Armel Duteil

Declarations 2011




A l'aube de la 3ème république : Réflexions de la Commission « Justice et Paix »

1 – Les besoins de notre pays et ce que le peuple attend.

D’abord, rappelons-nous la devise de notre pays depuis notre indépendance en 1958 : « Travail, Justice, Solidarité ». Donc, la première chose, notre 3ème République doit être une République de travail. Quels sont les travaux qui nous attendent :

  1. Bien utiliser les nombreuses richesses que Dieu nous a données : Notre bonne terre et nos nombreuses pluies pour l’agriculture et l’élevage. Notre mer et ses poissons. Nos mines et nos forêts. Notre beau pays qui peut attirer les touristes.
    Malheureusement, la mauvaise gouvernance a cassé tout cela. Sommes-nous décidés à relever notre pays ? Aurons-nous le courage de prendre les moyens nécessaires pour cela ?

  2. L’éducation et la formation aux métiers. Comment faire avancer notre pays si nous ne sommes pas capables de bien travailler ? Pas seulement avoir des connaissances, mais avoir le sérieux, l’honnêteté et le courage nécessaires. Travailler pas seulement pour nous, mais pour les autres et pour le pays. Et continuer à nous former.

  3. La communication pour savoir ce qui se passe dans le pays et connaître ce qui se fait dans le monde. A condition que les moyens de communication nous disent la vérité. Et qu’ils cherchent à nous former, et pas seulement à nous amuser ou à nous faire oublier nos problèmes.

  4. Le développement à la base, pour que chaque quartier et chaque village puisse voir ses vrais problèmes et proposer ses propres solutions, d’après ses possibilités. Cela suppose que les populations ne soient ni abandonnées, ni exploitées. Et que leur travail soit respecté pour qu’elles retrouvent leur dignité. Cela demande que ceux qui représentent ces populations, depuis les chefs de quartiers ou de village, jusqu’aux responsables nationaux, en passant par les Sous-Préfets et les maires, comprennent leurs responsabilités comme un service du peuple. Et non comme un moyen de profiter de leur pouvoir, pour leur propre intérêt. Ou pour gagner de l’argent, en le détournant. Pour cela, il ne suffira pas de changer les représentants du peuple. Il faudra changer leur mentalité et leurs idées. Et d’abord changer la façon de les choisir. Sinon, nous retomberons dans les mêmes problèmes. Et les nouveaux ne feront pas mieux que les anciens !

  5. La bonne gouvernance et le changement de l’administration : c’est la base. Ca ne sert à rien de faire la liste de tous les problèmes, si on n’a pas une bonne administration du pays, claire, et qui cherche le bien des populations sur le terrain. Il ne suffit pas d’avoir des gens compétents. Il faut qu’ils travaillent sérieusement.

2 – Quels moyens utiliser ?

Ces travaux à faire pour relever le pays, tout le monde les connaît. Tout le monde en parle. Le problème, c’est : quelles actions mener, et comment les mener, pour trouver des solutions valables aux problèmes du pays ? Nous l’avons dit : il faut changer les mentalités et travailler, tous ensemble et pour le bien de tous. Mais que faire pour cela ? Beaucoup de propositions ont déjà été faites. En tant que citoyens du pays et membres d’une Eglise catholique qui a le souci du bonheur des gens et qui a reçu la lumière de l’Evangile, nous voudrions apporter notre part à la réflexion commune.

  • Il faudra, dans tous les services du pays et à tous les niveaux, exiger la discipline, le sérieux, une méthode de travail, une organisation des actions et surtout une prévision. Trop souvent, on fait les choses au hasard, comme elles se présentent, sans vision d’avenir, dans l’improvisation et au dernier moment. Comment les choses pourraient-elles marcher dans ces conditions ?

  • La réconciliation : Un proverbe dit : « Quand les frères travaillent ensemble, même les montagnes se transforment en or ». La meilleure façon de réconcilier les Guinéens, c’est de les mettre ensemble au travail, pour reconstruire le pays. En travaillant ensemble, ils apprendront à se connaître, à découvrir leurs qualités réciproques, à dépasser les préjugés et les idées toutes faites, et à agir ensemble dans la justice et la solidarité, selon la belle devise de notre pays.

Avant de choisir des dates pour les élections législatives et communales, notre Président, le professeur Alpha CONDE, a demandé que l’on analyse d’abord le travail passé de la C.E.N.I. (Commission Electorale Nationale Indépendante) et que l’on fasse appel à l’expérience des autres pays africains. Cela nous semble également nécessaire pour toutes les actions à mener. En particulier pour la réconciliation. Nous voulons nous inspirer des Commissions « Vérité et Réconciliation » d’Afrique du Sud. Mais dans ce pays, on s’est aperçu que la vérité ne suffit pas. Il n’y a pas de vraie réconciliation sans justice. Et sans un minimum de réparation, pour apaiser les cœurs. C’est pourquoi, nous apprécions le choix qui a été fait au Togo : « Vérité, Justice et Réconciliation ». Dans ce pays, l’Eglise Catholique s’est fortement engagée dans ce sens. Nous sommes prêts à le faire aussi en Guinée, dans notre Commission « Justice et Paix ».

Il ne suffira pas de nous appuyer sur les qualités traditionnelles de nos cultures guinéennes. Au Rwanda, on a confié la réconciliation aux tribunaux traditionnels, les gacaca. Malheureusement, cela a souvent tourné aux fausses accusations et aux règlements de compte. Et nous ne pouvons pas oublier que dans notre pays, certaines victimes, avant d’être victimes, ont d’abord été les bourreaux de leurs frères et de leurs soeurs. Il faudra donc veiller à la vérité, et pas seulement à la sincérité des personnes.

La production agricole

Tout le monde dit que la terre de Guinée est riche. Et que le pays est le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. Malgré cela, nous n’arrivons pas à nourrir nos populations. Là aussi, il va falloir réfléchir sérieusement, pour voir d’où cela vient. Et mettre en place des solutions efficaces.

D’abord, il faudra aider les paysans à avoir les moyens de cultiver, en semences et en outils. En gardant notre liberté et l’indépendance des paysans. Et donc en refusant les OGM qu’on veut nous imposer, et qui feront que les paysans n’auront plus leurs propres semences, mais devront les acheter chaque année à l’étranger.

Il faudra voir comment fonctionne réellement le crédit rural dans les villages. Est-il vraiment au service des paysans, ou bien réservé à ceux qui ont un salaire régulier et peuvent fournir des garanties financières ?

Il faudra bien sûr organiser et contrôler les circuits commerciaux, pour que ce ne soit pas d’autres personnes qui s’enrichissent sur le dos des paysans, en exploitant leur travail. Cela suppose des routes en bon état. Il est absolument nécessaire que les populations participent aux choix de la politique agricole, et qu’on leur explique clairement ce qui est en jeu. Sans chercher à les tromper ou à les manipuler.

Ce sont les femmes qui produisent principalement notre nourriture. Il est donc très important qu’elles deviennent propriétaires de leur terre. Or, de plus en plus de personnes aisées de la ville, ou d’un niveau social élevé, achètent les terres et font travailler les paysans pour eux. Il ne suffit donc pas de produire assez pour nourrir le pays, il faut voir qui profite de cette production. Et comment les richesses du pays sont partagées. Sinon les paysans et les paysannes qui travaillent très dur seront de plus en plus exploités et deviendront de plus en plus pauvres.

Nous rappelons que les Nations Unies donnent la priorité à la population locale, avant l’exportation. Et qu’il faut à tout prix lutter contre l’Organisation Mondiale du Commerce, telle qu’elle fonctionne actuellement.

Il faudra aussi protéger la production locale de nos paysans en luttant contre les importations anarchiques. Et assurer un prix de vente juste de leurs produits, qui leur permette de vivre, eux et leur famille. Nous savons que les Etats-Unis et les pays européens subventionnent dans une grande proportion leurs produits agricoles et leurs élevages, qu’ils exportent ensuite chez nous. De nombreuses sociétés multinationales pratiquent le dumping. Et ainsi, ils viennent vendre leurs produits moins chers que ce que nos paysans peuvent produire. Le riz local coûte plus cher que le riz importé. Ce n’est pas normal. Nous avons le devoir de protéger nos populations. Si des pays subventionnent leurs produits pour venir les vendre à bas prix chez nous, empêchant ainsi nos populations de vivre de leur travail, nous avons le droit de taxer ces produits quand ils entrent chez nous. Mais bien sûr, il faudra nous entendre, sinon avec tous les pays africains, au moins avec ceux de la CEDFAO, afin que nos efforts pour défendre nos populations puissent aboutir. Il ne suffit pas d’assurer la sécurité alimentaire (donner à manger à notre peuple) en important des produits étrangers à bas prix, qui nous rendent de plus en plus dépendants de l’extérieur. Nous voulons la souveraineté alimentaire : que nous produisions nous-mêmes ce que nous mangeons. Et que nos produits soient payés à un prix juste, pour pouvoir faire vivre nos familles dans la dignité.

Les mines

Depuis de nombreuses années, on parle de la révision des contrats miniers. Qu’est-ce qui a été fait exactement ? Et que penser des derniers contrats, signés pendant la période de transition ? Même si la manière de réviser ces contrats, utilisée il y a quelques années, n’était pas la bonne, il ne faudrait pas abandonner cet objectif pour autant.

Là encore, nous pouvons nous inspirer de l’expérience de plusieurs pays africains et de l’action : « Publiez ce que vous payez ». Pour savoir ce que gagnent véritablement les sociétés minières, ce qu’elles versent à l’Etat, et ce que l’Etat fait de cet argent. La population a le droit de le savoir. Et il ne faudrait pas que cet argent serve uniquement à payer nos militaires et les autres fonctionnaires ou soit investi seulement en ville, tout comme les bénéfices de nos exportations agricoles : les bénéfices doivent être utilisés au profit de tous.

Et bien sûr, il faudra continuer à veiller sur les conséquences de ces exploitations minières sur l’environnement.

L’augmentation du coût de la vie.

Il est absolument nécessaire de mettre en place un contrôle efficace des prix. On ne peut pas répondre à l’augmentation du coût de la vie seulement par des augmentations de salaires. Car les paysans et les éleveurs, tous les travailleurs du secteur informel –sans parler des très nombreux chômeurs- ne sont pas salariés. De même, ce ne sont pas seulement les habitants de Conakry qui ont besoin d’eau et d’électricité, mais tous les Guinéens.

Les grands projets sociaux.

Il y a eu de grands projets qui ont été menés dans notre pays, avec beaucoup de publicité et beaucoup d’argent : lutte contre la pauvreté, emploi des jeunes, lutte contre la corruption, etc… Chaque jour à la radio et à la télévision, on nous parle de séminaires. Il est urgent d’évaluer ces grands projets pour voir ce qui a marché, ce qui n’a pas marché et pourquoi. D’évaluer leurs résultats réels et d’en tirer les conclusions. Il est temps d’arrêter tous ces séminaires qui, pour beaucoup, ne servent à rien, sinon à se montrer, à voir du pays et à gagner des « per diem ». Que l’on mette en place un système d’évaluation systématique de tous ces séminaires. Pour exiger des participants un travail réel et des résultats. Cela est encore plus vrai pour tous les nouveaux projets qui vont voir le jour. Et pour toutes les aides que nous allons recevoir. Nous n’avons pas le droit de les gaspiller. Encore moins de les détourner.

La lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.

Cela pose toute la question de la Justice. Il faudra lui donner des moyens de travailler efficacement et d’une manière indépendante. Mais, là encore, ces moyens ce ne sont pas seulement des augmentations de salaire. Il faut mettre en place des moyens sérieux pour lutter contre l’impunité. Et arrêter le favoritisme, le népotisme et le copinage à tous les niveaux. Il y a trop de pots de vins dans les affaires. Au tribunal, c’est souvent aux riches et aux bien-placés que l’on donne raison. Les pauvres et les petits ne sont pas traités avec justice. Ici aussi, il faudra avoir le courage de renvoyer les personnes qui se conduisent mal, tout comme dans l’Armée ou la Fonction Publique.

On vient de mettre en place un médiateur au niveau national. Mais il ne pourra pas tout régler depuis Conakry. Il faudrait un médiateur dans chaque sous-préfecture. Avec les moyens de travailler. Pour que les personnes exploitées et traitées injustement puissent être défendues, sans avoir besoin de payer. Sinon, ce seront toujours les plus riches qui profiteront de la situation.

L’utilisation de l’argent par le peuple guinéen.

Nous constatons que, même quand les gens gagnent leur argent honnêtement, ils le dépensent souvent en fêtes et même en dépenses inutiles ou de prestige. Si Dieu te permet de gagner de l’argent, il te demande aussi de l’utiliser le mieux possible. Pour faire vivre ta famille d’abord, mais également pour aider les nécessiteux. Et encore, pour faire vivre le pays. Il faut lancer une grande action de réflexion pour faire comprendre à tous les Guinéens qu’il est important d’investir leur argent dans le pays, au lieu de le placer à l’étranger, ou de le dépenser en fêtes improductives. Utiliser leur argent pour des activités utiles à tous ; Par exemple, pour ouvrir des ateliers et lancer des productions agricoles ou autres. C’est cela qui leur rapportera de l’argent. C’est cela qui fera vivre le pays. C’est cela qui donnera du travail aux jeunes et aux chômeurs. Au lieu de faire seulement du commerce avec des produits que nous n’avons même pas fabriqués nous-mêmes.

A ce sujet, il sera significatif d’étudier le prochain Budget de l’Etat : quelle part sera consacrée à l’armée et quelle part à l’éducation ou à la santé ? Quelle part aux salaires des agents de la fonction publique et quelle part aux actions sociales en faveur des déshérités ? Quelle part au « fonctionnement » et quelle part aux investissements ? Il ne suffit pas de voir combien les taxes douanières nous rapportent. Il faut voir aussi à quoi est utilisé cet argent.

C’est dans la vie de tous les jours que cet effort doit être vécu. Et par tous. Combien de temps va-t-on permettre aux fonctionnaires et autres personnes ayant une petite responsabilité dans les bureaux de rançonner les personnes qui s’adressent à eux, pour un travail qui est le leur, et pour lequel ils sont déjà payés ? Combien de temps va-t-on laisser les personnes toucher leurs salaires, en faisant travailler à leur place des stagiaires ou des bénévoles ? Combien de temps va-t-on accepter que des maîtresses de maisons puissent se permettre d’avoir un emploi à l’extérieur, en faisant travailler dur chez elles une petite fille venue du village, qui n’est pas payée et ne peut pas aller à l’école ? Combien de temps va-t-on laisser les policiers et gendarmes taxer les voitures qui ne sont pas en état de rouler, mettre l’argent dans leur poche…. et laisser la voiture repartir jusqu’au prochain barrage, en mettant en danger la vie des passagers ? Est-ce normal qu’un dossier d’inscription à la sécurité sociale ne soit pas enregistré au bout de deux ans, et cela malgré de nombreuses démarches à la CNSS ? Et que penser de toutes ces veuves qui n’arrivent pas à toucher la pension de leur mari décédé, à laquelle elles ont droit ? Parce que cet argent est détourné. Nous pourrions multiplier les exemples. Tous, nous les connaissons. Mais nous regardons sans rien faire.

3 – Comment agir ?

Il faut savoir punir, et lutter contre l’impunité. Mais il faut éviter « la chasse aux sorcières », qui ne peut que révolter les gens. Devant des fautes graves, il faut réagir. Mais en général, il nous semble plus positif d’encourager et de soutenir les efforts de chacun. Et aussi d’assurer une promotion à ceux qui travaillent sérieusement, au lieu de prendre en compte les relations personnelles, familiales ou ethniques.

La base de tout cela, c’est donc de lancer un travail de réflexion, de formation et d’éducation à tous les niveaux. Pour motiver tous les Guinéens. Pas par l’argent, mais par des convictions fortes. En commençant par l’Armée et la Fonction publique. Par exemple, dans les écoles, que l’on mette en place une véritable éducation civique. Pas seulement des règles de politesse ou d’hygiène. Ou des choses apprises par cœur, sans motivation ni même explication. Que par tous les moyens, on fasse comprendre à tous l’importance de la Patrie et l’amour du pays. Tant que les Guinéens n’aimeront pas la Guinée, ils ne seront pas prêts à se sacrifier pour elle. Et leur seul désir sera de partir le plus vite possible à l’étranger, par tous les moyens. Que l’on arrête les grandes déclarations, les éloges et les grands discours auxquels personne ne croit, même pas celui qui les prononce !

4 – Appel au Président, à son gouvernement et à ses différents services.

Jusqu’à maintenant, nous nous sommes adressés à tous les Guinéens. Parce que c’est tous ensemble que nous voulons construire la Guinée. « Un seul doigt ne peut pas laver toute la figure » ! Pour terminer, nous nous permettons de nous adresser au Chef de l’Etat et à ses collaborateurs. Pour que les choses passées ne se reproduisent plus.

Votre tâche prioritaire, à notre avis, c’est de mettre tous les Guinéens au travail. Ensemble, dans la rigueur, la discipline et la solidarité. Nous vous demandons de ne pas vous laisser distraire de votre travail par la « mamaya » des groupes de toutes sortes, qui sont des mangeurs jamais rassasiés de l’argent du pays et de l’aide internationale. Et qui ne font que vous empêcher de travailler.

Que votre action commune libère peu à peu le peuple de la pauvreté, de la faim, de la maladie, du chômage et du sous-développement. Que votre action libère aussi le peuple du vol, du mensonge, de la démagogie, de la délinquance, du désespoir, de la violence et de la haine. Et que vous restiez fermes dans vos décisions. C’est pour cela que nous prions pour vous tous.

Monsieur le Président, vos collaborateurs doivent être les premiers à donner l’exemple, pour un changement de mentalité et une mise au travail de tous. N’hésitez pas à exiger de vos ministres des résultats concrets. Et à évaluer régulièrement avec eux le travail accompli et les résultats obtenus, chacun dans son domaine. Et qu’ils n’oublient pas que le mot « ministre » signifie « serviteur » !

Enfin, nous redisons que le Président et ses ministres, à eux seuls, ne pourront pas redresser le pays. La Guinée est entre nos mains à tous. Nous avons tous notre part à apporter à la construction du pays. Et personne ne pourra le faire à notre place. « C’est en se mettant toutes ensemble que les petites termites construisent de grandes termitières ». Grâce à Dieu, et grâce à la sagesse de notre peuple, les résultats de l’élection présidentielle ont été acceptés dans un calme étonnant, que nous n’osions pas espérer. Car tous et chacun ont aimé la Guinée et cherché d’abord le bien du pays. Aujourd’hui, nous pouvons vivre dans la paix. Nous voyons dans cette paix le signe que Dieu est présent au milieu de nous. Et qu’il agit dans son peuple.

5 - Avec l’aide de Dieu, tous ensemble

Pendant la Campagne électorale présidentielle, nos responsables religieux, ensemble, chrétiens et musulmans, nous ont appelés à la paix, l’unité, et la responsabilité. Nous sommes un peuple de croyants. Nous voulons continuer ensemble ce que nous avons commencé pour construire notre pays comme Dieu le veut. Par conséquent, que chacun rentre dans son cœur. Qu’il se demande ce que Dieu l’appelle à faire. Ensemble, cherchons dans nos livres saints et nos traditions religieuses ce que Dieu nous demande et comment construire le pays.

Dans notre action commune, nous pouvons nous appuyer sur les Prophètes que nous avons en commun. Nous nous rappelons ce que Moïse a fait. Les Hébreux étaient esclaves en Egypte ; on tuait leurs enfants ; ils étaient frappés durement et n’avaient pas de quoi vivre. Dieu a envoyé Moïse (Moussa) pour les délivrer et les faire entrer dans une terre de bonheur et de paix. C’est à nous de continuer le travail de Moïse, aujourd’hui en Guinée. En nous rappelant ces paroles de Moïse : « Tu protègeras la veuve, l’orphelin et l’étranger, car tu as été toi-même étranger en Egypte. Tu n’exploiteras pas le pauvre ».

Dieu nous appelle à construire notre pays avec la même foi qu’Abraham (Ibrahima).

Les Hébreux étaient exilés à Babylone. Dieu les a délivrés et les a fait revenir dans leur terre. Il a sauvé son peuple. Aujourd’hui, Dieu veut sauver son peuple de Guinée. Et nous pouvons dire nous aussi, avec reconnaissance, ce que le prophète Isaïe disait en ce temps-là (52, 7-10) : « Ruines de Jérusalem, criez de joie. Dieu a consolé son peuple. Il a sauvé sa ville de Jérusalem. Dieu a montré la force sainte de son bras, devant toutes les nations. Et d’un bout à l’autre du monde, on a vu Dieu qui nous sauve ». Oui, nous voyons Dieu qui nous sauve aujourd’hui. Mais Dieu ne sauvera pas la Guinée sans nous, ni à notre place.

Le jour de Noël, nous avons entendu cette autre parole du prophète Isaïe (9, 1-6) : « Le peuple qui marchait dans la nuit a vu une grande lumière se lever. Une lumière a brillé, sur ceux qui habitaient le pays de la mort. Dieu, tu as multiplié la nation. Tu as fait grandir sa joie… Le poids des souffrances pesait sur ton peuple. Leurs épaules étaient blessées, à cause de tous les coups qu’ils avaient reçus. Les chefs les faisaient travailler de force, les frappaient. Mais Dieu a cassé les bâtons et les matraques qui les frappaient. Les soldats écrasaient le sol avec leurs chaussures de guerre. Les habits étaient couverts de sang. Mais Dieu a brûlé tout cela, par son feu. Oui, un Enfant est né pour nous. Dieu nous a donné son Fils. Jésus a reçu le pouvoir sur ses épaules. On l’appelle : le conseiller merveilleux, le Dieu fort, notre Père pour toujours, le prince de la Paix. Pour que le pouvoir de Dieu s’étende dans une paix sans fin, sur toute sa nation. Pour organiser le pays et le rendre solide, dans le droit et la justice…. L’amour de Dieu le Tout-Puissant fera cela pour nous. »

Oui, nous voyons que Dieu le Tout Puissant a fait cela pour nous, en ces jours. Mais allons-nous écouter ce Conseiller Merveilleux ? Saurons-nous utiliser la force qu’il nous donne ? Saurons-nous faire grandir sa Paix, sur toute notre nation ? Comment organiser notre pays, dans le droit et la justice ? Et dans l’amour de Dieu Tout Puissant ?

Nous avons voulu y réfléchir dans la prière, et nous avons voulu partager nos pensées avec tous. Pour nous, chrétiens, celui qui est notre force et nous entraîne, bien sûr c’est Jésus, l’ami des petits et des pauvres. Il a aimé son pays et ses frères et sœurs jusqu’au bout. Il veut que tous les hommes soient sauvés.

Le prophète Michée disait (6, 8) : « Homme, on t’a fait savoir ce qui est bien. Ce que Dieu te demande : Simplement, faire la justice, aimer la bonté et marcher humblement avec ton Dieu ». Prenons nos responsabilités. Après ces élections, il nous faut prendre la daba et retourner au travail. N’oublions pas la que les anciens nous ont enseignée. Prenons des. Prenons-nous en charge, au lieu de toujours compter sur l’Etat ou d’attendre les miettes qui tombent de la table de nos responsables rassasiés. Il n’y a aucune dignité dans la paresse, le vol ou le parasitisme. « Si tu veux qu’on te lave le dos, commence par te laver le ventre toi-même ».

Notre Archevêque, Mgr Vincent COULIBALY, a expliqué le rôle et la responsabilité de tous et de chacun dans son Message de Pâques 2009 : « Aspirations au changement ». L’Eglise est au service du pays. Elle peut mettre à la disposition de tous, la sagesse acquise après plusieurs siècles de réflexion et d’actions, regroupée dans la Doctrine Sociale de l’Eglise, qu’il présentée brièvement dans cette même déclaration de Pâques 2009, et dans ses différentes homélies de Noël.

Nous confions notre pays à la prière et à la protection de la Vierge Marie (Mariama), elle qui chantait : « Dieu se souvient de son amour pour son peuple… L’amour de Dieu s’étend d’âge en âge, sur ceux qui le craignent. Dieu renverse les orgueilleux de leur trône. Il élève les petits. Il comble de biens ceux qui ont faim. Il renvoie les riches les mains vides. Il vient en aide à Israël son peuple » (Luc 2, 46-56).

Que cela arrive pour la Guinée aujourd’hui !
Amen.




Appel de la commission Justice et Paix

Cet appel se situe dans la suite de l’exhortation de Monseigneur Vincent COULIBALY à l’occasion du 2ème tour de l’élection présidentielle.« Il est temps de nous ressaisir ».Même si ce 2ème tour est passé, il est important de travailler ces appels -de même que l’exhortation elle-même- dans nos différents groupes, car de nombreuses autres élections nous attendent : législatives (députés), communales (maires, conseils municipaux, CRD), etc…

Nous les chrétiens, nous sommes citoyens comme les autres habitants de ce pays et nous devons, en tant que chrétiens, nous mettre tout spécialement au service de la nation, puisque c’est Dieu lui-même qui nous a donné cette terre de Guinée, dans laquelle il nous a appelés à vivre. C’est pourquoi, nous devons passer à l’action sans attendre, à la fois pour lutter contre la violence et éduquer à la paix et aussi pour reconstruire le pays. Mais pas tous seuls, ensemble avec les autres citoyens et les autres religions

Il s’agit d’avoir un dialogue positif avec tous les citoyens de notre pays et de nous conseiller les uns les autres, pour construire ensemble la paix, dans le respect des différentes opinions de chacun. Il s’agit de vivre les prochaines élections dans l’acceptation de nos différences ; de chercher en conscience le candidat pour qui nous allons voter, en réfléchissant au fond de notre cœur et dans la prière, pour choisir ceux qui pourront le mieux conduire le pays, quelles que soient leur religion, leur ethnie ou leur situation sociale, mais en analysant leurs programmes et en voyant ce qu’ils ont fait dans le passé.

Nous demandons aux personnes qui seront chargées d’organiser ces élections à la base, de le faire avec sérieux et compétence, quelles que soient les difficultés concrètes rencontrées sur le terrain et les imperfections dans l’organisation.

Nous appelons tous les Guinéens, et pas seulement les candidats, à accepter les résultats des futures élections, sans violence ni agressivité. Et, après ces élections, à travailler à reconstruire le pays à la base, avec tous, sans exclure personne. Et en donnant leur place et la parole aux plus nécessiteux et aux marginalisés.

N’oublions pas non plus l’appel que nos chefs religieux ont lancé ensemble dès le début des élections présidentielles. Il se résume en trois mots : la paix, l’unité et la responsabilité

La vraie paix, la paix de Dieu. Pas seulement l’absence de violence. La paix naît dans le cœur. Elle demande que nous changions notre cœur pour y enlever tous les sentiments de haine ou de vengeance. La paix suppose que nous soyions capables de pardonner et que nous décidions vraiment de nous réconcilier. Il ne suffit pas de faire des grandes déclarations ou des discours. Il va falloir y réfléchir profondément dans nos différents groupes. Il faudra prendre les moyens concrets de construire la paix, à la base, dans la vie de chaque jour. Cela demande de la part de tous un grand effort d’éducation à la paix, qui doit commencer dès aujourd’hui, mais qui devra se prolonger et s’intensifier par la suite. Tous nous disons que nous voulons la paix. Alors faisons tout ce qu’il faut pour qu’elle arrive vraiment. En nous demandant d’abord quelle est le paix que Dieu désire pour nous et que nous dit la Parole de Dieu sur la Paix. Pas chacun de notre côté. Mais en cherchant ensemble chrétiens et musulmans.

L’unité. Ce n’est pas l’uniformité. Au contraire, c’est accepter nos différences. Accepter que les autres aient d’autres idées et d’autres manières de voir les choses. C’est cela qui nous permettra de nous enrichir mutuellement et de nous compléter, pour pouvoir construire ensemble le pays. Cela demande le respect et l’accueil de l’autre, en qui nous voyons un frère, une sœur et un enfant de Dieu. Car le pays a besoin des efforts et des qualités de tous, sans exception. Ces qualités que Dieu nous a données pour vivre ensemble. Pour construire la Guinée, nous avons besoin les uns des autres. Et le destin de notre pays est entre nos mains.

Nous conduire comme des citoyens responsables comme Dieu nous le demande, en gardant les valeurs traditionnelles que les anciens nous ont enseignées, mais en les rendant meilleures, en particulier grâce à la Parole de Dieu. Et en cherchant comment les vivre d’une manière adaptée au monde d’aujourd’hui. Etre responsable, c’est être capable de se maîtriser. Etre capable de réfléchir, sans se laisser entraîner par ses sentiments, encore moins par la colère. C’est ne pas croire n’importe quoi et ne pas répandre des rumeurs non vérifiées, encore moins des paroles malveillantes ou agressives. Ne pas se laisser manipuler. Dieu nous a confié la Guinée. Prenons nos responsabilités.

Nous remercions tous ceux qui se sont déjà engagés sur ce chemin de la paix, de l’unité et de la responsabilité. Dieu saura bénir et accompagner vos efforts, quelles que soient les difficultés que vous rencontrez.

N’oubliez pas que nous sommes responsables devant Dieu et devant l’Histoire de ce que nous allons faire de notre pays. Que chacun rentre dans son cœur pour écouter sa conscience et savoir ce qu’il doit faire. Qu’il prie Dieu de l’éclairer et de lui donner la force de faire de ce qu’il doit faire. Nous vous assurons de nos prières. Que Dieu bénisse la Guinée.




Monseigneur Vincent COULIBALY dans son exhortation « Il est temps de nous ressaisir » début novembre 2010 avant le 2° tour des élections présidentielles en Guinée écrivait notamment

« Que dire de l’inculturation et de la démocratie dans notre pays ? Pris dans la tourmente de l’avènement de la démocratie  soufflant sur le continent africain, nous avons perdu les racines de nos cultures, en confiant le devenir de notre pays à la régulation et à l’ajustement structurel de la Communauté et des Institutions internationales, nous dépouillant ainsi de notre capacité à définir le sens de notre propre histoire. Pris en otage et soumis en permanence aux injonctions de la Communauté Internationale, nous nous sommes attelés à construire un système démocratique dont les plans et le logiciel ont été conçus ailleurs, et livrés de toute urgence en Afrique comme des prêts-à porter et des prêts-à-consommer universels, répondant, selon les prétentions et sans discernement, aux attentes  d’un continent sommé de s’ouvrir  à l’impérieuse nécessité de la mondialisation culturelle, économique, politique et financière.  Le déroulement du Premier tour du scrutin présidentiel dans notre pays, qui se voulait crédible, transparent, juste et paisible, a révélé les failles, les faiblesses et les limites d’un système ou d’une idéologie qui réduisait  l’organisation d’une élection démocratique en Guinée à l’unique dimension de simple maîtrise technique et mécanique d’un système, d’un logiciel, au mépris des mentalités, du contexte culturel et humain ».

Que pensons-nous de cela ?  Pour nous que devrait être une démocratie en Afrique Noire ? Comment la construire ? Nous attendons vos réponsesau Père Armel, au secrétariat de l’archevêché, boite de Taouya ou par mail.


Palestine : L'heure de la non-violence ?

Voici un texte sur la Palestine. Il peut nous aider à réfléchir en profondeur à notre situation en Guinée et aussi ailleurs. Il est tiré des « Cahiers de la Réconciliation » (juin 2010, n° 2), revue de la section française du M.I.R. (Mouvement International pour la Réconciliation), 68 rue de Babylone, 75007 PARIS. (mirfr@club-internet.fr)

L'espérance

Bien qu’il n’y ait apparemment aucune lueur d’espoir, notre espérance reste ferme.

La situation présente, en effet, n’annonce aucune solution proche, ni la fin de l’occupation qui nous est imposée. Les initiatives sont certes nombreuses, de même que les congrès, les visites et les pourparlers, mais tout cela n’est suivi d’aucun changement dans notre réalité et nos souffrances. Même la nouvelle position des Etats-Unis, annoncée par le Président OBAMA, et sa volonté manifeste de mettre fin à ce drame, a été incapable d’y apporter un quelconque changement. La réponse israélienne, refusant catégoriquement toute solution, ne laisse aucune place à l’espoir. Malgré cela, notre espérance reste ferme, car nous la tenons de Dieu. Il est bon, tout-puissant et aimant. Sa bonté finira par vaincre un jour le mal dans lequel nous vivons. Saint Paul nous dit : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (…) Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse, la persécution, la nudité, les périls, le glaive ? Selon le mot de l’Ecriture : A cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour (…). Aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu » (Romains 8,31.35.36.39).

Que veut dire espérer ?

L’espérance qui est en nous signifie en tout premier lieu croire en Dieu et, deuxièmement, aspirer malgré tout à un avenir meilleur. Enfin, elle signifie ne pas fonder notre espoir sur des illusions, car nous savons que la solution n’est pas proche. Espérer veut dire être capable de voir Dieu au milieu de l’épreuve et d’agir avec son Esprit en nous. A partir de cette vision, nous puisons la force pour persévérer, survivre et nous efforcer de changer notre réalité. Espérer veut dire ne pas se résigner devant le mal, mais dire non à l’oppression et à l’humiliation, et continuer à résister au mal. Nous ne voyons que destruction dans le présent et dans l’avenir ; nous voyons la tyrannie du plus fort et sa volonté d’imposer davantage de séparation raciste et de promulguer des lois qui bafouent notre dignité et notre existence. Nous voyons aussi perplexité et division parmi les Palestiniens. Cependant, si aujourd’hui nous résistons et agissons de toutes nos forces, peut-être que la ruine qui se dessine à l’horizon n’aura pas lieu.

Signes d'espérance

L'église –ses chefs et ses fidèles- sur cette terre, montre de nombreux signes d’espérances, malgré sa faiblesse et ses divisions. Nos communautés paroissiales sont vivantes. Les jeunes y sont des messagers actifs pour la justice et la paix. Outre l’engagement des personnes, les institutions diverses des églises font de la présence chrétienne une présence active, de service, de prière et d’amour.

Parmi les signes d’espérance, il y a les nombreux centres locaux de théologie, qui ont un caractère social et religieux, dans toutes nos églises. Le caractère œcuménique, malgré certaines hésitations, se manifeste de plus en plus dans les rencontres entre les différentes familles d'églises.

Les nombreux dialogues inter-religieux sont aussi autant de signes d’espérance, notamment le dialogue islamo-chrétien, au niveau des responsables comme au niveau d’une partie du peuple. Toutefois, il faut savoir que le dialogue est une longue marche et un effort qui se perfectionne jour après jour, en vivant les mêmes épreuves et les mêmes attentes. Le dialogue existe aussi entre les trois religions –judaïsme, christianisme et islam- et nombre d’autres dialogues ont lieu aux niveaux académique ou social. Tous ces dialogues s’efforcent d’abattre les murs qu’impose l’occupation et de s’opposer à la déformation de l’image de l’autre dans le cœur de ses frères et sœurs.

Parmi les signes les plus importants d’espérance, il faut mentionner la constance des générations qui croient à la justice de leur cause ainsi que la persévérance de la mémoire, qui n’oublie pas la catastrophe, « la nakba » et sa signification. La même prise de conscience est à l’œuvre dans de nombreuses églises à travers le monde, qui désirent mieux connaître la vérité sur ce qui se passe ici.

De plus, nous voyons, chez beaucoup de gens, une détermination à dépasser les rancunes du passé. Ils sont prêts à la réconciliation une fois la justice rétablie. Le monde prend conscience de la nécessité de restaurer les droits politiques des Palestiniens. Des voix juives et israéliennes plaidant pour la paix et la justice s’élèvent à cette fin, soutenues aussi par la communauté internationale. Il est vrai que ceux qui sont pour la justice et la réconciliation restent impuissants à mettre fin à l’injustice. Ils représentent cependant une force humaine qui a son importance et pourrait abréger le temps de l’épreuve et rapprocher celui de la réconciliation.

Mission de l'église

Notre église est une église d’hommes et de femmes qui prient et servent. Leur prière et leur service sont une prophétie qui porte la voix de Dieu dans le présent et l’avenir. Tout ce qui arrive dans notre pays et à toute personne humaine qui l’habite, toutes les épreuves et les espérances, toute injustice et tout effort pour l’arrêter, tout cela est une partie de la prière de notre église et du service de toutes ses institutions. Nous remercions le Seigneur parce qu’elle élève sa voix contre l’injustice, même si certains voudraient qu’elle reste dans son silence, isolée dans ses dévotions.

La mission de l’église est une mission prophétique qui proclame la Parole de Dieu dans le contexte local et dans les événements quotidiens, avec audace, douceur et amour pour tous. Et si l’église prend un parti, c’est celui de l’opprimé. Elle se tient à ses côtés, de même que Jésus s’est mis du côté du pauvre et du pêcheur qu’il a appelé à se repentir, à vivre et à retrouver la dignité que Dieu lui a donnée et dont personne n’a le droit de le priver.

La mission de l’église consiste à annoncer le Royaume de Dieu, un royaume de justice, de paix et de dignité. Notre vocation, comme église vivante, est de témoigner de la bonté de Dieu et de la dignité de la personne humaine. Nous sommes appelés à prier et à élever notre voix pour annoncer une société nouvelle où les hommes croient en leur dignité et en celle de leur adversaire.

L’église annonce le Royaume de Dieu, qui ne peut être lié à aucun régime terrestre. Jésus dit devant Pilate : « Oui, je suis roi, mais mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18, 36.37). Saint Paul dit : « Le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint ». (Romains 14, 17) C’est pourquoi la religion ne soutient et ne défend aucun régime politique injuste. Elle soutient et défend la justice, la vérité et la dignité humaine et essaie de porter la purification nécessaire dans les régimes qui pratiquent l’injustice et violent la dignité de la personne humaine. Le Royaume de Dieu ne peut être lié à aucun système politique, car il est plus grand, plus universel que tout système politique en particulier.

Jésus dit : « Le Royaume de Dieu est parmi vous » (Luc 17, 21). Cette présence en nous et parmi nous est l’extension du mystère de la Rédemption et c’est la présence de Dieu parmi nous et le fait d’en prendre conscience en tout ce que nous faisons ou disons. Devant cette présence divine, nous agissons jusqu’à ce que soit accomplie la justice que nous attendons sur cette terre.

Les dures circonstances qu’a vécues et que vit encore notre église palestinienne l’ont amenée à purifier sa foi et à mieux connaître sa vocation. Nous avons réfléchi sur notre vocation et nous l’avons mieux découverte au milieu de la souffrance et de l’épreuve : aujourd’hui nous portons en nous la force de l’amour, non pas celle de la vengeance ; la culture de la vie, non pas celle de la mort. Ceci est source d’espoir pour nous, pour l’église et pour le monde.

La Résurrection est le fondement de notre espérance. Jésus est ressuscité, vainqueur de la mort et du mal. Ainsi pouvons-nous, nous aussi, et tous les habitants de cette terre, vaincre le mal de la guerre grâce à elle. Quant à nous, nous resterons une église de témoins, persévérante et agissante sur la terre de la Résurrection.

Le Christ nous a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13, 24). Il nous a déjà montré comment aimer et comment traiter nos ennemis.

Il a dit : « Vous avez entendu qu’il a été dit : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux. Car il fait lever son soleil sur les méchants et les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Matthieu 5, 45). Saint Paul dit : « Ne rendez pas le mal pour le mal » (Rm 12, 17) et Saint Pierre : « Ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez, au contraire, car c’est à cela que vous êtes appelés, afin d’hériter la bénédiction » (1 Pierre 3, 9).

La résistance

Les paroles de Jésus sont claires. Aimer, voilà ce qu’il nous a donné comme commandement : aimer les amis et les ennemis. Voilà une directive claire, lorsque nous nous trouvons dans des circonstances dans lesquelles nous devons résister au mal, quel qu’il soit.

Aimer, c’est voir le visage de Dieu en tout être humain. Toute personne est mon frère et ma sœur. Néanmoins, voir le visage de Dieu en toute personne ne veut pas dire consentir au mal ou à l’oppression de sa part. L’amour consiste plutôt à corriger le mal et à arrêter l’oppression.

Lorsque nous passons en revue l’histoire des peuples, nous y trouvons des guerres fréquentes. Nous y trouvons la résistance à la guerre par la guerre et à la violence par la violence. Avec tout cela, nous voyons que tous les peuples doivent s’engager dans une nouvelle voie dans leurs rapports les uns avec les autres et pour la solution de leurs conflits : éviter les voies de la force militaire et recourir aux voies de la justice. Cela s’impose en premier lieu aux peuples puissants militairement qui exercent l’injustice à l’égard de peuples plus faibles.

Notre option chrétienne (nous pousse à) trouver les moyens humains qui parlent à l’humanité de l’ennemi lui-même. Le fait de voir l’image de Dieu dans le visage de l’ennemi même et de prendre des positions de résistance à la lumière de cette vision est le moyen le plus efficace pour arrêter l’oppression et contraindre l’oppresseur à mettre fin à son agression et, ainsi, atteindre le but voulu : récupérer la terre, la liberté, la dignité et l’indépendance.

Le Christ nous a donné un exemple à suivre. Nous devons résister au mal, mais il nous a enseigné à ne pas résister au mal par le mal. C’est un commandement difficile, surtout lorsque l’ennemi s’obstine dans sa tyrannie et persiste à nier notre droit à exister ici dans notre terre. C’est un commandement difficile. Mais c’est le seul qui peut tenir tête aux déclarations claires et explicites des autorités israéliennes refusant notre existence ou à leurs divers prétextes pour continuer à nous imposer l’occupation.

La résistance au mal de l’occupation s’insère donc dans cet amour chrétien qui refuse le mal et le corrige. C’est une résistance pour faire la paix. Nous pouvons recourir à la désobéissance civile. Nous résistons, non par la mort, pais par le respect de la vie. Nous respectons et vénérons tous ceux qui ont donné leur vie pour la patrie. Et nous disons aussi que chaque citoyen doit être prêt à défendre sa vie, sa liberté et sa terre.

L’appel lancé par des organisations civiles palestiniennes, des organisations internationales, des ONG et certaines institutions religieuses aux individus, entreprises et Etats, en faveur d’un boycottage économique et commercial de tout produit de l’occupation, s’insère dans la logique de la résistance pacifique. Ces campagnes de soutien et de solidarité doivent se faire avec courage, tout en proclamant sincèrement et clairement que leur but n’est pas de se venger de qui que ce soit, mais de mettre fin au mal qui existe, pour en libérer l’oppresseur et l’opprimé. L’objectif est d’affranchir les deux peuples des positions extrémistes des différents gouvernements israéliens, afin de parvenir enfin à la justice et à la réconciliation. Avec cet esprit et cette action, nous finirons par arriver à la solution tant attendue, comme cela s’est réalisé en Afrique du Sud et pour d’autres mouvements de libération dans le monde.

Par notre amour, nous dépassons les injustices pour jeter les bases d’une nouvelle société, pour nous et pour nos adversaires. Notre avenir et le leur ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas déformer la vérité de l’occupation en prétendant lutter contre le terrorisme. Les racines du « terrorisme » sont l’oppression de la personne humaine et le mal de l’occupation. Il faut que cela disparaisse si vraiment il y a une volonté sincère de mettre fin au « terrorisme ».

Nous invitons les Israéliens à être partenaires de paix et non partenaires dans un cycle de violence sans fin. Ensemble, nous résistons au mal, celui de l’occupation, et celui du cycle infernal de la violence.

Une parole qui nous dit à tous : nous sommes, dans cette terre, porteurs d’un message et nous continuerons à le porter, même entre les épines, le sang et les difficultés quotidiennes. Nous mettons notre espoir en Dieu. C’est Lui qui nous accordera la paix à l’heure qu’Il voudra. Mais en même temps nous agissons. Avec Lui et selon sa volonté divine, nous continuons d’agir, de construire, de résister au mal et de rapprocher l’heure de la justice et de la paix.

Nous leur disons : c’est un temps de pénitence, qui nous ramène à la communion de l’amour avec tout souffrant, avec les prisonniers, les blessés, ceux qui ont été atteints d’un handicap pour un temps ou pour toujours, avec les enfants qui ne peuvent vivre leur enfance, avec tous ceux qui pleurent quelqu’un qui leur est cher. La communion de l’amour dit au croyant en esprit et en vérité : mon frère est prisonnier, je suis donc, moi, prisonnier. Mon frère a sa maison démolie, c’est ma maison qui est démolie. Mon frère a été tué, c’est moi qui ai été tué. Nous faisons face aux mêmes défis. Nous sommes partie prenante de tout ce qui s’est passé et se passe encore.


L’Archevêque et les Prêtres de Conakry

Exhortation de l'Eglise Catholique à la veille du deuxième tour du scrutin présidentiel

Il est temps de nous ressaisir

Bien chers compatriotes,

Après avoir échangé sur la situation guinéenne avec les prêtres de l’Archidiocèse réunis en session pastorale autour de leur évêque, du 4 au 9 Octobre 2010 à Conakry, je viens vous livrer le fruit de notre réflexion commune, de nos préoccupations communes à la veille du deuxième tour du scrutin présidentiel.

Comme vous le savez, depuis les premières années de la mise en route légitime de notre peuple vers la démocratie, l’Eglise Catholique, à travers ses différentes déclarations, n’a jamais cessé d’exprimer sa solidarité intime à l’histoire de notre nation qui s’écrit souvent avec des pages douloureuses, et tâchées de sang humain, le sang des fils de notre pays (Cf. « En route avec notre peuple vers la démocratie », Octobre 1992 ; « Que Dieu protège la Guinée » (déclaration commune des Chefs religieux de Guinée), Septembre 1993 ; « La Guinée, une Famille à construire », Août 1993 ; «Relire le sens d’un cheminement démocratique », Décembre 1998 ; « Vous ferez retentir le cor dans tout le pays, vous proclamerez la libération pour tous ses habitants », Décembre 1999 ; « Aspirations au changement : effort de tous et de chacun », Avril 2009 ; etc.)

Au cœur de la clameur qui monte aujourd’hui en Guinée, à cette étape décisive de l’aboutissement de tous les sacrifices consentis, nous venons humblement vous inviter à vous ressaisir, en ces derniers jours qui ressemblent à une veillée d’armes avant les élections.

Nous invitons le peuple de Guinée à s’asseoir sous l’arbre à palabre pour réfléchir, pour relire le sens de notre cheminement démocratique, parce que le temps est venu de faire l’état des lieux : Que sommes-nous devenus ? Que voulons-nous ? Où allons-nous ? Quel projet de société voulons-nous construire ensemble ?

  1. Faisons, en toute objectivité, l’état des lieux. Que constatons-nous en effet ?

Nous ne constituons plus, il faut l’avouer en toute vérité, une nation fière et riche de la diversité de ses ethnies et de ses régions. Nous sommes devenus un conglomérat d’ethnies revendiquant chacune sa légitimité à régner sur les autres en s’appropriant par tous les moyens le pouvoir politique et économique. Car en Afrique, le pouvoir politique est devenu un tremplin pour la promotion économique et financière d’un individu ou d’un groupe exclusif, au lieu d’être un lieu de prise de responsabilité en faveur du peuple.

Nous avons accumulé et cultivé au fond de nos cœurs, sur le parcours de notre histoire politique, des rancunes tenaces, où viennent se ressourcer avec complaisance et avidité de nombreux leaders politiques.

Nous avons perdu confiance les uns dans les autres, parce que l’expérience commune de notre marche chaotique des cinquante années d’indépendance a tenu en éveil, dans la mémoire des guinéens, des désirs de vengeance et de règlement de compte, guettant sans répit le moment opportun.

Nous avons mis la religion au service des ambitions de nos appétits et instincts humains, en créant un Dieu à notre image et à notre ressemblance.

Nous avons installé l’anarchie comme mode de gouvernance dans notre pays en vue de la prédation et la dilapidation vorace des biens publics, du patrimoine commun donné en partage à tous les guinéens, au mépris de toute morale, de la justice et de la vérité.

Nous avons mis en ruine le système éducatif guinéen, inscrivant ainsi à l’école de la délinquance des générations de jeunes, foyers vivants de l’insécurité et de la violence dans le pays.

Ces situations d’injustice flagrante ont transformé les cœurs des guinéens en cœurs de pierre, insensibles à la pitié, à la miséricorde, au pardon et adonnés à la violence, au meurtre.

Nous avons ainsi corrompu la conscience de nos frères et sœurs guinéens en défigurant en leur âme de croyants la marque insigne de Dieu, un Dieu de tendresse, de miséricorde et d’amour.

  1. Que dire de l’inculturation et de la démocratie dans notre pays ?

Pris dans la tourmente de l’avènement de la démocratie soufflant sur le continent africain, nous avons perdu les racines de nos cultures, en confiant le devenir de notre pays à la régulation et à l’ajustement structurel de la Communauté et des Institutions internationales, nous dépouillant ainsi de notre capacité à définir le sens de notre propre histoire.

Pris en otage et soumis en permanence aux injonctions de la Communauté Internationale, nous nous sommes attelés à construire un système démocratique dont les plans et le logiciel ont été conçus ailleurs, et livrés de toute urgence en Afrique comme des prêts-à porter et des prêts-à-consommer universels, répondant, selon les prétentions et sans discernement, aux attentes d’un continent sommé de s’ouvrir à l’impérieuse nécessité de la mondialisation culturelle, économique, politique et financière.

Le déroulement du Premier tour du scrutin présidentiel dans notre pays, qui se voulait crédible, transparent, juste et paisible, a révélé les failles, les faiblesses et les limites d’un système ou d’une idéologie qui réduisait l’organisation d’une élection démocratique en Guinée à l’unique dimension de simple maîtrise technique et mécanique d’un système, d’un logiciel, au mépris des mentalités, du contexte culturel et humain.

Et aujourd’hui, la Guinée est en panne, comme un « MAGBANA », essoufflée au bord de la route de la démocratie. Elle s’est enfoncée dans une crise sans issue immédiate, car nous n’avons pas voulu commencer par le commencement. Nous n’avons pas donné la priorité à l’homme, à son histoire, à son rythme de développement et de progrès.

Il ne suffit pas, en effet, de réunir des fonds et du matériel pour organiser et réussir une élection démocratique en Afrique. Il ne suffit pas de créer, ex nihilo, des structures de gestion des élections pour aménager un espace structurel démocratique, car le véritable aménagement commence dans les cœurs des hommes. Il faut que les cœurs des hommes changent pour changer les structures.
Il nous faut tout d’abord vider les cœurs des guinéens du venin de la haine, des frustrations ensevelies dans leur histoire commune.

La Guinée est-elle prête à affronter le deuxième tour du scrutin présidentiel ? Avons-nous pris le chemin de la réconciliation, du pardon, de la sincérité, de la vérité, de l’écoute réciproque, dans la patience, guidés par les vertus de la pratique ancestrale de la palabre africaine, qui conduit à un consensus des cœurs et des âmes ?

  1. Appel pressant à tous les guinéens

Dans le triste tableau que nous avons dressé, chacun trouvera et assumera sa part de responsabilité.

Ceux qui ont conduit le pays à la catastrophe sont d’abord ceux qui ont participé à une mauvaise gestion politique, administrative, économique et financière du pays pendant ces cinquante dernières années, et qui ont bâti leur empire somptueux au milieu d’un océan de misère et de malheurs humains frappant leurs compatriotes guinéens, car à celui à qui on a beaucoup confié il sera demandé beaucoup de comptes à rendre (cf. Mc 4,25 ; Mt 13, 12).

Il y a aussi ceux qui ont recueilli des miettes qui tombaient de la table des maîtres. Ces complices aussi ont leur part de responsabilité. Car nous devrons tous rendre compte, en conscience, de la gestion de ce pays, gouvernants et gouvernés. Nous ne sommes pas excusables d’avoir été habiles en profitant d’un système d’injustice. A tous, comme à Caïn, Dieu nous posera la question suivante : « qu’as-tu fait de ton frère ? » (Gn 3, 17).

Il s’agit donc pour nous, à la veille du deuxième tour du scrutin présidentiel, de nous demander en vérité : Que voulons-nous ? Où voulons-nous aller en clamant des slogans au nom de la démocratie ?

Sommes-nous sincèrement disposés à rompre avec l’homme ancien qui nous habite, avec les pratiques mafieuses du passé ? Sommes-nous prêts à renaître de nouveau, à nous soumettre aux exigences de transparence, aux contraintes de la loi ?

La Guinée ne sera sauvée qu’à ce prix, au prix de la rupture avec le passé. Ne mettons-donc pas du vin nouveau dans de vieilles outres (cf. Mc 2, 22 ; Lc 5, 36). Un proverbe nous avertit : certains poissons ne nagent bien que dans des eaux boueuses.

    1. Au Président de la transition

Monsieur le Président, vous êtes aujourd’hui le Père de la Famille guinéenne. A ce titre, continuez d’assumer vos responsabilités, toutes vos responsabilités, avec amour, fermeté et impartialité, car vos paroles et vos actes d’aujourd’hui seront garants de la stabilité, de la paix, de la justice et de la réconciliation pour demain, pour l’avenir démocratique de la Guinée.

Soyez donc un soldat loyal au service de sa patrie, dépouillé de tout appétit de gain, de profit, de privilèges.

Résistez à toute tentation de vengeance et de séduction par des conseils d’un entourage du Chef, enclin au profit immédiat et à toutes les intrigues de « palais présidentiel », dans l’indifférence au sort de la nation guinéenne. Ne dit-on pas souvent : l’entourage du Chef est à l’image du Chef, comme le Chef est à l’image de son entourage ; dis-moi qui est ton ami, ton confident, ton familier, ton conseiller, je te dirai qui tu es.

    1. Aux Organes de transition

Vous avez une grande part de responsabilités dans la crise actuelle qui met le pays en sursis. Le pays a été souvent pris en otage à cause de vos querelles intestines, de votre manque d’abnégation, d’esprit de sacrifice pour l’unique cause de la Guinée. Vous avez souvent contribué vous-mêmes à mettre en doute la crédibilité de vos institutions, animés par la recherche du gain, par l’esprit de clan et le souci de s’aménager un point de chute après les élections.

Les exigences de transparence, de justice, de paix, de réconciliation, d’équité et de vérité doivent d’abord être vérifiées dans le fonctionnement de vos propres institutions, afin qu’elles soient une référence démocratique pour les citoyens guinéens, car un aveugle ne peut conduire un autre aveugle (cf. Mt 15, 14 ; Lc 6, 39).

Soyez dignes de la mission que le peuple courageux de Guinée vous a confiée. L’expérience douloureuse consécutive à la gestion du premier tour du scrutin présidentiel doit vous interpeller vivement sur le sens de votre grave responsabilité dans la préservation de la paix en Guinée.

Car il est particulièrement scandaleux de voir certains acteurs et animateurs de la marche vers la démocratie se transformer en obstacles majeurs en ce moment où nous voulons franchir l’étape finale. Le peuple de Guinée n’est-il pas alors en droit de se poser des questions sur la sincérité des intentions des guides de la nation guinéenne ?

Il vous appartient d’y répondre en vous souvenant de l’immense espoir que vous avez suscité dans les cœurs des guinéens. 

    1. Aux candidats du deuxième tour et à leurs alliés

Le sort de la Guinée est entre vos mains. Si vous aimez ce pays plus que vos ambitions personnelles, vous devez le prouver dans vos paroles et vos actes. A vous aussi, nous demandons de ne pas prendre l’avenir de la Guinée en otage. Mettez fin à la manipulation de vos militants et de vos groupes ethniques, car elle ne portera de bons fruits ni pour eux ni pour le pays.

Ne faites pas de la corruption des consciences un moyen de parvenir à vos fins. Ne tentez pas de corrompre la conscience des chefs religieux en vue de vous assurer le soutien de Dieu. La parole de Dieu, dans le livre de Siracide est tranchante à cet égard : « N’essaie pas de corrompre Dieu par des dons, il ne les acceptera pas. Ne t’appuie pas sur un sacrifice injustice, car le Seigneur est un juge et il n’y a pas en lui considération de personne. Il n’a pas de partialité contre le pauvre, il exauce la prière de celui qu’on traite injustement » (Si 35,14s.).

Ne promettez pas la lune aux guinéens, qui ont vu briller tant de mirages et d’illusions dans leur histoire politique.

Soyez prêts à concéder la victoire légitimement acquise par votre concurrent. Ne versez plus de sang humain sur cette terre guinéenne qui en a été abondamment arrosée pendant plus de cinquante ans. Ne détruisez donc pas l’homme guinéen que vous voulez servir, car aucun fauteuil présidentiel ne vaut le prix d’une vie.

En relisant l’histoire de notre pays et des autres pays africains, il nous apparaît clairement que leurs populations respectives n’ont aucun problème de cohabitation pacifique, fraternelle et solidaire. Les conflits, les guerres fratricides, les génocides, en effet, sont toujours suscités, allumés et alimentés par les gouvernants et les leaders politiques, qui font du pays, de ses hommes et de ses biens, une propriété privée mise au service de leurs ambitions personnelles et au service de leurs familles ou de leur groupe ethnique.

Soyez vous-mêmes des artisans de paix, de réconciliation, et alors « le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ours auront même pâture, leurs petits même gîte. Le lion, comme le bœuf mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute la montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme les eaux recouvrent le fond des mers » (Is 11, 6-9).

3.4 Aux populations guinéennes

La marche vers la démocratie a été un enfantement dans la douleur pour les familles guinéennes. Cette expérience, comparable, dans la Bible, à l’exode du peuple de Dieu sur le chemin de la libération des chaînes de l’esclavage, doit nous rendre plus solidaires aujourd’hui, à la veille de la dernière étape, qui ne signifie pas la fin des servitudes, de la conversion, du progrès, car il ne suffit pas d’entrer dans la terre promise, il faut s’y établir solidement en cultivant cette terre conquise de haute lutte.

Pensons à tout ce qui nous a fait trébucher sur le chemin, ce qui a ralenti notre marche, ce qui a fait disparaître certains de nos frères et sœurs en cours de route, ce qui a créé des dissensions entre nous, ce qui a rendu la traversée difficile à travers le désert de la tentation, de la faim et de la soif, exposés à toutes les morsures de serpents venimeux.

Rendons grâce à Dieu parce que nous sommes encore vivants, la Guinée se tient encore debout, sur des jambes fragiles et épuisées par la marche, certes, mais nous avons fait confiance au Seigneur qui n’a jamais cessé de nous accompagner. Il est là présent dans le remue-ménage de la préparation du deuxième tour du scrutin. Nous aussi, ne cessons pas de lui faire confiance, il n’abandonnera jamais son peuple.

Mais notre Dieu nous demande de ne pas regarder en arrière, d’oublier le passé, de lui renouveler notre confiance, car chaque jour, il crée pour la Guinée, à travers les épreuves quotidiennes, un ciel nouveau et une terre nouvelle où la justice habite (cf. 2P 3, 13). Regardons vers l’avant où Dieu nous précède, donnons une chance à l’avenir, donnons une chance à Dieu pour achever son travail dans nos cœurs, pour renouveler la face de la terre guinéenne.

Ne cédons pas à la tentation de la manipulation démagogique et de la division : Ne nous tuons pas entre nous, ne retardons pas l’heure de Dieu pour nous libérer, pour nous affranchir de la misère. Dieu est infiniment respectueux de notre liberté. Il n’est pas un Dieu de la violence, bien qu’il soit tout puissant. Sa toute puissance s’exprime dans la clémence et la miséricorde.

Reconnaissons en chaque guinéen, dans la diversité des ethnies, des langues, des régions et religions, une pierre vivante indispensable à la construction harmonieuse de la Guinée. Dieu nous a donné cette terre en partage, prenons-en soin, ne la défigurons pas par la haine, la vengeance, la jalousie, l’orgueil, la cupidité, le mensonge, etc. Purifions nos cœurs, comme à l’entrée d’une mosquée et au début de nos célébrations à l’Eglise, pour entrer réconciliés avec nos frères et avec Dieu, dans le deuxième tour du scrutin présidentiel. Réconcilions-nous maintenant. Il est temps de nous ressaisir.

Chers compatriotes, en cette période dite de transition, nous devons nous considérer tous comme en transition, c’est-à-dire en marche vers une destination finale, comme un voyageur en transit dans une gare ou dans un aéroport. Nous sommes tous de passage vers un monde nouveau que nous avons recherché avec courage, parfois dans les larmes et dans le sang, dans le dénuement et la misère, pendant plus de cinquante ans. Ne ratons pas le prochain train, le prochain vol. Tout notre être doit être tendu vers ce but, dans notre cœur, dans notre esprit, dans notre volonté et dans notre âme. Cette marche est une démarche de conversion, et cela est possible pour les croyants que nous sommes. Dieu nous demande de lui donner notre cœur dur comme pierre pour qu’il le transforme en cœur qui aime et se laisse aimer. Car rien n’est impossible à Dieu.

Puissions-nous comprendre que le système démocratique n’advient pas tout simplement par la création de nouvelles structures, mais bien par la recréation de la structure de notre mentalité, de tout notre être.

  1. Conclusion

Bien chers compatriotes, vos pasteurs de l’Eglise Catholique en Guinée ont toujours voulu se tenir à la porte de notre grande Cité, comme des veilleurs dans la prière, dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour de notre cher pays. Nous ne sommes pas des hommes politiques et ne nourrissons aucune ambition de promotion sociale. Comme des messagers de Dieu criant dans le désert avec le prophète Isaïe, nous voulons continuer à nous tenir sur la montagne de la prière, de l’écoute de la parole de Dieu, pour vous faire parvenir des paroles de consolation, avec la ferme assurance qu’elles se réaliseront un jour pour notre cher pays.

« Dans le désert, frayez le chemin de Yahvé ; dans la steppe, aplanissez une route pour notre Dieu. Que toute vallée soit comblée, toute montagne et toute colline abaissées, que les lieux accidentés se changent en plaine et les escarpements en large vallée ; alors la gloire de Yahvé se révélera et toute chair, d’un coup, la verra, car la bouche de Yahvé a parlé » (Is 40, 1ss.).

Que Dieu bénisse la Guinée et la garde. Qu’il nous rende humbles, cléments et miséricordieux, qu’il remplisse nos cœurs de son amour et de l’amour de nos frères et sœurs, afin de préparer son chemin à travers l’avènement du deuxième tour du scrutin en Guinée. Amen !

Conakry, le 13 octobre 2010
Vincent COULIBALY
Archevêque de Conakry


Justice et Paix dans la FANO (Fondation d’Afrique du Nord Ouest, des Spiritains)

Introduction

Les membres de la FANO travaillent dans quatre pays. Du nord au sud : la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée Bissao et la Guinée Conakry. Pour ces quatre pays situés en Afrique de l’Ouest, les réalités culturelles et économiques, mais aussi sociales et politiques, sont très différentes. Même si ces différents pays ont connu la colonisation et ont accédé à peu près en même temps à l’indépendance, dans les années 1958 à 1960, les régimes sont très différents : République Islamique, (Mauritanie), élections « démocratiques » (Sénégal), ancien régime militaire et dictatorial qui vient d’avoir des élections présidentielles libres (Guinée Conakry) et pays sous dominance militaire (Guinée Bissao). Je vais donc parler de chacun de ces quatre pays en particulier, l’un après l’autre. Il ne s’agit absolument pas d’une présentation complète de ces pays. Pour cela, on pourra consulter Internet ou chercher des documents, si nécessaire. Il s’agit de dire simplement ce que pensent et font des confrères spiritains travaillant dans ces quatre pays, spécialement par rapport aux questions de Justice et de Paix. Après une présentation de certaines réalités de chacun de ces quatre pays, j’essaierai de présenter une situation, prise parmi beaucoup d’autres, qui me semble plus significative, avant de faire l’analyse de l’expérience. Enfin, en conclusion, je proposerai un certain nombre de questions et de points de réflexion pour notre rencontre en Angola. Comme ce texte est long, on pourra se reporter en priorité à cette dernière partie.

1° - En Mauritanie

Une des choses qui marque la vie du pays jusqu’à maintenant, c’est un état de tensions que l’on n’arrive pas à solutionner ni même toujours à exprimer. La population est composée de Maures blancs, de Maures noirs anciens esclaves (les haratines) et de populations noires (peuhls, toucouleurs, ouolofs, soninkés..) venus du Sénégal, établis depuis longtemps en Mauritanie, et donc Mauritaniens. D’où vient ce climat de tensions ? Quelques rappels :

  • En 1987 a eu lieu un essai de coup d’état par trois colonels noirs, qui a été réprimé très durement et a entraîné une répression par rapport à la population noire.

  • En 1988, des problèmes surgissent avec le parti baas, qui cherche à s’imposer, avec l’idée que les blancs doivent avoir la supériorité sur les noirs.

  • Ces tensions latentes et sous-jacentes explosent à partir d’un petit problème survenu en Mars 1989 : un chameau qui rentre dans un champ et mange la récolte d’un paysan. Cela entraîne une bagarre et un mort. La situation dégénère rapidement, jusqu’à amener des tensions entre les deux pays : la Mauritanie et le Sénégal. Suite à cela, des boutiques de commerçants maures sont pillées au Sénégal, le 24 Mars 1989 (une grande partie du commerce au Sénégal était en effet tenu par les Maures). Il s’ensuit des réactions punitives en Mauritanie contre les Sénégalais. Cela cause un exode des deux côtés : les Maures poursuivis au Sénégal rentrent en Mauritanie, et les Sénégalais –mais aussi des Mauritaniens noirs- se réfugient au Sénégal, puisque les mêmes ethnies se retrouvent des deux côtés du fleuve Sénégal qui fait frontière. Certains vivent dans des camps de réfugiés. Les Maures blancs ont envoyé leurs anciens esclaves, les haratines, attaquer ces populations noires, spécialement à NOUAKCHOTT, à NOUADHIBOU et également en mer, car de nombreux sénégalais étaient établis comme pêcheurs à Nouakchott. Mais les populations mauritaniennes noires sont aussi attaquées jusque dans le nord du pays, avec intervention de l’armée.

  • En 1991, de nombreux cadres militaires noirs sont éliminés. Ceux qui sont dans la Fonction publique sont renvoyés et certains sont même chassés du pays.

  • A partir de 1992, les choses commencent à s’arranger peu à peu.

  • Après la chute du Président TAYA, en 2005 (après 20 ans de pouvoir), les choses continuent de s’améliorer. On affirme alors que les Maures blancs n’ont pas tous les pouvoirs, ni donc le droit de s’imposer sur les noirs. Suite à cela, on voit un changement de comportement des gens dans la vie de tous les jours. La justice se met en place et commence à travailler sur les cas d’exactions. Des gens s’engagent pour défendre les personnes opprimées. Les veuves de militaires noirs tués trouvent la force de réagir publiquement. Le nouveau Président, Abdel AZIZ, reconnaît lui-même ce qui s’est passé, au cours de sa campagne électorale, en particulier dans un discours à Kaedi. Le fait qu’il ait reconnu ce qui s’est passé a beaucoup apaisé la population.

Actuellement, après de nombreuses années d’attente, les Mauritaniens noirs réfugiés au Sénégal peuvent enfin rentrer. Mais lorsqu’ils arrivent, ils trouvent leurs maisons et leurs terres occupées par les Maures qui ont fui le Sénégal en 1989. Beaucoup de ces réfugiés revenus vivent donc sous des tentes jusqu’à maintenant. Ils ont des problèmes pour scolariser leurs enfants, car le système scolaire n’est pas le même au Sénégal et en Mauritanie (où l’enseignement est en arabe, d’où d’ailleurs des réactions vives des étudiants mauritaniens noirs actuellement contre le système éducatif). Un certain nombre de personnes demandent donc qu’on leur accorde un soutien économique et qu’on leur donne véritablement leur place dans la société, en respectant leurs droits.

Autres aspects à souligner :

  • Actuellement, on constate que la population peut s’exprimer plus facilement. Il y a des progrès qui s’opèrent dans la santé et l’enseignement. On affirme lutter contre la corruption (même si cela reste souvent au niveau des discours).

  • Un grand débat a lieu actuellement dans le pays, par rapport à la situation des femmes en général, et en particulier pour la défense des femmes battues.

  • Des jeunes commencent à réagir face au Gouvernement, dont la position et les actions ne semblent pas toujours claires. A la suite des événements dans les pays arabes, ces jeunes s’organisent pour manifester à partir du « groupe du 25 février ».Actuellement, des tensions se manifestent entre les Maures blancs et les Maures noirs (haratines).

La question récurrente de l’esclavage

L’esclavage a été aboli officiellement en 1981, mais jusqu’à maintenant, il y a des procès contre certaines personnes qui auraient encore des esclaves. Ces procès sont suivis parfois de condamnations. Même si les sanctions ne sont pas appliquées, c’est le signe qu’il existerait encore un esclavage, même s’il est illégal et caché. Mais aussi qu’on peut maintenant en parler ouvertement et qu’il y a des gens qui réagissent. Cette question de l’esclavage est très complexe. Il est bien évident que c’est aux Mauritaniens eux-mêmes de réfléchir et d’agir, encore plus dans ce domaine que dans les autres. Pour avoir un exemple de ces réactions et de la vie du pays en général, voir par exemple les sites : Ira Mauritanie, Chezvlane-blogspot.com et khalilsow.blogspot.com.

Les actions menées

Ce sont essentiellement des actions à la base, dans la vie de tous les jours. Etant donné que la Mauritanie est une République islamique et que l’Eglise est composée d’étrangers au pays, il lui est donc difficile de mettre en place une Commission officielle catholique de Justice et Paix. Le travail des confrères consiste essentiellement à éveiller les consciences, faire réfléchir les gens sur les situations d’injustice, les soutenir dans les actions qu’ils ont décidé de mener, et leur offrir des moyens de formation nécessaire pour cela.

  • L’action pour la Justice et la Paix passe aussi par la Caritas mauritanienne qui, elle, est reconnue : le droit à la vie est premier et la lutte contre la pauvreté et pour le développement est une action de base pour la justice et la paix. Il s’agit bien sûr d’assurer un soutien des pauvres dans toute leur vie, et pas seulement au niveau matériel.

  • L’établissement de meilleures relations entre chrétiens et musulmans dans le pays, et plus spécialement les relations de fraternité des confrères spiritains, comme des autres prêtres, religieux ou religieuses et laïcs chrétiens, avec les Mauritaniens musulmans sont essentielles pour faire grandir un climat de paix, de dialogue et de compréhension. Un confrère explique : «Grâce à mes amis mauritaniens, je fais vraiment partie de la famille mauritanienne et je me sens intégré dans le tissu social ».

Les migrants à Nouadhibou

Nouadhibou est un port situé à la frontière du Maroc. On connaît bien le problème de tous ces gens d’Afrique Noire, qui n’ayant pas la possibilité d’obtenir des papiers et des visas, cherchent à entrer clandestinement en Europe. Ils viennent à Nouadhibou, une porte ouverte sur l’Afrique du Nord (Maghreb) et à partir de là vers l’Europe, par la terre. Mais c’est surtout le point le plus proche pour partir vers les Iles Canaries en bateau, et là on est déjà en Europe (Espagne). On connaît les drames de toutes ces pirogues qui ont coulé, avec des hommes mais aussi des femmes et des enfants, qui se sont noyés en essayant d’atteindre les Iles Canaries. Il fallait donc à tout prix faire quelque chose pour toutes ces personnes. L’action décrite ici a été menée par un confrère spiritain nigérian, en tant que curé de la paroisse de Nouakchott, sous le couvert de l’Eglise catholique, mais sans statut ni reconnaissance officielle particuliers.

Actuellement, la population des migrants comporte 19 nationalités, y compris des gens venus depuis l’Afrique centrale (Cameroun, Congo, etc..). Un certain nombre sont des réfugiés politiques ou des personnes ayant quitté leurs pays pour chercher refuge ailleurs, par peur d’être emprisonnés ou même tués. D’autres ont quitté leurs pays pour des raisons économiques et pour pouvoir faire vivre leurs familles. Ainsi, il y a sur place trois groupes de personnes : celles qui veulent aller en Europe, les gens refoulés du Maroc, et d’autres qui sont bloqués sur place n’arrivant pas à partir mais ne voulant pas retourner en arrière. Dans de telles conditions, il y a bien sûr beaucoup de problèmes sociaux : violences, dénonciations, et aussi prostitution. Et également des problèmes économiques (d’abord trouver à manger). Actuellement les frontières maritimes et la sortie de Nouadhibou par la mer sont très surveillées, si bien que les pirogues ne peuvent pratiquement plus quitter Nouadhibou pour les Canaries. Les gens cherchent donc d’autres moyens pour partir : par la terre, à travers le Maroc, ou par avion. Il faut alors se procurer un visa que les migrants paient très cher, au moyen de la corruption, et souvent après beaucoup de temps.

Les actions menées

Ces actions sont menées par une équipe de 6 personnes (5 migrants et 1 Mauritanienne). Il s’agit d’abord de rendre aux personnes leur dignité, après toutes les humiliations qu’ils ont subies. Cela passe par l’information sur leurs droits et la formation pour qu’ils puissent s’en sortir par eux-mêmes. Dans l’équipe, il y a un avocat qui se charge, non seulement de défendre les personnes, mais aussi de leur faire connaître leurs droits. Cette action est soutenue par la Cimade (organisation protestante) et le CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement).

Mais il faut aussi répondre aux besoins concrets de la vie quotidienne : la nourriture, la santé et le logement. Cela peut se faire grâce au soutien financier d’ONG internationales.

Un groupe de volontaires donne aussi des cours de langues (français, anglais, espagnol) et d’abord d’alphabétisation. On assure aussi des formations en cuisine (pour avoir un emploi) ou en couture ; et une formation à l’utilisation des micro-crédits dont les migrants peuvent bénéficier ; enfin, une formation en informatique.

Ces migrants ont des enfants. Ces enfants ont la possibilité d’aller dans les écoles mauritaniennes, ce qui est une très bonne chose. Mais on leur donne en plus un soutien scolaire : un jardin d’enfants a été mis en place, l’éducatrice étant partie se former au Sénégal.

De même, il existe à la paroisse un petit dispensaire pour les premiers soins de santé, les personnes gravement malades pouvant bénéficier des soins à l’hôpital mauritanien de la ville.

Ces migrants sont coupés de leur pays et de leur famille. Il est donc très important d’organiser pour eux une vie sociale ; cela comporte des journées sportives (compétitions de football et de tennis, entre migrants ou avec des équipes de Mauritaniens). On célèbre les fêtes nationales des différents pays et aussi les fêtes religieuses chrétiennes. En effet la Mauritanie est une république islamique, et beaucoup de ces migrants sont chrétiens. Sans la paroisse, les fêtes chrétiennes passeraient complètement inaperçues. On les célèbre dans la prière, mais également avec un repas pris tous ensemble (une cuisine et une grande salle existent pour cela, à la paroisse, qui servent aussi pour les réunions et les formations).

Les sorties à la plage ne sont plus possibles car les côtes sont actuellement très surveillées pour empêcher le départ des immigrés. Si on faisait de telles sorties, on accuserait aussitôt les gens de chercher un moyen de partir pour l’Europe.

Premières réflexions

Cette action est très importante, mais son avenir repose sur l’initiative et le dynamisme d’un confrère. Si ce confrère doit quitter, est-ce que son successeur aura les mêmes capacités et déjà, simplement, le souci de ces migrants ?

L’évêque voudrait mettre cette action sous la supervision de la Caritas, qui est reconnue par le gouvernement mauritanien. Mais alors, est-ce que cette action ne serait pas noyée au milieu de nombreux autres projets et risquerait de se réduire à une aide surtout caritative, au détriment de la défense des droits des migrants ?

Enfin, l’action de ce confrère est connue et appréciée par la FANO, mais ce n’est pas un engagement de la circonscription en tant que telle.

2°- Au Sénégal

Le Sénégal, bien que peuplé d’environ 90 % de musulmans, est une République laïque. Il a été touché le premier par la colonisation et la capitale de l’Afrique de l’Ouest Française (A.O.F.) était située à SAINT LOUIS. Le Sénégal n’a pas connu de dictature. Il y a de nombreux partis politiques et la liberté d’expression est réelle. L’ancien Président, Abdou DIOUF, successeur de Léopold Sédar SENGHOR, et le parti socialiste sénégalais ont perdu les élections en 2001, remportées par Maître Abdoulaye WADE, de tendance libérale.

Il y a donc eu une alternance politique et un changement au niveau des orientations économiques. Le gouvernement, depuis 10 ans, a construit de grands bâtiments, aménagé des routes, des ponts et une autoroute ; et il est en train de construire un nouvel aérodrome. Mais ces réalisations ont profité surtout aux gens riches de la capitale. A Dakar il y a de beaux quartiers, mais aussi beaucoup de pauvreté. Et le monde paysan, lui, se sent abandonné, malgré l’annonce de grands projets, pas toujours réalistes, ni réalisés (voir plus loin, l’exemple de Kedougou). Le Sénégal, pays du Sahel, n’a pas beaucoup de ressources  (mines de phosphate et culture de l’arachide essentiellement), mais à cause de sa bonne réputation, il est beaucoup aidé. Ce qui crée souvent une mentalité d’assisté et des réflexes de mendicité, intensifiés par l’influence de l’islam qui demande la pratique de l’aumône. De nombreuses ONG internationales interviennent, mais pas toujours d’une manière efficace, ni désintéressée. On a parfois l’impression que les projets mis en place sont plus des moyens pour récupérer de l’argent plutôt que pour vraiment développer le pays, même s’ils correspondent à de véritables besoins.

Pour avoir des devises, le pays a beaucoup développé le tourisme, ce qui en même temps a entraîné un certains nombre de problèmes : course à l’argent, mendicité, vols, corruption, prostitution  et aussi chocs culturels importants, surtout auprès des jeunes. Comme dans la plupart des pays d’Afrique, les jeunes sont très attirés par le modernisme et la civilisation occidentale, européenne ou américaine, sous l’influence de la danse, du sport et des différents médias. On invoque souvent les valeurs de la culture traditionnelle, mais cela ressemble plutôt à des incantations, sans aucun impact concret. Et à ce niveau, des actes dits mystiques de « fétichisme », de « maraboutage » et même de sorcellerie continuent de se pratiquer.

La pêche est un autre secteur important au niveau économique. Les pêcheurs sénégalais vont pêcher jusque sur les côtes de Guinée, de Guinée Bissao et de Mauritanie. Cela entraîne régulièrement des conflits avec des différents pays, en particulier avec la Mauritanie.

Dans le pays, on parle beaucoup des objectifs du millénaire de l’ONU pour le développement (OMD), et il semble que des progrès soient faits pour atteindre ces objectifs, même s’ils sont surévalués, comme beaucoup d’autres choses, par souci politique et économique.

Beaucoup d’ONG et de pays étrangers interviennent au Sénégal. On assiste alors à une vente des terres en particulier pour produire des bio-carburants. On lit dans le journal Sénégalais "le Soleil" du Vendredi 29 Avril 2011 p. 3 : "le Brésil va soutenir les biocarburants" : Nous allons lancer avec le Brésil une grande étude pour déterminer les zones où on peut planter le jatropha, le soja, le palmier à huile et le coton qui sont des sources de bioénergie a annoncé hier le président Abdoulaye Wade. Il a également révélé qu'un projet d'éthanol de 25.000 hectares d'un investissement de 50 millions de dollars US entrera bientôt dans sa phase d’exécution...La CSS (Compagnie Sucrière du Sénégal) est capable de produire 20 millions de litres d'éthanol par an, a indiqué le chef de l'état. Il a également annoncé une série de projets, dont un champ de soja de 10.000 hectares d'un investissement de 12 millions de $. C'est très inquiétant. Ne faudrait-il pas réagir? (Voir en annexe un document sur l’accaparement des terres en Afrique et un compte-rendu du forum social mondial qui s’est tenu à Dakar en février 2011)

Le dernier Forum mondial a eu lieu à Dakar, début février. Beaucoup de Sénégalais y ont participé, mais les autorités ne se sont pas engagées à ce niveau. Il y a même eu des blocages au niveau de l’Université.

Depuis, quelque temps, suite en particulier à la crise mondiale et à l’augmentation du prix du carburant, l’électricité coûte plus cher, et il y a de nombreuses coupures de courant (délestage). Ce phénomène est nouveau au Sénégal et donc très mal accepté par la population. D’autant plus qu’on est en pleine campagne pré-électorale, les élections présidentielles devant avoir lieu début 2012. L’opposition se réveille et se manifeste de plus en plus. Surtout que des rumeurs affirment que le Président WADE voudrait changer la Constitution pour pouvoir se faire réélire une 2ème fois, et même faire élire son propre fils, à qui il a déjà confié des responsabilités ministérielles importantes.

Les forces de sécurité (police, gendarmerie et armée) sont bien formées et disciplinées. Mais elles interviennent souvent et parfois avec brutalité. Il y a de très nombreuses grèves chaque année dans l’enseignement, surtout pour des questions de salaires. Et aussi actuellement (mai 2011) dans la Justice et la Santé. Tout cela crée un climat de tensions dans le pays.

L’Eglise catholique est très influente et sa parole est non seulement respectée mais attendue, malgré le petit nombre de chrétiens dans le pays. Le Cardinal vient de faire une déclaration à l’occasion de Pâques, pour demander que l’on cherche vraiment à ramener la paix en Casamance. En effet, cette partie du sud du pays est perturbée par une guerre civile larvée depuis plus de vingt ans, suite à des injustices sociales, en particulier l’accaparement des terres des paysans et la prise de pouvoir par des personnes influentes venues du nord.

Une Commission « Justice et Paix » nationale a été mise en place, présente dans chaque diocèse, avec des comités dans les paroisses. Cette Commission dépend de la Caritas, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes, car elle risque d’être noyée au milieu de nombreuses autres activités et de manquer de liberté d’action. Cependant, la Caritas mène des actions pour Justice et Paix. Par exemple, le PARSI :un centre d’accueil pour les migrants.

Grâce au soutien de C.R.S. (Catholic Relief Services = Caritas américaine), la Commission Justice et Paix a commencé un travail de sensibilisation et de formation important, mais qui a de la peine à descendre à la base et à déboucher sur des actions concrètes, menées par les laïcs. La plupart des prêtres sont surtout intéressés par la liturgie et la catéchèse, mais sont peu engagés dans le domaine « justice et paix ». Souvent ils ne savent d’ailleurs pas quoi faire : comment agir et comment former et soutenir les laïcs pour cela.

Au niveau spiritain, rien n’est fait de spécifique dans ce domaine. Les spiritains responsables de paroisse ont simplement un comité justice et paix paroissial, avec parfois le même manque d’efficacité qu’ailleurs. Les CEB (Communautés ecclésiales de base) se limitent souvent à des groupes de prières et ne sont pas assez attentives à la vie des gens dans les quartiers et les villages. Il y a donc beaucoup à faire pour descendre à la base et passer à l’action.

Cependant, un certain réveil se fait jour au niveau des religieux et surtout des religieuses. Le Bureau des Supérieurs Majeurs a décidé de soutenir les religieux et religieuses dans le sens de la justice et de la paix et de nommer pour cela un responsable justice et paix, qui travaillerait en lien avec la Commission nationale. Espérons que cela pourra se faire !

A Kedodougou, paroisse spiritaine au Sénégal oriental

A Kedodougou, il y a trois compagnies minières qui exploitent l’or. Le résultat, c’est que presque tout le monde cherche à s’enrichir, ce qui cause de nombreux conflits (un meurtre en 2008), des problèmes de vols, de banditisme et de prostitution avec ses conséquences : perte du sens moral (on a même découvert un certain nombre de cadavres décapités, leurs têtes ayant sans doute été récupérées pour faire des sacrifices et obtenir la chance dans la recherche de l’or), sida, exploitation des femmes, etc… De nombreux enfants abandonnent l’école pour aller à la recherche de l’or. Des exploitations clandestines apparaissent. De nombreux accidents (éboulements, etc…) se font jour et il y a des morts. En effet, il n’y a pas de protection ni aucune sécurité dans cette recherche de l’or. De leur côté, les paysans qui continuent à travailler la terre se sentent délaissés et abandonnés.

Les actions menées

Face à tout cela, un gros effort a été fait en catéchèse pour faire comprendre aux catéchumènes que l’or ne peut pas être le but de la vie. Et qu’il est important de rester attachés à la terre, qui reste un moyen de vivre, sûr…. alors que la recherche de l’or n’est pas sûre.

Il existe aussi un projet de la Caritas, pour faire comprendre aux particuliers que l’utilisation du mercure est dangereuse pour la santé (risque d’empoisonnement, etc…). Or, beaucoup de gens ne le savent pas. On voit par exemple des enfants qui jouent dans la boue, formée par l’eau qui a servi à laver l’or.

Un autre problème au niveau des mines d’or, c’est que les sociétés minières utilisent surtout du personnel sénégalais mais venu des autres régions du pays et pas du lieu (le Sénégal oriental) : cela cause des frustrations profondes. Les jeunes sont surtout sensibles au manque de débouchés : Ils se plaignent d’un certain ethnocentrisme qui fait qu’ils ont de la peine à trouver du travail, surtout quand ils montent à Dakar. Suite aux manifestations du 23 décembre 2008 contre ces choses, des jeunes ont été arrêtés en pleine nuit, alors même qu’ils n’étaient pas les véritables meneurs. En voyant cela, les notables de Kédougou se sont organisés dans un groupe appelé « Délégation d’apaisement ». Le confrère spiritain, curé de la paroisse, s’était engagé et il a donc été appelé à faire partie de ce groupe. Ils sont montés jusqu’à Dakar pour rencontrer le Président WADE, afin de lui demander la libération des jeunes. Ces derniers ont finalement été libérés en avril 2009, juste avant une visite du Président WADE au Sénégal oriental.

A cette occasion, les autorités, comme la population de KEDOUGOU, se sont rendu compte que l’Eglise peut aider utilement. Depuis, quand il y a des problèmes, la Mission catholique est consultée. Par exemple, en ce moment (Mai 2011), les élèves sont en grève. Depuis deux mois, il y a des rencontres régulières de réflexion sur cette question entre le syndicat des enseignants et le curé de la paroisse.

Les sociétés aurifères accaparent de grands espaces, qui ne peuvent donc plus être cultivés par les paysans. Mais ce ne sont pas les seules. Un riche Espagnol a voulu acheter 80.000 hectares de la région pour organiser des safaris. Ce qui devait bien sûr entraîner le déplacement de plusieurs villages. Cette vente a été finalement annulée, suite à des manifestations de la population.

Autres actions : Caritas soutient des cases de santé tenues par les Sœurs. Elles y font une éducation sanitaire et donnent les premiers soins. La mission catholique a également le souci de l’éducation des enfants. Elle a ouvert un internat depuis 1963 pour les enfants des villages, qui sans cela ne pouvaient pas aller à l’école. Actuellement des écoles primaires existent dans plusieurs villages et l’internat s’oriente vers l’accueil de collégiens, ce qui leur permet de continuer leurs études. Les écoles de brousse continuent à fonctionner dans les villages, où il n’y a pas d’école primaire officielle.

Pour les femmes, la Mission s’engage surtout dans la construction de châteaux d’eau qui permettent des cultures maraîchères.

Premières réflexions.

A Kédougou, la culture du coton est organisée par la SODEFITEX, une grande société qui prend tout en mains, du début jusqu’à la fin, depuis la distribution des semences et des engrais jusqu’à l’achat des récoltes. Les paysans sont soutenus, mais en même temps ils perdent toute liberté. Ainsi, ils ne peuvent pas se procurer leurs propres semences ailleurs. Ce pourrait être très dangereux, au cas où la Sodefitex voudrait introduire des OGM : on ne pourrait rien faire contre. De plus, le village entier est considéré comme un seul producteur, les paysans ne sont pas payés chacun selon sa production, mais tous ensemble par village. Si bien que si un paysan du village a une mauvaise récolte, que sa récolte a brûlé ou a été mangée par des animaux, la Sodefitex retient ses dettes sur l’ensemble de ce qu’elle paye au village. Les paysans qui ont bien travaillé et qui n’ont pas eu de problèmes, sont donc payés moins que ce qu’ils ont réellement produit. Ne vaudrait-il pas mieux payer chacun selon sa production réelle ? Et mettre en place une caisse de soutien pour les paysans victimes de catastrophes naturelles ?

Par ailleurs, ce sont les agents de la Sodefitex qui déterminent eux-mêmes la qualité du coton et donc le prix à payer. Et ils ne le font pas toujours avec justice. Les paysans sont alors trompés et exploités. Il y a donc un grand besoin de conscientisation, de formation et de soutien des paysans.

La Commission diocésaine « Justice et Paix » existe sur le papier, mais elle n’est pas très active ni efficace. Dans les paroisses, les actions de justice et de paix se font sous le couvert de la Caritas paroissiale, qui n’a pas toujours le souci de défendre le droit des gens. Mais il leur est cependant arrivé, par exemple, d’appeler un huissier dans l’un ou l’autre cas.

Il existe une Commission pour la réconciliation dans les familles. A ce sujet, les Sœurs se sont aperçues qu’elles ne connaissaient pas les familles et leurs conditions de vie. Ensemble, avec les prêtres, elles ont donc décidé, chaque dimanche après-midi d’aller visiter quelques familles pour connaître leur vie. C’est un premier pas.

Au niveau spiritain, on sent un grand besoin de formation et d’animation, à mener par un confrère si possible, pour responsabiliser les gens sur toutes ces questions et les soutenir dans leurs actions. En effet, cette action pour justice et paix n’est pas facultative, elle est obligatoire. Comme le dit un confrère : « Les personnes à qui je vais annoncer l’évangile, sont pauvres, elles ont faim, elles sont malades mais elles sont aussi exploitées. Je ne peux pas leur dire simplement : Dieu vous aime. Ou bien : je vais prier pour vous. Je dois les soutenir et les aider, mais d’abord connaître leurs problèmes. Il ne suffit pas de mener des actions caritatives ni même de développement. Il faut défendre les gens et les éduquer sur leurs droits. Il faut donc faire évoluer la compréhension de notre travail missionnaire, en tant que spiritains. Pour cela, il faudrait faire comprendre aux confrères que justice et paix fait vraiment partie de notre mission, comme elle fait partie de l’évangile. Il ne s’agit pas d’ajouter une activité supplémentaire à nos autres activités déjà nombreuses ; il s’agit d’acquérir un esprit à mettre dans tout ce que nous faisons. On ne peut pas être missionnaire en restant enfermé dans la paroisse et dans nos activités liturgiques.

3° - En Guinée Bissao

C’est un petit pays dont l’histoire a été fortement marquée par la guerre d’indépendance. Jusqu’à maintenant, les anciens combattants pensent donc avoir des droits et des privilèges dans le pays. Ils s’imposent au reste de la population, comme ils l’ont fait au temps de l’ancien parti unique, le PAIGC. Le chef de la lutte pour l’indépendance, Amilcar CABRAL, a été assassiné dans des circonstances obscures. Cela a créé un climat d’insécurité qui a continué par la suite. Il y a seulement deux ans, le Président de la République et le Chef d’Etat major ont été tués. Jusqu’à maintenant les responsables ne sont pas encore jugés, même s’ils sont connus par certains. Ce qui entretient un climat de méfiance et de peur et empêche la justice d’agir efficacement. Il y a donc un grand problème de clarté et de vérité.

En 1994, le pays quitte le bloc communiste et le multipartisme est institué. En 1997, le pays adopte le franc CFA. Les sociétés occidentales viennent, par exemple pour construire des ponts. Mais la guerre de 1998 à 1999 bloque ce début de développement et le pays reste pauvre. Il n’y a pas d’eau, ni d’électricité, même dans la capitale Bissao. La culture principale est la noix de cajou : les ressources financières dépendent donc de la pluie et du prix de vente qui est fixé à l’étranger. Les gens ont de quoi manger dans les villages, spécialement grâce à la culture du riz. Mais cela ne suffit pas pour satisfaire tous leurs besoins. Dans les quartiers populaires de la ville, cet état de pauvreté est encore plus développé et les gens ont beaucoup de difficultés pour vivre. Malgré cela, la population garde le moral et est très agréable à vivre ; les relations sont humaines et fraternelles. Mais il manque parfois d’esprit créatif et d’entreprise.

Les jeunes ressentent un grand besoin de formation. Mais à cause du manque de bâtiments dans les écoles, plusieurs groupes d’élèves doivent se succéder dans les classes, depuis le matin jusqu’à 23 heures parfois. Et il y a un manque grave de moyens et de matériels scolaires.

La question de la drogue reste posée, le pays étant, avec la Guinée Conakry, un lieu de passage de la drogue, qui vient d’Amérique du sud en route vers l’Europe. Les militaires et les responsables du pays y sont impliqués. Il est donc très difficile de voir clairement ce qui se passe, et de lutter contre ce phénomène.

En résumé, on peut dire que depuis deux ans le pays est plus stable, les travailleurs sont payés et il n’y a plus d’arriérés de salaires. Les grèves ont cessé. Le gouvernement a la volonté de mieux organiser le pays et la société. L’Etat essaie de lutter contre les détournements d’argent pour avoir les moyens d’assurer le développement du pays. Les services de santé se mettent peu à peu en place dans les villages. Mais le gros problème reste la recherche de l’emploi et beaucoup de gens sont encore réduits à une stratégie de survie.

Quelques actions :

Il existe une ONG « La voix de la paix » qui cherche à analyser les causes des conflits et les moyens d’agir. Elle a produit des documents et cherche aussi à défendre les prisonniers politiques.

L’évêque actuel, comme son prédécesseur, est actif pour la défense du droit des gens et les efforts de réconciliation. Il n’hésite pas pour cela à intervenir auprès des autorités.

Une association de laïcs chrétiens engagés (Acalaïca) cherche à défendre les droits des gens, spécialement dans les lieux de travail.

A la base, on cherche souvent à solutionner des cas concrets et à aider les gens. Par exemple : protéger les personnes et les aider à être évacuées vers d’autres pays, quand elles sont menacées, pour des raisons politiques ou autres. Il y a aussi des soutiens personnels, par exemple pour des réfugiés du Rwanda, et également pour des malades à l’hôpital : on y a même soupçonné des cas de trafics d’organes. Des avocats et des journalistes ont été rendus attentifs à ce problème.

Quelques réflexions :

Une structure nationale de justice et paix a été mise en place par des formateurs venus du Sénégal (les deux pays sont dans la même Conférence épiscopale). Cette structure doit mettre en place des commissions paroissiales ; cela se fait peu à peu. Mais ces commissions ne sont pas vraiment passées à l’action, la plupart du temps. Bien sûr, on parle de justice et paix dans la catéchèse, mais cela est insuffisant.

La Caritas fonctionne bien, mais elle a surtout le souci de projets de développement : écoles, dispensaires, etc.. et l’action de la Caritas consiste souvent dans des distributions de matériels de toutes sortes, venus de l’extérieur. Il faudrait davantage partir des possibilités locales et de l’engagement de la population. Et dépasser les simples actions de dépannage.

Il existe une Commission paroissiale des enfants qui fait réfléchir à la lutte contre la pauvreté, à la justice et à la paix. Il faudrait pouvoir l’orienter vers des actions plus concrètes.

Une autre difficulté, c’est que les spiritains comme les autres prêtres et religieuses sont étrangers pour la très grande majorité. Les gens ne veulent pas parler profondément avec nous de leurs problèmes ni de la situation du pays, car ils sont fiers de leur histoire, en particulier de la guerre de libération. Et ils entretiennent jusqu’à maintenant une certaine méfiance des étrangers. La première étape est donc de gagner la confiance des gens et de créer avec eux des liens d’amitié profonds.

4° - En Guinée

En 1958, la Guinée a refusé la communauté française proposée par le Président Charles de GAULLE et elle a été ainsi le premier pays d’Afrique francophone à accéder à l’indépendance. Malheureusement, sous la conduite de Sékou TOURE, le pays tourne à la dictature, avec de nombreuses morts de personnes soi-disant opposants et responsables de complots. Pour l’Eglise, cela se traduira par des persécutions et de nombreuses arrestations et disparitions de chrétiens engagés, l’expulsion de tous les missionnaires en 1967 et l’emprisonnement pendant de longues années de l’archevêque, Monseigneur TCHIDIMBO. Le régime du parti unique non seulement diminue la liberté des gens, mais de plus a recours à la délation. L’idéologie marxiste et le système de parti unique entraine la perte de tout sens civique, choses qui se maintiennent encore jusqu’à maintenant. La mise en place de coopératives officielles amène à la décadence de l’agriculture et à de gros problèmes économiques. L’enseignement en langue nationale, sans préparation et sans moyens suffisants aboutit à une dévalorisation très grande de l’enseignement dont on supporte encore les conséquences jusqu’à aujourd’hui.

A la mort de Sékou TOURE, les militaires prennent le pouvoir. La doctrine officielle, c’est la libéralisation, ce qui se traduit souvent malheureusement par un manque de conscience professionnelle et d’engagement dans la vie du pays, beaucoup de laisser-aller et d’individualisme, une grande corruption avec détournements d’argent, et donc un appauvrissement de plus en plus grand du pays. En effet, libéralisation se comprend pour beaucoup comme la « liberté » de faire ce qu’on veut et surtout de chercher de l’argent par tous les moyens. Ce régime de Lansana CONTE va se durcir peu à peu et le pouvoir est progressivement récupéré par un groupe de privilégiés et de militaires, qui détournent l’argent autour du président. Les gens trouvent finalement le courage de manifester, en 2006 puis en 2007, sous la conduite des syndicats, les partis politiques étant complètement éteints. L’armée tire alors sans pitié sur la foule qui manifestait pacifiquement et il y a plus de 150 morts. Jusqu’à maintenant, il n’y a eu aucun procès ni condamnation des coupables. De même, on n’a rien fait pour juger les agents d’exécutions sommaires et des tortures dans les prisons du temps de Sékou Touré, ni pour rechercher les fosses communes des nombreuses personnes qui ont disparu.

A partir de 1994, les populations du sud-est (la région forestière) avaient accueilli avec beaucoup de générosité, malgré leur pauvreté, environ 250.000 réfugiés chassés par la guerre, venus du Libéria et ensuite de Sierra Leone. Les rebelles entrèrent en Guinée en fin 2000, en brûlant les camps de réfugiés, chassant les populations guinéennes et causant de nombreux morts, chez les réfugiés mais aussi chez les Guinéens. A ce moment-là, l’O.C.P.H. (Organisation Catholique pour la Promotion Humaine. T : Caritas guinéenne) et les paroisses se sont mobilisées pour accueillir aussi bien les réfugiés que les guinéens déplacés. Toutes ces personnes leur en ont été très reconnaissantes.

A la mort du président, Lansana CONTE, le 23 décembre 2008, les militaires prennent le pouvoir et nomment le capitaine Dadis CAMARA comme président. Il avait certainement le désir d’assainir le pays, mais par manque d’organisation et de réflexion profonde, cela a plutôt abouti à augmenter l’insécurité et la main-mise des militaires sur tout le pays, avec des avantages matériels très importants ; ils vont certainement tout faire pour les conserver dans l’avenir. Ils pensaient qu’ils avaient tous les droits et se permettaient des vols, des viols, des brimades et des rackets aux nombreux barrages dans le pays, comme le pillage des magasins des commerçants, des brutalités et des arrestations arbitraires, sûrs de ne pas être jugés et de bénéficier de l’impunité La conséquence de tout cela a été un grand appauvrissement des populations, un endettement grave et une désorganisation du pays. Les partis politiques s’organisent et réagissent peu à peu. Le 28 septembre 2009, ils décident de tenir un grand rassemblement dans un stade de la capitale CONAKRY. L’armée intervient alors en brutalisant les gens, violant les femmes en plein stade et en tuant plus de 150 personnes. Peu après, l’aide de camp du président Dadis tire sur lui et le blesse gravement à la tête. Il est évacué au Maroc.

Son adjoint, qui deviendra rapidement Général, Lansana KOUYATE, prend la direction du pays. Un gouvernement mixte de civils et de militaires est mis en place, sous la supervision d’un médiateur, le président du BURKINA FASO, Blaise Compaoré. Ce gouvernement de transition doit préparer des élections législatives et présidentielles. Pendant tout ce temps, le pays continue de s’enfoncer dans la pauvreté et la désorganisation. Le premier tour des élections se passe dans le calme grâce à un gros effort d’éducation des populations, d’appel à la paix et à la réconciliation (voir plus loin). Mais à la proclamation des résultats du premier tour, les choses d’enveniment. Les candidats perdants ne sont pas satisfaits et ceux qui les soutiennent manifestent. Une opposition très forte se développe entre les peuhls, l’ethnie la plus nombreuse du pays, qui soutiennent Dallein DIALLO, et les autres ethnies regroupées autour d’Alpha CONDE, malinké, et opposant de longue date. Il y a des attaques contre les peuhls dans le sud-est du pays (Nzérékoré) et dans le nord-est (Siguiri), suivies de vengeances et de répressions contre les gens des autres ethnies dans le Fouta, région à majorité peuhle. Le deuxième tour de l’élection présidentielle doit être reporté plusieurs fois. A la proclamation des résultats, le président Alpha CONDE est déclaré vainqueur devant Dallein Diallo. Bien que ce dernier soit sûr d’avoir gagné et que Alpha Condé soit déclaré vainqueur grâce à des fraudes, malgré tout, pour maintenir la paix dans le pays, il accepte qu’Alpha Condé soit proclamé président de la Guinée. Ce geste très courageux est apprécié par beaucoup car il a certainement évité une guerre tribale et sauvegardé la paix en Guinée.

Le nouveau Président essaie de relancer les activités du pays, de faire juger ceux qui ont détourné les fonds de l’état et de lutter contre la corruption. Il a promis une Commission de vérité et réconciliation (nous préférerions une Commission « Vérité, Justice et Réconciliation », car pour une vraie réconciliation qui dure, la vérité ne suffit pas, il faut un minimum de réparation et de justice). Le Président a également promis de ne jamais vendre des terres à des sociétés ou des pays étrangers, en particulier pour cultiver des plantes pour fabriquer du bio carburant. Il cherche à faire réviser les contrats miniers qui ont été signés par les multi nationales étrangères au détriment des intérêts du pays, grâce à la corruption des ministres du temps passé. En effet, le pays est très riche en minerais : bauxite, or, fer, etc…, mais il reste pauvre, tant à cause de cette exploitation organisée que du manque d’organisation et de sérieux du côté de la Guinée. En même temps le Président avec son gouvernement cherche à répondre aux besoins essentiels de la population : lutter contre la pauvreté, soutenir le monde paysan, fournir de l’eau et de l’électricité partout, etc. . Il faudra suivre ce qui va se faire et les Commissions de Justice et Paix vont avoir beaucoup de travail.

La Commission « Justice et Paix »

L’organisation et la formation : A CONAKRY, la Commission a été mise en place par Mgr Vincent COULIBALY en Octobre 2007. Elle est donc toute récente. Les spiritains ont été reconnus pour leur engagement paroissial et leur souci des plus pauvres ; c’est ainsi que malgré leur petit nombre, le Secrétaire national de Justice et Paix et pour l’archidiocèse de Conakry, de même que le responsable diocésain du diocèse de KANKAN sont des spiritains (dans le 3ème diocèse, il n’y a pas de spiritain : c’est un prêtre diocésain qui est responsable).

La Commission travaille à deux niveaux.

  1. Au niveau du pays : la commission soutient les évêques et autres responsables du diocèse dans leur travail de réflexion sur l’évolution du pays. Ils proposent des éléments qui souvent servent de base aux différentes déclarations sur la vie du pays, spécialement aux moments importants : non seulement les fêtes religieuses mais par exemple, aux moments de la prise de pouvoir par les militaires à Noël 2008, de la tuerie du 28 Septembre 2009, de l’annonce des élections, de la proclamation des résultats. Cela en proposant des orientations, d’ailleurs demandées par les responsables du pays eux-mêmes et très appréciées par l’ensemble de la population. Ces différentes déclarations ont été à chaque fois distribuées dans les ambassades de la capitale, aux différents médias (journaux et radios) et à des personnes ayant des responsabilités dans le pays, pas seulement aux communautés chrétiennes.

  2. Au niveau de l’Eglise : La Commission intervient également aux sessions des prêtres pour le lancement de l’année pastorale. Elle propose des pistes d’actions pour la catéchèse, avec des fiches sur la doctrine sociale de l’Eglise, pour la formation de ceux qui se préparent à la confirmation.

Elle propose aussi des documents pour l’animation des Mouvements de jeunesse et des Fraternités de femmes, pour qu’ils soient plus attentifs à la vie de tous les jours et aux problèmes d’injustice. Et qu’ils s’engagent dans la lutte contre la pauvreté et pour la paix, la réconciliation et le respect de la création. Pour les Mouvements d’action catholique, qui normalement doivent s’engager dans leurs milieux de vie pour y construire le Royaume de Dieu (ce qu’ils ne font pas toujours), nous cherchons de partir de leurs thèmes de Campagne d’année en montrant les dimensions justice, paix et respect de la Création de cette Campagne.

Pour les C.C.B. (Communautés chrétiennes de base), nous avons demandé qu’à chaque réunion de communauté de quartier ou de village, on commence par se saluer et se donner les nouvelles. Pour savoir ce qui s’est passé autour de nous, et, à partir de là, connaître les souffrances et les problèmes des gens. Ensuite, on partage la Parole de Dieu. Après cela, on examine les cas d’injustices que l’on a constaté pour voir ce que l’on peut faire. Dans un 4ème temps, on cherche quels sont les manques de paix autour de nous, et comment amener la réconciliation. Ensuite, on voit quelles sont les personnes à aider (action caritative) et les actions de développement à mener (petits projets, micros crédits, etc…). C’est seulement après cela que l’on aborde la vie interne de la communauté, avec les questions de catéchèse, la préparation des fêtes, les problèmes de travail et d’argent, etc… Mais il faut reconnaître que cela ne se fait pas partout ; un certain nombre de CCB étant simplement des groupes de prières qui se réunissent presqu’uniquement au mois d’octobre pour la récitation du chapelet. Au niveau des responsables de ces CCB (une équipe, et non pas une personne seule), il y a dans l’équipe un responsable à la justice et des sages (anciens) ou conseillers (hommes et femmes) pour la réconciliation. (Pour cette question du travail de la Commission « Justice et Paix », comme pour l’histoire du pays, on peut consulter en particulier deux sites : 1 – http://justice.paix.guinee.free.fr ou 2, mon site personnel - http://armel.duteil.free.fr

Les commissions paroissiales de Justice et Paix : On ne peut pas en rester aux discours et aux déclarations. Il faut arriver à des actions concrètes. C’est pourquoi notre principal souci et notre plus grande activité ont été de mettre en place, après le lancement de la Commission au niveau diocésain, des Commissions paroissiales, dans chacune des paroisses. Chaque commission est invitée à regarder ce qui se passe dans son milieu et, à partir de ces réalités concrètes, à établir un plan d’action (par groupes cibles ou par type d’action) : une action tous les deux mois. Le suivi est confié à un groupe de personnes motivées pour agir dans ce domaine et on passe à une autre action dans un autre domaine. Il s’agit de partir des besoins des gens, surtout ceux qui sont les plus exploités. Dans ces Commissions paroissiales, on cherche également à mettre en œuvre, concrètement, les orientations d’actions proposées au niveau des doyennés et du diocèse.

Pour l’animation de ces Commissions, en ville, où les distances sont plus réduites, les responsables des commissions paroissiales se retrouvent chaque mois ensemble, pour évaluer le travail fait et proposer des pistes d’actions pour les mois suivants. Et chaque dimanche, trois formateurs laïcs passent dans les différentes paroisses de la ville, à tour de rôle, d’abord pour sensibiliser la paroisse tout entière au moment de la messe et, ensuite, pour rencontrer la commission paroissiale et les autres personnes intéressées à l’action de justice et paix, et évaluer ensemble le travail déjà réalisé.

Pour l’intérieur du pays, la formation et l’évaluation des actions se font par une session de trois jours, en fin de semaine, par doyenné, chaque année. Les comptes rendus de ces différentes formations et rencontres de travail sont imprimés à chaque fois, distribués à toutes les paroisses et envoyés à tous les membres connus des Commissions Justice et Paix, qui ont accès à Internet dans les cyber-cafés.

Des réflexions (séminaires) ont été menées avec des personnes compétentes, chrétiennes ou non, sur un certain nombre de sujets, comme par exemple : les contrats miniers et l’action « publiez ce que vous payez », la corruption, l’accaparement des terres. A la suite de cela, des documents ont été produits et distribués. A partir de là, les commissions paroissiales ont été sensibilisées à ces questions, mais souvent il n’y a pas eu d’action efficace menée. Ce qui s’explique, en particulier, par la désorganisation du pays et par le fait que toute la population était centrée sur les problèmes politiques de mise en place de la démocratie et des élections. Il faut dire que de ce sont des questions très complexes. Il y a également un problème d’engagement et d’efficacité des cadres chrétiens qui souvent préfèrent agir à l’intérieur de la paroisse au niveau liturgique ou catéchèse plutôt que de s’engager dans leurs milieux de travail ou dans les secteurs politiques, économiques et mêmes sociaux.

Les problèmes 

Actuellement les gens, en général, ont compris l’importance de Justice et Paix et le sens de l’engagement dans ce sens. Les Commissions ont élaboré des plans d’action concrets et valables. Le problème est double :

  1. la difficulté générale dans tous les domaines de passer de la théorie à l’action, et des plans d’action écrits à des réalisations concrètes.

  2. le manque de soutien des Commissions. Comme je l’ai déjà souligné, dans les autres pays, certains prêtres semblent intéressés surtout par la liturgie ; ils ne sentent pas la nécessité d’une action dans les domaines de la justice et de la paix ; encore moins pour l’intégrité de la Création. Dans le domaine social, ils se contentent (quand ils le font !) des actions de la Caritas, celles-ci se limitant d’ailleurs à des actions caritatives (dons, aumônes, distributions de nourriture, etc…,) avec des moyens ou du matériel souvent venus de l’extérieur. A CONAKRY, certains prêtres ont même été jusqu’à interdire dans leurs paroisses ces commissions de justice et paix. D’abord, parce qu’ils ne pouvaient pas en profiter pour gagner de l’argent, mais aussi parce qu’ils les jugeaient dangereuses et posant des problèmes. D’autres prêtres sont de bonne volonté, mais ils ne savent pas quoi faire et comment travailler avec ces commissions. Les Frères et les Sœurs sont souvent pris par leurs œuvres (les activités de leurs Congrégations) : écoles, jardins d’enfants, dispensaires, centre de promotion féminine, etc… Ils ne cherchent pas à aller plus loin que ces activités et à voir les problèmes qui se posent autour d’eux. Et même dans le cadre de ces activités, ils se contentent souvent d’enseigner, de soigner ou d’instruire, mais sans être suffisamment attentifs à la vie réelle des gens qui profitent de ces formations et à leurs problèmes concrets Quand on ne connaît pas la vie des gens et les problèmes d’injustice, il est difficile de s’engager dans ce domaine.

Les actions menées.

On pourra consulter également, à ce sujet, les deux sites cités. Pour la Justice, les actions menées ont été spécialement par rapport aux prisonniers, à la défense des handicapés, au soutien des mendiants, au soutien des femmes –en particulier des femmes chefs de famille-, à l’évolution des coutumes traditionnelles, les conditions de vie des veuves, l’excision, la sorcellerie, le pouvoir des chefs et des hommes, la polygamie, etc… les enfants travailleurs (petites bonnes), les enfants de la rue, les orphelins et les enfants abandonnés. Egalement les relations entre chrétiens et musulmans, les problèmes de logement, etc…

Les actions en faveur de la Paix ont porté en particulier sur la réconciliation dans les familles et dans les quartiers, entre ethnies et religions différentes. Ces petites actions de chaque jour, menées à la base, me semblent très importantes pour transformer la vie des gens et même le pays tout entier, peu à peu. On ne peut pas se contenter de grandes déclarations ou de grandes actions menées par les ONG ou des Caritas, avec des fonds importants. Il est essentiel de donner aux gens à la base une formation et des possibilités pour travailler régulièrement, dans la vie de chaque jour.

La collaboration avec d’autres groupes.

La Commission Justice et Paix de Guinée à chercher à ne pas travailler de manière isolée, mais en collaboration avec d’autres groupes, pour faire passer l’esprit de justice et paix dans les différentes organisations qui agissent. Ainsi, par exemple, dans l’archidiocèse de Conakry, la Commission travaille avec l’aumônerie des prisons. Avec deux associations catholiques, et également d’autres associations laïques pour la défense des enfants en danger moral et en difficulté, des enfants de la rue et des mineurs en prison. De même avec un centre pour handicapés.

La Commission travaille aussi avec la Congrégation des Sœurs de la Charité de Mère Térésa qui interviennent à la prison et dans les quartiers, et tiennent un Centre pour accueillir les malades, les mamans et les enfants dénutris. Cependant, même si ces Sœurs sont très engagées au niveau caritatif –ce qui est très important- elles ont de la peine à comprendre la dimension de justice et paix. La Commission ne travaille pas avec les autres Congrégations religieuses, malheureusement, pour des actions précises. Cependant, les Congrégations enseignantes acceptent et même nous invitent à venir faire des formations sur Justice et Paix et les Droits humains, et les différents droits des personnes (femmes, enfants, travailleurs, etc..), de même que sur la Doctrine sociale de l’Eglise. Nous sommes aussi intervenus dans le plus grand centre de santé de la ville pour des récollections, communes entre chrétiens et musulmans.

Nous travaillons spécialement avec les Communautés de Sant Egidio, bien que celles-ci aient parfois tendance à travailler d’une façon indépendante et soient souvent téléguidées depuis Rome, pour des actions pas toujours adaptées au pays, ni attentives aux différentes cultures guinéennes. Des actions de soutien pour les personnes vivant avec le SIDA et leurs familles ont été lancées, d’abord pour les faire soigner, leur donner de la nourriture et surtout leur fournir une activité lucrative pour pouvoir vivre et faire vivre leurs familles. Mais aussi les aider à porter leur maladie dans la dignité et à améliorer leurs relations entre mari et femme, avec leur famille et leur entourage, pour qu’ils soient mieux acceptés et reconnus

Toutes ces actions ont été basées sur la Parole de Dieu. A chaque formation nous nous demandons :

  1. quelles sont les paroles de Dieu qui nous éclairent sur les manques de justice et de paix ?

  2. qu’est-ce que Jésus a fait pour la justice et pour la paix ? S’il était là, que ferait-il ?

  3. quels sont les appels à la justice et à la paix que l’Esprit Saint nous fait découvrir, dans la vie de notre communauté et de notre société ?

Au niveau formation, nous avons commencé en particulier des formations sur les méthodes d’action non violente évangélique, la résolution des conflits, la guérison des traumatismes, le rôle de la société civile, et aussi des formations plus techniques, comme : comment mettre en place une Commission justice et paix, comment animer les réunions, comment travailler avec les musulmans, comment collaborer avec les autorités, etc…. A chaque fois ces formations ont permis la publication de documents. Nous en avons publié également par exemple sur « Cultures traditionnelles et Justice et Paix », l’engagement politique des chrétiens, etc…

La préparation du 2ème Synode pour l’Afrique a été un moyen très important pour nous de réflexions et de formation. Nous attendons le document final. Nous allons aussi mettre en valeur la 25° journée mondiale de la paix ( 1° janvier 2012) dont le thème est : éduquer les jeunes à la justice et à la paix.

Annexe 1 : L'accaparement des terres en Afrique

J’ai assisté à un atelier international sur ce thème au Sénégal pendant le Forum Social Mondial. Je ne peux pas reprendre ici tout de qui a été dit. Je pourrai vous envoyer les documents et la déclaration finale plus tard. Dans ce papier, je voudrais simplement partager quelques idées qui nous concernent plus directement en GUINEE sur ce problème.

En ce moment, on parle beaucoup de manque d’eau et d’électricité, dans les villages aussi bien qu’à Conakry. On parle des ordures et des saletés et du mauvais état de nos routes. On demande d’arrêter les feux de brousse et de ne plus continuer à abattre des arbres en grande quantité sans les remplacer, ce qui fait avancer le désert. On parle de l’écologie, de l’environnement et de la pollution. Mais il n’y a pas que cela.

Accaparer, cela veut dire prendre pour soi des choses, en les enlevant aux autres, même s’ils en ont besoin. L’accaparement de la terre, cela veut qu’il y a des gens qui viennent prendre la terre à leur propriétaire, par la force ou même simplement par des accords ou avec de l’argent. Mais cela entraîne beaucoup de souffrances pour la famille, les villages et le pays tout entier.

Le problème de la terre

En plusieurs endroits du monde, des pays ou des grandes sociétés étrangères viennent acheter des terres pour cultiver de la nourriture, pour elles-mêmes et non pas pour les habitants du pays. Ou bien, pour cultiver des plantes et en faire des carburants (biocarburants), parce qu’on commence à manquer de pétrole dans le monde. Pour le moment, cela n’est pas encore arrivé chez nous en Guinée. Et notre Président a promis qu’il ne vendra jamais des terres aux pays ou aux sociétés étrangères. Nous espérons que cette promesse sera tenue, et nous allons faire très attention pour que cela n’arrive pas. Mais il y a d’autres problèmes au sujet de nos terres.

De grands terrains sont donnés aux Sociétés minières pour prendre la bauxite, l’or ou le fer qu’il y a dans notre sol. A ce moment là, ces terres n’appartiennent plus aux familles ou aux villages qui les cultivaient, et les éleveurs ne peuvent plus venir dessus avec leurs troupeaux. En plus, souvent ces terres sont salies (polluées et cassées), on jette les restes des minerais ou des produits chimiques même dans les rivières. Cela est déjà arrivé. les villages autour n’ont plus d’eau bonne à boire (potable) et si les gens boivent cette eau, ils tombent malades.

Ces terres appartenaient à des familles et à des villages. Mais l’Etat les a vendues à des grandes sociétés étrangères. Ce sont nos propres ministres qui ont fait cela et souvent en se faisant payer. Ils ont accepté de signer des contrats et des lois injustes à cause de la corruption. Et maintenant nos minerais quittent le pays ; mais aussi notre argent : presque rien ne reste dans le pays. Et le peu d’argent qui reste, l’Etat ne le rend pas aux paysans qui possédaient ces terres autrefois. Il n’est pas utilisé non plus pour aider les villages et les faire avancer. Cet argent reste en ville pour payer les fonctionnaires. Et l’argent que les « grands » ont gagné par la corruption ou les détournements, ils ne s’en servent même pas pour développer notre pays, par exemple pour faire des ateliers ou des usines. Ils envoient cet argent dans les banques étrangères pour enrichir les pays riches. Comment lutter contre cela ?

Il y a aussi des villageois qui sont pauvres, qui ont besoin d’argent, à cause d’une maladie ou d’un accident par exemple. Ils mettent leur champ ou leur rizière en gage, mais ensuite s’ils n’ont pas d’argent pour rembourser, ils perdent leur terrain pour toujours et n’ont plus rien pour vivre et pour cultiver.

Il y a des étrangers, réfugiés ou autres, venus chez nous, qui sont courageux et qui veulent travailler. Mais ils n’arrivent pas à trouver de terres

Des veuves sont chassées avec leurs enfants orphelins et la terre du mari est prise par la famille et la veuve n’a plus rien.

De plus en plus de gens de la ville viennent acheter des terrains au village. Les chefs de familles vendent leurs terres pour avoir de l’argent. Mais ensuite leurs enfants n’ont plus de terrain à cultiver. Que vont-ils devenir dans quelques années ? Ces jeunes travaillent dans ces champs des riches, ils sont payés, mais ils ont perdu leur terre ; ils ont aussi perdu leur liberté ; ils n’ont plus les moyens de se défendre et ils risquent de devenir de plus en plus pauvres ? Car ils ne sont plus des propriétaires, ils sont devenus des ouvriers agricoles. Ou bien ils vont venir traîner en ville sans travail.

Premières réflexions

Avant, chaque famille avait sa terre qui lui permettait de vivre. Elle avait sa liberté. C’est cela qu’il faut garder, au lieu de laisser des gens prendre des grandes quantités de terre, et les autres n’ont plus rien. Mais l’Etat n’aide presque pas les familles et les petits paysans. Il aide surtout les grandes sociétés et les grands propriétaires.

Nous mangeons surtout du riz, mais nous ne produisons pas assez de riz pour nous nourrir. Nous devons acheter du riz à l’étranger, et on nous demande de cultiver, par exemple du coton. Mais le coton ça ne se mange pas. Et il n’est pas pour nous, il part à l’étranger.

Des gens disent : « on peut acheter ces terrains parce qu’ils ne sont pas cultivés », mais la terre ne sert pas seulement à la culture. Il y a aussi la chasse et l’élevage. Il y a aussi les bois sacrés, les lieux de rencontres et les terres réservées. De toutes façons, nos terres sont fragiles, elles ont besoin de se reposer ; on ne peut pas les cultiver sans arrêt.

Des gens disent aussi : « la loi nous permet d’acheter des terrains. Nous avons un titre de propriété ». Mais ce n’est pas parce que c’est permis par la loi, que c’est bon d’acheter ou de vendre nos terres. Est-ce normal que ceux qui sont riches rendent les paysans encore plus pauvres ? Est-ce qu’il ne faudrait pas revoir ces lois ? Et puis, il y a le droit et les lois officielles. Mais il y a aussi le droit traditionnel (coutumier). Dans nos coutumes et notre civilisation, la terre appartenait au chef de la famille, au nom des ancêtres. Maintenant on achète ton terrain, et on vient te dire : « ton droit coutumier ne vaut rien ; moi j’ai un papier (titre foncier) ». Que penser de cela ?

Par rapport aux contrats miniers : on ne peut pas accepter que des grandes sociétés,, minières ou autres, trompent la population en construisant quelques routes ou quelques écoles, pendant qu’elles renvoient de très grands bénéfices dans leurs pays d’origine pour les actionnaires et qu’elles ne donnent presque pas d’argent à l’Etat. Assurer la bonne gouvernance pour nos sociétés minières, c’est absolument nécessaire. Mais il faut ensuite que l’argent donné à l’Etat profite aux populations locales et pas seulement aux fonctionnaires ou aux gens de la ville. Cela demande que l’on travaille encore plus à la bonne gouvernance dans le pays.

Il y a aussi de plus en plus de problèmes entre les paysans et les éleveurs, par rapport à la terre. Là aussi il faudra bien trouver une solution.

Autrefois,. Le chef de famille partageait la terre entre ses enfants, d’après les besoins. Maintenant, on dit que la terre appartient à l’Etat, et l’Etat a pris beaucoup de terrains aux villages et aux familles. Quelquefois ces terrains ne sont même pas utilisés. Dans d’autres cas, ces terrains ne servent pas au Gouvernement pour faire de bonnes choses pour la population ; ce sont des ministres, des députés ou des gens bien placés qui prennent ces terres pour eux-mêmes, souvent en faisant des cadeaux, ou par la corruption. A ce moment-là, on vole à la fois les gens et le pays tout entier (l’Etat).

C’était notre mère qui nous donne la vie par l’eau, les cultures et les animaux. La terre était le lieu où reposent les morts. Jusqu’à maintenant, beaucoup de gens qui meurent en ville demandent qu’on aille les enterrer dans leur village, dans la terre de leurs ancêtres. Malheureusement aujourd’hui, beaucoup de gens ont oublié cela et ne respectent plus la terre. La terre pour eux n’est plus créée par Dieu. Elle n’appartient pas aux ancêtres. Ce n’est plus le lieu où reposent les morts. Ce n’est plus le lieu où la famille vit ensemble en communauté, où le village se construit, là où on naît, où on grandit et- où on sera enterré. La terre est devenue une chose, qu’on peut acheter et vendre comme un vélo ou un poste de radio. La terre n’est plus sacrée. Mais en vendant ainsi la terre, nous allons perdre notre culture, notre civilisation et le sens de la vie que les anciens nous ont enseigné. Et que nos différentes religions nous enseignent aussi. Qu’allons-nous faire contre cela ?

Ici, nous parlons de la terre. Mais, où de plus en plus de bateaux étrangers viennent prendre nos poissons. A Conakry, on vend maintenant des poissons dans des cartons, des poissons qui ont été pêchés par des pêcheurs étrangers dans notre mer. Alors que nous avons nos propres pêcheurs et que notre mer nous appartient.

Que nous dit la parole de dieu sur la terre?

D’abord, la terre appartient à Dieu. C’est Dieu qui l’a créée (Genèse 1, 1). Par conséquent nous devons utiliser la terre comme Dieu le veut, et pas n’importe comment. St Paul nous dit (1ère aux Corinthiens 10, 26) : « Tout ce qui remplit la terre appartient au Seigneur » (voir aussi le Psaume 24).

Quand Dieu a créé la terre, il l’a donnée à l’homme comme le dit le Psaume 115, 16 : « les cieux appartiennent à Dieu, mais la terre Dieu l’a donnée aux fils d’Adam ». Et le paysan attend les fruits de la terre (Jacques 5, 7).

Mais nous devons respecter la terre que Dieu nous a donnée. N’est-ce pas pour cela que Jésus disait (Matthieu 5, 35) : « Ne jurez pas sur la terre, parce qu’elle est le trône de Dieu ».

Dieu veut que nous soyons tous heureux sur la terre (voir par exemple Amos 9, 13 – Osée 2, 23 – Isaïe 11, 6 – Jérémie 23, 3 – Ezéchiel 47, 1 – Joël 4, 18 – Zacharie 14, 6 à 11). C’est pourquoi la terre doit être protégée et elle est au service de tous. C’est pourquoi Moïse disait qu’il faut laisser le pauvre et l’étranger ramasser les fruits et les grains des cultures (Deutéronome 14, 29 + 24, 19 à 21). Il ne faut pas non plus épuiser la terre. C’est pourquoi Moïse demandait de la laisser se reposer chaque 7ème année (Exode 23, 11).

Dans ces conditions, il devient évident qu’on ne peut pas accaparer la terre, ni prendre la terre de force aux paysans. C’est pour cela que Jésus disait : « Heureux les doux, ce sont eux qui recevront la terre en héritage » (Matthieu 5, 5).

Dieu condamne ceux qui prennent la terre de force, et ceux qui accaparent terrains sur terrains (Isaïe 5, 8). Voir aussi ce que dit Job (24, 2 à 12) sur les souffrances de ceux dont on a pris la terre.

La reine Jézabel a pris de force la terre du pauvre Nabot et elle l’a fait tuer pour cela (1er Livre des Rois, chapitre 21). Le Prophète Elie lui annonce : « A l’endroit même où les chiens ont bu le sang de Nabot, ils boiront ton sang à toi aussi ». Et, on dit dans le Livre de l’Apocalypse (11, 18) « Le temps est venu de récompenser ceux qui craignent le Nom de Dieu, petits et grands. Et de punir ceux qui prennent la terre ». Nous ne pouvons donc pas oublier l’histoire que Jésus nous raconte de l’homme riche qui avait beaucoup de terres et de récoltes. Dieu lui dit : « Tu es un homme sans intelligence ; cette nuit même, on va te demander ton âme. Tout ce que tu as accaparé ce sera pour qui ? Il en est ainsi pour celui qui s’enrichit pour lui-même, au lieu de s’enrichir pour Dieu ». (Luc 12, 16 à 21).

Quelles actions mener?

Dans la religion traditionnelle, comme dans les grandes religions modernes, on nous dit que c’est Dieu qui a créé la terre. Il a fait cette terre pour tous. Mais est-ce que nous n’avons pas oublié ce que Dieu nous a dit sur la terre, à cause de l’argent, de notre volonté de pouvoir, et notre manque de foi ? Pour les chrétiens, le 2ème Synode pour l’Afrique vient encore de nous rappeler cela (voir les propositions n° 23, 24 et 30). A l’ONU, à la FAO, et dans beaucoup d’organisations internationales, on a fait des lois et on a dit ce qu’il faut faire pour protéger la terre des paysans et des familles. L’OUA a dit la même chose, par exemple, dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Nos gouvernements ont signé ces lois, mais malheureusement elles ne les respectent pas. Ils ne protègent pas la population. Et ceux qui ont de l’argent, Guinéens ou étrangers, font ce qu’ils veulent. Combien de temps cela va-t-il durer ? Beaucoup de gens pensent qu’on ne peut rien faire ; les riches sont les plus forts, ils ont toujours raison au Tribunal. Pendant la rencontre, nous avons écouté beaucoup de témoignages d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. On nous a expliqué comment les paysans et villageois s’étaient organisés pour se défendre, se faire respecter et garder leurs terres. Nous avons réfléchi sur ces exemples, pour bien les comprendre avec leurs causes et leurs conséquences, voir les choses fausses qu’on nous dit et comment agir pour faire changer la façon dont le monde est organisé. On a dit beau coup de choses.

Parmi toutes les actions proposées, en voici quelques-unes que nous pouvons étudier pour la Guinée.

  1. La première chose bien sûr c’est de décider de ne pas accaparer les choses, que ce soit la terre ou d’autres biens. Cela veut dire : savoir se contenter de ce que l’on a. Ne pas toujours chercher à prendre ce que l’on voit. Savoir partager ce que l’on a, au lieu de le garder pour soi tout seul. Ce sont d’abord nos idées qu’il faut changer pour cela : avoir un nouvel état d’esprit, c’est ce qu’on appelle la conversion ou changer de mentalité. Apprendre à ceux qui nous entourent par nos conseils ou par notre exemple, à vivre ensemble dans le partage et l’entente. Ne pas chercher à avoir toujours plus de choses.

  2. Nous renseigner sur ce qui se passe vraiment dans les villes et dans les villages. Demander à nos parents et aux gens que nous connaissons dans les villages, de nous prévenir dès que quelqu’un essaye de leur prendre leurs terres. Demander aux communautés de s’organiser elles-mêmes et d’agir pour cela : car ce sont elles qui connaissent leurs problèmes et qui peuvent trouver les meilleures solutions et les meilleurs moyens d’agir. A ce moment-là, nous pouvons réfléchir avec elles et les soutenir si elles le demandent. Si nous connaissons plusieurs communautés qui ont ces problèmes, les faire se rencontrer pour qu’elles se donnent des idées, qu’elles se soutiennent et qu’elles agissent ensemble. Demander aux communautés de villages de parler de ces questions avec les autorités locales : les chefs de villages ou de quartiers, les chefs de secteurs, le président de district, le président de CRD, le maire et ses adjoints, etc… Voir avec la communauté de quartier ou de village comment ils peuvent résister à ceux qui veulent prendre leurs terres.

  3. Lire cette feuille au cours de nos réunions de paroisse, de CCB, de Mouvement de jeunes ou d’adultes. Et aussi en parler dans les différents groupes dont nous faisons partie, qu’ils soient chrétiens ou non.

  4. Dans les Commissions de Justice et Paix et de Pastorale sociale, mettre ces questions dans notre Plan d’action. Voir les conditions concrètes et les moyens pour arriver à des résultats (voir les lettres 77 et 78 : comment faire un plan d’action).

  5. Connaître les différents groupes et associations qui agissent contre l’accaparement de la terre. Chercher à travailler ensemble avec eux ou entrer dans un de ces groupes.

  6. Demander à des juristes de nous expliquer le droit coutumier et les lois sur la propriété. Voir comment mettre les deux ensemble et chercher des solutions aux problèmes qui se posent à nous. Essayer de connaître les déclarations des Nations Unies et de leurs institutions (P.A.M. , FAO, Banque mondiale, etc.). Et aussi les déclarations de l’Union Africaine, comme celles de l’Eglise (Concile Vatican II, Lettres du Pape, 1er et 2ème Synode pour l’Afrique, etc.) ; Mettre le droit à la terre et le droit à la nourriture dans la Constitution, si cela n’y est pas encore.

  7. Faire des émissions à la radio. Envoyer ce document par mail à ceux que nous connaissons et qui ont Internet.

  8. Contacter les responsables de la Société civile pour qu’ils pensent à cette question et la mettent dans leur plan d’action (pas seulement s’occuper des problèmes politiques).

  9. Dire à tous les paysans que nous connaissons de faire un papier pour leur terrain. Faire un vrai Titre de propriété officiel, cela coûte trop cher et c’est très difficile à avoir. Mais faire au moins un papier auprès du Chef du village, de secteur ou de district, qui donne les limites du terrain familial avec les noms des propriétaires.

  10. Parler avec les responsables du pays : ministres, députés, chefs de service, etc… que nous connaissons pour leur expliquer le problème de l’accaparement de la terre et ses conséquences pour les populations. Leur demander de faire tout ce qu’ils peuvent pour que le droit à la propriété traditionnelle (le droit coutumier) soit reconnu dans la Constitution et respecté dans la pratique. Et aussi pour qu’on ne prenne jamais un terrain, que ce soit pour des gens particuliers, pour l’Etat, ou pour des Sociétés étrangères, sans que la population ne soit prévenue et qu’on lui demande son avis. Qu’on respecte ses droits et qu’on lui donne au moins des compensations (des choses à la place) et des moyens, pour permettre aux populations de continuer à vivre normalement.
    Interroger les candidats aux prochaines élections législatives et communales pour savoir ce qu’ils veulent faire par rapport à cette question de la terre.

  11. Se tenir au courant des terres qui sont prises par l’Etat ou vendues à des riches ou à des Sociétés étrangères. Refuser cela ou au moins prévenir le maximum de personnes si c’est nécessaire, pour que les choses soient faites normalement, sans faire souffrir les populations.

  12. Organiser une ou plusieurs rencontres sur cette question.

  13. Parler de tout cela avec les gens des autres religions. Leur demander de réfléchir à ces questions, à partir de leur foi. Leur proposer de parler ensemble de cette question et d’agir ensemble, puisque cela concerne tout le monde.

2°) Quelques réflexions sur le forum social mondial de Dakar (février 2011)

J’ai eu la chance d’être invité au Forum Social Mondial de Dakar en tant que secrétaire national de Justice et Paix de Guinée. Il s’agissait d’une rencontre d’organisations altermondialistes venues du monde entier, sur le thème « Un autre monde est possible », pour mettre en place une autre société que la société libérale actuelle, basée sur l’argent et le pouvoir de quelques uns. On en a beaucoup parlé dans les media. Voici quelques réactions personnelles.

réflexions : Ce forum a connu un certain nombre de difficultés.

D’abord les conditions socio économiques de Sénégal, avec en particulier le problème de coupures de courant électrique (contre lesquelles il y a d’ailleurs eu des manifestations pendant le forum). Mais c’est une très bonne chose qu’un tel rassemblement puisse se passer dans les conditions réelles et les problèmes concrets d’un pays du Tiers Monde. Et avec un budget réduit, puisqu’il avait été décidé de se passer du financement des transnationales et de n’accepter les financements privés que sans contre partie.

2° - Ensuite des problèmes internes : Le président Wade n’était pas très chaud pour un tel forum. Et surtout le nouveau recteur de l’université a refusé de respecter les engagements pris par son prédécesseur, si bien que sur les 130 salles promises, seulement 40 environ étaient disponibles, les cours continuant pendant le forum. Résultat : on ne savait pas où se tenaient finalement les rencontres et c’était très désagréable de venir perturber les étudiants pendant leurs cours. Face à cette situation imprévue, j’ai admiré l’esprit d’initiative et d’adaptation des organisateurs et le courage des participants qui devaient se déplacer un peu partout à la recherche des nouveaux endroits où se tenaient les rencontres

chose importante : il n’y a pas eu de contrôle à l’entrée, ce qui a permis à de nombreuses personnes, en particulier les étudiants, de participer aux activités et de découvrir l’esprit du forum social mondial et un engagement possible à leur taille dans l’une ou l’autre association ou activité.

Une grande participation : Le Sénégal n’est pas aussi peuplé que le Brésil ou l’Inde. On s’attendait au maximum à 50.000 personnes. Au défilé d’ouverture, on a compté plus de 75.000 personnes. Un dizaine de caravanes y participaient, qui avait d’abord sillonné les pays d’Afrique de l’Ouest environnants. Dans cette participation, on a noté spécialement la présence très active des femmes et de leurs différentes organisations, ce qui est un grand signe d’espoir pour l’avenir. Les jeunes aussi étaient très nombreux, de même que les syndicats et les organisations paysannes.

Parmi les très nombreux ateliers, j’ai remarqué en particulier ceux de l’accaparement des terres, des extractions minières, de la migration avec la proclamation de la charte des migrants et celui de l’eau (on a prévu en 2012 un forum mondial alternatif de l’eau). Plusieurs assemblées ont eu lieu regroupant de nombreuses organisations travaillant sur ces différents thèmes, qui ont abouti à des propositions concrètes. Il y a eu aussi de nombreuses participations à distance (« Dakar étendu »), grâce à des visio-conférences skype.

Il y avait plus de cent stands à visiter et autant de points de rencontres, souvent sous des tentes.

Personnellement, je n’ai pas pu participer à la rencontre des théologiens du Tiers Monde (changement d’horaires et problèmes de déplacement), alors que j’avais longuement travaillé les documents préparatoires trouvés sur Internet.

J’ai apprécié l’atelier organisé par le CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) sur les APE (Accords de Partenariat Economiques entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique :ACP), en renouvellement des anciens accords de Lomé et de Cotonou. Par ces accords, l’Union Européenne voudrait imposer en Afrique une organisation libérale et commerciale en Afrique, dans la ligne de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), au détriment bien sûr des populations africaines, en particulier les paysans et les petits producteurs : Quand on applique la loi du plus fort et le libéralisme, ce n’est jamais pour la libération des plus faibles et des plus pauvres.

J’ai ensuite participé à une rencontre de réflexion sur l’éducation au Sénégal, avec des propositions intéressantes pour des nouveaux programmes, un nouveau type d’enseignement pour une plus grande participation des élèves et une responsabilisation plus grande des parents.

J’ai apprécié la rencontre de lAEFJN (Africa Europe Faith and Justice Network), qui a regroupé un grand nombre de religieux et religieuses, travaillant au Sénégal mais aussi dans d’autres pays. Le problème est de dépasser la simple information, pour passer à l’action, pour faire passer les informations et défendre les populations à la base.

Enfin, j’ai participé à la rencontre organisée par le Centre Lebret pour une réflexion sur une autre société à construire.

Un atelier en préparation : Après avoir fait le tour de nombreux stands, et avoir rencontré Jérôme au stand des migrants de Mauritanie, je me suis arrêté longuement au stand du CAEDHU (Centre Africain d’Education aux Droits Humains), qui présentait un jeu d’éducation aux droits de l’enfant, où j’ai rencontré plusieurs amis, dont les responsables. J’ai participé au lancement de ce centre quand je travaillais à Saint Louis du Sénégal. Ensemble, nous avons posé la base d’un atelier africain d’éducation aux droits humains en décembre, aussi concret que possible, comportant des échanges d’expériences, dans le but de créer de nouveaux outils pédagogiques adaptés, non seulement pour faire connaître mais pour mettre en pratique les droits humains, par les populations à la base. Nous comptons y inviter des délégués de 14 pays d’Afrique Noire.. si nous trouvons les financements nécessaires !

Un atelier sur l’accaparement des terres. Les 4 premiers jours du forum, j’ai participé à cet atelier à Mbour (70 kilomètres de Dakar), organisé par Misereor. C’est une question actuelle et très importante. De plus en plus de pays étrangers viennent acheter de très grandes superficies de terres en Afrique, sous prétexte que ces terres seraient non cultivées et donc libres, pour y lancer des cultures vivrières, non pas au profit des pays africains d’accueil mais pour eux-mêmes. Ou bien pour cultiver des plantes pour fabriquer du bio carburant, avec toutes les conséquences que cela comporte : D’abord la population a de moins en moins de terre à cultiver et cela a des conséquences graves pour l’avenir, en particulier pour les jeunes. De plus, ces plantes épuisent souvent les terres et ont des conséquences très graves sur l’environnement. On cherche ainsi à remplacer le pétrole pour maintenir nos besoins en énergie, au risque de casser complètement la planète, au lieu de se demander sérieusement comment réduire notre consommation et changer notre façon de vivre.

Dans cet atelier, nous avons pu prendre connaissance d’expériences très intéressantes et d’exemples d’actions de résistance des populations, au Népal, au Brésil, au Cambodge ainsi que dans plusieurs pays africains. Nous avons rédigé en conclusion une déclaration. Le même type de réflexion a été mené par d’autres groupes qui se sont ensuite rassemblés au Forum Social Mondial, pour mettre en commun leur réflexion et leurs propositions d’action.

En Guinée, notre nouveau président a promis de ne jamais vendre de terres au pays étrangers. Mais il va falloir rester vigilant. De toutes façons, le danger ne vient pas que des pays étrangers. D’abord, il y a toute la question des grosses sociétés minières, qui accaparent beaucoup de terrains, qui ne sont plus disponibles pour la culture et qui polluent le sol, l’air et les rivières. Sans oublier que ces concessions ont souvent été obtenues par des pressions ou même par corruption des autorités du pays.

Un phénomène tout aussi inquiétant est celui des fonctionnaires et des nouveaux riches de la ville qui achètent des terres dans les villages. Les chefs de famille sont heureux d’obtenir ainsi de l’argent, mais comment leurs enfants vont-ils vivre sans terre à cultiver ? Ces gens de la ville profitent du droit foncier moderne, d’ailleurs en le détournant, car officiellement la terre appartient à l’état, qui devrait donc avoir le souci de défendre ses populations rurales. En effet le droit coutumier n’est pas reconnu par la loi, alors qu’au village tout le monde sait à qui appartiennent les terres et que les familles les cultivent souvent de puis des siècles. Il est donc absolument nécessaire de faire réfléchir les populations par rapport à ces ventes plus ou moins libres de leurs terres et de les aider à s’organiser pour défendre leurs terres. Mais aussi, de faire reconnaître par la loi, le droit coutumier traditionnel de la propriété de la terre.

Derrière tout cela, il y a un problème de fond : traditionnellement, la terre est sacrée. Ce n’est pas seulement un lieu de culture, c’est là où sont enterrés les morts, là où vivent les ancêtres d’où vient notre vie. C’est le lieu de vie de la famille. La terre est notre mère : elle est sacrée et on doit la respecter. Alors qu’actuellement, de plus en plus, elle devient une simple marchandise que l’on peut vendre ou acheter comme une radio ou un vélo. Si on ne réagit pas, c’est tout le sens de la vie et du respect de la terre que l’on va perdre, avec toutes les conséquences que l’on voit déjà aujourd’hui.

Enfin, il y a les tensions toujours présentes et prêtes à éclater entre éleveurs et cultivateurs. Et aussi le cas des veuves souvent chassées avec leurs enfants de la propriété de leur mari défunt. Bien plus, dans beaucoup d’endroits, les femmes ne peuvent pas être propriétaires des terrains qu’elles cultivent. Il y a donc beaucoup de choses à faire, en cherchant des solutions adaptées et réalistes.

Une dernière remarque : Au forum, j’ai eu la joie de rencontrer plusieurs confrères spiritains, en particulier du Nigéria. Mais pas de confrères de la FANO, à part Jérôme. Beaucoup m’ont dit qu’ils n’étaient même pas au courant de l’existence du Forum. N’est-ce pas le signe que nous ne sommes pas suffisamment présents dans les réalités du monde ?


Appel de la commission justice et paix de Taouyah

Aujourd’hui, nous fêtons le Christ Roi du monde. Il est important que nous vivions cette fête en vérité. Nous avons de la chance d’avoir un Roi comme Jésus. Nous disons merci à Dieu, pour son Fils qui nous sauve et qui veut sauver notre pays. Mais il faut en tirer les conséquences ? Quel est le ROI que l’Evangile d’aujourd’hui nous présente ? Luc 23, 33-43

Ce n’est pas un roi tout puissant, en armes et vainqueur, qui écrase les autres. C’est un roi qui souffre, cloué sur une Croix. Un roi dont on se moque « il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même ». Un roi insulté aussi bien par son peuple que par les soldats. Un roi qui ne répond pas aux insultes, mais qui dit : »Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Cela doit nous faire sérieusement réfléchir. C’est dans ce Roi là que nous croyons. C’est ce Roi là que nous voulons servir. Quelles conclusions en tirer pour notre comportement, dans la situation actuelle du Pays ?

Déjà, Jésus nous avait dit : »Les rois des nations païennes les commandent en maîtres. Ils font sentir sur elles leur pouvoir…Pour vous, celui qui commande doit prendre la place de celui qui sert…moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22,25-26)…et il lave les pieds de ses disciples. Ce qui est le travail de l’esclave. C’est cela le pouvoir que nous voulons exercer, si nous gagnons définitivement les élections : Nous mettre au service de tous, au service du pays tout entier

Le voleur dit à Jésus : »Souviens-toi de moi quand tu viendras commencer ton règne ». Et Jésus lui répond : »Amen, je le déclare : aujourd’hui tu seras avec moi dans mon Royaume ». Quel est ce Royaume ? La préface d’aujourd’hui nous le dit : » Un Royaume d’amour et de vérité, un Royaume de pardon et de réconciliation, un Royaume de justice et de paix ». Alors que faire ?

Le Royaume est un Royaume de vérité. Il faut à tout pris arrêter les mensonges et les rumeurs. Il y a eu trop de fausses nouvelles de morts et de brimades qui ont entraîné de nouvelles morts et de nouvelles brimades. Il faut que cela s’arrête. Absolument

Le Royaume du Christ est un Royaume de pardon. Il faut immédiatement arrêter les vengeances. On a fait souffrir les peulhs à Nzérékoré, et à leur arrivée à Mamou, leurs frères ont attaqué les forestiers. On a fait souffrir les peuhls à Siguiri sans les défendre et leurs frères ont menacé les soussous et les forestiers à Pita. Les jeunes ont attaqué les policiers à coups de cailloux et ceux-ci les ont frappé durement et il y a eu des morts. Ils sont même entrés dans des maisons de gens tranquilles. Il faudra juger cela : mais pas dans la rue, pas à coups de cailloux ou de matraques, mais selon la loi, dans la justice.

Le Royaume de Jésus est un Royaume de justice et de droit. Et le problème actuellement n’est pas de savoir qui a commencé, mais comment on va arrêter tout cela. Il y a eu trop de morts en Guinée. Il faut que cela s’arrête. A tout prix

Le Royaume de Jésus est un Royaume de paix : il faut à tout prix arrêter la haine et la méchanceté, qui vont complètement casser notre pays.

Le Royaume de Jésus est pour tous. Il faut absolument arrêter de poser les problèmes au niveau ethnique. Si un peuhl se conduit mal, ce n’est pas un peulh, c’est un guinéen, un citoyen comme nous. Si un kissien frappe les autres, ce n’est pas un kissien, c’est un guinéen. Si un baga attaque les autres, ce n’est pas un baga, c’est un guinéen. Et si un peuhl se conduit mal, ce ne sont pas tous les peuhls qui se conduisent mal ; ils ne sont pas responsables du mauvais comportement de leur frère. On ne doit pas tous les punir à cause d’un seul. Et si un kissien ou un baga a attaqué, on n’a pas le droit de se venger sur les autres kissiens, ou bagas, …ou sur les soussous, les tomas, les guerzés ou n’importe qui.

Jésus notre roi est venu sauver tous les hommes. Le problème ce n’est pas que mon parti gagne, mais que la Guinée soit sauvée et tous les guinéens. Comme nous le prions dans le Notre Père « que son Règne vienne et que sa Volonté soit faite ». Ce qui est important, c’est que nous nous mettions tous au service du pays, tous ensemble, sans rejeter personne. L’important ce n’est pas de gagner, mais de changer notre cœur et notre vie, comme le 2° voleur a su le faire.

Il ne suffit pas de prier, il faut agir. Mais agir dans la non-violence, à la suite de Jésus, selon l’Evangile : Jésus notre Roi nous dit : » Si on te frappe sur la joue droite, tends encore l’autre (Mt 5,39). Aimez vos ennemis. Priez pour ceux qui vous font souffrir. Alors vous serez vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux » (Mt (5,44). Ne résistez pas au méchant (Mt 5,39). Que personne ne rende le mal pour le mal (1° Thes 5,15 – 1° Pierre 3,9). Et quand Pierre veut défendre Jésus en prenant le coupe-coupe, Jésus lui dit : »Celui qui prend le coupe-coupe, mourra par le coupe-coupe » et il recolle l’oreille que Pierre avait coupée (Mat 26,51).

Dans la 1° lecture, Paul nous dit : (Col 1,12-20) : Rendez grâces à Dieu…car Dieu a préservé la Guinée. Dieu vous a rendu capables de recevoir l’héritage d’un peuple saint : Avec le Christ, nous serons capables de construire le pays et de faire de notre peuple un peuple saint. Dieu nous arrache au pouvoir de la nuit, il nous fait entrer dans le Royaume de son Fils Bien Aimé…Jésus vient nous libérer aujourd’hui.Par lui, nous sommes rachetés et nos péchés sont pardonnés….Dieu a voulu tout réconcilier par Jésus et pour lui : Jésus peut réconcilier la Guinée aujourd’hui. Il a fait la paix par le sang de sa Croix. Jésus nous apporte Sa paix. Son sang seul peut nous donner la vraie paix. Aucun autre sang ne doit plus couler.

C’est nous les chrétiens qui avons reçu ces paroles. Nous sommes le levain dans la pâte, le sel de la terre et la lumière du monde (Mat 5,12). Nous sommes une minorité. Mais nous sommes neutres et entre les 2 parties. A nous de jouer notre rôle. Voici donc l’appel que la commission paroissiale justice et paix de Taouyah lance en ce jour de la fête du Christ ROI.

Que chacun entre dans son cœur et écoute la Parole de Dieu pour savoir ce qu’il doit faire

Arrêtons les provocations. Si nous avons gagné, soyons humbles comme Jésus, notre Roi. Ne nous moquons pas des autres, ne les humilions pas.

Si nous sommes provoqués, ne répondons pas aux provocations. Supportons les insultes, comme Jésus les a supportées

Conseillons ceux qui nous entourent, pour arrêter toutes les attaques et les méchancetés. Intervenons quand les gens ne se respectent pas dans les conversations ou disent des paroles mauvaises. Arrêtons les injures et les bagarres dès qu’elles se présentent

S’il y a un problème, ne cherchons pas à faire justice nous-mêmes, utilisons les moyens de la démocratie que nous donne la loi

Ce sont souvent les jeunes qui attaquent les autres en ce moment : Vous les jeunes, entrez en contact avec les jeunes de vos quartiers et parlez avec eux. Même vous les enfants vous pouvez faire quelque chose auprès des autres enfants

Vous les parents, conseillez vos enfants et éduquez les dans le sens de la paix et la réconciliation

Vous les femmes, vous êtes source de vie pas de mort. Agissez pour la paix. Contactez les organisations féminines de vos quartiers et voyez ce que vous pouvez faire ensemble

Vous les responsables de communautés (ccb) et les délégués justice et paix, allez rencontrer les imams, les chefs de quartier et de secteurs, pour mettre en place la non violence et la réconciliation

Vous les cadres, arrêtez les discussions et les oppositions, laissez les compétitions politiques et la course au pouvoir, et mettez vous ensemble au service du pays, quelles que soient vos opinions politiques ou autres. C’est de cela que le pays a besoin en ce moment

Agissons tous ensemble, tous unis,et le pays sera sauvé


Réactions à l'exhortation de l'archevêque de Conakry pour les élections

Communauté Notre Dame du perpétuel secours

Après plusieurs décennies d’avidité politique, de trouble social, d’injustice, de corruption, de désillusion et de désenchantement, le pays étouffe de haine, de rancune qui ont donné naissance à l’ethnocentrisme, au communautarisme et qui ont fini par nous faire perdre le chemin de la démocratie.

Comme vous le savez, notre parcours démocratique avec tous ces paramètres encombrants, et empêchant le pays de progresser, voilà ce que nous sommes devenus : aujourd’hui nous ne constituons plus une famille, nous connaissons la division, l’ethnocentrisme, nous nous méfions les uns des autres, nous sommes devenus des défenseurs d’intérêts individuels et égoïstes.

C’est pourquoi : nous voulons rétablir l’union, la réconciliation entre Guinéens. Nous voulons aussi la mise en place d’un gouvernement exemplaire et responsable, un gouvernement soucieux de la souffrance que connaissent les Guinéens et qui œuvre aussi pour la justice, pour la transparence et la légalité entre Guinéens.

Les projets de société que nous voulons construire ensemble sont, entre autres, la restauration de l’amour, le pardon entre les Guinéens sans distinction de religion, de région et d’ethnie. Après la réconciliation, nous ferons face aux nombreux défis à relever. Ces défis représentent pour nous aussi des projets à construire ensemble, car notre secteur de l’éducation a besoin d’être restructuré, le secteur énergétique, de santé, cela avec la participation de tous et de chacun et dans la paix.

Oui, nous sommes prêts à rompre avec l’ancienneté. C’est pourquoi nous nous engageons désormais à payer régulièrement nos factures d’eau et d’électricité. Nous allons également cesser de corrompre les professeurs, les ministres et les responsables à tous les niveaux. Nous travaillerons pour l’intérêt commun et aussi nous assisterons nos frères.

Ensuite, nous mettrons de côté notre passé qui a fait de nous des hommes de haine, de rancune et d’égoïsme.

Nous chrétiens, étant le sel de la terre, nous avons une grande responsabilité à assumer et un grand rôle à jouer dans cette phase finale des élections, et d’espoir pour tous les Guinéens : à travers nos actes, nos propos pacifiques et surtout notre implication massive dans la réconciliation, la moralisation de nos frères chrétiens et musulmans, pour la construction d’une Guinée unie et prospère.

Que l’esprit de justice, de paix et de travail règne dans le cœur des Guinéens pour qu’ensemble nous puissions donner une nouvelle image à la Guinée. Que Dieu tout-puissant, notre Père très saint,bénisse les Guinéens et répande sa gloire sur la Guinée. Amen !