent trouver un logement ou une famille d’accueil.

Bien sûr à la base de cela, il y a la vie de la paroisse avec la messe du dimanche, les rencontres de prières, la chorale, les mouvements des enfants CV/AV et de nombreuses autres activités, comme dans toutes les paroisses.

J’ai beaucoup aimé participer à ces activités et je suis revenu plein de joie mais aussi avec des problèmes de santé : une forte crise de palu et plaie à la jambe qui s’est infectée, si bien qu’à mon retour je n’ai pas pu reprendre mes activités habituelles, que j’ai dû arrêter pour me faire soigner. Mon journal vous en a parlé et les choses s’arrangent peu à peu.

N.B. : J’apprends qu’un bateau est parti de Gambie à plus de 1000 km de Nouadhibou. Arrivé à ce niveau, il n’avait plus de carburant, il a heurté un rocher et 58 personnes se sont noyées. 83 ont pu rejoindre la rive à la nage. Ils étaient en route vers les Canaries espagnole. Quelques jours plus tard, une 2° bateau transportant des migrants a été arraisonné et les passagers renvoyés au Sénégal et en Gambie d’où ils venaient, où leur tragédie continue, malheureusement.

Nouadhibou : Evaluation de ma visite

Ce que je retiens de cette visite, c’est d’abord l’importance d’une vie d’équipe communautaire. J’ai apprécié la complémentarité entre les deux prêtres et le frère (2 spiritains et un père blanc) et avec les sœurs. De même j’ai apprécié l’équilibre entre le travail pastoral auprès des chrétiens et le travail humanitaire auprès des Mauritaniens.

Pour les chrétiens,

le souci du soutien matériel et de répondre à leurs besoins est très important. Pas seulement pour leur fournir des moyens pour vivre, mais surtout de leur apporter une formation nécessaire pour cela. Cet aspect est à continuer et à développer en écoutant, en accueillant et en essayant de découvrir les capacités de chacun. Il ne s’agit pas d’abord de distribuer de la nourriture ou des habits, mais de voir avec eux ce qu’ils désirent faire, et surtout ce qu’ils sont capables de faire, et de les soutenir pour cela. Le curé a fait un séjour àç Dakar pour voir comment le PARI (point d’accueil des réfugiés et des immigrants) de la Caritas travaille, et il en a tiré une méthodologie qui est très importante.

Par rapport aux mauritaniens :

Il est très difficile d’être reconnu et de travailler dans une République Islamique. J’ai admiré à la fois l’audace et la prudence des confrères et des sœurs à ce niveau : le respect des autorités et des orientations du pays, mais en même temps leur créativité pour faire tout ce qui est possible de faire. Les actions, surtout au niveau de l’aide sociale sont acceptées plus facilement par l’Etat mauritanien, d’où l’importance pour la communauté de travailler en collaboration avec les sœurs, qui sont très engagées dans le domaine social.

Les autorités hésitent à venir à la mission, pour ne pas être pointées du doigt. Mais elles acceptent par exemple de venir présider un match de football organisé par la paroisse, s’il se passe dans un stade en ville. C’est certainement dans ce sens-là qu’il faudrait continuer à travailler.

A titre d’indication, voici la liste des formations qui sont apportées : apprentissage du français, de l’anglais et de l’espagnol ; formation en informatique, comptabilité et gestion ; formation en cuisine et pâtisserie ; couture, teinture et broderie ; alphabétisation, sans oublier les soutiens scolaires et le travail très important d’accueil, de formation et d’éducation à la bibliothèque. Je note aussi l’importance des formations humaines et civiques qui sont données. Je pense aux conférences sur les droits et les devoirs des migrants, sur la santé. Et également les autres activités : théâtre, sport, etc. qui sont importantes pour l’équilibre et l’épanouissement des gens

On peut donc se féliciter de toutes les formations données. Bien sûr cela demande un minimum de moyens, pour payer les inscriptions et les cotisations. C’est peut-être la raison pour laquelle au jardin d’enfants, sauf erreur de ma part, il y a seulement des enfants mauritaniens. Alors que cela pourrait être une occasion, pour apprendre aux enfants mauritaniens et étrangers migrants à vivre ensemble et à créer des liens d’amitié, dès l’âge de l’enfance.

Je note aussi l’importance des actions pour la santé qui sont menées par les sœurs, pas seulement à la mission avec l’accueil, la distribution de lunettes, les soins aux bébés et aux nécessiteux, mais aussi à l’hôpital et dans les quartiers, de même que le travail de l’une des religieuses à la prison de la ville. Cela est très important.

Une autre chose que j’ai appréciée,

c’est le soutien apporté aux initiatives que les migrants prennent par eux-mêmes. Par exemple, l’école prise en charge par les parents migrants pour éduquer leurs enfants en français, puisqu’en ville les cours sont donnés en arabe, la langue officielle du pays, ce qui ne convient pas aux personnes venues des autres pays. Il serait important de pouvoir en améliorer les conditions d’éducation, et de trouver un minimum de financement pour cela. Car il est pratiquement impossible de donner un enseignement valable avec des classes surchargées, et les unes à côté des autres dans une même maison. Il y a là un problème de moyens qu’on retrouve dans beaucoup d’autres activités.

J’ai pu assister à une réunion des responsables de chacun des groupes nationaux de migrants. Ce travail en commun et cette ouverture qui semblent un signe de sécurité et de succès. J’apprécie aussi la maison d’accueil pour les migrants qui viennent d’arriver, avec l’exigence de ne pas rester plus d’un mois, de manière à laisser la place aux suivants.

Au niveau de l’équipe apostolique,

j’ai été heureux de participer à la messe communautaire et à la célébration de l’Office chaque jour. La présence d’un frère spiritain dans l’équipe est une chance qui pourrait être mise davantage en valeur, pour le développement des vocations des frères spiritains. Quant aux activités chrétiennes, elles me semblent bien vécues : la liturgie, la catéchèse et les mouvements des enfants, les CV / AV, même si à cause des circonstances locales, les participants sont d’un nombre très limité. Cela n’empêche pas l’équipe de travailler avec courage et persévérance.

J'ai beaucoup aimé

mon insertion dans une autre culture. J’y ai admiré le sérieux et l’amitié des hommes, et le respect et la dignité des femmes. Là-bas, tout le monde est « voilé » à cause du vent de sable. En ce moment le président de la Mauritanie participe au Forum sur la paix et la sécurité à Dakar.

J’ai admiré le courage des populations, malgré leurs souffrances et la pauvreté Et le courage des migrants arrêtés ou refoulés, sans espérance de solution.

J’ai apprécié surtout le travail des confrères et des soeurs à Nouadhibou, pas seulement pour aider les gens, maispour les former, pour qu’ils puissent s’en sortir par eux-mêmes.

Merci encore pour votre amitié et tout ce que vous avez fait pour faciliter mon voyage.

En union de prière et d'actions évangélisatrices

Malgré tout ce travail extraordinaire, ce n’est pas la reconnaissance qui suit mais la jalousie et la haine. Au moment d’envoyer ce document, voici la très triste nouvelle que je reçois :

L’Eglise Catholique de Nouadhibou saccagée et profanée.

La Mission Catholique et la communauté chrétienne de Nouadhibou sont en émoi, choquées et inquiètes après la profanation et l’acte de vandalisme dans l’Eglise Catholique de Nouadhibou.

En effet, le Mardi 18 février, vers 2 heures du matin, le gardien alerté par les aboiements persistants du chien, a quitté la grande porte d’entrée, pour voir ce qui se passait. Ainsi, il a vu la lumière allumée dans l’église, chose inhabituelle à cette heure. Il s’y rend pour vérifier et à sa grande surprise, il trouve l’église dans un désordre inqualifiable, et en face de lui deux mauritaniens, qui le prennent à partie. Après des cris insistants appelant au secours, il s’évanouit, gisant dans son sang, jusqu’à l’arrivée du Père Pachel, le responsable de la paroisse de Nouadhibou. Les deux lascars ont pris la fuite, laissant derrière eux, un lieu de prière saccagé et profané, les objets de culte souillés, brisés et à terre. Quel horreur !

Le père surpris et ébahi à la fois, décide de sauver la vie de son gardien. Il l’embarque à 2 heures 30 pour l’hôpital Espagnol, où le blessé est pris en charge pour des soins d’urgence, qui fort heureusement vont lui sauver la vie. Ensuite le père Pachel se rend à la police, pour déclarer les faits. Et depuis l’enquête suit son cours. Les deux assaillants courent toujours et ne sont pas encore identifiés.

C’est la consternation, la peur et l’inquiétude, qui gagnent la communauté chrétienne de Nouadhibou. Surtout que c’est la deuxième fois que la Mission Catholique Nouadhibou est visée. En Février 2018, c’est la petite et paisible église de Cansado, qui était visée. La Mission Catholique de Nouadhibou avait choisi le profil bas et le silence, pour ne pas inquiéter la colonie chrétienne de Nouadhibou. Mais cette fois-ci, trop c’est trop. Il est temps que les autorités régionales et nationales, prennent à bras le corps cette histoire, pour la sécurité des lieux de cultes, et surtout de nos frères et sœurs chrétiens vivant parmi-nous, dans la terre de tolérance et d’hospitalité de la République Islamique de Mauritanie.




Compte rendu de mon voyage en Côte d’Ivoire – Septembre 2020

 

Merci si vous avez eu le courage de lire ce document jusqu’au bout. Je ne vous ai pas parlé de la situation économique, sociale ou politique du pays, car je pense que vous êtes au courant de ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire par les media. J’ai préféré vous donner des nouvelles plus précises et plus concrètes de ce que l’on dit et vit sur le terrain, dans la réalité de chaque jour.

Je suis très heureux de revenir en Côte d’Ivoire. En effet, j’y ai déjà passé une année de Formation et de Recyclage en 1975, depuis le Congo, pour travailler à la Pastorale des Jeunes à l’ISCR, l’Institut de Culture Religieuse. Et me former aux problèmes de Développement avec les Jésuites à l’INADES (Institut Africain de Développement Economique et Social). Pendant les weekends j’allais en banlieue à Koumassi et les vacances dans les centres sociaux de l’Ouest, dans le diocèse de Man à Zouenoula et Trokpadrou. Je ne savais pas que 25 ans plus tard ‘allais me retrouver en Guinée, de l’autre côté de la frontière, dans les camps de réfugiés pendant la guerre du Libéria et Sierra Leone. Tous les ans au moment de mes congés, je suis revenu en Côte d’Ivoire pour travailler avec une Conseillère conjugale à la rédaction de mes livres d’éducation pour les jeunes et les couples. Et entre temps, j’étais souvent invité au centre Chappoulie de Yopougon pour des sessions en tant qu’aumônier national de la JEC et de la JOC. Je suis donc très heureux de retrouver la Côte d’Ivoire, même si c’est dans un climat de grande tension, juste avant les élections présidentielles qui présentent beaucoup de problèmes.

En effet, aux dernières élections présidentielles, en 2010, il y a eu une grande opposition entre Laurent GBAGBO et Alassane OUATTARA. Et une rébellion s’est mise en place à partir de Bouaké, là où je vais aller. Cela a entrainé beaucoup de casses, de vols, mais aussi de morts. On parle de 3000 morts au total. Les gens sont donc très inquiets pour ces nouvelles élections, d’autant plus que les choses ne sont pas claires. Le Président actuel a affirmé qu’il ne se représenterait pas, car il a été élu selon l’ancienne constitution pour deux mandats. Mais entre-temps, son dauphin qui devait prendre la suite est décédé brusquement il y a quelques mois. Prétextant de ne pas avoir le temps (ou de ne pas avoir préparé un autre successeur), le Président a décidé de se présenter à nouveau, affirmant qu’il en avait le droit puisque entre-temps une nouvelle Constitution a été votée sous sa direction en 2016. Donc selon lui, c’est un nouveau premier mandat et non pas un troisième mandat. (Le même problème se pose en Guinée, et certains commencent à en parler au Sénégal : la démocratie et le respect des libertés et des engagements ne sont jamais faciles !).Tous les partis d’opposition se sont opposés à cela. 46 candidats ont présenté un dossier pour ces élections présidentielles, seuls 4 ont été retenus et 2 grands leaders, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, ont été écartés à cause de différentes condamnations passées, bien qu’entretemps la Cour de Justice de l’Union Africaine ait demandé que Guillaume Soro soit libéré de sa peine, et que Laurent Gbagbo soit inscrit à nouveau sur la liste des candidats aux présidentielles.

Devant la volonté du président Ouattara de se présenter pour un troisième mandat, les différents partis d’opposition se sont mis ensemble, en réclamant une nouvelle commission électorale nationale indépendante, jugeant que celle-ci était nommée par le président actuel avec des membres de son camp. Ils demandent de revoir également la Cour Constitutionnelle pour les mêmes raisons, et ils ont décidé un mouvement de désobéissance civile, ce qui fait que tout le monde est très inquiet, en ayant peur de nouvelles contestations, de grande violence et donc de nombreux blessés et même des morts. L’archevêque Cardinal d’Abidjan, Monseigneur KUTWA, de son côté, a affirmé publiquement que cette troisième candidature du président Ouattara n’était pas nécessaire, ce qui a bien sûr entraîné des remous et beaucoup de problèmes des deux côtés. Les élections devaient avoir lieu à la fin du mois d’octobre et de nombreuses personnes se sont levées, d’abord pour garder la paix, mais aussi retarder les élections pour avoir le temps de faire une réconciliation, ce que le président et son parti refusent absolument. Nous parlons bien sûr de tout cela dès notre rencontre avec les personnes avec qui nous mangeons dès notre arrivée, car c’est vraiment un grand souci de la part de tout le monde, et bien sûr chacun a ses opinions sur cette question, même si les discussions se font sans violence et sans agressivité. (Finalement le président Ouattara a été déclaré élu, mais jusqu’à ce jour les tensions sont vives).

Dès le lendemain matin, nous prenons la route pour Bouaké à 450 kms au nord d’Abidjan, rejoindre la famille de Guy car pour nous il est très important de connaître les parents de nos confrères. Et aussi, dans ce cas précis, leur préciser et leur expliquer à nouveau quel est le sens de notre vocation missionnaire, pour qu’ils la comprennent le mieux possible et qu’ils l’acceptent si possible. Nous voyageons en car. Les voyageurs sont très nombreux car c’est la rentrée des classes et donc les cars ne suffisent pas. Nous partons après deux heures d’attente. Le car est climatisé et nous voyageons dans de bonnes conditions mais nous n’arrivons que le soir. Nous allons directement dans la famille de Guy qui nous attend avec impatience. L’accueil est très amical. Comme on le fait traditionnellement en Côte d’Ivoire, on nous donne d’abord un verre d’eau pour nous accueillir. Ensuite nous répondons à leurs premières questions « on se donne les nouvelles, et nous prenons le repas ensemble. Après cela, Guy me conduit à la Cathédrale où je vais loger. L’évêque est malade et absent, mais là aussi je reçois un accueil très sympathique de la part du Vicaire Général. Je suis également très bien accueilli par les autres confrères, et tout de suite je me sens à l’aise. Je me présente et nous parlons déjà rapidement de nos engagements réciproques. Je continuerai les jours suivants en particulier avec le Vicaire Général au sujet de la vie de l’Eglise en Côte d’Ivoire et au Sénégal, et avec le responsable diocésain de la Caritas (Secours Catholique) car nous avons des soucis et des points communs.

Samedi 19 septembre 2020 :

Aujourd’hui, après ces deux jours de voyage fatigants, nous restons au calme. La connexion Wi Fi à la Cathédrale est très faible. Pourtant beaucoup de messages m’attendent et je voudrais envoyer mes commentaires de l’Evangile de chaque jour, de même qu’un certain nombre de documents. Un ami de Guy, avec qui il a fait précédemment ses études, me prête très gentiment sa tablette et nous achetons ce qu’il faut pour la connexion à internet, ce qui me permet de travailler tranquillement en toute sécurité. Le repas de midi me permet de prendre contact avec toute l’équipe de la Cathédrale et je peux travailler le temps qu’il faut à l’ordinateur. Et quand arrive le soir, Guy vient me prendre pour un nouveau repas sympathique en famille.

Dimanche 20 septembre :

Nous participons à la grand’messe à la Cathédrale. Une belle cérémonie mais un peu trop solenelle à mon goût. Ainsi, seuls des solistes chantent au micro et il n’y a donc pas de participation véritable de l’assemblée. Je trouve cela très dommage. Les eucharisties ont repris en Côte d’Ivoire avec un nombre limité. Les fidèles gardent la distanciation physique entre eux et ne s’assoient que un banc sur deux.

Nous mangeons dans la famille de Guy. Après le repas, nous rencontrons d’abord les membres d’une nouvelle Fraternité du Saint Esprit qui se met en place, lancée par un membre qui vient d’être nommé à Bouaké depuis Abidjan. Nous voyons avec eux comment construire leur Fraternité sur des bases solides, en leur proposant quelques conseils et des orientations. Nous leur demandons de prendre un contact pour nous avec leur aumônier pour pouvoir nous présenter et parler avec lui. Nous demanderons aussi aux responsables d’Abidjan de venir les visiter, et d’organiser une séance de formation.

Ensuite c’est le moment le plus important de la journée : la rencontre avec les parents de Guy. Les anciens se sont déplacés et nous nous retrouvons tous ensemble. C’est l’un des buts principaux de notre visite pour expliquer notre vocation religieuse et missionnaire au service des plus pauvres, et donc que Guy ne servira pas en Côte d’Ivoire. Il sera envoyé dans une communauté internationale auprès de personnes nécessiteuses dans un autre pays. Après un temps d’écoute et les explications nécessaires, les anciens, responsables de la famille, nous donnent leur accord et nous assurent de leur soutien. Puis dans un deuxième temps, nous posons les premières bases pour la cérémonie d’ordination qui aura lieu en juillet l’année prochaine, en abordant les différents aspects financiers : accueil, transports, nourriture, etc. pour que tout se passe le mieux possible mais aussi dans la simplicité, conformément à notre vocation. Nous terminons par un très beau témoignage du père et de la mère de Guy, qui l’encouragent dans sa vocation et nous prions tous ensemble. Nous continuons ensemble la soirée dans la détente pour faire connaissance avec les différents membres de sa famille, en particulier ses frères et sœurs.

A mon retour à la Cathédrale, nouveau problème avec la connexion internet. Guy se déplace et vient me dépanner. Je peux alors lire mes messages et envoyer mes documents. En plus il me montre comment relancer l’ordinateur après les coupures de courant, ce qui me servira de nombreuses fois par la suite. Le soir, je regarde à la télévision, le grand meeting organisé par le Premier Ministre à Yopougon un des lieux forts de l’opposition. Cela repasse plusieurs fois à la télévision. Heureusement il n’y a pas de violence car les choses sont bien organisées. Par contre les meetings de l’opposition ne passent pas à la télévision. En effet pour le moment, il n’y a que trois chaînes de télévision en Côte d’Ivoire et ce sont toutes les trois des chaînes gouvernementales. Mais en fait, ils ne peuvent pas empêcher l’information de passer sur les raisons sociaux, internet, WhatsApp etc… si bien que les gens sont malgré tout au courant de tout ce qui se passe de tous les côtés.

Lundi 21 septembre

Le matin, nous rencontrons longuement un étudiant qui voudrait devenir spiritain, pour bien lui expliquer quelle est notre vocation et notre façon de travailler. Il nous pose beaucoup de questions mais nous lui disons qu’il nous faut d’abord prendre le temps de nous connaître. C’est pour cela que nous lui demandons de continuer sa formation en gestion à l’Université. Cette formation pourra beaucoup lui servir s’il devient spiritain pour la mise en place de projets de développement pour aider les populations. Nous lui expliquons que de toute façon nous ne pouvons pas l’accueillir dans nos maisons de formation pour le moment, car il est nécessaire que nous ayons d’abord une communauté spiritaine en Côte d’Ivoire pour suivre les différents candidats. En attendant, nous lui demandons de prendre contact avec la Fraternité du Saint Esprit de Bouaké pour qu’il commence à y participer, de prendre des engagements à l’université et dans son quartier, et de continuer à être en contact avec nous par WhatsApp, FaceBook, et mails sur internet pour mieux nous connaître. Ensuite, le Vicaire général me demande de présider l’Eucharistie à midi, ce que je fais avec joie. L’après-midi, je prends un moment pour travailler à l’ordinateur avant de passer la soirée avec la famille de Guy.

Mardi 22 septembre :

Mon confrère a prévu une visite à la basilique de Yamoussoukro. Un frère s’est libéré pour nous y conduire. Cette basilique a été construite sur ses fonds personnels par l’ancien président Houphouët Boigny, ce qui a posé un certain nombre de questions, en particulier d’où venait cet argent car la construction a coûté évidemment très cher. Bien sûr, le président avait de grands champs dans lesquels travaillaient les émigrés venus de la Haute Volta, le Burkina Faso actuel, et qui l’ont beaucoup enrichi. La basilique est construite à l’image de la basilique Saint Pierre de Rome, en face de la Présidence dans la ville d’origine du président. Elle est même plus grande que la basilique de Rome. Les chrétiens sont très fiers de cette grande église, mais personnellement je ne peux pas m’empêcher d’être mal à l’aise devant ce bâtiment énorme avec même des ascenseurs pour monter aux chapelles qui sont installées sur des colonnes en hauteur. Cela coûte évidemment très cher pour son entretien. On a même fait venir du marbre d’Italie et il y a également des ascenseurs pour la visiter. Je me demande surtout où est l’inculturation de l’Evangile dans cette basilique construite sur le modèle de Rome au Moyen Age, avec juste à côté une résidence papale absolument vide qui attend un voyage problématique du pape ou de l’un de ses successeurs, mais que pour le moment il faut entretenir à grands frais. Pour équilibrer cela, le pape Jean Paul 2 a demandé pour qu’il y ait au moins un hôpital à côté, pour donner une dimension sociale à cet espace. Passant devant, je n’y vois pas beaucoup d’activité. En tout cas, cela ne correspond pas à « l’Eglise, hôpital de campagne » demandé par le pape François, c’est-à-dire présente et agissante, là où les gens souffrent, dans la mesure où l’hôpital de Yamoussoukro est construit dans un périmètre réservé, à l’écart sur un terrain de l’Eglise. Nous sommes très loin d’une Eglise pauvre pour les pauvres, demandée par le pape François.

Pour donner une dimension sociale à cet espace, le pape Jean Paul 2 a demandé qu’on y construire un hôpital. Mais en passant devant, je n’y vois pas beaucoup d’activités. En tout cas, cela ne correspond pas à « l’hôpital de campagne » demandé par le pape François, c’est-à-dire présent et agissant là où les gens souffrent dans la mesure où cet hôpital est dans un périmètre réservé à l’écart, sur un terrain de l’Eglise. Nous sommes très loin de l’église pauvre pour les pauvres demandée par le pape François.

Au retour, nous amenons avec nous la sœur de Guy qui est choriste et qui vient à l’avance pour chanter à l’ordination de l’évêque l’auxiliaire de Bouaké qui va être consacré le dimanche 3 octobre. Déjà, en permanence les chorales font des répétitions de chants et se préparent à ce qui sera une grande fête.

Mercredi 23 :

Contacts et visites malgré quelques retards et rendez-vous supprimés au dernier moment. Nous allons voir en particulier les frères de Saint Viateur à leur collège. J’y suis intervenu plusieurs fois dans les années 1980 pour des interventions avec Simone Sarrazin auprès des élèves en éducation sexuelle. Simone est une éducatrice et conseillère conjugale avec qui nous avons écrit de nombreux livres d’éducation pour les jeunes. Elle était à Bouaké. Son mari était venu travailler comme technicien de la culture du coton. Nous nous étions connus et avions commencé à travailler ensemble au Congo dans les années 1969-75. J’y rencontre un frère assez âgé puisque nous avons travaillé ensemble en 1982. Et c’est un de ces frères qui nous a conduit jusqu’à Yamoussoukro avec beaucoup de gentillesse. Je suis très heureux d’avoir fait sa connaissance.

Ensuite nous allons voir l’aumônier de l’hôpital CHU. Une nouvelle occasion de partager notre activité commune. C’est également lui qui suit la Fraternité de Bouaké et nous voyons ensemble comment soutenir cette Fraternité naissante.

A midi nous mangeons avec la famille. Ils ont invité les prêtres de la Cathédrale : une nouvelle occasion de partager des tas de choses. Le soir, ce sont déjà les adieux car nous partons demain matin de bonne heure pour Abidjan, où nous passerons également une semaine. Nous sommes tristes de nous séparer mais surtout très heureux de nous être connus. On me donne en souvenir deux photos prises au cours de la rencontre familiale du dimanche, de même que deux belles chemises ivoiriennes que je vais porter avec joie en souvenir.

Jeudi 24 :

Un frère vient nous conduire à la Gare routière. Il y a énormément de monde, car c’est toujours la rentrée scolaire et du redémarrage de nombreuses activités. Heureusement que les choses sont bien organisées. Chacun a son ticket et les entrées se font progressivement par ordre d’inscription. On paye une assurance de 30 centimes pour chacune de nos valises à qui nous donnons une valeur, pour être remboursé en cas de perte. Le car est plein à bloc. Heureusement la vidéo est en panne, ce qui me permet de lire tranquillement et de travailler à ce compte rendu. En effet au voyage aller, des cassettes vidéo étaient branchées très fort, et il était très difficile de se concentrer, et même de se parler. Mais au bout d’un moment, je laisse le livre que j’ai amené avec moi et je m’endors parce que je suis très fatigué par ces nombreuses visites amicales, très agréables mais qui demandent aussi beaucoup d’attention pour répondre aux attentes et aux demandes.

Nouvelles explications politiques : Nous arrivons dans un pays qui est en pleine tension politique. Comme dans plusieurs autres pays de l’Afrique de l’Ouest, d’après l’ancienne Constitution, le Président n’a le droit de faire que deux mandats de six ans, puis laisser la place à quelqu’un d’autre. Mais plusieurs présidents, comme ici en Côte d’Ivoire et également en Guinée Conakry, plusieurs ont fait voter une nouvelle constitution. Ils disent que s’ils se présentent c’est pour une nouvelle investiture et un nouveau mandat, et donc que les deux présidentielles précédentes n’entrent pas en ligne de compte. Les opposants disent qu’il s’agit là d’un troisième mandat et donc que les anciens présidents n’ont pas le droit de se représenter. Ainsi en Côte d’Ivoire, cela entraîne une crise importante. Il n’y a pas de renouvellement de la classe politique. Les mêmes problèmes se posent dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest par exemple au Sénégal. Sauf au Niger ou en Guinée Bissau où les président ont promis de ne pas se représenter. Il y a de grands risques de tension et même de violences et de mort. En face de cela, le président s’appuie sur ces réalisations. C’est vrai que de bonnes choses ont été faites pendant son mandat : constructions de routes, développement d’entreprises, etc. Un seul exemple, il cherche à développer les productions nationales en les transformant sur place, pour qu’elles aient davantage de valeur, au lieu d’exporter des produits bruts ou des matières premières à des prix très bas, ce qui ne permet pas au pays de vivre. L’année dernière la Côte d’Ivoire s’était unie avec le Ghana pour arrêter leur vente de cacao de manière à obtenir un prix de vente plus juste. Maintenant il a un projet pour transformer le cacao sur place

Vendredi 25 :

Je passe une journée très agréable chez les frères marianistes. Je les ai bien connus au Congo dans les années 1960 et je suis bien content de retrouver l’un de leur frère encore vivant, ici en Côte d’Ivoire. En effet, nous avons vécu des moments très durs au moment de la révolution dans la république populaire marxiste du Congo. Où plusieurs de nos confrères étaient arrêtés et torturés, et où le cardinal Emile Biayenda a été assassiné. Nous ne manquons pas de nous rappeler ces évènements qui nous ont beaucoup marqués. Ici, je suis très bien accueilli et je me sens à l’aise. Ils sont responsables du Sanctuaire Marial National. A 11 h, je vais assister à la messe, pour participer à la vie de l’Eglise locale et m’intégrer à la prière avec l’assemblée. La liturgie est ici très solennelle, un peu figée à mon goût, à la manière des groupes charismatiques très émotionnels. Ici aussi, les fidèles ne chantent pratiquement pas, se contentant de battre des mains pour participer aux chants. Mais on sent un véritable esprit de prière.

Le soir, avec toute la communauté, nous sommes invités chez une responsable de la Fraternité marianiste. Je passe une soirée très sympathique, car nous avons le temps d’échanger de nombreuses nouvelles sur nos deux pays : le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Nous n’avons pas de Communauté spiritaine en Côte d’Ivoire, mais un certain nombre de nos confrères viennent y faire des études ou recevoir une formation. En ce moment un confrère du Gabon prépare un doctorat en philosophie pour ensuite enseigner dans nos maisons de formation. Il vient me visiter l’après-midi. Nous ne nous connaissons pas, car nous ne sommes pas de la même Province (moi de l’Afrique du Nord-Ouest et lui de la Province d’Afrique Centrale). C’est souvent le cas quand nous ne sommes pas du même âge, ou quand nous ne travaillons pas dans le même pays. Nous sommes heureux de nous connaître. Nous avons le temps de parler de beaucoup de choses, en particulier de la formation des étudiants, de la situation de nos différents pays, ainsi que des activités que nous y menons.

Depuis hier soir, mon ordinateur était à nouveau bloqué. Et si je me débrouille pour saisir et envoyer des documents, je ne suis pas un technicien. Par chance un ami qui accompagne mon confrère s’y connait, il règle le problème. Le soir en rentrant, je peux lire et répondre normalement aux nombreux messages qui me sont adressés, et envoyer également mes documents.

Samedi 26 :

La communauté d’accueil me demande de présider la messe au Sanctuaire marial. Je ne suis pas habitué à la manière de faire du pays, et je ne suis pas très à l’aise. La célébration est très fervente mais là encore je la trouve un peu figée et pas suffisamment familiale. Et pour moi c’est important d’être à l’aise «dans la maison de mon Père » pour prier dans la paix et la confiance. Une autre chose me gêne, c’est qu’il y a beaucoup de paroles, surtout par le prêtre. Et j’ai parfois l’impression qu’il prie à la place des fidèles. En tout cas, les temps de silence et de prière personnelle me manquent. Il est vrai que nous sommes dans un sanctuaire national et qui se croit sans doute obligé de tenir un certain standing. Mais les fidèles sont très sympathiques et viennent me saluer à la sortie. Mais là aussi, avec de grands signes de respect auxquels je ne suis pas habitué. C’est vrai qu’ils ne me connaissent pas, mais comme le dit très souvent notre pape François « Attention au cléricalisme » et aussi « Allons aux périphéries ».

A midi, je mange avec une enseignante invitée dans la communauté, ce qui me permet de parler avec elle de l’éducation et des problèmes scolaires du pays. Nous parlons aussi du travail dans les prisons, et également de la position des différentes Eglises du pays, face au coronavirus. Ils sont très étonnés d’apprendre que jusqu’à maintenant, au Sénégal, il n’y a toujours pas de messe en paroisses, ni de célébrations communautaires des sacrements, depuis le mois de mars. C’est vrai que nos évêques ont voulu marquer leur engagement par rapport à la santé. C’est important de prendre des précautions, d’autant plus que du côté des confréries musulmanes, ils ont ouvert les mosquées et organisent des grandes manifestations religieuses au cours desquelles il n’est pas possible de garder la distanciation physique, ni les autres gestes barrières demandés, même si l’on porte des masques, ce qui souvent n’est pas le cas. Mais pour les chrétiens, on peut se poser la question de la reprise des messes dans les paroisses dans la mesure où tout au long de la semaine, ils se trouvent en contact avec d’autres personnes et avec la maladie qui est présente dans le pays. En effet, le gouvernement a assoupli les mesures qui étaient prises. On peut aller maintenant librement dans les marchés et dans les rues, le port du masque étant obligatoire seulement dans les magasins et autres espaces fermés. De même on ne limite plus le nombre de places dans les taxis, les bus et les cars qui sont très souvent surchargés. Surtout la confrérie musulmane mouride organise un grand rassemblement pour fêter le souvenir du départ de leur fondateur en exil au Gabon au temps de la colonisation. Ils ont refusé de limiter cette cérémonie et que les gens prient en privé. Ce qui veut dire que plusieurs millions de personnes vont se déplacer non seulement à l’intérieur du pays mais venant de nombreux autres pays étrangers, alors que normalement les frontières sont fermées et que l’accès leur en est interdit. De très nombreuses demandes ont été faites pour qu’ils suppriment cette manifestation, mais ils tiennent à tout prix à la faire, car c’est une occasion de récupérer de nombreuses aumônes et beaucoup d’argent. Nous sommes donc très inquiets que cette manifestation, de même que d’autres grands rassemblements qui vont suivre dans les autres confréries musulmanes du pays, entraînent un redémarrage de la covid 19, même si jusqu’à maintenant on a réussi à limiter l’expansion de cette maladie. Pour les chrétiens, nous avons peur qu’à la suite de cet arrêt des prières communautaires, ils prennent l’habitude de se contenter de regarder la messe à la télévision et de ne plus se retrouver en communauté chrétienne, ni d’agir dans les quartiers, les mouvements de jeunesse et d’adultes, les CEB (communautés de base) qui depuis plusieurs mois ne se réunissent plus. Et pour les chrétiens qui habitent dans les villages, la situation est encore plus difficile, car ils ne peuvent pas regarder les messes et autres prières à la télévision, puisqu’ils n’ont même pas l’électricité dans leur village.

Dimanche 27 :

Le dimanche 27 nous tenons une réunion avec les délégués des différentes Fraternités d’Abidjan, dans la salle de réunion mise à notre disposition par le responsable du sanctuaire. Nous écoutons les différents rapports d’activités des trois diocèses d’Abidjan, Grand Bassam et Yopougon. Nous avons ensuite partagé avec eux comment nous engager dans la société, en famille et en fraternité : dans notre vie personnelle, dans le quartier, le travail, nos loisirs et nos différentes relations. Il nous semble en effet important que les fraternités ne se limitent pas à un groupe de prières mais conduisent à un engagement dans la vie de chaque jour.

Après cela, avec Guy, nous leur avons donné quelques orientations, répondu à leurs questions et proposé quelques lignes d’actions Nous avons été vraiment très étonnés et dans l’admiration devant le nombre et la vitalité de ces Fraternités. Elles sont une quinzaine de Fraternités dans chacun des trois diocèses d’Abidjan, Grand Bassam et Yopougon. Et des fraternités sont en démarrage dans d’autres diocèses. Nous les avons encouragé et demandé aux responsables d’aller les visiter, de voir comment assurer leur formation et faire reconnaître les Fraternités nouvelles. Nous leur avons proposé de rédiger un document qu’ils puissent présenter aux autorités, avec une programmation, la présentation des Fraternités et les actions menées.

L’après-midi nous avons trois visites importantes, raisons de ma venue en Côte d’Ivoire. D’abord nous allons rencontrer les parents de Guy qui vivent à Abidjan pour les connaître et les remercier, comme nous l’avons fait à Bouaké. Nous leur expliquons à eux aussi en quoi consistent nos différents engagements et ce qui attend Guy dans le futur. Ils sont très heureux d’avoir ces éclaircissements et notre rencontre est très décontractée et très sympathique. Nous sommes aussi contents de nous connaître les uns les autres, en espérant pouvoir nous revoir l’année prochaine.

Puis nous allons rencontrer la famille d’un deuxième de nos étudiants qui vient de partir au Cameroun, pour préparer son engagement missionnaire dans la congrégation. Je peux donner des nouvelles précises à la famille puisque l’année dernière il était en formation avec moi à l’hôpital, jusqu’au moment où le coronavirus a interrompu nos activités. De mon côté, je suis très content de connaître sa famille. Nous leur expliquons à eux aussi nos orientations et nos engagements, qu’ils comprennent et soutiennent totalement, heureux de la vocation missionnaire de leur fils.

Nous devions ensuite rencontrer la famille d’un troisième candidat spiritain ivoirien qui suit une formation en France et qui y a commencé une préparation à l’engagement dans notre congrégation. Malheureusement il y a un mariage dans la famille et ce n’est pas possible de nous voir car ils sont pris par cet évènement. Au moins ils sont assurés de savoir que leur fils n’est pas abandonné.

Au retour, les confrères de la communauté qui m’accueille sont sortis et la clé que l’on m »’a donnée ne fonctionne pas. De même, depuis plusieurs jours, l’ampoule est grillée et je n’ai plus de lumière dans ma chambre. Cela n’est pas un problème. J’attends patiemment à la porte jusqu’à ce que l’un d’entre eux arrive : une occasion de prendre mon temps et de rester tranquille un bon moment… ce que je ne prends pas toujours le temps de faire.

Lundi 28 :

Le matin je rencontre un autre jeune qui lui aussi souhaite devenir religieux missionnaire spiritain. Nous sommes en relation sur Facebook et internet depuis quatre ans. Nous sommes heureux de nous rencontrer physiquement, pour mieux nous connaître et parler de vive voix. Il prépare une licence en sciences juridiques et est engagé activement à l’université. Il travaille aussi dans un groupe de soutien aux enfants et autres personnes vivant dans la rue. Cet engagement est très important pour nous, pour ses engagements futurs. Il est originaire d’une famille d’une autre religion, et il est devenu catholique quand il était étudiant au collège. Il lui faudra donc parler calmement et dans la réflexion avec ses parents de son désir d’être catholique et surtout prêtre missionnaire, pour qu’ils l’acceptent. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup de nos jeunes qui doivent s’engager contre l’avis et sans l’autorisation de leurs familles, quand les parents ne sont pas d’accord.

Ensuite une très forte pluie nous tombe dessus. Il nous faut donc attendre. Et après beaucoup de difficultés sur la route, nous arrivons au Centre de prière marianiste, à 17 km d’Abidjan. Je vais rencontrer un confrère belge. Nous avons été étudiants ensemble à Fribourg en Suisse en théologie, en 1960, et nous nous sommes retrouvés ensuite au Congo dans les années 1965 à 75. Nous nous n’étions jamais revus depuis. Bien sûr nous ne nous reconnaissons pas car nous avons bien changé ! Mais j’ai été très heureux de savoir qu’il était encore vivant et présent à Abidjan et je lui rends donc visite. Nous nous disons l’un à l’autre ce que nous sommes devenus. Et sur place je rencontre un autre prêtre qui a travaillé également plusieurs années au Congo. Une belle rencontre très agréable !

Le retour en ville est très difficile. On répare et améliore l’état de plusieurs routes et on commence à construire un 4ème pont pour franchir la lagune à Abidjan. Cela demande de très gros travaux et entraîne de très nombreux bouchons. Arrivé en banlieue, Guy me met dans un taxi pour que je puisse continuer ma route jusqu’en ville, pendant qu’il va chercher à obtenir les résultats de nos tests sur la covid 19, en espérant qu’ils sont négatifs. Je passe à nouveau une soirée très agréable dans la communauté marianiste.

Mardi 29 :

C’est le dernier jour de notre séjour en Côte d’Ivoire. Nous l’avons réservé pour un pèlerinage au lieu où les premiers missionnaires du père Libermann, donc nos anciens grands frères de la congrégation, sont venus dans le but de relancer l’évangélisation de la Côte d’Ivoire, qui avait été déjà commencée puis arrêtée à cause des maladies et des morts, par les capucins au 17ème siècle et les dominicains au 18ème siècle. Nos confrères venus en 1842, après un court séjour au Libéria au Cap des palmes, sont tombés rapidement malades, un d’entre eux est enterré à Assainie, les autres au Cap des palmes, les autres décédés en mer, pendant leur venue, ou leur retour vers l’Europe après avoir travaillé aussi dans un 2ème poste à Grand Bassam. Les deux survivants, le père Bessieux et le frère Grégoire s’étant alors embarqués pour le Gabon où ils ont pu commencer leur action d’évangélisation et de développement dans de meilleures conditions. Suite à ces maladies et ces nombreux décès, la présence des spiritains en Côte d’Ivoire ne pourra pas continuer. Il faudra attendre l’arrivée des premiers missionnaires de la Société des Missions Africaines le siècle suivant pour qu’ils puissent s’établir et rester présents pour leurs activités. Pour ce pèlerinage, nous sommes accompagnés par une délégation (deux voitures pleines : un aumônier et les responsables diocésains des Fraternités du Saint Esprit). A l’arrivée nous sommes très émus en voyant que l’évêque de Grand Bassam a fait placer une stèle en souvenir de nos premiers missionnaires.

A Assinie, nous n’avons pas retrouvé la tombe du spiritain qui y est enterré puisque la bande de terre entre la Lagune et la mer sur lequel ils s’étaient établis a été emportée par la mer. De toute façon cela remonte à trop longtemps. Puis nous sommes partis sur le terrain du centre futur de prière et de formation des Fraternités. Des briques sont déjà prêtes pour la construction. Ils veulent avancer progressivement. Ensuite, ils voudraient construire des salles de réunions. C’est donc un très grand projet pour lequel ils ont déjà des plans. Nous conseillons de planter tout de suite des arbres fruitiers qui pourraient servir à financer le fonctionnement du centre et à la nourriture des pèlerins. Et lorsque ce sera commencé, d’avoir aussi des jardins et également une ferme. Tout de suite, ils ont dit qu’ils pourraient donner une place aux spiritains pour qu’ils puissent y établir, à leur choix, soit une communauté soit un centre de repos. Les choses sont donc bien avancées. Ils veulent construire une maison avant le mois de Décembre pour que, comme le maire qui a donné le terrain le demande, « il puisse la voir avant de mourir ». Déjà depuis plusieurs années, ils viennent sur le site (ils ont reçu ce terrain en 2006) : ils logent, avec la permission du maire avec qui ils entretiennent de bonnes relations, dans l’école du village. Mais pour les formations, ils les font sur le terrain même. Nous retournons le plus rapidement possible à Abidjan à cause des nombreux bouchons, pour récupérer les résultats de nos tests, et pouvoir prendre l’avion le lendemain matin. Du coup nous ne pouvons pas manger ensemble comme nous l’avions prévu, mais cela n’était pas un problème, ni notre priorité.

Le test de Guy est prêt, mais on ne retrouve pas le mien, alors que nous les avons faits ensemble. Nous retournons donc la nuit au service d’hygiène, où là, en donnant « quelque chose », on retrouve le document, qu’il faut encore imprimer et aller faire signer auprès d’un responsable. Cela ne nous empêchera pas d’avoir les mêmes problèmes que pour le voyage aller pour les formalités dont je vous ai parlé dans un autre document que je peux vous envoyer également. Je vous redis toute mon amitié. Je continue à bien penser à vous et à être de tout cœur avec vous. A très bientôt.




Mission dans une mine d'or

Extrait de mon journal. Mercredi 22 janvier :

Je prépare mon voyage pour Kedougou, à l’est du pays, et mon séjour dans une mine d’or artisanale où les problèmes sont énormes. La Mission se trouve dans une région montagneuse et très pauvre, avec de nombreuses petites ethnies marginalisées que nous cherchons à soutenir. On a découvert de l’or, ce qui a causé la venue de nombreuses personnes des pays environnants (Mali, Guinée, jusqu’au Burkina Fasso). Les problèmes sont énormes. De nombreux morts suite aux éboulements dans les puits creusés à la main et qui ne sont pas étayés. Nombreux vols et même assassinats pour récupérer l’or, prostitution, violences, drogues, etc… Les élèves quittent l’école pour aller à la recherche de l’or, les femmes remontent les pierres aurifères pendant que les hommes creusent au fond des puits. Les mineurs sont exploités par les chefs traditionnels et les fonctionnaires qui ont les moyens financiers de leur procurer le petit matériel nécessaire (seaux, cordes, marteaux…) , beaucoup sont malades ou empoisonnés par le mercure utilisé pour laver les pierres et retirer l’or, en particulier les bébés. Je vais rencontrer l’équipe qui est sur place pour voir ce qu’il est possible de faire.

Jeudi 23 janvier :

La route est longue, marquée par plusieurs arrêts : par la police, repas, crevaison…. Partis à 5 heures du matin, nous arrivons la nuit. Heureux de rencontrer les amis et de retrouver les personnes avec qui j’avais travaillé il y a un an et demi, lors du camp des vocations.

Vendredi 24 janvier :

Sans tarder, nous partons ce matin à la Mine du village de BANTAKO. Nous avons prévenu la veille de notre venue. Le téléphone portable est vraiment une belle invention ! Mais ça ne suffit pas. Le Chef de Village est parti pour une autre affaire dans un autre village. Son adjoint aussi est absent. Heureusement mon confrère qui est sur place connaît les gens. Nous retrouvons une première personne. Avec elle, nous faisons le tour, et avec quelques personnes au courant des réalités nous établissons une proposition de programme pour la semaine.

Le soir, messe avec les élèves et les enfants du catéchisme. Au repas, nous avons un long temps de partage avec les personnes venues nous visiter : deux prêtres de deux paroisses du diocèse, des membres d’une ONG, un prêtre suisse qui a travaillé autrefois dans la paroisse et qui continue à nous soutenir, le responsable laïc de l’internat et du Foyer des élèves, et l’enseignante du Jardin d’enfants de BANTAKO.

Samedi 25 janvier :

Nous repartons à BANTAKO pour deux premières rencontres. D’abord avec les femmes. Avec chaque groupe, nous commençons par les écouter, pour qu’elles nous expliquent leur vie et leurs problèmes. A partir de là, nous leur demandons ce qu’elles peuvent faire par elles-mêmes. Puis nous voyons dans quelle mesure nous pouvons les appuyer. La réunion se fait en français avec traduction en malinké la langue de la région. Les femmes proposent de faire un jardin communautaire, ensemble chrétiennes et musulmanes. Elles demandent également plusieurs formations en couture, fabrique de savon local, transformation de produits. A partir de là nous insistons pour que les femmes prennent davantage de responsabilités. Puis nous consacrons un long temps au fonctionnement du jardin d’enfants qui vient de démarrer. Elles s’expriment sur la formation et l’éducation à donner. Normalement, les enfants doivent y rester jusqu’au soir pour que les femmes soient libres toute la journée pour travailler aux mines. Mais les mamans n’ont pas encore cotisé pour la nourriture des enfants à midi, ils viendront donc seulement le matin. D’ailleurs pour des enfants de 3 à 5 ans, qui n’ont jamais été à l’école, il faut aller progressivement.

Ensuite, nous tenons une rencontre avec les Burkinabés, travailleurs venus du BURKINA FASO et qui ont une longue expérience des mines. Ils sont plus d’une centaine à la réunion où nous suivons la même démarche. La réunion se déroule en mbisa et en moré. Pour eux, leur problème c’est d’abord les relations avec les policiers et les douaniers. Souvent, ils n’ont pas les papiers nécessaires et ils se font taxer et exploiter. Ils se font aussi exploiter pour avoir un logement. On les taxe aussi pour leur matériel, en particulier pour les concasseuses. Comme pour les femmes, ils ont des problèmes de santé, car le dispensaire manque de médicaments et n’est pas opérationnel. Ils demandent, eux aussi, des formations, spécialement en conduite auto, en menuiserie et mécanique. Nous insistons sur la nécessité d’être en règle pour faire respecter leurs droits. Et l’importance d’être organisés pour être écoutés. Et aussi pour qu’ils déclarent leurs enfants à la naissance pour être reconnus et avoir ensuite une carte d’identité. Ils demandent des cours d’alphabétisation pour apprendre le français. Tout cela leur demandera de s’organiser dans leur travail.

Nous insistons aussi pour qu’ils participent davantage aux activités du village. Ils ont déjà une Caisse communautaire à laquelle tous cotisent, musulmans comme chrétiens, pour s’aider en particulier en cas de maladies et pour les enterrements. Un ancien nous dit : « Cela fait 10 ans que je travaille dans cette mine. C’est la première fois qu’on nous demande nos idées » !

Le Gouverneur de la Région est chrétien. Il est nommé ailleurs. Le soir, nous avons une messe d’adieu avec lui.

Dimanche 26 janvier :

A la messe paroissiale nous terminons la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Nous commençons aussi la neuvaine en l’honneur de notre fondateur, François LIBERMANN, un Juif converti, fils de Rabin. Mais c’est surtout le premier dimanche de la Parole de Dieu. Nous le marquons par une procession d’Evangile. A la fin de la messe, j’explique ce qu’est une Commission Justice et Paix. Ensuite, je tiens une réunion avec les volontaires pour mettre en place une équipe de travail. Ils sont très intéressés et demandent une réunion mardi soir avant mon départ, pour lancer les activités. Ce que j’accepte avec joie.

C’est dimanche. Nous prenons un temps pour nous retrouver en communauté. L’après-midi, nous retournons au village de BANTAKO. Cette fois-ci pour la Communauté chrétienne. Cette communauté est très importante, car elle regroupe des gens des différentes activités et nationalités. Elle est un facteur important d’unité, car nous cherchons à ce qu’elle reste ouverte aux autres et travaille avec tous, sans se replier sur ses propres problèmes, même s’ils sont énormes. Après la messe, comme au Centre, nous prenons un temps pour expliquer le rôle d’une Commission Justice et Paix. Nous terminons en mettant en place un Bureau provisoire pour commencer les activités.

Lundi 27 janvier :

Le lundi et le vendredi les gens ne descendent pas dans les puits. Ces jours-là, se fait le partage des pierres remontées les jours précédents, car ils sont plusieurs à travailler dans le même puits et les plus forts peuvent travailler dans plusieurs mines. C’est un peu un tirage au sort. Celui qui a de la chance aura une pierre qui contient de l’or et il est très heureux, mais la plupart n’auront rien. Ensuite, chacun va avec ses pierres auprès des propriétaires de concasseurs et leur laisse une certaine quantité de pierres, comme paiement. Ensuite, il faudra extraire l’or des pierres écrasées ou de la terre récupérée par les femmes. Pour cela on utilise le mercure qui fait briller l’or et permet de le récupérer. Mais c’est un produit très dangereux pour la santé.

A BANTAKO, c’est une mine artisanale : les gens creusent un puits et descendent à la recherche de cailloux aurifères. Il y a aussi des mines industrielles dépendant d’industries internationales payant leurs redevances au Gouvernement. Une organisation I T I E a été mise en place où les Sociétés déclarent ce qu’elles versent à l’Etat, et l’Etat, de son côté, déclare ce qu’il a reçu. Mais il y a de nombreuses accusations de fraudes et de détournements.

A BANTAKO, mine artisanale, les travailleurs doivent s’inscrire et payer au service des mines. Mais la plupart ne le font pas. Ils ne sont pas en règle. Ils sont donc à la merci des policiers et douaniers qui les taxent. Ils essaient de sortir l’or récolté en fraude, surtout les étrangers dans leur pays d’origine. S’ils sont arrêtés par la gendarmerie, ils se retrouvent en prison. Pour toutes activités, c’est la même chose. C’est le règne de la débrouille dans l’illégalité et même la délinquance.

Ce matin, nous avions prévu une rencontre avec les hommes, sous la direction du Chef de Village que nous avons rencontré samedi. Mais il n’a pas convoqué les gens. Quelqu’un me dit que c’est parce qu’il n’a pas reçu de « cadeau » pour le faire. Nous allons voir comment rattraper les choses, car pour nous c’est important de les écouter.

Nous allons donc au Jardin d’Enfants. Six nouveaux enfants sont venus s’inscrire. L’inscription est de 2.000 francs pour l’année (environ 3 euros). Un Bureau est mis en place pour la gestion de l’argent. Quand nous arrivons, les enfants font un exercice de dessin et de coloriage. Ils ont déjà appris les premières salutations et ils nous saluent en français. Certains pleurent et veulent retourner à la maison, mais l’éducatrice sait très bien comment les prendre pour leur redonner confiance. Puis c’est la récréation. Les parents ont remis un goûter aux enfants qu’ils partagent. Il y a un certain nombre de jeux, des voitures en plastique, des jeux de construction. D’autres s’amusent à faire des bulles de savon avec de l’eau savonneuse.

Avec un animateur, nous reparlons du village. C’est très différent d’ailleurs. Ici tout est organisé  autour de la recherche de l’or. On ne pourra donc lancer des activités (jardin, formations diverses) qu’avec des personnes vraiment décidées pour faire quelque chose, en commençant petit pour augmenter progressivement les activités, à partir de leurs propres ressources, sans se hâter de faire de grands projets ni de faire appel à des ONG étrangères.

Nous avons fait un forage près du Jardin d’enfants. Cela permet aux gens d’avoir de la bonne eau, car l’eau des puits du village est saumâtre. Et ils la paient 50 Francs (au lieu de 100 Francs) pour le fonctionnement du forage. Des jeunes viennent avec des charrettes prendre de l’eau et la revendent dans les différentes maisons. Des lavandières viennent chaque jour faire le linge des travailleurs, pour gagner leur vie.

Nous avions prévu à midi une rencontre avec les anglophones. Mais il y a eu un manque de communication et seules cinq personnes sont venues. D’ailleurs il y a de gros manques d’entente entre eux et la présidente qui a démissionné. Malgré tout, nous prévoyons une autre réunion jeudi, à midi. Puis nous commençons déjà à parler avec ceux et celles qui sont venus. Leur premier problème, c’est celui de la sécurité. Ils sont arrêtés et taxés sans arrêt, même s’ils ont les documents nécessaires. La première chose est donc de susciter une organisation et de prévoir des moyens de défense. Du coup, nous essaierons de rencontrer les hommes de toutes nationalités ensemble, le jeudi à 10 heures….. si ça peut marcher !

Mardi 28 janvier :

Le matin : pause. J’en profite pour travailler à mes commentaires d’Evangile du mois de Mars pour les émissions à la radio et les publier sur Internet chaque jour. C’est un gros travail et il faut s’y prendre à l’avance. L’après-midi, nous avons un enterrement et nous tenons ensuite la première réunion de la Commission Justice et Paix, pour le lancement des activités. La réunion se passe très bien. De nouvelles personnes sont venues, invitées par les présents du dimanche. Nous commençons par faire la liste des manques de justice et de paix autour de nous. Puis nous choisissons un cas que nous analysons : « Les personnes des ethnies minoritaires et les étrangers sont minimisés et exploités ». Nous en cherchons les causes et les conséquences. Puis nous nous demandons ce que la Parole de Dieu nous dit sur cette question et quel chemin la Vie de Jésus-Christ nous ouvre. A partir de là, nous choisissons les actions que chacun(e) va mener et les personnes et Organisations que nous allons contacter pour agir ensemble. A partir de cet exemple, j’ai cherché à leur donner en même temps une méthode de travail qu’ils vont pouvoir continuer à utiliser tout au long de l’année.

Mercredi 29 janvier :

Malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir de rendez-vous pour aujourd’hui. Les gens ne sont pas toujours disponibles et certains n’ont pas envie de nous voir. Cela me fait au moins du temps pour travailler sur les documents en attente dans mon ordinateur.

Jeudi 30 janvier :

Comme chaque jour, nous nous retrouvons avec les Sœurs pour la prière et la messe du matin. La rencontre avec les hommes est supprimée car le Chef du village ne les a pas convoqués. La responsable des anglophones a été convoquée en ville à la gendarmerie, pour régler le problème de son fils ébouillanté par un voisin. Nous attendons que le problème soit réglé pour venir avec elle à la mine où nous arrivons à 13 h 30. A la rencontre, les hommes ne sont pas venus. Autour de la responsable qui tient un bar « clandestin » (sans licence) se retrouvent 9 femmes, la plupart vivant de la prostitution. Mais il n’est pas possible d’aborder le problème de face. Nous abordons plutôt leurs problèmes généraux. Le premier, c’est la sécurité. En effet, même si elles sont en règle, comme ce sont des femmes et surtout qu’elles sont étrangères, les policiers et les douaniers les taxent, et si elles refusent ils les amènent au poste de police. Nous voyons comment elles peuvent s’organiser pour être toutes d’accord à refuser cet état de choses. Nous voyons aussi comment intervenir auprès des responsables pour qu’ils arrêtent ces façons de faire. C’est une action de longue haleine qui va demander beaucoup de temps, de patience et de savoir faire.

En deuxième lieu, nous voyons avec elles quelles sont les activités et formations qu’elles souhaiteraient et comment les mettre en place. Elles sont d’accord pour intégrer les formations prévues avec les femmes sénégalaises. En effet, il nous semble important de les intégrer à une action d’ensemble avec les autres femmes, pour les intégrer. On nous demande de créer un foyer dans notre centre pour les prostituées, pour leur apprendre un métier. Mais nous ne voulons pas les stigmatiser en les regroupant au vu et au su de tous. Et nous ne voyons pas un foyer de prostituées dans le même centre que le Jardin d’enfants. Qu’elles s’intègrent peu à peu en participant au jardin communautaire et aux formations : transformation de produits alimentaires, fabrique de savon artisanal, teinture, etc…. A mon retour, je vais contacter une congrégation de religieuses spécialisées dans ce domaine. Et nous pourrons accueillir celles qui veulent s’en sortir, par exemple à DAKAR, avant de leur permettre de rentrer dans leur pays.

Enfin, nous reprenons ce que nous avons dit sur le Jardin d’enfants, pour que les enfants puissent recevoir une bonne éducation et s’intégrer à la vie de la communauté.

Le soir, après les cours, nous tenons une réunion avec 18 enseignants de l’école primaire paroissiale. Tous ont tenu à être là, malgré la fatigue de la journée. Nous lisons ensemble le document pour des écoles missionnaires et évangélisatrices, au service des plus pauvres. Cela nous permet un échange très enrichissant, avec une participation de tous. Je suis très satisfait de cet échange et sûr qu’ils continueront à étudier ce document.

Pendant toute cette semaine, comme à Dakar, chaque matin après la prière j’envoie mes commentaires d’Evangile sur Internet ; le soir je consulte différents sites d’information et réponds aux nombreux messages sur Face Book. Simplement pour la connexion, je dois me rendre à la salle commune où il y a beaucoup de monde : télévision, passages, bruits divers, ce qui me demande davantage d’attention et de concentration. Je donne aussi un coup de main aux élèves. En effet, il existe deux foyers à la paroisse pour les élèves venus des villages lointains faire des études ; ils sont regroupés par niveau des écoles élémentaires, collèges, et lycées ; un foyer pour les garçons et un pour les filles. Vu la pauvreté des parents, nous avons le soutien d’amis français et suisses ; mais nous tenons à ce que les parents participent d’abord, au maximum de leurs possibilités.

Le soir, au moment de l’étude, nous recevons personnellement les élèves les plus faibles (ceux qui n’ont pas la moyenne) pour un soutien scolaire personnalisé. Nous veillons non seulement à la discipline et aux résultats aux examens, mais à leur offrir une véritable éducation.

Vendredi 31 janvier :

Nous retournons aux mines de BANTAKO. Cette fois-ci pour rencontrer les jeunes. Car nous voulons rencontrer chaque groupe en particulier, surtout les jeunes qui souvent ont des difficultés à s’exprimer devant leurs parents. Nous leur demandons de présenter leurs problèmes, mais aussi de nous dire ce qu’ils font déjà par eux-mêmes. Ils expriment des besoins de formation artisanale (menuiserie, mécanique, électricité…), pour ne pas en être réduits à travailler dans les mines à la fin de l’école primaire. Les filles demandent plutôt des formations en couture et en restauration. Nous cherchons ensemble à développer les activités sportives en réaménageant le terrain de foot-ball de la paroisse. Nous allons les aider à participer aux compétitions départementales, plutôt que de se lancer dans l’alcool, la drogue et la prostitution. Au lieu des éternelles soirées dansantes, ils demandent l’ouverture d’un Foyer des jeunes avec une bibliothèque et des conférences éducatives. Ensuite, nous abordons les problèmes de santé. Des jeunes Guinéens et Maliens sont venus nous rejoindre et nous élargissons notre réflexion aux problèmes des jeunes émigrés venus dans les mines.

Mais il nous faut rentrer pour ne pas rater le bus qui va nous ramener à partir de 15 heures, pour un voyage de toute la nuit, et pour que nous ayons le temps de saluer et de remercier les confrères et les amis qui nous ont accueillis. Nous ramenons avec nous l’éducatrice du Jardin d’enfants pour qu’elle puisse se reposer et participer aux activités de la paroisse. Le nombre des enfants a continué d’augmenter. Ce matin, ils étaient 43. Nous allons devoir chercher bientôt une deuxième éducatrice. Après toutes ces activités, je quitte, avec beaucoup de regrets et de tristesse, toutes ces personnes que j’ai rencontrées et avec qui j’ai travaillé durant ce séjour.

Pendant toute cette semaine, nous avons beaucoup insisté en disant que nous sommes venus pour tous, sans aucune distinction et pas seulement pour les chrétiens. J’ai beaucoup utilisé les proverbes traditionnels ; je les disais en français et ils les traduisaient dans les différentes langues, selon les participants. Cela a fait beaucoup avancer et approfondir la réflexion.

Voyage retour :

Au Bus, il a fallu comme toujours discuter le prix à payer pour les bagages : question d’habitude !! Au milieu de la nuit, en plein trajet, nous sommes arrêtés par la douane. Ils font descendre tous les bagages et les font vider un par un. Puis ils vérifient tous les bagages à main, et ensuite tous les recoins du car, sans aucune explication. Nous sommes debout en pleine brousse pendant plus d’une heure, sans possibilité de nous asseoir. Puis ils gardent le chauffeur et son équipe plus d’une heure, pendant que nous attendons assis dans le car. Nous finissons enfin par partir. Mais nous sommes aussitôt arrêtés une deuxième fois, toujours sans explication. Tout le monde garde le silence. Enfin, nous arrivons à repartir et rejoignons DAKAR avec deux heures de retard.

Malgré tout, je suis assez « vaillant » pour participer à la Journée mondiale des religieux le samedi, et la fête anniversaire de notre 2ème fondateur, François LIBERMANN, dimanche. Je vous en parlerai dans mon prochain envoi. Bonne réception à vous tous !

NB : Ce dimanche 8 Mars, j’apprends 2 mauvaises nouvelles. D’abord un incendie s’est déclaré à partir d’une cuisine où on préparait le repas, pendant que presque toute la population se trouvait à la mine. Une grande partie du village a brulé.

Le jardin d’enfants compte maintenant plus de 100 enfants et 2 éducatrices. Mais on doit le fermer comme toutes les écoles à la demande du gouvernement, à cause de la propagation du coronavirus.


Religion et Liberté

J’ai été invité à une rencontre sur le dialogue interreligieux : « Religion et Liberté «. Voici schématiquement certaines choses que j’ai été amené à dire :  

Cherchons à dépasser la simple tolérance, pour arriver à un vrai dialogue. Pas seulement accepter nos différences comme on l'a dit, mais agir et construire le pays à partir de nos différences. C'est la condition pour un enrichissement mutuel, un engagement qui dure et une paix profonde.

Toutes les religions veulent la paix. Les difficultés apparaissent dans le concret de la vie : Concurrence, peur, jalousie...Au-delà de la formation religieuse de chacun dans sa propre religion, il nous faut une formation de tous aux droits humains et à la non-violence.

Ne pas accepter que les politiciens se servent de la religion pour leurs propres intérêts.

La liberté d'expression : oui ! Mais à condition qu'il y ait le respect de l'autre et de ses opinions. Ma liberté s'arrête là où commence la liberté de l'autre. Pas de vraie liberté sans égalité et sans fraternité (devise de la Révolution française).

On ne peut pas être un bon croyant, si on n'est pas un bon citoyen. Travaillons ensemble au développement du pays.

Bâtissons le dialogue inter-religieux à partir de ce que nous avons en commun : nos valeurs sénégalaises traditionnelles, comme l’accueil, le respect de l’autre, la dimension communautaire…..

Ne nous contentons pas de dire : "le Sénégal est un modèle d'entente entre chrétiens et musulmans, il y a des chrétiens et des musulmans dans la même famille". Ne nous cachons pas la vérité : il y a des problèmes et des tensions. Si nous ne les abordons pas dans la clarté et avec courage, il n'y aura pas de vraie paix et les choses éclateront un jour ou l'autre.

Nous sommes profondément décidés à vivre la paix et un vrai dialogue. Mais il nous faut apprendre à dépasser les émotions pour garder la raison quand les tensions se présentent.

On a très bien montré que l'état doit faire respecter la loi sans être soumis aux pressions religieuses. Mais il faudrait aussi réfléchir à l'utilisation et l'instrumentalisation des religions par de nombreux politiciens et même des responsables du pays, pour se faire élire ou garder leur pouvoir.

Montrons-nous prudents quand nous affirmons sans nuances que le Sénégal est un modèle de dialogue interreligieux. On disait la même chose du Burkina Faso il y a quelques années et nous voyons la situation actuelle. De même quand on dit que le Sénégal est le pays de la Téranga (l'hospitalité). Car on est davantage prêt à accueillir les touristes qui nous apportent de l'argent que les migrants qui nous viennent des pays environnants, ou même les handicapés de notre propre pays. Et après les tueries entre mauritaniens et sénégalais il y a trente ans, nous nous sommes demandés effarés comment nous avions été capables de faire de telles choses. Il nous faut être réalistes : Il y a de plus en plus de violences dans nos quartiers et déjà dans nos familles, et trop d'attaques dans les media contre les autres ethnies et les autres religions. Il y a trop de tensions au sujet des mariages interreligieux et dans l'éducation scolaire. On dit à des gens : « si tu veux notre fille, un logement ou un travail, il faut que tu changes de religion pour prendre la mienne ».

Ce colloque a fortifié nos convictions et notre volonté de dialogue vrai. Mais il nous faut maintenant :

  1. descendre à la base et nous engager réellement et profondément, chacun là où il vit, selon nos capacités et les possibilités. 

  2. Ne nous limitons pas au dialogue interreligieux : saisissons toutes les possibilités de dialogue dans tous les domaines, pour que ce dialogue interreligieux entre dans notre vie et soit intégré dans la vie de toute la société.

  3. Mettons en place une véritable éducation aux droits humains, à la non-violence et une vraie éducation citoyenne dans tous les secteurs de la vie sociale, en particulier dans les écoles. Et leur mise en pratique, dès le plus jeune âge. La fondation pourrait travailler à ce niveau et organiser des rencontres de réflexion suivies d'actions en particulier avec les étudiants à l'Université, avec les responsables des associations et mouvements de jeunes, et avec les organisations humanitaires.

Comment faire communauté ? Que chacun commence à faire ce qu'il peut, dans les petites choses, en commençant avec quelques volontaires, là où il vit

On a demandé la participation de représentants des religions africaines. Ce n’est pas facile de trouver des responsables de la religion traditionnelle qui pourraient intervenir. Même si de nombreux sénégalais vont voir un « marabout » et offrir des sacrifices traditionnels en cas de problèmes. Mais cela, c’est plutôt une utilisation de la religion traditionnelle pour des intérêts personnels ou familiaux. Par contre nous avons tous grandi sur la base de nos cultures traditionnelles et donc de la religion traditionnelle. Il est donc essentiel que nous intégrions ces valeurs de la société traditionnelle dans la pratique de nos religions monothéistes révélées venues d’ailleurs. Dans l’Eglise catholique, c’est ce qu’on appelle l’inculturation.

Une dernière remarque : Je suis dans l'admiration en voyant la connaissance qu'ont les intervenants musulmans de la religion chrétienne et des sociétés occidentales, et de l'analyse critique qu'ils en font à partir de leurs évolutions historiques. Cela permet de proposer des orientations positives pour aujourd'hui, en particulier pour le Sénégal. Je regrette qu'ils ne fassent pas la même analyse critique positive par rapport à l'Islam et son histoire dans notre pays.