Armel Duteil

Formation 2013

L’homosexualité au Sénégal

J’ai été invité à l’Université de Dakar, à l’Ecole Nationale des Etudiants en Science Sociale (ENEASS), pour intervenir sur la question de l’homosexualité. Cette Conférence était organisée par l’Amicale des étudiants catholiques de cette école. L’homosexualité est actuellement un sujet très brûlant au Sénégal. Pas seulement suite au vote du « mariage pour tous » en France, mais à cause du changement de la société sénégalaise elle-même, où certains homosexuels se montrent maintenant en public. Les réactions sont nombreuses et souvent très dures. Même des ministres sont accusés d’homosexualité : cela devient un moyen de lutte politique. Les personnes reconnues comme telles sont injuriées, rejetées de leur famille et même frappées dans les quartiers. En cas de manifestation en public, la loi actuelle demande de les mettre en prison. Et certains y sont effectivement. Le Président de la République s’est engagé à ne pas dépénaliser l’homosexualité : L’homosexualité continuera à être condamnée par la loi, et suivie d’emprisonnement. Et on accuse par exemple les Etats Unis, de conditionner leur aide économique à la reconnaissance de l’homosexualité, ce que la très grande majorité de la population refuse absolument. A titre d’exemple, voici ce qu’a déclaré l’avocat général lors du jugement en appel de Tamsir Jupiter Ndiaye : « Cette pratique contre nature (c’est le terme officiel et juridique utilisé pour les rapports entre homosexuels) commence à devenir un phénomène dans notre société foncièrement croyante. Face à ces dérives, on doit renforcer les sanctions en portant des peines sévères, justes et dissuasives. Car le problème commence à se poser mêmes dans les écoles. Pour lutter efficacement contre ce fléau, nous devons sévir ». Et il a demandé 5 ans d’emprisonnement ferme. (Journal Wal Fadjri du 29-6-13).

Du côté de l’Islam, la question est tranchée. L’homosexualité est purement et simplement condamnable. L’Iman qui est intervenu lors de notre Conférence a été clair et précis, sur la position de l’Islam : « Il faut condamner absolument l’homosexualité, c’est une perversion et un péché. Elle va contre nos valeurs traditionnelles et islamiques. Ce sont des lobbys étrangers qui veulent nous l’imposer de force, pour des intérêts inavoués. Ce qui risque d’aboutir à un changement de nos comportements sexuels ». La théorie du genre est évidemment rejetée, avec tout autant de vigueur

Voici des notes, prises à partir de ce que j’ai essayé d’expliquer, en tenant compte des aspects culturel, religieux,... Il me fallait avancer « doucement », dans les 2 sens du mot: lentement et avec douceur. Car c’est évident, que cela ne sert à rien de choquer les gens, ni d’imposer de force des idées. Cela ne pourrait servir qu’à bloquer les choses, et à empêcher toute réflexion et tout progrès. Je donnerai en annexe le point de vue d’un psychologue qui est intervenu le même jour.

Plan : Du côté de l’Islam

  • Qu’est-ce que l'homosexualité ?

  • D’où vient l’homosexualité ?

  • Que faire si tu es jeune, et découvre en toi des tendances homosexuelles ?

  • Comment nous conduire par rapport aux homosexuels ?

  • Un point de vue chrétien

  • Réflexions sur l'homosexualité

  • Que penser du mariage homosexuel ?

  • Pour des travailleurs sociaux

  • Intervention de Hadja Tandian sociologue

  • Quelques questions abordées autour du débat

  • Questions à l’Eglise

Qu’est-ce que l’homosexualité ?

C’est l’attirance vers une personne du même sexe (appelée lesbianisme pour les femmes). Quand on passe à l’acte, c’est non seulement vivre une amitié, mais aussi avoir des rapports sexuels entre personnes du même sexe. Personne ne choisit cette tendance. Souvent les personnes concernées en souffrent, parfois atrocement. Elles ne sont pas heureuses, elles méritent tout notre respect.

Qu’en dire ?

Premièrement reconnaître que cela existe. Il y a effectivement des personnes homosexuelles vivant parmi nous. Il ne faut pas se cacher la face. D’ailleurs l’homosexualité existait déjà autrefois, et les homosexuels étaient même reconnus d’une certaine façon : c’est ainsi que lors des grandes cérémonies, ils étaient invités par les cuisinières, pour les aider lors de la cuisson des repas (utilisation de leur force pour les travaux lourds : remuer les aliments dans les marmites, soulever les ustensiles lourds, le bois de chauffe, etc.…). Mais cela restait une réalité cachée, alors actuellement des gens ont le courage de se dire homosexuels, devant tout le monde. Comme d’autres ont eu le courage de se reconnaître malades du SIDA, il y a une dizaine d’années.

D’où vient l’homosexualité ?

Certains ont voulu dire que l’homosexualité est congénitale (on l’aurait depuis la naissance). Mais personne n’a trouvé le gène de l’homosexualité dans les chromosomes humains. D’autres disent que l’homosexualité est une maladie comme les autres. Mais traiter toutes les personnes homosexuelles de malades, est-ce vraiment les aider ? N’est-ce pas plutôt les rejeter et les culpabiliser? Puisqu’on n’a trouvé aucun médicament pour le moment, pour soigner cette prétendue maladie.

En fait, la plupart des gens pensent que l’homosexualité viendrait de l’éducation. Par exemple, si le Père de la petite fille ou la Mère du petit garçon a une influence trop forte, ou est trop méchant avec l’enfant. L’enfant se tournerait alors vers une personne du même sexe, parce qu’il à peur ou simplement se sent mal à l’aise, avec le parent de l’autre sexe.

Ou bien au contraire si le Parent du même sexe a trop gardé l’enfant pour lui (il l’a attiré et même monopolisé, sans laisser sa place au parent de l’autre sexe. Il l’a accaparé et supprimé sa liberté). A ce moment là l’enfant quant il va grandir, il va chercher à retrouver l’Amour et la présence du parent aimé, dans une personne du même sexe. Ou bien, encore si un enfant a été privé de l’amour de son parent de l’autre sexe quand il est éduqué par sa mère seule.

L’homosexualité pourrait aussi venir d’adultes de l’autre sexe, qui ont imposé des violences ou des souffrances sexuelles à l’enfant. Alors il a peur de l’autre sexe, et il se tourne vers des personnes du même sexe, pour vivre sa sexualité sans peur ou dans la sécurité. Par exemple après un viol, ou même simplement des attouchements sexuels imposés de force.

Certains psychologues pensent qu’il s’agirait d’un développement de l’adolescent qui n’a pas été jusqu’au bout, au point de vue psychologique et sexuel. En effet au moment de l’adolescence, la sexualité se réveille et devient très active chez le jeune. Mais au début, il a peur de l’autre sexe. Il cherche donc l’amitié auprès de camarades du même sexe. C’est peu à peu qu’il va s’orienter vers les jeunes de l’autre sexe, pour vivre la mixité, avant de choisir quelqu’un avec qui il pourra se marier. Cela c’est l’évolution normale. Mais si cette évolution est arrêtée en cours de route, pour une raison ou pour une autre, que parfois on a beaucoup de peine à connaître, alors le jeune resterait au stade de l’homosexualité.

La relation sexuelle a deux buts essentiels : d’abord se montrer son amour mutuellement, et ensuite donner la vie. On reconnaît maintenant que des personnes homosexuelles peuvent vraiment s’aimer. Mais bien sûr, elles ne peuvent pas avoir d’enfant. Leur sexualité n’est donc pas vécue complètement. Car pour avoir un enfant, la relation sexuelle doit être vécue entre un Homme et une Femme. Mais aussi par voie « naturelle », pour que l’homme dépose les spermatozoïdes dans le vagin de sa femme. Cela n’est évidemment pas possible en cas de masturbation, qu’elle soit individuelle ou mutuelle. Ni en cas de relation sexuelle entre femmes (cunnilingus) ou entre hommes (fellation ou sodomisation), ni non plus d’ailleurs si celles-ci sont pratiquées entre un homme et une femme. C’est pourquoi, on peut dire que l’acte sexuel, pour être complet et pour répondre au deux buts principaux de la sexualité, doit être fait d’une manière qui permet d’avoir un Enfant. Même s’il n’y a pas grossesse à chaque fois et que l’acte ne soit pas naturel. Certains vont jusqu’à dire qu’il est contre nature.

La sexualité a aussi d’autres dimensions : par exemple, donner du plaisir. Et aussi une dimension sociale. Si on donne au plaisir la première place, il est clair que l’homosexualité devient normale et importante. Et si la conception du rôle de la société évolue, et aussi celle de la place de la personne humaine dans cette société, l’idée que l’on aura de l’homosexualité va aussi évoluer. Et aussi selon la compréhension que l’on a des droits humains, et en particulier de l’égalité fondamentale entre les personnes humaines. Cela montre bien que l’on ne peut pas parler de l’homosexualité d’une façon absolue et théorique (« en l’air » !). Cela dépend de l’idée que l’on a de la sexualité, de la personne humaine et de la société que l’on veut construire. J’y reviendrai plus loin.

En tout cas, des gens disent actuellement que l’homosexualité est normale. Mais au contraire, des psychologues disent, que c’est la différence qui permet de se compléter. Et que les relations entrent personnes de sexes différents sont de très grandes richesses.

Que faire si tu es jeune, et découvre en toi des tendances homosexuelles ?

Si tu t’aperçois que tu es attiré par des personnes de l’autre sexe, c’est seulement une tendance. On ne peut pas te traiter d’homosexuel, tu es simplement homosensible, ou homophile. C’est ce qui se passe pour tout le monde, d’une façon normale, au moment de l’adolescence. Cette tendance peut être dominée. Tu n’es pas obligé de passer à l’acte (de la mettre en pratique, dans des rapports sexuels).

Donc, même si tu en as envie, il vaut sans doute mieux ne pas commencer des rapports sexuels avec quelqu’un de même sexe. Il faut au moins prendre le temps de réfléchir sérieusement, si possible avec des personnes de bon conseil. Car si tu commences, ce sera très difficile ensuite de revenir en arrière. En effet, ces actes vont augmenter tes tendances. C’est pourquoi c’est très grave d’imposer des rapports homosexuels à une autre personne, surtout à un jeune ou à un enfant. Cela peut engendrer en lui de graves problèmes psychologiques (traumatisme).

La solution, c’est de chercher à vivre l’amitié avec tous, et donc aussi avec les personnes de l’autre sexe. Si possible, en groupe. Et d’aider ceux qui en ont besoin. Il y a beaucoup de choses que tu peux faire pour cela. D’ailleurs, souvent les personnes homosexuelles sont très gentilles. Elles sont très sensibles, et elles sont un sens artistique développé. Alors, si c’est ton cas, profite de ces qualités qui sont les tiennes, pour les faire grandir. En faisant cela, tu pourras sans doute dépasser, ou au moins orienter les tendances qui sont en toi. Et peut-être arriver à vivre un véritable amour conjugal entre homme et femme, et aussi avoir des enfants. Ce qui, pour nous en Afrique, reste une priorité et un but essentiel du mariage et de la sexualité. Sans oublier la dimension communautaire. Le mariage est encore aujourd’hui une alliance entre deux (grandes) familles. Il demande l’accord et le soutien des deux familles.

Si tu es croyant, pendant tout ce temps, continue à avoir confiance en Dieu et à le prier. Tu sais qu’il est pour nous un Père très bon. Il t’aime, il te connaît comme tu es, car c’est lui qui t’a créé. Il t’accueille tel que tu es, Il ne te rejette pas. Si tu es chrétien, rappele-toi que Jésus n’a jamais condamné personne, pas même la Femme adultère ou la Femme prostituée. Il ne te condamnera pas non plus. Entre dans un groupe de chrétiens mixte : un mouvement d’action catholique, un groupe de prière, ou une autre activité où il y a des garçons et des filles qui se respectent et qui s’aiment.

Et si tu n’arrives pas à aimer une personne de l’autre sexe pour la marier, alors tu seras peut-être appelé à vivre l’amitié avec des personnes homosexuelles, pour répondre au besoin de ton cœur, mais sans passer à l’acte (sans faire de rapport sexuel). C’est possible, ce n’est pas plus difficile que pour les Prêtres, les religieuses et religieux. Et aussi pour certains laïcs célibataires, qui vivent heureux et réussissent leur vie, sans faire de relations sexuelles. Mais bien sûr, cela dépend de toi. A toi de réfléchir, et de prier, pour savoir ce que tu es capable de faire, dans les circonstances actuelles. Et alors, bien sûr, il faudra en prendre les moyens.

Comment nous conduire par rapport aux homosexuels ?

Quelle que soit l’idée que nous avons sur eux, nous nous rappelons que ce sont des personnes humaines, comme nous. Elles ont droit au respect. Il n’est donc pas question de les insulter, et encore moins de les frapper.

Même si s’est la loi au Sénégal, je pense donc que ce n’est pas normal de mettre des homosexuels en prison. Bien sûr, la société doit se protéger. Mais tous les homosexuels ne sont pas dangereux. Et de quoi doit-elle se protéger ? Car en fait, les violeurs et les pédophiles, ce ne sont pas des homosexuels, mais des gens qui attaquent les adultes ou les enfants de l’autre sexe. De toute façon est-ce que mettre les gens en prison est une solution ? Est-ce cela qui va les guérir ? Ou même les aider, sinon à changer de comportement, au moins à vivre leur sexualité d’une manière heureuse et épanouissante, dans leur situation. Car c’est bien à cela, qu’il faut arriver. En tous cas, les homosexuels ne sont pas des pédophiles. Il ne faut pas confondre les choses.

A l’inverse, cela ne veut pas dire que les homosexuels ont tous les Droits. Et qu’ils peuvent faire n’importe quoi, surtout en public. Car l’attentat à la pudeur, cela existe pour eux, comme pour les hétérosexuels. Certains disent : » du moment que nous sommes des adultes libres et consentants, nous pouvons faire ce que nous voulons ! ». Même si on est d’accord entre adultes, est-ce qu’on peut faire ce qu’on veut ? Il faut au moins se poser la question, et tenir compte de la société dans laquelle on vit. Quitte à la faire évoluer. Mais pour cela, il faut du temps et beaucoup d’intelligence. En tout cas, la provocation n’est certainement pas la meilleure solution pour cela. Il ne suffit pas de dire : « je suis né comme ça ! ». Même si on a des tendances très fortes en soi, est-ce qu’il faut obligatoirement passer à l’acte ? Il faut au moins voir comment le faire, pour que ce soit accepté plus facilement.

Un point de vue chrétien

Même si l’Eglise, à la suite du Christ, refuse de condamner les gens, elle n’est pas pour le mariage homosexuel pour autant. Ni pour les relations sexuelles entre personnes homosexuelles. Et même si la loi de certains pays autorise le mariage civil entre homosexuels, il n’en n’est pas question dans l’Eglise. Mais il est absolument nécessaire de garder le respect des personnes homosexuelles, et de les aimer avec une véritable amitié. En se rappelant bien sûr, qu’elles ne sont pas coupables. C’est une tendance qu’elles ont en elles, dont elles ne sont pas responsables.

Pour une chrétien, l’attitude à suivre me semble être celle de Jésus avec la femme adultère (Jean 8, 1-11). L’adultère était condamné chez les juifs, comme il l’est dans toutes les sociétés depuis toujours. Moïse avait même prévu de faire tuer les personnes adultères à coup de cailloux (lapidation : Dt 17). Mais d’abord, Jésus nous fait comprendre que la Loi de Dieu n’est pas la Loi des hommes. Et que même la Loi de Moïse dans la première Alliance doit changer et être transformée. Ce n’est pas parce que la loi de notre pays condamne les homosexuels, que nous devons les punir. Ce n’est pas parce que l’homosexualité est mauvaise, comme l’adultère, qu’il faut condamner les personnes. Jésus dit à cette femme : « je ne te condamne pas ». Nous devons donc réfléchir sérieusement, pour voir si nous ne devons pas faire évoluer les lois de notre pays, pour les rendre meilleures. Comme Jésus a transformé la Loi de Moïse lui-même. Ensuite, Jésus dit à cette femme : « va en paix ». Cela veut dire, que notre rôle n’est pas de faire souffrir les personnes homosexuelles. Mais au contraire de les défendre, pour qu’elles puissent vivre en paix dans la société.

Enfin Jésus dit à la femme : « ne pêche plus ». La personne homosexuelle de son côté devra se demander : est-ce qu’elle ne doit pas cesser ses actes homosexuels ? Ou au moins voir ce qu’elle peut changer, dans son comportement et dans sa vie. Mais en tenant compte de tout ce qu’on a dit jusqu’à maintenant. En sachant qu’on ne peut pas changer d’un seul coup, qu’il faut beaucoup d’efforts et beaucoup de patience. Cela aussi Jésus le reconnaît. Par exemple, quand il dit à Pierre, qu’il faut « pardonner 70 fois 7 fois ! » (Mt 18,22).

Réflexions sur l'homosexualité

En France, on a légalisé le mariage homosexuel, à cause du principe de l’égalité pour tous. Bien sûr, au cours de cette conférence, on s’est posé beaucoup de questions à ce sujet. Car tout ce qui se passe en Europe, spécialement en France, a aussitôt des répercutions au Sénégal. Cela devrait d’ailleurs nous interroger. Est-ce que nous devons suivre l’Occident en toutes choses, pour nous développer ? D’abord, nous n’avons pas voulu entrer dans un débat de fonds sur ce qui se passe en France, et qui remet en cause aussi bien la conception traditionnelle du mariage, que celle de l’égalité des droits. Voici simplement quelques réflexions qui ont été faite.

On peut se demander si le fait de reconnaître le mariage homosexuel officiellement, au lieu de diminuer les attaques contre ces personnes, ne les a pas au contraire augmentées, de la part de certains.

Il faut bien comprendre qu’autoriser le mariage pour tous, ce n’est pas seulement permettre à un petit groupe de personnes homosexuelles (environ 5%), d’avoir le même statut que les autres. Reconnaître le mariage homosexuel, c’est transformer complètement l’idée du mariage, et donc toucher à la base même de la société. Autoriser le mariage pour tous, cela demande une transformation profonde du code civil et de la constitution. Hors au Sénégal, nous sommes fatigués avec les changements de constitution, qui ont amené tellement de problèmes, au temps du Président passé. Et on ne change la constitution, simplement pour gagner des voix aux élections, ou pour un autre intérêt. Les français ont décidé de le faire, mais avec beaucoup d’oppositions d’ailleurs. De nombreuses personnes, et pas seulement l’Eglise catholique, ont demandé pour cette raison un débat national sur le sujet, qui serait suivi d’un référendum. Mais le gouvernement ne l’a pas accepté. Nous n’avons pas les mêmes valeurs ni la même société au Sénégal. Nous ne sommes pas obligés de les suivre !

C’est vrai que la façon dont le mariage a été vécu dans le passé a beaucoup changé, avec le temps. Et elle continuera de changer encore. Mais les familles et les mariages ont pratiquement toujours été compris, comme le lieu où la vie et où on éduque, et où on transmet les valeurs reçues des générations précédentes.

On parle aussi de droit à l’enfant. Mais que deviennent alors les droits de l’enfant ? Car on ne fait pas un enfant pour soi-même, mais pour lui. Et pour son avenir heureux, avec toutes les conditions nécessaires pour cela. En reconnaissant le mariage homosexuel, on touche à la réalité de ce que sont un père et une mère. Puisque dans le mariage homosexuel, les deux sont du même sexe. Qui sera le père, et qui sera la mère? Et quel sera le rôle de chacun dans le mariage homosexuel ? Jusqu’à preuve du contraire, l’enfant pour grandir et se développer, a besoin d’un père et d’une mère différents, qui se complètent et qui s’aiment. L’enfant a besoin de connaître ses parents. Que va-t-on lui dire, quand il va demander qui est son Père ? On parle du Droit du mariage pour Tous, mais que deviennent alors les Droits des enfants. Est-ce que les adultes ont le Droit d’imposer une famille homosexuelle à ces enfants, qu’ils n’ont pas fait eux-mêmes ? On se demande alors si ces adultes veulent un enfant pour le bien de l’enfant, ou pour eux-mêmes ?

Et on se pose beaucoup de questions au sujet de l’adoption, et encore plus la procréation assistée, pour les couples homosexuels. Jusqu’où va-t-on aller ? C’est vrai que la science à fait beaucoup de progrès : des couples stériles peuvent avoir des enfants, grâce au progrès de la médecine. Mais est-ce que toutes les façons (scientifiques) d’avoir des enfants sont bonnes pour autant : la procréation assistée, mais aussi les mères porteuses (les femmes qui portent un enfant pour une autre), le clonage (faire plusieurs enfants absolument semblable à partir du même œuf, etc). La question de l’adoption n’est pas simple non plus. Est-ce que cela ne va pas augmenter les ventes et les trafics d’enfants, contre lesquels nous avons tant de mal à lutter, dans certains de nos pays ?

Il faut aussi réfléchir aux raisons que l’on donne au mariage homosexuel. On parle de mariage pour tous. Mais, de toutes façons, le mariage n’est pas autorisé pour les mineurs, ni entre membres de la même famille. Il n’y a donc pas de mariage pour tous. On dit qu’il faut l’égalité des Droits pour tous. Mais est-ce que l’égalité, c’est faire la même chose pour tous ? Est-ce qu’il ne s’agit pas plutôt que tous soient respectés, mais aussi reconnus, non seulement dans leur dignité, mais également dans leurs différences. C’est dans ce sens que l’on parle des Droits des minorités. Tous les hommes sont égaux en Dignité et en Droit. Mais les Droits des enfants sont plus important que ceux des adultes, parce qu’ils sont plus faibles. On a déterminé des droits spécifiques de la femme, alors que c’est une personne humaine égale à l’homme. Il y a aussi les Droits des prisonniers, les Droits des émigrés, etc.…. Nous ne sommes pas égaux par notre taille, ni par notre intelligence. Ni par la couleur de notre peau, ni par notre place dans la société. La société demande qu’on traite les personnes d’une façon différente, quand les circonstances sont différentes. Donc » les Droits pour Tous » cela ne veut pas dire » la même chose pour Tous ». Même si l’on veut l’égalité entre les personnes (la même dignité et le respect), de toute façon un couple homosexuel ne sera jamais comme un couple hétérosexuel, parce qu’ils ne peuvent pas faire d’enfants eux-mêmes. C’est une différence fondamentale. Pour défendre le mariage homosexuel, certains disent qu’on a fait des études par exemple aux Etats-Unis qui noteraient que les enfants adoptés des couples homosexuels reçoivent une éducation aussi bonne que ceux des enfants éduqués par leurs pères et leurs mères. Mais d’autres études très sérieuses, comme par exemple celle de Mark Regnerus en juin 2012, affirme que les enfants des familles traditionnelles sont plus équilibrés psychologiquement et plus à l’aise dans la société. Alors qui a raison ? On ne peut pas trouver une solution à un tel problème seulement avec des enquêtes et des sondages. Il faut une vraie réflexion anthropologique (au niveau de la nature profonde de l’homme) philosophique et juridique.

Cette question du mariage homosexuel est le signe que l’homme grâce à la culture (l’éducation et la civilisation) veut commander à sa nature (ce qu’il est naturel). Cela peut lui permettre de devenir plus homme (plus humain) et plus heureux. Mais à condition de bien réfléchir là où il va. Cela n’est pas une raison pour accepter toutes les théories, comme par exemple la théorie du genre, qui voudrait nous faire croire que notre sexe ne dépend pas de notre nature (notre corps), mais de notre choix libre. Et que toutes les façons de vivre sa sexualité seraient égales (indifférentes), sans conséquences et bonnes. Nous devons bien reconnaître que cette théorie nous est imposée par des pays étrangers. Elle est même parfois posée comme condition, pour accorder une aide économique. Ce qui est évidemment inacceptable. Il ne faut pas enfermer la personne humaine dans les limites de sa seule sexualité. La culture permet de dépasser la nature et de se comporter en homme civilisé (cultivé). Et il est important de vivre sa sexualité d’une façon personnelle, selon ce que l’on est. Mais cela ne veut pas dire pour autant accepter la théorie du genre, ni les pratiques homosexuelles, ni le "mariage pour tous ».

Déjà en France, il y a eu le PACS qui reconnaît l’union entre deux personnes non mariées et mêmes homosexuelles. Est-ce que cela ne suffit pas ? Certains ont dit que le PACS ne permettait pas d’hériter de l’autre ou de profiter de sa pension. Ce sont des choses qui pouvaient très bien être réglées dans le cadre du PACS. Est-ce qu’on avait besoin pour cela, de faire le mariage pour Tous, et de changer ainsi les bases même de la société ?

Bien sûr, ces questions sont difficiles. Il faut y réfléchir profondément, et prendre le temps nécessaires pour cela. Il faut écouter les raisons et les explications de tous et de chacun, sans les rejeter au départ. Mais cela ne veut pas dire tout accepter, ni copier obligatoirement les pays occidentaux….même si l’Afrique du Sud a reconnu ce mariage. Au contraire, ce « mariage » nous pose de vraies interrogations. Et nous demande de réfléchir d’abord, à la façon dont nous vivons le mariage entre hommes et femmes, dans la société sénégalaise. Et comment nous éduquons nos enfants. A ce niveau, la question du mariage homosexuel est donc très importante pour nous. Elle doit nous permettre de faire des progrès.

Que penser du mariage homosexuel ?

Il faut revenir à notre tradition. Dans le mariage traditionnel, le mariage était d’abord fait pour avoir des enfants. Il est bien évident que le mariage homosexuel ne peut pas répondre à ce besoin. Mais depuis, nous avons été touchés par les idées modernes sur le mariage. Maintenant l’autre raison principale, pour lesquelles on se marie, c’est pour vivre une amitié profonde entre mari et femme. La relation sexuelle n’est plus faite seulement pour avoir des enfants, mais devient un geste d’amour qui unit profondément deux personnes. Bien sûr, je ne parle pas ici des mariages forcés qui existent encore. Ni des mariages d’intérêt, pour l’argent…

L’amitié et l’amour entre deux hommes ou deux femmes, cela existe, et cela peut être très beau. La question est de savoir, si cet amour peut et doit se vivre obligatoirement dans des rapports physiques ? Par exemple, un homme ou une femme mariée peuvent vivre une véritable amitié, avec une autre personne que leur conjoint. D’ailleurs, ils ont sans doute eu des amis avant de se marier, et cette amitié peut très bien continuer. Cela ne veut pas dire qu’ils vont faire des rapports sexuels. Au contraire, le mari comme la femme peuvent avoir des amis, tout en étant fidèles l’un à l’autre. Mais bien sûr dans ces conditions, il vaut mieux que l’ami devienne l’ami du couple tout entier.

Au point de vue physique, c’est bien évident que l’appareil génital de l’homme et de la femme sont faits l’un pour l’autre. Et que c’est le vagin de la femme, qui est fait pour recevoir le pénis de l’homme. En tout cas, c’est la façon naturelle d’avoir des enfants.

La question de fond qui se pose est : quel type de société voulons-nous construire? Il est clair que les sociétés occidentales sont devenues de plus en plus individualistes. Chacun cherche d’abord son propre intérêt et son propre plaisir. A ce moment-là, il est évident que chacun va demander des Droits pour lui-même. Et si on est homosexuel, on demande le droit non seulement à la sexualité, mais aussi au mariage. C’est l’intérêt personnel, qui passe avant la dimension communautaire. Chez nous, notre société est d’abord communautaire. Cela signifie vivre ensemble. Comme le dit le proverbe « L’homme est le remède de l’homme.» Le mariage n’est pas seulement l’union d’un homme et d’une femme, mais l’alliance entre deux familles. Et le mariage traditionnel a gardé sa force jusqu’à maintenant. On a donc des difficultés à accepter les homosexuels, et encore plus à leur accorder des droits. Car on veut protéger la société, et que tout le monde se conduise de la même manière. C’est très important de garder la dimension Communautaire. Mais à condition de ne pas écraser les personnes. D’un autre côté, c’est important d’assurer la liberté de chacun et les mêmes droits pour tous. Mais cela ne veut pas dire accepter tous les comportements. Il y a donc un équilibre très difficile à trouver.

Pour des travailleurs sociaux.

Je m’adresse à des travailleurs sociaux. Votre travail est d’abord d’aider et de soutenir les gens. Cela demande que vous les acceptiez, que vous les accueillez tels qu’ils sont, avec leurs problèmes et leurs difficultés, sans imposer vos idées et sans les condamner. Vous serez donc amener à rencontrer des personnes homosexuelles. Elles ont droit au respect et au soutien de votre part.

Il est important aussi, que vous considériez les conditions de vie des gens. Par exemple, vous serez appelés à travailler avec des prisonniers. Des hommes et des femmes adultes, ayant des activités sexuelles régulières se trouvent d’un seul coup arrêtées et enfermées en prison. Les hommes se trouvent seulement avec des hommes, des femmes avec des femmes. Il est bien évident à ce moment-là, la tentation de l’homosexualité se pose, pour des gens qui n’arrivent pas à maîtriser leur sexualité. D’autre part, on sait bien qu’en prison, il y a des chefs de bande, qui commandent les autres. Et qui donc vont se servir de certains prisonniers pour leur plaisir sexuel. Leur imposant ainsi des relations homosexuelles contre leur volonté. Ce qui est bien sûr un viol, et une exploitation de la personne humaine absolument inadmissible. Il n’est certainement pas question d’accepter cela. Mais d’autre part, ne faut-il pas être réalistes, et voir les choses en face ? Or jusqu’à maintenant, on ferme les yeux. On interdit l’entrée de condoms dans la prison, alors qu’on sait bien ce qui s’y passe. Il est absolument nécessaire d’éduquer et de conseiller les gens, de lutter contre toutes les formes d’oppression et d’utilisation sexuelle des plus faibles. Mais il est aussi important de lutter contre la propagation du SIDA.

Intervention de Hadja Tandian, sociologue

Le sociologue est membre de la société. La société avance ? et il faut réfléchir à ses transformations. On peut avoir une attitude subjective ou objective. Il y a donc deux points de vue sociologiques. Un point positif ou compréhensif, et une position de rejet. Ensuite se posent les obstacles, apportés par l’Etat-civil : la loi telle qu’elle existe dans le pays. Enfin,  il y a les opinions des gens dans la société, et les questions tabous qu’on évite absolument. Celle de l’homosexualité en est une. Il faut donc se demander, dans quelle société sommes-nous ? Et ensuite, quelle société voulons-nous ? Est-ce qu’on doit suivre ce qui se passe dans les pays étrangers, en particulier occidentaux ? Ou bien devons-nous rester nous-mêmes. Et dans ce cas, comment se protéger ? De toute façon, il est important de parler de ces questions, parce que le problème existe. Allons-nous accepter que l’homosexualité est une pratique, différente mais normale, de la vie sexuelle et morale ? Ou bien est-ce qu’elle doit être marginalisée et cachée? Et même rejetée ? Est-ce que l’homosexualité est une maladie (une pathologie), et donc un comportement exceptionnel. Si c’est une maladie sociale, il faut s’en occuper pour la soigner. De toute façon, il est important de garder une attitude scientifique par rapport au problème.

Pour le positif, le sociologue doit refuser le faux exemple. Faire des découvertes, cela conduit toujours à aller contre les idées reçues. Il ne faut pas se laisser intimider, ni refuser les résultats des enquêtes que l’on fait. Mais souvent nos sentiments et nos idées préconçues s’y mêlent. Nous sommes très passionnés. Il est donc important de mettre une distance, entre le sens commun et la recherche scientifique. Mais dans la société, la liberté doit tenir compte de la vie sociale, et ne pas devenir libertinage. Il faut savoir se comporter selon les normes sociales. Les homosexuels font partie eux aussi de la société. Même s’ils ont des comportements déviants, ce sont des citoyens : ils payent l’impôt, ils doivent avoir leur place dans le pays.

On se trouve devant deux obstacles :

  • Premièrement le contrôle social : la société veut que ses membres se comportent selon les normes établies.

  • Deuxièmement l’identité sociale de l’individu.

Souvent les normes sociales sont intériorisées par la personne. Et si elle ne se conduit pas comme la société le demande, elle se sent coupable (elle se culpabilise).

Dans notre travail, il est important de comprendre et non pas de condamner, et d’éviter les préjugés. De regarder les choses de manière objective. Mais est-ce que l’objectivité est possible ? Le plus important en tout cas, c’est d’accueillir les personnes homosexuelles, pour qu’elles puissent nous dire le sens qu’elles donnent à leur vie. Et comment elles vivent leur homosexualité. C’est la première étape nécessaire. On ne peut pas juger les gens, sans les avoir d’abord écoutées.

Au niveau du Droit et de l’Etat-civil, en Europe, le mariage était organisé par l’Eglise catholique. C’était même un sacrement. Au moment de la révolution française, en 1789, on a parlé du Droit naturel et on a détaché le mariage de l’Eglise, pour composer un code civil. Cela a été la porte ouverte à toutes les évolutions, puisque le mariage n’était plus sur le terrain religieux. Or, la société a continué à avancer et à se transformer. C’est ainsi que dans les années 1990, on a mis en place le PACS, qui était une reconnaissance par la Loi, des gens qui vivent ensemble sans vouloir se marier. A partir du moment que le code civil suit l’évolution de la vie en société, toutes les situations peuvent être reconnues. En effet, dans la société, il y a souvent un système de valeur dominante qui est reconnue par la Loi. Il y a aussi des groupes et des lobbys, c’est-à-dire des groupes minoritaires qui ont le pouvoir politique et économique, et qui veulent imposer leurs idées et leurs façons de faire, grâce à leur pouvoir. Dans une société, si on donne des Droits à certains et pas à d’autres, c’est une injustice.

Par ailleurs dans la société actuelle, le mariage échappe de plus en plus, non seulement à l’autorité des religions, mais aussi à l’autorité de la famille. Les gens demandent d’être libres de se marier, et pour certains de se marier avec qui ils veulent, et comme ils veulent. Mais pour une Loi juste et qui fait progresser, on ne peut pas se contenter de reconnaître les valeurs dominantes, et de faire des Lois, à partir des sondages. La loi doit avoir un fondement social solide, et permettre aux personnes et au pays d’avancer. On doit chercher le plus possible le consensus social dans le pays. Ce consensus (se mettre d’accord) il n’est pas donné au départ. Il doit se construire, dans le dialogue et le respect mutuel. On doit éviter l’isolement et le manque de confiance dans les autres. Ce n’est pas souhaitable. Il faut aussi chercher à garder le plus haut degré de moralité possible. Une société ne peut pas accepter plusieurs morales et des comportements différents en même temps. En résumé le sociologue doit avoir un point de vue positif. Pour cela, il faut du recul pour mieux voir les choses. Il doit avoir une attitude compréhensive, et reconnaître que la façon de vivre le mariage a évolué. Le droit civil a pris la place des lois religieuses. Et le code civil doit évoluer lui aussi. Tout le monde est interpellé. Encore une fois, Il faut chercher tous ensemble, quelle société nous voulons. Et quel but nous donnons à la société sénégalaise.

Quelques questions abordées au cours du débat

Si nous sommes croyants, nous suivons notre religion. Même si cela doit aller contre les Lois du pays. Mais seulement quand c’est nécessaire, et pour des raisons graves. Et cela nous demande de réfléchir d’abord sérieusement à la question, calmement et sans préjugés. On ne peut pas dire : c’est la religion qui dit ça ! Dieu nous a donné une intelligence, et pour les chrétiens son Esprit, l’Esprit Saint, pour cela !

Il est absolument nécessaire de mettre en place une véritable éducation sexuelle des enfants et des jeunes. Et que cela se fasse en premier, par les parents. Nous parlons bien d’éducation sexuelle, et pas seulement d’information sur le fonctionnement des appareils génitaux. Actuellement les enfants et les jeunes voient toutes les pratiques sexuelles au cinéma, à la télévision, et toutes déviations possibles dans les DVD pornos qui circulent partout. Ils ne savent plus ce qui est normal ou anormal, ce qui de l’amour et ce qui est de l’érotisme débridé, ce qui fait grandir et ce qui va les abaisser. Si on présente l’homosexualité comme un modèle au cinéma, à la télévision et dans les clubs, il est bien évident que les jeunes seront poussés à la pratiquer.

La libération principale par rapport au mariage au Sénégal, ce n’est certainement pas de reconnaître le mariage homosexuel. Mais plutôt de lutter contre le mariage forcé, et le mariage précoce. Et de permettre le mariage entre ethnies et castes différentes. Ce serait déjà une grande évolution. Et au niveau de la sexualité, la première chose c’est de lutter contre l’excision. Il ne faut pas se tromper de problèmes et d’objectifs.

Notre rencontre était très importante, pour la liberté d’expression et pour oser aborder ces problèmes.

La morale étatique, n’est pas la morale religieuse. La société a autorisé la prostitution dans certaines conditions (carnet de santé), alors qu’elle est interdite par les religions. De même, l’alcool et le tabac sont interdits dans l’islam. Mais l’état en permet la vente. Et même il s’enrichit avec, en faisant payer des taxes. Ce n’est pas parce que l’alcool est autorisé dans le pays, que tu dois obligatoirement en boire. Ni te prostituer.

Un Assistant social est membre de la société, mais il doit aborder les questions sociales avec responsabilité, et une attitude de compréhension. Même devant des déviations. Il est important de ne pas traiter les gens de délinquants, et encore moins les condamner. Certainement qu’il faut inviter la population de changer son comportement, par rapport aux homosexuels. Et que l’on revoie les Lois du pays sur cette question

Questions à l’Eglise

Toujours en France, il y a eu de grandes manifestations contre le mariage homosexuel. Auquel beaucoup de chrétiens ont participé. Il faut respecter ces chrétiens qui ont agi selon leur conscience, et qui ont voulu défendre la morale chrétienne. Mais c’est quand même important de réfléchir à ce qui ont dit et fait, pour notre propre société sénégalaise. Ils ont voulu défendre l’Eglise Catholique. Mais est-ce la meilleure façon de la défendre ? Est-ce qu’ils ne continuent pas de rêver d’une Eglise qui commanderait la société ? Au lieu de reconnaître une bonne fois pour toute, que l’Eglise est et doit être minoritaire. Et que les Lois de la société ne seront plus obligatoirement celles de l’Eglise. Ce qui ne nous empêche pas de rester chrétiens. Et comme le dit Saint Pierre : « d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes »(Actes 4,19+5,29). Est-ce que ces manifestations ne sont pas la suite de ce qu’on a appelé le catholicisme intransigeant, qui autrefois a refusé la révolution française (Liberté – Egalité – Fraternité), et ensuite la Déclaration Universelle des Droits Humains ? Et qui a refusé pendant longtemps la Laïcité ?

On a bien vu que ces manifestations des chrétiens ont été parfois récupérées par les Partis politiques de droite, par des groupes violents et même des casseurs. Les chrétiens qui le veulent ont le droit d’être dans un mouvement politique de la droite. Mais à condition de laisser la liberté à d’autres chrétiens d’être de gauche. Et surtout de ne pas imposer leurs idées politico-sociales à toute l’Eglise. Sinon, certains ennemis de l’Eglise seront trop heureux de dire que l’Eglise est violente, qu’elle est attachée à un parti politique, ou même qu’elle est retardataire et obscurantiste : qu’elle vit dans la nuit, en refusant la lumière et la vie moderne.

Nous ne sommes pas d’accord avec le mariage homosexuel, ni que ces personnes adoptent des enfants. Mais il faut bien voir où est le problème. Si on est arrivé à cela dans certains pays comme la France, n’est-ce pas parce que le mariage a perdu de sa force ? Et que l’on a oublié les valeurs de la vie et de l’Education ? N’est-ce pas parce qu’on devient de plus en plus individualiste, et que chacun veut faire ce qu’il veut, et avoir ce qui lui plaît ? Et avoir les mêmes Droits que les autres, sans en accepter les conditions. Parce que l’on n’aime plus l’enfant pour lui-même, mais pour soi. On fait passer le Droit à avoir des Enfants, avant le Droit de l’Enfant lui-même. Alors bien sûr, on peut être contre le mariage homosexuel. Mais cela ne suffit pas. Le plus important est de lutter pour rendre notre société plus humaine et plus communautaire. De lutter contre l’égoïsme et l’individualisme dans tous les domaines. De respecter davantage le mariage et de chercher une meilleure éducation des enfants. Et aussi de respecter les idées des autres, sans vouloir imposer nos propres idées par la force. C’est aussi de faire que les personnes humaines ne soient pas traitées comme des objets, utilisés à notre profit. Que se soient les enfants, en particulier les enfants mendiants, les enfants de la rue, ou les enfants travailleurs. Mais aussi les chômeurs, les femmes et les paysans, les analphabètes et les infirmes, les réfugiés et tant d’autres personnes. C’est de lutter contre la perte de la Foi en Dieu, et la perte de nos valeurs que nous ont laissés nos ancêtres.

Actuellement au Sénégal, tous les journaux, comme les émissions à la radio et la télévision sont occupées par la question de l’homosexualité. Au lieu de penser d’abord, aux vrais moyens de faire avancer le pays, et de trouver une solution aux difficultés de la vie. Il ne faudrait pas que se soit la même chose dans l’Eglise. Qu’elle ne cherche pas tellement à se défendre, mais plutôt à défendre les pauvres et les petits. A la suite de Jésus, qui est venu « servir et sauver ce qui était perdu » (Luc 19,10) et « réunir tous les enfants dispersés » (Jean 10,52).

Jésus disait : (Luc 12,32) « N’ayez pas peur petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume » (Le Royaume, mais pas la direction de la société). Nous sommes le levain dans la pâte. Le levain est tout petit, par rapport à la pâte toute entière. Et il suffit un peu de sel, pour donner du goût à toute la terre (Matthieu 5,12). En tout cas, vue notre situation très minoritaire au Sénégal, nous ne pouvons rêver à de grandes manifestations comme celles qui ont eu lieu en France.