Armel Duteil

Comptes rendus 2015


Réflexions sur l'acte 3 de la décentralisation

Bonjour à tout le monde,

Je remercie l’Abbé Edouard, le curé de cette paroisse pour l’introduction qu’il a faite, en rappelant en particulier le document du Concile Vatican 2 dont nous fêtons le 50ème anniversaire sur l’Eglise dans le monde : «  les joies et les espoirs des hommes, mais aussi leurs souffrances et leurs tristesses, sont aussi les joies, les espoirs, les souffrances et les tristesses de l’Eglise ». Et aussi le rappel de la lettre de Paul VI sur le développement des peuplesDévelopper tout l’homme, et tous les hommes ». Et j’ajouterai avec tous les hommes, tous ensemble. Je rappelle également que l’un des principes de la Doctrine Sociale de l’Eglise c’est la subsidiarité, c’est-à-dire de ne rien faire au sommet, de ce qui peut être fait à la base, et donc de responsabiliser les personnes au maximum. Cela va tout à fait dans la ligne de la Décentralisation. Enfin, je rappelle ce que nous dit notre Pape François en le répétant très souvent : « Allez à la périphérie », c’est-à-dire aller vers les gens qui sont les plus loin, « lutter contre la civilisation du déchet », où on traite les personnes malades, handicapées, âgées ou ne pouvant pas produire comme des déchets et des ordures, que l’on jette en dehors de la société. François a rappelé à la FAO que » les pauvres n’ont pas besoin d’aumône, ils ont besoin de respect et de soutien ». Et enfin, dans sa lettre du 1er janvier, pour la Journée Mondiale de la Paix, il nous appelle à lutter contre toutes les formes d’esclavage moderne dont souffrent les différentes personnes écrasées, marginalisées et mises à l’écart. Cela est en lien direct avec la Décentralisation et lui donne une dimension très importante.

Je remercie aussi les conférenciers qui m’ont précédé pour l’éclairage qu’ils nous ont apportés.

Quelques principes.

Avant d’être chrétiens ou croyants, nous sommes d’abord citoyens. Nous sommes nés, avant d’avoir été baptisés. Un chrétien doit donc travailler avec tous, et pas seulement avec les chrétiens. Et s’unir dans l’action avec tous les citoyens pour construire ensemble la société. Avant de parler directement de la décentralisation, je voudrais apporter quelques précisions. On connaît la phrase célèbre de Jésus « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Je crois que nous les chrétiens du Sénégal, nous rendons vraiment à Dieu ce qui revient à Dieu, avec nos nombreuses prières et dévotions, nos neuvaines, nos pèlerinages, nos groupes charismatiques, etc. Le problème c’est que nous ne rendons pas à César, ce qui revient à César. Nous ne sommes pas suffisamment engagés dans la société.

Jésus a choisi Pierre pour être le chef de son Eglise. Il lui a dit « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Mais il a continué tout de suite « et Je te donnerai les clés du Royaume » (Mat 16,19). Cela nous montre que l’Eglise ne doit pas travailler pour elle-même, elle est au service du Royaume. Et elle doit être elle-même le premier signe vivant de la présence du Royaume dans le monde. Qu’est-ce que le Royaume de Dieu ? Comme nous le dit la préface du Christ Roi : » c’est un royaume sans limite et sans fin, un règne de vie et de vérité, un royaume de grâce et de sainteté, un royaume de justice et de paix ». Ce royaume sans limite et sans fin est ouvert à tous les hommes, sans distinction. L’Evangile est pour tous, et Jésus est venu sauver tous les hommes. Comme le dit Paul : » Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1° Tim 2,4). . A chaque fois que les gens travaillent pour la vie, qu’ils s’engagent pour la vérité, qu’ils luttent pour la justice, qu’ils apportent l’amour et la paix, le Royaume de Dieu est là. C’est cela notre responsabilité. C’est à cela que Dieu nous appelle.

Jésus disait (Matthieu 5, 12-15) : « Vous êtes le sel de la terre ». Il dit bien « de la terre », et pas seulement de la communauté chrétienne, « Vous êtes la Lumière du monde », du monde et pas seulement de l’Eglise, « Vous êtes le levain dans la pâte », dans la pâte, dans la société, avec les autres hommes et non pas à côté, enfermés dans l’Eglise.

Par rapport aux autorités, on retrouve deux attitudes : Pierre et Paul nous demandent de respecter les autorités, de prier pour elles (1ère à Timothée, 3,1), de leur être soumis (Romains 13 – 1ère à Pierre 2, 13). Mais cela à condition que les autorités soient justes, qu’elles cherchent le bien de tous et donc, qu’elles respectent ce que Dieu demande. Sinon, nous devons les refuser et lutter contre elles, comme nous le demande le Livre de l’Apocalypse, quand l’Empire romain a commencé à persécuter les chrétiens. C’est donc à nous de voir dans chacune des circonstances de la vie du pays, si nous devons obéir à l’autorité et comment nous conduire avec elle. Mais nous devons toujours les respecter. Comme Jésus a respecté Pilate, alors que celui-ci le condamnait à mort. Mais sans avoir peur de lui dire la vérité (Jean 18,36).

Une dernière chose : les chrétiens, nous ne sommes pas nombreux dans le pays. Mais Jésus nous dit « N’ayez pas peur petit troupeau ». Nous n’avons pas cherché à être nombreux, mais à travailler avec tous. Il suffit d’un peu de sel pour donner du goût à tout le plat.

Le travail des CEB (communautés écclésiales de base)

La base de notre action, c’est nos CEB (Communauté Ecclésiale de Base). La CEB ce n’est pas seulement un groupe de prières, même si on y prie et qu’on y partage la Parole de Dieu pendant les réunions. C’est une communauté chrétienne de quartiers, donc une communauté qui doit s’engager dans le quartier, le plus possible. C’est pour cela que nous avons donné à nos CEB un programme pour chaque mois.

* La première semaine, partage de l’Evangile, en voyant comment le mettre en pratique dans la société.

* Deuxième semaine, la vie de la paroisse, avec tout ce que cela comporte : la prière, la liturgie, la catéchèse, les mouvements, mais aussi l’évangélisation et le témoignage.

* Troisième réunion, l’engagement dans le quartier avec, en particulier, le travail des amicales des jeunes chrétiens avec les associations de quartiers (ASC), l’association des femmes catholiques avec les groupements des femmes du quartier, et surtout, la Commission Justice et Paix et la Caritas.

* Quatrième réunion : Formation sur un thème choisi et eucharistie

Je ne reviens pas sur la Commission Justice et Paix qui nous a été présentée, de même que l’action des Jeunes artisans de Paix. La Caritas est suffisamment connue mais malheureusement trop souvent, elle se contente de distribution de dons, attendant des choses à distribuer qui nous viennent de l’extérieur. Au lieu de s’engager dans la formation des personnes nécessiteuses, et de lancer des petits projets de développement : AGR, GIE etc. pour que les gens puissent se prendre en charge, et qu’ils ne deviennent pas des assistés et des mendiants. La Décentralisation est synonyme de responsabilisation et non pas d’assistanat et de mendicité.

Au titre des engagements de la paroisse de Pikine avec les ONG, je citerai simplement deux actions : La première avec l’ONG EQUITAS pour la formation des femmes, le soutien à leur engagement dans la société, la formation aux petits projets  économiques et la lutte contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles.

La deuxième : notre travail avec l’association DE SICAP MBAO : SOPPI DJIKOO, pour la détection, le suivi, la guérison et ensuite le soutien des personnes qui se sont lancées dans la drogue.

De nombreuses autres associations se réunissent aussi dans notre salle paroissiale.


Pour permettre une meilleure responsabilisation et un engagement de tous, la Caritas comme la Commission Justice et Paix, se compose d’un délégué de chacune des CEB et également des autres groupes de la paroisse, y compris les lecteurs, les enfants de chœur et les chorales, pas seulement les mouvements. Cela, pour que ce qui est vécu dans les différents groupes et dans les quartiers, puisse remonter directement à la commission Justice et paix et à la Caritas, pour être réfléchi et pour décider des actions. Quand ces actions sont décidées, elles peuvent redescendre directement à la base et être mis en pratique par chacun les délégués, dans chacun des groupes et des mouvements. Cela me semble un exemple concret dans l’Eglise, de ce que peut être une véritable décentralisation. Par ailleurs, je noterai que le jour de la fête du Christ Roi 2013, Journée de l’engagement de mouvements et des personnes actives de la paroisse, la messe a été prolongée par toute une journée de réflexion sur la présentation de l’Acte 3 de la Décentralisation, sa mise en pratique et l’engagement des chrétiens, pas seulement en politique mais dans la société en général. Cette journée était animée par des jeunes chrétiens engagés, dans ces différentes actions. Elle a remporté un très grand succès.

Collaboration avec les municipalités

Pour une meilleure collaboration de la paroisse, des CEB et des chrétiens avec la municipalité, nous avons choisi un délégué de la paroisse, choisi par le Conseil paroissial et reconnu par tous, pour chacune des six communes de la paroisse et la ville de Pikine. Le rôle de ces délégués n’est pas seulement de demander de l’aide, de l’assistance ou du soutien pour les fêtes patronales ou pour les fêtes de Noël et de Pâques. C’est bien plutôt de réfléchir avec les CEB et d’apporter dans les municipalités, les idées des chrétiens et les propositions de la paroisse, en participant au Conseil municipal, pour que les communes travaillent mieux pour le bien de tous, et en particulier des plus nécessiteux. Le rôle de ces délégués est aussi d’assurer la coordination entre la paroisse et les différentes communes, et de permettre aux chrétiens de participer aux formations et aux activités lancées par la commune. Enfin, d’être le correspondant de la paroisse pour les différentes actions de soutien aux chrétiens pour que les choses soient claires, organisées dans la transparence et sans détournement. Ce travail des délégués auprès des mairies nous semble très important, et nous avons pris le soin de les former sérieusement, ce qui va permettre une participation plus active de la paroisse à la décentralisation.

Il nous semble important aussi de contacter les délégués de quartier et les imams et de travailler avec les organisations laïques et religieuses dans chacun des quartiers à la base : ASC, associations, ONG, groupements…. Il nous reste beaucoup à faire pour la formation d’abord et ensuite pour l’engagement des chrétiens, personnellement et communautairement, dans ce sens. Mais les choses ont déjà bien commencées, et nous ne nous décourageons pas.

Notre action se base sur les Béatitudes et sur tout le Discours sur la montagne (Matthieu chapitres 5 à 7). Et aussi sur ce que Jésus disait de sa mission, dans la maison de prière de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, Il m’a bénit par l’huile sainte pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Evangile aux pauvres, dire aux prisonniers qu’ils vont être libérés, annoncer aux aveugles qu’ils vont voir, renvoyer tous ceux qui sont écrasés dans la liberté et annoncer une année de grâces au Seigneur » (Luc 4, 16 à 19). Jésus reprendra la même chose en disant aux disciples de Jean Baptiste : « Allez dire à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne tombera pas à cause de Moi (Luc 7, 22-23)

Réflexions sur la Décentralisation

Première chose que je noterai, c’est le danger de la désillusion. Les gens ont beaucoup attendu de cette décentralisation, ils risquent d’être déçus et de se décourager, et donc de ne plus rien faire. Le rôle des chrétiens est certainement d’apporter l’espérance, et un regard positif sur notre société. Mais aussi d’accepter les difficultés et de faire comprendre que tout ne peut pas être parfait. Comme dit le proverbe : « Si tu n’as plus de mère, tu têtes ta grand’mère ». Si on veut la décentralisation et donc une certaine indépendance, il faut, non seulement en prendre les moyens, mais la payer et en supporter les conséquences. Je ne reprends pas les neuf domaines de compétence de l’Acte 2 de la Décentralisation en 1996 et les nouveaux domaines que l’on prévoit pour les nouvelles communes. Cela a été expliqué avant moi. Je rappelle quand même les quatre buts que le Chef de l’Etat a fixés à cet Acte 3 :

  • Simplifier l’organisation du pays pour qu’on puisse mieux travailler, avec des pôles de développement, regroupant plusieurs régions, trop limitées si elles restent seules.

  • Revoir le partage des responsabilités à tous les niveaux, depuis les collectivités locales (les quartiers et les villages) jusqu’en haut de l’Etat, en passant par le gouvernement et les régions.

  • Rendre meilleure l’utilisation de l’argent, pour qu’il arrive vraiment aux populations.

  • Une meilleure gouvernance, et davantage de collaboration entre les différents niveaux du pays.

Ce qui est en jeu ici, c’est donc le développement local et la participation des citoyens à la marche de la commune. Comment former les populations dans ce sens ? Mais aussi comment faire pour que les conseils municipaux, et en particulier les maires, jouent le jeu de la décentralisation. Car l’Etat du Sénégal veut la décentralisation mais un certain nombre de maires continuent à se conduire comme des patrons, à décider les choses sans consultation de la population et même parfois, sans véritable concertation ni réflexion des conseils municipaux. Il est clair à ce moment-là qu’une vraie décentralisation ne pourra pas se mettre en place.

Mais le plus grand problème c’est : est-ce que les populations vont comprendre ces transformations ? Est-ce qu’elles sont prêtes à prendre leurs responsabilités ? Et est-ce qu’elles vont être respectées, et non pas détournées, par ceux qui seront au pouvoir ? Il faudrait des moyens de contrôle plus importants et plus efficaces… même si normalement, c’est la population elle-même qui doit le faire. Il est donc absolument nécessaire que toute la population connaisse ce que l’on met en place avec cet acte 3 de la décentralisation. Et que l’on forme sérieusement ceux qui seront élus, à leurs responsabilités et à leur travail. C’est toute la question de la bonne gouvernance, qui est très importante

Autre problème : avec la communalisation intégrale, nous risquons d’aller vers une aggravation des inégalités sociales. Car une ville comme Dakar va se retrouver avec un budget de 30 milliards, là où les communes qui étaient anciennement des Communautés rurales vont avoir de la peine à mobiliser des ressources de 40 millions, voire 30 millions. Dans un contexte de transfert de compétences, où l’Etat n’intervient plus, cela donne une idée des inégalités que l’on va avoir dans l’offre de services de proximité. Cela se voit déjà. . Cela risque d’accentuer encore les inégalités et donc le sentiment d’injustice et les frustrations. Il faudra faire très attention à cela. D’autant plus que pour l’argent qui vient de l’Etat, le nombre des collectivités locales qui étaient de 571 va passer à 599, certains disent même 613. Donc l’argent disponible va diminuer pour chacune des communes, puisqu’elles sont maintenant plus nombreuses. L’Etat a promis d’augmenter son soutien aux communes. Nous attendons pour voir ce qui va se faire réellement.

Il est évident que ces problèmes de formation et de participation sont encore plus difficiles dans les communes rurales, où il y a moins de personnes formées, et où cette expérience de la décentralisation commence juste. Il faudra donc du temps pour la mettre en place. Nous habitons en ville, mais nous avons tous des parents au village. C’est donc important pratiquer une vraie réflexion et une sincère solidarité avec eux.

La décentralisation suppose un changement de mentalités. Trop souvent quand il y a un problème, les gens se tournent vers les autorités et vers les ministres ou les députés originaires de la région. Et même parfois, ils en appellent jusqu’au Président de la République. Comme si celui-ci avait le temps de régler tous les problèmes particuliers, à la base. Ce n’est pas son rôle. Il faut donc que nous apprenions peu à peu à prendre nos responsabilités, et à agir par nous-mêmes avec les petits moyens que nous pouvons avoir.

Il faut que l’on dépasse dans cette action de décentralisation, la seule question financière. La décentralisation doit se faire à tous les niveaux : humanitaire, social, culturel et religieux. Les chrétiens ont un rôle très important à jouer là, à partir de la lumière de l’Evangile, de la force que leur donne leur foi, et de la sagesse que leur apporte la Doctrine Sociale de l’Eglise. A condition qu’ils soient désintéressés et qu’ils cherchent à travailler pour le bien de tous, et pas seulement pour l’intérêt de l’Eglise. Car c’est au niveau des communes que l’on peut plus facilement se connaître, et développer toute cette dimension humanitaire, sociale, culturelle et religieuse de la décentralisation.

L’un des problèmes qui, à mon avis, les communes devront aborder dans le cadre de la décentralisation, c’est le problème foncier. Revoir le problème de la propriété, pour lutter contre l’accaparement des terres par les multinationales, mais aussi par le pouvoir politique ou les gens de la ville qui ont la possibilité financière d’acheter des terrains,. Il y a là un problème très grave. On parle depuis longtemps de réactualiser le droit foncier, mais jusqu’à maintenant, cela ne se fait pas. Les communes doivent à tout prix défendre le droit coutumier de la propriété de ceux qui travaillent la terre. Sinon, les parents vont vendre leurs terres, et les enfants n’auront plus de terrain à cultiver. Ce sera la pauvreté, le chômage et l’exode rural.

La décentralisation c’est aussi une possibilité de passer à la pratique. Car de nombreuses lois ont été votées à l’Assemblée, mais sans que cela ne descende sur le terrain. Les communes vont devoir prendre leurs responsabilités, et exiger que les lois soient appliquées. Je pense par exemple à la loi contre la mendicité, qui n’est pas appliquée. Mais aussi à la CMU (Couverture Médicale Universelle), qui tarde à se mettre en place, par manque de moyens des communes, mais aussi par d’information et de véritable volonté politique. Nous avons été voir le Préfet et le Médecin-Chef du district, mais ils n’étaient même pas au courant de ce qui doit se faire, pour cette couverture médicale universelle. Les communes doivent exiger que les choses décidées soient réalisées.

Dans la décentralisation, on cherche en fait deux choses : une plus grande liberté d’actions des communes, donc une responsabilité à la base, mais aussi une plus grande participation des citoyens. Il ne suffit pas que les maires et les conseillers municipaux aient plus de pouvoir. Il faut que ce pouvoir soit partagé et réfléchi avec tous. Là aussi, l’Eglise peut apporter beaucoup, en particulier à partir du 4ème objectif stratégique du 3ème Plan d’Action Pastoral qui est commun à toute l’Afrique de l’Ouest. J’en rappelle simplement les quatre points :

  • Défendre la dignité de toutes les personnes.

  • Le développement à la base.

  • La justice.

  • La paix et la réconciliation.

Il est bien évident que cela a un rapport direct avec la décentralisation.

Il va falloir aussi améliorer la collaboration entre les différents services de l’Etat au niveau des sous-préfectures et des collectivités locales. Et aussi, entre la ville et les communes d’arrondissements. Par exemple pour les marchés de quartiers qui peuvent recouvrir plusieurs communes. Il y a bien sûr des textes qui existent, mais qui ne sont pas très précis.

De toute façon, il faut que les choses se rôdent et se mettent en place peu à peu. Cela demande de tous et de chacun, de la créativité et aussi de la compréhension et un esprit d’ouverture. C’est aussi notre responsabilité de chrétiens de cultiver cela, avec tous c eux qui en sentent la nécessité.

Enfin, il me semble vraiment essentiel d’analyser et de mettre en pratique cette décentralisation en tant que telle, et non pas s’en servir comme un moyen politique, pour ou contre le président, ou le parti au pouvoir et majoritaire. Dans la plupart des cas, nos municipalités fonctionnent comme des permanences de partis politiques, avec des dépenses de fonctionnement très élevées, un personnel pléthorique et sans qualification dans la plupart des cas. Et des manières de travailler qui ne correspondent pas aux besoins du pays, ni à ceux des populations. Tant qu’on ne fera pas de nos Collectivités locales des entités viables, capables d’impulser un vrai développement économique et social, les choses n’avanceront pas. Il faut réfléchir clairement à la vocation de nos Collectivités, comme nous le faisons aujourd’hui. Ces expériences sont à multiplier et à se faire partout. L’Eglise a des paroisses et des communautés dans tout le pays. C’est une de ses responsabilités, en collaboration avec les personnes conscientes de ces problèmes. Pour que cette réforme marche, il faudra vraiment des élus sérieux et responsables, donc des gens engagés, mais aussi compétents et formés. Et l’Eglise a un rôle important d’éducation et de formation, dans tous ces domaines. Pas seulement pour la liturgie. C’est le 3° objectif de notre 3° PAP (Plan d’Action Pastoral) : le témoignage.

Nous ne pouvons pas tous être conseillers municipaux, et tous n’en ont pas les qualités nécessaires. Mais ce que nous pouvons tous faire, c’est de soutenir les élus, et de les encourager dans ce qu’ils font de bien. Et aussi de leur apporter nos idées et nos propositions, contrôler le travail qu’ils font et, si nous ne sommes pas d’accord, le leur dire. Mais bien sûr tout cela dans le respect, la dignité et le respect des lois. Pas en descendant dans la rue pour tout casser. C’est pour cela qu’il est absolument essentiel que la population participe aux débats et aux décisions qui sont prises. Déjà tout le monde peut participer au Conseil municipal. Mais il y a malheureusement trop peu de personnes qui le font. Il est aussi demandé aux municipalités, et donc en particulier aux maires, lorsqu’ils décident de quelque chose à faire dans la commune, de le faire connaître à la population, et de recueillir son avis avant de passer à l’action. Mais la plupart du temps, cela ne se fait pas. Il faudrait que l’on arrive à des assemblées au niveau local de la commune. Et aussi que l’on mette en place un référendum local et un droit de pétition pour les citoyens, comme cela se fait dans certains endroits du monde. Donc développer les libertés locales et les responsabilités citoyennes.

On peut aussi regretter que les candidats doivent être obligatoirement présentés par des partis pour être élus députés et président, et qu’il n’y ait pas de possibilité de candidatures civiles indépendantes, comme cela se fait au niveau local. C’est certainement un grand manque. Car les personnes engagées dans la société civile qui cherchent à avoir un certain pouvoir pour mettre les choses en pratique, sont obligées de passer par un parti. Elles se font récupérer par la politique, et elles ne peuvent plus jouer leur rôle au niveau de la société civile. Et si elles ne sont pas élues, et qu’elles veulent retourner dans cette société civile pour agir, on leur dit : « vous réclamez, parce que vous n’avez pas été capables d’être élus ». Et on ne les écoute pas. Ce n’est pas une base saine pour une véritable démocratie.

On retrouve tous ces problèmes dans l’actualité. Ainsi la Coalition Defar sa rew (CDR) regrette que «  dans ses vœux à la nation, le président n’ait pas parlé de la politique de décentralisation, ni d’une politique de soutien à la jeunesse ». Et demande que « les compétences encore détenues par l’état, et qui reviennent naturellement aux collectivités locales, leur soient définitivement transférées, avec les ressources correspondantes ».

Le 24 janvier 2015, les élus locaux, à l’occasion de la mise en place de l’Association des départements du Sénégal ont signalé que « l’état a transféré des responsabilités aux collectivités locales, mais que les moyens accordés sont insuffisants ». Le ministre chargé de la Gouvernance locale a répondu que « les fonds de dotation vont passer de 5% à 15% ou 20% de la Tva. Mais que les collectivités doivent faire preuve de plus de dynamisme et de responsabilité dans leur gestion. Et d’arrêter le clientélisme, pour plus de résultats et de performances ».

A Dakar, autrefois c’était la ville qui prenait en charge les factures d’eau et d’électricité des centres de santé. Maintenant, c’est aux communes de le faire, mais elles n’en ont pas les moyens. Ce qui entraîne beaucoup de difficultés, et des dangers pour la santé des populations.

En positif, l’ONG La Lumière a assuré en janvier 2015 des formations pour les conseillers municipaux de Tambacounda, Kédougou et Kolda, pour se protéger et lutter contre Ebola.

Pour conclure je dirai qu’il est important de passer à l’action, de nous former, de former et d’informer les autres, pour que la Décentralisation puisse devenir effective. Les chrétiens ont un rôle essentiel à ce niveau. Même s’ils ne s’engagent pas dans la politique, qu’ils s’engagent au moins dans la Société Civile, et dans la vie du quartier. Cela est possible pour tous. Sinon, ce sont les élus municipaux qui prendront toutes les décisions, sans être éclairés et conseillés, au risque de se tromper, et d’échouer.

L’Eglise peut aider beaucoup à la décentralisation, car elle est déjà décentralisée elle-même depuis très longtemps, avec l’autonomie de chacun des diocèses, mais aussi les différents groupes à la base et qui ont leurs responsables laïques hommes femmes, et même jeunes et enfants dans les mouvements. Dans l’Eglise, on rappelle que ce n’est pas aux prêtres de tout faire ni d’avoir toutes les idées. Tous les chrétiens baptisés ont reçu le Saint Esprit. Et Paul nous dit que le corps se compose de plusieurs membres qui, tous, doivent travailler ensemble (1ère aux Corinthiens, chap. 12).

Bien sûr notre exemple et notre modèle, c’est Jésus Christ. Jésus a été un bon citoyen. Déjà ses parents Joseph et Marie ont quitté leur village de Nazareth et ont marché plusieurs jours, pour aller jusqu’à Bethléem se faire recenser. Jésus a payé l’impôt, Il a envoyé Pierre pêcher pour cela (Mat 17,27). Jésus a respecté les autorités, même quand Il a été arrêté et condamné à mort injustement. En même temps, Il n’a pas eu peur de rappeler à Pilate que son pouvoir vient de Dieu, et que sans Dieu Pilate n’aurait aucun pouvoir. Le gouverneur était donc tenu de gouverner comme Dieu le veut, selon la Loi de Dieu. C’est dans cette ligne là que nous devons agir nous aussi, avec le soutien du Saint Esprit, en travaillant tous ensemble. Car « l’homme est le remède de l’homme ».


Réunion de la Caritas paroissiale (18 octobre 2015)

L’année dernière, nous avons réussi à soutenir quelques actions : par exemple un élevage de poulets, et un atelier de forge et de soudure. Les femmes ont lancé un groupement pour la couture et la restauration. Pour cette année, il nous faut absolument continuer notre action : que chaque CEB ait au moins un petit projet de développement. Des choses sont possibles, même en ville, comme un petit poulailler ou une culture sur table. Malheureusement nous n’avons pas réussi à mettre en place la CMU (Couverture Médicale Universelle), car les gens n’ont pas été intéressés.

Mais la première chose, c’est de faire comprendre ce qu’est vraiment la Caritas. Caritas, en latin, veut dire charité. Ce sont tous les chrétiens qui doivent être charitables. Donc tout chrétien est concerné par la Caritas, pas seulement les volontaires. Tous nous devons aimer nos frères et nos sœurs. L’action de la Caritas ne peut pas se limiter à la CEB. C’est pourquoi il est absolument nécessaire que dans la Caritas paroissiale, il y ait un délégué, non seulement de chaque CEB, mais aussi des mouvements de la CPJ (Coordination des Jeunes), des chorales, des amicales, des groupes et de toutes les différentes structures de la paroisse.

.La Caritas ce n’est pas pour recevoir des dons et des distributions de nourriture, d’habits ou autres choses. C’est au contraire, aller aider les autres. Ce n’est pas le secours pour les catholiques, c’est le secours des catholiques aux pauvres, quelles que soient leurs langues et leurs religions. Il faut à tout prix changer nos idées sur la Caritas, et sur la charité.

Il y a trop de chrétiens qui veulent profiter de la Caritas, mais qui ne font presque rien, pour aider ceux qui souffrent autour d’eux. Pour cela, commencer par le Conseil paroissial. Et que chaque responsable explique les choses clairement dans sa CEB. La charité (Caritas) doit être vécue d’abord par chacun, personnellement. Chacun fait ce qu’il peut, pour aider ceux qui souffrent autour de lui. Ensuite, c’est la responsabilité de la CEB. C’est pour cela que, quand les nécessiteux et malades viennent demander de l’aide à la paroisse, nous les envoyons à la CEB de leur quartier. La CEB les aide autant que possible. Et si cela ne suffit pas, elle peut alors s’adresser à la Caritas paroissiale. L’action au niveau de la CEB ne consiste pas seulement à donner de l’argent, de la nourriture ou des habits. Mais d’abord à mettre la paix dans le quartier, accueillir les étrangers, à saluer ceux qui sont seuls, à parler avec ceux qui sont tristes, conseiller ceux qui ne savent pas quoi faire. Pour tout cela nous n’avons pas besoin d’argent. Et nous pouvons tous le faire. Ensuite, tous ensemble avec les non chrétiens, nous luttons contre les causes de la pauvreté. En travaillant avec la commission Justice et Paix.

Il faut insister pour que les catéchumènes, surtout ceux qui se préparent à la confirmation, participent aux réunions des CEB, pour apprendre à s’engager, et continuer ensuite, après avoir reçu les sacrements.

L’aide de la CEB, c’est aussi les visites et les prières au moment des naissances, chez les malades, au moment du mariage traditionnel sans attendre le sacrement, en cas de deuil, en particulier pour défendre les veuves et les orphelins, etc. Ces visites sont toujours accompagnées de conseils et de soutiens.

En réunion de CEB, on commence par se donner les nouvelles du quartier. C’est ainsi que l’on peut connaître les problèmes et voir comment aider les gens.

La Caritas cherche d’abord à travailler avec ses propres moyens, mais sans s’enfermer sur elle-même. Mais nous travaillons aussi avec les mairies et les délégués de quartier. Nous travaillons également avec les imams et les musulmans de bonne volonté. Nous collaborons avec les associations et les ONG présentes dans nos quartiers. Il est absolument nécessaire que nous sortions de nous-mêmes, pour aller vers les autres.

Il faut qu’à chaque fête ou manifestation (anniversaires, jubilés, fêtes patronales, soirées dansantes, journées culturelles, Khaware, ngèl, yendoo, sorties…), on consacre une partie des bénéfices à la Caritas, aux petits projets de développement et à l’aide des personnes. En commençant par les personnes nécessiteuses et ceux qui souffrent dans le groupe lui-même. Quand Zachée a invité Jésus à manger, il lui a dit : »Je vais donner la moitié de ce que j’ai aux pauvres. Et si j’ai été injuste envers quelqu’un, je vais le payer 4 fois ». Alors Jésus nous dira à nous aussi : »Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison » (Luc 19,8). Nous ne pouvons pas dire par exemple : «  nous avons cotisé pour la fête patronale, ou pour la kermesse, nous ne pouvons plus aider les pauvres.

Il est absolument nécessaire de revenir au 3° Plan d’Action Pastorale (3° PAP), pour le vivre totalement. Pas seulement la communion entre chrétiens, mais avec tous. Pas seulement la liturgie et les prières, mais le témoignage d’une vraie charité. Sans oublier le service : Respect de la dignité et Droits de l’homme, développement et aide humanitaire, justice, paix et réconciliation…

Notre pape François nous a envoyé une lettre sur le respect de la Création et des pauvres (Loué sois-tu) ; Le 8 décembre, nous allons commencer l’année de la miséricorde (voir le 2° document). Il nous faut mettre cela réellement en pratique. Bon courage à tous, à l’écoute de l’Esprit Saint.


Réunions des délégués auprès des mairies du 9 novembre 2015

A la suite des explications des délégués en relation avec les mairies des communes ci présentes : Djiddah Thiaroye Kaw, Guinaw- Rails Nord, Pikine- Nord, Pikine – Ouest, Guinaw-Rails Sud, Pikine-Est, le Père Armel a exprimé ses appréciations et remerciements à ces derniers.

Pour la distribution des bourses scolaires dans les quartiers, venant de la mairie de la ville, il y a eu un manque de communication dans la commune de Pikine-Est. Une question se pose, est-ce que l’annonce est limitée au sein des mosquées, ou cela vient-il du manque d’intérêt des chrétiens sur ce qui se passe ?

Il est essentiel de nous tenir au courant de tout ce qui se fait dans les municipalités, pour aider les populations : formations, projets de développement, matériel, soutiens aux différentes personnes et groupes, etc...Et d’apporter rapidement l’information dans les paroisses. Et ensuite s’assurer que des membres de la CEB participent à ces activités.

L’invitation des maires aux fêtes patronales de la paroisse et des CEB est nécessaire. Aussi, il y a une étude à faire au sujet de notre accueil des autorités et de leur présence lors des célébrations. Ne pas hésiter à célébrer les fêtes de nos communautés de quartiers (CEB) dans es mairies.

Les activités durant la période de l’hivernage dans les quartiers : Un grand remerciement est dû aux autorités pour la lutte contre les inondations. L’amélioration du système d’évacuation des eaux est notable : - les canalisations des rigoles creusées par la grue rejoignent les canaux en ciment mis en place, et l’écoulement des eaux est bonne. Nous allons leur adresser une lettre de remerciement.

A Guinaw Rails, la restructuration de la grand route est mise en étude, le délogement des habitants par les nouvelles rectifications du plan pose un problème, les domiciliés sont invités au bureau de l’APIX. Ceci doit se poursuivre dans le droit et la justice pour la population.

Il est demandé d’assister aux réunions et aux séances de formation organisées par les mairies. Celle sur les droits de l’enfant dans la commune de Pikine-Ouest, manquait d’assistance des chrétiens. Il faut redoubler d’effort pour être présent aux réunions du conseil municipal. Pour la Couverture Médicale Universelle (CMU), il est à nouveau conseillé de s’inscrire auprès des mairies, puisque la paroisse n’a pas pu instituer elle-même une mutuelle.

L’aide de Mr le maire de la commune de Djiddah Thiaroye kaw à la paroisse concernant la chapelle de Thiaroye par les ventilateurs et l’éclairage solaire est vraiment saluée.

Les propositions et les suggestions à présenter aux maires sont très importantes. Mais tout d’abord, il faut se concerter dans les CEB, avant d’aller s’entretenir avec les autorités municipales, pour voir la valeur de l’idée et ensuite la faisabilité. Il faudra certainement leur faire des propositions sur la question de l’environnement, suite à notre réflexion sur la lettre du pape François « Loué sois-tu » sur le respect de la Création.

L’association des femmes, et l’amicale de la jeunesse de chaque CEB doivent se faire inscrire dans les commissions municipales, pour être reconnues. Et ensuite être présentes dans les activités des communes selon le calendrier. Et également travailler dans les quartiers avec les associations féminines et les ONG, de même qu’avec les ASC et autres groupes de jeunes, en coordination avec les chefs de quartier.

Il est très important que nous soyons présents dans les différentes commissions municipales, en particulier celles de l’environnement, culture et loisir, éducation et développement. Suite au décès de Mr Charles NDOUR, Délégué de la CEB Saint François de Sales de Darou Salam à la commune de Guinaw-Rails Nord, une lettre serait adressée à Mr le maire de la dite commune pour l’informer du décès de notre fidèle défunt.

A la formation des CEB du 29 novembre 2015 à la paroisse, on réfléchira à la présence des responsables dans les activités des mairies.


Réflexions au sujet de la Caritas

Nous devons remercier les personnes qui travaillent dans la Caritas, car elles se sont engagées pour aider les pauvres et les nécessiteux. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à l’orientation donnée à notre Caritas dans le doyenné, ni aux façons de travailler. Il me semble qu’il y a une réflexion en profondeur à opérer, car presque toutes les actions de la Caritas sont orientées vers l’argent. Nous passons la plus grande partie de nos réunions à organiser des fêtes (xawaré, ngel, yendoo, concerts autres activités), et on ne s’engage pas dans la lutte contre la pauvreté. On ne rencontre pas les pauvres, on discute dans nos bureaux. Et donc on ne peut pas connaître leurs problèmes, ni les soutenir dans les actions qu’ils veulent mener. La Caritas a encore l’idée que nous sommes au-dessus, nous avons de l’argent et des moyens et nous nous abaissons vers les pauvres pour les aider. Le résultat, c’est qu’on les humilie et qu’on les abaisse, au lieu de leur faire prendre conscience de leur dignité. Et nous sommes les premiers à y perdre, car les pauvres ont beaucoup de choses à nous enseigner. De toutes façons, il ne s’agit pas de les aider d’après nos idées à nous, mais de les rencontrer, de les accueillir, de les écouter, et de les soutenir dans les actions qu’ils veulent mener eux-mêmes. Car ils connaissent les problèmes de la pauvreté mieux que nous, puisque c’est eux qui vivent dans cette situation, et non pas nous-mêmes. Mais ils ne sont pas présents dans nos équipes Caritas.

Le deuxième problème, c’est le problème de l’utilisation de l’argent. On fait des dons, par exemple 250 000 frs, dans les différentes paroisses de notre doyenné. Ce don est utilisé à acheter des choses : du riz ou de l’huile, que l’on distribue. Quand on n’emprunte pas de l’argent pour bénéficier de ces 250.000 fr, et on rembourse l’emprunt sur cet argent, au lieu de l’utiliser comme on le devait. Tout est consommé rapidement, quand ce n’est pas détourné. En tout cas cet argent ne sert pas au développement du pays. Et il ne donne pas de moyens aux pauvres de s’en sortir, et de prendre leur vie en mains. Pourtant ce proverbe chinois est bien connu : « j’ai faim, ne me donne pas à manger, mais apprends-moi à pêcher ». On doit bien constater que trop souvent la Caritas, au lieu d’aider les gens à devenir indépendants, et de leur donner les moyens de gagner leur vie dans la dignité, fait au contraire des personnes aidées, des mendiants et des assistés. C’est tout le contraire de ce que nous devrions faire. Cela entraîne beaucoup de mensonges, des gens qui viennent demander de l’argent en inventant des faux problèmes, des gens qui inventent des projets fictifs. Et ensuite, ils consomment tout l’argent immédiatement.

Un autre problème, c’est qu’on n’a aucun compte rendu des réunions mensuelles de la Caritas du doyenné. On ne sait absolument pas ce qui s’y passe, on ne peut donc pas travailler dans le sens indiqué. Et lorsque nous envoyons le compte rendu de notre Caritas paroissiale, nous n’obtenons jamais de réactions, ni proposition, ni soutien. D’après les échos que nous avons, la plupart des réunions du doyenné se passent en recherche d’argent et en organisation de fêtes, et l’on ne sait jamais en quoi cet argent est utilisé, car il n’y a pas de compte rendu financier. Il me semble qu’une réunion de doyenné devrait consister d’abord à faire le tour des différentes paroisses pour savoir les actions qu’elles ont menées, les évaluer et les réorienter si nécessaire. Ensuite, voir les difficultés que les Caritas paroissiales rencontrent, et chercher comment les aider à résoudre ces difficultés. Enfin, proposer des formations et des projets à mener à la base, et en assurer le suivi. Mais on n’entend jamais parler de cela.

Le quatrième point, c’est le problème de la formation. Il n’y a aucune réunion de formation pour mieux comprendre les problèmes de la société, et chercher comment y répondre d’une façon adaptée. Ce manque de formation et de réflexion me semble également très grave.

Enfin il nous faut lutter encore contre la mentalité de certains chrétiens, qui pense plus à profiter de la Caritas, qu’à la soutenir pour aider les plus nécessiteux. Un seul exemple, pendant le Carême, des gens ont fait des dons en argent, en habits, ils ont apporté de l’huile, du riz et du sucre. Mais certains demandent que cela soit distribué dans les CEB, uniquement aux chrétiens. Est-ce que les Caritas c’est pour aider les seuls, chrétiens, ou est-ce l’action des chrétiens pour aider les nécessiteux ? Bien sûr il faut aider les nécessiteux chrétiens mais aussi, et tout autant, les nécessiteux musulmans, sans faire de différence. A l’image de Dieu notre Père, et à la suite de Jésus Christ Lui-même. Nous ne regardons pas la religion des gens, pas plus que leur ethnie, mais leurs problèmes. Au Sénégal, il y a au moins 90 % de musulmans. Par conséquent lorsqu’on distribue ce que nous avons pour aider les pauvres, 90 % devraient aller aux nécessiteux musulmans. C’est une question de justice et d’égalité. Mais cela ne se fait jamais.

Quelques propositions d’actions

Trop souvent, la Caritas travaille toute seule avec ses petits moyens, au moins au niveau paroissial, et également du doyenné. Le résultat c’est qu’il n’y a pas d’actions efficaces. « Un seul doigt ne peut pas ramasser un caillou par terre ».

Il nous semble donc essentiel de travailler, d’abord avec les CEB. C’est pour cela que notre Comité paroissial à Pikine se compose essentiellement des délégués à la charité de chacune des CEB. C’est avec ces CEB que l’on peut voir des actions à mener. Encore une fois, pas seulement des distributions, mais d’abord des projets. A Pikine, nous avons demandé à chaque CEB de lancer un petit projet de développement cette année (petit élevage de poulets, culture sur table…). Et lorsque des nécessiteux viennent à la paroisse, avant de les aider, nous les envoyons d’abord dans les CEB. C’est la CEB qui doit les aider en priorité. Si le poids est trop lourd, lorsqu’ils ont d’abord fait quelque chose avec leurs moyens, la Caritas paroissiale vient compléter et prolonger l’action. C’est important, car nous ne pouvons pas connaître tous les gens qui viennent demander de l’aide. Ni savoir s’ils disent la vérité. C’est pourquoi, nous les adressons d’abord à la CEB de leur quartier.

Notre Caritas paroissiale cherche aussi à travailler avec la paroisse. Pas seulement pour les efforts de carême, pour les xawaré ou pour récupérer l’argent, mais pour donner cette dimension de la charité à toutes les activités paroissiales, conformément au 3° Plan d’Action Pastoral. Ne pas seulement demander aux paroissiens de participer aux activités qui rapportent de l’argent, comme les soirées de gala et de kermesse. Mais aussi participer activement à la Journée des malades, aller visiter et prier avec les malades et les personnes âgées, au dimanche de la Miséricorde.

Nous cherchons à travailler aussi avec les mairies. Par exemple, nous sommes intervenus auprès d’une mairie pour qu’elle clôture le bassin de rétention, parce que plusieurs enfants s’étaient noyés. Nous sommes également intervenus lorsque les agents municipaux étaient en grève, suite à la mise en place de l’Acte 3 de la Décentralisation, et que les élèves ne pouvaient plus avoir des documents pour les examens. Nous sommes intervenus aussi, et nous avons travaillé avec les mairies pour les assises foraines, afin de permettre aux enfants qui n’avaient pas de document (actes de naissance, etc.) de pouvoir s’en procurer.

Enfin nous travaillons avec les ONG présentes à Pikine et les différentes associations. Par exemple EQUITAS, une ONG canadienne qui soutient la formation des femmes, ou Soppi Jikoo pour le soutien aux drogués et à leurs familles. Nous travaillons avec la Maison de la Femme et les boutiques de droit. Nous intervenons dans les formations, dans les dispensaires et auprès des conseils municipaux de nos différentes mairies, sur la question de la régulation des naissances, avec l’ONG Médecins du monde. Nous avons envoyé des délégués à différents séminaires, en particulier sur les violences faites aux femmes. Il nous semble que c’est cela le plus important, dans le travail de la Caritas.

Cela n’empêche pas l’aide directe aux nécessiteux. Pendant le carême, nous avons en particulier donné des appareils, fauteuils, béquilles etc. à un certain nombre de handicapés, et pris en charge à l’hôpital des opérations qui coûtaient très cher. Nous apportons des soutiens aux personnes frappées par un décès n’ayant pas les moyens de rapatrier le corps au village, aux prisonniers pour qu’ils puissent rentrer chez eux, aux émigrés et aux étrangers pour qu’ils puissent avoir les papiers nécessaires pour avoir un travail de gardien, sans parler de tous les problèmes de logement, de nourriture, de maladies etc. Comme chaque année, nous avions une marmite de carême où les gens pouvaient venir déposer leurs dons. Et en plus, nous avons demandé aux chrétiens, chaque dimanche, d’apporter quelque chose : un dimanche du riz, le suivant du sucre, le suivant de l’huile, le suivant des habits. Ces choses sont remises aux CEB, pour aider les plus nécessiteux des quartiers. Mais nous contrôlons les choses, et nous demandons la liste des gens qui ont été aidées, en veillant à ce qu’il y ait un nombre de musulmans parmi eux. Ce qui nous semble important, c’est que toutes les personnes de bonne volonté puissent participer à cet effort. Nous avons contacté également les écoles de notre paroisse, pour qu’elles proposent aux élèves un soutien et une aide aux nécessiteux. Sans nous limiter à demander de l’argent, mais en cherchant à faire comprendre ce qu’est la Caritas. Et à éduquer les élèves, non seulement à la charité, mais aussi au développement..

A ce niveau il nous semblerait absolument nécessaire d’avoir un plan d’action de la Caritas pour le doyenné, dans le cadre du 3ème Plan Pastoral. A Pikine, notre Caritas a pris une place très active dans la mise en place du Plan Pastoral de la paroisse.

Une chose qui nous semble manquer très souvent, ce sont les comptes rendus financiers. On fait des activités mais on ne fait pas de compte rendu sur l’utilisation de cet argent, à ceux qui ont participé à l’action, Cela est très grave, et décourage les bonnes volontés.

Il faudrait revoir aussi l’organisation de la Journée Caritas. Trop souvent, tous les efforts et tout le temps sont consacrés à la préparation du repas, qui permettra de gagner de l’argent. A Pikine, nous avions prévu dans l’après-midi une journée culturelle, pour expliquer ce qu’est vraiment la Caritas, avec des chants, des danses, des sketchs etc. avec la participation des chorales et des mouvements d’action catholique. Mais toutes les énergies ont été centrées sur le repas, et rien de cela n’a été fait. Il a même fallu pousser les gens à préparer une Eucharistie vivante et significative, pour cette journée là, et non pas se contenter d’une messe « ordinaire ». Ceci est vraiment regrettable. Encore une fois, on a perdu l’essentiel/ On ne sait plus ce qu’est une journée Caritas.

Il serait souhaitable que les membres du bureau du doyenné de la Caritas fassent le tour des paroisses pour voir ce qui s’y passe effectivement. Pour cela, il faudrait qu’ils soient eux-mêmes formés et qu’ils aient vraiment compris ce que doit être la Caritas. Je ne suis pas sûr que le message du Pape pour le carême a été effectivement non seulement lu, mais réfléchi et travaillé dans les Caritas de notre doyenné. Et que cela ait abouti à des actions concrètes. Pas plus d’ailleurs que le message de janvier : « non plus esclaves mais tous frères ».

Il est important de nous mettre au travail, tous ensemble. Dans l’amour universel du Père, à la suite de Jésus, avec la force de l’Esprit. Bon courage à nous tous !