Armel Duteil

Comptes rendus 2012

Accaparement des terres

A l’occasion de la Journée internationale des luttes paysannes ce 17 avril, Ndiakhate Fall, Secrétaire Exécutif de l’Union des groupements de paysans de Méckhé (UGPM), vous partage la signification de cette journée dans le cadre du combat mené par son organisation. Son message est le suivant :

Le 17 avril a été déclarée "Journée internationale des luttes paysannes", pour commémorer le massacre, en 1996, de dix-neuf paysannes et paysans brésiliens qui luttaient pour leurs terres et pour la justice sociale.

Elle représente pour le mouvement paysan sénégalais un moment de souvenir de nos camarades disparus pour leur cause. Une journée pour le respect des droits des paysannes et paysans. Une journée d’interpellation des autorités afin que l’agriculture familiale retrouve sa place et contribue à la sécurité alimentaire nationale.

Ces dernières années, nous avons souffert de la mise en œuvre d’un nouveau modèle de développement basé sur l’agriculture business et l’expropriation des terres. Ce phénomène est connu sous le nom d’accaparements de terres. C’est un phénomène, mis en œuvre par des élites locales, nationales et transnationales ainsi que par des investisseurs et spéculateurs, avec la complicité des gouvernements et des autorités locales. Il a pour objectif la mainmise sur les ressources les plus précieuses au monde.

Les accaparements de terres conduisent à la concentration de la propriété foncière et des ressources naturelles entre les mains de grands fonds d’investissement, de propriétaires et de grandes entreprises actives dans l’industrie, dans les centrales hydro-électriques ou encore dans les mines. Mais elle est aussi pratiquée par des promoteurs touristiques et immobiliers.

Ce mouvement de concentration de la propriété qui a provoqué l’expulsion de leurs terres et le déplacement forcé des populations locales - en premier lieu les paysannes et les paysans - engendre des violations des droits humains et notamment des droits des paysannes et paysans. Il a provoqué une augmentation de la pauvreté et de la fracture sociale à travers nos pays en contribuant quotidiennement à aggraver le chômage et la bidonvilisation du pays.

Les accaparements de terres vont de pair avec la mainmise croissante des entreprises privées sur l’agriculture et l’alimentation à travers un contrôle renforcé sur les ressources comme la terre, l’eau, les semences et autres ressources naturelles. De nombreux gouvernements justifient les accaparements en affirmant que les techniques modernes de l’agro-industrie amélioreront les pratiques agricoles locales perçues comme “archaïques”, et qu’elles garantiront la sécurité alimentaire pour tous. Bien que très largement répandue dans le monde, cette croyance s’avère totalement fausse au contact de la réalité.

Les principaux acteurs des accaparements terres recherchent le profit avant tout, au détriment du bien-être des populations : ils planteront des cultures pour la production d’agrocarburants si elles se révèlent plus rentables que les cultures vivrières, et ils exporteront leur production alimentaire si cela est financièrement plus intéressant que de la distribuer sur les marchés locaux. Dans cette course au profit, le secteur privé renforce sa mainmise sur les systèmes de production alimentaire, monopolisant les ressources et acquérant une position dominante dans les processus de décision. A cause des accaparements de terres, les paysannes et les paysans, sont dépossédés de leurs moyens de subsistance. Dès lors, le mouvement paysan appelle tous ses membres et allié(e)s, les étudiant(e)s et les groupes de défense de l’environnement, les organisations de femmes et les mouvements pour la justice sociale à se joindre à elle en cette journée du 17 avril, et à organiser des actions partout dans le monde pour faire entendre massivement la voix de la résistance populaire contre les accaparements de terres.

Unissons-nous et luttons toutes et tous ensemble :

  • Pour mettre fin aux accaparements de terres et pour reprendre le contrôle des terres spoliées- la terre doit appartenir à celles et à ceux qui la travaillent.

  • Pour mettre en œuvre une réforme foncière afin d’apporter la justice sociale en milieu rural.

  • Pour mettre fin au contrôle exercé par une poignée d’investisseurs et de sociétés transnationales sur les vies de milliards de personnes.

  • Pour renforcer et promouvoir un modèle de production agricole basé sur l’agriculture familiale et la souveraineté alimentaire.

Ndiakhate Fall, Secrétaire Général de l’UGPM