Armel Duteil

Mongo

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Un peu d’histoire : La ré-ouverture de Mongo

Voir les circulaires de 1996 à 2006

Du 30 octobre 1996 au 1er septembre 2006

Deuxième Mission du sud après BROUADOU, fondée en 1910, la paroisse se trouvait en partie en territoire britannique. Ce qui veut dire qu’elle a été dès le début en état de conflits et de tensions, en particulier au moment de la Première guerre mondiale de 1914 à 1918.

Les Spiritains, à qui était confiée la mission de Mongo, ont été expulsés, comme tous les autres missionnaires, par Sékou Touré en 1967. Pendant 29 ans, il n’y a donc pas eu de prêtre résident à Mongo, comme dans de nombreuses autres paroisses de Guinée.

Dans les années 1990, la guerre éclate au Liberia et passe en Sierra Leone : de nombreux réfugiés arrivent en Guinée, spécialement sur le territoire de Mongo qui s’enfonce entre ces deux pays.

Le jour même de sa consécration épiscopale, en 1994, Monseigneur Vincent COULIBALY a demandé le retour des spiritains dans son diocèse. L’année suivante, en 1995, au Conseil élargi des spiritains à DAKAR, conformément à notre rôle de travailler avec les populations les plus démunies et abandonnées, nous acceptons de venir travailler avec les réfugiés. Monseigneur Vincent COULIBALY nous demande alors de prendre en charge la paroisse de Mongo. Cela va nous permettre de travailler à la fois auprès des guinéens et des réfugiés, et donc de créer des liens entre eux. Nous arrivons donc avec le Père Christopher NZE, nigerian.

I – Les premières années (1996-2000) : Mise en place des Communautés

Nous trouvons une paroisse qui fonctionne. Les chrétiens ont résisté aux persécutions et supporté beaucoup de souffrances pour garder leur foi, sous la direction des catéchistes. Nous les avons beaucoup remerciés pour cela. Notre premier effort pour mieux travailler a été d’apprendre la langue kissi. Et en même temps de visiter tous les villages pour mieux connaître les gens et comprendre la situation.

A partir de là, notre pastorale a choisi trois axes :

  1. créer des communautés chrétiennes de base (CCB) actives, selon les orientations du Concile Vatican 2 qui a insisté sur la dimension communautaire de la vie chrétienne, la responsabilité et l’engagement de chacun. C’est pourquoi nous avons voulu que la CCB soit dirigée, non plus par une seule personne, mais par une équipe de responsables : un homme, une femme, un jeune garçon et une jeune fille. Et avec plusieurs services (les ministères) : responsables à la charité, à la catéchèse, à la liturgie, à la réconciliation, à la justice, au développement… En cherchant à ce que ces actions soient au service de toute la population, pas seulement des chrétiens. Avec une attention spéciale aux jeunes, soutenus spécialement par les vicaires successifs et les différents stagiaires, dont plusieurs sont maintenant prêtres et travaillent en Guinée : Richard FAGAH, à Koundara ; Igbe TERKURA à Kataco ; et Kennedy DONG à Boffa ; sans oublier les stagiaires guinéens : Jeannot et Matthieu KAMANO.

  2. dans la ligne de Vatican 2 (le schéma 13) « Les joies et les espoirs des hommes sont aussi les joies et les espoirs de l’Eglise », nous avons demandé à nos communautés de s’engager dans la vie du village et dans la Société : Travailler avec tous, quelles que soient leurs langues ou leurs religions. Améliorer la vie du village et travailler au développement du pays. En étant attentifs aux plus pauvres et aux rejetés.

  3. aider les réfugiés, qui étaient plus nombreux dans la paroisse que les Guinéens eux-mêmes (225.000 pour 175.000 guinéens environ), à mieux vivre, à reconstituer une vie sociale dans les Camps, après que leurs familles aient été cassées et dispersées et à dépasser les souffrances qu’ils ont subies.

Mais en premier lieu, nous avons remercié les Guinéens qui ont accueilli tous ces réfugiés, leur ont donné nourriture et maisons d’abord, terrains et travail ensuite. En effet, ce sont les populations guinéennes qui ont porté tout le poids de la guerre et le soutien des réfugiés, alors qu’elles étaient elles-mêmes très pauvres. Et cela pendant plusieurs années, avant que le HCR n’arrive. Nous avons aussi cherché à soutenir ces Guinéens généreux. Mais il nous a fallu aussi lutter contre les injustices. Car il y avait aussi des Guinéens qui profitaient de la pauvreté et des besoin des réfugiés, par exemple pour les faire travailler en les payant très mal. Et nous avons engagé les communautés à agir contre ces injustices. Et à conseiller les gens, pour le respect et le soutien de tous.

Enfin, il a fallu diminuer les tensions. En effet, ce n’était pas facile pour les Guinéens de voir les réfugiés, par exemple être soignés gratuitement dans les dispensaires alors qu’eux-mêmes devaient payer les médicaments. Il y avait parfois chez les réfugiés (mais aussi chez les Guinéens) des problèmes de vols ou de mauvais comportements. Nous avons dû apprendre à nous entendre et à nous accepter différents, pour vivre ensemble. En comprenant que nous sommes tous frères et que ce n’est qu’ensemble que nous pouvons avancer.

Dans les camps de réfugiés, peu à peu le HCR et les ONG sont venus faire beaucoup de choses pour la santé (MSF), l’agriculture (Action Contre la Faim), la guérison des traumatismes, l’aide aux handicapés, etc… Mais ils venaient de GUECKEDOU le matin et repartaient l’après-midi. Ils ne dormaient pas dans les camps, ils ne mangeaient pas avec les gens et ne partageaient pas leur vie. Ils n’organisaient pas la vie sociale. D’ailleurs, ils ne parlaient pas la langue des gens. Nous avons donc cherché à augmenter les relations sociales à l’intérieur des camps et en particulier entre les différentes religions. Pour qu’ils puissent améliorer la vie des camps et défendre les droits des réfugiés auprès des autorités guinéennes, policiers et autres, et aussi auprès du HCR et ONG. Car nous avons constaté qu’on aidait les réfugiés, mais que souvent on ne les écoutait pas et on ne leur donnait pas la parole. Avec ce Comité inter-religieux, nous avons cherché à lutter aussi contre les violences et autres injustices à l’intérieur même des camps ( tensions ethniques exacerbées par la guerre, chantage à la nourriture et détournements, harcèlement et exploitation sexuels, vols et bagarres…). Et aussi à organiser les réfugiés pour qu’ils travaillent par eux-mêmes, sans toujours attendre les dons des ONG.

L’apport des réfugiés

Je dois aussi reconnaître que les communautés des camps ont beaucoup aidé nos communautés guinéennes. Au niveau du développement, ils avaient la chance d’avoir été mieux formés à l’école et donc ils étaient compétents, en particulier dans le domaine de la santé, de l’éducation et de l’agriculture. Peu à peu, ils ont entraîné les Guinéens à faire des petits projets de développement, alors que les Kissiens voulaient se limiter à la culture du riz. Cela nous a poussés d’abord à aménager les bas-fonds et à lancer les plantes de couverture (pueraria) pour protéger et enrichir la terre. Mais aussi des petits projets artisanaux (fabrique de savon, teinture, menuiserie, boulangerie, etc…), le petit élevage et l’agriculture (jardins potagers, etc…). Cela avec le soutien du PAM (Projet Alimentaire Mondial des Nations Unies) et de la GTZ (Coopération allemande) mais aussi de beaucoup d’amis qui on voulu rester anonymes, et d’Associations, comme Appel Détresse qui continue à nous soutenir jusqu’à maintenant. Tout cela animé par les agents de l’OCPH et les responsables au développement des différentes communautés. Et ce, malgré les problèmes de détournements et de vols contre lesquels nous avons dû lutter. En effet, nous ne pouvons pas annoncer l’Evangile sans être nous-mêmes des travailleurs sérieux, capables et honnêtes. Et sans lutter contre toutes les formes d’injustices. Car nos actes sont plus forts que nos paroles.

L’expérience des réfugiés et l’exemple de ce qu’ils faisaient dans les camps nous ont poussés aussi à développer nos jardins d’enfants. Ils sont maintenant plus de 120, et apportent une éducation de base très valable aux enfants, sans distinction. Cela avec le soutien très apprécié de Madame Gilberte FOESSEL, éducatrice pleine d’expérience et grande pédagogue, qui est venue chaque année à Mongo, même au moment des attaques rebelles. Nous avons travaillé aussi en lien avec Plan Guinée.

Au niveau chrétien, les CCB des réfugiés étaient bien organisées, actives et se réunissaient régulièrement. Ils avaient l’habitude de partager la Parole de Dieu en Communauté et de prier à partir de la Parole de Dieu. Tout cela nous a poussés à faire la même chose dans nos communautés guinéennes.

II – Les attaques rebelles

En 2000-2001, il y a eu les attaques venues de Sierra Leone. Là, nous étions tous attaqués, Guinéens comme réfugiés ; il n’y avait plus de différence entre nous. Cela nous a beaucoup réunis… même si certains Guinéens n’ont pas hésité à profiter de la situation. Par exemple, les jeunes volontaires qui ont dépouillé sans honte les réfugiés qui fuyaient. Et certains n’ont pas hésité à mettre le feu aux camps pour les obliger à partir. Cela nous a beaucoup attristés. Et nous avons tout fait pour essayer de les défendre.

Au moment des attaques, toutes les ONG et Organisations des Nations Unies ont fui à Conakry, abandonnant Guinéens comme réfugiés, alors qu’ils étaient venus pour les aider. Nous étions les seuls à rester. Au moment des premières attaques à YENDE MILLIMO, j’étais en session de formation avec les mamans catéchistes du diocèse, à Badala. Nous sommes partis à Gueckedou-Lele. Mais le lendemain matin, Gueckedou était attaquée à son tour. Nous sommes partis à pied jusqu’à Mongo (17 km)… où les femmes ont décidé de continuer la session malgré tout. Pendant ce temps, le Père René des Déserts, venu nous aider, était victime d’une terrible crise de palud. Nous arrivons à l’évacuer à travers Gueckedou jusqu’à Macenta où il sera soigné, et sauvé, par les protestants (à la clinique Philafricaine)

Igbe TERKURA, alors stagiaire, a été arrêté et attaché au pont de Gueckedou, et accusé de rebelle parce qu’il était anglophone. Il sera libéré sur l’intervention des prêtres de Gueckedou. Moi-même, j’ai été arrêté plusieurs fois, traité de mercenaire et menacé de mort. Nous sommes restés malgré tout au milieu de nos communautés, en essayant de leur redonner un peu d’espérance.

Nous avons été aidés en particulier par une chanteuse qui a grandi en Sierra Leone, mais originaire de Tomandou près de Nongoa, Sia TOLNO « La voix de la forêt ». Elle a donné un grand concert à Conakry en faveur des réfugiés et des populations guinéennes de la languette (c’est ainsi qu’on appelait le territoire de notre paroisse). Je suis donc monté à Conakry recevoir les fonds ainsi gagnés par elle. Mais surtout, à cette occasion, j’ai pu parler avec plusieurs ministres, responsables du pays et ambassadeurs. J’ai pu rencontrer aussi le HCR, responsable des réfugiés et des personnes déplacées, pour leur demander de revenir et de ne pas abandonner ceux qui souffrent. Ils m’ont dit : « C’est trop dangereux, personne ne veut y retourner ». Je leur ai répondu : « Nous, nous sommes restés sur place : les CCB sont organisées, leurs responsables sont formés, l’OCPH est là, nous pouvons organiser la distribution de nourriture et autre matériel de première urgence, et relancer les activités sociales ». Ce que nous avons fait jusqu’à ce que les ONG spécialisées reviennent, à la fin des troubles. Mais en restant à Kissidougou, là où les camps avaient été déplacés. Nous avons aussi relancé les écoles dans les camps de réfugiés, de même que les petits projets. Vraiment, Dieu nous a beaucoup soutenus à ce moment. Et jusqu’à maintenant, nous remercions le Seigneur pour tout ce qu’Il a fait pour nous. J’ajoute que Sia TOLNO est venue elle-même avec son groupe jusque chez nous pour chanter. Cela a poussé les gens à sortir de la forêt et à revenir dans les villages et nous a redonné beaucoup de courage.

III – De 2001 à 2006 : la consolidation

Après cela, les communautés ont repris leurs activités. Nous avons relancé les jardins d’enfants, les petits projets et les actions de développement. De nouvelles communautés sont nées. Nous avons continué le travail d’inculturation, pas seulement dans la liturgie, mais dans le partage de la Parole de Dieu et les prières dans les différentes circonstances de la vie (naissance, maladie, bénédictions des champs et des récoltes, des outils, des puits, etc..). Et aussi dans l’organisation de nos CCB en tenant compte des traditions kissiennes. Ce qui nous a amenés à mettre en place des programmes de prières et de réunion et à les mettre en chanson, pour que tous puissent mieux comprendre et participer. Mais le problème reste que beaucoup de gens ne viennent pas aux réunions, alors qu’ils se réunissent régulièrement dans leur famille. Est-ce le signe que la communauté chrétienne n’est pas encore une vraie famille ? Pourtant, on parle sans arrêt d’Eglise – Famille de Dieu !

Nous avons développé aussi l’éducation aux droits de l’enfant et aux droits humains, pendant les retraites et les rencontres, mais aussi dans les écoles, grâce à des animateurs que nous avons formés. Cela grâce en particulier à des jeux pédagogiques que j’avais amenés du Sénégal et ai adaptés à notre situation en Guinée.

Les souffrances au moment des attaques nous ont unis aux autres religions. Nous avons cherché à développer ces relations. Nous avons profité en particulier des fêtes musulmanes pour visiter les chefs religieux musulmans. Mais cela serait certainement à développer.

Nous avons intensifié la formation des catéchistes et leur avons fourni les documents nécessaires en kissi, pour toute la catéchèse et les prières du dimanche pour les trois années, de même que des fiches pour les prières et la célébration des étapes et des sacrements. C’est suite à ce travail que Monseigneur Vincent m’a nommé responsable diocésain pour l’Evangélisation puis la Catéchèse.

Au cours d’une de ses visites, Monseigneur Vincent COULIBALY a noté que pendant les réunions, les jeunes filles ne parlaient pas devant les garçons. Il m’a alors nommé responsable de la commission diocésaine pour les femmes et les jeunes filles. Cela nous a poussés à donner davantage la parole aux femmes et aux jeunes filles. Car on ne peut pas demander aux autres, ce que l’on ne fait pas soi-même. Elles nous ont beaucoup remercié pour cela à mon départ. J’espère que cela continue.

En 2006, on m’a appelé à aller à KATACO, une paroisse où il n’y avait plus de prêtres depuis un an, à cause de nombreuses tensions au sein de la communauté, qui se termineront par l’assassinat du frère Joseph Douet. Il m’a demandé en même temps de travailler pour « Justice et Paix » et la Pastorale Sociale dans le diocèse de Conakry. Je crois que c’est à cause de ce que nous avons vécu et fait ensemble à Mongo. ( a ce sujet, vous pouvez consulter le site (blog) http://justice.paix.guinee.free.fr et m’écrire par mail à armelduteil@yahoo.fr )

Mon départ a permis à une nouvelle équipe d’arriver : les Pères Winfried AKAKPO et Zacharie NDIONE. Et c’est une très bonne chose, car au bout de 10 ans, on avait besoin d’idées nouvelles et de nouvelles façons de faire. Mais ce n’est pas à moi d’en parler.

Je noterai simplement une chose. En Juin 2009, nous avons eu à Kissidougou une session « Justice et Paix », en préparation du 2ème Synode pour l’Afrique et pour mettre en place des commissions dans chaque paroisse et dans chaque CCB. Les chrétiens de Mongo y ont activement participé. Et c’est le Père Winfried, curé de Mongo, que Monseigneur Emmanuel FELEMOU a nommé comme responsable diocésain de justice et paix. Je vois là un appel très fort aux chrétiens de Mongo pour s’engager dans la vie du pays et de la Société.

Nous avons noté tout le travail des jardins d’enfants et des différents projets de développement. Mais jusqu’à maintenant, nous dépendons de l’argent que nous recevons de l’étranger. Est-ce que le moment n’est pas venu de nous prendre en charge par nous-mêmes ?

La vie continue, le St Esprit nous conduit, la Parole de Jésus nous montre le chemin et Son Amour est notre force. Nous rendons grâces au Seigneur pour tout ce qu’Il a fait pour nous, en nous et avec nous, pendant ces 100 ans. Nous prions pour que la MISSION de MONGO continue d’avancer. Que ce Centenaire soit l’occasion d’un nouveau départ. Le Seigneur marche avec nous, personnellement et en communauté, quoi qu’il arrive. C’est cela notre force et notre espérance.

Père Armel « Saa Mongo Millimouno »




Messe de cloture du centenaire de Mongo