Armel Duteil


Education sexuelle des enfants (suite) : réponses aux questions

 

 

Au début de la séance, on a expliqué avec des dessins les transformations dans le corps (la puberté), mais aussi dans l’esprit et dans le cœur (l’adolescence). On a expliqué aussi le phénomène de la fécondation, les règles, les érections, l’éjaculation etc. d’une façon simple, en étant à l’aise pour que les jeunes qui écoutent soient eux aussi à l’aise.

1°) Se connaître :

Toi le garçon, tu peux regarder les filles. Mais qu’est-ce que tu regardes ? Quand tu regardes une fille, à quoi tu penses ? Jésus disait : « Celui qui regarde une femme avec des mauvais désirs dans son cœur, il a déjà fait l’adultère » (Mat 5,28).A

Toi la fille, tu veux plaire aux garçons. C’est normal. Mais par quoi tu veux leur plaire ? Par ton corps et tes formes physiques, ou bien par tes bonnes idées et ton amitié ? Si tu lui montres tes formes,il va s’amuser avec tes formes. Et quand il t’aura déformée, il va te rejeter. Si tu lui plais par tes bonnes idées, il voudra échanger des idées avec toi, il va rester avec toi, et vous serez amis. D’abord, qu’est-ce que tu montres aux garçons : tes seins et tes fesses, ou bien ton sourire et ta joie ? Par quoi tu veux te faire aimer ? Et donc comment tu t’habilles ? Tu dois savoir que tout ce que tu montres aux garçons, il a envie de toucher. Et après, il y a les conséquences. Tu dis : c’est la mode. Mais quelle mode tu veux suivre : la mode des filles intelligentes et sérieuses, ou bien la mode des artistes et des prostituées ?

Tu as envie de connaître l’autre sexe, c’est normal. Mais connaître l’autre sexe, ce n’est pas aller s’enfermer dans les cabinets de l’école, pour se montrer son appareil génital, se toucher et s’amuser. Ce qu’il est important de connaître dans l’autre, c’est d’abord ses idées (sa psychologie) et le comportement des garçons ou des filles, pour bien s’entendre ensuite.

Tu as le droit de savoir aussi comment travaille ton corps, avec toutes les questions que tu te poses, par exemple les règles ou l’érection. Pour cela,tu peux te renseigner auprès de tes enseignants à l’école, des responsables de mouvement, ou de gens sérieux et en qui tu as confiance.

Pour apprendre à se connaître entre garçons et filles, la première chose c’est de s’entendre dans la famille entre frères et sœurs et avec les cousins et les cousines.

2°) Les relations sexuelles

Des garçons disent aux filles : » on va essayer juste une fois pour savoir comment c’est ». Mais tu dois savoir, que tu peux devenir enceinte en une seule fois, et même la première fois. Même sans être déviergée : si le garçon reste à la porte, sans entrer complètement dans ton appareil. Il ne fera pas entrer son pénis dans ton ventre, mais les spermatozoïdes eux, ils vont remonter, traverser l’hymen si tu es vierge, et tu seras enceinte malgré tout. Tu ne peux pas dire : » juste une fois pour voir comment c’est, et après on s’arrête ». D’abord si tu commences, c’est très difficile ensuite de s’arrêter.

Des filles disent : » je me suis douchée après un garçon, et je me suis essuyée avec sa serviette, dans laquelle il a avait éjaculé. A cause de ça, je suis tombée enceinte ». C’est complètement faux. Les spermatozoïdes quand ils sont à l’air libre, meurent tout de suite. Les filles qui disent cela cherchent une excuse. Si elles sont enceintes, c’est parce qu’elles se sont amusées avec les garçons.

Des garçons disent aux filles : « cela fait trop longtemps que je n’ai pas fait de relations sexuelles, j’ai trop de liquide dans mon ventre. Si je reste comme ça je vais tomber malade, il faut que tu m’aides ». C’est complètement faux. Rester sans faire de relation sexuelle ne rend jamais malade. Au contraire, c’est quand on fait trop de relations sexuelles, qu’on tombe malade : parce qu’on est trop fatigué, et qu’on attrape des maladies sexuelles. Quand un garçon ne fait pas de relations sexuelles, le liquide séminal sort tout seul, généralement la nuit. C’est normal, et c’est même très bon. En effet, ce liquide commençait à être vieux, et il ne pourrait pas faire des enfants en bonne santé. C’est pourquoi il sort. Mais c’est justement pour être remplacé par du liquide frais, de bonne qualité, pour avoir des enfants forts. C’est la même chose pour les règles de la femme. Donc quand le liquide sort la nuit, c’est aussi normal que les règles de la fille. Cela montre simplement que ton appareil génital travaille normalement. Des garçons disent : » ce sont des spermatozoïdes qui sont perdus ». En fait il n’y a rien de perdu, car c’est seulement le liquide séminal qui contient les spermatozoïdes qui sort. Et les spermatozoïdes, il en meurt par milliers tous les jours. Mais ils sont remplacés aussitôt par d’autres. Il n’y a donc pas de problème.

Dieu a très bien fait les choses, ton appareil génital fonctionne très bien tout seul. Le problème c’est quand tu commences à le toucher, et à t’amuser avec. C’est ce qu’on appelle la masturbation. S’amuser avec son appareil génital, tout seul pour trouver du plaisir, ce n’est pas normal. L’appareil génital c’est fait pour s’aimer entre mari et femme, pas pour s’amuser, surtout pas tout seul, ni avant le mariage.

-Les règles : Quand une femme est enceinte, c’est avec son propre sang, qu’elle va nourrir son enfant. C’est pourquoi, chaque mois, elle prépare du sang pour le bébé à venir. Si elle n’est pas enceinte, le sang est vieux : il n’est plus de bonne qualité, pour faire un enfant en bonne santé, Alors, il sort : ce sont les règles. Mais c’est pour être remplacé par du sang neuf. Donc, même si ça fait un peu mal, les règles, c’est très bon. Quand tu commences à voir tes règles, tu dis merci à Dieu. C’est le signe que tu deviens une femme, et tu te prépares à être mère. Mais cela ne veut pas dire, que tu dois commencer tout de suite à faire des relations sexuelles.

Des filles disent : « si tu as tes règles, et que tu veux aller à une soirée dansante et danser autant que tu veux, tu bois du vinaigre, et ça arrête les règles ». Cela aussi c’est faux. Le vinaigre va te brûler l’estomac, mais il ne rentre pas dans l’appareil génital. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de choses comme cela que l’on raconte, et qui ne sont pas vraies.

-Les seins, c’est bon. Une femme qui n’aurait pas de seins, elle ne pourrait pas nourrir (allaiter) son bébé. Mais les seins, c’est pour être mère. Ce n’est pas pour t’amuser avec les garçons à la soirée dansante.

3°) Le copinage :

Un phénomène qui apparaît maintenant c’est la recherche des copains et des copines. Chaque garçon veut avoir sa copine, et chaque fille son copain, même déjà à l’école primaire. C’est un appauvrissement très grave. D’abord, il faut s’entendre sur le mot copain : co-pain, cela veut dire que l’on partage le pain, la nourriture, les choses que l’on a,mais pas les appareils génitaux ! Certains, même au collège, commence déjà à faire des relations sexuelles, entre copain et copine. D’abord comme on l’a dit, c’est dangereux. On risque les grossesses et les maladies. Et aussi la fatigue et surtout les mauvaises habitudes.

Ensuite, avoir un copain ou une copine trop jeune, cela risque de te faire rater ton avenir. Si tu t’attaches trop vite à un garçon ou à une fille, tu perds ta liberté. Or, quand on est jeune, on continue à grandir, on avance dans la vie et on change d’idées. Mais si tu as déjà un copain ou une copine, quand tu vas changer d’idées, pour le laisser ce sera difficile. En tout cas, tu vas le faire souffrir. C’est ce qu’on appelle les déceptions amoureuses. Le copinage trop tôt empêche de faire un bon choix pour le mariage.

Ce qui est important, c’est de vivre d’abord la camaraderie, et une vraie amitié entre garçons et filles. Comme cela, tu vas connaître les pensées de l’autre, et son comportement. A ce moment-là, tu seras à l’aise avec l’autre sexe. Tu connaîtras beaucoup de garçons et beaucoup de filles. Tu vas apprendre ainsi à aimer, et à te comporter avec l’autre sexe. Et quand le moment sera venu, tu pourras choisir parmi tous ceux que tu as connus, celui ou celle avec qui tu vas construire ta vie. Mais si tu t’es attaché trop vite à un seul garçon ou à une seule fille, tu ne pourras pas choisir, tu as perdu ta liberté.

4°) la capote et les pilules :

Il y a des gens qui disent : « maintenant il n’y a plus de problème, tu peux faire des relations sexuelles quand tu veux : tu prends la capote, toi la fille tu prends la pilule, tu es tranquille, tu ne seras pas enceinte ». D’abord il faut savoir que ce n’est pas si simple que cela. Le condom (la capote), il faut apprendre à le mettre comme il faut. Il faut des condoms de bonne qualité, pas des condoms qui ont traîné dans la poussière, ou qui sont restés au soleil au marché, sinon ils vont se déchirer. Un condom, on ne peut l’utiliser qu’une seule fois. Donc cela coûte cher. Et si tu prends l’habitude de prendre des condoms pour faire des relations sexuelles, quand tu n’auras pas d’argent ou que tu ne trouveras pas de condom au marché, comme tu as pris de mauvaises habitudes, tu ne peux pas te retenir. Tu vas faire des relations sexuelles sans condom. Et alors, tu risques des grossesses pour la fille, et les maladies sexuelles pour toi. Cela est donc très dangereux.

Même si tu n’enceintes pas de filles parce que tu as pris le condom, tu vas prendre de mauvaises habitudes. Tu vas commencer à courir partout, et à t’amuser avec les filles. Tu vas gaspiller ton avenir : tu auras une mauvaise réputation (tu vas gâter ton nom), aucune fille sérieuse ne voudra de toi, et tu ne pourras pas être un bon mari. Quand tu seras marié, tu continueras à faire la même chose. C’est cela le problème du condom et des autres contraceptifs. Même s’ils empêchent la grossesse, il n’empêche pas les mauvaises habitudes. Au contraire, ils les font grandir. Même dans le mariage, on ne peut pas faire des relations sexuelles, chaque fois qu’on en a envie. Par exemple, quand la femme vient d’accoucher, ou quand l’un des deux est malade ou en voyage. Il faut apprendre à commander sa sexualité. C’est cela qui est important. C’est le plus important quand on est jeune, pour bien se préparer au mariage. Car ce qu’il y a de difficile dans le mariage, ce n’est pas de faire des relations sexuelles, c’est de s’entendre. C’est cela que tu dois préparer : apprendre à bien t’entendre avec les filles ou avec les garçons autour de toi, pour pouvoir bien vous comprendre ensuite dans le mariage.

De même pour la jeune fille, prendre des pilules ou d’autres médicaments quand tu es trop jeune, et que ton cycle ne s’est pas encore bien mis en place, cela va t’attirer beaucoup de problèmes. Les médicaments, on les prend quand on est malade. Prendre des médicaments quand on est en bonne santé, cela rend malade. Prendre la pilule quand tu es trop jeune, cela risque de casser ton cycle, et de causer des problèmes plus tard, pour avoir des enfants.. Les méthodes de planification familiale, on les appelle familiale, justement parce que ce sont pour les gens mariés, ceux qui ont déjà une famille, pas pour les jeunes.

Pourquoi les grossesses précoces sont-elles dangereuses ?

Si tu es enceinte, alors que tu es encore jeune, ton appareil génital (ton ventre) est encore trop petit. L’enfant n’aura pas la place de grandir. Et donc il va sortir avant le 9° mois ; il ne pourra pas vivre. C’est ce qu’on appelle les fausses couches. Ou bien, il aura de la peine à sortir au moment de l’accouchement : il faudra t’opérer : faire une césarienne. De plus, ton cycle n’est pas encore bien en place. Tu auras des problèmes de santé. Et tu auras de la peine à avoir des enfants, quand tu seras mariée. De toutes façons, à ton âge, tu n’es pas encore prêtre à être mère, ni à bien éduquer un bébé. Et si tu es élève, tu seras renvoyée de l’école : tu vas gaspiller ton avenir.


Education sexuelle

 

Notes de travail utilisées dans plusieurs groupes de jeunes et d’enfants, dans les écoles, les mouvements et les quartiers. A chacun de les adapter à sa situation.

Définition de la sexualité

La sexualité c’est une force qu’il y a dans l’homme et dans la femme, qui vient de Dieu et qui nous permet de nous aimer et de donner la vie. Tous les mots de cette définition sont importants. D’abord la sexualité c’est une force. Une force il faut apprendre à la commander et à la diriger sinon c’est comme la voiture, si tu ne sais pas la conduire, tu auras des accidents. Il faut donc apprendre à connaître sa sexualité et à la commander.

C’est une force qu’il y a dans l’homme et dans la femme. On ne dit pas dans le corps de l’homme. La sexualité ne se limite pas au corps, elle est aussi dans l’esprit et dans le cœur. Toutes les cellules du corps sont sexuées, toute la personne humaine est sexuée, même dans ses pensées ou dans sa façon d’aimer. La façon d’aimer de l’homme n’est pas la même que celle de la femme.

Cette sexualité vient de Dieu. Cela veut donc dire qu’il faut la vivre comme Dieu le veut. C’est pour cela que Dieu a donné ses commandements à Moïse. En particulier « Tu ne feras pas l’adultère ». Et déjà dès le début du monde : rappelons-nous tout ce qu’il a dit à Adam et Eve, sur le mariage.

La sexualité c’est une force qui permet d’aimer. C’est cela le premier but de la sexualité, et le plus important. Une sexualité sans amour ne rend pas heureux. Elle ne peut pas être réussie, ni être vécue dans la paix. L’acte sexuel n’est pas seulement une question de technique ou de position, c’est une question d’amour.

La sexualité permet de donner la vie. Pas seulement de faire des enfants, encore moins d’enceinter une femme, mais de donner toute la vie : la vie du corps, du cœur et de l’esprit, une vie totale. Si nous avons des enfants, il ne suffit pas de les nourrir il faut aussi les éduquer et surtout, les aimer.

Qu’est-ce que l’acte sexuel ?

Comme on vient de le dire, l’acte sexuel n’est pas seulement un rapport physique. Pour dire les choses clairement, pas seulement un pénis en érection qui entre dans un vagin. C’est un homme qui aime, et qui se donne à sa femme. Je dis bien à sa femme parce que normalement, l’acte sexuel

doit être vécu dans le mariage, et non pas avec des partenaires de rencontre, à la sortie des bals ou des cinémas. Et l’homme ne prend pas sa femme, il se donne à elle. Et de même la femme.

En français il y a trois mots pour désigner l’acte sexuel :

  • Rapport sexuel,

  • Relation sexuelle

  • Union sexuelle

Ce n’est pas du tout la même chose.

Être en rapport avec quelqu’un c’est être seulement en contact avec lui. Même si on ne le connait pas, et si on ne l’aime pas. Un rapport sexuel, c’est une rencontre de passage, pour le plaisir ou pour l’argent.

Être en relation avec quelqu’un c’est déjà le connaître, le rencontrer régulièrement, échanger des idées. Une relation sexuelle sera donc avec un ami, une camarade de classe ou de quartier que l’on connaît. Quelqu’un avec qui on est déjà en relation : il y a déjà connaissance et confiance. Mais cela ne suffit pas.

L’acte sexuel réussi c’est l’union sexuelle : quand on est vraiment unis l’un à l’autre, uni dans son corps mais aussi dans son esprit. On se connaît, et dans son cœur, on s’aime.

Dans le rapport sexuel, chacun cherche son propre plaisir. Dans la relation, souvent on cherche à prendre l’autre. Dans l’union sexuelle, on se donne à l’autre dans l’amour, la confiance et la liberté.

Tu es libre, et c’est à toi de CHOISIR. Tu peux te lancer tout de suite dans des rapports sexuels, sans amour et sans avenir. Tu peux attendre d’avoir un copain ou une copine. Ou tu peux attendre le mariage et de vous aimer vraiment, totalement et pour toujours. Qu’est qui peut te rendre le plus HEUREUX ?

Les cinq dimensions de la sexualité

(voir mes livres : « Et pourquoi on n’aurait pas de relations sexuelles ? « pour les jeunes, et « Comment réussir nos relations sexuelles ?» pour les gens mariés

1-L’amour

2-Donner la vie

3-Le plaisir. Le plaisir est bon, c’est Dieu qui l’a voulu. Quand Dieu donne Eve à Adam, il saute de plaisir devant Dieu.

4-La prise en charge réciproque et le soutien mutuel entre mari et femme.

5-L’engagement dans la famille et la société. C’est pourquoi il y a le mariage traditionnel ou coutumier et le mariage civil, avant le mariage religieux (sacrement). Le mariage civil lui aussi est important, car l’homme et la femme qui s’aiment ont envie d’être reconnus par la société. Et ils ont besoin de la société pour vivre, en particulier pour éduquer les enfants, les envoyer à l’école, pour se soigner et soigner les enfants etc. Mais il faudrait unir davantage ces 3 mariages.

Comment réussir sa sexualité ?

-La sexualité, c’est comme une plante, elle grandit doucement. Il faut donc prendre le temps. Des relations sexuelles faites trop tôt entrainent des problèmes et des difficultés. D’abord au niveau physique : grossesse indésirée, difficulté pour accoucher, fausse couche etc… Mais aussi des problèmes psychologiques. Quand on est trop jeune, on n’est pas encore capable de se donner, parce qu’on ne se possède pas encore soi-même. Il faut prendre le temps de grandir.

Les relations sexuelles faites trop tôt et avant le mariage entraînent des problèmes : les maladies sexuelles, y compris le sida que l’on n’arrive pas à soigner pour le moment, les grossesses indésirées, les mariages sans amour, etc.

Des garçons disent : « de toutes façons, moi je ne risque rien. Même si je fais des rapports sexuels, je ne serai pas enceinte ». C’est vrai que le garçon ne tombe pas enceinte. Mais s’il commence à faire des relations sexuelles pour s’amuser, sans amour, il va prendre de mauvaises habitudes. Et ce sera très difficile pour lui, d’être un mari sérieux. (c’est vrai aussi pour la fille). De plus, on ne lui fera pas confiance, et ce sera très difficile pour lui de trouver une femme (ou un mari) sérieuse. Enfin, les maladies sexuelles guettent les garçons, autant que les filles.

Pour les filles, elles risquent beaucoup, en jouant à ce qu’on appelle le 693 : 6 minutes de plaisir, 9 mois de grossesse et 3 ans de malheur.

Un homme qui a une grande jambe et une petite jambe ne peut pas marcher. Il faut que les deux jambes aient la même longueur (dessin). La sexualité c’est la même chose. Il faut que le cœur grandisse autant et en même temps que le corps. Sinon, la sexualité est déséquilibrée, et l’on va obligatoirement tomber. Ce n’est pas parce qu’une fille voit ses règles, et qu’un garçon entre en érection, qu’il est prêt pour autant à faire des relations sexuelles.

2- Il y a des étapes dans la vie et dans la sexualité.

Et des gestes qui y correspondent (dessin). Au jardin d’enfants, les petits garçons et les petites filles sont ensemble. Pour eux, il n’y a pas de différence, ils chantent et ils dansent ensemble.

A l’école primaire déjà, les garçons se mettent d’un côté, et les filles de l’autre. On se regarde l’un l’autre à distance. Le geste qui correspond est de se serrer la main, quand on se voit. On est camarade.

Au collège, les garçons commencent à regarder les filles, et les filles cherchent à plaire aux garçons. Cela est bon, c’est normal. A condition de savoir ce que l’on cherche et de dominer sa sexualité. Les gestes qui correspondent à cet état là, c’est de se regarder, de se sourire mais sans aller plus loin. C’est la mixité.

Souvent au niveau du lycée, parmi tous les garçons, la fille en préfère un. Elle dit : « celui-là il n’est pas comme les autres ». De même le garçon est davantage attiré par une fille, il dit : celle-là je l’aime. On devient alors ami. On peut se montrer son amitié, en se tenant par les épaules. Et en étant assis l’un à côté de l’autre, pour pouvoir échanger les idées et mieux se connaître. Mais normalement, on ne va pas plus loin.

Lorsqu’on s’aime vraiment, à ce moment-là on s’engage l’un envers l’autre, ce sont les fiançailles et le mariage. Au moment des fiançailles, on peut se montrer son amour par des caresses, des baisers etc. Mais la relation sexuelle, normalement, se fait dans le mariage, car c’est un engagement. Pas seulement entre le garçon et la fille, mais envers les autres puisqu’on peut avoir un enfant, et que cet enfant a besoin d’une famille, pour être aimé et éduqué. Et aussi de la société, pour être enseigné, soigné….. L’union sexuelle c’est donc l’acte des gens mariés. Aller trop vite au niveau physique, cela ne peut que nous déséquilibrer, et apporter des problèmes.

-L’organe sexuel le plus important de l’homme et de la femme, c’est l’hypophyse, c’est-à-dire une glande qui se trouve à la base du cerveau (j’ai bien dit organe sexuel et non pas organe génital). C’est cette glande qui commande toute la vie sexuelle : les règles, le murissement de l’ovaire, la fabrication des spermatozoïdes, par l’intermédiaire des hormones. Si l’on veut commander à sa sexualité, cela se situe au niveau du cerveau, et non pas au niveau de l’appareil génital. Cela veut dire surveiller ses yeux, sa bouche, ses oreilles, et bien sûr ses pensées. Parce que tout ce que tu regardes, cela rentre dans le cerveau. Tout ce que tu dis, vient du cerveau. Tout ce que tu entends, entre également dans le cerveau. Si tu maintiens des pensées impures et le désir sexuel dans ta tête, l’hypophyse sera excitée et tu ne pourras plus rester tranquille. Cela vient de tes lectures, de tes conversations, des films que tu regardes, des pensées que tu as dans ta tête. C’est à ce niveau-là, que tu dois être clair. Et alors, tu peux commander ta sexualité. Mais si tu regardes des films pornos, tu danses, bien collés et sans respect, dans des boites où on éteint les lumières, si entre vous vous ne parlez que des filles (ou des garçons), alors c’est sûr, tu ne pourras pas rester tranquille.

On pourra mener ici toute une réflexion sur les films, les artistes, les soirées dansantes, etc…

« Toi le garçon, tu peux regarder les filles. Mais qu’est-ce que tu regardes chez elles ? Et à quoi tu penses ? Qu’est ce que tu veux faire avec elles ? Car il y a beaucoup de belles choses que l’on peut faire ensemble, entre garçons et filles. Pas seulement des rapports sexuels »

« Et toi la fille, qu’est-ce que tu montres aux garçons ? Comment tu t’habilles ? Si tu montres seulement tes formes physiques au garçon (ton corps), il va s’amuser avec tes formes. Et quand il t’aura ‘déformée’, il te jettera ! Mais si tu cherches à plaire au garçon par tes idées, il va venir échanger des idées avec toi, il va t’aimer, et vous serez heureux ensemble ».

-La sexualité c’est comme une maison à construire. Pour construire une maison (dessin), il faut d’abord poser des fondations. Si les fondations ne sont pas solides, la maison ne tiendra pas. Ensuite, il faut monter les murs. Et c’est seulement quand les murs sont terminés que l’on peut poser le toit. Si l’on met le toit avant de monter les murs, le toit va tomber sur les habitants, et va les écraser. Qu’est-ce que cela veut dire pour la sexualité ?

Les fondations, c’est la camaraderie, l’amitié, la mixité, apprendre à vivre ensemble dans le respect et dans la joie.

Les murs ce sont les deux familles qui donnent l’éducation. Ce sont aussi les engagements, dans les mouvements et dans les autres groupes et associations, où on apprend à se connaître, et à travailler ensemble. C’est là que l’on apprend à aimer.

Le toit, c’est l’engagement dans le mariage. C’est la vie commune, et la relation sexuelle. Quelqu’un qui n’a jamais eu d’ami, et qui ne sait pas être camarade avec les autres, il n’a pas de fondation. Sa sexualité comme son mariage ne sera jamais solide, sauf s’il apprend à aimer par la suite. Quelqu’un qui ne s’est jamais été dans un mouvement, qui n’a pas été éduqué dans la famille, c’est comme une maison sans mur, pour porter le toit. Faire des relations sexuelles avant le mariage, c’est comme mettre le toit avant les murs. Le toit va te tomber dessus et t’écraser.

3) Dans nos traditions africaines, la sexualité était sacrée.

Elle ne concernait pas seulement toute la vie et toute la personne, mais toute la grande famille, et même l’univers tout entier. Ainsi les anciens disaient que le soleil est mâle, et que la lune est femelle. C’est pour cela que dans la plupart des langues africaines, c’est le même mot qui désigne la lune et les règles de la femme. Ils disaient aussi que le ciel est mâle, et que la terre est femelle. Parce que c’est le ciel qui féconde la terre, par la semence qui est la pluie. Et ils en tiraient des conséquences. Par exemple ils disaient : si un homme suit une femme en brousse dans les champs et qu’il la viole (il la prend de force), ce n’est pas seulement la femme qui est salie, mais aussi la terre, et le monde tout entier : La femme a été violée, mais la terre sur laquelle on l’a violée, elle, elle est devenue stérile. Elle ne donnera plus de fruits. Il fallait faire un sacrifice aux ancêtres pour leur demander pardon, pour avoir à nouveau des récoltes.

C’est important de savoir, ce que les ancêtres disaient au niveau de la sexualité. Et de connaître l’éducation qu’ils donnaient à ce sujet, en particulier pendant l’initiation. Pour voir comment le garder et le vivre dans le monde d’aujourd’hui, d’une façon adaptée : le sens de la famille, de l’accueil, du partage, l’éducation des enfants, la pudeur, les vertus traditionnelles : teranga, yar, mun, teggin, kërsa, suttural, cër, etc. Savoir comment l’homme et la femme vivaient la sexualité autrefois, et voir ce qui a changé maintenant. Par exemple, avec les possibilités de régulation des naissances. Ainsi, on peut choisir combien avoir d’enfants, et quand. Et ;il n’est plus nécessaire d’arrêter les relations sexuelles, jusqu’à ce que l’enfant soit sevré. Mais sans oublier que les ancêtres demandaient à la jeune fille d’arriver vierge au mariage. Et donc aux garçons de respecter les filles !

L’amour 

Aimer qu’est-ce que c’est ? (voir le livre du même nom, que j’ai écrit à ce sujet) : Laisser les participants répondre : les qualités de l’amour, son importance, ses conditions, etc…Comment savoir si un garçon ou une fille t’aime ? (voir mon livre : »Choisis ta fiancée »).

Aimer, c’est vouloir bien sûr le bien de l’autre. Mais aimer, c’est aussi avoir un but commun dans la vie. Comme l’a écrit Saint Exupéry : « S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ». Aimer c’est se soutenir dans ses engagements réciproques et prendre des engagements communs : avoir une maison ouverte à tous, où les gens peuvent trouver la paix et le bonheur.

Il y a beaucoup de faux amours. D’abord l’amour commercial, les 5 V : villa, voiture, vidéo, virement et voyage : » Si tu me construis une villa, tu m’achètes une voiture, tu me payes une vidéo, tu me fais un virement à la banque et tu m’envoies en voyage, alors chéri je t’aime ». Il y a beaucoup de gens qui disent qu’ils aiment, en fait ce qu’ils cherchent, c’est l’argent : des filles qui se vendent pour de l’argent, et des garçons qui achètent des femmes avec leur argent. Ce n’est pas mieux ni d’un côté, ni de l’autre.

Il y a l’amour boite de sardines : je suis en voyage, j’ai faim, je vais chez un commerçant, je lui donne l’argent, je prends la boite de sardines, je l’ouvre, je mange et je la jette. Il y a des garçons qui prennent les filles, comme une boite de sardine. Il lui donne l’argent pour l’acheter, il la prenne, il l’ouvre, il mange et il la jette. La fille, il faut la respecter, ce n’est pas une boite de sardines. Mais il y a des filles qui se vendent comme des boites de sardines, sans connaître leur valeur et leur dignité.

Il y a l’amour« ceebu jën ». Quand tu dis : j’aime le « ceebu jën, qu’est-ce que tu aimes ? Tu n’aimes pas le poisson, tu aimes ton ventre. Si tu aimais le poisson, tu le laisserais se déplacer tranquille et heureux dans la mer, mais tu le prends, tu le tues, tu le cuis et tu le manges. Tu cherches donc ton plaisir à toi. Tu dis à l’autre : je t’aime, mais c’est ton plaisir que tu cherches. Il y a ainsi beaucoup de gens qui font l’amour « ceebu jën «.

En tout cas il faut savoir ce que l’on fait, et comment on se conduit dans la vie. il y a des garçons qui sont des caméléons. Ils changent de fille d’après l’endroit où ils vont, comme le caméléon change de couleur. Il y a aussi des garçons qui sont des haut parleurs, ils parlent bien mais ils n’aiment pas en vérité, ils cherchent seulement à tromper les gens.

Mais la fille de son côté ne doit pas faire l’éléphant. L’éléphant a une grosse tête mais un petit cerveau. Il a de petits yeux et de grandes oreilles ; et il a une grande trompe. Il y a beaucoup de filles qui se laissent tromper par les garçons. Quand les garçons viennent leur parler en leur disant : « chérie tu es belle, je t’aime, je n’ai jamais vu une fille comme toi », elles ferment les yeux, elles ouvrent de grandes oreilles d’éléphant, et elles ne savent plus réfléchir. La fille n’est pas un éléphant. Si un garçon te dit : je t’aime, regarde d’abord comment il vit et ce qu’il fait pour toi. Regarde aussi comment il se conduit avec les autres, pas avec toi. Car toi, il cherche à te plaire, donc il va cacher ses défauts. Regarde comment il est dans la famille et dans le quartier. Car si tu veux te marier avec lui, bien sûr, il faudra connaître d’abord sa famille. Et c’est la même chose pour le garçon.

S’aimer, c’est se donner l’un à l’autre :

se donner soi-même, et pas seulement donner des choses. Dans la relation sexuelle, ce n’est pas la femme seulement qui doit se donner à son mari, mais le mari qui doit aussi se donner à sa femme dans l’amour, et non pas la prendre.

Il y a trois façons d’écrire « je t’aime ».

  • JE t’aime

  • je T’aime

  • je T’AIME

Qu’est-ce que cela veut dire ?

-Dans le 1° : JE t’aime, JE en majuscule « je pense à moi (JE) et non pas à l’autre ».

-Dans le 2° : je T’aime, « je T’aime toi » mais avec un petit amour.

- Ce que l’on doit chercher, c’est d’aimer l’autre avec un grand amour, comme dans le 3° : je T’AIME

A suivre

 

 

 


Vivre vraiment libres

 

Préparation d'une émission à la télévision : Valeurs et limites de la liberté

1 Quel est le fondement de la liberté ?

Le fondement de la liberté c’est Dieu lui-même. Dieu a créé l'homme libre mais en lui donnant un cadre : vous pouvez manger tous les fruits mais le « fruit de l'arbre du bien et du mal « vous ne le mangerez pas Genèse). L’homme a voulu décider lui-même qu’elle était le bien et le mal au lieu d'écouter la Parole de Dieu. Il a voulu prendre la place de Dieu. Et maintenant l'homme se trouve soumis à des tendances, il a donc besoin d'une éducation et du soutien de la société pour pouvoir se maitriser, et faire le bien qu’il décide. L’homme est devenu faible devant le mal et aussi devant le mauvais exemple de certaines personnes. Cela veut dire que l’homme n’est pas libre mais il le devient, à condition de chercher à se libérer de toutes les tendances et de toutes les mauvaises habitudes et de faire le bien qu’il a décidé de faire dans sa vie. Cela veut dire que la liberté demande d'abord d'avoir un but, un idéal, et de savoir où on veut aller, sinon on tourne en rond et on n’arrive à rien.

2 Est-ce que la liberté est une opposition à la dépendance de l'homme par rapport à Dieu ?

Non, puisque c’est Dieu qui nous a créés, c'est Lui qui nous a fait libres. Dieu par son esprit saint, agit dans le cœur de tous les hommes (la conscience), pour leur montrer le chemin et leur permettre de voir comment ils peuvent réussir leur vie. Le problème ensuite c'est de savoir si l’homme va accepter ou refuser ce que sa conscience lui dit.

3 Qu’exige le juste exercice de la liberté ?

Pour exercer la liberté, il faut d'abord avoir un idéal et réfléchir sur ce qui est bon pour moi et pour les autres. Et sur qu’est ce qui va me rendre heureux et rendre les autres heureux ? Quel est but que j’ai choisi pour ma vie ? Et quand j’ai choisi un but, il y a donc toute l'importance de la maîtrise de soi, du courage et de l'engagement pour faire ce que j'ai décidé. C'est là que la prière est importante. Elle nous éclaire pour voir plus clair dans notre vie, et elle nous donne la force et le courage de le vivre.

4 Est-ce qu'il y a un lien entre la liberté et la loi ?

Bien sûr, agir pour être libre ce n'est pas faire n'importe quoi, ce n'est pas faire ce dont j'ai envie en changeant à chaque fois d’après l’ambiance, en faisant ce qui se fait autour de moi et en suivant les autres sans réfléchir. Ce n'est pas le libertinage. Mais plutôt c’est faire ce que j'ai décidé profondément après réflexion. Celui qui est libre c’est celui qui a compris ce qu'il doit faire et qui a intégré la loi dans sa propre vie. Ce n’est pas comme le disent certaines « je suis libre, je fais ce que je veux ». C’est plutôt « je suis libre, je fais le bien que j’ai décidé de faire ». C'est là que j'ai besoin de la loi qui me montre le chemin et qui me donne une base pour agir. Et donc bien sûr, la place de Jésus-Christ est absolument essentielle. Jésus est l'homme parfait, le fils de Dieu mais aussi le Fils de Dieu qui s’est fait homme et qui a réussi parfaitement sa vie, non pas en étant riche ou un grand chef mais en donnant sa vie librement pour les autres. Jésus c’est vraiment l’homme libre, libre jusqu'au moment de la mort comme il le dit : » ma vie personne ne la prend, c'est moi qui la donne ». Il fait donc ce qu’il a décidé, dans une liberté totale.

5 Que dites-vous de la vérité à propos du bien et du mal ?

Jésus Christ disait : « la vérité vous rendra libres ». Dans la mesure où nous sommes vrais devant nous-même et devant notre conscience. Car tout homme a une conscience qui est la voix de Dieu qui parle dans son cœur. La conscience lui permet d’être vrai devant lui-même, c’est-à-dire être clair et transparent : être quelqu'un à qui on peut avoir confiance. Non pas quelqu'un de trouble, mais comme une vitre claire qui laisse passer le soleil. La vérité nous rend claire et fait passer l’Esprit Saint et la lumière de l’évangile dans notre vie. Saint-Augustin disait « aime et fais ce que tu veux ». Parce que ce que justement si tu aimes, tu ne feras pas n'importe quoi. Tu feras ce que tu as choisi en profondeur, librement mais sérieusement. Tu feras ce que tu as décidé de faire pour réussir ta vie, et tu décides de prendre tous les moyens pour cela.

Encore une fois, on ne naît pas libre mais on se libère peu à peu en devenant plus vrai et en réalisant davantage le but qu'on s'est choisi dans la vie, en en prenant les moyens.




Les abus sexuels au Sénégal

 

Nous avons d'abord rappelé le travail de la commission justice et paix sur cette question. D'abord plusieurs sessions de formation avec différents groupes sur les directives des évêques par rapport aux abus sexuels commis sur les mineurs. Ces documents étant complétés par les documents des différentes congrégations religieuses sur les abus sur les personnes vulnérables, handicapées en particulier. Cette formation a été faite en particulier dans nos maisons de formation, au centre Saint Augustin le grand séminaire des religieux et au cours des différentes rencontres des religieux et religieuses. Elle a été proposée aux enseignants de nos écoles catholiques, aux agents de santé de nos dispensaires catholiques et aux responsables des paroisses dont nous avons la responsabilité : présidents de CEB, catéchistes et responsables de mouvements, travailleurs, chauffeurs, gardiens et autre personnel de nos maisons. Et aux colonies de vacances pendant l’hivernage.

Les religieux de chacune des congrégations ont ensuite été appelés à signer un document demandé par le Vatican : un engagement à respecter les enfants et personnes vulnérables, et à lutter contre le phénomène des abus sexuels non seulement dans leur vie personnelle et communautaire, mais aussi dans leur lieu de travail et leurs différents engagements. Dans ce document, chacun reconnaît sa responsabilité personnelle dans ce domaine et s’engage à éviter tout abus sexuel et d’abus de pouvoir. Au cas où il ou elle serait reconnue coupable, il le sera personnellement, sans que l’on puisse attribuer la responsabilité de ces abus à la communauté ou à la congrégation dont il fait partie.

Pour ne pas se limiter aux formations données aux laïcs, la commission justice et paix a proposé que cet engagement signé par les religieux soit présenté également au personnel travaillant dans les différentes institutions de l'Eglise. Un texte qui a une valeur juridique a été composé pour cela, et on va demander à chacun des travailleurs de l’église catholique de le signer.

Une rencontre générale avec les supérieurs des différentes congrégations religieuses présentes au Sénégal est prévue en décembre 2023 pour faire le point de la réflexion et des actions menées dans ce domaine.

Dans notre partage avec les futurs diacres, la première réaction de l'un d'entre eux a été de dire : « ce sont des accusations faites par des adversaires de l'Eglise qui veulent détruire sa réputation ». Mais nous avons aussitôt reconnu qu’il existe vraiment des cas d'abus sexuels, d’abord dans la société au Sénégal, mais aussi malheureusement au niveau des religieux. Une congrégation vient de demander officiellement pardon pour des abus sexuels commis il y a une trentaine d'années par un de ses membres, qui était alors responsable dans le sud du pays des écoles de la congrégation, et qui a commis des abus sur des enfants. Deux autres cas ont été reconnus également publiquement dans une congrégation enseignante par un frère sénégalais, et dans une autre par un frère camerounais, tous les 2 travaillant au Sénégal.

Un 2e participant à notre réflexion a dit que cela existe surtout en Europe. Il ne faut donc pas que l’on amène les problèmes européens dans notre Eglise locale. Mais nous avons constaté que les abus sexuels existent bien dans notre société sénégalaise actuellement, même s’ils prennent une forme différente de ce qui se passe en Europe. Chaque jour, des cas d’abus sont jugés au tribunal. Nous en trouvons chaque jour des échos dans les journaux, les radios et la télévision.

Ce qui est vrai c'est que l’homosexualité est fortement condamnée par la grande majorité de la population, et qu'elle est absolument rejetée dans la culture sénégalaise. Les gens surpris en train d’avoir des rapports homosexuels sont jugés et condamnés à la prison. Souvent, ils ont déjà été frappés par la population. Les personnes accusées d’homosexualité sont très souvent critiquées, moquées, frappées et insultées. Dans la mesure où la culture sénégalaise condamne l’homosexualité, cela explique que les cas abus sexuels commis par des hommes sur des garçons sont effectivement moins fréquents qu’en Europe. Par contre, il existe de nombreux cas d’incestes dans les familles et d’abus sexuels d’hommes adultes sur des petites filles et des jeunes filles. Et un certain nombre de viols aboutissant parfois à des grossesses.

Le problème c’est que la plupart du temps, les parents cherchent à cacher ces faits, pour garder l’honneur de la famille : ce que l’on appelle en wolof le “soutoureu”. On cache les choses et donc on refuse d’accuser les coupables et de régler les problèmes au tribunal. Souvent en cas de grossesse, on se contente de marier la jeune fille violée et enceinte à celui qui l’a violée. Il est clair que cela ne peut pas être une façon valable de vivre un vrai amour et de bâtir un mariage solide, ni de respecter la liberté et les droits des petites filles et jeunes filles abusées. Et cela compromet plus gravement leur avenir. Il y a donc tout un travail à faire pour faire réfléchir les gens. Et faire comprendre en particulier aux parents que la première chose à faire c’est de respecter les droits et la dignité des enfants, au lieu de chercher à garder l’honneur, que ce soit celui de la famille ou celui de l’Eglise.

Lorsque le responsable de ces abus est un religieux ou un prêtre, de même on cherchera à cacher la chose, quitte à traiter la victime de menteuse, pour ne pas faire honte au prêtre et garder l’honneur de l’Eglise. Et dans les daaras (écoles coraniques), les cas de viols des petits et jeunes garçons talibés ne sont pas rares.

Il est important d’élargir la réflexion et l’action, et plus largement de réagir contre l’érotisation accrue de la société. La société traditionnelle avait souvent une dimension érotique mais que l’on cherchait à cacher. Les parents par exemple parlaient très rarement de sexualité à leurs enfants, l’éducation sexuelle se faisant pour les petites filles par les tantes et par les grand-mères plus que par leurs mamans. Et jusqu’à maintenant, il n’y a pas de véritable éducation sexuelle, ni dans les familles, ni dans les écoles, ni dans les mouvements de jeunes. On se contente d’expliquer comment éviter les grossesses et les maladies sexuelles. Il est clair que cela n’est pas une véritable éducation et cela ne permet pas aux enfants et aux jeunes de vivre leur sexualité de façon positive et épanouissante.

Ce qui n’arrange rien actuellement c’est le développement des réseaux sociaux, où des films pornographiques sont accessibles à tous facilement, même à des enfants, sur un téléphone portable. Un phénomène qui se développe de plus en plus, c’est de prendre des photos entre jeunes ou adultes dans des positions sexuelles ou tenues excitantes, souvent pour s’amuser. Mais ensuite en cas de rupture entre les deux jeunes, garçon et fille, le garçon menace son ancienne copine de publier ces photos compromettantes, ou de les envoyer à son nouveau copain ou à ses parents. Cela est devenu toute une industrie et une véritable exploitation de la femme, car certains n’hésitent pas à faire du chantage et de demander de l’argent, sous la menace de publier ces photos compromettantes.

Une solution pour cette éducation sexuelle c’est qu’elle se fasse dans des mouvements d’action ou des écoles catholiques, à condition d’être réfléchie, préparée et suivie sérieusement. Il y a certainement dans le contexte actuel un devoir de l’Eglise à ce niveau-là. Il faut donc une vraie réflexion positive sur la sexualité, qui fasse appel à la liberté éclairée et à l’engagement sérieux pour un changement de la société. Ce qui nous demande, à nous religieux, d’être présents et actifs dans la société, ses différentes organisations et ses activités. Et de ne pas de se contenter de la catéchèse, de la chorale et de la liturgie

Comment redonner une image valable à la vie religieuse ?

Tous ces problèmes empêchent bien sûr de vivre une sexualité humaine épanouissante. La chasteté religieuse prend donc tout son sens dans la société actuelle, et la vie communautaire est essentielle pour cela. Un religieux ou une religieuse qui n’est pas heureux et qui n’est pas soutenue dans sa communauté aura la tentation de se faire consoler et trouver du plaisir et un peu de bonheur dans des manques de fidélité à son vœu de chasteté, même si cela ne va pas jusqu’aux relations sexuelles.


La religion pour bâtir notre identité africaine dans un monde perturbé

 

D'abord, je voudrais parler de ce monde fragilisé,

et à partir de là voir quelle identité construire pour un monde plus humain et moins fragile, où il fera meilleur vivre. Et dans un 3e temps, voir comment la religion peut être un facteur important pour construire notre monde, pour le bien de tous. Dans les limites des 15 minutes qui me sont accordées, je serai obligé d'être schématique. Et donc de ne pas toujours préciser suffisamment les choses, ou de les dire d'une façon qui ne sera pas tout à fait juste. Dans les débats qui vont suivre, je pense que l'on pourra préciser et nuancer les affirmations, suite aux questions des participants

En Afrique, la société a été très profondément bouleversée par l'esclavage et la colonisation. C'est bien connu, ce n’est pas nécessaire de s’y étendre. Mais ce monde et nos cultures même fragilisés, ils n'ont pas été complètement cassés. Et grâce à Dieu, ils continuent de vivre aujourd’hui.

Ensuite, dans le monde entier, la deuxième guerre mondiale s’est singularisée par un nombre énorme de victimes civiles, l’holocauste des juifs et l’usage pour la première fois de la bombe atomique. A la suite de cela, le monde a été encore plus fragilisé par l'opposition entre deux blocs : le capitalisme et le communisme qui cherchaient l'un comme l'autre à s'imposer en Afrique. Le communisme ayant perdu beaucoup de ses forces, c’est le libéralisme qui s’impose actuellement et qui fragilise les plus pauvres. En donnant le maximum de moyens à ceux qui ont l'argent et le pouvoir. Ce qui veut dire que ce ne sont pas seulement les pays qui sont fragilisés, mais aussi les personnes.

Le monde a été fortement fragilisé ces deux dernières années par la Covid, qui en plus de la maladie entraînant la perte des forces et de nombreuses morts, a bloqué les relations internationales, les déplacements et les transports. Les conséquences au niveau économique et politique sont encore présentes aujourd’hui.

Cette année 2022 est arrivée la guerre de l'URSS contre l'Ukraine. Cela a apporté la fragilité de l’économie mondiale, suite à la très grande dépendance de nombreux pays par rapport aux engrais, au blé, au maïs et aux céréales produits par ces deux pays. Cette guerre entraîne une grande perte de production, un blocage des récoltes et donc une faim de plus en plus grande dans le monde. Et aussi, une inflation et une augmentation des prix très importantes. Et là aussi, ce sont les plus pauvres qui en subissent les conséquences. La lutte contre cette augmentation du coût de la vie va entraîner la mobilisation d’une grande partie de nos ressources, au détriment de nos autres besoins, même essentiels.

Et puis il y a tout le problème du réchauffement de la terre (voir la COP 27) et de la destruction de l'environnement avec les pollutions de toutes sortes ; la surexploitation des richesses de la terre ce qui fait qu'elle s'épuise complètement ; la disparition de nombreuses espèces animales et végétales (voir la COP 15 sur la biodiversité). Tout cela entraîne une fragilité très grande de toute la terre avec les conséquences bien connues : les tornades, les ouragans, les inondations, l’avancée du désert, la montée des eaux, la fonte des glaciers, etc…Notre continent n’est responsable que de 4% du réchauffement de la terre, mais c’est lui qui en subit le plus les conséquences dramatiques. Et malgré leurs promesses, les pays industrialisés rechignent à aider l’Afrique à mettre en place des énergies renouvelables, et à lutter contre les catastrophes naturelles. Ils veulent lui interdire d’utiliser le gaz et le pétrole que l’on découvre actuellement, alors que c’est à partir du gaz et du pétrole que ces mêmes pays se sont industrialisés et développés dans le passé.

Ce qui fragilise aussi notre monde, c'est bien sûr ce phénomène apparu depuis quelques années et qui devient de plus en plus fort et plus grave, du terrorisme et de l'intégrisme religieux. Ce qui est ainsi fragilisé, ce n’est pas seulement la religion, mais la culture et la vie toute entière des États. Et là encore, la vie des personnes les plus fragiles de notre monde.

Parmi les autres domaines qui sont fragilisés dans notre monde, je noterai en particulier la famille. Elle est attaquée par des lois autorisant le mariage pour tous et une théorie du genre déformée, mal comprise et mal appliquée. Les divorces se multiplient avec les conséquences : des familles recomposées où de nombreux enfants sont perdus et ne savent plus comment se situer. La GPA (la grossesse pour autrui) où des couples font faire leur enfant par une autre femme. Un proverbe bambara affirme : « Si tu n’as pas d’enfant, adoptes-en un, il sera le tien ! ». Sans parler des avortements et de l'homosexualité de plus en plus mis en valeur.

Ce qui est encore plus grave, et qui fragilise encore plus notre monde, ce sont les moyens utilisés comme prétendues solutions. Une femme ou une jeune fille qui avorte ne le fait jamais par plaisir, mais à cause de difficultés graves. Est-ce que la mettre en prison va la sortir de ses problèmes et de la culpabilisation ? Et de même pour les personnes homosexuelles : elles sont des personnes humaines. Elles ont droit au respect, à la compréhension et au soutien. Et non pas d’être insultées, frappées et envoyées en prison. Ce monde est fragilisé aussi par la volonté de mettre en place des lois autorisant l'euthanasie à la fin de la vie, sous prétexte de répondre aux désirs des gens et de les libérer. La médecine n'est pas faite pour tuer, mais pour guérir et faire vivre. En tuant les fœtus et les malades, on tue notre société tout entière.

Même les découvertes et les progrès de la science fragilisent notre monde, quand on sait qu'actuellement certains chercheurs se préparent à cloner des personnes humaines. Nous nous laissons dominer de plus en plus par une intelligence artificielle qui risque de nous dépasser et de nous entraîner là où nous ne voulons pas aller, avec tout ce monde virtuel qui nous empêche de vivre dans la réalité. Les fake news.et les fausses nouvelles sur Internet nous empêchent de nous faire confiance et de vivre dans la vérité.

Il y a aussi le problème de la biodiversité. De plus en plus, le monde est cassé et pollué, les écosystèmes sont attaqués par le réchauffement de la terre, les plantes et les animaux disparaissent en grand nombre. Alors que ce sont eux dans leur diversité (ce qu’on appelle la biodiversité, la diversité des êtres vivants) qui nous fournit des sources importantes dans l’alimentation, mais aussi dans l’énergie et dans les minéraux pour construire nos machines et nos usines. Il nous faut donc mener une réflexion et lutter pour obtenir une régulation climatique et des bonnes conditions de vie.  Pour que les espèces animales et les plantes puissent vivre, et nous avec elle. Il s’agit bien de la défense de la vie en tant que telle. La COP 15 sur la biodiversité va s’ouvrir en décembre 2.022. Espérons qu’elle pourra changer les choses alors que la COP 27 sur le réchauffement de la terre n’y est pas arrivé.

Est-ce que je suis trop négatif ? Analysant la fragilité du monde, je suis obligé de mettre le doigt sur ce qui ne va pas et nous fragilise. Mais il est clair que tout n’est pas négatif. Nous vivons tous de belles choses dans notre monde. Et il y a des solutions à tous ces problèmes. J’en parlerai tout à l’heure.

Plus précisément au Sénégal,

ce que je viens de dire sur la fragilisation du monde est présent, même si pour le moment nous sommes protégés des attaques terroristes. Et il est essentiel de tout faire pour nous en protéger, sans nous limiter aux solutions militaires. Nous ne connaissons pas l'avenir. Soyons prudents et humbles, quand nous voyons ce qui arrive au Burkina Faso, qui était présenté comme un modèle d’entente entre chrétiens et musulmans. Et ce qui arrive aux autres pays de la région.

Notre continent continue d’être pillé.

Nos matières premières sont exportées et transformées dans les pays industrialisés, et ils reviennent chez nous à un prix très élevé. Ce qui augmente encore notre pauvreté. Même notre pétrole est envoyé à l’extérieur pour être raffiné, avant de nous être revendu au prix fort. Les mines sont exploitées avec des contrats basés sur la loi du plus fort. Nos fonds marins sont pillés, alors que le poisson est la source principale de protéines pour la population. Et les pêcheurs comme les mareyeuses se retrouvent sans travail et sans ressources.

Encore plus grave, c’est que nos pays africains cherchent à se développer et à construire leur mode de vie sur l’exemple des pays occidentaux. Alors que ces pays occidentaux sont entrain de casser la terre, de la polluer, de la salir, de la réchauffer et de la détruire. Il nous faut donc chercher une nouvelle façon de nous développer adaptée à nos pays, et qui respecte davantage la création que Dieu nous a donnée. Une écologie et une économie nouvelle qui visent en premier à respecter les personnes, et qui pensent d’abord aux populations les plus pauvres, les plus faibles, les plus exploitées et les plus écrasées. Copier les pays industrialisés et vouloir nous développer comme eux ne peut que nous conduire au désastre. Cherchons un développement plus adapté à nos cultures et à nos richesses humaines (et non pas matérielles). L’augmentation du PIB ne rend pas les gens plus heureux, et ne peut pas nous préparer à un avenir réussi. Surtout quand ce PIB n‘est pas partagé équitablement entre tous les citoyens.

Ce qui fragilise notre monde sénégalais, c'est aussi l'insécurité, avec tout ce qu'elle entraîne comme violence. Cette violence dont on accuse trop facilement les jeunes d’être responsables. On leur reproche leur manque d’engagement et leur manque de sérieux avec des affirmations comme « damay def lu ma nekh ; bul falé ; grawul…  ». C’est vrai qu’on voit des jeunes qui se disputent pour une cigarette ou une pièce de 100 francs. Et qui, suite à des insultes et des violences verbales en arrivent à sortir un couteau et à tuer leur copain. Cette violence, on la retrouve aussi dans les viols qui se multiplient de plus en plus. Et dans les vols, les détournements d’argent et toutes les autres formes de corruption dont nous sommes témoins chaque jour. Cette violence atteint toute notre vie sociale, et même notre vie politique : nos classes dirigeantes, et en particulier nos députés qui font actuellement notre honte, nous font avoir peur de l’avenir et nous empêchent d'avoir confiance dans ce monde qui vient. Au point que certaines personnes ne veulent même plus avoir d'enfants, en disant qu'ils ne pourront pas vivre heureux dans le monde tel que nous le construisons.

La politique

doit être la recherche du bien commun, le bien de tous, spécialement des plus faibles, et de l’avancée des droits de l’homme. Mais dans notre pays, nous assistons à des tensions très grandes au moment des élections. Et une opposition qui cherche davantage à s’opposer au pouvoir qu’à construire le pays et à chercher le bien commun.

Nous subissons tous les problèmes de la destruction de l'environnement et de la biodiversité (la disparition de nombreuses plantes et animaux qui participaient à la vie de notre terre : il n’y a plus d’animaux dans la brousse et moins en moins de poissons dans la mer). Nous sommes témoins de la pollution, du réchauffement de la terre et de tous ces autres problèmes écologiques qui risquent d'entraîner notre malheur et dont j’ai parlé plus haut. Ils sont également présents dans notre pays.

Bien des questions se posent aussi par rapport à notre développement. Nous voulons nous développer à partir du gaz et du pétrole qu’on vient de découvrir, et c’est bien normal. Mais les pays industrialisés veulent nous en empêcher, parce que cela va augmenter la pollution et le réchauffement de la terre. Alors qu’eux même se sont développés à partir du gaz et du pétrole. Et si au moins ils acceptaient de financer nos recherches pour une énergie verte et des énergies durables. Mais on ne nous soutient même pas quand des catastrophes naturelles arrivent. Tout cela bien sûr nous empêche de sortir de nos problèmes, et fragilise énormément notre société.

La famille

aussi est fragilisée au Sénégal. Des parents de la banlieue sont obligés de partir au travail à 5 heures du matin et de rentrer la nuit, à cause des bouchons et de la durée dans les transports. Ils ne voient plus leurs enfants, ils n’ont plus le temps de les éduquer. Les enfants trainent dans les rues. Sans parler des talibés pratiquement abandonnés par leurs parents, qui sont exploités et que l’on fait souvent souffrir comme chacun le sait, et comme on nous le reproche jusqu’au niveau international. Sans oublier les chefs de famille qui s’imposent, et aussi les grands frères sur les petits frères, et les garçons sur les filles. Et cela va jusqu’aux violences faites aux jeunes filles et aux femmes, et aux incestes. Et malgré de grands efforts d’éducation, de nombreuses filles sont encore excisées, même en ville.

L’école

enseigne mais éduque de moins en moins. Le niveau des études baisse et on assiste à une démission aussi bien de certains enseignants que des parents d’élèves. Tout cela va fragiliser notre société et casser notre avenir.

Mais le plus grave ce sont sans doute les inégalités qui grandissent dans le pays : pendant que des gens s’enrichissent, d’une façon parfois honteuse et scandaleuse et quelque fois même d’une façon malhonnête, les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Il y a donc de plus en plus d’injustices et de tensions dans notre société. Ce sont bien sûr les plus faibles « les plus fatigués », qui en souffrent le plus. Cela entraîne des conséquences qui fragilisent notre société : l’exode rural, le chômage, le développement du secteur informel, le nombre des « gorgolous » qui se multiplient.

C’est aussi l’une des causes du développement de l’individualisme. Chacun pense à soi. On perd le sens des autres, de la dimension communautaire et même des responsabilités familiales. Cet individualisme entraine l’égoïsme. Juste deux exemples par rapport à cela. Au début de l’année, les salaires des enseignants ont été notablement augmentés. Et on vient de promettre l’augmentation également du salaire des militaires. Mais ces personnes dont les salaires ont été augmentés, est-ce qu’elles ont augmenté de la même façon les salaires de leurs chauffeurs et de leurs gardiens ? Ces derniers ont-ils un vrai salaire qui leur permet à eux aussi de faire vivre leur famille. Alors que beaucoup ne sont même pas inscrits à l’inspection du travail et qu’ils n’ont droit ni à la sécurité sociale, ni aux allocations familiales, ni ensuite à la retraite. Est-ce qu’elles ont pensé à augmenter aussi les salaires de leurs employées de maison, celles qu’on traite de « mbindane » sans respect ? Car si beaucoup de femmes peuvent travailler à l’extérieur et donc gagner de l’argent, c’est grâce à ces employées de maison qui s’occupent de la maison, de la cuisine et même souvent de l’éducation des petits enfants. Un tel comportement ne peut qu’entraîner des insatisfactions, des frustrations et à long terme des révoltes.

Il y a aussi tout le problème des syndicats. Bien sûr les syndicats doivent travailler au respect de leurs droits. Le droit de grève est normal. Mais est ce que les enseignants et les personnels de santé peuvent faires des grèves pour n’importe quelle raison, ou simplement pour des raisons matérielles, sans penser suffisamment aux conséquences pour les malades et leurs familles, ou pour les élèves et leur avenir ? Est-ce que trop souvent ils ne font pas grève que pour eux-mêmes, en ne pensant qu’à leur classe sociale, en oubliant les autres travailleurs, surtout les petits travailleurs, ceux du secteur informel, les chômeurs et tous ceux qui n’ont pas de travail. Il y a là beaucoup de choses à revoir dans notre société.

Bien sûr tout n’est pas négatif.

Il y a eu des efforts de faits, pour trouver des solutions à la fragilité de notre société avec la mise en place de la CMU (la couverture médicale universelle), les cartes d’égalités des chances pour les handicapés, du plan sésame pour les personnes âgées, les césariennes gratuites pour les femmes enceintes, les soins gratuits pour les enfants de 0 à 5 ans, les bourses familiales… Ce sont des choses positives. Mais nous sommes obligés de constater que le pays n’a pas les moyens, ou une vraie volonté de les faire fonctionner normalement. Par exemple, les hôpitaux ne sont pas remboursés par la CMU pour les médicaments et les soins qu’ils apportent. Malgré tout, c’est important de continuer sans nous décourager, à construire notre pays. Et soutenir ce qui se fait, en particulier pour l’emploi des jeunes et des femmes.

Ces différents éléments, et on pourrait en ajouter encore beaucoup d’autres, expliquent le repli identitaire d'un certain nombre de personnes. Dans un monde fragilisé, on se replie sur les valeurs que l'on pense sûres : la famille, l’ethnie, son groupe religieux. Cela conduit à la fois à l'isolement et au durcissement sur des principes considérés comme essentiels, pour se protéger et se sécuriser. Quitte à se mettre en opposition avec les autres groupes, ce qui fragilise encore plus la société tout entière.

Comment construire notre identité personnelle et sociale ?

Face à tout cela qu’allons-nous faire ? La première chose c’est de nous demander quelle société nous voulons construire. Y réfléchir ensemble et nous mettre à l’action ensemble. Que par exemple les partis politiques cherchent vraiment à former leurs militants et à construire la société. Et non pas chercher leur intérêt personnel ou de parti.

Quelle identité allons-nous choisir et faire exister ? Par quels moyens allons-nous faire vivre et se développer cette identité ? Pour cela, il ne suffit pas d’augmenter le produit national brut PNB, surtout que cette richesse est mal partagée, accaparée par ceux qui ont le pouvoir, et que notre société crée de plus en plus de pauvres.

Dans les quartiers, on parle de certaines personnes en disant : « c’est celui qui a la grosse voiture rouge », ou « c’est celui qui a la belle villa au coin de la rue », « c’est celui qui est toujours bien habillé en gilet et en cravate ». Ces gens-là on les désigne par les choses qu’elles ont, par les richesses qu’elles possèdent. On ne connait même pas leur nom. Elles n’ont pas d’identité. Parce que l’identité ce n’est pas ce qu’on a, ce ne sont pas les choses que l’on possède, ou l’argent que l’on a placé à la banque. L’identité c’est ce qu’on est. Sa personnalité. C’est cela notre valeur. L’identité de notre pays devra de même être la richesse culturelle et sociale de notre pays, pas seulement l’augmentation des revenus.

L’identité et ses différentes composantes, culturelles et religieuses.

Pour construire notre identité, nous avons deux bases : nos cultures traditionnelles, car il y a plusieurs cultures au Sénégal, et la religion.

Notre culture, elle se traduit pratiquement par les valeurs traditionnelles : « la téranga, le mougne, téguin, kersa, soutoura, yar ... » Mais même dans nos vertus traditionnelles, il y a des dangers et des risques, et tout n’est pas parfait. Le « ngor et le diom » risquent souvent de devenir de l’orgueil et de la volonté de s’imposer aux autres.

De toute façon, on ne peut pas vivre comme autrefois. On ne peut pas se contenter de nos valeurs traditionnelles. Déjà, nos proverbes le disaient : « quand le rythme du Tam-Tam change, le pas de la danse doit changer aussi ». Et un autre proverbe dit « : on n’arrose pas le riz d’aujourd’hui avec la pluie d’autrefois ». C’était assez facile de vivre la Téranga au village, quand on avait de la place et une grande cour pour accueillir les gens. Mais si tu habites dans un 2 pièces au 5iéme étage en ville, comment vas-tu accueillir et garder la Téranga ? Et pourtant, il faut à tout prix qu’on la garde. Et que cette téranga qu’on la vive avec tout le monde. Pas seulement avec les touristes pour gagner de l’argent, mais entre nous-mêmes. D’abord envers les handicapés, toutes les personnes qu’on traite de fou, tout ceux qu’on méprise, qu’on écrase, qu’on rejette. Et elles sont tellement nombreuses. Autrefois, tout le monde était paysan. Quand ton neveu venait chez toi, tu l’amenais aux champs. Mais en ville, si tu es chirurgien, tu ne peux pas amener ton neveu pour opérer avec toi ! Donc comment faire ? Comment vivre nos valeurs traditionnelles dans le monde d’aujourd’hui ? Il pourrait être intéressant, au moment du débat, de mener une réflexion sur cette question : quelles valeurs traditionnelles conserver, et comment les vivre d'une façon valable dans le monde moderne qui est le nôtre. Et que faut-il accueillir des autres valeurs culturelles qui viennent de l’étranger et qui arrivent chez nous ?

Autrefois nous avions un modèle à suivre. Toute le monde était paysan. On allait ensemble aux champs. On savait quelle éducation donner aux enfants. Il y avait l’initiation et les classes d’âge. Maintenant, le monde a changé, il est devenu très divers : il y a des tas de métiers, différents niveaux dans la société, différentes façons de vivre. Alors quelle identité choisir et comment la construire ? D’où l’importance d’une réflexion en profondeur sur ces questions. Et après avoir défini l’identité que nous désirons, dans ce monde moderne actuel, quels moyens prendre pour assurer la formation pas seulement de nos enfants, mais aussi des adultes ?

Le problème c’est que nous n’avons plus de modèle fixé à l’avance. Car le monde évolue sans cesse. Quel monde nous voulons construire ? Quelle identité nous voulons avoir ? Et aussi, comment vivre la religion dans le monde actuel ? On ne peut pas le savoir à l’avance. Cherchons ensemble, quitte à nous tromper, et quitte à revenir en arrière. Peu à peu, nous trouverons la façon dont nous pouvons vivre heureux et construire un monde plus humain et moins fragile.

Au niveau de la religion, la grande chance pour nous comprendre, de nous accepter, et de nous compléter au niveau religieux, c’est que musulmans comme chrétiens nous avons la même culture. Et cette culture néo africaine est la base sur laquelle nous pouvons construire, pas seulement notre pays mais aussi notre entente religieuse, pour le bien de tous. Ne pas chercher seulement la tolérance. Il ne s’agit pas de nous tolérer, de nous supporter, d’accepter les autres parce qu’on ne peut rien y faire et parce que nous vivons ensemble, il s’agit de reconnaitre nos différences. Pas seulement de les accepter mais de construire notre société à partir de nos différences. Nos différences sont une richesse et elles peuvent nous compléter les uns les autres. Elles peuvent nous rendre meilleures. Aussi bien au niveau religieux que dans les autres domaines

La religion tient une part très importante dans notre identité au Sénégal. C’est une identité religieuse, marquée à la fois par la culture négro-africaine et par les religions africaines traditionnelles, ces deux éléments allant ensemble. Même si la pratique de la religion traditionnelle a beaucoup diminué dans notre pays, car les gens désirent s'orienter vers une religion mondiale, que ce soit l'islam ou le christianisme. Au point qu'il est difficile d'avoir des représentants de la religion traditionnelle en tant que telle, à notre assemblée. Mais les croyants, aussi bien musulmans que chrétiens n’hésitent pas à recourir aux cérémonies, aux sacrifices et aux protections de la religion traditionnelle dès qu’ils ont des problèmes. On connaît l'importance des cultures traditionnelles africaines, avec tout le poids de l'histoire et des traditions de chaque religion, qui marquent la personnalité de chacun.

Le christianisme aussi bien que l'islam en Afrique noire contribuent donc fortement à créer une identité que j’appellerai » culturo-religieuse ». Mais c’est une identité culturo-religieuse diverse et multiforme. D’abord pour l’Islam au Sénégal, il y a les différentes confréries, qui chacune a son visage propre. Pour le christianisme, ce sont les différentes Eglises chrétiennes présentes dans le pays : catholiques, protestantes, luthériennes et méthodistes. Mais aussi plusieurs groupes religieux afro-chrétiens. Et également des sectes qui se multiplient, prétendant s'appuyer sur la Bible, mais que l'on peut difficilement appeler chrétiennes.

Mais même si la dimension religieuse est importante, elle ne constitue pas à elle seule l'identité des groupes et des personnes au Sénégal. La foi ne se limite pas aux pratiques de la religion. Et l’identité aussi bien personnelle que communautaire est marquée par la vie en société, que ce soit au niveau scientifique, anthropologique ou ethno-social.

La vie moderne

Prenons simplement l’exemple de la langue. Ces dernières années on a cherché à valoriser les langues nationales. En particulier le wolof. Mais, il est clair que cela reste au niveau de l’oralité, dans la vie courante. Et dans les radios, les télévisions et les réseaux sociaux. Mais il n’y a pratiquement pas de journaux rédigés en wolof. Et Il y a très peu de gens qui savent lire et écrire leur langue maternelle. D'autant plus qu'il y a plusieurs écritures, ancienne, nouvelle et internationale qui sont en concurrence. Il est vrai que le wolof se répand de plus en plus. De nombreux Sénégalais parlent à la fois leur langue maternelle, le wolof et le français. Ce qui amène un enrichissement de la personnalité des gens concernés. Mais en même temps, le français continue de marquer profondément l'identité des sénégalais, par la culture que cette langue apporte. D'autant plus que cette langue est non seulement la langue officielle, mais la langue utilisée pour l'enseignement. Ce qui marque spécialement les jeunes scolarisés.

L’identité de tous et de chacun actuellement, surtout celle des jeunes, est aussi profondément marquée par les médias. Tous ces médias apportent des cultures étrangères, en particulier par les chanteurs et les artistes. Mais ce qui est transmis, ce sont souvent des choses sans profondeur : les façons de s'habiller, les chants et les danses modernes…La « noce », l’ambiance, les soirées dansantes. Les khaware, les ngèl et les yèndöö ne sont plus ce qu’ils étaient. Les jeunes ne savent plus chanter ni danser en groupe. Il leur faut des micros et des ordinateurs et les danses modernes. Et la façon de parler wolof des jeunes n'est pas le wolof des anciens, et encore moins le wolof des chefs religieux. Et il est très souvent mélangé avec des mots et expressions françaises et même anglaises. Nous sommes donc en marche vers une identité multiforme. Cela pose la question de l'éducation aux médias, qui est vraiment essentielle et urgente. Que l'on apprenne en particulier aux jeunes à analyser ce qu'ils voient. Et à y réfléchir, de manière à pouvoir l'intégrer d’une façon positive dans leur propre vie et dans la vie de la société.

On peut donc se demander si l'identité sénégalaise n'a pas plusieurs étages : d’abord, l’étage de la culture traditionnelle, souvent vécue d’une façon inconsciente, et pourtant très importante pour construire sa vie et son avenir. ll est donc important qu'elle soit mise en valeur et adaptée à la vie actuelle.

Ensuite, l’identité religieuse qui reste encore très forte au Sénégal, que ce soit l'identité musulmane ou chrétienne, même si celle-ci est minoritaire.

Enfin l’identité que j'appelle moderne et qui souvent reste superficielle. Mais elle est influente. Et elle empêche parfois de développer les valeurs et les identités traditionnelles et religieuses.

Cela pose en particulier le problème de la mondialisation. En soi c’est une ouverture à ce qui se vit dans les autres pays et les autres cultures. Mais on est obligé de constater que souvent cette mondialisation, au lieu d'être un enrichissement, elle apporte un appauvrissement, en supprimant nos différences et nos originalités. Ce qui entraîne un nivellement à la base, pour une pseudo culture mondiale, qui cache un manque de valeurs et d'idéal. Et qui se limite souvent aux questions et aux intérêts économiques, car marquée par une domination des pays les plus industrialisés et les plus riches. Cela entraîne donc une marginalisation des pays pauvres et des petits de la société dans ces pays. Et une exploitation des pays les plus pauvres qui manquent de moyens pour se défendre contre les pays développés, qui cherchent à s'imposer et à profiter des richesses des pays du tiers monde. Et contre les grandes sociétés multinationales, qui s'imposent même aux états par leur puissance économique.

En même temps, la mondialisation est un mouvement important d'autonomie, mais qui risque de nous conduire jusqu'à un individualisme exacerbé, qui cherche son intérêt personnel. Et à bâtir son avenir tout seul, quand ce n'est pas en opposition aux autres, par égoïsme et individualisme, sous prétexte de liberté et d'indépendance. Il est clair que l'individualisme ne permet pas de garder la dimension communautaire des cultures négro-africaines et des religions. Il y a donc là un manque très grave pour l’avenir de nos pays, et des personnes en particulier.

Que peuvent apporter les religions ?

Dans un monde fragilisé comme le nôtre, les religions à partir de leurs livres saints apportent une base claire et solide sur laquelle construire non seulement notre vie personnelle de croyants mais l'avenir du pays. Et cela d'autant plus, encore une fois, que ces religions, l'islam et le christianisme pour le Sénégal, sauront conserver et s'appuyer sur les valeurs des religions traditionnelles africaines. Et aussi dans la mesure où ces deux religions sauront travailler ensemble pour s'épanouir, au lieu de s'opposer comme cela arrive malheureusement trop souvent. Il est donc important pour chacun d'entre nous de soutenir les efforts d'amitié entre chrétiens et musulmans. Car ce ne sont pas les religions qui dialoguent, mais bien les personnes à partir de leur identité. Cherchons une amitié engagée, qui débouche sur un service de la société et de la population tout entière, spécialement des plus nécessiteux. Nous pourrons également revenir sur cette question au cours du débat.

Il y a des choses qui marquent notre identité religieuse : la foi en Dieu, un idéal de vie, la confiance en Dieu, la prière, la dimension communautaire, un livre sacré et révélé, dans l‘Islam comme dans le christianisme. A condition de rester ouvert et accueillant aux autres. C'est dire toute l'importance de la laïcité que nous avons choisie au Sénégal et qui permet, de pratiquer sa religion et de respecter la religion de l'autre. A la fois chacun personnellement, et ensemble en communauté. Cette laïcité est un gage de liberté et d'avenir pour nous tous. Et une protection contre tous les fondamentalismes, intégrismes et terrorismes.

Une chose importante pour laquelle les religions musulmane et chrétienne, peuvent se rencontrer est celle de l'engagement pour les plus pauvres dans la société. Toutes les religions se construisent sur ce qu'on appelle la règle d'or : « tu ne feras pas aux autres ce que tu ne veux pas que l'on te fasse à toi-même ». L’islam comme le christianisme sont basés sur les dix commandements de Moïse. Et en particulier ce grand commandement que Moïse a donné au peuple juif : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces, de tout ton esprit et de toute ton âme. Et ton prochain comme toi-même ». L’un des piliers de l'Islam, c'est l’aumône et donc l'amour des pauvres. Pour les chrétiens, le commandement de Jésus Christ, c'est « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Tout ce que tu fais au plus petit de mes frères, c’est à moi que tu le fais ». C'est donc en s'engageant ensemble chrétiens et musulmans, pour l’amour des plus pauvres et des petits dans la société, que ces deux religions garderont leur identité et seront unies, pour défendre les personnes, et diminuer la fragilité de la société toute entière. C’est aussi ce qui leur permettra de participer activement à la construction d'une identité nationale, où la religion ne cherchera pas à s'imposer. Elle respectera la démocratie, la laïcité et les droits de l’homme. Mais elle rappellera sans cesse aux autorités qu'ils sont au service de la population, et spécialement des plus démunis et des plus nécessiteux. C'est là une qualité essentielle que ces deux religions peuvent apporter à l’identité sénégalaise.

Ces petits de la société nous les connaissons. Il y a d'abord ceux qui vivent vraiment dans la misère, qui dorment dans la rue parce qu'ils n'ont pas de maison, qui n'ont pas les moyens nécessaires pour vivre, ces plus pauvres que l'on appelle les badolos ou les miskines en wolof. Ce sont « les plus fatigués » qui n’osent pas aller à la mairie ou au dispensaire, ni inscrire leurs enfants à l’école, parce qu’ils ont été trop souvent rejetés et humiliés. Ceux pour qui l’Onu a publié une « déclaration pour le soutien de ceux qui vivent dans l’extrême pauvreté « qui n’est malheureusement pas mise en pratique, ni même connue.

Il y a aussi les pauvres, les nécessiteux dont la vie est très difficile. Ceux qui n'ont pas leur place dans la société, qui ne sont ni reconnus, ni respectés : ceux qui n'ont pas le droit à la parole, ceux qui ne sont pas écoutés, tous ceux qui n'ont pas les moyens minima pour recevoir une éducation de base ou une formation professionnelle. Ceux qui ne feront jamais grève, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se défendre, encore moins de s’imposer : ceux qui font des petits métiers les gorgorlous, les gens du secteur informel, les apprentis, les coxeurs, les enfants de la rue, les employées de maison que l'on appelle d’une façon péjorative les bonnes. Ce qui est déjà un mépris de leur identité, de leur personnalité et de leurs valeurs personnelles. Toutes ces personnes n'ont aucune sécurité, ni sociale ni autre. Ni le droit d'être respecté, et traité comme une personne humaine avec sa dignité.

Certains chefs d’entreprise et de société cherchent à être reconnus. Ils se veulent influents dans la société. C’est normal ! Mais est ce que beaucoup ne se contentent-ils pas d'utiliser des bénévoles ou des CDD ? Même dans la fonction publique. Et à la fin de l’année on les renvoie en disant qu’il n’y a plus de travail pour eux. Mais c’est pour prendre d'autres bénévoles ou CDD, au lieu de garder les premiers en CDI, puisqu’il y a effectivement du travail et des places à remplir. Tout cela contribue à la pauvreté de la population. Il ne s’agit pas là de revendications révolutionnaires, mais simplement ce que nous demande la religion. Et ce sont des droits reconnus par l’état au niveau de la constitution, et ratifiés au niveau des Nations Unies dès notre accession à l’indépendance. Cela fait partie de l’identité de tout citoyen sénégalais.

Ce n'est pas à moi de parler au nom des musulmans. Ils l’ont fait eux-mêmes, et beaucoup mieux que je ne pourrai le faire. Je me contente simplement de donner un exemple récent de l'influence de la religion dans notre vie sociale, et pour notre identité sénégalaise. Je pense à l'intervention du khalife général des Niassènes dans une médiation sur la paix au Darfour. Il a réussi à rassembler et réconcilier 50 tribus à partir du thème « entr’aidez-vous et craignez Dieu ». Il est clair qu’en lui-même l'Islam est une religion de paix, même si tous les croyants ne sont pas des artisans de paix malheureusement. Et c’est la même chose chez les chrétiens.

Participation de l’Eglise Catholique.

Pour terminer, je vais partager quelques réflexions, à partir de ma position de prêtre catholique. D’abord je reconnais que l’Eglise aussi est fragilisée. Elle est fragilisée par les abus sexuels, mais aussi par les problèmes de la société dont j’ai parlé et qui sont présents aussi dans l’Eglise : la soif de l’argent, la volonté du pouvoir qui écrase les autres, l’individualisme… L’Eglise a aussi besoin de retrouver son identité première, et de revenir à la vérité de l’évangile.

Mais même si certaines personnes continuent d’affirmer que le christianisme est la religion des blancs, il est clair que le christianisme en Afrique est devenu africain, avec des responsables africains et une participation active des chrétiens à la vie de la société. A la demande du Pape Benoît 16, les évêques de toute l'Afrique se sont réunis deux fois de suite en Synode, c'est à dire en Assemblée générale. Le premier synode justement pour définir son identité et préciser ce que devait être l'Église en Afrique, avec ses qualités et ses devoirs. Le deuxième Synode a montré comment s'engager davantage pour la justice et la paix dans nos différents pays.

Cette intervention de l'Église pour la paix est importante pour tous les peuples, à travers la diplomatie générale de l'Eglise dans le monde entier. On se souvient que le pape Jean-Paul 2 est venu nous visiter au Sénégal. Et il a travaillé activement à la chute de la dictature communiste. On sait comment le pape François est intervenu très longuement et avec force pour essayer d'amener la paix, la justice et la démocratie dans les différents pays qu'il visite. En particulier au sujet de la guerre de la Russie contre l'Ukraine, qui entraîne souffrances, problèmes, injustices et pauvreté dans le monde entier.

La Communauté Saint Egidio est bien connue pour ses efforts de réconciliation, pour amener les pays en guerre à dépasser leurs oppositions et leurs tensions. Par exemple au Sénégal, en février 2022, cette Communauté est intervenue efficacement pour faire libérer les sept militaires de l’ECOMOG qui étaient prisonniers du MFDC. Ces interventions pour la paix et la réconciliation dans le domaine politique sont essentielles pour aider à construire une identité sénégalaise nationale.

Dans le domaine économique et social, on connaît l'importance de la Caritas pour soutenir des projets de développement à la base, en faveur des populations les plus déshéritées. Au niveau de la santé, des postes de santé privés catholiques se signalent par la qualité de leurs soins et le faible coût des médicaments. Et aussi par l’accueil et le suivi des malades. On connaît aussi l'importance et les résultats des écoles catholiques. Pas seulement pour la qualité de l'enseignement et les résultats aux examens, mais surtout pour une éducation en profondeur des jeunes. Et aussi pour apprendre aux jeunes élèves, chrétiens et musulmans, à vivre ensemble et se respecter. Il ne faudrait pas oublier non plus le travail de soutien et de suivi en particulier des malades et des prisonniers par les aumôneries catholiques des prisons et des hôpitaux. De même que la formation de base des jeunes filles qui ne peuvent pas être scolarisées par manque de moyens, dans les centres sociaux de jeunes filles. En travaillant pour toutes ces choses, l’Eglise participe à la construction de l’identité sénégalaise.

Cette identité au service du pays et de chacune des personnes, en particulier des jeunes, est aussi mise en oeuvre dans les mouvements de jeunesse catholiques, comme par exemple les scouts et les CV-AV. Le troisième principe des scouts est « le scout aime son pays, et il est un bon citoyen ». Cela s’est manifesté par exemple à l’occasion du pèlerinage à Popenguine de 2.022, qui a réuni pour une marche de plus de 50 km à pied dans la prière, plus de 20.000 jeunes catholiques. On y a relevé les appels très forts et pressants de l’évêque de Kaolack pour appeler les jeunes à la vérité, et à lutter contre le mensonge et toutes les formes de corruption. Et l’appel très fort à l’engagement dans la société, à la paix et à la démocratie en vue des élections législatives, qui a été lancé par l’archevêque de Dakar. Cela a eu un impact très fort qui a été reconnu par le ministre de l’intérieur lui-même, en présence des représentants des différentes confréries musulmanes, qui ont tenu à être présentes à cette manifestation de foi et de prière. Tout cela contribue au développement des qualités traditionnelles et de l’identité sénégalaise.

Il y a aussi tout un travail qui se fait à la base dans les quartiers à partir de ce que l’on appelle les CEB (Communautés ecclésiales de base). En effet les chrétiens catholiques sont appelés à se retrouver en communauté dans chacun de leur quartier. D’abord pour se connaître et mener une vie communautaire, pour prier et pour partager la parole de Dieu. Mais aussi pour s’engager dans le quartier, en lien avec les autres habitants. Ces communautés chrétiennes de quartier ne se contentent donc pas de prier, elles s’engagent aussi pour l’aide aux pauvres, pour le développement du quartier, pour les petits projets socio-économiques, pour la formation et l’éducation. En agissant en lien avec les autorités locales, les ONG, les maisons de justice et les boutiques de droit et les différentes organisations et associations qui sont présentes dans les quartiers. Et aussi bien sûr avec les communautés musulmanes et tous les citoyens de bonne volonté. Tout cela mérite une attention et un soutien.

Pour ne pas être trop long, je préfère m’arrêter ici. Je pourrai en dire davantage au cours du débat qui va suivre. Une seule question : Comment garder son identité tout en étant « universel », en particulier dans la religion ?

Merci beaucoup pour votre attention !


Réflexion sur le Travail (Pour une émission à la télévision)

Quel est la valeur du travail et d’où vient la dignité des travailleurs ?

Cette dignité elle vient d’abord de Dieu lui-même. Dieu est un travailleur. Non seulement il a créé le monde mais c’est Lui qui continue à faire vivre le monde jusqu’à aujourd’hui. Si Dieu s’arrêtait de faire vivre l’univers, toute la création disparaîtrait d’un seul coup. Et la dignité du travailleur c’est qu’il est créé par Dieu et enfant de Dieu. Les ouolofs disent : nous sommes tous des fils d’Adam.

Les prophètes étaient tous des travailleurs, ils ont défendu les droits des travailleurs. Surtout ceux des plus pauvres et ceux des étrangers. Jésus lui-même a tenu à travailler pendant 30 ans, avant d’aller annoncer l’Evangile. Il a appris un métier. Il travaillait de ses mains, ce qui nous montre la dignité du travail manuel, qui nous qui rapproche de Jésus. Paul lui-même tenait à travailler et à gagner sa vie lui-même. Dans l’Evangile on parle souvent du travail. Et on félicite le travailleur. Jésus dit : «C’est bien bon et fidèle serviteur. Puisque tu as été fidèle dans les petites choses, entre dans la joie de ton maître » (Matthieu 25,21). Et déjà dans l’Ancien Testament, on loue la mère de famille qui sait tenir sa maison. Ce qui nous montre en même temps qu’être mère de famille, c’est un vrai travail. C’est une vraie dignité. Nous devons respecter les femmes qui font ce travail.

Pour quoi et pour qui travailler ?

Le travail c’est, bien sûr, d’abord pour gagner sa vie. Comme Dieu l’a dit : « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » dès la création des premiers hommes.

Notre travail ce n’est pas seulement pour nous-même. Bien sûr aussi pour faire vivre notre famille. Et malheureusement, c’est très triste de voir certaines personnes qui ont réussi, et qui oublient complétement leurs vieux parents ou leur famille restée au village. Alors que c’est grâce à ces parents et au soutien de toute la famille qu’ils ont pu suivre des études et obtenir une bonne place.

Le travail est utile, il permet de développer ses qualités et de grandir dans sa personnalité, mais aussi d’aider les autres. Nous ne nous limitons pas à notre famille. Nous aidons les autres, pas seulement en faisant l’aumône. Si tu ouvres un atelier ou une petite entreprise, tu donnes du travail à d’autres personnes, tu leur permets de nourrir leur famille. Et donc de vivre dans la dignité.

Dieu dès le début du monde à Adam et Eve : » Toute la terre est à vous. Allez, protégez la terre et développez-la ». C’est pour cela que, dans notre travail, nous ne devons pas travailler seulement pour nous mais penser aussi à notre pays. Nous engager véritablement pour le développement de notre pays. D’abord en faisant le mieux possible notre travail, surtout si nous travaillons dans un service de l’Etat, dans une école, un poste de santé, etc. Et pour tous, en étant des citoyens engagés et responsables. Et en participant aux actions de développement qui sont lancées et organisées par l’Etat.

Qu’est-ce qu’un travail humain ?

L’Eglise a beaucoup parlé du travail et des conditions pour le vivre d’une façon épanouissante. C’est ce qu’on appelle l’enseignement social de l’Eglise. Cela a été développé spécialement il y a deux siècles avec Le Pape Léon 13. Au siècle dernier le Pape Jean Paul 2 a aussi beaucoup écrit sur le travail humain : « Il s’agit de travailler pour l’homme et pas seulement pour l’argent. D’abord pour soi-même, bien sûr, mais aussi pour les autres hommes. ». Cela pose tout le problème et de l’accueil des émigrés et des travailleurs étrangers. Pas seulement dans les pays européens, mais aussi dans nos propres pays, pour les migrants qui viennent chez nous à cause de la dictature, de la pauvreté ou de la guerre dans leur pays d’origine.

On parle aussi d’un travail décent.

Quelque chose qui est décent, c’est quelque chose qui est bon, respectueux et propre. C’est donc là encore un travail qui respecte la dignité des travailleurs. Pas seulement en leur donnant un salaire décent, mais en leur permettant d’avoir de bonnes conditions de travail, pour travailler en paix et dans l’unité.

Cela pose aussi toute la question des grèves, pas seulement des travailleurs mais déjà des élèves et des étudiants. Normalement, on ne part en grève que lorsqu’on a épuisé toutes les autres possibilités de dialogue avec l’autorité. On peut donc se poser la question de la légitimité de certaines grèves des étudiants : non seulement on fait grève, mais on brûle des bus et casse les structures d’enseignement. Donc on casse en même temps son avenir.

De même au niveau des syndicats, il y a deux dangers qui nous guettent : le premier c’est de se limiter à l’argent, aux augmentations de salaires, aux logements, aux cités construites pour un groupe spécial et limité de travailleurs etc. Il y a aussi le risque d’un égoïsme de classe : des artisans qui ne pensent qu’à défendre leurs propres intérêts, qui oublient tous les autres travailleurs de l’informel et ceux qui sont exploités, comme les employés de maison, les apprentis et tant d’autres.

Et aussi les gens qui sont utilisés comme bénévoles ou stagiaires. Ils assurent le travail pendant une année. Mais au lieu de les reconnaître (légaliser) au bout de cette année, on les renvoie, pour prendre un autre bénévole. Ce qui montre qu’il y a bien un travail à faire. La justice serait de le prendre (l’embaucher) pour un travail régulier. C’est tout le problème des CDD et des CDI.

Cette question du travail concerne aussi tout notre pays. D’abord pour le respect de l’environnement. Par exemple est-ce normal de créer une nouvelle usine pour produire de l’électricité à Bargny à partir du charbon, ce qui va entraîner une grande pollution et un réchauffement de l’atmosphère. De même, il y a de moins en moins de poissons dans la mer, et plus d’animaux dans la brousse, on abat les arbres sans les remplacer par d’autres (reboisement) et le désert avance. Tout cela entraîne le malheur de toute la société.

Quand nous regardons notre société, nous pouvons distinguer trois niveaux : d’abord tous ceux qui n’ont pas de travail, les chômeurs, les migrants qui viennent chez nous. Ensuite ceux qui ont un travail qui ne leur permet pas de vivre dignement, parce que leur salaire est trop petit : les serviteurs, les gardiens et beaucoup d’autres. Et à l’opposé, ceux qui ont un travail salarié et sûr, spécialement dans les secteurs secondaires et tertiaires, « dans les bureaux ». Et là au contraire, on leur demande trop de travail, sinon ils sont renvoyés. Ils n’ont plus de loisirs, et cela se fait au détriment de leur vie familiale et aussi de leur vie religieuse. Finalement, eux aussi, ils sont exploités et soumis au chantage. Mais même certaines employées de maison ne sont pas autorisées à aller à la prière le dimanche.

On parle aussi souvent de sots métiers !

Un proverbe dit bien : « il n’y a pas de sot métier, il y a seulement de sottes gens ». Cela est certainement vrai, mais cela n’est pas respecté. Jusqu’à maintenant, on ne respecte pas les travailleurs de l’informel ni les chômeurs, ni ceux qui, malgré leur bonne volonté ont perdu leur travail. De même au niveau de l’Etat, le nombre des étudiants en droit ou en lettres est très important, et la formation donnée ne prépare absolument pas à un travail productif qui servira au pays. Il y a très peu de lycées professionnels. Il faudrait donc prévoir tous les types d’enseignement dont le pays a besoin. Et d’abord améliorer et intensifier l’éducation qui est donnée, pour former au sens civique de vrais citoyens engagés qui cherchent le bien du pays. En particulier au niveau professionnel, pour apprendre un métier qui permet de vivre. C’est dans ce sens que les filles de la JOCF ont organisé une rencontre intitulée « Amour et Vérité dans le monde du travail » sur l’importance du pardon dans le .travail et l’affirmation de la dignité du travailleur. (Je pourrai vous en envoyer le contenu si cela vous intéresse). La grandeur de la personne c’est de pouvoir produire ce dont elle a besoin, même si l’on est simplement coxer. Ou une mère de famille qui se débrouille chaque jour pour vendre quelque chose au marché, pour nourrir ses enfants et payer l’école. A l’inverse du travailleur qui se laisse prendre par la recherche de l’argent facile, jusqu’à accepter pour les filles des relations sexuelles, ce qu’on appelle la promotion canapé ou les NST (Notes Sexuellement Transmissibles). Sans parler de la Prostitution proprement dite, ni de ceux et celles qui se lancent dans la malédiction, le maraboutage et la sorcellerie pour gagner de l’argent, avec l’aide des multiplicateurs de billets. Ou pour punir et envoyer le mal sur les autres, et prendre ainsi la place de ceux qui travaillent. En toutes choses, si tu veux être respecté, il faut d’abord te respecter toi-même.

Il est important de se tenir au courant des réflexions actuelles. Par exemple au sein de l’OIT, l’Organisation Internationale du Travail des Nations Unies, qui lutte pour un travail digne. Ou l’Assemblée des Evêques Européens qui demandent un travail durable et participatif pour tous. C’est-à-dire qui utilise les énergies durables, et qui ne casse pas la terre avec les fumées, les produits toxiques ou chimiques et la pollution. Et un travail participatif ou tout le monde peut avoir sa part de responsabilité. Ce qui permet de participer à la création et de s’intégrer à la société, pour son développement personnel, mais aussi le développement de la société toute entière. Un travail participatif c’est-à-dire un travail où le travailleur est non seulement respecté mais qu’il a la responsabilité de son travail. Et donc qu’on ne le considère pas seulement comme une machine, qui doit produire le plus possible. Le travail doit être au service de la personne et non pas l’inverse. C’est cela sa dignité. Il serait important aussi de donner sa place au travail des mères de famille.

Le travail est un droit pour tous. Donc il faut tout faire pour lutter contre le chômage. Le pape François demande aussi qu’on donne à tous, même si la personne est au chômage, une somme minimum d’argent qui lui permette de vivre et de faire vivre sa famille.

Il serait également important de diminuer les trop grandes différences de salaires entre le travail intellectuel et le travail manuel. Et entre les sociétés étrangères venues chez nous et nos sociétés locales. La différence est trop grande et c’est une grande inégalité.