Armel Duteil

2014


Présentation de mes engagements dans la paroisse de Pikine

Je tiens à dire tout de suite qu’à mon arrivée, en début octobre 2013, j’ai été très bien accueilli par les confrères et intégré dans l’équipe pastorale sans problème et même avec joie.

1) A la paroisse

A la première réunion de l’équipe, on m’a confié l’animation des CEB (Communautés de quartiers). Déjà un travail avait été très bien fait les mois précédents pour expliquer le but de ces CEB, le cahier des charges et des responsabilités de chacun des responsables, et ensuite pour faire des élections très bien préparées et auxquelles j’ai moi-même participé. En fait, il y avait un passage à faire. Jusqu’à maintenant, les CEB étaient appelées « rencontres de prière », et on y faisait surtout des prières charismatiques, ou sinon on récitait le chapelet. Il s’agissait donc de mettre en place des communautés chrétiennes qui agissent avec tous dans le quartier, selon les quatre objectifs du Plan Pastoral : la communion, la sanctification des chrétiens, l’évangélisation des non chrétiens et le service des hommes et de la société (rendre leur dignité à ceux qui sont écrasés, aider ceux qui souffrent et travailler au développement du pays (Caritas), lutter pour la justice, la paix et la réconciliation). Mais justement il n’est pas possible de réaliser ce Plan d’action si on n’a pas déjà des chrétiens formés et responsabilisés dans ce sens, et des communautés bien insérées dans les quartiers, et qui ont le souci de toute la vie des hommes et de la société. Nous avons donc commencé par rédiger un schéma de réunions couvrant un mois, selon la formule suivante : * Première réunion : partage de la Parole de Dieu. * Deuxième réunion : vie de la paroisse * Troisième réunion : vie du quartier * Quatrième réunion : formation ou eucharistie.

Lorsque ce programme de réunions a été prêt, nous avons tenu une réunion du conseil paroissial pour discussion et approbation, puis une formation des différents responsables. Ensuite, il a été expliqué aux homélies de toutes les messes, pour que tous les chrétiens soient non seulement informés mais sensibilisés. Enfin, le nouveau programme a été mis en œuvre. Ma responsabilité est de passer dans chacune des 13 communautés de la paroisse à tour de rôle, non pas pour diriger mais pour voir comment les choses se passent, et chercher à les améliorer ensemble avec les responsables. On m’a demandé déjà de faire une formation aux CEB dans les autres paroisses, comme je l’avais déjà fait dans les paroisses du doyenné de Grand Dakar-Grand Yoff, les années passées. Des dates sont déjà prévues aux Parcelles Assainies (MIPA) et à la Paroisse Saint Abraham de Guediawaye.

Avec les catéchistes, nous avons commencé une réflexion sur Vatican II à l’occasion du 50ème anniversaire, et surtout une réflexion par rapport aux célébrations dans les différentes langues, et pour l’inculturation de nos célébrations. En effet, les dimanches, il y a beaucoup de gens, chacun avec sa langue et nous faisons les cérémonies en français et en wolof. Mais pour les naissances, les prières pour les malades, les veillées mortuaires, les mariages et surtout les enterrements, ce sont surtout les gens de l’ethnie de la personne décédée qui viennent à la cérémonie. Nous avons donc commencé à avoir une partie de la célébration en mandjaque : lectures, prière universelle mais aussi oraisons et une partie de l’homélie, le reste en wolof pour que tous les autres comprennent. Nous allons mener le même travail en sérère, en diola, en mancagne, etc… Nous cherchons aussi à mettre en place un rituel des catéchistes dans ces différentes langues, pour les prières dans les quartiers et à la maison, en particulier pour christianiser les cérémonies traditionnelles. Enfin, avec les anciens, nous avons commencé une réflexion sur les rites, symboles et valeurs des différentes cultures présentes ici, de manière à inculturer notre liturgie, notre catéchèse, nos CEB et toute notre vie chrétienne.

Les jeunes : Les jeunes sont regroupés en amicales. Chaque amicale fait partie de la CEB de son quartier. Les jeunes y participent et même parfois prennent la responsabilité de toute la CEB. Ce qui est très important. Mais ces amicales, comme d’ailleurs les CEB et les différents groupes sont surtout orientées vers la recherche d’argent : concert des chorales, vente de tee shirts, xawaré et autres fêtes et soirées dansantes etc. Et ce qui est encore plus grave, c’est que cet argent est souvent utilisé pour eux-mêmes et non pas (même pas une partie) pour les pauvres, la Caritas, des activités sociales au profit de tous, ou déjà les besoins vitaux des membres, par exemple acheter des outils pour des apprentis qui veulent travailler, fournitures pour des élèves nécessiteux et aider un étudiant pour payer son inscription à l’université etc. Cet argent est donc souvent dépensé dans des cérémonies et fêtes, liturgiques ou profanes. Avec le Conseil économique, nous avons commencé une réflexion à ce sujet mais il y a encore beaucoup à faire.

Le deuxième problème, pour les jeunes et pour toute la paroisse, c’est qu’on avait fortement mis l’accent sur les veillées de prière (ce qui est une très bonne chose), mais aussi les neuvaines, les prières de protection et de délivrance, les prières charismatiques qui souvent avaient tendance à déborder etc. Nous cherchons donc à rééquilibrer les choses. Déjà comme je l’ai dit pour les CEB, bien sûr on prie au début et à la fin de chaque réunion, et une fois par mois on prend le temps de partager la Parole de Dieu (avec un questionnaire proposé pour d’abord regarder le Christ et découvrir la Bonne Nouvelle, et non pas faire des discours moralisants, et où l’on cherche surtout à faire passer ses idées personnelles). Mais nous souhaitons que les jeunes développent la dimension chrétienne de toute leur personne et de toute leur vie. Et qu’ils s’engagent avec les autres dans la société civile.

Pour les jeunes, un foyer est en prévision pour leur permettre à la fois d’avoir des loisirs épanouissants et de se former. Déjà le terrain de sport (basket) est utilisé par les jeunes du quartier. Avec les scouts et les CV.AV, nous allons lancer des rencontres avec des jeux éducatifs sur les droits humains et les droits des enfants. Nous avons déjà fait plusieurs formations sur l’engagement des jeunes chrétiens dans le quartier, avec les autres jeunes. Et aussi le jour du Christ Roi, au lancement de l’année pastorale, une formation sur l’engagement politique du chrétien (avec plusieurs responsables politiques), l’acte 3 de la décentralisation et les élections locales à venir.

Nous voudrions aussi spécialement soutenir les jeunes qui cherchent du travail, et également lancer et soutenir des petits projets de développement. Pour cela, toute une réflexion a été lancée avec la Caritas. Nous pensons aussi lancer les mouvements de la JEC (Jeunesse Étudiante Chrétienne) pour l’évangélisation des élèves et des écoles, et la JOC pour l’évangélisation des apprentis, des jeunes travailleurs et des chômeurs. Car malheureusement, ces deux mouvements d’action catholique n’existent pas dans la paroisse. Il n’y a que les CV.AV pour les enfants. Pour la JOC, j’ai commencé à visiter un certain nombre d’ateliers ,et pour la JEC je vais faire le tour des collèges de Pikine. Car il me semble important de travailler dans les écoles laïques et gouvernementales et pas d’abord dans les écoles catholiques.

2) En doyenné

A la première réunion du doyenné de novembre 2013, on m’a demandé également de prendre la responsabilité de la Commission Justice et Paix et de la Commission de la Famille et également de participer au travail de la Caritas. Ces commissions étaient pratiquement en léthargie. Nous avons donc commencé par une réunion des aumôniers pour chacune de ces commissions des 10 paroisses du doyenné, pour faire le point et tracer des pistes. Puis une réunion des laïcs volontaires pour travailler dans ces commissions, et nous sommes maintenant passés à l’action. Par exemple pour la Commission de la Famille, nous avons décidés pour le dimanche de la Sainte Famille de mettre en valeur les mariés de l’année, et également d’accueillir les nouveaux venus dans la paroisse. Nous avons également travaillé le questionnaire pour le prochain Synode sur la famille. Pour cela nous l’avons d’abord écrit en français simple puis, comme il est très long, chaque paroisse l’a partagé entre les différentes CEB, une question pour chacune, pour avoir les réponses de la base et des chrétiens eux-mêmes. Nous avons aussi préparé une formation des fiancés au mariage, et la première rencontre va avoir lieu le 31 janvier 2014.

Pour la Caritas, on se contentait de distribution de vivres pendant le Carême, ou de dons (habits…) venus d’Europe des gens. Nous avons donc revu le rôle de la Caritas et ses objectifs, les différentes façons de travailler, les moyens disponibles, etc… En responsabilisant les CEB, en travaillant avec les mairies et les différents services et organisations de la société civile, en voyant comment permettre aux nécessiteux de se prendre en mains, en lançant des projets, GIE et AGR, etc...Ces orientations ont intéressé la Caritas du doyenné, qui m’a demandé une session de formation, et de continuer à particier à leurs activités.,

Le même démarche a été suivie pour Justice et Paix, avec un accent spécial sur les questions d’environnement, étant donné les réalités de Pikine : quartiers inondés, sans ramassage des ordures, insécurité….Voir mes messages mails (compte rendus…) et mon site http://armel.duteil.free.frDes éducateurs et des religieuses maristes du doyenné animent un centre des enfants de la rue à Grand Yoff. Nous sommes en réflexion avec eux pour lancer ce même type d’activités à Pikine et Thiaroye, où les enfants qui vivent et dorment dans les rues sont nombreux. De même, avec l’autorisation et le soutien de mes confrères, je continue d’intervenir dans le centre de formation des jeunes filles des sœurs à Derklé. Une fois avec les chrétiennes, l’autre fois toutes les filles ensemble chrétiennes et musulmanes. 

Vu mon expérience dans les prisons des jeunes, hommes et femmes de Grand Yoff, je pense travailler également en 2014 à la prison de Rufisque, qui se trouve dans notre doyenné, avec l’accord de mes confrères et du vicaire général, responsable de la Commission Justice et Paix et de l’aumônerie des prisons.

3) Dans la ville

Sur la paroisse, ni d’ailleurs dans le diocèse à ma connaissance, il n’y a pas de commission pour les relations entre chrétiens et musulmans. Mais le principal pour moi, c’est que nous travaillions ensemble dans les quartiers dans un vrai dialogue de vie et d’action. Avec l’accord de l’équipe, je continue les émissions radio à la Radio Municipale de Dakar. J’ai aussi commencé à intervenir dans les radios communautaires de Pikine, en particulier la Radio Rail-bi.fm tous les dimanches. On m’a aussi demandé de participer au lancement de la radio du diocèse (Radio Espérance). Bien sûr je continue à travailler avec le service diocésain des communications (SEDICOM) et à envoyer les commentaires de l’Évangile de chaque jour, sur le site du diocèse, le site de MIPA (les Omi), radio espérance et même au Gabon. A la demande d’un éditeur, je termine la rédaction de livrets contenant ces commentaires des dimanches et des fêtes et semaines.

Dès que je suis arrivé, accompagné d’un membre du Conseil paroissial, d’un conseiller municipal chrétien, du responsable de la Caritas et du responsable de Justice et Paix, nous avons fait le tour des neuf mairies d’arrondissement pour voir comment travailler ensemble, paroisses et municipalités, pour répondre aux besoins des populations et des quartiers. Avec ces mêmes responsables, nous avons visité les quartiers, en particulier les quartiers inondés ou les plus défavorisés. La réunion des CEB dans les quartiers me permet de continuer ce contact qui me semble absolument essentiel pour l’avenir. Nous ne savons pas encore quels projets et quelles actions nous allons mettre en place, mais de toute façon, nous demandons aux chrétiens et aux CEB de s’engager dans les quartiers, de participer aux réunions des comités de quartier, de contacter les délégués de quartier et les imams, pour les jeunes, de travailler avec les ASC (Associations Socio Culturelles), et pour les femmes catholiques avec les associations des femmes. Cela nous semble absolument nécessaire : nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde (pas seulement de l’Eglise et de la communauté chrétienne). Nous devons être le levain dans la pâte.

Nous pensons aussi aux élections municipales et locales qui vont avoir lieu. Avec la Commission Justice et Paix nous allons certainement recommencer les actions menées au moment des élections législatives et présidentielles. Nous avons le souci de visiter les imams et de participer aux grandes cérémonies musulmanes des différentes confréries quand nous sommes invités. Nous sommes heureux de travailler également avec l’association ATD/Quart Monde qui est présente et qui fait une action très importante dans les quartiers auprès des nécessiteux.

Bien sûr toutes ces activités sont menées dans le cadre de la paroisse, en lien avec le Conseil paroissial qui ensuite les évalue, et en accord et en partage avec les autres membres de l’équipe pastorale. L’essentiel étant pour nous de former des laïcs et de les soutenir dans leurs responsabilités car c’est eux qui sont présents dans la société et qui peuvent mener l’évangélisation en profondeur. Mais je noterai aussi la nécessité absolue de parler au moins le ouolof, et si possible le mandjak, pour faire un travail d’Evangélisation en profondeur. Il nous faut réfléchir sérieusement à cette question, nous les spiritains, car souvent nous ne nous donnons pas la peine d’apprendre vraiment la langue des gens. Nous nous contentons alors de traductions approximatives faites par d’autres, et nous limitons nos relations à ceux qui parlent français, parfois très imparfaitement, car ce n’est pas leur langue maternelle.

Nous pensons qu’à travers tout cela, nous arrivons à vivre selon nos possibilités le charisme spiritain, comme nous le demande en particulier la règle de vie spiritaine, par exemple au n° 14 : « Nous considérons comme partie constitutive de notre mission d’évangélisation : * La libération intégrale de l’homme * L’action pour la justice et pour la paix * La participation au développement. Nous devons, de ce fait, nous faire les avocats, les soutiens et les défenseurs des faibles et des petits contre tous ceux qui les oppriment ». Et à travers notre engagement dans le doyenné, comme nous le demande le n° 13 : « Nous prenons nos engagements particuliers en communion avec l’Eglise de notre temps. Concrètement ce sont les églises locales qui assument la mission du Christ dans les divers territoires, et nous y participons selon notre vocation propre ».

Ce qui fait ma joie : C’est que je suis dans une communauté où, malgré nos différences de caractère, de culture et de théologie, nous nous entendons très bien. C’est vraiment l’essentiel. Ma joie c’est aussi de travailler avec des jeunes qui veulent vraiment s’engager. C’est aussi de travailler avec des laîcs, qui sont prêts à changer, et qui ont envie de se former. C’est de rencontrer chaque jour dans les quartiers, des gens qui agissent pour faire avancer les choses.