Armel Duteil

2009




La situation du pays en mars 2009

Les choses continuent à bien avancer. Il y a eu de nombreuses arrestations de personnes notablement connues pour leurs détournements et de trafiquants de drogue qui ont avoué facilement leurs actes, sans aucune torture ou autre pression morale. Bien sûr, il reste maintenant à veiller pour que ces personnes soient jugées légalement et d’une façon juste, et ne soient pas déclarées coupables avant d’avoir été jugées

La société civile s’est réveillée et organisée avec les syndicats et les partis politiques qui ont retrouvé leur liberté d’action(ils avaient été suspendus lors de la prise de pouvoir par les militaires. Nous venons d’organiser une réflexion élargie sur la place et le rôle de la société civil samedi dernier.(voir le document L

55). Suite à une action concertée de nombreuses ONG les prisonniers ont commencé à recevoir de la nourriture même si c’est en quantité insuffisante.

Dans nos actions, nous ne sommes pas tout seuls : nous sommes soutenus par le groupe d’action international (Union Africaine, ONU, Union européenne, Cedeao…) qui ont exigé des élections présidentielles en décembre 2.009. C’est pour que les militaires ne restent pas trop longtemps au pouvoir mais cela nous semble vraiment trop tôt pour qu’ils aient vraiment le temps de changer les choses et de mettre les gens au travail.

Au niveau de la commission justice et paix, nous préparons toute une série de propositions, demandées par le CNDD : Comité National pour la Démocratie et le Développement des militaires, sur la réorganisation du pays . C’est une gros travail mais ça vaut la peine. Merci pour votre soutien à tous.




Suites au décés du général Lansana CONTE

Le lundi 22 décembre 2008, le Président de la République, le général Lansana CONTE, mourrait vers 18 heures. Il était atteint d’un diabète profond depuis plusieurs années et n’était plus en état de diriger le pays. Il avait pris le pouvoir par un coup d’état à la mort de Sékou Touré, en 1984, et s’était maintenu au pouvoir au moyen d’élections truquées. Au début, il avait lancé le libéralisme et l’initiative privée au niveau économique, les nationalisations de Sékou Touré n’ayant pas fonctionné et ayant réduit le pays à un état de pauvreté permanent malgré les énormes richesses du pays. Il avait mis en place une démocratie formelle. Mais peu à peu, le groupe d’amis et parents se sont lancés dans une corruption de plus en plus grande. Pour garder son pouvoir, le président s’est appuyé sur l’armée qu’il a énormément favorisée (augmentations de salaire et promotions, distributions de sacs de riz, etc…). Cette armée, indisciplinée et inefficace s’est lancée dans les tueries, les vols, les viols et la drogue, déjà au moment de la guerre du Libéria et les attaques rebelles venues de Sierra Léone en 2000-2001. (J.M. : mettre un lien avec mes circulaires de ces deux années). Cela a augmenté en 2006, a culminé lors des manifestations de 2006 et surtout de janvier-février 2007, où l’armée a tiré sur la foule. (Mettre un lien avec les nouvelles de cette époque). Et cette année, l’armée s’est mutinée alors que le président renvoyait le gouvernement mis en place suite aux manifestations de 2007, pour remettre en poste des personnes de son entourage. C’était le règne de la corruption et de l’impunité, le pays n’étant plus gouverné.

Le mardi 23 décembre, c’était le président de l’Assemblée Nationale qui devait assurer le maintien du pouvoir et organiser des élections présidentielles dans un délai de 60 jours. Mais le mandat de ce président, de même que celui de la plupart des députés du parti au pouvoir, était arrivé à expiration depuis deux ans. Et vu leurs exactions et leur inefficacité, ils étaient rejetés par la population. Et comment organiser des élections présidentielles en 60 jours, alors que les élections législatives n’ont pas pu être organisées depuis deux ans et que les listes électorales ne sont pas à jour !

Sans attendre l’enterrement du président, un groupe de militaires s’est levé et ils ont organisé un comité national pour le développement et la démocratie. Il y a eu quelques jours de flottement entre ce comité et les représentants « légitimes » du pouvoir, d’autant plus que les militaires eux-mêmes sont divisés entre eux. Mais, heureusement, il n’y a eu aucun affrontement, contrairement à ce qui se passait d’habitude. Ni mort, ni blessé. Peu à peu, le comité a réussi à s’imposer. L’ancien gouvernement s’est rallié à lui. Il a remplacé les anciens préfets et gouverneurs de région par des militaires et mis les généraux à la retraite. Il est dirigé par un capitaine, Moussa Davis CAMARA, qui a promis de remettre de l’ordre dans le pays et, en premier lieu, de lutter contre la corruption. Et aussi de revoir les contrats miniers de la bauxite (aluminium), du fer et de l’or, ce qui serait bien normal, ces contrats ayant été signés par corruption et étant au détriment total du pays, ce qui fait que les Guinéens se retrouvent très pauvres dans un pays très riche. Ces militaires affirment qu’ils ne veulent pas garder le pouvoir et qu’ils organiseront des élections « libres et transparentes » en décembre 2010. D’abord, cela nous semble très éloigné. Et nous nous rappelons que Lansana Conté avait dit la même chose et qu’il est resté au pouvoir pendant 24 ans ! Et même si le capitaine Moussa CAMARA semble sérieux et honnête, que dire de la majorité des militaires ? Il ne suffit pas de mettre les anciens généraux à la retraite pour changer l’armée en profondeur. La population attend de voir ce qui va se passer et nous sommes très inquiets.

Au niveau international, beaucoup de pays et d’institutions condamnent ce qui s’est passé, et c’est vrai que c’est un coup d’état. Mais il a sans doute évité une guerre civile et de nombreux morts. Et le comité actuellement au pouvoir vaut sans doute mieux que ceux qui devaient succéder au président Conté selon la Constitution, et auraient continué les pratiques de l’ancien gouvernement corrompu et inefficace. Nous avons encore beaucoup à faire en Guinée, et nous allons nous y atteler. On ne change pas un pays en un jour. Et un président, le meilleur possible, ne pourra pas faire grand-chose s’il n’y a pas un changement profond au niveau de toute la population.

Mardi 30 décembre : Rencontre justice et paix.

Autour de notre Evêque, nous analysons tout ce qui s’est passé ces dix derniers jours. Il y a eu tellement de choses ! Tout comme au niveau international, les avis sont partagés. Mais nous reconnaissons que ce n’était pas une bonne chose que de faire des choix légaux et constitutionnels. Cela aurait conduit à continuer un système corrompu et inefficace qui a fait le malheur du pays. D’autant plus que le coup d’état s’est fait sans effusion de sang ni violences. Et le Comité National pour la Démocratie et le Développement a promis de très bonnes choses : lutter contre la corruption, revoir la gestion des nombreuses mines (bauxite, fer, or…) assurée par des compagnies étrangères au détriment de la population guinéenne, mettre en place un gouvernement composé de civils et préparer des élections présidentielles pour décembre 2010. Même si cela nous paraît vraiment tard. Mais nous restons très prudents, car déjà en 1984 le président défunt, Lansana Conté, avait fait de belles promesses et nous avons vu à quoi cela a abouti : pouvoir personnel et quasi dictature, népotisme, corruption, pouvoir de l’armée et appauvrissement général du pays. (Mettre un lien avec le message de Noël 2008 de l’Evêque). Il nous faudra donc rester très vigilants, voir ce que le Comité va faire réellement et leur rappeler régulièrement à leurs promesses. En fait, le président de ce Comité semble sérieux, mais l’armée guinéenne est totalement indisciplinée (nous avons vécu plusieurs mutineries ces derniers temps) ; il y règne la violence, les attaques à main armée, le vol, le viol, le pillage et la torture contre les civils, et la drogue. Le Comité sera-t-il capable de réorganiser une telle armée ? Déjà, dès le 2ème jour, le couvre-feu a été suspendu, parce que des militaires en profitaient pour piller magasins et maisons particulières. Et la maison d’un des dirigeants politiques importants du pays, Dallein DIALLO, a été fouillée sans mandat et avec agressivité, trois fois de suite le 1er Janvier par des groupes de militaires.

Ce Comité a sans doute été très imprudent en faisant des promesses au niveau économique qu’il ne pourra sans doute pas tenir. Aussitôt la rumeur a circulé que le prix du carburant allait diminuer de moitié, ce qui aurait entraîné la baisse du prix du riz et des autres produits de première nécessité. Le Comité a été obligé de démentir, d’où des insatisfactions qui risquent de tourner un jour en manifestations et révoltes. A l’inverse, en positif, dès le 30, le Comité a nommé un premier ministre civil reconnu pour son intégrité et son ardeur au travail.

Nous décidons donc d’inviter à la messe du 1er Janvier, Journée mondiale de prière pour la paix, le Comité et de remettre à chacun l’homélie de notre Evêque dès la sortie. Il faut signaler que, bien que la religion chrétienne soit très minoritaire, le président et le 2ème vice-président, sont catholiques et l’on dit même que c’est pour cela qu’ils ont été choisis car, suite à son travail en profondeur, son courage et sa vérité, l’Eglise Catholique est très respectée en Guinée.

Après avoir remercié le président et le comité pour ce qu’ils ont fait de positif, nous allons donc leur rappeler leurs promesses. Nous les assurerons de notre soutien et aussi de notre vigilance. Ensuite, nous lancerons un appel aux différentes couches de la population, adapté à chacune : les partis politiques, les syndicats, les militaires, les jeunes. Puis un appel spécifique aux chrétiens. Et nous offrirons tout cela à Dieu dans la prière.

A plus long terme, nous proposerons un document, demandé par le Comité lui-même, au nom de l’Eglise Catholique, avec nos propositions pour la reconstruction de la société et du pays, sous leurs différents aspects : culturel, économique, social et politique. Nous ferons nos propositions pour la transition et les élections. Mais cela demande un travail approfondi et de longue haleine. (Mettre un lien avec le message du 1er Janvier de l’Evêque).




Quelques renseignements sur la Guinée

Superficie : 245 857 km²

  • Population : environ 9, 3 millions d'habitants, 50% de jeunes de moins de 15 ans et 52% de femmes. Plus de 3 millions de Guinéens vivent hors des frontières de leur pays.

  • Capitale : Conakry, 2 millions d'habitants (estimation)

  • Ethnies : une vingtaine dont les principales sont les Peulhs, les Malinkés et les Soussous.

  • Langues : 8 langues nationales reconnues. Le français est la langue officielle.

  • Alphabétisation : on estime à plus de 70% la proportion d'analphabètes. Les enfants de 12 à 17 ans sont scolarisés à 25%.

  • Religions : Islam à 75%, chrétiens à 8%, religions traditionnelles à 17%.

  • Monnaie : le franc guinéen (1 euro = 7000 francs guinéens)

  • Nature du régime : présidentiel, avec depuis le 30 août 1995, une Assemblée Nationale (non renouvelée)

  • Chef de l'Etat : Lansana CONTE (depuis le 5 avril 1984)

Ouverte sur l'Atlantique par 300 km de côtes, la Guinée est entourée de la Guinée-Bissau, du Mali, de la Côte d'Ivoire, du Libéria et de la Sierra Léone. Quatre régions naturelles s'y découpent : la Basse Guinée au climat tropical, la Moyenne Guinée ou Fouta-Djallon, qui donne naissance au Sénégal et à la Gambie, la Haute Guinée, pays de savane, et la Guinée Forestière, aux grandes précipitations annuelles. Il y a partout d'appréciables possibilités : cultures vivrières et fruitières, élevage de bovins, exploitation de forêts, pêche artisanale et industrielle, souvent freinées par l'insuffisance d'infrastructures. Le sous-sol guinéen regorge de bauxite, de fer, de diamant, de chrome, de manganèse… Alors que les ressources hydroélectriques sont immenses, le manque d'énergie bloque de nombreux projets. Un grand barrage de 75 mégawatts (Garafiri) devait permettre de lancer des industries attendues et d'améliorer les conditions de vie d'une grande partie de la population mais il n'est pas opérationnel.

Repères historiques

La Guinée actuelle faisait partie de l'empire du Mali au 13ème siècle. Après le déclin de l'empire du Mali, se font des essais de reconstitution d'ensembles géopolitiques : le Fouta théocratique du 18ème siècle des Peulhs Almamy et l'Etat musulman d'El Hadj Oumar Tall au 19ème siècle.

A partir de 1875, la colonisation française arrête toutes ses mutations. De 1900 à 1945, elle renforce son administration pour une meilleure exploitation des richesses.

De 1945 à 1958 se précise la lutte de libération nationale à partir de la formation syndicale professionnelle des agents et sous-agents des transmissions de Guinée. Sékou Touré et le Parti Démocratique organisent l'accession du pays à l'indépendance.

2 octobre 1958, l'Indépendance : le 28 septembre 1958, la Guinée répond "non" à 94, 4% au référendum du Général de Gaulle. Le 02 octobre suivant, elle proclame son indépendance.

Camp Boiro est une prison construite en 1962 dans le camp de la Garde Républicaine de Camayenne. Conçue pour l'internement des prisonniers politiques, elle a vu passer, estime-t-on, de 10 000 à 30 000 victimes entre 1965 et 1984. Monseigneur Tchidimbo y vécut 8 ans et 8 mois, de 1970 à 1979. Ce pénitencier politique était aussi le siège du comité révolutionnaire du parti.

Le 27 août 1977 à Conakry, Kindia, Nzérékoré, les femmes guinéennes se soulèvent contre Sékou Touré et son pouvoir totalitaire en décrépitude.

Le 03 avril 1984, c'est l'avènement de la Deuxième République grâce à la prise du pouvoir par l'armée nationale, une semaine seulement après la mort de Sékou Touré. Le 3 avril a été proclamé fête nationale.




La situation du pays en juillet 2008

Dans la circulaire de février 2008, je vous disais que la situation du pays s'était bien améliorée. En effet, il y avait eu une entente entre les syndicats qui avaient déclenché une grève générale et le Président de la République et son camp. Celui-ci avait accepté de prendre un Premier ministre parmi les quatre proposés par la société civile des accords étaient signés pour un meilleur fonctionnement du pays un comité de suivi était mis en place regroupant des syndicats, des partis politiques, des représentants de la société civile, le patronat et des "sages", anciens des représentants des différentes ethnies du pays, pour suivre l'évolution du pays. Un comité de veille a été également mis en place, composé des différents chefs religieux chrétiens et musulmans, pour veiller à ce que tout se passe bien, dans le respect des accords signés. Tout cela avait été payé très cher beaucoup de souffrances et de morts, en particulier 186 morts civils qui manifestaient pacifiquement en janvier 2001. Nous espérions que le pays allait pouvoir à nouveau redémarrer, malheureusement il n'en a rien été. Pourquoi?

D'abord à cause du contexte international. Comme vous le savez, le prix du pétrole a augmenté d'une façon délirante et en Guinée quand le prix du pétrole et donc du carburant augmentent, tout augmente non seulement le cout des transports mais tous les produits. D'ailleurs au niveau international, le riz et les céréales en général ont également augmenté. Or la Guinée importe au moins la moitié du riz qu'elle consomme et qui est la nourriture de base. Cela coute de plus en plus cher aux gens de nourrir leurs familles et de nombreuses personnes ne font qu'un seul repas par jour.

<>Le Gouvernement mis en place a fait de son mieux pour améliorer les recettes et mieux diriger le pays, l'inflation a baissé, le pays avait retrouvé la confiance des ONG et des Organisations internationales. Mais cela n'a pas suffi à compenser les hausses des différents produits les gens sont devenus de plus en plus pauvres et de plus en plus malheureux. D'autant plus que les nouveaux responsables ont fait des promesses trop hâtives et trop optimistes qu'ils n'ont pas pu tenir, par ex. pour installer l'électricité et l'eau courante dans les quartiers. Cela a beaucoup découragé les populations de plus ce manque d'eau est très grave il n'y a pas d'eau potable, même dans la capitale dans de nombreux quartiers, les caniveaux sont à ciel ouvert, les égouts sont bouchés et l'on est en pleine saison des pluies. Résultat, l'année dernière on avait recensé 8.500 cas de choléra et 310 décès annoncés officiellement en fait, il y en a eu beaucoup plus. Cette année, au 18 Juillet, on avait recensé 89 cas et 29 morts signalés et il y a beaucoup de cas qui ne sont pas signalés, en particulier ceux qui meurent dans les villages et même en ville car les familles ont peur de signaler les décès de leurs membres par crainte de punition.

Par ailleurs, le Président est gravement malade depuis plusieurs années et donc incapable de diriger le pays, mais il n'a pas accepté de laisser le pouvoir et il est entouré de tout un clan de personnes qui veulent elles aussi rester au pouvoir, à cause de tous les avantages qui l'accompagnent et des gains qu'elles peuvent faire, la plupart du temps d'une façon illicite à coups de pots de vin ou de corruption.

Comme la situation ne s'améliorait pas, les syndicalistes ont voulu relancer une nouvelle grève générale au jour anniversaire, donc un an après la grève précédente, mais le comité de suivi a réussi à les en dissuader. En effet, il y a eu trop de morts l'année dernière et les grèves ont été l'occasion de violences de toutes sortes, et de casses qui coutent très cher au pays et ont encore augmenté les problèmes économiques. En arrêtant ce projet de grève générale, de nombreux morts ont été évités mais les problèmes, eux, n'ont fait qu'augmenter. Finalement, il y a 2 mois le Président a renvoyé le Premier Ministre pour mettre à sa place un de ses anciens ministres. On est donc revenu à la case départ. Bien pire, les problèmes ont à nouveau éclaté, les militaires se sont mutinés en demandant le paiement immédiat et total de 5 millions de francs guinéens, soit plus de 800 euros, ce qui est énorme pour le pays. Cette somme leur avait été promise depuis de nombreuses années mais n'avait jamais été payée, ce sont des retards qui se sont accumulés et qui deviennent maintenant beaucoup trop lourds. Comme les militaires ont des armes, leur demande a donc été acceptée, sans tenir compte de la situation dramatique du pays et sans penser à tous ceux qui dans le pays n'ont aucun salaire ni avantage et doivent se débrouiller comme ils peuvent pour nourrir leurs enfants en faisant des petits métiers ou en comptant sur la débrouillardise. Il faut dire que suite à la dictature de Sékou Touré qui avait complètement désorganisé l'armée et ensuite à cause de la guerre au Sierra Léone et au Libéria et des invasions rebelles en Guinée, l'armée guinéenne est complètement désorganisée, sans discipline et même sans sens civique ni conscience et beaucoup de militaires d'ailleurs se droguent, ce qui fait qu'ils ne savent plus ensuite se maitriser. Ainsi les mutins ont séquestré l'adjoint du Chef d'état major, ils ont demandé à monter en grade pour tous, systématiquement, et en plus ils ont réclamé qu'on leur donne du riz en quantité importante à 10 % du prix de vente officiel. Souvent ce riz ils vont le revendre au marché au prix fort, ce qui entraine des protestations de la population. Mais beaucoup plus grave, au cours de cette mutinerie les militaires ont demandé l'impunité et surtout ils ont fait libéré les militaires qui avaient été arrêtés l'année dernière pour avoir tiré sur la foule. Ceci est très grave, c'est l'impunité totale qui s'étend, la Guinée n'est plus un pays de droit et les gens perdent de plus en plus tout sens civique et moral. Les soldats mutins sont sortis en ville en tirant en l'air, en causant ainsi la mort de nombreux civils dans les quartiers: ils en ont profité pour piller les magasins et un marché tout entier et pour violer des femmes et des jeunes filles. Tout cela a évidemment plongé le pays dans un très grand désarroi et entrainé beaucoup de souffrances et de découragements de la population.

En suivant l'exemple des militaires, les policiers et les pompiers sont partis eux aussi en grève pour demander à leur tour des augmentations de salaires et une montée en grade pour tous. Cela n'a pas plu aux militaires qui voulaient garder leurs privilèges pour eux seuls, et ils se sont battus entre eux. De plus les policiers avaient intercepté une livraison importante de drogue, entrée bien sur illégalement dans le pays, qui était destinée à ces militaires. (En effet la Guinée devient de plus en plus une plaque tournante pour la drogue et un lieu de passage entre l'Amérique du Sud et l'Europe). Les militaires ont donc attaqué les policiers et en ont tué une trentaine.

Début Juin, les enseignants ont annoncé eux aussi une grève générale, demandant à leur tour des augmentations de salaire et d'autres avantages. Les examens ont du être reportés et, par la suite, les résultats ont été annulés à cause de nombreuses fraudes, beaucoup d'élèves possédaient les sujets avant les examens, ces sujets étant d'ailleurs vendus sur la place publique. Finalement on a accepté aussi les demandes des enseignants pour qu'ils acceptent de reprendre les examens. En voyant cela, les agents de la santé, à leur tour, ont annoncé un mouvement de grève.

Mais où le pays va-t-il trouver tout cet argent? Et si les promesses ne sont pas tenues, nous allons vivre des tensions, des manifestations encore plus dramatiques et la situation du pays ne va faire qu'empirer. Voici donc la situation dans laquelle nous nous débattons actuellement, et bien sûr ça n'est pas facile de maintenir la paix, de redonner à la fois espérance et éducation à la population. Et encore une fois, tous ceux qui manifestent ainsi et partent en grève, ce sont des fonctionnaires et des salariés. Même si les salaires sont très bas, ils ont quelque chose pour vivre. Mais que vont faire les paysans qui eux ne sont pas salariés, ne reçoivent aucune aide ni, bien sûr, aucune augmentation de salaire. C'est surtout à tous ceux-là et à ceux qui n'ont pas de travail régulier ?ils sont la majorité- que nous pensons avec émotion et que nous essayons d'aider, en particulier par le travail des deux commissions dont je suis responsable: "Justice et Paix" et "Pastorale sociale". Mais nos moyens sont très limités. (Vous pouvez trouver plus de détails sur l'action de ces deux commissions sur mon site aux rubriques "Justice et Paix" et "Pastorale sociale"). Actuellement la situation est donc très tendue dans le pays, nous sommes très inquiets pour l'avenir car les gens sont à bout de nerfs et les syndicats au bout du rouleau. Nous sommes à la limite de la guerre civile.




La situation du pays en janvier 2009

Depuis le coup d’état la situation est calme. Peu à peu les différentes couches de la population ont rejoint les militaires responsables du coup d’état. Ceux-ci ont mis en place un gouvernement dirigé par un premier ministre civil mais avec 10 ministres militaires , aux postes importants : intérieur, sécurité mais aussi économie, douanes etc..Ils affirment vouloir mettre de l’ordre dans le pays, lutter contre la corruption, remettre la population au travail. Ce dont le pays a bien besoin. Les gouvernements étrangers , sauf celui du Sénégal, ne reconnaissent pas le pouvoir guinéen actuel parce qu’il est issu d’un putsh militaire. Mais la population le soutient.

De notre part, nous restons vigilants pour que le cap soit maintenu et les promesses réalisées, spécialement en faveur des couches les plus pauvres de la population et du monde rural. Qu’un véritable état de droit se mette en place et que l’impunité et les injustices passées cessent. En particulier de » la part desn militaires.Et puisqu’on nous l’a demandé, nous préparons nos propositions pour une nouvelle constitution et une nouvelle organisation de la société guinéenne, en nous appuyant sur les principes de la doctrine sociale de l’Eglise. C’est un gros travail qui demande beaucoup de réflexion mais aussi d’engagement de la part des chrétiens. D’autant plus que le chef d’état est chrétien (alors que le pays compte 90 % de musulmans) et que l’Eglise vu son engagement passé suscite beaucoup d’espoir. Là encore il ne faut pas décevoir. Pensez à nous et priez pour nous.

Tout cela ne nous empêche pas de rester attentifs à tout ce qui se passe dans le monde, au Congo, en Somalie, et toujours en Irak et en Afghanistan. Nous sommes révoltés par l’attitude inhumaine d’Israel qui ne sert qu’à fabriquer encore plus de terroristes, palestiniens et autres, sans aucun souci des souffrances des populations civiles. Nous sommes scandalisés par le fait qu’on trouve des milliards d’euros pour les banques irresponsables et les industries occidentales, mais rien pour le Tiers Monde, où les problèmes essentiels de la faim, de la santé et de l’éducation ne sont pas résolus. Vraiment, un homme ne vaut pas un homme malgré toutes les belles déclarations que nous avons signées. A chacun de faire quelque chose pour que ça bouge un peu là où il vit.

Avec toute mon amitié




Agrocarburants : une faim en soi ?

Je reste toujours très inquiet en voyant la culture des bio-carburants se développer.

En qualifiant les agrocarburants de « crime contre l’humanité », Jean ZIEGLER, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation a jeté un pavé dans la mare. Selon une note de la Banque mondiale, l’accroissement de la production de biocarburants a contribué en partie à la flambée des prix alimentaires, dépassant les 83 % en seulement 3 ans ! Cette inflation débouchant sur des « émeutes de la faim » est renforcée par le changement de destination de centaines de millions d’hectares de terres arables. Ainsi dans les pays sous-développés, on va cultiver des biocarburants pour l’Europe et il n’y aura plus assez de terre pour produire à manger ! (Revue « Réagir », campagne 28). Selon la Direction générale « Agriculture » de la Commission européenne, pour atteindre l’objectif de 10 % d’incorporation en 2020, 15 % des terres arables devront être occupées par des cultures énergétiques. Aux Etats-Unis, 25 % du maïs cultivé est désormais dédié aux agrocarburants, quand 60 % du colza français a été transformé en 2007 en biodiesel….

Pour atteindre cet objectif, les pays européens réduisent déjà leurs exportations alimentaires ou importent des agrocarburants ou de l’huile de palme des pays du Sud. La concurrence entre agrocarburants et alimentation entraîne une multiplication des tensions géopolitiques. Selon l’association Greenpeace, un véhicule diesel moyen correspondrait aux besoins alimentaires annuels de trente personnes !!!

Un environnement peu favorable aux « agros »

La production d’agrocarburants se fait à grand renfort d’engrais, de pesticides et à l’aide d’une irrigation menaçant les ressources en eau. Pollutions des sols et de l’eau, monoculture et remembrement, impact sur les milieux naturels et les espèces inféodées à une certaine diversité agricole… prorogent un système agricole productiviste bien connu pour ses effets délétères.

Pire, l’emprise de ces cultures grignote les milieux naturels. L’expansion du soja et de la canne à sucre au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique du Sud, ainsi que l’expansion des plantations des palmiers à huile en Indonésie et dans d’autres pays de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique, ont été une des causes directes les plus importantes de la destruction des écosystèmes forestiers qui contiennent la plus grande diversité biologique de la planète. Une augmentation croissante de la demande en agrocarburants fait craindre une aggravation de ces processus et de l’impact social sur les communautés indigènes.




Putch à la mort de Conté

Déclenchement

22 décembre 2008 à 18h45 : Mort du président guinéen, le général Lansana Conté.

Le Premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré, le président de l'Assemblée nationale Aboubacar Somparé, le chef des forces armées Diarra Camara et d'autres hauts responsables sont apparus dans la nuit à la télévision nationale à l'annonce de sa mort.

"J'ai la lourde tâche de vous informer avec une profonde tristesse du décès du général Lansana Conté, président de la République de Guinée, à la suite d'une longue maladie", a déclaré Somparé, qui a demandé à la Cour suprême (présidée par Lamine Sidimé) de le nommer chef de l'Etat par intérim, conformément à l'art 34 de la Constitution. Il serait alors chargé d'organiser une élection présidentielle dans un délai de 60 j pour trouver un successeur à Conté, qui n'a jamais désigné de "dauphin".

Du 23 au 26 DECEMBRE

"L'armée obéissait à Conté. Maintenant qu'il n'est plus là...", s'inquiétait un journaliste...

23 décembre 07h30 : la Radio Nationale passe un communiqué «de l’Armée Guinéenne» qui suspend la Constitution et dissout le gouvernement Souaré. Le même communiqué lu par un certain Capitaine Moussa Dadis Camara annonce la formation d’un prochain gouvernement « ethniquement équilibré », un Conseil de la Démocratie et du Développement (CNDD).

23 décembre 20h00 : après des discussions entre militaires loyalistes et les putschistes, regroupés au camp Alpha Yaya Diallo : Diffusion à la radio nationale du Communiqué N° 6 portant la liste des membres du Conseil National de la Démocratie et du Développement .

1- Capitaine Moussa Dadis Camara Porte-parole (chargé de la gestion des carburants des armées)
2- Gal de Bridade Mamadou Camara (CEMAT)
3- Colonel Sékouba Konaté (cdt du BATA)
4- Lt-colonel Mathurin Bangoura
5- Lt-colonel Aboubacar Sidiki Camara
6- Commandant Oumar Baldé
7- Commandant Mamadi Mara
7- Commandant Almamy Camara
8- Lieutenant Mamadou Bhoye Diallo
9- Capitaine Kolako Béavogui
10- Lt-colonel Kandia Mara
11- Colonel Sékou Mara
12- Morciré Camara
13- Alpha Yaya Diallo
14- Lt-colonel Mamadou Korka Diallo
15- Capitaine Kéléti Faro
16- Lt-colonel Fodéba Touré
17- Commandant Cheick Tidiane Camara
18- Colonel Sékou Sako
19- St lieutenant Claude Pivi
20- Lieutenant Saa Alphonse Touré
21- Moussa Kéïta
22- Aédor Bah
23- Commandant Bamou Lama
24- Mohamed Lamine Kaba
25- Capitaine Daman Condé
26- Commandant Amadou Doumbouya
27- Lieutenant Moussa Kékoro Camara
28- Adjudant-chef Issa Camara
29- Lt-colonel Abdoulaye Chérif Diaby
30- Docteur Diakité Aboubacar Chérif
31- Mamadi Condé
32-Sous-lieutenant Cheick Ahmed Touré

Commentaire 1 : composé essentiellement de soussous et malinkés, 4 peuls seulement.

Commentaire 2 : Les militaires se concertent et parallèlement consultent certains leaders politiques et de la société civile en catimini. L’unanimité semble avoir été obtenue entre ‘’putschistes’’ et ‘’loyalistes’’, la tendance est : l’armée doit garder le pouvoir pour assurer une transition ouverte sur la démocratie...

NB : on sait par ailleurs que Ousmane Conté a été exfiltré au prétexte d’un problème de santé..

24 décembre : Les putchistes, maîtres de la présidence, de la primature et de la RTG contrôlent la situation, les populations restent calmes, le 1er ministre et Diarra Camara, chef d’EM Armées se sont repliés camp Samory.

A la RTG, le CNDD dénonce l’arrivée de «mercenaires» dans le pays. Il affirme ne pas vouloir s’éterniser au pouvoir et promet des élections en 2010.

24 décembre soir : Le capitaine Moussa Dadis Camara se proclame nouveau président.

25 décembre : le 1er ministre et son gouvernement font allégeance aux putchistes.

26 décembre : Funérailles de Lansana Conté : il apparaît maintenant que l’ensemble des acteurs guinéens (contrairement à l’OUA et l’UE) s’est rallié aux putchistes et à leur chef dont on sait maintenant qu’il est né il y a 44 ans, fils d’un paysan de Kouré (préfecture de Lola près de Nzérékoré).

Bio : Etudes primaires et secondaires à N'zérékoré (baccalauréat scientifique au lycée Samory Touré)
En 1986, il fait ses études supérieures à l’université de Conakry où il obtient une maîtrise en Economie Finances.
En 1990, Dadis Camara intègre l’armée guinéenne avec le grade de caporal. Il effectue ses premiers services au génie route de Sangoyah avant d’être muté comme chef section carburant de l’armée. Il quitte ce poste en 2004 pour suivre une formation en gestion pendant un an et demi en Allemagne. A son retour, par un décret du 14 novembre 2008 dernier, Moussa Dadis Camara est nommé au cabinet du ministre de la Défense comme directeur du service des essences de l’armée.
Moussa Dadis Camara a été un des principaux meneurs de la dernière mutinerie militaire de 2008. Ses proches le qualifient de généreux, intransigeant, intègre, courageux et travailleur. Il est chrétien, marié et père de famille. Il parle le Kpèlè, le soussou, le malinké, le français et l’allemand.

L'inter centrale, à l'origine du mouvement de contestation social qui a ébranlé la Guinée en juin 2006 et jan-fév07 (mais avait 2 ministres dans les 2 derniers gouvernements de Lansana Conté)"se réjouit et félicite l'Armée à travers le CNDD pour son adhésion au processus de changt initié par l'inter centrale et soutenu par notre peuple".
Les leaders syndicaux, se disant convaincus de "l'inviolabilité des conventions 87 et 98 de l'OIT" demandent à la CNDD qui reconnaît et respecte les accords et engagements signés par la Guinée avec les nations unies, l'union européenne et la CEDEAO".
Par ailleurs, le syndicat "invite le CNDD, conformément à son communiqué n°1, à prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l'instauration d'un État de droit ; d'une justice pour tous ; la révision des conventions minières dans l'intérêt supérieur du peuple ; la lutte contre l'impunité la corruption, la drogue, l'insécurité, la mal gouvernance et l'ethnocentrisme ; et la poursuite de tous les prédateurs de l'économie nationale".
Enfin, l'inter centrale "demande que toute la lumière soit faite sur les tueries de juin 2006 et janvier-février 2007" ; et, "l'instauration d'une plate forme nationale de dialogue avec tous les acteurs socio-politiques en vue de la poursuite du processus du changement".

Contexte récent

L’état de santé du président s’étant progressivement dégradé depuis 2002, il résidait souvent dans son village de Wawa (80 km de Conakry) mais affirmait vouloir rester au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat, en 2010.
« Je suis le chef, les autres sont mes subordonnés » assénait-il en juin 2007, tout en assurant que « l’essentiel » pour lui, c’était « le bonheur du peuple de Guinée ».
Pourtant, en janvier et février 2007, les grandes manifestations populaires hostiles au « système Conté » et aux « prédateurs de l’économie nationale » avaient été sévèrement réprimées: les ONG avaient dénombré 186 morts et 1.200 blessés, et en novembre 2008, au moins quatre personnes ont été tuées, selon Human Rights Watch, dans la banlieue de Conakry agitée par des manifestations, où les forces de sécurité ont parfois tiré à balles réelles.

Lansana Conté en bref

Né en 1934 (?) à Moussayah Loumbaya, non loin de Conakry, Lansana Conté est issu de l’ethnie des Soussou (représentant environ 20% des 9, 6 millions d’habitants).
Fils de paysan, rapidement devenu « enfant de troupe » après un passage à l’école coranique, il est formé à Bingerville (Côte d’Ivoire) et Saint-Louis (Sénégal). Incorporé en 1955 et envoyé en Algérie, il quitte l’armée française avec le grade de sergent lorsque la Guinée devient indépendante en 1958.
Il participe en Guinée-Bissau à la guerre de libération contre les colons portugais et gravit les échelons de l’armée.

Lorsque le coup d’Etat se produit dans la nuit du 2 au 3 avril 1984, le colonel Conté est porté au pouvoir parce qu’il est le plus gradé des putschistes. Succédant à Sékou Touré, leader progressiste devenu dictateur paranoïaque, il déçoit rapidement les espoirs des démocrates.
Il prend définitivement appui sur l’armée pour asseoir son autorité, qui résistera notamment à une tentative de coup d’Etat en juillet 1985 et à une mutinerie de soldats meurtrière en février 1996.
En 1990, il fait adopter une nouvelle Constitution prévoyant le multipartisme. Mais les élections ne seront jamais ni libres ni transparentes. Il est élu puis réélu président dès le premier tour en 1993 et 1998, lors de scrutins contestés par l’opposition et la communauté internationale.
L’opposition boycotte le référendum de novembre 2001 sur la réforme constitutionnelle qui autorise une sorte de «présidence à vie», puis le scrutin présidentiel de 2003: le chef de l’Etat est alors réélu dès le 1er tour avec 95, 63% des voix, face à un unique adversaire.

Pour gérer son pays, il opte en 1985 pour le libéralisme économique, après 26 ans d’économie centralisée.
Le président et ses proches ont cependant gardé la haute main sur les affaires de cette Guinée riche en minerais (bauxite, fer, or, diamants...) mais minée par la corruption et classée 160e sur 177 au classement du développement humain de l’ONU.
« Le premier problème du pays est le président Conté lui-même et son clan. Sa vision militaire et prédatrice de l’exercice du pouvoir est anachronique », écrivait en juin l’organisation International Crisis Group (ICG), jugeant que son dernier mandat était « une catastrophe économique et sociale ». L’ONG dénonçait «le vol systématique des ressources publiques dans les rouages de l’Etat guinéen» et «l’infiltration présumée des forces de sécurité et de la garde présidentielle par des réseaux transnationaux de trafiquants de drogue».

Biographie

LANSANA CONTÉ est d’origine modeste : de l’ethnie soso, de religion musulmane, il a commencé son éducation dans une école coranique locale, puis à l’école primaire de Dubréka, avant de la poursuivre, d’abord en Côte d’Ivoire, à l’école militaire préparatoire Bingerville, puis au Sénégal, au collège militaire de St Louis

Il a connu ensuite une carrière militaire brillante, parcourant tous les échelons, jusqu’au grade d’Officier général :
Engagé dans l’Armée française en 1955, il est envoyé en Algérie en 1957,
en décembre 1958, accession de son pays à l’indépendance, libéré de la colonisation de la France, il rentre au pays pour intégrer les rangs de l’éclatante Armée guinéenne, avec les galons de sergent.

En 1962, il est transféré au centre d’instruction d’artillerie du 2ème Bataillon à Kindia, après avoir quitté l’Ecole pour fonctionnaires de camp Alpha Yaya, à Conakry. En 1963, il passe sous lieutenant et, en 1965, lieutenant. En 1968, il a pris son service à l’arsenal Zérékoré avant de réintégrer, une année après, son bataillon à Kindia. En mai 1970, devenu Capitaine, il fait son entrée à l’Etat-major général interarmées uni de Conakry, et en novembre de la même année, il participe à la défense de la capitale contre l’invasion des mercenaires venus de la Guinée portugaise (actuelle Bissau), prétendant renverser le régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré.

En juin 1971, à titre de colonel, il est désigné commandant de la 5ème Région militaire de Boké et, en cette qualité, il prête assistance aux guérillas indépendantistes de la colonie portugaise.
Assoiffé des connaissances, en 1974, il se rend dans la capitale biélorusse de Minsk en URSS, pour un cours technique. En mai de l’année suivante, il est promu Commandant adjoint de l’Etat-major de l’Armée de Terre.
S’intéressant à la politique et à la diplomatie de son pays, il a conduit en 1977 la délégation guinéenne dans les négociations en vue de résoudre le conflit frontalier opposant la Guinée Conakry à la Guinée Bissau. En 1980, il a obtenu la députation dans la liste unique du Parti Démocratique de Guinée.

Avec la complicité et le respect de l’armée nationale, le 3 avril 1984, soit une semaine après le décès du Président Sékou Touré dans une clinique de Cleveland, aux Etats-Unis, il devient Président de la République, à l’issue d’un coup d’Etat réalisé sans effusion de sang. Ce coup d’Etat a été accueilli avec allégresse par la population et la grande diaspora guinéenne (environ 2.000 000 personnes).

Ainsi, le 05 avril, il est proclamé Président de la IIème République. Dans ses premiers actes majeurs, on cite la formation du comité militaire de récupération nationale (CMRN), la dissolution du PDG et de l’Assemblée nationale, la suspension de la constitution et la libération d’un millier de prisonniers politiques.

Homme de décision, il décrète le 23 mai, que le pays cessait d’être appelé République Populaire Révolutionnaire de Guinée et le baptise de l’ancien nom qu’il portait à l’indépendance en 1958, la République de Guinée. Ayant dénoncé le régime déchu d’être « une dictature inhumaine et sanglante », il n’a pas versé dans la persécution générale, comme on pouvait le craindre, par contre, magnanime, il a gracié, le 15 mai, une trentaine de ministres, officiers de l’armée et hauts fonctionnaires loyaux à Touré, qui avaient été arrêtés le jour du coup d’état.

Bref, une rupture de style avec l’ordre précédent parce que Lansana Conté s’est entouré des jeunes fonctionnaires, qui avaient en commun leur formation en URSS et un sens des réformes nécessaires au pays, contrairement à la vieille garde de fonctionnaires épuisés dans les guerres d’Algérie et d’Indochine, avec l’Armée française...

Son nouveau pouvoir n’aura de véritables ennemis que de l’intérieur : pour résoudre un conflit l’opposant à son premier ministre, Diarra Traoré, son ancien compagnon putschiste, il supprime le poste de la primature, le 18 décembre, reléguant cet ami au Ministère de l’Education.

Le 04 juillet 1985, pendant qu’il assistait à un sommet de la CEDEAO, dont il avait hérité la présidence annuelle, à Lomé, au Togo, Diarra Traoré en a profité pour perpétrer un coup d’Etat. Le retour précipité du Président fit tourner cette initiative en échec, entraînant l’arrestation et l’exécution des conjurés. Le lendemain, 05, saisissant cette occasion, il est proclamé Général de Brigade et en avril 1990, il prend le grade de Général de corps d’Armée

Il faut dire que cette exécution des conjurés a conféré une connotation ethnique au conflit, puisque Traoré, tout comme Sékou Touré, était un malinké, et qu’il avait maintenu la vision pro-occidentale modérée inaugurée par Touré durant les dernières années de sa présidence. Cette vision a été changée pour un modèle économique libéral qui a reçu l’approbation du FMI et qui a ouvert les portes à la concession d’importantes aides financières et la remise d’une partie de la dette extérieure.

Prudent, il amorce un processus transitionnel, en 1990, alors que la majorité des pays de la région sont dominés soit par des formations militaires soit par un parti unique, d’une durée de 5 ans, pendant laquelle aucune interférence de l’opposition civile n’est admise, comme l’a prouvé la répression violente des quartiers contestataires de septembre 1991.

epuis lors, de grands changements sont arrivés. Le 23 décembre 1990, la loi fondamentale est adoptée par référendum ; le 16 janvier 1991, le CMRN est remplacé par le Comité Transitaire de Récupération Nationale (CTRN présidé et composé à partie égale par civils et militaires) ; le 3 avril 1992, la loi consacrant le pluralisme politique est promulguée ; le 19 décembre 1993, dans un climat de violence et de confusion, avec le boycottage préconisé par quelques formations politiques, sont organisées les élections présidentielles, qu’il remporte, avec 50, 9% des votes, devant Alpha Condé, du Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG), et de Mamadou Bah, de l’Union par la Nouvelle République (UNR).

Poursuivant les réformes, il dissout le CTRN et devient, en tant que civil, Président de la République pour un mandat de cinq ans. Il a ainsi suivi l’exemple d’autres officiers militaires qui, comme lui, sont arrivés au pouvoir par la force durant les années quatre-vingts et qui, une décennie après, se sont reconvertis en présidents civils avec légitimité constitutionnelle, tels Blaise Compaoré, le Burkinabé, Jerry Rawlings, le Ghanéen, ou plus récemment, Yahya Jamme le Gambien et Ibrahim Baré Maïnassara, le Nigérien, dont le passage au pouvoir fut dramatique.

Le 11 juin 1995, son parti politique, le PUP, Parti pour l’Unité et le Progrès remporte les élections législatives, les premières élections multipartites dans l’histoire du pays, en gagnant 71 sur 114 sièges. L’opposition a rejeté ces résultats, alléguant la fraude, dénonciation partiellement renforcée par les observateurs internationaux qui ont admis l’existence des irrégularités, mais pas de nature à affecter les résultats finaux.

Aux secondes élections présidentielles du14 décembre 1998, il est réélu Président de la République, une réédition de 1993, a-t-on dit : 54, 1% des votes, sur un fond d’intimidations et d’opacité d’informations. Il faut dire que cette réélection de Lansana Conté, avant Bah et Condé qui occupaient, inversement aux premières élections, le deuxième et le troisième postes, n’a pas plu et a été timidement critiquée par les observateurs internationaux.

Les élections ont démontré à nouveau l’alignement du vote selon des critères ethniques, puisque les Sussus (20% de la population) ont été mobilisés par Lansana Conté, les Malinkés (30%) par Conde et les peuhls (40%) par Bah.

Sa politique extérieure, il la mène selon les conflits frappant les pays limitrophes et ceux membres de la CEDEAO, pendant les années quatre-vingt-dix, entraînant des perturbations des flux commerciaux :

Le 23 octobre 1997, il préside, à Conakry, un accord de paix entre les militaires putschistes de Sierra Leone et la CEDEAO, destiné à restituer au poste le Président civil renversé qui avait été accueilli en Guinée, Ahmad Teejan Kabbah. La négociation ayant échoué, les troupes de la CEDEAO ont dû appliquer l’accord manu militari, jusqu’à obtenir la prise de Freetown et le retour triomphal, le 10 mars 1998 de Kabbah, accompagné par Lansana Conté et d’autres Présidents de l’Organisation.

En juin 1998, il envoie, tout comme le Gouvernement sénégalais, un contingent en aide au Président de Guinée Bissau, Joao Bernado Coquille Saint-Jacques, qui faisait face à sa rébellion militaire.
En novembre 1998, à Conakry, avec Kabbah et le Président libérien, Charles Taylor (celui qui, à plusieurs reprises, a accusé le Gouvernement guinéen d’accorder un appui logistique aux incursions armées des rebelles depuis le territoire guinéen), il signe un traité de grande importance destinée à réduire les tensions politiques régionales et à renforcer la coopération économique entre les trois pays, qui, en marge de la CEDEAO, composent un forum de consultation intergouvernemental, l’Union de la Rivière Main.

Cette collaboration a été éprouvée en septembre 2000. Lorsque des troubles aux frontières guinéennes dus à des bandes d’insurgés provenant de deux pays ont dépassé l’armée de la Guinée qui ne parvenait pas à les contenir. Devant la gravité des incursions, la CEDEAO a décidé, en décembre, d’expédier des troupes des quatre pays membres pour assister l’Armée guinéenne. Mais, en félin, Lansana Conté, a décliné cette offre, et réglé la question de façon radicale, avec une stratégie militaire qui a étouffé la rébellion dans l’œuf. Depuis tant bien que mal, il a réussi à maintenir la Guinée hors de l’œil du cyclone. La formation de rangers avec l’appui des USA, a consolidé l’action de l’armée nationale dans la lutte contre la déstabilisation du pays.

Réélu, malade, en 2003, Lansana Conté connaît un mandat difficile, avec la pauvreté chevillée au corps des populations. Une situation aggravée par une récession sans précédent amplifiée par un franc guinéen glissant.

Celui que l’histoire considérera comme le « père de la démocratie guinéenne », meurt à 74 ans.




Présentation de la Guinée : Contexte et généralités

Depuis l’année 2000, la Guinée connait un contexte socio-économique particulièrement difficile en raison, entre autres, des incursions rebelles, des diverses tensions dans les pays limitrophes (Sierra Leone, Liberia, Côte d'Ivoire), d’une faible gouvernance et gestion des ressources publiques, et de fait, d’un manque de confiance des investisseurs privés. La détérioration du climat socio-économique est marquée par une aggravation de l'Indice de pauvreté passant entre 2002 et 2005 de 49, 2% à 53, 6%, un taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) par habitant négatif de 2002 à 2004, de 0, 1% en 2005 et de 0, 9% en 2006, l'aggravation du déficit budgétaire, la dépréciation continue du Franc guinéen (GNF) et une forte poussée inflationniste de 6% en 2002 à 35% en 2006 et de 15% en 2007, avec pour corollaire une perte de pouvoir d'achat des populations. La conséquence a été également un report du Point d'achèvement de l’Initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés (IPPTE), la suspension fréquente de plusieurs projets de développement, ainsi qu’une baisse drastique des investissements dans les secteurs de l’agriculture, des mines et de la pêche. La croissance de l’insécurité alimentaire et de la vulnérabilité a occasionné des tensions sociales de mars 2006 à juin 2008.

De fait, la Guinée figure actuellement parmi les pays les plus pauvres du monde. Le Produit national brut (PNB) par habitant s’est établi à 381 USD en 2006 et l’Indice de développement humain (IDH) à 0, 456. Le pays occupe le 160ème rang sur 175 pays classés par le PNUD en 2007/2008. Le taux d’alphabétisation des adultes s’élève à environ 30%. En 2005, l’espérance de vie à la naissance était de 54 ans, la mortalité des enfants de moins de 5 ans de 91‰ ; 35% des enfants de moins de 5 ans étaient malnutris. L’insécurité alimentaire et la malnutrition des enfants sont devenues des problèmes structuraux. Plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, estimé à 196 USD par personne et par an ; environ 20% en situation d’extrême pauvreté. La pauvreté est un phénomène essentiellement rural, environ 60% de la population rurale étant pauvre. Celle-ci contribue pour 87% à la pauvreté globale et à 90% de l’extrême pauvreté. La pauvreté rurale est causée par la faible rentabilité de l’agriculture et l’absence d’autres activités génératrices de revenus. En dépit des progrès accomplis, il existe encore des grandes disparités entre le milieu rural et urbain en matière d’accès aux services de base (éducation, santé, eau potable, assainissement, information) et à l’habitat amélioré. Dans la stratégie de lutte contre la pauvreté, plusieurs facteurs militent donc en faveur d’une croissance économique portée par le secteur agricole.




La situation du pays Mai 2009

Les choses continuent à évoluer en Guinée. Le C.N.D.D. (Comité National pour le Développement et la Démocratie), composé des militaires qui ont pris le pouvoir fin décembre, continue de lutter efficacement contre la drogue et la corruption, et cherche à remettre le pays en état de marche. Cela est positif.

Beaucoup d’affaires passent en direct à la télévision. Et l’on n’hésite pas à y convoquer aussi bien les responsables étrangers des grosses sociétés minières que les ministres actuels ou anciens et à les accuser en public. Ce qui plaît beaucoup à la population (on appelle cela le « Dadis show », Dadis étant le prénom du président), et augmente la popularité du président et du CNDD, mais cela tourne souvent à des attaques très violentes, car le président est très coléreux. De plus, même si les personnes sont fautives, il ne s’agit pas d’un jugement équitable. Pour la population, les personnes qui passent ainsi à la télévision sont considérées comme coupables. Les droits des gens ne sont pas respectés et, ensuite, on ne sait même pas si elles peuvent bénéficier d’un vrai jugement. Car on n’en parle plus

Même chez les militaires, où nombreux sont ceux qui sont impliqués dans des affaires de drogue ou de brigandage. Et c’est sûr que le premier nettoyage et changement de mentalité seraient à faire au sein de l’armée. En tout cas, le président a été obligé d’interrompre au dernier moment un voyage en Lybie. Suite à cela, on a demandé à tous les corps d’armée de jurer fidélité au président et au CNDD, sur la Bible et le Coran, et de promettre d’arrêter toutes les formes de pillage et de vagabondage. Cette manière de faire peut étonner, mais il est vrai que la Guinée est un pays de croyants, à majorité musulmane ; et que cette façon de faire paraît normale.

Cela ne suffit pas pour ramener la sécurité dans le pays. Il y a encore beaucoup de vols avec attaques à main armée. La dernière vient d’avoir lieu dans la nuit du samedi à dimanche, au grand marché de Madina. De nombreux magasins ont été pillés par des voleurs en tenue et armés. Les militaires disent : « Ce sont des civils déguisés en militaires ! » Impossible de savoir. Mais l’insécurité et les vols existent bel et bien.

Plus grave, les caisses de l’Etat sont vides, alors que le pays est dans un état de sous développement très important. Les fonctionnaires ne seront plus payés, et ce sont encore les plus pauvres qui souffriront le plus. En effet, depuis la prise de pouvoir par les militaires, l’Union Européenne, les Etats-Unis (Banque mondiale, Fonds Monétaire International) ont arrêté toute aide et soutien au pays, parce que, pour eux, il s’agit d’un coup d’état. De notre côté, nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une période de transition, pendant laquelle les militaires essayent vraiment de nettoyer et de relancer le pays. Mais, si on leur coupe tous les fonds, le pays va tomber encore plus bas et toute la population va se révolter. La situation sera encore beaucoup plus grave. Bien sûr, les principes sur la démocratie sont importants, mais il faut voir aussi les réalités concrètes et les possibilités pratiques. Car le « coup d’état » a été mené sans aucun coup de feu ni blessé. Les objectifs poursuivis sont tout à fait valables, même si l’on peut être réservé et inquiet sur la manière de faire, et la population est d’accord et soutient ces efforts. A notre avis, cela vaudrait donc la peine de soutenir le CNDD, tout en cherchant à améliorer ses façons de faire, et c’est ce que nous faisons depuis le début. Et que les évêques de Guinée ont proposé dans leur lettre de Pâques.

A ce niveau, de nombreux contacts sont déjà pris. Les responsables du pays viennent de rencontrer l’Union Européenne à Bruxelles. Le groupe de contact conjoint de l’Union Africaine et l’ONU viennent de revenir à Conakry pour la 3ème fois, en particulier pour s’assurer que des élections législatives et présidentielle auront bien lieu respectivement en Octobre et en Novembre-Décembre 2009.

Le 1er Mai, les quatre syndicats qui avaient déjà mené les manifestations en Janvier-Février 2007 contre le régime de Lansana Conte, ont défilé ensemble. Ils ont décidé de « s’engager dans un nouveau rôle qui ne consiste pas seulement dans la revendication, mais aussi dans la réflexion et les propositions d’idées concrètes menant à des actions syndicales positives pour la promotion du dialogue social et du travail décent …. pour atteindre les objectifs fixés, qui cadrent parfaitement avec les précédents accords tripartites signés entre les syndicalistes, le gouvernement et le patronat guinéen. Ces accords concernent le retour à l’ordre républicain par la tenue de bonnes élections, la restauration de l’autorité de l’Etat, la lutte contre la corruption, le narcotrafic et le grand banditisme, la promotion d’une justice indépendante et équitable, le plein emploi, le rétablissement des équilibres macro économiques, la mobilisation des fonds pour la construction des infrastructures, la fourniture des services sociaux de base ». (……….)

Les 12 points du cahier de charge de revendication.

Les syndicalistes ont adressé des revendications au gouvernement guinéen, demandant : » la résolution urgente des multiples problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs, toutes sensibilités confondues, pour une meilleure amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

Ce sont d’abord : le respect et l’application des accords tripartites issus des négociations de 2006 et 2007, la poursuite de la révision des conventions minières, halieutiques et forestières, la relance de la commission d’enquête sur les tueries de 2006 et 2007, qui statuera sur le jugement des auteurs des crimes odieux et l’assistance des familles des victimes.

Ensuite, la sécurisation des populations de Conakry et du pays profond, et de nos frontières, la poursuite de l’assainissement du fichier de la fonction publique, la protection sociale des travailleurs, le relèvement de leur salaire ainsi que ceux des retraités, la réduction des retenues sur salaire et le renforcement de la sécurisation de nos frontières contre les sorties frauduleuses de nos produits.

Enfin, les syndicalistes ont également demandé l’arrêt des tracasseries policières sur les routes, le relèvement et la régularisation de la situation salariale et l’immatriculation à la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale des travailleurs contractuels. (…..).

Le gouvernement s’est engagé à un examen judicieux du cahier de charge en vue de trouver les solutions aux différents problèmes posés, notamment la promotion de l’emploi jeunes, la revalorisation des niveaux de salaire, en privilégiant les retraités ».

Une autre chose très importante est la mise en place d’un Comité National de Transition chargé de préparer les futures élections, mais surtout de préparer une nouvelle Constitution pour éviter de retomber dans les mêmes problèmes que par le passé avec les deux présidents précédents. Déjà, le mois dernier, les syndicats et les partis politiques ont été autorisés à reprendre leurs activités. Tout cela est très positif. Reste à voir la réalisation pratique. En effet, ce Comité de transition est uniquement consultatif et l’on ne sait pas dans quelle mesure le CNDD (les militaires) est prêt à l’écouter. De même, le président actuel, Moussa Dadis CAMARA a beaucoup de mal à accepter les critiques et même parfois les propositions des partis politiques, préférant s’appuyer sur la société civile et les jeunes. Il est vrai que ces partis n’ont pas fait preuve ni de courage ni même d’initiatives sous le régime précédent, mais il y a là un danger de démagogie et de pouvoir personnel. Par ailleurs, la population supporte de plus en plus les exactions de certains militaires et cela porte préjudice au pouvoir actuel. Mais surtout les gens deviennent de plus en plus pauvres, car on a fait plus pour lutter contre la corruption que pour mettre les gens au travail et surtout leur donner les moyens de travailler. C’est cela notre souci. C’est sûr qu’il faut revoir les contrats des sociétés minières par exemple, car ils sont établis vraiment au détriment du pays. Mais notre souffrance c’est de voir les gens devenir de plus en plus malheureux, sans que l’on puisse faire quoi que ce soit.




La situation du pays - juin 09

Les militaires qui ont pris le pouvoir à travers le CNDD (Comité National pour la Démocratie et le Développement) ont engagé une action forte et sincère contre la corruption, la drogue et pour rétablir l’autorité de l’Etat. Le président a même été décoré par la section guinéenne de l’UNESCO pour sa lutte contre les narco-trafiquants qu’il mène avec beaucoup de courage et même au risque de sa vie. On sait que le général en chef et le président de la République de la Guinée Bissao voisine ont été assassinés sur l’instigation de narco-trafiquants. Mais ces militaires guinéens ont tendance à utiliser la manière forte et souvent au détriment des droits des personnes.

Voici à ce sujet des notes prises à la dernière formation de la Commission « Justice et Paix » où nous avons cherché à mettre en place des commissions efficaces et opérationnelles au niveau des paroisses et des quartiers, à préparer des observateurs indépendants pour les futures élections, à travailler avec la Commission de « Pastorale sociale » pour lutter contre la pauvreté, et à veiller au respect des droits des gens, en particulier les plus vulnérables : les prisonniers, les prostituées, les voleurs, etc. Même s’ils ont mal agi, ils restent des personnes humaines qui ont le droit au respect. Lors de chacune des formations dans les trois diocèses de la Guinée, nous avons, en particulier, rencontré les préfets, les maires et les présidents des tribunaux, dans ce sens.

En gros, les objectifs du CNDD sont bons, mais incomplets. Et la manière critiquable

Objectifs incomplets

On parle de lutte contre la corruption, contre la drogue, contre les détournements des biens de l’Etat. Il y a des comparutions et des discours à la télévision, mais ensuite on ne voit pas les résultats ni le suivi. Et surtout on oublie les choses les plus importantes :

  • Mettre les gens au travail, et leur donner des moyens de travailler, surtout dans le monde rural. (Par exemple, le président n’a pas fait de réponse claire aux demandes des délégués de Koundara sur les problèmes des paysans. Ni d’ailleurs aux jeunes diplômés médecins et pharmaciens en recherche d’emploi). Il ne suffit pas de parler des mines, il faut augmenter la production agricole, ce qui d’ailleurs demande un engagement de tous

  • La lutte contre la pauvreté : on ne voit pas la réalisation des promesses faites.

  • Les élections : Le CENI (comité national pour des élections indépendantes) existe, mais les inscriptions sur les listes électorales sont bloquées, car les recenseurs ne sont pas payés comme prévu

  • Le comité de transition n’est pas opérationnel, alors qu’il doit préparer une nouvelle Constitution et sa ratification, un forum regroupant des représentants de tous les guinéens, même ceux de l’étranger, etc…

  • Il y a de bonnes décisions, comme l’interdiction de la vente des médicaments « par terre » où l’on vend des médicaments périmés ou faux (inefficaces mais même dangereux pour la santé). Mais les gens n’ont pas les moyens d’acheter les médicaments dans les pharmacies, même si les prix ont été réduits. Il faudrait des mesures d’accompagnement

  • Les partis politiques sont à nouveau autorisés, mais ils n’ont pas droit de parole à la télévision

  • Au salon de l’emploi, sur 7.OOO jeunes présents, seuls 25O ont été retenus pour des stages. D’ailleurs, souvent dans des actions de ce genre ou dans les concours, les gens sont déjà choisis à l’avance

La manière : Il n’y a pas de consultation préalable, par exemple pour le prix des vignettes ou le nombre de places dans les taxis, si bien que l’on est obligé de revenir en arrière devant les menaces de grève

De même, il y a un manque de dialogue vrai entre les partis politiques et le CNDD, malgré les promesses faites. Et il faudrait donner plus de liberté et d’autorité au gouvernement pour qu’il puisse travailler valablement

Le manque de respect de la justice. Des gens sont arrêtés et enfermés dans les camps sans être jugés. D’où la menace de grève des avocats. Et la réaction du Bâtonnier : « Ce n’est pas aux militaires de juger les gens. Il faut respecter l’indépendance de la justice. »

La façon de régler les problèmes est contestable. On prend des décisions directement sur place, sans suffisamment de réflexion, en pleine réunion publique, retransmise en direct à la télévision. Au début, c’étaient les responsables des sociétés minières (traités sans respect), puis le bâtonnier (démis en pleine séance), le responsable de la douane, les magistrats mis à la retraite anticipée, l’ambassadeur d’Allemagne humilié, etc… : cela n’est certainement pas la bonne méthode pour traiter les problèmes. Ensuite l’on ne sait pas ce que les choses deviennent : on n’en parle plus.

Les personnes ont le droit au respect et à la dignité. Ils ont droit à un jugement juste et équitable. Les problèmes peuvent être dénoncés en public, mais ensuite il faut suivre les affaires et les solutionner. Et la population a le droit d’être tenue au courant.

La moralisation de la vie publique. C’est une bonne chose de lutter contre la prostitution. Mais pas n’importe comment. Les prostituées sont des personnes humaines. Elles ont le droit au respect. Ce n’est pas normal de leur raser la tête et de les présenter en public. La solution, c’est une véritable réflexion dans le respect avec les prostituées elles-mêmes. Sinon on va arriver à une prostitution cachée, encore pire que la situation actuelle et où il n’y aura même plus de suivi médical. La vraie solution c’est de lutter contre la pauvreté, car c’est souvent pour des raisons économiques que les femmes et les jeunes filles se livrent à la prostitution. Il faudrait mettre en place une véritable éducation sexuelle des jeunes (pas seulement une information ou des distributions de capotes). Il faudrait intervenir au niveau des bars « clandos », vrais nids de prostitution…et des militaires qui sont souvent leurs clients !

Dire : « celui qui tue, on le tue », c’est très grave. Et aussi : « le voleur doit être brûlé sur place », c’ est inadmissible. Mettre en place des comités de sécurité dans les quartiers risque d’amener une justice populaire et des exécutions sommaires. Il faut lutter contre l’insécurité, mais pas avec n’importe quels moyens. Ceux qui ont mal agi doivent être jugés équitablement, selon le droit. Mais alors la sanction doit être appliquée. Car il y a trop de gens qui évitent la condamnation en payant les juges. Il y a trop de condamnés qui sont libérés au bout de quelques semaines, suite à des pressions ou des pots de vin. Il faut donc revoir tout le fonctionnement de la justice.

Le respect des terrains de l’Etat est nécessaire. Et c’est vrai que certains ont utilisé la corruption et la lutte d’influence pour les acquérir. Mais d’autres les ont achetés de bonne foi et ils ont pensé que les titres de propriété qu’on leur donnait étaient valables. Même s’ils auraient du se renseigner davantage. On a cassé leurs bâtiments à coup de bulldozer. Qui va les dédommager ? Au lieu de casser ces bâtiments, ne pouvait-on pas les utiliser d’une façon valable ? Et ne faudrait-il pas poursuivre les gens qui ont vendus ces terrains de l’état frauduleusement ?

Il faudrait mettre en place un vrai dialogue dans le pays. On a beaucoup parlé, on a mobilisé la population, en particulier les jeunes. Mais les a-t-on vraiment écoutés, pour connaître leurs vrais problèmes et leurs propositions ?

Le président parle sans arrêt de l’eau et l’électricité à Conakry. Mais ça ne suffit pas ! Et il ne faut pas penser seulement à la capitale mais à tout le pays.

L’Eglise Catholique est une des forces vives de la nation. Nous souhaiterions donc être davantage consultés. Et avoir une réponse au document des évêques : « Aspirations pour le changement : effort de tous et de chacun » qui propose des voies pour faire avancer le pays, en réponse à la demande du CNDD lui-même. Nous en arrivons à nous demander : est-ce qu’il y a pas des blocages autour du président qui l’empêchent de travailler ou c’est lui-même qui veut tout diriger personnellement sans consultation. Pourtant quelqu’un a dit : Il faut parler moins et écouter plus. Mais il faudrait aussi que les chrétiens s’engagent davantage dans le domaine politique.

Cependant il faut reconnaître que les choses avancent peu à peu :Le président a promis d’établir un vrai dialogue avec la société civile et les partis politiques. Les avocats ont arrêté leur grève parce que l’on a supprimé le secrétariat d’état chargé des conflits et que le président a interdit aux militaires d’arrêter les gens. Des militaires qui se livraient à la drogue et au brigandage ont été arrêtés et démis de leurs fonctions et vont être jugés.

Nous retrouvons un peu d’espoir




Réfléxions sur la situation du pays - 28 juin 2009 (L61)

A présenter au conseil paroissial, à annoncer le dimanche et à remettre à la commission de pastorale sociale

Voici la réflexion de la commission de pastorale sociale sur le document L 6O : la situation du pays, du 21-6. C’est très important pour nous, chrétiens, de réfléchir ensemble à la situation du pays. Il faut savoir que, malgré leur bonne volonté, les membres du CNDD sont des militaires, ils n’ont pas de formation au niveau politique. Et c’est nous tous qui devons construire le pays et prendre nos responsabilités.

Le 1° problème c’est celui de la pauvreté. Pour sortir de cette pauvreté, certains jeunes n’hésitent pas à vendre de la drogue.. Les amendes à payer peuvent dissuader certains. Dans certains villages, on a responsabilisé les chasseurs qui se déplacent beaucoup, pour repérer ceux qui se cachent pour fumer la drogue. Car il faut une mobilisation de tous. Et prévoir aussi des centres de désintoxication pour les drogués : punir ne suffit pas. Il faut aussi parler avec les jeunes, à chaque fois que nous en voyons qui se droguent ou vendent de la drogue. Surtout entre jeunes, car les jeunes drogués écoutent plus facilement leurs camarades que les adultes. Le fils de Lansana Conté a dit que ce n’était pas lui le parrain de la drogue. Mais alors c’est qui ? Depuis on n’a plus rien fait. Il faut à tout prix aller au bout de la réflexion et de l’action. De même, par exemple pour celui qui a vendu les rails du chemin de fer ; Et beaucoup d’autres choses dont le règlement est arrêté

Mais la vraie solution c’est l’emploi des jeunes. Pour cela, il faudrait que tous ceux qui ont dépassé l’âge acceptent de partir à la retraite, au lieu de changer leur âge. Nous devons essayer de les convaincre. Il faudrait aussi donner aux jeunes une bonne formation. Pour cela, que les élèves travaillent soigneusement. Il y a des écoles privées où les élèves ne travaillent pas et ne respectent pas leurs professeurs, parce que leurs parents sont riches. Quel va être leur avenir ? Il faut une éducation de base pour tous, même pour les enfants de familles pauvres.

Que les enseignants travaillent avec conscience professionnelle, qu’ils continuent à se former et qu’ils préparent sérieusement leurs cours. Mais on a pris des enseignants qui n’ont aucune formation ni pédagogie. On fait des faux projets pour avoir de l’argent des bailleurs de fond et on ne sait pas où cet argent passe.On fait des études sérieuses, mais on ne les applique pas, on les laisse au fond des tiroirs.

Que les parents conseillent et encouragent leurs enfants. Et qu’ils participent aux réunions des parents d’élèves. Et que dans ces réunions , on ne parle pas seulement de cotisations (qui sont ensuite détournées) mais de l’éducation et de la formation des élèves. Il faut une éducation morale. Ne voyons pas ce que le CNDD peut faire, mais ce que nous pouvons faire par nous-mêmes.

Il est très difficile de rencontrer le président. Les autorités religieuses n’y arrivent pas, malgré tous leurs efforts, même pour présenter des condoléances. Il n’a pas répondu non plus à la lettre des évêques sur la situation du pays : Aspirations au changement, responsabilité de tous et de chacun. C’est comme si le président étaient entouré de gens qui ne veulent pas de conseils, ni de changements, et qui bloquent tous les contacts. Mais il faudrait aussi que le président soit clair et que sa parole soit oui, oui.

C’est important de donner notre avis à travers les journaux et la radio. Tous ceux qui ont des contacts doivent nous les communiquer au plus vite. Et aussi pour participer à des émissions religieuses

La corruption et les détournements continuent, à tous les niveaux. Quand nous en sommes témoins, il faut intervenir aussitôt. Et en parler autour de nous, pour sensibiliser nos amis à ce grand problème. Mais il faut aussi assurer des salaires normaux, pour que les gens ne détournent pas. Et aussi accorder une marge de sécurité pour ceux qui ont la responsabilité de l’argent. Mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut : Le favoritisme commence par nous-mêmes, quand nous cherchons à placer un parent ou un ami, même s’il n’est pas compétent. Pour nous mêmes, il est important d’être irréprochables et de travailler avec sérieux.

Il faudrait diminuer les salaires des militaires et arrêter tous les avantages dont ils profitent. Par exemple les sacs de riz à 45.000 Francs dont ils n’ont même pas besoin, puisque leurs femmes vont revendre ce riz au marché. Actuellement, on construit des habitations pour les militaires. Mais pourquoi pas, aussi, pour les enseignants ou les agents de la santé, par exemple ? Il faut réagir qontre le mauvais comportement des militaires, par exemple qui montent dans les taxis sans payer.

Mais surtout, il faudrait penser à ceux qui ne sont pas salariés : ceux qui se débrouillent, ceux qui font des petits métiers, les paysans dans les villages, les chômeurs, les personnes âgées, les handicapés, etc…Mais la solution, ce n’est pas de faire une distribution de riz comme à Taouyah, car quand le riz est mangé, les gens se retrouvent avec les mêmes problèmes. Et les autres quartiers sont jaloux : pourquoi eux et pan nous ?

On ne pense qu’à la capitale Conakry. Ce n’est pas normal. Par exemple, les forages, il faudrait en faire aussi dans les villages. Et donner aux paysans les moyens de travailler. Sinon, l’exode rural va encore augmenter, il y aura de plus en plus de problèmes en ville et de plus en plus de pauvreté. Déjà dans la capitale, il y a trop de problèmes pour l’eau et l’électricité. Souvent, il n’y a pas de compteurs : on paient des prix forfaitaires qui augmentent sans arrêt. Et alors on fait des arrangements. Est-ce ainsi que l’on va enlever la corruption dans le pays ? Ce sont les usagers qui doivent se débrouiller pour réparer les fuites. Et pour l’électricité, certains font des branchements sauvages pour ne pas payer et qui entraînent des incendies très grave. Ce n’est pas seulement aux autorités de bien faire leur travail. Nous aussi nous devons être sérieux, et faire notre devoir.

Notre pays ne pourra pas être sauvé sans la prière. Seul Dieu peut sauver notre pays et changer le cœur des hommes Nous remercions les groupes charismatiques qui ont prié toute la nuit pour le pays, au Palais du Peuple.

Au sujet des prostituées, il faudrait créer des structures pour les soutenir et leur fournir d’autres moyens de gagner leur vie, en sortant de la pauvreté. Par exemple, leur fournir un fonds pour commencer un petit commerce. Nous tous nous pouvons déjà faire quelque chose dans ce sens. Et les conseiller. Mais aussi parler avec les policiers : toutes ces choses (vol, prostitution, drogue…)se passent devant eux, mais ils regardent sans rien faire. Il faudrait aussi responsabiliser les chefs de quartier.

Il y a 2 poids et 2 mesures. On a récupéré et cassé de nombreuses maisons, mais on n’a pas touché aux bâtiments de la famille de Lansana Conte (Santulo). Pourquoi ? Et le terrain de Diallo Sadakadjo qui lui a été vendu par Henriette Conté ? Il faut aller jusqu’au bout de ce qu’on a commencé et appliquer la loi à tous. On a supprimé le secrétariat aux conflits. Mais il faudrait que la justice soit juste. Que les juges et les chefs de quartiers arrêtent de recevoir des pots de vin et de libérer les gens pour de l’argent. Chacun de nous doit commencer à parler avec les policiers, les chefs de quartier, les avocats et les juges qu’il connaît et qui ne jouent pas leur rôle.

Ecouter vraiment les jeunes, car jusqu’à maintenant on ne fait que les utiliser pour des motifs politiques ou autres. Leur donner la parole à chaque fois que nous le pouvons. Et transmettre leurs idées à chaque des occasions que nous avons.

Parlons aussi à tous les politiciens que nous connaissons pour moraliser les partis politiques. Et les chrétiens doivent se former et s’engager davantage dans la politique. Déjà nous pouvons montrer cette feuille à nos amis et en parler avec eux.

Le dialogue semble s’améliorer entre le CNDD et les forces vives du pays. Le président a accepté une commission pour mettre en œuvre la transition. Mais il nous faut rester vigilants, pour voir ce qui va être fait réellement.

Note au sujet de la décentralisation

D’abord, il nous semble nécessaire de soutenir la CENI et de l’organiser dans les CRD. Souvent l’argent pour les recensement est débloqué, mais il n’est pas versé. Le carburant n’est pas remis par les responsables des communes ou des CRD. Mais le papier ou l’encre est aussi revendu par les recenseurs. Il nous faut parler avec toutes les personnes engagées dans le recensement pour qu’il soit terminé le plus vite possible.

Pour une vraie décentralisation, il est nécessaire de donner davantage de moyens aux districts et aux CRD, mais en même temps mettre en place un contrôle de l’utilisation des moyens accordés.

Les représentants locaux devraient être vraiment élus librement pour représenter la population et ses intérêts. Il est absolument nécessaire que la population se sente responsabilisée si on veut qu’elle participe réellement à la vie du pays et constitue une société civile consciente et active. (N.B. La subsidiarité c’est à dire la responsabilité donnée à la population est un des principe de base de la doctrine sociale de l’Eglise)

L'Eglise a une longue expérience de décentralisation et de travail à la base, à travers les CCB (comités chrétiennes de base), les conseils paroissiaux et les commissions paroissiales. Nous devons mettre cette expérience au service du pays.




Appel de l'église catholique de Guinée

Nous avons appris, par les medias, qu’un grand rassemblement est prévu par les forces vives (Partis Politiques, Syndicats, Leaders religieux, coordinations régionales et jeunesse) le lundi 28 Septembre 2009 au Stade du 28 Septembre de Conakry.

Nous, Pasteurs de l’Eglise Catholique en Guinée, en appelons à la conscience de tous et de chacun pour que cette manifestation se déroule d’une façon pacifique.

Que les initiateurs mettent en place une organisation suffisante pour éviter toute casse et violence; avant ledit rassemblement, un travail de conscientisation des participants est indispensable afin que tout se déroule dans un climat de sérénité sans lequel l’objectif est déjà faussé.

Que les forces de l’ordre évitent toute répression disproportionnée et toute violence inutile.

Plus largement, nous lançons un appel solennel au calme et à la réflexion et à un effort de tous pour construire la paix. Que personne ne se dégage de ses responsabilités et que chacun pense aux conséquences de ses actes. Car si le feu prend dans la maison de Guinée, nous serons tous responsables. Et nous en supporterons tous les conséquences avec nos femmes et nos enfants, nos familles et nos amis.

Trop de sang a coulé sur le sol guinéen, par inconscience, volonté de prendre ou de garder le pouvoir, ou par intérêt égoïste. Nous ne voulons plus voir couler le sang innocent.

Combien de familles guinéennes sont déjà endeuillées par la mort d’un ou de plusieurs membres provoquée par une volonté humaine ? Combien de familles guinéennes attendent que lumière soit faite sur la disparition tragique et inhumaine de nombreux citoyens ? Combien de parents et d’enfants pleurent encore aujourd’hui le sang d’un être cher ? Le sol guinéen n’est-il pas assez abreuvé de sang innocent ?

Nous ne voulons plus que le sol de notre chère patrie continue de s’imbiber du sang des innocents. Nous avons tous la grave responsabilité de veiller afin que de telles choses ne se reproduisent plus chez nous. Le Dieu que nous adorons tous ne dit-il pas : « Tu ne tueras pas » ? Ce commandement de Dieu interdit non seulement de tuer mais aussi de créer des situations qui entrainent la mort d’innocents. Il faut à tout prix nous reprendre.

Comme peuple, nous avons le devoir sacré d’effectuer un pèlerinage à nos racines en nous rappelant qui nous sommes et d’où nous venons. Nos ancêtres nous ont légué une culture de paix et une civilisation de dialogue. Ils nous ont appris à vivre ensemble, en communauté, en nous acceptant les uns les autres. Ils nous ont enseigné que quand il y a un problème, on se rassemble autour de l’arbre à palabre. Chacun écoute l’autre et essaye de le comprendre, et avec l’aide de toute la communauté villageoise, on cherche ensemble la meilleure solution possible, dans le respect de tous. Si nous voulons que le pays avance, il est absolument nécessaire que nous revenions tous à ces valeurs de nos ancêtres, pour un vrai dialogue qui construit notre chère Guinée.

Il est essentiel que chacun s’interroge, profondément et devant Dieu, en se rappelant sa responsabilité devant le peuple. Pas seulement au niveau politique, pour prendre ou garder le pouvoir, mais d’abord au niveau économique et social pour relever le pays. Pas seulement pour l’intérêt de son groupe ou de son ethnie, mais de la population toute entière. En particulier pour le monde rural, les jeunes et les démunis de nos villages et de nos villes. Que proposons-nous pour la paix et le respect de tous ? Nous rappelons ici notre message de Pâques, qui offrait des solutions pour construire le pays : « Aspirations au changement, engagements de tous et de chacun ».

Enfin, nous lançons un appel à tous ceux qui aiment la Guinée. Qu’ils soutiennent les efforts de ceux qui cherchent véritablement la paix. Qu’ils favorisent un vrai dialogue et cherchent avec nous des solutions constructives, avec la participation de tous. Que l’on ne cherche pas à diaboliser l’adversaire, que l’on ne cherche pas à mettre tous les torts sur l’autre, mais que chacun reconnaisse ses propres limites, de même que les qualités et la part de vérité de l’autre. Que personne ne cherche à imposer sa propre solution, mais que chacun reste disponible pour ouvrir des voies nouvelles tous ensemble, dans une créativité généreuse et désintéressée.

Nous comptons sur nos amis étrangers pour qu’ils cherchent véritablement le bien du pays et non pas des intérêts économiques inavoués. Nous comptons sur tous ceux qui ont une responsabilité dans le pays que ce soit au niveau politique, syndical ou de la société civile pour qu’ils ne se laissent pas manipuler.

Nous comptons sur tous les citoyens pour qu’ils cherchent vraiment la paix et qu’ils abandonnent toute violence ou intérêt personnel égoïste.

Les Pasteurs de l’Eglise Catholique de Guinée invitent tous et chacun à se ressaisir et à abandonner tout sentiment de vengeance et d’auto-justice. Car, l’histoire des peuples nous enseigne que de tels sentiments n'entraînent qu’une chaîne ininterrompue de haine et de violence.

Enfin, l’Eglise Catholique de Guinée s’engage, conformément à sa vocation, à prier et à travailler pour la paix en Guinée. Elle redit toute sa disponibilité à être un foyer d’échange d’idée avec les hommes de bonne volonté de notre pays et d’ailleurs pour que la paix véritable revienne chez nous.

Puisse le Seigneur Jésus Christ, le Prince de la paix, conserver notre chère Patrie et ses fils dans la paix et la concorde !

Conakry, le 23 Septembre 2009

Vincent COULIBALY, Archevêque de Conakry, Président de la Conférence Episcopale de GUINEE

Emmanuel FELEMOU, Evêque de Kankan

Raphael Balla GUILAVOGUI, Evêque de N’Zérékoré




Appel aux prêtres, conseils paroissiaux et commissions Justice et Paix Pastorale Sociale

Au nom de Monseigneur Vincent Coulibaly.
A lire aux annonces dimanche prochain

Nous savons tous ce qui s’est passé lundi dernier 28 septembre. Nous nous souvenons de la parabole du bon samaritain : Jésus nous demande à nous aussi de nous occuper des blessés et de tous ceux qui sont dans la peine autour de nous.

Nous allons commencer le mois du rosaire. Chaque jour nous allons nous réunir, pour demander à Marie d’intercéder pour nous auprès de Dieu, pour qu’il donne la paix à la Guinée. Mais notre prière doit déboucher sur des actions concrètes. Pour cela nous demandons à toutes les paroisses, les CCB et chaque chrétien en particulier de s’engager au service de ses frères et sœurs

1°) Chercher à connaître les blessés et les familles ayant perdu un parent le 28, dans chaque quartier Les aider de toutes les façons possible, sans distinction d’ethnie et de religion, par notre prière, notre amitié, notre soutien moral mais aussi économique et matériel. En particulier, voir les blessés qui ne sont pas encore soignés faute de moyens et préciser ce dont ils ont besoin. Voir les chefs de famille qui ont été tués et dont les membres se trouvent sans soutien…Envoyer leurs noms et adresses +téléphone au responsable diocésain de la pastorale sociale par téléphone (64 40 92 18), par mail () ou en déposant une lettre au secrétariat de l’Archevêché à Kaloum.

Vous contactez les chefs de quartier pour les mettre au courant de cette action et obtenir leur soutien. Vous contactez aussi les imams de votre quartier et vous travaillez avec les musulmans désireux de s’unir à cette action.

2°) Pour rétablir la paix et le dialogue, vous cherchez à parler avec les personnes des autres ethnies et autres religions, en cherchant à vous comprendre, à vous entr’aider et en acceptant vos différence

3°) vous nous envoyez toutes vos idées sur ce qu’il est possible de faire dans la situation actuelle

Que le Christ nous soutienne dans notre action et que son Esprit Saint nous donne force, courage et espérance.




Réflexions sur la situation du pays - par les commissions de justice et paix et de Pastorale sociale de l’Eglise Catholique

A lire, à faire connaître et à discuter autour de nous, dans le respect et la compréhension mutuelle

Le 23 septembre 2.009, les évêques avaient lancé un appel à la paix et au dialogue. Malheureusement cet appel n’a pas été entendu. Mais leurs paroles sont encore plus d’actualité, après les évènements tragiques du 28 septembre, qui ont terni à tout jamais l’accès de notre pays à l’indépendance : « nous lançons un appel solennel au calme et à la réflexion, et à un effort de tous pour construire la paix. Que personne ne se dégage de ses responsabilités et que chacun pense aux conséquences de ses actes…Trop de sang a coulé sur le sol guinéen par inconscience, volonté de prendre ou de garder le pouvoir, ou par intérêt égoïste…les évêques de l’Eglise Catholiques invitent tous et chacun à se ressaisir et à abandonner tout sentiment de vengeance et d’auto-justice » N.B. Vous pouvez nous demander ce message de même que les autres cités dans ces réflexions.

De leur côté, tous les chefs religieux, chrétiens et musulmans ensemble, dans leur déclaration du 26 septembre 2009, ont affirmé que « notre pays traverse une crise profonde , caractérisée par la rupture du dialogue entre le CNDD et les forces politiques et sociales de la nation…les chefs religieux prennent l’initiative de rechercher une large consultation de tous les acteurs politiques et sociaux, pour une sortie de crise dans la Vérité et le Paix…Ils invitent toutes les parties à faire preuve de retenue, à s’abstenir de tout acte de violence verbale, physique ou matérielle… et à organiser des prières pour que Dieu renforce la quiétude , la paix et l’unité nationale »

C’est à chacun d’entre nous d’agir pour que ces souhaits deviennent réalité. Nous sommes tous responsables. Il ne faut pas que nos frères et sœurs soient morts pour rien le 28 septembre.

Que faire ?

Nous rappelons notre appel du 30 septembre, diffusé dans toutes les églises et partagé avec tous. 

  1. Connaître les blessés du 28 septembre et les familles en deuil pour les encourager, prier avec eux et signaler leurs besoins aux commissions justice et paix et de pastorale sociale de chaque paroisse

  2. lutter contre les rumeurs de toutes sortes, et surtout ne pas les propager

  3. renforcer un climat de paix et de réconciliation dans nos quartiers, là où nous travaillons et dans les lieux publics, en instituant un dialogue avec tous, en privilégiant les contacts avec les personnes des autres ethnies et religions, et en respectant les opinions de chacun, dans une vraie complémentarité qui nous enrichira et pourra seule sauver la Guinée

Quelques réflexions

On ne peut pas gouverner un pays dans la violence de quelque côté qu’elle vienne, que ce soit la violence des armes, des manifestations ou des paroles agressives. En cela, nous sommes tous concernés. La violence engendre la violence. Et n’amène que le malheur.

Construire la paix suppose un programme précis de ce qu’on veut faire, avec des étapes concrètes et des choses claires. Comme le disaient déjà les évêques dans leur document « Relire ensemble le sens de notre cheminement démocratique » de décembre 1998 et à nouveau dans leur déclaration du 1° décembre 2.003, avant les élections présidentielles : »le chemin de la démocratie est parcouru par étapes successives, guidées par des objectifs fixés par des lois et des repères, dont la mise en application exige des évaluations constantes, des systèmes de garantie et de contrôle crédible et efficient…Nous nous demandons quelle est l’efficience (des différentes organisations et institutions actuelles) dans la régulation et l’assainissement de la vie politique, économique et sociale du pays »En effet, de grandes déclarations ne suffisent pas. Surtout pas des discours où l’on cherche à récupérer les gens, les tromper ou les manipuler. La population guinéenne, en décembre 2.008, avait placé un énorme espoir dans le CNDD. Il ne faudrait pas que cet espoir soit déçu. Le peuple guinéen a soutenu la lutte contre la drogue, l’ethnocentrisme, la corruption, les détournements et la mauvaise gouvernance, approuvé la révision des contrats miniers, etc.. Il voudrait voir les résultats concrets de tout cela et que cela améliore réellement la vie de tous. Et de même que l’action des forces vives, ne se limitent pas à des déclarations mais aboutisse à des réalisations concrètes, pour le bonheur de tous.

C’est en parlant ensemble dans le respect et en acceptant les idées des autres, que l’on pourra trouver des solutions valables pour le pays tout entier. Personne ne peut avoir toutes les bonnes idées à lui tout seul. Malgré l’horreur de ce qui s’est passé, il faut à tout prix que les personnes au pouvoir (président, CNDD, gouvernement …) et les forces d’opposition (syndicats, partis politiques…) se retrouvent pour voir ensemble comment reconstruire le pays et amener une meilleure compréhension entre tous. Au lieu de se mettre systématiquement d’un côté ou de l’autre, les organisations de la société civile devraient s’engager à faire se rencontrer les 2 parties.

De même que les syndicats reviennent à leur vocation et à leurs responsabilités : défendre les travailleurs en restant indépendants des partis politiques. Qu’ils ne se limitent pas à défendre les salariés, mais soutiennent aussi les non salariés, ceux qui font des petits métiers, les paysans, les chômeurs spécialement les jeunes. Pour cela il s’agit de lutter contre toutes les erreurs et fautes commises au niveau économique, aussi bien dans les régimes précédents que dans le régime actuel. Et de chercher à en supprimer les conséquences néfastes pour tous, spécialement les plus faibles et les plus démunis de la société guinéenne. Que dans le contexte actuel d’équilibre instable de la société, qu’ils sachent faire preuve de retenue. Et même si leurs revendications sont légitimes, qu’ils sachent éviter les provocations ou moyens d’action qui ne feraient que fragiliser encore davantage la société. Dans sa déclaration du 16 juin 2.008, le conseil chrétien de Guinée disait :  « Tout en reconnaissant le droit aux revendications catégorielles et à la grève des organisations syndicales, l’Eglise leur demande d’exercer ce droit dans un esprit de pondération, de discipline et de responsabilité, pouvant concourir à la sauvegarde d’un climat de paix et d’unité nationale »

Pour éviter que ce qui s’est passé ne se renouvelle, il faut à tout prix mettre en place des garde fous et des limites à ne pas dépasser, d’un côté comme de l’autre, qui doivent être clairement définies et connues de tous. La première étant bien sûr de restructurer l’armée et de ne plus jamais permettre aux forces de l’ordre de tirer sur la population à balles réelles. Il existe d’autres moyens de persuasion et de maintien de l’ordre. Qu’on stoppe les modes actuels de recrutement, aussi bien dans leur nombre que dans leur origine. Que les parents arrêtent de vouloir envoyer leurs enfants dans l’armée « pour les éduquer ». Que la lutte contre la drogue et la prostitution commence au sein de l’armée même. Et qu’on ne consacre plus autant d’argent pour l’armée, au détriment du reste de la population. Enfin que l’on punisse immédiatement et sévèrement toutes les exactions, vols et abus de pouvoir de toutes sortes de tout militaire ou autre agent des forces publiques. Ils sont là pour protéger le peuple, pas pour le faire souffrir !

La réconciliation

La haine ne peut pas construire le pays, pas plus que l’ethnocentrisme. Personne ne doit se laisser aller à la vengeance, ni à la violence. Pas même en parole. Car de la parole, on passe ensuite rapidement aux actes. Par conséquent, que chacun s’interdise de répondre aux provocations, quelles qu’elles soient. Et d’abord qu’on arrête toute agression verbale, de forme ethnique, religieuse ou autre.

Cependant, on ne peut pas se contenter de dire « il faut pardonner ». Il n’y a pas de vrai pardon sans justice et sans changement de comportement. On ne peut pas dire : »il faut oublier ». Il ne faut surtout pas oublier ce qui s’est passé, ni se voiler la face sur les fragilités et les manques de la société guinéenne. Il ne faut pas oublier, mais au contraire se rappeler ce qui s’est passé. Mais dans la paix et la volonté de reconstruire le pays. Pas dans la méchanceté, la haine ou la volonté de se venger, mais en cherchant les moyens pour que cela ne se reproduise plus. Une vraie réconciliation demande la vérité, la justice et la réparation. Il est donc urgent que l’on détermine clairement quels sont les responsables des évènements du 28 septembre – mais aussi ceux des morts de 2006 et de janvier-février 2.OO7- et qu’ils soient jugés. Dans le respect de leurs droits mais rapidement. Et aussi que l’on libère ceux qui sont séquestrés injustement dans les prisons, les camps militaires ou d’autres lieux cachés. Pas seulement ceux qui ont manifesté le 28 septembre, mais toutes les personnes arrêtées. Qu’elles aussi soient jugées, dans la justice et par des personnes compétentes et dont c’est la charge, pas par des autorités militaires ou politiques. Si elles sont reconnues coupables, quelles soient condamnées. Si elles sont reconnues innocentes, qu’elles soient libérées. Mais qu’elles soient jugées le plus rapidement possible.

Dans un 2° temps, il faudra bien, rendre justice à toutes les victimes passées, par exemple à celles du camp Boiro et autres lieux de tortures et de répression. Et dire où ont été jetés leurs corps et aussi ceux des tués du 28 septembre. Pour qu’elles soient enterrées non seulement dans le respect et la dignité, mais aussi dans la prière, pour la vie éternelle. Car la façon dont les corps des victimes du 28 septembre, ont été remis et enterrés, la prière ayant été interrompue à coups de pierre, nous a profondément choqués. Ce n’est pas digne de guinéens. Même si on voulait manifester, on pouvait au moins attendre que nos morts aient été enterrés pieusement

La transition

Le problème urgent, dès que le dialogue sera renoué, c’est de mettre en place une transition sur une base claire et solide, quitte à revoir ce qui avait été proposé. En sachant que les désirs de personne ne pourront être complètement satisfaits. Il ne peut pas y avoir d’entente sans concession de part et d’autre. On étudiera les nouvelles formes que cette transition doit prendre si nécessaire. La révision de la constitution et du code électoral sera confiée à une petite équipe de quelques personnes compétentes, indépendantes et responsables, dans la discrétion, sans que chaque parti ou organisation ne soit obligatoirement représenté : on ne peut pas travailler valablement à 200 personnes ensemble, ni devant des caméras de télévision. Les résultats de leurs travaux seront ensuite soumis à l’approbation de tous, avec des moyens simples et peu couteux. Le pays, avec tous ses problèmes économiques actuels, ne peut pas se payer le luxe d’un référendum ! Dont les résultats risquent d’ailleurs d’être contestables et seront de toutes façons contestés. Mais il faut d’abord que tout soit prêt et clair, même si pour cela les élections ne peuvent pas se tenir aux dates prévues.

Que nous cherchions à régler nos problèmes entre nous, sans chercher des soutiens à l’extérieur pour des intérêts égoïstes ou inavoués, comme cela s’est trop souvent fait dans le passé. Car ce soutien de l’étranger nous aurons à le payer d’une façon ou de l’autre. Et ce sera au détriment du pays et de la population. Et si des personnes compétentes mais surtout désintéressées peuvent nous aider, que ce soit pour nous faire nous rencontrer et nous comprendre et pour le bien de tous, pas pour le profit d’un parti ou d’un groupe

Nous demandons aux chefs religieux de reprendre leur travail de médiation, comme dans le passé, tous ensemble.

Arrivés là où nous sommes, il est nécessaire que chacun fasse sérieusement son examen de conscience, »en s’interrogeant profondément et devant Dieu et en se rappelant sa responsabilité devant le peuple guinéen, à tous les niveaux : politique mais aussi économique et social » (appel des évêques du 23 septembre 2.009)

Les élections

Jusqu’à maintenant, on a trop pensé aux élections. On a voulu y arriver trop vite, par désir de prendre le pouvoir, et pour certains d’en profiter. Il faut chercher d’abord à reconstruire le pays. Et mettre en place une véritable unité nationale. Les paroles des évêques catholiques du 1° novembre 2.003 restent d’actualité : « Nous nous trouvons devant une crise politique profonde, illustrée par les errements d’un processus de dialogue, dont l’issue est hypothéquée par le manque de volonté sincère de se remettre en question, et d’affronter avec courage et humilité la vérité qui rend libre. Nous devons nous demander, dans quelle mesure sont réunies les conditions favorisant la libre expression du peuple : dans la définition de son projet de société, dans le choix des hommes capables de conduire cette organisation et cette construction jusqu’à son terme, au nom de leurs engagements, de leurs promesse et de la parole donnée. »

L’une des questions brûlantes, et qui a enflammé le pays, c’est de savoir si le président Dadis peut et doit se présenter aux prochaines élections présidentielles. Lui même ne s’est pas clairement déterminé et il vaudrait sans doute mieux qu’il le fasse le plus rapidement possible. C’est vrai qu’il avait promis de ne pas se présenter, mais les conditions ont complètement changé, en particulier depuis ce qui s’est passé le 28 septembre. Mais s’il veut se présenter, ne faudrait-il pas qu’il quitte le plus vite possible le pouvoir ? Sinon comment pourrait-il organiser des élections « claires et transparentes », en étant lui-même candidat, et de plus au pouvoir. Mais alors qui va prendre le pouvoir, en étant capable et accepté de tous, pendant cette période provisoire ? Il faudra aussi donner à la CENI toutes les possibilités d’actions nécessaires, pour que ce ne soient pas les préfets et gouverneurs, militaires et nommés par le président Dadis, qui téléguident ces élections. Et même si le président se présente, il faut absolument que l’armée, elle, s’engage clairement et définitivement à remettre le pouvoir aux civils, dès la proclamation des résultats.

Du côté, des partis politiques il ne suffit pas d’être contre Dadis : cela n’est pas un programme pour le développement du pays. Ce n’est qu’une unité factice. Et si Dadis part, tous les partis vont alors s’opposer les uns aux autres, pour prendre le pouvoir. Il n’y aura pas d’unité nationale.

Mais on s’est trop rapidement précipité sur cette question des élections, au lieu de rétablir d’abord le pays, et de poser les conditions nécessaires pour que ces élections soient valables. Qu’elles soient signes et résultat d’une vraie démocratie. Car des élections ne peuvent pas créer la démocratie, comme beaucoup ont l’air de la croire. Elles ne peuvent en être que le fruit. Trop de personnes actuellement, cherchent le pouvoir, au lieu de chercher le bien du pays. Et trop de personnes intéressées les soutiennent. Ecoutons à nouveau cet appel des évêques du 1° Novembre 2.003 : »Nous exhortons tous les leaders politiques, investis de la confiance des citoyens, à ne pas prendre en otage leurs militants, en les mettant au service d’une ambition et de desseins machiavéliques inavoués, pouvant conduire au chaos social. Nous exhortons les militants des partis politiques à soumettre à l’épreuve du bon sens et de la raison, toutes les idéologies qui attisent la haine, la vengeance et le réveil des hostilités ensevelies dans la nuit des temps et de l’oubli. Il n’y a pas d’autre chemin du salut que celui de la conversion, du changement de mentalité et de la prise de conscience. »

Nous nous sommes trop laissés influencés par des pressions extérieures. Certains ont même sollicité cette intervention extérieure, pour leur intérêt personnel ou de groupe. Nous remercions les télévisions et radios étrangères, comme par exemple Afrique 24, France 24, RFI et BBC pour ne citer que les plus écoutées en Guinée, pour les informations qu’elles nous donnent. Mais qu’elles arrêtent de passer en boucle ce qui est arrivé, ce qui ne fait que nous enfermer dans notre malheur, mais surtout de nous ramener à la violence et à la vengeance. Qu’elles nous aident plutôt à construire l’avenir. Et qu’elles veillent à la vérité de leurs sources, même si c’est très difficile.  Car certains des interviews publiés étaient contestables ou en tout cas partisans et n’ont certainement pas aidé à la réconciliation nationale. Elles peuvent exprimer les opinions de leurs pays, mais sans chercher à les imposer, au détriment des solutions guinéennes. Et à ne pas favoriser – ou se laisser manipuler – par des intérêts économiques, politiques ou autres qui ne sont pas ceux de la Guinée. Qu’elles cherchent plutôt à montrer les efforts positifs réalisés dans le travail et les solutions proposées ici, pas celles de leur propre pays. Qu’elles sachent qu’elles sont étrangères et ne connaissent ni les cultures ni les réalités guinéennes de l’intérieur. Et que si les droits humains comme la démocratie doivent exister partout, les formes peuvent en être différentes selon les réalités nationales. Enfin qu’elles comprennent qu’il ne suffit pas qu’il y ait des élections libres et transparentes pour qu’il y ait une véritable démocratie dans le pays. La démocratie c’est beaucoup plus que les élections. Même si les élections en sont une condition nécessaire, en particulier pour éviter la dictature.

Nous disons à nos amis étrangers qui veulent vraiment nous aider : le problème est chez nous, la solution sera chez nous. Aidez-nous à la trouver, sans imposer la vôtre.

De même, nos frères et sœurs de l’extérieur, sont guinéens comme nous. Ils ont le droit de s’exprimer. Mais qu’ils le fassent avec mesure, en considérant ce qu’il est possible de faire concrètement, selon les possibilités actuelles du pays, sans se lancer dans de grands discours idéologiques irréalistes. Qu’ils cherchent à s’informer sérieusement sur les faits réels, sans croire des démagogues ou pêcheurs en eaux troubles qui cherchent à les entraîner dans des chemins sans issue ou de division.

Quels moyens ?

Pour qu’une vraie réconciliation puisse avoir lieu, il faut que chacun laisse tout sentiment de haine et de méchanceté. Il ne faut pas oublier ce qui s’est passé – d’ailleurs ce n’est pas possible- mais voir comment dépasser cela, en tirer des conclusions pour que de telles choses ne se produisent pas et prendre les moyens pour cela. Le dialogue a des conditions : Que l’on arrête d’accuser systématiquement l’autre, mais que l’on voit d’abord ses propres fautes, ses erreurs, ses limites et ses responsabilités ? Car les responsabilités sont partagées et il y a eu des fautes des 2 côtés.

Le président Blaise Compaoré, facilitateur de la CEDEAO pour la Guinée nous l’a bien rappelé à Conakry le 5 octobre : Le dialogue ne peut pas réussir, s’il n’y a pas une vraie volonté de dialogue et un engagement profond de la part de tous. Et ensuite des propositions concrètes de la part de la société civile. Comme l’ont fait les évêques catholiques dans leur déclaration de Pâques 2.009 : « Aspirations au changement : engagements de tous et de chacun », qu’il serait très utile de relire et de travailler. »la préservation de la paix doit être le souci constant et premier des leaders politiques et des gouvernants. Mais la paix à construire a pour fondation le dialogue permanent »(déclaration des évêques du 1° Novembre 2.003)

Il faut trouver d’autres moyens que les grands rassemblements publics et les grandes manifestations pour nous exprimer. Depuis 2.007, nous savons comment cela se passe : il y a toujours des provocations, qui occasionnent des jets de pierre et des casses, qui entraînent à leur tour des interventions brutales de l’armée. Mais si le CNDD veut interdire les manifestations de l’opposition, à ce moment-là, il ne doit pas autoriser de telles manifestations pour son propre compte. Ou sinon, donner aussi à l’opposition les moyens de s’exprimer. En particulier à la télévision et à la radio nationales. On ne peut pas se donner le droit de parler publiquement et empêcher les autres de le faire. Les différentes opinions doivent pouvoir s’exprimer dans la légalité et la liberté.

En tout cas, faire parler la rue n’est jamais une solution, ni un lieu où on peut élaborer des solutions valables et constructives pour le pays. Ni les grandes réunions de masse diffusées en direct et en public. C’est dans un travail lent, minutieux, patient et plein de respect que l’on pourra trouver peu à peu des solutions valables et acceptées par tous. Ce ne sont pas les manifestations de rue qui vont choisir le président. Que l’on attende les élections et qu’on les prépare le mieux possible

Il faut mettre en place un véritable état de droit. Cela demande la participation de tous. Et d’abord que chacun respecte les droits des autres, dans la vie de chaque jour. Il faut recréer un environnement apaisé : c’est le rôle de chacun d’entre nous, de faire grandir la paix autour de lui

Que l’on sensibilise et fasse réfléchir les jeunes aux vrais problèmes de la nation, sans chercher à les manipuler ou les acheter. On distribue trop d’argent de tous les côtés ! D’abord, d’où vient cet argent ? Ensuite, ne serait-il pas mieux utilisé à des projets de développement pour le bien de tous, pour l’emploi des jeunes, la lutte contre la pauvreté et le développement du monde rural.

Pour des élections libres et transparentes, il faut intensifier la formation d’observateurs libres et indépendants guinéens, comme cela a d’ailleurs commencé. Il faut mener leur formation jusqu’au bout. Et entreprendre dès maintenant tout un travail d’éducation, pour qu’au moment de la proclamation, chacun accepte les résultats des élections, même s’ils ne sont pas favorables à son candidat ou à son parti. La Guinée appartient à tous les guinéens. Revoir les normes de reconnaissance des partis politiques (il y a trop de partis en Guinée, et pour certains on ne sait vraiment pas ce qu’ils cherchent). Revoir aussi les conditions d’éligibilité (il faudra arriver à un consensus sur la question des audits, grâce à un conseil des sages. Par exemple le comité de veille des chefs religieux. Régler aussi le problème de l’impunité.

Tout cela en revenant à nos racines culturelles traditionnelles, comme nous l’on demandé les évêques catholiques, le 23 septembre 2.009 : « que nous revenions tous aux valeurs de nos ancêtres, pour un vrai dialogue qui construit notre chère Guinée ». Et déjà le 1° novembre 2.003 : »Pourquoi avons-nous peur de nous asseoir ensemble sous l’arbre à palabre, pour parler des vrais problèmes qui assaillent les populations guinéennes ? Pourquoi avons-nous peur de perdre des privilèges ? Pourquoi avons-nous peur de nous remettre en questions, pour le plus grand bénéfice de l’amélioration et de la qualification de notre démocratie ?

Que les uns et les autres arrêtent de chercher le pouvoir à tout prix. Qu’ils s’interrogent eux-mêmes et qu’ils nous montrent qu’ils cherchent vraiment le bien du pays. Qu’ils présentent d’abord un programme d’action clair pour diriger le pays, pour que le peuple puisse les élire à partir de leur programme et non pas de leur ethnie, de l’argent distribué ou d’autres avantages matériels. Cela demande toute une éducation de la population, à mettre en place le plus rapidement possible. Pas seulement apprendre aux gens comment voter.

Il est urgent d’organiser en Guinée des formations à la non violence active dans la ligne des Gandhi, Martin Luther King et Desmond Tutu, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Que cette éducation commence dans les familles. Qu’elle se continue dans les écoles : que l’éducation civique devienne une vraie éducation aux droits humains et pas seulement un enseignement des différentes structures du pays. Nous arrivons à la fin de la décennie de l’Onu pour l’éducation des enfants à la non violence. Qu’avons-nous fait dans ce sens pendant les 10 ans passés ? Nous avons un cultiver un esprit de dialogue dans toute notre vie. Dans nos familles, entre mari et femme et entre parents. Là où nous travaillons et dans nos lieux de loisirs. C’est ainsi que le dialogue et la compréhension pourront grandir dans le pays. Cela dépend de chacun de nous.

Eviter les rumeurs : Il y a trop de rumeurs fausses qui circulent, et chacun contribue à les colporter sans preuve : « On a empoisonné l’eau de la ville de Conakry.. On a expulsé les gens de telle ethnie.. on a tué telle personne… » Or cela est faux. Ceux qui propagent des fausses rumeurs prennent une responsabilité très grave et nous devons tout faire pour les arrêter. Que l’on cherche à établir la vérité sérieusement : par exemple sur le nombre des blessés et des morts du 28 septembre. Et qu’on l’on ne cherche pas à envenimer les problèmes, qui ne sont déjà que trop réels.

Que chacun cherche véritablement le bien commun et l’intérêt de tous et de chacun, pour l’avancée de tout le pays. Pas son intérêt égoïste ou son profit personnel, de sa famille ou de son ethnie. Nous sommes tous guinéens. Quand des guinéens sont tués, personne n’y gagne. Quand le pays recule, c’est tout le monde qui souffre.

Que l’on arrête immédiatement les cérémonies traditionnelles pour se «faire  laver » ou recevoir des anti -balles qui entretiennent une psychose de guerre et de vengeance. Que l’on arrête tous ces sacrifices de bœufs, de cérémonies fétichistes, de charlatans et de gri-gris, en particulier dans l’armée et chez les responsables politiques. Cela ne peut nous mener nulle part.

Pour conclure, nous redonnons la parole à nos évêques (déclaration du 1° Novembre 2.003) : »Nous voulons nous adresser, croyants musulmans et chrétiens, au vrai Dieu, au Dieu unique et vrai, et non aux idoles et aux dieux occultes qui ne peuvent pas nous sauver de la peur. Nous voulons affirmer que tout n’est pas perdu. Et que nous devons collaborer de toutes nos forces, de tout notre esprit, de tout notre cœur et de toute notre âme, avec le Maître des temps et de l’histoire…Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? (ROM 8,31)

Quelques remarques

  1. les choses évoluent très vite en ce moment. Nous ne savons pas quelles décisions vont prendre le groupe de contact, la Cedeao et le président Compaoré. Et dans quelles mesures leurs propositions seront acceptées. Même si certaines de nos affirmations seront rapidement dépassées, nous pensons que d’autres resteront valables malgré tout

  2. Nous aurions pu nous contenter de quelques réflexions générales. Nous avons voulu entrer dans les détails et faire des propositions concrètes. Cela veut dire que certaines choses sont contestables et que tous ne seront pas d’accord. Mais justement, notre désir c’est de lancer un dialogue avec tous. Nous souhaitons donc recevoir le maximum de réactions à ce texte, que nous publierons sur notre blog : http://justice.paix.guinee.free.fr que vous pouvez déjà consulter, en particulier pour prendre connaissance des documents cités. Envoyez vos réactions par mail à : armelduteil@yahoo.fr par téléphone : 64 40 92 18 ou par écrit au secrétariat de l’Archevêché de l’Eglise Catholique près du marché de Kaloum. Merci de tout cœur à tous.




Reconstruite la paix et le dialogue en Guinée

On sait ce qui s’est passé en Guinée le 28 Septembre 2009. Les partis d’opposition avaient prévu un grand rassemblement ce jour-là dans le lieu symbolique du « Stade du 28 Septembre » (ainsi appelé car c’est le jour où a eu lieu le référendum, en 1958, par lequel la population guinéenne s’est prononcée pour l’indépendance). Le but de ce rassemblement était de s’opposer à la candidature supposée du Président de la République actuel, le capitaine Moussa Dadis CAMARA, qui avait pris le pouvoir juste après la mort du Président précédent, Lansana CONTE. Cette manifestation avait été interdite, mais les organisateurs en avaient maintenu le mot d’ordre. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants se sont retrouvés coincés dans le stade. Les militaires ont tiré sur la foule à balles réelles, ont attaqué les manifestants à coups de gourdins et de baïonnettes et ont violé en public de nombreuses femmes et jeunes filles. On parle de 150 morts et de 1200 blessés environ.

Il est évident que de telles choses sont atroces et absolument inadmissibles. Elles ont créé un choc énorme dans la population, dont les conséquences se poursuivent jusqu’à maintenant. Il faudra absolument juger les responsables.2 commissions d’enquête ont été mises en place pour cela : une nationale et une de l’ONU. Mais cela est insuffisant. Il faut à tout prix guérir les gens de tous les traumatismes vécus, et pas seulement soigner les blessures. Il faut à tout prix renouer le dialogue social et attaquer les causes qui ont permis des événements aussi dramatiques.

Je voudrais donc rapidement faire quelques réflexions et ensuite expliquer brièvement ce que nous essayons de faire.

I – Quelques réflexions

Suite à ces événements –encore une fois inadmissibles- on a assisté dans les médias occidentaux, en particulier les radios RFI (Radio France International) et BBC anglaise et la télévision France 24, sans parler des journaux, à un véritable matraquage médiatique qui a cherché à diaboliser toute la Guinée, et pas seulement les auteurs de cette tuerie, et à entretenir une véritable psychose qui n’a servi qu’à causer un grand sentiment d’insécurité. Alors qu’à CONAKRY les gens continuent à vivre, à voyager et à travailler normalement. Personnellement, je continue à circuler par les moyens de transport public, sans problèmes, de jour comme de nuit. Et nous continuons à tenir nos réunions de communautés et de Commissions « Justice et Paix » dans les quartiers, comme auparavant.

L’Ambassade de France à Conakry a obligé les Français à partir en fermant l’école française, le centre culturel et d’autres services techniques. Alors que les Français vivaient en paix, que la plupart voulaient rester et que ceux qui n’ont pas été obligés de partir sont restés.

Le Gouvernement français, comme l’Union Européenne ou les Etats-Unis ont cherché à imposer une solution de force de l’extérieur, sans chercher un vrai dialogue, ni à comprendre la culture et les problèmes de la Guinée de l’intérieur. Et en cherchant à imposer leurs solutions par la force. On a l’impression qu’ils n’écoutent que les partis d’opposition. Et beaucoup pensent que leur attitude est dictée par le fait que le Président DADIS veut réviser les contrats signés avec les grandes multinationales, en particulier pour l’exploitation de la bauxite (premier producteur mondial), du fer, de l’or, du diamant et bientôt du pétrole et du gaz. D’autant plus que face aux blocages rencontrés de la part de ces multinationales occidentales, le Président se tourne vers la Lybie et la Chine. La défense des droits humains a bon dos et peut être mise en avant pour des motifs inavoués… et inavouables.

C’est vrai que l’armée guinéenne comporte un bon nombre de militaires voleurs, violeurs et drogués. Cela ne date malheureusement pas d’aujourd’hui, mais remonte au moins à la guerre du Liberia et de Sierra Leone des années 90. Et il y a eu déjà des tueries en 2006 et en 2007 (plus de 300 morts au total). Et de gros efforts sont menés pour faire rentrer les soldats dans leurs casernes et les maîtriser.

C’est vrai qu’il y a de l’insécurité dans la ville (vols, attaques à main armée), mais il y en aurait plutôt moins que les années précédentes. Et ce n’est pas en sapant le Gouvernement actuel qu’on lui donnera les moyens de reprendre l’armée en main et de résoudre les problèmes. Nous pensons avec inquiétude à ce qui se passe en Somalie, au Darfour, au Congo et dans les Grands Lacs. Le message final du Synode, n° 36, y fait d’ailleurs allusion, en citant également la Guinée Conakry. Nous nous rappelons que pour l’Irak ou l’Afghanistan, par exemple, on a aussi imposé des solutions de force et on voit ce que cela a donné.

Le Président a mis en place une Commission d’enquête indépendante sur les tueries du 28 Septembre et accepté de collaborer avec la Commission de l’O.N.U.

Un groupe de contact international cherche à rétablir le dialogue entre le Président et les militaires du CNDD (Comité National pour la Démocratie et le Développement) d’une part, et les forces vives (société civile, syndicats et partis politiques d’opposition) d’autre part. Et un conciliateur a été nommé, en la personne de Blaise COMPAORE, Président du BURKINA FASO. Le problème est de savoir comment rétablir le dialogue et avec qui, si on enlève le président et le CNDD. On parle d’un gouvernement de consensus, mais aura-t-il le pouvoir d’imposer ses décisions aux militaires ?

La situation va certainement beaucoup évoluer entre le moment où j’écris ces lignes et celui où vous les lirez. Il faudrait aussi préciser et nuancer ce que je viens de dire d’une façon trop brève. On peut se reporter sur mon site : http://armel.duteil.free.fr. En particulier « Les Nouvelles » (à partir du 28 Septembre) et les rubriques : « Situation du pays » et « Justice et Paix ».

II – Qu'avons nous fait ?

La Commission « Justice et Paix » de l’Eglise Catholique a été lancée en 2007. Elle travaille avec de nombreuses organisations de la société civile guinéenne, et des organisations internationales comme les CARITAS.

Dès l’annonce du Rassemblement prévu le 28 Septembre, les évêques étaient intervenus « pour lancer un appel solennel au calme et à la réflexion. Et à un effort de tous pour construire la paix ». Puis ce sont tous les chefs religieux, musulmans et chrétiens ensemble, qui sont intervenus « pour une sortie de crise dans la Vérité et la Paix ». Il faut se rappeler qu’après les massacres de janvier-février 2007, au temps de Lansana CONTE, ces mêmes chefs religieux avaient été appelés pour constituer un Comité de veille, pour superviser la marche du pays et le travail du nouveau gouvernement mis en place.

Le 29, ces mêmes chefs religieux ont obtenu la libération des chefs des partis politiques qui étaient soignés sous garde militaire. Ils ont ensuite visité les blessés dans les hôpitaux, assisté à la remise des corps et soutenu les familles en deuil. Et le Comité inter-religieux a ensuite fait plusieurs déclarations pour appeler à la retenue et au dialogue, malgré l’horreur de ce qui s’est passé.

Avec la Commission « Justice et Paix », nous nous sommes mis aussitôt au travail. D’abord, nous avons été, nous aussi, visiter les hôpitaux. Nous avons ensuite confié le suivi des blessés qui s’y trouvaient à MSF (Médecins Sans Frontière) et au CICR (Croix Rouge Internationale) qui étaient plus compétents et mieux outillés que nous, au point de vue médical. Et aussi pour leur signaler les personnes disparues.

Nous nous sommes alors tournés vers les quartiers. En effet, de nombreux blessés ont peur d’aller se faire soigner dans les dispensaires, par crainte d’être arrêtés. Et les familles ont besoin de soutien, surtout lorsque c’est un chef de famille qui a été blessé ou tué. Nous avons cherché à leur apporter un soutien à tous les niveaux : psychologique, moral, spirituel, mais aussi économique et technique, par exemple en orientant les femmes violées et les personnes traumatisées vers des organisations spécialisées, en fournissant de la nourriture quand le chef de famille est blessé ou mort, en fournissant du matériel scolaire pour les enfants de ces familles, en faisant soigner les blessés sérieusement mais dans la confidentialité dans un dispensaire de la ville.

Pour cela, nous sommes passés par les paroisses, en demandant aux chrétiens d’agir ensemble avec leurs voisins musulmans. Et cela à trois niveaux :

  1. nous signaler les blessés et les familles en deuil, dans la discrétion,

  2. lutter contre les rumeurs qui font grandir la peur et déstabilisent le pays,

  3. consolider le tissu social et augmenter le dialogue et l’acceptation mutuelle, en cherchant à parler avec tous et à créer des liens avec les personnes d’opinions, d’ethnies et de religions différentes.

Pour rétablir le dialogue, nous agissons au niveau des églises et des mosquées. Mais surtout auprès des jeunes. Pour deux raisons : d’abord, ce sont surtout eux qui ont été tués et blessés le 28 Septembre ; ils sont donc plus violents que les adultes, et prêts à se venger et à en découdre. De plus, ces jeunes sont souvent manipulés, que ce soit par le Pouvoir ou l’Opposition, et même parfois achetés, les gens profitant de leur situation de pauvreté. Plus grave, on veut utiliser les différences ethniques et religieuses, ce qui est très inquiétant pour l’avenir. Nous allons donc organiser une formation pour 200 jeunes (100 chrétiens et 100 musulmans, car il y a 99 quartiers dans la ville de Conakry), formation à la non violence, au dialogue et à la paix.

Ces jeunes formés iront deux par deux (un chrétien et un musulman) voir les prêtres, pasteurs et imans de chaque quartier, pour leur demander de parler aux jeunes, car ils sont écoutés et ont une grande influence sur ces derniers. Ensuite, ces jeunes formés organiseront des rencontres-débats entre associations de jeunes musulmans et mouvements de jeunes chrétiens. Des formations ont déjà été menées dans ce sens par la Commission catholique pour les relations avec les musulmans.

La formation des observateurs indépendants pour les élections est arrêtée pour le moment, à cause de la situation actuelle du pays.

Au sein de la Commission « Justice et Paix », nous avons mené un gros travail de réflexion et publié des documents qui sont très appréciés par ceux qui en prennent connaissance, le problème étant la diffusion. Même internet fonctionne très mal en ce moment. Nous avons cependant réussi à faire passer des messages dans les radios libres, des articles dans les journaux et une émission à la télévision (émission catholique). Pour les documents, il s’agit en particulier d’une réflexion approfondie sur la situation actuelle du pays, d’un document « Parole de Dieu et Prières » pour aider les chrétiens à vivre les événements dans la foi, un texte sur le pouvoir et les élections, un autre présentant les actions possibles.

On peut consulter ces documents sur notre blog : http://justice.paix.guinée.free.fr

Juste un passage de notre réflexion :

« Il est urgent d’organiser en Guinée des formations à la non violence active dans la ligne des Gandhi, Martin Luther King et Desmond Tutu, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Que cette éducation commence dans les familles. Qu’elle se continue dans les écoles : que l’éducation civique devienne une vraie éducation aux droits humains et pas seulement un enseignement des différentes structures du pays. Nous arrivons à la fin de la décennie de l’ONU pour l’éducation des enfants à la non violence. Qu’avons-nous fait dans ce sens pendant les 10 ans passés ? Nous avons à cultiver un esprit de dialogue dans toute notre vie. Dans nos familles, entre mari et femme, entre parents et enfants et avec tous.. Et aussi dans les quartiers et là où nous travaillons. C’est ainsi que la paix et la compréhension pourront grandir dans le pays. Cela dépend de chacun de nous. »

Enfin, nous continuons à visiter les paroisses pour mobiliser les chrétiens et dynamiser en particulier les Commissions « Justice et Paix » et de « Pastorale sociale ».

Bien sûr, nous ne sommes pas les seuls à travailler, heureusement ! Et nous espérons que la conjugaison de tous ces efforts va pouvoir porter du fruit.

Nous comptons bien sûr sur le 2ème Synode pour l’Afrique et sa mise en pratique, pour appuyer notre action. Déjà, nous sommes partis du message final pour faire plusieurs interventions et déclarations.

Nous remercions de tout cœur tous ceux qui nous soutiennent de leur amitié, de leurs conseils, de leur prière, quelle que soit leur religion.

Conakry le 18 Novembre 2009
Armel DUTEIL




Appel de Mgr Vincent Coulibay, archevêque de Conakry, à l'occasion de la fête de la vierge Marie (8 décembre 2009)

Le Message final du deuxième synode des Evêques pour l’Afrique présente l’argent, la soif du pouvoir, la méchanceté, le vol, le mensonge comme des péchés qui font souffrir aujourd’hui notre continent.

Je me permets de rappeler ici le n° 36 de cet important Message : « Le Synode s’attriste en remarquant que c’est la honte qui caractérise plus d’un pays africain. Nous pensons en particulier au cas lamentable de la Somalie empêtrée dans de violents conflits depuis près de deux décennies, avec des conséquences sur les nations avoisinantes. Nous n’oublions pas non plus la tragédie des millions de personnes dans la région des Grands Lacs et l’interminable crise au nord de l’Ouganda, au sud Soudan, au Darfour, en Guinée Conakry, et en d’autres endroits. Les gouvernements de ces nations doivent prendre leur responsabilité devant leurs prestations génératrices de douleur. En bien des cas, on se trouve devant la situation de soif du pouvoir et des richesses au détriment du peuple et de la nation ».

L’un des noms de Marie, c’est « Reine de la paix ». Sa fête est donc une invitation pour nous tous à faire grandir la paix là où nous vivons et partout où nous nous rendons.

Notre pays a besoin de paix. Il faut à tout prix nous réconcilier. Mais il n’y a pas de réconciliation sans justice. Jésus disait : « cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice ». Il disait aussi : « c’est la vérité qui vous rendra libres ». Dieu lui-même nous demande de faire la vérité, non seulement sur les événements du 28 septembre 2009, mais sur tout ce qui se passe dans le pays. Nous nous rappelons ici les paroles du Seigneur : « Si c’est oui, dites « oui », si c’est non, dites « non », tout simplement. Ce que l’on dit en plus vient du Mauvais » (mt 5,37).

Notre pays a besoin de paix. Il faut donc rejeter ferment le péché qui compromet la paix. Le péché qui depuis plusieurs années a pour noms dans notre pays, surtout à Conakry : les tueries, les coups qui entrainent de nombreuses blessures, les viols, les kidnaping, les attentats, et autres actes qui portent atteinte à l’honneur et à la dignité du guinéen.

En condamnant à nouveau avec vigueur tous ces actes inhumains, je présente ici mes condoléances aux familles en deuil et les assure de mes prières. Aussi, j’assure de ma compassion et de mes prières, tous les blessés et toutes les personnes meurtries dans leurs corps et dans leur cœur, par ces actes qui déshonorent notre pays. Je relève également que depuis longtemps, la Conférence Episcopale de Guinée a tiré la sonnette d’alarme et invité à la réflexion et à l’action pour éviter de telles choses. Je rappelle en particulier notre message à la Nation, à l’occasion de la fête de Pâques 2009 : « A plusieurs reprises, la Conférence Episcopale de Guinée a invité les chrétiens et le peuple de Guinée au jeûne et à la prière pour exorciser les démons qui pervertissent le cœur et l’esprit de chacun d’entre nous, nous empêchant d’être des serviteurs du bien commun de notre pays…Le commandement de Dieu : « Tu ne tueras pas » est valable pour tous. Aucune loi humaine ne peut remplacer cette volonté de Dieu. On devra donc lutter contre l’insécurité, et interdire les exécutions sommaires. »

Le 23 septembre, avant les événements tragiques du 28 septembre, nous avons écrit : « Nous lançons un appel solennel au calme et à la réflexion et à un effort de tous pour construire la paix. Que personne ne se dégage de ses responsabilités et que chacun pense aux conséquences de ses actes. Car si le feu prend la maison de Guinée, nous serons tous responsables. Et nous supporterons tous les conséquences. Trop de sang a coulé sur le sol guinéen, par inconscience, volonté de prendre ou de garder le pouvoir, ou par intérêt égoïste. Nous ne voulons plus voir couler le sang innocent.»

Après les événements tragiques du 28 septembre, je suis allé immédiatement encourager de nombreux blessés et leurs familles. Et dans la discrétion la plus totale, l’Eglise a continué à soutenir des blessés et des familles en deuil jusqu’à maintenant.

Mais nous ne devons pas accepter que certains profitent de la situation actuelle pour faire grandir la haine et la division dans le pays. Ni pour garder ou prendre le pouvoir. Ni à utiliser les médias pour leurs propres intérêts égoïstes et leurs ambitions au détriment du bonheur de la population.

J’en appelle donc à tous ceux qui sont responsables de média : qu’ils prennent soin de bien vérifier leurs sources, car il y a trop de fausses rumeurs dans le pays.

J’en appelle à tous ceux qui ont foi en Dieu. Comme le dit le prophète Isaïe : « Dieu nous enseignera ce qu’il attend de nous. Et nous suivrons le chemin qu’il nous trace. De leurs épées, ils forgeront des pioches et de leurs lances ils feront des faucilles (ils laisseront la guerre pour travailler la terre et développer le pays). Il n’y aura plus d’attaque d’un peuple contre un autre. On ne se fera plus la guerre. Vous les descendants de Jacob, en route, marchons dans la lumière du Seigneur » (Isaïe 2,3-5). Dieu nous redit aujourd’hui : « Je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle….La terre ancienne, on n’y pensera plus… On n’entendra plus dans mon peuple ni bruits de pleurs, ni cris d’appel… ils ne mettront plus au monde des enfants pour les voir mourir. Le loup et l’agneau paîtront l’un avec l’autre. Le lion comme le bœuf mangeront l’herbe. Le serpent pour se nourrir se contentera de poussière. On ne commettra plus ni mal ni méchanceté sur ma montagne sainte, dit le Seigneur » (Isaïe 65,17-25).

Voilà ce que le Seigneur veut pour nous. Voilà le pays qu’il nous demande de construire. Et nous croyons qu’avec son aide, c’est possible de le faire.

Que par son intercession, la Vierge Marie, vénérée également par nos frères musulmans, soutienne nos efforts dans la construction d’une Guinée nouvelle et belle. Amen !




Attentat sur la personne du Président Dadis CAMARA

Jeudi 3 Décembre, j’étais en réunion avec les responsables à la paroisse, quand j’apprends que l’aide de camp du Président Dadis CAMARA a tiré sur lui et qu’il est gravement blessé. Que s’est-il passé ? Le ministre (militaire) chargé de la lutte contre la délinquance et le grand banditisme a arrêté des soldats du groupe de Toumba DIAKITE, l’aide de camp du Président, apparemment pour une affaire de trafic de drogue. Toumba a attaqué le camp où ses hommes étaient enfermés. Il y a eu des échanges de tirs. Le Capitaine-Président Dadis a voulu intervenir, mais Toumba a tiré sur lui et s’est enfui avec ses hommes. Jusqu’à maintenant, on n’a plus de ses nouvelles et on ne sait pas où il se cache.

Il faut dire que le torchon brûlait entre le Président et son aide de camp. En effet, ce dernier est fortement soupçonné d’avoir conduit son groupe de militaires au Stade du 28 septembre où ils ont tué, blessé et violé avec une méchanceté indescriptible. Une Commission d’enquête internationale de l’ONU est actuellement en Guinée, à la demande du Président lui-même, qui a assuré de sa protection tous ceux qui iraient témoigner, pour que la vérité soit faite. Le Président a également demandé à Toumba, son aide de camp, d’aller se présenter à la Commission, mais ce dernier a absolument refusé. Et c’est sans doute pour cela qu’il a tiré sur le Président pour ne pas être interpellé et encore moins jugé.

Le Président a été évacué par avion au Maroc, où il a été opéré. Il a été touché par balles à la tête et au cou. Apparemment, il serait hors de danger, ce qui serait une bonne chose, car malgré tout il est celui qui peut encore tenir les militaires en main et même diriger le pays, quoi qu’en dise l’opposition, et malgré toutes ses limites.

La population vit dans la peur d’un affrontement entre militaires qui ne pourrait que dégénérer. Et les gens sont découragés de voir que le pays n’avance pas. Bien sûr, ils continuent à vaquer à leurs occupations : il faut bien vivre et nourrir sa famille, mais c’est dans l’inquiétude.

Nous cherchons à aider les gens à réagir, mais ce n’est pas facile. Nous continuons aussi à soigner les blessés et à soutenir les familles en deuil, mais dans la plus grande discrétion pour qu’ils ne soient pas repérés et ne subissent pas de représailles. La vie continue, mais ce n’est pas une vraie vie. Et nous sommes inquiets devant l’avenir,




Une longue conversation téléphonique avec Radio Vatican


Merci à Radio Vatican
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Nous essayons de sortir de tout cet imbroglio politique actuel : discussions sans fin entre l’opposition et les militaires au pouvoir, enquêtes sur les tueries qui n’en finissent pas et récupération des droits de l’homme pour des intérêts politiciens ou égoïstes, propositions absolument irréalistes et même perverses de l’envoi d’une force militaire de protection en Guinée par l’Union des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) soutenue par les pays occidentaux et l’ONU, spéculations sur l’état de santé du Président Dadis CAMARA, hospitalisé (et retenu ?) au Maroc, médiation du Président du Burkina Faso qui n’aboutit pas, nouvelles aussi sensationnelles qu’inexactes et orientées des différentes radios et chaînes de télévision. Nous avons l’impression de ne pas pouvoir nous en sortir.

Mais, au milieu de tout cela, le plus grave et le plus important, ce n’est pas que la population a peur, mais c’est qu’elle a faim. Dès la prise de pouvoir par les militaires, l’Union Européenne a bloqué toute l’aide économique prévue (sauf l’aide humanitaire), suivie par le FMI et la Banque Mondiale, sans même attendre de voir ce qui allait se passer. Les contrats des grosses sociétés minières signés par le régime précédent, grâce à la corruption, n’ont pas encore été révisés, les entreprises n’osent plus investir dans le pays et certaines même quittent. Le franc guinéen a perdu la moitié de sa valeur en quelques mois face à l’euro et au dollar : le coût de la vie a augmenté d’autant. Les gens sont donc de plus en plus pauvres ; il y a de plus en plus de chômeurs, les jeunes ne trouvent pas d’emploi ; les malades n’ont plus de quoi se soigner, les bébés meurent…. Et nous ne savons pas quoi faire contre tout cela.




23 Décembre 2009: 1er anniversaire de la prise du Pouvoir par les militaires du CNDD (Comité National pour la Démocratie et le Développement)

N.B. : Ce 1er anniversaire est l’occasion de faire le point et de tenter une évaluation. Elle est évidemment discutable et ce serait justement une bonne chose qu’elle soit discutée. Merci de vos réactions !

I) Les faits.

L’arrivée des militaires a suscité un grand espoir dans un pays où régnait la corruption et qui n’était plus dirigé.

Le CNDD a voulu rétablir l’ordre et le pouvoir de l’Etat. Dans ce sens, il a voulu récupérer les terrains et bâtiments de l’Etat, occupés frauduleusement. Ce qui a entraîné de nombreuses expulsions et casses de maisons, parfois injustifiées, alors que certains privilégiés ont su passer au travers des mailles du filet. Ce qui est inévitable.

Cette volonté de remise en ordre a entraîné aussi un certain nombre de violences, inexcusables, de la part des militaires.

Le président, Dadis CAMARA, s’est impliqué fortement contre le régionalisme et l’ethnocentrisme. Mais, à l’inverse, certains affirment que ces derniers temps il a recruté des jeunes originaires de sa région, en particulier des jeunes "volontaires" qui avait défendu le pays lors des attaques rebelles de 2.000-2.001 qui n'avaient pas encore été reclassés. De même, dans la région de Kankan par le général Konate. Mais il n'a pas recruté que des malinkés (son ethnie) et le recrutement s'est fait sans pot de vin, contrairement à ce qui se faisait autrefois ! En fait, chaque chef militaire important a cherché à avoir un groupe pour le soutenir et le protéger, ce qui n'est pas sans danger pour l'avenir

Le président s’est attaqué à la corruption, en se donnant d’ailleurs en exemple. Certaines personnes ont déjà été obligées de rendre ce qu’elles avaient détourné. Mais il reste beaucoup à faire. Et on attend encore les audits des différents ministères qui ont été demandés.

Une action efficace a été menée contre la drogue et elle se continue, avec arrestations de vendeurs et destruction de laboratoires clandestins. Une lutte contre le banditisme a été menée et se continue jusqu’à maintenant. Mais le problème demeure, de même que celui du banditisme.

Les contrats signés autrefois par les Sociétés minières étrangères, grâce à la corruption des ministres de l’ancien régime, sont vraiment déséquilibrés et au détriment de la Guinée. Mais le président, en humiliant en public (en direct, à la télévision) ambassadeurs et directeurs de sociétés, n’a réussi qu’à bloquer les choses. Ce n’était certainement pas la bonne méthode.

Pour reprendre l’armée en main, le CNDD s’est lancé dans la construction de casernes, mais cela n’est pas suffisant et n’a pas empêché l’attentat contre le président, le 3 décembre. L’armée est divisée en plusieurs clans, prêts à s’affronter. Les montées en grade générales alors que la population a de plus en plus de mal à vivre, les constructions et les achats d'armes, de tenues et de matériel ont coûté très cher et aggravé la pauvreté

Un gros effort a été fait pour aménager les routes et fournir de l’eau et de l’électricité, à partir des maigres ressources de l’Etat, l’aide économique internationale étant coupée. Mais là aussi, il reste énormément à faire Et surtout on a aidé surtout la capitale Conakry, beaucoup plus que l'intérieur du pays.

Au niveau politique, le CNDD voulait donner le pouvoir aux civils seulement en décembre 2010, pour avoir le temps de remettre le pays en état. La communauté internationale a voulu imposer la date de décembre 2009, ce qui finalement n’a pas pu se faire. On a voulu imposer aux militaires du CNDD et aux membres du gouvernement de ne pas se présenter aux élections présidentielles. Mais il semble que le président et les militaires ont pris goût au pouvoir et ne sont pas prêts à le lâcher, malgré leurs promesses. Ce qui a entraîné des réactions très vives du côté de l'opposition et aussi de certains pays étrangers. Les militaires n’ont pas hésité à organiser des grands rassemblements, alors qu’ils interdisaient à l’opposition de le faire. Cependant, les radios libres et les journaux indépendants permettent à l’opposition de s’exprimer. Les militaires ont distribué de l’argent et des sacs de riz pour être soutenus par la population …. mais les partis d’opposition en ont fait autant !

Le grand problème, c’est l’économie. Malgré ce qui a été fait, on peut se poser des questions sur la gestion économique du pays. Il y a eu de grandes dépenses pour l’armée. Pour payer, on a fabriqué de nouveaux billets, mais sans augmenter la production et la richesse du pays. C'est l'une des choses qui a fait que la monnaie guinéenne a beaucoup perdu de sa valeur. L'année dernière, il suffisait de 5.000 francs guinéens pour avoir un euro. Maintenant, il en faut 9.000.

Pendant ce temps-là, la population est de plus en plus pauvre. A la fête de la Tabaski (Aïd El Kebir), de nombreuses familles musulmanes n’ont pas pu acheter de mouton pour le sacrifice, ce qui est un signe qui ne trompe pas. Les parents ne peuvent pas nourrir leurs enfants, les jeunes ne trouvent pas de travail, la population devient de plus en plus pauvre et a de plus en plus de mal à vivre. Mais il faut dire que la communauté internationale est en partie responsable de cela. Nous y reviendrons tout à l’heure.

La tuerie du 28 Septembre 2009.

C’est cela qui a tout faussé et cassé. Le président parlait à la radio et la télévision. Il organisait des grands rassemblements. L’opposition, elle, ne pouvait pas s’exprimer, sauf sur les radios privées, et avec des restrictions. Elle a voulu organiser un grand rassemblement dans le plus grand stade de CONAKRY, le 28 Septembre, jour anniversaire de celui où la Guinée a choisi l’indépendance, en 1958. On sait comment cela s’est terminé. Des militaires, gendarmes et autres personnes non identifiées, ont enfermé les manifestants dans le stade : ils les ont frappés à mort, ont tiré sur la foule à balles réelles, ont violé des femmes en plein stade et en ont emmené certaines, pour continuer à les violer les jours suivants. On parle de 157 morts et de plus de 100 femmes et jeunes filles violées. Ces faits sont absolument horribles et inadmissibles et ont été qualifiés de « crime contre l’humanité ». Cela a bien sûr été un coup dur pour le CNDD. Reste à situer les responsabilités.

Le président Dadis CAMARA est, au moins moralement, responsable en tant que chef de l’armée. Mais a-t-il donné l’ordre aux militaires d’aller tuer les manifestants ? C’est ce qu’affirme l’enquête internationale de l’ONU. Mais, s’il était coupable, aurait-il demandé de lui-même cette enquête internationale ? Cette même enquête implique Claude PIVI, dit Coplan, alors qu’il était absent. Et le capitaine Thiegboro CAMARA, alors que les chefs des partis d’opposition eux-mêmes ont affirmé, le lendemain des événements, que c’était lui qui les avait protégés et conduits dans une clinique pour se faire soigner. Et qu’en est-il de la responsabilité réelle de Toumba DIAKHITE, celui-là même qui a tiré sur le président Dadis CAMARA le 3 Décembre ? Rien n’est clair, même dans cette enquête de l’ONU. Espérons que l’enquête annoncée pour Janvier, par la CPI (Cour Pénale Internationale) sera plus approfondie. De toutes façons, il faudra attendre un vrai jugement pour se prononcer définitivement.

La question qui se pose est : peut-on encore laisser le CNDD diriger le pays, après de tels événements ? Quel crédit apporter au général KONATE qui assure la direction, pendant que le capitaine Dadis CAMARA continue sa convalescence forcée au Burkina Faso. Par ailleurs, on a présenté ce 28 septembre comme le point de départ de tous les problèmes de la Guinée, alors qu'ils remontent beaucoup plus haut, jusqu'au début de l'indépendance. Tant qu'on ne fera pas une analyse concrète et vraie de tout ce qui s'est passé, le pays ne s'en sortira pas. Car chacun prend position à partir de son ethnie, de sa religion, de ses préjugés ou de ses passions pour se situer au lieu d'étudier la situation objectivement. On peut aussi se demander si le président Dadis et le CNDD n'ont pas cru trop facilement pouvoir résoudre les problèmes. Et si les forces vives ne leur ont pas mis des bâtons dans les roues, cherchant avant tout le pouvoir, plus que le bien du pays.

Ce qui est sûr, c'est que les populations sont fatiguées, et même exaspérées par les exactions et brigandages des militaires. Et la multiplication des barrages routiers qui sont devenus un véritable racket, le contrôle des cartes d'identité n'étant qu'une excuse pour les militaires, pour récupérer de l'argent par tous les moyens

II) Qu'y a t'il en face ? Les forces vives.

Ces forces vives se composent de partis politiques, de syndicats et d’organisations de la Société civile. Ce qui est un premier problème. En s’alliant aux partis politiques, les syndicats et la société civile n’ont-ils pas perdu leur autonomie ? Peuvent-ils encore jouer leur rôle normalement ?

De plus, ces forces vives ne regroupent pas tous les partis politiques, ni tous les syndicats, ni toute la société civile, malgré ce qu’ils disent. Certains soutiennent le président Dadis et le CNDD.

Ces forces vives ne sont pas unies entre elles. Les tensions sont mêmes importantes dans leur sein. En fait, elles sont ensemble surtout parce qu’elles sont contre le CNDD et veulent le départ du président Dadis CAMARA, pour pouvoir prendre sa place. Mais si le président venait à partir, les différents partis politiques ne vont-ils pas se déchirer entre eux ? Et ces partis politiques n’ont pas de programme clair pour la plupart, ni de vrai projet de société.

Les leaders des partis politiques les plus importants sont des anciens ministres et même premiers ministres du régime précédent de Lansana CONTE. La plupart étaient corrompus et n’ont pas fait preuve d’efficacité, incapables de faire avancer le pays et de le développer.

Le problème c'est que tout le monde parle au nom du peuple, mais le peuple lui ne s'exprime pas. Il n'est pas consulté, on ne demande même pas sa réflexion ni sa participation aux décisions. Certains partis n'ont aucune représentation à l'intérieur du pays, seulement à la capitale. En plus le peuple est divisé et ce qui est grave, souvent pour des raisons ethniques et d'intérêt. Et on achète les gens, surtout les jeunes pauvres et au chômage. En positif, les gens sont devenus plus clairvoyants et ils regardent ce qui se passe, prêt à réagir.

Une action importante pour la paix se situe au niveau des Eglises. D’abord, l’Eglise Catholique, avec la Commission « Justice et Paix », et de nombreuses déclarations de l’Archevêque de CONAKRY. Déjà, au temps du président précédent, Lansana CONTE, les Eglises catholique, anglicane et protestante, regroupées au sein du Conseil chrétien, avaient joué un rôle important. Et ensemble, avec les chefs religieux musulmans, déjà du temps de Lansana Conté, ces responsables chrétiens avaient été appelés à former un Comité de veille pour suivre l’évolution du pays, ce qu’ils continuent jusqu’à maintenant. Avec les « anciens » (les sages traditionnels) des quatre régions de la Guinée, ils viennent de mettre en place un « Conseil pour la réconciliation ». Leurs avis sont écoutés et ils ont une influence certaine. Mais leur rôle n'est pas facile, car on cherche à les récupérer de tous les côtés.

III) L’étranger.

Dès le début, un groupe de contact s’est constitué, comme nous l'avons expliqué plus haut. Il s’est d’office opposé au CNDD, considérant la prise de pouvoir par les militaires comme un coup d’état, alors qu’il n’y avait plus aucune autorité dans le pays et que cette prise de pouvoir s’est faite sans effusion de sang. Aussitôt, sans attendre de voir ce que le CNDD allait faire, l’Union Européenne et les Etats-Unis ont coupé l’aide économique au pays et ont entraîné la Banque mondiale et le FMI (Fonds Monétaire International) à en faire autant. Conséquence : c’est la population qui en subit les conséquences jusqu’à maintenant. Il faudrait à tout prix arrêter ces sanctions qui n'ont aucune influence sur les militaires au pouvoir ou les chefs de l'opposition qui ont les moyens de vivre et de continuer comme avant, mais font souffrir les plus pauvres. Et cette pauvreté qui augmente ne peut entraîner que violence et révolte. Juste l'inverse de ce qu'on prétend obtenir.

Après la tuerie du 28 Septembre, l’ambassade de France a créé un vrai mouvement de panique injustifiée et un départ forcé des familles françaises, en fermant l’école française et les services techniques. Ce qui a entraîné, en retour, un mouvement d’agressivité contre les Français restés sur place. Et jusqu'à maintenant on a l'impression que la France avec l'Union Européenne de même que les Etats-Unis sont vraiment partisans et même mettent de l'huile sur le feu, au lieu d'apaiser les choses et d'arranger les problèmes. Par exemple, en parlant de danger de guerre civile, alors que l'on fait tout pour arriver à la réconciliation.

De même, le groupe de contact semble vouloir davantage durcir la situation et soutenir l’opposition, plutôt que de chercher à trouver ensemble une solution aux problèmes du pays. De plus, il propose un chemin tout à fait différent de celui du médiateur, pourtant choisi par la CEDEAO, le président du Burkina Faso, Blaise COMPAORE, qui est favorable aux militaires. Mais sa médiation est bloquée pour le moment. Que faire ? Qui a les moyens d’amener les militaires à laisser le Pouvoir?

A cela s’ajoute le matraquage des medias étrangers qui n’arrange rien avec des fausses vérités. Par exemple quand ils affirment que la population vit dans la terreur, alors qu’elle continue ses occupations habituelles, même si la peur subsiste au fond du cœur. Mais les radios libres locales ne font pas toujours preuve non plus de réalisme ni de réflexion sur les conséquences de leurs émissions.

IV) Quel avenir ?

Le CNDD parle de réconciliation et de pardon. On ne peut pas ne pas être d’accord, mais il n’y a pas de réconciliation sans vérité, ni sans justice. Il faut à tout prix faire la vérité sur ce qui s’est passé. Or, trop de gens veulent cacher les choses. Des témoins affirment qu'on a enterré des corps la nuit en secret pour faire disparaître les traces. Le maire d’une commune de Conakry a même dit publiquement qu’il n’y avait pas eu de viol. Beaucoup de gens disent : il faut oublier. Mais peut-on oublier ce qui s’est passé ? Au contraire, il faut s’en souvenir et en tirer les conséquences, pour bâtir l’avenir. Pardonner ne signifie pas oublier ou faire comme si rien ne s’était passé. Et même si on ne peut pas réparer ce qui a été fait, il faut au moins un jugement, équitable mais réel, de ce qui s’est passé, pas seulement le 28 septembre 2.009, ma&is aussi en 2.006 et 2.007. La réconciliation demande la justice. On peut pardonner à ceux qui ont fait le mal, à condition qu’ils demandent au moins pardon, ce que beaucoup ne font pas. De même, c’est normal de prier pour la santé du président Dadis, à condition de prier aussi pour la santé de tous les blessés du 28 Septembre. Et de prier pour les morts de ce jour, aussi bien que pour ceux du 3 Décembre, jour de l’attentat contre le président. Comme l'a fait l'archevêque de Conakry le jour de Noel 2.009.

Mais encore une fois, au-delà des problèmes politiques, il est nécessaire de trouver une solution aux problèmes économiques, que ce soit au niveau du pays ou des organisations internationales. Et de solutionner rapidement la question des sanctions économiques.

A ce sujet, une note positive. Les forces sociales, regroupant les principaux syndicats et des organisations de la société civile, mais indépendamment des partis politiques, ont rencontré des représentants du CNDD et du gouvernement pour chercher des solutions à ces problèmes économiques et pour sortir le pays de la crise. Deux commissions ont été mises en place pour étudier ces problèmes et la question des salaires. Nous espérons que cela pourra aboutir à des solutions concrètes. Mais ce ne sera pas simple/ Déjà le gouvernement a annoncé une hausse du carburant, car il n'a plus les moyens de le subventionner comme dans le passé. Mais cela va entraîner une hausse des différents produits et du coût de la vie. Et pour le moment on ne trouve plus de carburant qu'au marché noir et à un prix fort.

Autre chose: le général Konate, 3° Président du CNDD et président de la République par interim vient de demander aux forces vives de proposer un 1° ministre issu de l'opposition, pour mettre en place un nouveau gouvernement, organiser la transition et préparer les élections présidentielles. En même temps, il insiste auprès des militaires pour qu'ils restent à leur place, tout en assurant la sécurité des personnes et du pays. Il semble que les choses se débloquent. Mais pour cela, le général Konate a promis des hausses de salaires et des mesures d'accompagnement, la fin de la construction des casernes…Mais où Trouver l'argent nécessaire pour cela? Est-ce que cela ne va pas augmenter l'opposition des civils aux militaires, trop favorisés par rapport au reste de la population.

Le président Dadis a quitté le Maroc pour le Burkina Faso. Il a finalement accepté de rester terminer sa convalescence dans ce pays. Et les différents chefs militaires ont reconnu l'autorité du général Konate. Que va-t-il se passer maintenant? Dieu seul le sait. A la grâce de Dieu! A condition de nous engager avec son aide et sa lumière, pour que les choses avancent dans le bon sens.




Lettre de Monseigneur Vincent Coulibaly Archevêque de Conakry à Mr BEA député belge au Parlement Européen.

A faire connaître au maximum de personne

Appel au Parlement Européen et à la Communauté Internationale

Lorsque les militaires du C.N.D.D. (Comité National pour la Démocratie et le Développement) ont pris le pouvoir en GUINEE le 23 Décembre 2008, des sanctions ont été prises contre le pays immédiatement, au niveau économique, à l’exception de l’aide humanitaire.

Nous comprenons très bien le souci de l’Union Européenne, et aussi de l’ONU, de la CEDEAO et des Etats-Unis d’Amérique, qu’il y ait une véritable démocratie dans les différents pays du monde, pour le bonheur des populations. Mais de simples élections, même « libres et transparentes », ne suffisent pas à assurer une véritable démocratie et encore moins le bien-être de la population. Et déjà, assurer l’éducation aussi bien des leaders que de la population, dont la majorité est analphabète, demande des moyens économiques importants.

En tout cas, au bout d’un an, nous devons constater que la population guinéenne vit de plus en plus mal. Suite, en particulier, à ces sanctions économiques et à l’arrêt de l’aide internationale, les gens sont de plus en plus pauvres. Et la situation ne fait qu’empirer. Il est donc très urgent et nécessaire de revoir les orientations prises. Car le vrai problème de la Guinée actuellement n’est pas d’abord politique, mais économique. Nous n’en voulons pour témoins que les dernières réactions des forces sociales du pays, regroupant des syndicats, des organisations patronales et de la société civile. Ces forces sociales ont demandé à rencontrer le Gouvernement au sujet des problèmes des travailleurs. Ils ont mis en place deux Commissions pour réfléchir aux problèmes économiques du pays et de la population. Vu ce sursaut qui nous semble très positif, il est urgent de soutenir cet effort important du Gouvernement et des syndicats. Si rien n’est fait pour les soutenir, les travailleurs vont partir en grève. Et l’on sait comment se passent les grèves en Guinée : elles se terminent en casse et mêmes en tueries.

Ensuite, nous faisons remarquer que ces sanctions économiques touchent directement et font souffrir en premier les tranches les plus pauvres de la population et non pas les gouvernants ou les leaders politiques. Elles n’entraînent aucun changement de comportement de ces derniers. Et l’on peut donc dire que ces sanctions économiques n’atteignent pas leur but. Ni pour le présent, ni pour l’avenir.

En effet, il est évident que si la population n’a plus les moyens de vivre, elle ne pourra que se révolter. Cette semaine, les responsables du pays viennent d’annoncer une augmentation très importante du carburant, car il n’a plus les moyens financiers de subventionner ce carburant. Comme par le passé, cette augmentation, qui va entraîner une augmentation en chaîne du coût de la vie et des différents produits, va causer de grandes souffrances supplémentaires. Et des réactions agressives et incontrôlables de la population. Ainsi, au lieu d’amener la paix et la démocratie, ces sanctions économiques ne pourront que casser le pays et il deviendra ingouvernable et impossible à construire.

C’est en fonction de ces considérations, que nous vous adressons un appel très fort pour que vous leviez ces sanctions, pour le bien du pays et de tous ses habitants. Le pays, comme vous le savez, est en pleine évolution. Il est absolument nécessaire de soutenir ce processus et de donner au pays la chance de bâtir une véritable démocratie, dans le souci des tranches les plus vulnérables de la population.




Reconstruire la Paix et le Dialogue en Guinée

On sait ce qui s’est passé en Guinée le 28 Septembre 2009. Les partis d’opposition avaient prévu un grand rassemblement ce jour-l&agrav1; dans le lieu symbolique du « Stade du 28 Septembre » (ainsi appelé car c’est le jour où a eu lieu le référendum, en 1958, par lequel la population guinéenne s’est prononcée pour l’indépendance). Le but de ce rassemblement était de s’opposer à la candidature supposée du Président de la République actuel, le capitaine Moussa Dadis CAMARA, qui avait pris le pouvoir juste après la mort du Président précédent, Lansana CONTE. Cette manifestation avait été interdite, mais les organisateurs en avaient maintenu le mot d’ordre. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants se sont retrouvés coincés dans le stade. Les militaires ont tiré sur la foule à balles réelles, ont attaqué les manifestants à coups de gourdins et de baïonnettes et ont violé en public de nombreuses femmes et jeunes filles. On parle de 150 morts et de 1200 blessés environ.

Il est évident que de telles choses sont atroces et absolument inadmissibles. Elles ont créé un choc énorme dans la population, dont les conséquences se poursuivent jusqu’à maintenant. Il faudra absolument juger les responsables.2 commissions d’enquête ont été mises en place pour cela : une nationale et une de l’ONU. Mais cela est insuffisant. Il faut à tout prix guérir les gens de tous les traumatismes vécus, et pas seulement soigner les blessures. Il faut à tout prix renouer le dialogue social et attaquer les causes qui ont permis des événements aussi dramatiques.

Je voudrais donc rapidement faire quelques réflexions et ensuite expliquer brièvement ce que nous essayons de faire.

I – Quelques réflexions

Suite à ces événements –encore une fois inadmissibles- on a assisté dans les médias occidentaux, en particulier les radios RFI (Radio France International) et BBC anglaise et la télévision France 24, sans parler des journaux, à un véritable matraquage médiatique qui a cherché à diaboliser toute la Guinée, et pas seulement les auteurs de cette tuerie, et à entretenir une véritable psychose qui n’a servi qu’à causer un grand sentiment d’insécurité. Alors qu’à CONAKRY les gens continuent à vivre, à voyager et à travailler normalement. Personnellement, je continue à circuler par les moyens de transport public, sans problèmes, de jour comme de nuit. Et nous continuons à tenir nos réunions de communautés et de Commissions « Justice et Paix » dans les quartiers, comme auparavant.

L’Ambassade de France à Conakry a obligé les Français à partir en fermant l’école française, le centre culturel et d’autres services techniques. Alors que les Français vivaient en paix, que la plupart voulaient rester et que ceux qui n’ont pas été obligés de partir sont restés.

Le Gouvernement français, comme l’Union Européenne ou les Etats-Unis ont cherché à imposer une solution de force de l’extérieur, sans chercher un vrai dialogue, ni à comprendre la culture et les problèmes de la Guinée de l’intérieur. Et en cherchant à imposer leurs solutions par la force. On a l’impression qu’ils n’écoutent que les partis d’opposition. Et beaucoup pensent que leur attitude est dictée par le fait que le Président DADIS veut réviser les contrats signés avec les grandes multinationales, en particulier pour l’exploitation de la bauxite (premier producteur mondial), du fer, de l’or, du diamant et bientôt du pétrole et du gaz. D’autant plus que face aux blocages rencontrés de la part de ces multinationales occidentales, le Président se tourne vers la Lybie et la Chine. La défense des droits humains a bon dos et peut être mise en avant pour des motifs inavoués… et inavouables.

C’est vrai que l’armée guinéenne comporte un bon nombre de militaires voleurs, violeurs et drogués. Cela ne date malheureusement pas d’aujourd’hui, mais remonte au moins à la guerre du Liberia et de Sierra Leone des années 90. Et il y a eu déjà des tueries en 2006 et en 2007 (plus de 300 morts au total). Et de gros efforts sont menés pour faire rentrer les soldats dans leurs casernes et les maîtriser.

C’est vrai qu’il y a de l’insécurité dans la ville (vols, attaques à main armée), mais il y en aurait plutôt moins que les années précédentes. Et ce n’est pas en sapant le Gouvernement actuel qu’on lui donnera les moyens de reprendre l’armée en main et de résoudre les problèmes. Nous pensons avec inquiétude à ce qui se passe en Somalie, au Darfour, au Congo et dans les Grands Lacs. Le message final du Synode, n° 36, y fait d’ailleurs allusion, en citant également la Guinée Conakry. Nous nous rappelons que pour l’Irak ou l’Afghanistan, par exemple, on a aussi imposé des solutions de force et on voit ce que cela a donné.

Le Président a mis en place une Commission d’enquête indépendante sur les tueries du 28 Septembre et accepté de collaborer avec la Commission de l’O.N.U.

Un groupe de contact international cherche à rétablir le dialogue entre le Président et les militaires du CNDD (Comité National pour la Démocratie et le Développement) d’une part, et les forces vives (société civile, syndicats et partis politiques d’opposition) d’autre part. Et un conciliateur a été nommé, en la personne de Blaise COMPAORE, Président du BURKINA FASO. Le problème est de savoir comment rétablir le dialogue et avec qui, si on enlève le président et le CNDD. On parle d’un gouvernement de consensus, mais aura-t-il le pouvoir d’imposer ses décisions aux militaires ?

La situation va certainement beaucoup évoluer entre le moment où j’écris ces lignes et celui où vous les lirez. Il faudrait aussi préciser et nuancer ce que je viens de dire d’une façon trop brève.

II – Qu’avons-nous fait ?

La Commission « Justice et Paix » de l’Eglise Catholique a été lancée en 2007. Elle travaille avec de nombreuses organisations de la société civile guinéenne, et des organisations internationales comme les CARITAS.

Dès l’annonce du Rassemblement prévu le 28 Septembre, les évêques étaient intervenus « pour lancer un appel solennel au calme et à la réflexion. Et à un effort de tous pour construire la paix ». Puis ce sont tous les chefs religieux, musulmans et chrétiens ensemble, qui sont intervenus « pour une sortie de crise dans la Vérité et la Paix ». Il faut se rappeler qu’après les massacres de janvier-février 2007, au temps de Lansana CONTE, ces mêmes chefs religieux avaient été appelés pour constituer un Comité de veille, pour superviser la marche du pays et le travail du nouveau gouvernement mis en place.

Le 29, ces mêmes chefs religieux ont obtenu la libération des chefs des partis politiques qui étaient soignés sous garde militaire. Ils ont ensuite visité les blessés dans les hôpitaux, assisté à la remise des corps et soutenu les familles en deuil. Et le Comité inter-religieux a ensuite fait plusieurs déclarations pour appeler à la retenue et au dialogue, malgré l’horreur de ce qui s’est passé.

Avec la Commission « Justice et Paix », nous nous sommes mis aussitôt au travail. D’abord, nous avons été, nous aussi, visiter les hôpitaux. Nous avons ensuite confié le suivi des blessés qui s’y trouvaient à MSF (Médecins Sans Frontière) et au CICR (Croix Rouge Internationale) qui étaient plus compétents et mieux outillés que nous, au point de vue médical. Et aussi pour leur signaler les personnes disparues.

Nous nous sommes alors tournés vers les quartiers. En effet, de nombreux blessés ont peur d’aller se faire soigner dans les dispensaires, par crainte d’être arrêtés. Et les familles ont besoin de soutien, surtout lorsque c’est un chef de famille qui a été blessé ou tué. Nous avons cherché à leur apporter un soutien à tous les niveaux : psychologique, moral, spirituel, mais aussi économique et technique, par exemple en orientant les femmes violées et les personnes traumatisées vers des organisations spécialisées, en fournissant de la nourriture quand le chef de famille est blessé ou mort, en fournissant du matériel scolaire pour les enfants de ces familles, en faisant soigner les blessés sérieusement mais dans la confidentialité dans un dispensaire de la ville.

Pour cela, nous sommes passés par les paroisses, en demandant aux chrétiens d’agir ensemble avec leurs voisins musulmans. Et cela à trois niveaux :

  1. nous signaler les blessés et les familles en deuil, dans la discrétion,

  2. lutter contre les rumeurs qui font grandir la peur et déstabilisent le pays,

  3. consolider le tissu social et augmenter le dialogue et l’acceptation mutuelle, en cherchant à parler avec tous et à créer des liens avec les personnes d’opinions, d’ethnies et de religions différentes.

Pour rétablir le dialogue, nous agissons au niveau des églises et des mosquées. Mais surtout auprès des jeunes. Pour deux raisons : d’abord, ce sont surtout eux qui ont été tués et blessés le 28 Septembre ; ils sont donc plus violents que les adultes, et prêts à se venger et à en découdre. De plus, ces jeunes sont souvent manipulés, que ce soit par le Pouvoir ou l’Opposition, et même parfois achetés, les gens profitant de leur situation de pauvreté. Plus grave, on veut utiliser les différences ethniques et religieuses, ce qui est très inquiétant pour l’avenir. Nous allons donc organiser une formation pour 200 jeunes (100 chrétiens et 100 musulmans, car il y a 99 quartiers dans la ville de Conakry), formation à la non violence, au dialogue et à la paix.

Ces jeunes formés iront deux par deux (un chrétien et un musulman) voir les prêtres, pasteurs et imans de chaque quartier, pour leur demander de parler aux jeunes, car ils sont écoutés et ont une grande influence sur ces derniers. Ensuite, ces jeunes formés organiseront des rencontres-débats entre associations de jeunes musulmans et mouvements de jeunes chrétiens. Des formations ont déjà été menées dans ce sens par la Commission catholique pour les relations avec les musulmans.

La formation des observateurs indépendants pour les élections est arrêtée pour le moment, à cause de la situation actuelle du pays.

Au sein de la Commission « Justice et Paix », nous avons mené un gros travail de réflexion et publié des documents qui sont très appréciés par ceux qui en prennent connaissance, le problème étant la diffusion. Même internet fonctionne très mal en ce moment. Nous avons cependant réussi à faire passer des messages dans les radios libres, des articles dans les journaux et une émission à la télévision (émission catholique). Pour les documents, il s’agit en particulier d’une réflexion approfondie sur la situation actuelle du pays, d’un document « Parole de Dieu et Prières » pour aider les chrétiens à vivre les événements dans la foi, un texte sur le pouvoir et les élections, un autre présentant les actions possibles.

On peut consulter ces documents sur notre blog : http://justice.paix.guinée.free.fr

Juste un passage de notre réflexion :

« Il est urgent d’organiser en Guinée des formations à la non violence active dans la ligne des Gandhi, Martin Luther King et Desmond Tutu, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Que cette éducation commence dans les familles. Qu’elle se continue dans les écoles : que l’éducation civique devienne une vraie éducation aux droits humains et pas seulement un enseignement des différentes structures du pays. Nous arrivons à la fin de la décennie de l’ONU pour l’éducation des enfants à la non violence. Qu’avons-nous fait dans ce sens pendant les 10 ans passés ? Nous avons à cultiver un esprit de dialogue dans toute notre vie. Dans nos familles, entre mari et femme, entre parents et enfants et avec tous.. Et aussi dans les quartiers et là où nous travaillons. C’est ainsi que la paix et la compréhension pourront grandir dans le pays. Cela dépend de chacun de nous. »

Enfin, nous continuons à visiter les paroisses pour mobiliser les chrétiens et dynamiser en particulier les Commissions « Justice et Paix » et de « Pastorale sociale ».

Bien sûr, nous ne sommes pas les seuls à travailler, heureusement ! Et nous espérons que la conjugaison de tous ces efforts va pouvoir porter du fruit.

Nous comptons bien sûr sur le 2ème Synode pour l’Afrique et sa mise en pratique, pour appuyer notre action. Déjà, nous sommes partis du message final pour faire plusieurs interventions et déclarations.

Nous remercions de tout cœur tous ceux qui nous soutiennent de leur amitié, de leurs conseils, de leur prière, quelle que soit leur religion.

Conakry le 18 Novembre 2009