Armel Duteil
  • Vendredi 15 décembre: Quelques nouvelles
    Bonjour à vous tous, voici quelques nouvelles et merci à ceux et celles qui m’ont envoyé les leurs.
    Nous suivons comme vous tous, avec tristesse et effroi, ce qui se passe en Palestine, mais aussi au Soudan, au Congo et en tant d'autres endroits, tout en cherchant à garder espoir et à voir le positif de l'action de tous ceux qui luttent et réagissent, et en essayant de mettre le maximum de paix, d'amitié et de partage là où nous vivons.
    Ensemble avec ceux qui nous entourent, quelles que soient leurs opinions, leur culture ou leur religion, comme nous le demande le synode sur la synodalité, nous préparons la 2° étape de l'année prochaine.
    Nous avons appris avec inquiétude les résultats de la COP 28, en nous demandant si l'on va prendre au sérieux le réchauffement de la terre, tout en luttant avec nos petits moyens pour un respect de la création et une vie plus simple, là où nous sommes. Bien sûr, on a ouvert la porte à un abandon progressif du charbon et des énergies fossiles, mais ce n’est pas une interdiction, seulement une transition. Sans préciser les moyens financiers pour cela. Les pays africains sont déçus et découragés devant ces promesses de financement jamais tenues.
    Au niveau de Sénégal, le pays est en pleine préparation de la campagne présidentielle. Le principal opposant Ousmane Sonko vient d’être rétabli dans ses droits et peut se présenter. Le pays est sous contrôle et reste calme pour le moment.
    Ma santé se rétablit peu à peu et j’ai repris mes activités dans les centres sociaux, les hôpitaux et les centres sociaux.
    Nous venons de terminer une semaine de session sur la Morale affective et sexuelle avec nos étudiants religieux et religieuses. Cette recherche se situe dans le contexte culturel et religieux de l‘Afrique de l’Ouest. C’est un effort d’inculturation qui est nécessaire et à soutenir.
    Nous avons tenu l’Assemblée Générale des différents instituts religieux du Sénégal, pour faire le point des actions menées contre les abus sexuels dans la société et préparer les activités de l’année qui vient. J’y ai participé en tant que secrétaire de la commission Justice et Paix. Actuellement nous préparons deux formations sur la migration et sur le développement.
    Belle semaine à vous tous et belle montée vers Noel, dans un monde à protéger et à construire ensemble, en gardant espoir malgré toutes les difficultés et les blocages.
    Avec toute mon amitié. ARMEL



  • Lundi 13 novembre: Bonjour à vous tous. Je vous souhaite une belle semaine dans la paix et le courage, et si possible dans la joie et de belles rencontres amicales.

    Au Sénégal, nous sommes déjà dans l'effervescence de la concurrence pour les élections présidentielles de février 2024. Avec des manifestations interdites et des arrestations. Autant de personnes que je retrouve dans les prisons et qui passent des mois avant d'être jugées,

    La saison sèche arrive avec la sécheresse et les feux de brousse qui entraînent la mort de bétail mais aussi parfois de personnes

    Et le gros problème des départs clandestins vers l'Europe avec son lot de noyés et d'exploitations des migrants. Avec nos confrères spiritains d'Afrique de l'Ouest nous avons participé à plusieurs formations et de sessions de réflexion et d'action, avec différentes ONG. Dans chacune de nos missions nous travaillons à faire réfléchir les jeunes mais aussi leurs familles sur la gravité de ces départs clandestins et sur les conditions de vie dramatiques des migrants en Europe, et cherchons à donner du travail sur place aux jeunes tentés par l'aventure. Un travail difficile et de longue haleine.

  • Jeudi 13 juillet: Comme indiqué dans le dernier envoi, le pays a retrouvé son calme. Le grand sujet de discussion et de mobilisation de beaucoup, maintenant que le président ne se présentera pas pour un troisième mandat, c’est de savoir qui le président va choisir comme dauphin (car tous les membres du parti au pouvoir demandent que ce soit lui qui le choisisse pour éviter des guerres intestines), mais aussi est-ce que la coalition au pouvoir ne va pas éclater ? Et que va faire l’opposition, déjà divisée ? Le problème, c’est que les différents partis ne présentent pas de programme réfléchi et élaboré, la stratégie pour beaucoup étant d’attaquer la réputation des autres candidats, quitte à utiliser mensonges et calomnies. Très peu se fait pour la formation des militants ce qui est très inquiétant pour l’avenir, pour construire le pays et lutter contre la course au pouvoir et à l’argent.
    Le nouveau problème qui vient d’éclater fortement, même s’il existait déjà, c’est celui des départs clandestins vers l’Europe en pirogues surchargées et en mauvais état, avec des moteurs fatigués, et qui font naufrage. Cette semaine, on signale ainsi 3 pirogues retrouvées qui seront ramenées du Maroc au Sénégal avec plus de 300 personnes. Et 60 personnes disparues au départ de Saint Louis. En Europe, on signale surtout les naufrages en Méditerranée à partir de la Tunisie et des retours forcés vers la détention et l’esclavage en cas d’interception par les forces lybiennes. De nombreux départs se font en ce moment à partir du Sénégal à travers l’Atlantique vers les Canaries. Le trajet est long. En 2.021, le nombre de morts en mer s’élèverait à 1.126.
    Les forces sénégalaises font tout leur possible pour arrêter et condamner les passeurs et ramener les clandestins au pays dans les meilleures conditions possibles. Depuis avril, 300 personnes ont ainsi été interceptées et ramenées. Mais cela ne peut absolument pas suffire. Il faut agir sur les causes : pauvreté, chômage, précarité. Les milliards engloutis ne donnent pas les résultats espérés « suite aux politiques inadaptées des gouvernements, des aides étrangères et des organisations de l’ONU : FMI, Banque Mondiale… »
    Parmi ceux qui partent, de nombreux pêcheurs qui n’ont plus de quoi vivre. En effet de nombreux gros chalutiers industriels étrangers viennent piller les lieux de pêche, souvent clandestinement, la nuit. Les pêcheurs sénégalais ne pêchent presque plus rien. En plus, les poissons deviennent de plus en plus petits à cause de la sur=exploitation. Les méduses remplacent les poissons, et le réchauffement de la mer n’arrange rien. Une partie de leur pêche est récupérée pour faire de la farine de poisson pour nourrir les animaux en Europe et en Asie. Conséquence : la population sénégalaise manque cruellement de protéines. Les cas de sous-alimentation et de malnutrition se développent. Et comme si cela ne suffisait pas, de grosses sociétés veulent commencer à piller les fonds marins pour des exploitations minières, profitant de l’inertie des Nations Unies.
    Le maire de Ziguinchor, leader principal de l’opposition vient de lancer l’appel suivant : « Jeunes de mon pays, ne fuyez pas votre destin. Restez et travaillons à la construction de notre développement économique et social ».
    NB ; Les récentes crises, du Covid-19 à l'envolée du coût de la vie, ont entrainé 165 millions de personnes dans la pauvreté depuis 2020, selon l'ONU, qui appelle à une "pause" des remboursements des dettes des pays en développement afin d'inverser la tendance.
    En raison de l'impact cumulé de ces chocs, 75 millions de personnes seront tombées dans l'extrême pauvreté (moins de 2,15 dollars par jour) entre 2020 et fin 2023 et 90 millions de plus sous la ligne de pauvreté de 3,65 dollars par jour, selon les projections du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
    Le PNUD appelle à une "pause" pour rediriger le remboursement des dettes vers le financement de mesures sociales destinées à contrer les effets des chocs économiques, estimant que la "solution n'est pas hors de portée pour le système multilatéral".
    Ainsi, selon les calculs du rapport, pour sortir ces 165 millions de nouveaux pauvres de la pauvreté, cela coûterait par an environ 14 milliards de dollars, soit environ 0,009% du PIB mondial en 2022 et moins de 4% du service de la dette des pays en développement.
    Si on ajoute les pertes de revenus des personnes déjà sous le seuil de pauvreté avant les récents chocs, le coût d'atténuation atteindrait 107 milliards (0,065% du PIB, environ un quart du service de la dette).
    Entre 2018 et 2022, plus de 7 865 candidats sont morts noyés au fond de l’océan, 
    Reportage Îles Canaries :
    L’embarcation de 200 passagers de Kafountine et les trois pirogues de Mbour avec 65, 50 et 60 candidats à l’émigration toujours introuvables
    Une embarcation avec à son bord 200 personnes, qui avait quitté le sud du Sénégal, précisément Kafountine, il y a 10 jours, est la dernière perdue de vue. Partie le 27 juin dans une localité située au sud du Sénégal, elle avait à son bord des enfants, des certaines personnes de la même localité, y compris de la même famille, selon un collectif en charge des questions d’émigration clandestine.
    A cette tragédie, on peut ajouter la disparition de trois autres embarcations qui ont pris le large à Mbour, le 23 juin. Elles avaient respectivement transporté 65, 50 et 60 candidats à l’émigration
    Selon l'Unicef, 289 enfants sont morts en traversant la Méditerranée en 2023

  • Jeudi 6 juillet: NOUVELLES : 6 - 7 :
    Au Sénégal, la situation est redevenue plus calme. Un dialogue national a eu lieu qui a permis de s'entendre sur un certain nombre de points, malgré l'absence de l'opposition. Les propositions vont être soumises au Parlement et sans doute acceptées.
    Mais surtout, le grand évènement a eu lieu le dimanche 2 juillet. Le président Macky Sall a annoncé solennellement à la télévision qu’il ne se présenterait pas aux prochaines élections présidentielles. En effet la constitution ne permet que 2 mandats successifs, mais il avait laissé planer le doute sur ses intentions, suite à de nombreuses pressions lui demandant de se représenter. L’opposition était remontée contre lui et avait menacé de faire de nouvelles manifestations, qui auraient certainement été suivies de casses et de pillages comme le mois dernier, s’il se représentait. Nous avons donc évité de gros problèmes et de grandes souffrances.
    Deux personnes très influentes, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, et le fils de l’ancien président, Karim Wade, ont été graciées et vont pouvoir se présenter à ces élections, ce qui est une bonne chose pour la démocratie. Mais tout n’est pas résolu pour autant.

    Du côté du pouvoir, il faut trouver un successeur au président. Cela va entraîner toutes sortes de compétitions et même de magouilles, d’attaques personnelles et de fausses accusations.
    Et il reste la question du principal opposant, Ousmane Sonko. Il est condamné à deux ans de prison et donc il n’est pas éligible. Mais ses partisans menacent de retourner aux émeutes si on l’empêche de se présenter. L’avenir reste donc incertain.

    Nous allons donc continuer nos efforts de sensibilisation et d’éducation contre la violence et pour la paix. Mais il faudra pour cela une réflexion en profondeur sur les causes de cette violence. En particulier chez les jeunes qui se retrouvent au chômage malgré leurs efforts pour avoir un travail, et qui sont prêts à tout casser. Des jeunes qui n’ont pas confiance dans leur avenir, ni celui de leur pays. Et qui sont prêts à risquer leur vie dans le désert ou sur la mer.

    Nous suivons bien sûr les évènements semblables en France où les gens ont vécu des nuits très difficiles et destructrices, Un ami m’écrit : « c'est la désolation (tags insupportables ; tous les abris-bus cassés ; etc)… Nos politiques sont vraiment déconnectées. Comme si prolonger d'une semaine les "soldes" allait retisser des liens et de la fraternité ! On a du 'boulot' en tant que chrétiens.
    En même temps, nous continuons nos activités habituelles et préparons les activités de vacances, dans l'attente de la pluie tant espérée pour commencer les cultures.

    Comme chaque année, nous étions unis avec nos amis musulmans pour fêter la Tabaski (Aïd el Kébir) et célébrer le sacrifice d’Abraham dans la foi, la prière, le partage et pardon.
    Rappel : 21-6 :
    "Bonjour à vous tous. J'espère que ce message vous trouvera dans la paix, et le courage pour terminer cette année scolaire.
    Pour nous, la situation est calmée. Mais les tensions restent sous-jacentes. De nombreux appels sont faits à l'entente et la réconciliation de tous côtés.
    Un dialogue national a été lancé. Mais encore faut-il trouver des solutions aux problèmes, qu'elles soient acceptées par la majorité et mises en œuvre.
    Pas seulement au niveau politique, mais d'abord pour lutter contre la pauvreté, le chômage et l'inflation.
    La chaleur est arrivée, les pluies vont bientôt tomber, et le pays se prépare à la nouvelle campagne agricole, malgré le manque d'engrais qui venaient autrefois d'Ukraine et de Russie, et qui sont nécessaires car beaucoup de sols sont épuisés par la monoculture intensive de l’arachide.
    Nous continuons nos activités ordinaires : prisons, hôpitaux, centres sociaux..., nous nous préparons à la fin de l'année scolaire : les examens sont en cours.
    Et déjà nous préparons les activité et travaux du temps des vacances.

  • Samedi 20 mai: Il est temps que je vous donne quelques nouvelles. Après le Covid, le pays a été fortement touché par l’inflation et le coût de la vie, comme partout en Afrique, à cause de la guerre en Ukraine qui a bloqué les transports et les approvisionnements en particulier en blé et en engrais. Au Sénégal, le gouvernement a réussi à éviter une montée trop importante des prix grâce à des subventions pour les produits de première nécessité et par la suppression de certaines taxes. Mais la lutte contre la pauvreté et le soutien des plus nécessiteux par la mise en place de petits projets économiques restent une grande nécessité.
    La tension actuelle est surtout au niveau politique, comme je l’ai longuement expliqué dans les nouvelles de mars. Normalement, selon la constitution, le président ne doit pas se représenter pour un troisième mandat, mais il ne s’est pas prononcé clairement jusqu’à maintenant.
    L’opposition qui semblait unie se divise de plus en plus au fur et à mesure que de nouveaux candidats se prononcent. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est l’augmentation de la violence. Les partis politiques présentent pas de programmes réfléchis et valables, et cherchent de moins en moins à former leurs militants. Maintenant ce sont les attaques mensongères et les accusations dans les media pour détruire la réputation des adversaires. Il y a un grand manque d’éducation civique, malgré les gros efforts que nous cherchons à faire dans ce domaine.
    Le principal opposant, Ousmane Sonko, accusé pour plusieurs choses, refuse de se présenter à la Justice, l’accusant d’être au service du pouvoir et de chercher à l’éliminer, de même que plusieurs autres candidats.
    De nombreux jeunes sont au chômage et donc insatisfaits du régime actuel. Ils participent en grand nombre aux meetings. Cela se continue par des jets de pierre contre la police qui réplique à coup de grenades lacrymogènes. Puis ce sont les pneus brûlés sur les routes, des casses, des pillages, des magasins et des stations-services brûlées, et même des morts. Cela est inquiétant pour la démocratie et l’avenir du pays. Dans notre commission Justice et Paix, ensemble avec les autres organisations qui cherchent à bâtir la paix, et avec les chefs religieux musulmans comme chrétiens, nous cherchons à éduquer et à agir pour faire avancer les choses, en nous appuyant aussi bien sur les valeurs de la culture traditionnelle que des valeurs de la foi.
    Personnellement, je continue mes engagements dans les prisons, les hôpitaux et les centres sociaux. J’ai la chance de pouvoir travailler avec des équipes de laïcs vraiment motivés, qui veulent vraiment faire avancer les choses, en lien avec plusieurs organisations et associations.
    Dans les différentes prisons, notre souci, à côté des rencontres d’écoute, est de permettre aux détenus de vivre ensemble une vie sociale la meilleure possible. Mais notre deuxième grand souci c’est de préparer leur avenir et leur ré=insertion dans leurs familles et dans la société en général à leur sortie. Nous avons eu plusieurs rencontres avec l’administration pénitentiaire, et avec leur accord nous allons organiser pour les prisonniers qui le désirent des formations, depuis l’alphabétisation de base jusqu’aux cours scolaires et les examens. Nous n’avons pas les moyens de payer des alphabétiseurs et des enseignants, mais nous allons faire appel aux étudiants et enseignants de profession qui sont en prison, en leur proposant d’enseigner les autres détenus. C’est une manière importante pour nous de leur rendre leur dignité et de les responsabiliser.
    Autre chose, avec plusieurs de nos communautés spiritaines missionnaires en Guinée, Sénégal et Mauritanie, nous cherchons à conscientiser les jeunes, mais aussi leurs familles, pour qu’ils cherchent à rester travailler au pays plutôt que de vouloir à tout prix partir en Europe avec tous les risques et toutes les souffrances que cela comporte. Pour cela, nous travaillons avec les projets socio-économiques mis en place par le gouvernement et les ONG présentes sur le terrain. Il y a de quoi faire, et il nous faut garder le moral. Nous vous remercions, vous tous qui accueillez les migrants et cherchez à rendre leur vie plus facile et plus digne. Cela passe par les petits gestes d’amitié de chaque jour.
    Je vous laisse pour aujourd’hui, en vous redisant toute mon amitié et ma reconnaissance pour ce que vous faites, chacun et chacune là où vous vivez. Et merci pour vos prières, votre soutien et vos encouragements.

  • Mercredi 15 mars: Dimanche 1 janvier : Nouvelles du Sénégal Février 2023

    Nous voici lancés dans une nouvelle année. Pour moi, il s’agit surtout de continuer mes activités habituelles de formation, d’accompagnement de groupes et de mouvements, de travail avec les ONG. Mais mon principal engagement se continue dans les prisons, les hôpitaux et les centres sociaux, en particulier la formation des jeunes filles qui n’ont pas pu aller à l’école. A ce niveau, nous avons eu la joie pour la fête de Noel de pouvoir retourner dans la grande prison de Dakar, Reubeuss, qui était fermée depuis l’apparition du Covid. Nous espérons pouvoir continuer à intervenir dans cette prison comme nous le faisons dans les six (6) autres prisons de Dakar, et reprendre en particulier nos rencontres individuelles d’écoute, qui sont très importantes comme je l’ai déjà expliqué dans les documents envoyés plus tôt.
    Je travaille également avec les frères de Taizé et avec un certain nombre d’autres associations, en particulier avec la commission « Justice et Paix ». Cette année, nous travaillons spécialement à la défense des enfants victimes de violence, pas seulement les abus sexuels mais aussi les abus d’autorité et les autres violences qu’ils subissent, en particulier les enfants mendiants-talibés (élèves des écoles coraniques), les enfants dans la rue et les enfants travailleurs qui ne peuvent pas se former et aller à l’école. Vous trouverez à ce sujet, le compte rendu d’une de nos réunions où nous voudrions que tous les employés de l’Eglise catholique, que ce soit les catéchistes, les responsables de communautés, les enseignants des écoles catholiques, les travailleurs de nos dispensaires, les responsables des mouvements et autres personnes responsables à ces différents niveaux signent un engagement que nous avons préparé.
    Nous sommes entrés dans le carême, qui sera bientôt suivi du ramadan des musulmans. C’est toujours un temps très fort dans la société, et un moment d’union, de partage et également de prières communes entre chrétiens et musulmans.

    Au niveau international,

    notre président a été pendant une année, président de l’Union Africaine. Il a essayé d’intervenir dans les grandes rencontres internationales, aussi bien pour le développement que pour la paix. En particulier il a demandé qu’il y ait au moins un pays africain membre permanent dans le conseil de sécurité des Nations Unies, car jusqu’à maintenant il n’y en a pas. Il a demandé également à ce que les pays occidentaux aussi bien que les grandes sociétés multinationales aient davantage de respect pour la culture et le développement des pays africains. Et qu’ils cherchent des solutions vraiment valables pour ces pays à tous les niveaux, pas seulement économique, et pas seulement leur propre intérêt et leur propre enrichissement. Cela demande bien sûr une plus grande prise en compte de la pauvreté et des problèmes de ces différents pays, et également de la question de l’écologie et de l’environnement. Les pays africains sont ceux qui polluent le moins, et pourtant ce sont eux qui souffrent le plus de la pollution et du réchauffement de la terre et de ses conséquences, en particulier les tornades, les inondations et tous les autres problèmes que nous avons subis cette année en Afrique. Nous-mêmes nous suivons avec soin et intérêt les conférences internationales actuelles sur le soin des forêts et le respect des fonds marins. Pour pouvoir former les gens et agir à ce niveau. Sinon ces grandes conférences ne serviront à rien. La visite du Pape au Congo où il est intervenu très fortement pour que l’on arrête de dépouiller l’Afrique, et au Soudan où il est intervenu vigoureusement pour la paix nous ont beaucoup marqué aussi cette année. De même que ses efforts pour ouvrir des chemins de paix entre l’Ukraine et la Russie. Même si les livraisons d’armes sont nécessaires pour donner au peuple ukrainien les moyens de se défendre contre cette attaque injuste et inhumaine, ce ne peut pas être une solution à long terme pour retrouver la paix et arrêter ce désastre.

    Au niveau du pays.

    Au Sénégal nous avons la chance de ne pas subir d’attaques terroristes, et cela est vraiment une grande bénédiction. Et nous faisons tout notre possible pour éduquer et préserver la paix. Nos deux principaux problèmes sont celui de la pauvreté qui grandit, en particulier chez les plus pauvres, et celui de la paix à cause des élections présidentielles qui vont avoir lieu dans un an. Dès maintenant les campagnes électorales et les manifestations ont commencé, avec souvent beaucoup de violences. Normalement d’après la constitution, le président n’a pas le droit de se représenter, puisqu’il a fait 2 mandats. Mais lui-même ne se prononce pas à ce sujet ; ce qui entraine un sentiment d’incertitude, d’inquiétude et de manque de confiance. D’autant plus que ses partisans veulent à tout prix qu’il se représente, pour qu’eux aussi puissent continuer à profiter des avantages du pouvoir. En effet, une nouvelle constitution a été promulguée par référendum l’année dernière. Les gens du camp présidentiel disent que c’est une nouvelle constitution, et donc que le président en est à son premier mandat et qu’il a le droit de se représenter. Tout cela entraîne de grandes manifestations de l’opposition et beaucoup de tensions, un manque de sécurité, une augmentation de la violence et des attaques contre le pouvoir. En mars 2021, il y a déjà eu 14 morts suite à ces manifestations.
    De plus, deux des principaux candidats, l’ancien maire de Dakar et le fils de l’ancien président ont été condamnés pour détournement d’argent. Mais ils tiennent à se représenter et se sont portés déjà candidats. De son côté, le principal opposant est en attente de deux procès : un pour accusation de viol, un pour fausse accusation envers un ministre. Plusieurs autres personnes ont déjà annoncé qu’elles voulaient aussi se présenter. Tout cela entraîne une grande confusion et beaucoup d’instabilité, ce qui est inquiétant.

    Il faut reconnaître que certaines choses ne sont ni claires ni justes. De nombreuses manifestations sont interdites. On accuse le gouvernement d’autoritarisme. De nombreux cas de détournements d’argent et de biens publics et de corruption sont avérés, mais leurs auteurs ne sont pas jugés. On soupçonne la justice d’être commandée par le président et les autorités d’être manipulées. On accuse le président de placer aux postes de responsabilité ses parents et ses amis, ce qui n’est pas entièrement faux. La violence s’étend. Elle s’est manifestée en particulier par des bagarres à l’Assemblée Nationale entre les députés. Mais elle s’étend de plus en plus dans tout le pays, et c’est vraiment très inquiétant. Les viols et attaques à l’arme blanche se multiplient. De nombreux opposants se retrouvent en prison. Des journaux et des télévisions sont également interdits. Ce qui entraine des accusations de manque de liberté d’expression dans le pays, et cause un état de tension permanente. Les chefs religieux musulmans sont très influents et chaque groupe ou parti essaie de les mettre de son côté. Mais il faut dire que les partis et personnes de l’opposition sont aussi très violents, et qu’il est souvent nécessaire d’intervenir et d’interdire marches et meetings à cause des craintes de casse.

    Au niveau économique.

    Le gouvernement a fait un certain nombre de grandes réalisations : des stades de sport, en particulier pour le sport national, la lutte traditionnelle, un train rapide et maintenant un bus rapide dans la ville de Dakar. Il y a de nombreuses constructions de bâtiments. Mais cela se fait surtout dans la ville de Dakar et ce sont souvent des réalisations de prestige qui coûtent très cher, mais qui ne profitent pas à la population. On dit que beaucoup de ces grands bâtiments sont construits avec l’argent de la drogue. Car le Sénégal est une voie de passage de la drogue depuis l’Amérique du sud vers l’Europe.

    Le PIB (produit intérieur brut) du pays a beaucoup baissé, et de toutes façons il ne profite pas à la population de la base, ni aux gens des villages. Les fonctionnaires et les militaires ont vu leur salaire augmenter de 40%, mais les pauvres deviennent de plus en plus pauvres, alors que, eux aussi, ils font vivre le pays, et même de façon importante. De nombreux projets de développement sont lancés, mais souvent ils ne durent pas et n’arrivent pas jusqu’au bout. Bien que le Sénégal, grâce à sa bonne réputation internationale et son savoir-faire, soit beaucoup aidé et reçoive de nombreux dons de l’extérieur.

    Le Covid est maintenant terminé, mais il a entrainé de nombreuses conséquences. Les élèves ont perdu plus d’une année scolaire, car les écoles étaient arrêtées, et il n’y avait pas d’enseignement à distance par informatique. Les élèves ont donc un trou important dans leur formation, qu’ils vont trainer jusqu’à la fin de leurs études et même plus tard. Le chômage à cause du Covid a beaucoup augmenté et ce sont surtout les jeunes qui se sont retrouvés sans travail, puisqu’il n’y avait plus de propositions d’emploi. J’ai déjà parlé des problèmes de la pêche (voir la pièce jointe à ce sujet). Les fonds marins sont pillés par des gros navires étrangers. Il y a de plus en plus d’usines de fabrication de farine de poisson pour nourrir les animaux à l’étranger, alors que les habitants ont de moins en moins de poisson pour manger eux-mêmes, et donc moins de protéines ; ce qui entraine sous-alimentation, faiblesse et maladies.

    Dans la mer :

    on note aussi des piratages et trafics commerciaux et en particulier des transports clandestins de drogue. Dans le pays, on cultive du yamba (cannabis, marijuana) que l’on retrouve dans les quartiers et même dans les écoles. Le nombre de personnes droguées augmente, avec toutes les conséquences au niveau social. Sans doute plus grave encore que la drogue, il y a le problème des faux médicaments. Actuellement, en Afrique de l’Ouest, plus de 60% des médicaments qui sont vendus sont des faux, des imitations ou encore des médicaments inefficaces, ce qui augmente le nombre de maladies et de morts.
    Il y a aussi de nombreux problèmes au niveau agriculture. Comme on le sait, la guerre de la Russie contre l’Ukraine n’a rien arrangé. D’abord les pays d’Afrique comme le Sénégal, n’ont pu avoir que de moins en moins de blé, ce qui a entrainé la diminution du pain qui est devenu la nourriture de base de beaucoup de personnes, surtout en ville. Et pour ne pas augmenter le prix, les boulangers ont diminué le volume des pains. Ensuite il y a eu la raréfication des engrais venant également en majorité d’Ukraine et de Russie. Ce qui va entrainer une production agricole beaucoup plus faible, cette année et les années suivantes. Car les sols exploités par des siècles de monocultures sont épuisés. Le Sénégal a bien commencé à s’engager pour une autosuffisance en riz, mais on ne peut pas y arriver d’un seul coup. Il y a également de plus en plus d’études pour revaloriser les connaissances traditionnelles des paysans en agriculture, et la recherche pour l’utilisation de nouvelles semences mieux adaptées au réchauffement actuel de la terre et à l’avancée du désert., avec le soutien de pays étrangers comme la Corée du Sud. Et aussi la protection de la biodiversité, l’agroécologie, la permaculture et la recherche d’autres moyens que les engrais chimiques qui ont des conséquences très graves. Mais il faut beaucoup de temps pour mettre tout cela en place et les résultats ne sont pas pour demain. Il faudrait parler aussi des problèmes et des efforts faits pour l’élevage. Et de la plantation d’une rangée d’arbres traversant toute l’Afrique pour bloquer l’avancée du désert au Sahel. Mais les attaques terroristes ont arrêté cela. Les huileries sénégalaises tournent à vide, car les arachides produites partent en Chine, les chinois achetant les arachides à un prix plus élevé que celui fixé par le gouvernement. Des difficultés se posent aussi pour la production et la commercialisation par exemple de la tomate et des oignons.

    Le pays manque gravement d’hôpitaux et de dispensaires,

    et surtout de médecins malgré la qualité de la formation donnée. La politique française, cherchant à attirer les médecins sénégalais pour combler le manque de médecins en France ne va rien arranger. Il ne s’agit pas là d’aide au développement, mais plutôt d’une nouvelle forme de néo-colonisation. Ce qui explique, entre autres raisons, le rejet de la France par une partie de la population spécialement les jeunes. Et aussi l’arrogance et le manque de respect d’un certain nombre de responsables français. Et pas seulement le souvenir pesant de l’esclavage et de la colonisation, le maintien du franc CFA et de l’armée française et la propagande anti française de la Turquie, de la Chine et surtout la Russie (fake news, vidéos tendancieuses ..).

    Au niveau social,

    le gouvernement a lancé un certain nombre d’actions positives : soutien à des petits projets économiques en particulier pour les jeunes et les femmes, une CMU (Couverture Médicale Universelle) qui voudrait s’étendre à tous, des bourses familiales pour les familles nécessiteuses, des soutiens pour les handicapés et personnes âgées, des soins gratuits pour les enfants de 0 à 5 ans, gratuité des césariennes que l’on voudrait étendre aux frais de tout le temps de la grossesse. Mais les moyens sont trop limités, et malgré les efforts fournis cela ne fonctionne pas toujours efficacement.
    A cause de tout cela, l’émigration continue, en particulier vers l’Europe et le Canada. D’autant plus que les réseaux sociaux continuent à présenter les pays occidentaux comme un paradis où la vie est facile, et où tout le monde a du travail et la satisfaction de tous ses besoins.
    A notre niveau les spiritains, nous avons trois équipes, une à Saint Louis au Nord du Sénégal et deux autres en Mauritanie, à Rosso et à Nouadhibou au Nord. Ce sont des points de départ des migrants et pour Nouadhibou un lieu aussi d’accueil pour les immigrants expulsés d’Afrique du Nord ou des pays européens, quand ils ne sont pas morts dans la mer ou dans le désert, ou réduits en esclavage en Lybie. En 2017, on a compté plus de six mille (6.000) morts venant d’Afrique de l’Ouest dans le désert. Bien sûr il faut agir sur les causes et donc à l’intérieur du pays, en particulier lutter contre la pauvreté et le chômage. Et conscientiser les jeunes mais aussi leurs familles qui souvent les poussent à partir, en faisant de gros sacrifices financiers pour cela. Nous cherchons à augmenter le sens civique et l’amour du pays pour les jeunes, mais aussi à leur donner les moyens de vivre en restant au pays. Un certain nombre d’ONG s’y attèlent mais c’est une action très difficile et pour laquelle, là encore, on ne peut pas trouver de solutions en un seul jour. Les Nations Unies affirment que l’extrême pauvreté augmente dans nos pays. Et malgré tout, les populations gardent courage, espoir et même joie de vivre. Et nos évêques dans leur lettre de Carême nous appellent à prendre les moyens pour vaincre la peur et garder l’espérance. Pour nous spiritains, nous espérons que la nomination d’un nouveau responsable nous permettra de prendre un élan nouveau dans nos engagements. Je confie tout cela à votre amitié et à vos prières.

  • Samedi 14 janvier: POUR UNE BELLE ANNEE 2023
    « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes que Dieu aime ».
    Que nous sachions rendre gloire à Dieu par les belles choses que nous faisons, grâce à Lui.
    En Ukraine et partout dans le monde, des gens n’ont pas de quoi se chauffer, ni de quoi manger. Prions pour que certains arrêtent de manger ce qui est dû aux plus pauvres.
    Que nous sachions lutter contre les détournements et la corruption, même dans les petites choses
    Que les enfants et les jeunes puissent être éduqués, respectés et responsabilisés, et vivre dans des conditions normales
    Que les femmes trouvent leur place dans la société et aient davantage droit à la parole
    Que l’on cherche des solutions de non-violence pour régler les conflits et arrêter les guerres, au lieu de compter sur les armes
    Que l’on n’oublie pas les morts du Tigré et ceux qui meurent encre aujourd’hui en Somalie, au Congo, en Syrie, en Palestine et partout dans le monde
    Et tous les migrants qui meurent dans la mer et les déserts : qu’ils puissent enfin vivre en paix et dignement chez eux.
    La paix naît dans le cœur des hommes et dépend de chacun et chacune d’entre nous
    Commençons par mettre la paix dans nos familles, nos quartiers, nos lieux de travail et nos organisations
    Alors la paix grandira dans le monde