Armel Duteil

F. Joseph DOUET

  • Frère Joseph DOUET : Martyr de la foi en Guinée
  • Homélie Messe-funérailles du Fr Joseph DOUET
  • Mot du Supérieur provincial des Frères de Saint Gabriel
  • Quelques messages de condolèances
  • Le frère Joseph, homme de Dieu
  • Témoignage de parents d'éléves
  • Après l'enterrement du frère Joseph
  • Compte rendu des rencontres à la suite de l'assassinat de Joseph Douet
  • Vidéo : Joseph DOUET, célébration du 23 aout 2008 au Pin en Mauges (France)
  • Vidéo : La vie de Joseph DOUET
  • Prière universelle
  • Poème pour Joseph Douet
  • Plaque pour Joseph Douet
  • Revue de presse
  • Emission de radio sur RCF
  • Célébration des funérailles du frère Joseph
  • Dernières nouvelles
  • Réouverture de l'église paroissiale de Kataco


  • Frère Joseph DOUET : Martyr de la foi en Guinée

    Cette page est consacrée au Frère Joseph DOUET, assassiné sauvagement à Kataco, par des bandits, pendant qu’il priait.

    Dernières nouvelles

    Au sujet de notre frère Joseph, nous jouons de malchance. C’est, bien sûr, au moment du jugement que la lumière sera faite totalement pour savoir ce qui s’est passé exactement. L’enquête préliminaire a été faite rapidement et avec beaucoup de soins. Le jugement devait avoir lieu rapidement. Malheureusement, le gouvernement de Lansana Kouyaté a été renversé. Il a fallu reprendre toutes les démarches avec le nouveau gouvernement Souaré. Comble de malheur, il a été lui aussi renvoyé par le putsch militaire qui vient d’avoir lieu. Il nous faut à nouveau relancer les choses. Nous allons le faire le plus tôt possible. En attendant, nous essayons de rester dans la paix et de prier pour lui et pour sa famille.

    En même temps, nous ne restons pas inactifs. Nous travaillons auprès de la communauté et de la population de Kataco pour la faire évoluer et faire sauter les blocages et les idées du passé qui ont pu mener jusqu’à l’assassinat du frère Joseph. Nous cherchons à amener la réconciliation. Mais aussi à faire évoluer la société baga et à la libérer de toutes les coutumes négatives qui l’écrasent et sont source de violence… Ce sont des jeunes drogués qui ont assassiné le frère Joseph. En Octobre, notre Evêque, Monseigneur Vincent COULIBALY, a envoyé un message très fort aux jeunes pour mieux connaître leurs pensées et leurs difficultés, mais aussi pour les appeler à prendre en main leur vie et leur avenir. A Kataco comme à Boffa, les jeunes se sont mobilisés pour cette réflexion face à la violence, la drogue, le laisser aller et autres problèmes qui les touchent. Nous avions prévu un grand rassemblement de tous les jeunes du Bagataye, notre région, à Noël, mais à cause du putsch militaire nous n’avons pu le réaliser. Ce sera pour Pâques, si la situation le permet.


    Frère Joseph DOUET est bel et bien un martyr de la foi que les Frères de Saint Gabriel viennent  de donner à notre Eglise de Guinée et à l’Eglise Universelle. Puisse ce sang innocent versé sur le sol guinéen irriguer le coeur de pierre de notre peuple et le transformer pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Puisse-t-il aussi être pour nous semence de nombreuses et saintes vocations sacerdotales et religieuses.

    Comme sa Sainteté le Pape Benoît XVI l'a fait lui-même à l'Angélus du dimanche 13 avril, en parlant de cet assassinat de Kataco, nous prions pour le Frère Joseph et pour tous les missionnaires.

    La vie et la mort du Frère Joseph DOUET sont pour nous une invitation pressante

    à imiter le Christ en participant à son témoignage et à son oeuvre de salut. « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12, 24-26).

    Puissent ces paroles se réaliser aujourd’hui pour Frère Joseph DOUET, le Serviteur fidèle !

    Vincent COULIBALY
    Archevêque de CONAKRY


    Homélie Messe-funérailles du Fr Joseph DOUET
    Mgr Vincent Coulibaly, Archevêque de Conakry
    Kataco, le 11 avril 2008

    Frères et soeurs en Christ,

    En ce Temps de Pâques, où nous célébrons la victoire de la vie sur la mort, la victoire de la lumière, de la vérité, de l’amour et de la transparence sur les ténèbres du mensonge, de la haine, de la cruauté, de la méchanceté du coeur humain qui devient très souvent et même très volontiers le siège du Malin et de ses oeuvres, nous qui nous nourrissons de l’espérance du Ressuscité, nous sommes invités aujourd’hui à chanter haut et fort la victoire de l’Espérance sur la haine et le découragement. Et qu’est ce qui nous fait chanter cette Espérance sinon la foi en la Résurrection de celui qui est l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est au commencement et à la fin de notre histoire et de l’histoire de l’humanité !

    Frères et soeurs, qu’il me soit permis de me poser ces quelques questions aujourd’hui : Peuple de Guinée, sommes-nous des hommes et des femmes de foi ? Peuple de Guinée, sommes-nous des hommes et des femmes qui aiment Dieu ? Peuple chrétien de Guinée, sommes-nous des hommes et des femmes qui ont la foi et qui craignent Dieu ?

    Les événements déroutants que nous vivons en Guinée nous poussent parfois à croire que nous sommes très loin d’être un peuple qui aime et craint Dieu. Parmi ces événements, nous pouvons citer le massacre des Guinéens par d’autres Guinéens. Ces massacres qui font, qu’aujourd’hui, de la Guinée, montent vers Dieu des plaintes, des pleurs et de grandes lamentations. La Guinée pleure ses enfants, et elle ne veut pas être consolée, car ils sont morts, ses fils et ses filles pour des raisons obscures et inavouées.

    C'est dans ce tourbillon de cruauté et de méchanceté du coeur de l’homme guinéen qu’est tombé, il y a quelques jours, le Frère Joseph DOUET, pourtant Missionnaire de l’amour dans notre pays.

    Mais pourquoi le frère Joseph a-t-il été si atrocement abattu ? Quel mal a-t-il commis pour mériter un sort si cruel ? En laissant la justice et les hommes de bonne volonté faire tout ce qui est de leur ressort pour que la vérité triomphe dans cette affaire, je n’hésiterai guère de dire et de soutenir fortement que notre frère a été victime de la méchanceté du coeur humain, de la barbarie des hommes qui ne veulent ni Dieu, ni ses oeuvres qui s’accomplissent par ses envoyés.

    Oui, le Frère Joseph a été assassiné chez nous en Guinée, et précisément à Kataco, parce qu’il est de Dieu par vocation : il avait laissé son peuple, sa famille pour être témoin de l’amour de Dieu parmi nous. En étant de Dieu, toutes ses oeuvres étaient celles de Dieu. En cela, nous osons dire que Dieu était du côté du Frère Joseph parce que ses oeuvres étaient celles de Dieu.

    Avec l’Apôtre Paul, le protecteur des Missionnaires de tout temps et de tout lieu, nous redisons ceci : « Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le supplice ? Non, car en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés ... » (Rm 8, 31s).

    Dans son apostolat chez nous à Ourous et à Kataco, le Frère Joseph, et avec lui les autres Missionnaires en Guinée et au Bagataye, en particulier, ont connu la détresse, l’angoisse, la persécution, le dénuement, le danger et le supplice dont parle l’Apôtre Paul ; et Frère Joseph est resté attaché au Christ et à son service sans jamais se séparer de son amour ! Il est resté fidèle jusqu’au bout.

    L’intention de ces hommes sans scrupules qui se disent « taillons l’arbre à la racine » et ainsi il ne fleurira plus ; ces hommes sans vergogne qui ont volontairement émousser leur conscience et veulent assassiner Dieu et son oeuvre dans le coeur des hommes et des femmes de notre peuple en assassinant ses missionnaires ; ces hommes sont avertis par l’Apôtre Paul en ces termes : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 38-39).

    Comme la puissance du mal n’a pu enfermer pour toujours dans le silence de la tombe le Fils de Dieu et son oeuvre, ainsi les menaces, les angoisses, les persécutions et les dangers subis par notre Frère avant d’être abattu par des hommes, qui ont profané en eux-mêmes l’image de Dieu, ne pourront mettre fin à sa vie et à son oeuvre dans le coeur de notre peuple, ce peuple qu’il a portant aimé et voulu servir jusqu’au bout. Jusqu’à la mort.

    Frères et soeurs en Christ, prenons conscience d’une chose : toute personne ou peuple qui assassine un Missionnaire est une personne ou un peuple attaché à un dieu, qui n’est pas le Dieu de Jésus Christ. Ces faux dieux, que nous appelons communément les idoles, ne sont rien d’autres que des oeuvres insignifiantes de nos mains de pécheurs. Ces dieux qui ont des bouches et ne parlent pas ; des yeux et ne voient pas ; des oreilles et n’entendent pas ; des pieds et ne marchent pas ; des coeurs et n’aiment pas. Assassiner un Missionnaire c'est vouloir assassiner Dieu lui-même pour installer des idoles à sa place.

    Frères et soeurs, permettez-moi de vous le dire devant Dieu et devant son peuple : le sort de cette portion de notre Eglise me préoccupe ! Combien de difficultés dans la vie des Missionnaires qui y travaillent ! Combien de soucis pour que l’Evangile soit réellement accueilli dans la vie de ses fils et de ses filles !

    Frères et soeurs en Christ du Bagataye, unissons-nous dans la prière et invoquons la miséricorde de Dieu pour son serviteur Joseph qui entre aujourd’hui dans la longue lignée de ces nombreux témoins qui ont tout abandonné pour porter leur croix à la suite du Christ, pour la gloire de Dieu et pour le salut de notre Guinée. Il est désormais du nombre de ces saints qui « viennent de la grande épreuve et qui ont lavé leurs vêtements, et les ont purifiés dans le sang de l’Agneau ».

    En invoquant la miséricorde de Dieu sur nous et sur ceux qui ont commis ce crime odieux, nous prions Dieu afin que le sang de notre Frère versé par notre peuple et pour notre peuple irrigue nos coeurs de pierre et les transforme en coeurs de chair capables d’aimer et de servir le seul vrai Dieu, en aimant et en servant l’homme créée à son image et à sa ressemblance.

    Puisse le Seigneur nous donner d’abattre les idoles qui éloignent nos coeurs du seul vrai Dieu Un et Trine. Nous demandons cette grâce à Lui, Dieu, notre Père, à son Fils, Jésus Christ, notre frère venu pour nous sauver des forces du mal et à l’Esprit Saint notre Consolateur, aujourd’hui et pour les siècles des siècles !




    Mot du Supérieur provincial des Frères de Saint Gabriel

    Chant :

    Je crois en toi, mon Dieu,
    Je crois en toi,
    Vivant, mystérieux,
    Si près de moi.
    Dans tous les désarrois
    Tu garderas ma foi.
    Je crois en toi, mon Dieu ;
    Je crois en toi.

    Excellence, Monseigneur Vincent Coulibaly, Archevêque de Conakry,
    Révérend Frère Jose Thottiyil, Vicaire général des Frères de Saint-Gabriel,
    Excellence Monsieur l’Ambassadeur de France en Rép. de Guinée,
    Excellence Monsieur l’Ambassadeur du Sénégal en Rép. de Guinée représenté,
    Monsieur le Procureur de la Rép. de Guinée,
    Messieurs les Autorités civiles, administratives et militaires,
    Chers parents du Frère Joseph DOUET absents,
    Révérend Père Armel DUTEIL, Curé de la Paroisse Saint-Jean de Kataco et vous tous de l’équipe pastorale paroissiale,

    Chers frères de l’église anglicane de Guinée,

    Chers paroissiens de Kataco et de Kamsar,

    Chers frères croyants musulmans de Kataco et d’ailleurs,

    Chers parents anciens et actuels de l’internat de Kataco,

    Vous tous amis arrivés de Kamsar, Boké, Boffa, Conakry et d’ailleurs,

    Chers confrères de Saint-Gabriel,

    Très chers internes anciens et actuels,

    Que le Dieu de la paix et de l’espérance soit votre réconfort !

    Il est des circonstances qui commandent de garder le silence. Celle qui nous rassemble en ce jour en est une. Et j’aurais aimé tant me taire en ce moment, ne rien dire, tant la parole me semble de trop, superflue, risquée.

    Frère Joseph est mort, de la façon que nous connaissons : tragique, injuste, inhumaine, ignominieuse. Cela doit rappeler aux chrétiens présents dans cette église le sacrifice du Dieu d’amour, le dieu de Joseph, célébré il y a seulement quelques semaines et que nous renouvelons aujourd’hui pour accompagner Frère Joseph à sa dernière demeure.

    Nous sommes indignés. Nous nous posons des questions, beaucoup de questions.

    Je voudrais, en ce moment, emboîtant le pas au Père Armel depuis que c’est arrivé, nous inviter au calme. Dieu nous garde de tout sentiment de haine et de vengeance, de toute conjecture malveillante ! Des professionnels se sont saisi de la question et nous avons grand espoir qu’ils parviendront pour très bientôt à des résultats satisfaisants.

    J’aurais aimé me taire, dis-je, car le Frère Joseph n’a rien dit. Il aurait été tué alors qu’il priait avec son bréviaire. Mais je veux bien vous adresser quelques mots sur lui tant il est vrai que la vie d’un homme, quel qu’il soit, est un discours.

    Qui était le Frère Joseph ? Voici très brièvement retracée sa vie.

    Le Frère est né le 20 mars 1946 au Pin en Mauges, en France. Tout jeune, Dieu lui avait découvert qu’il le voulait tout donné à lui et aux autres. C’est ainsi qu’on le voit de 1959 à 1962 au Petit Juvénat de la Tremblaye. C’est le début de sa formation à la vie religieuse qui le mènera de 1962 à 1964 au Grand Juvénat à Saint-Laurent s/Sèvre, de 1964 à 1966 au Noviciat au Boitissandeau, de 1966 à 1968 au Scolasticat à la Garde à Avrillé. Sa formation terminée, il est affecté comme instituteur à l’école Gélusseau de Cholet de 1968 à 1971. 1971 marque le début de son séjour au Sénégal, où il arrive pour effectuer son service militaire en tant que coopérant. De 1971 à 1976, on le voit au Collège du Sine à Fatick, d’abord comme professeur puis directeur de 1976 à 1985. Exigent et rigoureux pour lui-même, il ne l’était pas moins pour les autres. C’est un homme qui semblait être fait pour diriger. On a encore une illustration de cela en 1985 où, libéré de la direction du Collège du Sine, il lui est confié celle du Petit Juvénat de Fatick., qu’il ne quittera en 1986 que pour prendre celle du Scolasticat Keur Montfort de Dakar jusqu’en 1988. Entre temps, une terrible maladie, le cancer, s’était déclarée chez lui. Grâce à Dieu et aux médecins mais sans doute aussi à son moral de fer, il en triomphera. Nous y vîmes un signe de Dieu au point que d’aucuns n’hésiteront pas à le surnommé le miraculé. C’est ainsi que les Frères n’eurent aucune peine à le choisir comme leur Supérieur provincial en 1988, charge qu’il ne laissera qu’en 1995, après deux mandats. Un appel retentissait alors de la Guinée : Nous voulons des Frères chez nous pour l’éducation des enfants. Joseph, libéré de ses charges de Provincial, alors qu’il pouvait prétendre à une année sabbatique bien méritée, se dit disponible pour aller lancer les Frères en Guinée. C’est à Ourous (Koundara) où il demeurera jusqu’en 2000. Enfin, à partir de 2000, il est à Kataco jusqu’à ce mardi soir 08 avril 2008 où la mort est venue nous l’arracher de façon si brutale.

    Que retenir de cette vie si riche ?

    Le Frère Joseph laisse le souvenir d’un homme de foi et de prière. La mort ne l’a-t-elle pas trouvé en pleine prière ? Pour rien au monde il ne voulait manquer le rendez-vous quotidien avec son Seigneur dans l’Eucharistie. Une foi qui se manifestait aussi à travers un attachement visible à sa congrégation. L’insigne de sa famille religieuse qu’il a porté au cou jusque dans la mort en est une preuve éloquente.

    Frère Joseph aimait le Christ. Il l’avait découvert et voulait aider à le faire découvrir plus et mieux. C’est ainsi qu’il a été plusieurs années durant animateur de sessions spirituelles pour jeunes profès et professes, d’abord au Sénégal puis en République de Guinée.

    L’homme était doué comme son nom, avec une bonne intelligence pratique. Plus d’une installation en électricité et en plomberie dans nos structures sont son oeuvre. On trouve même des plans de construction tel celui de la chapelle de Fédé (Ourous) réalisés par lui.

    Que dire de son amour de la vérité, de son franc-parler et de son refus de la facilité qui en auront gêné plus d’un ? Frère Joseph est un martyre de la vérité.

    Que dire de sa disponibilité qui l’a conduit à venir lancer la congrégation à Ourous puis à Kataco ?

    Que dire de sa simplicité ? Que dire ? Que dire ?

    Il y aurait encore beaucoup de choses à souligner chez le Frère Joseph. Ma prière pour chacun de nous est que son esprit puisse saisir, sa mémoire retenir et sa vie exprimer tout ce qu’il admire dans la vie de cet homme.

    Le Frère Joseph est donc mort, Population de Kataco. Notre premier envoyé en terre guinéenne a été éliminé. Et, conformément à une décision capitulaire prise il y a quelques années, sa place était dans le cimetière paroissiale de Sainte-Anne à Thiès au Sénégal. Mais, nous vous le laissons, pour signifier toute sa passion pour Dieu et pour l’humanité, une passion qui l’avait mené jusqu’à vous. Il n’a jamais reculé devant le danger. Il a mis la main à la charrue et n’a jamais regardé en arrière. Il a quitté père, mère, frères et soeurs, pays. L’amour de vous et de vos enfants l’a conduit à la mort. Qui sommes-nous alors pour entacher une telle oblation en vous le retirant pour le Sénégal ?

    Frère Joseph est donc mort, Peuple de Guinée. Alors que nous aimerions bien faire voir ses restes au gros de notre Province qui se trouve au Sénégal. Nous vous le laissons au nom de notre amour pour vous et de notre attachement pour la Guinée. Frère Joseph est mort mais la mission continue. Nous sommes avec vous aussi longtemps que le Seigneur le voudra.

    C’est, à n’en point douter, une grosse erreur que d’avoir tué le Frère Joseph. Et ma conviction est que ceux qui l’ont fait se sont trompés d’ennemi. Nos ennemis à nous, Africains, sont bien connus. Ils ont pour noms : ignorance, pauvreté, paresse, division, corruption, etc. Contre de tels ennemis, aucune aide n’est de trop. Accueillons mieux ceux qui viennent nous aider.

    Merci d’être venu prier avec nous.

    Puisse le sang répandu du Frère Joseph être semence de chrétiens, tout simplement, semence de croyants craignant Dieu et respectant les hommes.

    Chant :

    J’espère en toi, mon Dieu,
    J’espère en toi.
    Ta main, du haut des cieux,
    Prend soin de moi.
    Quand sous l’effort je ploie,
    Quand sombre toute joie,
    J’espère en toi, mon Dieu,
    J’espère en toi.

    Frère Jean-Paul MBENGUE
    Supérieur provincial




    Quelques messages de condolèances

    Du Sénégal

    Abbaye de Keur Moussa

    Cher Père Evêque,

    Avec toute la communauté de Keur Moussa et Séguèya, nous venons témoigner notre sympathie et profonde douleur à l’occasion de cette mort que vous qualifiez justement de « sauvage » du Frère Joseph DOUET. Paix à son âme.

    Puisse son sacrifice secouer les consciences et arrêter ces actes inhumains et barbares !

    Puisse le sang des innocents favoriser plus de justice, de liberté, de paix, et d’amour dans notre société !

    Que rien pas même la mort ne nous empêche d’aller toujours de l’avant, dans l’annonce du Royaume de Dieu, source de l’épanouissement véritable de l’homme appelé à contempler Dieu et à avoir part à sa béatitude.

    Frère Ange-Marie Niouky osb
    Abbaye de Keur Moussa

    Pères Spiritains de la FANO (Dakar)

    Bien cher Monseigneur,

    Nous sommes désolés, tous les spiritains de la Fondation, à l'annonce de l'assassinat du Frère Joseph DOUET.

    La tristesse et la consternation nous affectent quand nous pensons à la tristesse de sa famille humaine, de sa famille religieuse et à votre épreuve à vous Monseigneur VINCENT, premier pasteur de l'Eglise de Guinée Conakry. C'est toute l'Eglise qui est en Guinée qui est

    touchée. Nous vous assurons de notre prière pour ce missionnaire qu'était le Frère DOUET, et pour vous même qui devez gérer cette situation difficile. Nous n'oublions pas la communauté chrétienne de Kataco où tous les innocents à la violence sont touchés dans leur être profond, chrétiens et musulmans.

    Recevez, Monseigneur, l'assurance de notre sympathie, de notre prière.

    Père Serge BALLANGER
    Supérieur Principal des Pères Spiritains à

    De France

    Du Père André Mamadouba CAMARA

    J’ai essayé de vous joindre hier à Kataco pour vous présenter mes condoléances, mais le réseau n’a pas répondu à mon appel. Je savais que le diocèse était réuni autour du corps du Frère Joseph DOUET pour célébrer ses obsèques.

    Je suis consterné devant l’abomination de ce crime qui nous plonge dans les ténèbres de la déréliction. Un tel évènement n’est jamais advenu, je crois, dans la vie de l’Eglise de Guinée.

    Quel en est le signe, dans le contexte socio-politique de notre pays ? Est-ce à cette solidarité intime avec l’histoire de la Guinée que nous convie cette tragédie ?

    En espérant que la lumière sera faite un jour autour de l’assassinat du Frère Joseph, je porte avec vous la passion de notre Eglise, de la Famille religieuse Saint Gabriel et de la Communauté Chrétienne de Kataco. Avec vous, je voudrais entendre, dans la prière et l’espérance pascale, le Seigneur dire au bon et fidèle serviteur que fut le Frère Joseph. « Entre dans la joie de ton Maître ! ».

    Avec l’assurance de ma communion dans la prière.

    Du Père Gérard VIEIRA

    Cher Monseigneur,

    Fabienne m'a transmis l'avis de décès du Frère Joseph Douet et, bien sûr, cela m'a profondément choqué. Je connaissais bien le Frère depuis le Sénégal, je lui avais rendu visite quand il s'installait à Ourous. C'était un homme tout dévoué à l'avancement de ses élèves et au développement du Sénégal d'abord puis de la Guinée. C'est vraiment de la folie de tuer des gens tout dévoués au bien des autres, sans doute pour quelques pièces d'argent... Mais n'est-ce pas ce qui est arrivé au Christ lui-même ?

    Hier déjà, j'ai eu une intention spéciale pour le Frère Joseph, pour la mission de Kataco et pour le diocèse de Conakry au cours de mon eucharistie matinale. Je vous présente, ainsi qu'à la congrégation des Frères de St Gabriel, toutes mes condoléances bien sincères.

    En union de prière,

    Du Père Raymond MICHAUD

    Cher Monseigneur,

    C’est avec consternation que j’ai lu votre avis de décès du Frère Joseph DOUET, à vous, à la communauté des frères à Kataco à tous ceux qui sont affectés par ce décès, je présente mes sincères condoléances et l’assurance de mes prières pour le défunt et la communauté chrétienne de Kataco.

    De l'Allemagne (DCV)

    Chers partenaires et amis,
    cher Père Armel
    Quelle effroyable nouvelle que cet acte gratuit! Que dire de cette disparition soudaine? Les mots n'ont plus de poids et la révolte n'a pas de sens. La vie est ainsi faite:, un passage programmé où chacun doit donner un peu du sien pour le bien commun. Nous sommes persuadés que Frère Joseph s'est donné entièrement à son sacerdoce et qu'il vous manquera. Il a plu à Celui pour qui il avait tout laissé derrière lui, à qui il avait consacré sa vie, de rappeler son serviteur à lui. Nous sommes sûrs qu'il repose désormais dans Sa paix.

    Que la terre lui soit légère!
    A vous Père Armel, vous perdez tragiquement un serviteur acquis à la cause que vous défendez. Nous en sommes tous attristés et ne comprenons pas. Mais les voies de notre Seigneur sont inéluctables. Prions pour son âme et que le Seigneur l'accueille dans sa demeure éternelle!.

    Nous vous prions de transmettre toutes nos sincères condoléances á sa famille privée et religieuse et au diocèse qui perd lui aussi un serviteur dévoué.

    Nous vous assurons de nos sentiments de douloureuse sympathie et de vive compassion.

    Hannes Stegemann

    De Guinée

    Association des Femmes Catholiques de l’Archidiocèse de Conakry

    Nous avons appris avec amertume l’assassinat à Kataco du Révérend Frère Joseph DOUET, des Frères de Saint Gabriel.

    Face à ce douloureux événement, l’Association des Femmes Catholiques de l’Archidiocèse de Conakry vous adresse ses condoléances les plus émues.

    Aussi, nous femmes Catholiques, nous le porterons dans nos prières pour le repos éternel de son âme.

    Vous en souhaitant bonne réception, veuillez agréer, Excellence Monseigneur Vincent COULIBALY, Archevêque, l’expression de notre haute considération.

    P/Le Bureau de l’ADFCAC

    La Présidente

    Mme. KOUNDOUNO Madeleine Léala

    Déclaration de la Structure de Veille

    Peuple croyant de guinée

    Nous, Chefs Religieux Musulmans et Chrétiens, membres de la Structure de Veille, avons appris avec consternation l’abominable crime perpétré sur la personne du Frère Joseph DOUET, missionnaire de l’Eglise Catholique, de nationalité française travaillant à Kataco, sous-préfecture de Bintimodia, Préfecture de Boké.

    Frère Joseph DOUET a été froidement assassiné par des individus sans vergogne et sans foi.

    Condamnons cet acte odieux commis dans un pays de croyants.

    Invitons les Autorités compétentes à prendre toutes les dispositions pour que la lumière soit faite et que les auteurs soient démasqués et traduits en justice.

    Adressons nos sincères condoléances à Monseigneur Vincent COULIBALY, Archevêque de Conakry, à la famille éplorée, à la communauté chrétienne de Guinée.

    Conakry, le 10 avril 2008

    Ont Signé :

    Imam Ratib Grande Mosquée Fayçale
    El Hadj Ibrahima BAH

    Archevêque de Conakry
    Monseigneur Vincent COULIBALY

    Evêque du Diocèse Anglican
    Monseigneur Albert D.G. GOMEZ

    Vice Président Eglise Protestante
    Révérend Pasteur Siméon ZOUMANIGUI

    Commission de Coordination des Religieuses/Religieux
    Archidiocèse de Conakry




    Conakry, le 15 avril 2008

    Chers Frères de Saint Gabriel : votre douloureuse épreuve nous émeut profondément et nous voulons vous dire la part sincère que nous, religieuses/religieux de l’Archidiocèse de Conakry, prenons à votre chagrin.

    Notre présence, en tant que représentants des religieuses et religieux oeuvrant dans l’Archidiocèse de Conakry, aux funérailles de notre bien aimé Frère Joseph DOUET, se veut un témoignage de l’union fraternelle que nous voulons pour tout le peuple de Dieu en Guinée et plus particulièrement au Bagataï.

    Nous sommes unis à vous dans cette expérience douloureuse, mais aussi dans l’espérance chrétienne du triomphe de Jésus, LE VIVANT, sur la mort, la souffrance…le mal.

    Que le sang versé de notre Frère Joseph soit la semence de nombreuses et saintes vocations religieuses et sacerdotales pour la Guinée.

    Nos salutations cordiales et fraternelles à tous les Frères de Saint Gabriel, les fils de

    Saint Louis-Marie GRIGNON DE MONFORT, en mission dans l’Archidiocèse de Conakry et dans le monde :

    • Fr. Jean François BONANG et Fr. Janvier MANGA (Ourous),
    • Fr. Zachary DIEME et Fr. Maurice DIONE (Kataco),
    • Fr. Etienne GUEYE et Fr. Bernard DIOUF (Katacodi).

    En union de prières et d’enthousiasme pour la mission,

    Soeur Marie Jeanne (N.D de Guinée) Soeur Emilienne Marie (S. Joseph de Cluny) Fr. Stéphane Léon (Sacré Coeur) Fr. Pedro María (FEC, De La Salle)




    Ecole Primaire Catholique

    « La Sainte Famille »
    Coyah S/couvert
    B.P 2016 Conakry

    Coyah, le 19 avril 2008

    A son Excellence Monseigneur Vincent COULIBALY, Archevêque de Conakry

     : Message de Condoléances suite au décès par assassinat du Frère Joseph DOUET, Frère de Saint Gabriel, à Kataco

    Suite au tragique décès du Frère Joseph DOUET à Kataco, notre école a voulu à travers ces quelques messages, transmettre à l’Eglise de Guinée, à travers votre autorité paternelle, et à la communauté des Frères de Saint Gabriel, notre prière et compassion

    Nos élèves du CM1-CM2 travaillent depuis le mois de janvier de cette année scolaire sur un thème qui nous touche tous : « Pourquoi je dis « Non » à la violence » ! Violence scolaire, violence dans les familles, violence au quartier, violence dans le pays… cette disparition tragique nous touche d’autant plus que le Frère Joseph DOUET était un éducateur et qu’il s’est donné ici en Guinée dans l’encadrement de la jeunesse.

    Nous n’avons pu rester insensible à ces circonstances tragiques et nous prions Notre Dame de Guinée de veiller et soutenir tous les effort pour que l’Amour de Dieu reste toujours un ferment de Paix et d’Unité.

    Nous vous redisons notre prière et vous demandons de la transmettre à la communauté des Frères de Saint Gabriel.

    La Directrice : Soeur Marguerite Marie




    Le frère Joseph, homme de Dieu

    Le frère Joseph était un homme très entreprenant et courageux. Il aurait pu terminer sa vie tranquillement au Sénégal. Il a accepté de venir lancer deux nouvelles activités de sa congrégation à Ourous d'abord, puis à Kataco.

    A Kataco, il a regardé ce qu'il y avait à faire. Il a voulu lancer des écoles de villages et un centre d'agriculture. Malheureusement, la population n'a pas répondu à son espoir.

    Il a soutenu l'école primaire, mais surtout il a lancé l'internat pour une meilleure éducation des enfants. Cela répondait à un vrai besoin, les demandes venaient très nombreuses : il ne pouvait pas toutes les satisfaire. Les parents ont été unanimes pour reconnaître la qualité de l'éducation donnée à l'internat. La vie communautaire, le partage et l'amitié y régnaient, de même que le respect des différentes religions. Le frère Joseph faisait venir un maître islamique pour les enfants musulmans, pour qu'ils soient formés dans leur religion. A la suite du père Bienvenu, il avait mis en place un système de parrainages, auquel ses propres parents participaient activement. Ce qui lui permettait d'accueillir des enfants de familles nécessiteuses, pour leur permettre de faire des études. C'était cela le frère Joseph.

    Il avait aussi un grand désir de la vérité. Il ne supportait pas le mensonge et n'avait pas peur de dénoncer les vols, détournements et autres méfaits. C'était un grand travailleur doué aussi bien au niveau manuel qu'intellectuel. Il aimait le travail bien fait et il était exigeant envers ceux qui travaillaient avec lui. C'est même sans doute ce qui a entraîné sa mort. Beaucoup n'ont pas compris que c'était sa façon de vivre et de faire vivre l'Evangile et qu'il agissait ainsi pour faire grandir les personnes, pour l'avancée du village, le développement du pays et le bien de tous. Ils n'ont pas su découvrir la gentillesse et le bon coeur du frère Joseph, qu'il cachait par pudeur et simplicité.

    En tout cas, il était courageux. Et malgré les menaces de mort à son sujet depuis 2001, il a tenu à rester à Kataco pour continuer son oeuvre d'éducation et d'Evangélisation. Bien plus, quand l'évêque a dû enlever les prêtres de la paroisse à cause de ses mêmes menaces. C'est le frère Joseph qui l'a tenu pendant une année. Et par la suite, avec humilité, il a su laisser la place au nouveau curé, tout en continuant à participer activement à la vie de la paroisse. C'est lui qui chaque semaine composait les introductions et commentaires de la messe. Il dirigeait la liturgie de la Parole pour les enfants. L'année dernière, c'est lui qui avait fait la 1ère conférence de Carême.

    Pour ses frères, en communauté, il était vraiment le grand frère, sur lequel les plus jeunes pouvaient s'appuyer. Là-aussi il était toujours avec le même sérieux et la même exigence, mais plein de bonté et de compréhension.

    Dans notre équipe apostolique, il tenait sa place de la même façon. Toujours présent à la prière de l'office, que nous récitons chaque jour ensemble, prêtres, frères et soeurs. Il avait toujours une bonne parole pour chacun avec un sens de l'humour très développé qui n'appartenait qu'à lui. Il était toujours prêt à rendre service, mettant volontiers ses connaissances techniques au service de tous.

    Nous étions les 2 vieux de cette équipe apostholique. Pour moi, c'était vraiment un frère dans tous les sens du terme. Il y avait entre nous une grande amitié et une vraie complicité. Et on a assassiné le frère Joseph.

    Que dire, devant un tel crime odieux ? Nous ne comprenons pas et nous avons plutôt envie de nous taire. Dans notre coeur, nous cherchons à accueillir les pensées du Seigneur et son pardon. Nous ne voulons pas la vengeance. Nous ne voulons pas nous laisser prendre par la méchanceté à notre tour. Il y a déjà trop de violences autour de nous. Au contraire, nous nous engageons à lutter contre tout cela. Nous demandons simplement que justice soit faite et toute la lumière.

    Contenter d'entendre dire : “Le Père Joseph a été tué par deux voleurs”. Il y a plus que cela. Encore une fois, il y eu des menaces de mort, depuis 2001. Et aussi contre les autres prêtres, frères et soeurs. Le verdict attendu de la justice nous édifiera sur les efforts fournis à différents niveaux pour la sécurité des missionnaires. Nous voulons savoir ce (ceux) qu'il y a vraiment derrière cet assassinat. Nous le devons à la mémoire du frère Joseph.

    Et maintenant que faire ? Bien sûr, nous allons continuer le travail du frère Joseph : son travail dans la paroisse et son travail d'éducation. Et nous souhaitons que la communauté chrétienne de Kataco et tout le village comprennent les leçons que la vie et la mort du frère nous enseignent. Que nous cherchions la vérité en toutes circonstances. Que nous sachions dire la vérité sans cacher les choses. Et surtout, que nous sachions vivre dans la vérité.

    Que nous luttions contre le vol et les détournements d'argent qui tuent nos communautés et nos villages.

    Que nous sachions éduquer nos enfants, pas par la peur et les coups, mais par la douceur, les conseils, l'amour et surtout notre exemple.

    Que les jeunes acceptent de travailler et d'aider leur famille, au lieu de dépenser leur argent uniquement dans les vidéo clubs et les soirées dansantes.

    Que nous nous attachions à notre foi, selon l'exemple du frère Joseph.

    Que nous laissions les sacrifices traditionnels et les pratiques de fêtichisme et de sorcellerie.

    Que nous sachions construire de vraies communautés chrétiennes, car c'est en communauté que nous pouvons vivre l'Evangile, comme le frère Joseph.

    Et si nous voulons que l'oeuvre du frère Joseph puisse durer à Kataco, il faudra nous impliquer davantage et prendre en charge notre école, notre collège et notre internat, et toute l'éducation de nos enfants. Nous ne pouvons pas toujours attendre des parrainages ou des cadeaux venant d'ailleurs. Il faut nous prendre en charge. C'est une question de dignité.

    Frère Joseph, tu as combattu le bon combat. Tu as donné ta vie pour l'Evangile et pour le salut de tes frères spécialement des jeunes et des enfants. Va maintenant retrouver le Seigneur que tu as aimé, prié et servi dans toute ta vie. Nous prions pour toi et pour ta famille, qui t'a donné à l'Eglise du Sénégal et de Guinée. Va en paix et entre dans la lumière du Christ, pour y vivre de la joie qui ne finit pas. Jusqu'au jour où nous te retrouverons dans le bonheur sans fin du Christ. Toi non plus, ne nous oublie pas et prie pour nous. Que le Seigneur nous protège de la méchanceté et de la violence.

    Père Armel, curé de Kataco

    “C'est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle dans les petites choses. Entre dans la joie de ton Maître”. Mt 25, 23




    Ecole St Gabriel de Kataco
    Témoignage de parents d'éléves à la cérémonie d'inhumations du Frère Marie Joseph DOUET, directeur de l'internat de Kataco

    Intervention de Alexandre François LAMA en service à CBG, Père de 3 enfants internes depuis 2000 

    Le frère Marie Joseph DOUET est mort des mains des guinéens méchants ici à Kataco. Nous adressons à toute l’Eglise de Guinée, aux frères de la Congrégation de Saint Gabriel nos condoléances les plus attristées.

    Qu’a-t-il fait pour mériter ce sort ? Et pourtant, le Frère DOUET était une gentille personne et très utile à nous tous. Nous parents d’élèves qui avons fréquenté le frère sommes profondément attristés par sa disparition.

    Pour nous qui était le frère Marie Joseph DOUET ? C’était un très bon religieux, un bon chrétien, un bon catholique. Il respectait sa vocation ; celle de sa congrégation en plus de l’amour qu’il témoignait aux hommes. Il était un professionnel de la formation et de l’éducation des enfants. C’est lui DOUET qui allait, venait, rôdait sur toutes les aires des marché de la localité : Kataco, Kamsar, Kollaboui pour sélectionner, acheter, stocker et gérer la provision pour la restauration des enfants de l’internat.

    Quel témoignage que nous venons d’assister au marché de Sahara à Kamsar ! Au passage du cortège funèbre, toutes ces femmes vendeuses de riz, de poisson, d’huile de condiments étaient toutes alignées au bord de la route pour exprimer à haute voix leur compassion et leurs plaintes. Que leurs prières montent au ciel.

    Qui de nous parents d’élèves peut s’occuper correctement aujourd’hui de la formation et de l’éducation de ses enfants ? Personne de nous ne doute la réponse. Elle est négative. Sous le poids et les exigences des corvées professionnelles, il nous est pas aisé de s’acquitter correctement de cette responsabilisé qui nous incombe.

    Le frère Marie Joseph DOUET était par vocation et par compétence notre grand recours ; il aimait tellement nos enfants qu’il partageait avec eux des repas et des peines.

    En ces tristes moments, une question surgit et explore nos idées. Pourquoi l’a-t’on torturé et tuer si sauvagement ? Nous sommes presque tous ainsi par des idées et vengeance. Prions Dieu qu’il nous éloigne ces idées. Mais nous exigeons, nous parents d’élèves, que les auteurs de ce crime crapuleux soient démasquées et que justice soit rendue.

    Nous supplions le Frère Marie Joseph DOUET de nous excuser et d’intercéder pour nous au près de la Vierge Marie. Que les anges du ciel prennent le frère Marie Joseph DOUET dans les cieux et que son âme repose ici en paix. Amen

    Kataco, le 11 avril 2008

    Intervention de Oumar GUEYE, Directeur du Bureau d’Etudes BERCA-Baara Kamsar, père de quatre enfants internes depuis 2001

    C’est un homme ému, profondément touché qui prend la parole au nom des parents d’élèves internes, en cette circonstance douloureuse ce vendredi saint du 11 avril 2008 devant la dépouille mortelle du frère Joseph DOUET.

    En religieux, nous dirons que c’est le destin qui s’est accompli, le tout puissant en a décidé ainsi pour Frère DOUET qui a été assassiné pendant qu’il priait à 18h30 dans son bureau.

    Dieu a fait accomplir le destin du Frère DOUET devant ses confrères religieux venus de différents pays. Qui parmi eux pensait à la mort du Frère dans ces circonstances, assister à son enterrement avec tous les honneurs et ces hommes religieux et prestigieux qui sont regroupés autour de sa dépouille mortelle ?

    Je voudrais relater l’environnement dans le quel se situe cette école. A Kamsar, situé à 11 km d’ici, l’école des expatriés de CBG était la seule bonne école et comme son nom l’indique, elle n’est pas accessible à tout le monde. Cette école Saint Gabriel de Kataco a comblé ce déficit pour les multiples prestataires de CBG, les populations de Kamsar, de Kataco et autres projets désireux de donner une bonne éducation et dans la foi religieuse à leurs enfants.

    Je mesure à juste titre la mission de cette école qui fait payer 110 000 fg par mois et par élève interne et ce montant se décompose comme suit : scolarité 10 000 fg internat 90 000 fg et éducation coranique 10 000 fg. Les écoles qui fournissent la qualité en Guinée comme la Citadelle, école Turque située à Kipé fait payer 10 000 000 fg Guinée par an et par interne.

    La présence de cet internat dirigé par le Frère Joseph DOUET qui avait un gan de velours sur une main de fer, a permis à plusieurs pères de familles de renouer avec leurs enfants et leurs épouses grâce au changement de comportement de ces enfants.

    Pour l’année scolaire 2006-2007, cette école a présenté 32 candidats à l’examen d’entrée en 7ème année, le taux de réussite a été de 100 % contrairement aux autres écoles.

    Pour nous parents d’élèves qui l’avons côtoyé, nous devons profité de cette occasion pour dire qu’il est mort au service de la communauté pour la quelle il est venu à Kataco.

    Le Frère DOUET, n’a pas de distinction entre fils de pauvres et de riches, fils de chrétiens ou de musulmans, il a donné la chance à tous ceux qui veulent éduquer leurs enfants avec la foi religieuse.

    Je dois dire ici haut et fort que le Frère a prôné le dialogue islomo-chrétien, il a été un adepte dans son comportement, car beaucoup de musulmans ne voulaient pas envoyer leurs enfants à l’internat de peur qu’ils ne soient chrétiens.

    En l’abordant à ce sujet, il me dit Monsieur GUEYE, se sont des détracteurs, le vendredi je fais conduire les enfants musulmans à la mosquée située à côté de notre internat. Mieux j’ai en projet de recruter un maître coranique ; ce projet, il l’a réalisé avant de mourir, pour preuve voici le dernier reçu du versement que j’ai effectué le 02 avril 2008 sur le quel, il est mentionné.. « reçu de 880 000 fg de Monsieur GUEYE pour les mois de mars et avril 2008 pour : scolarité, internat et maître coranique », voici le reçu sans commentaire.

    Le Frère Joseph DOUET est mort au service de la communauté en accomplissant ses prières, que son âme repos en paix. Amen

    Kataco, 11 avril 2008




    Après l'enterrement du frère Joseph

    L’Archevêque a organisé un certain nombre de rencontres (voir l’autre papier). Il est venu passer une semaine dans la paroisse de Kataco, au Centre d’abord, puis dans les autres villages. Les populations, à chaque fois, ont remercié les missionnaires pour leur présence parmi elles et leur travail. Et ont demandé qu’ils continuent. Les gens sont venus très nombreux à ces rencontres. Ils nous ont présenté leurs condoléances et assuré de leurs prières. Ce qui domine c’est un sentiment de honte : « Nous ne croyions pas que nos enfants pourraient faire cela ». Pour les missionnaires de Kataco : prêtres spiritains, frères de St Gabriel, Sœurs de St Joseph de Cluny, nous ne nous laissons pas décourager et nous sommes décidés à continuer notre travail missionnaire, quelles que soient les difficultés. Mais comment le faire ?

    Nous sommes en pleine recherche, en lien avec toute l’Eglise de Guinée. C’est encore trop tôt pour y voir clair et prendre des décisions définitives. L’Eglise de Guinée est aussi dans l’embarras. Elle doit aussi se situer par rapport à l’Ambassade de France et le Ministère des Affaires Etrangères, car le frère Joseph était français. Et aussi par rapport à la famille que nous cherchons à informer et à soutenir de notre mieux. Tous veulent y voir plus clair, savoir ce qui s’est passé exactement, et surtout savoir ce qu’il y a derrière. Et le problème est donc de continuer à avancer. Ne pas rester sous le choc, ne pas nous décourager, remonter la pente et surtout en tirer le positif et voir ce que l’on va faire maintenant.

    Voici quelques éléments de réponses des gens : Les gens des villages se disent prêts à accueillir nos écoles, dispensaire et internat. Mais on ne peut pas transporter tous ces bâtiments ! Nous demandons plutôt que ce choc permette à tous de se réveiller pour trouver des solutions en se mettant ensemble. Nous avons déjà formé des gens en éducation (Jardins d’enfants) et en santé. Mais malheureusement cela n’avait pas abouti à des actions concrètes. Nous leurs avons demandé de se mettre au travail eux-mêmes et non pas se contenter de demander à l’Archevêque de construire des écoles et des dispensaires. Qui les prendra en charge ?

    Les villages environnants ont décidé, en particulier les femmes, de venir à Kataco-Centre pour conseiller les gens. Et surtout que les communautés chrétiennes s’organisent davantage et travaillent avec les musulmans. Vous avez organisé des prières, mais il faut que ces prières changent nos cœurs et aboutissent à des actions.

    Les sages des villages ont demandé aux jeunes filles de laisser les habits indécents et provocants. C’est insuffisant. Il s’agit d’éduquer vraiment nos enfants. En commençant quand ils sont petits. De lutter contre la drogue et ne pas permettre sa vente dans les villages. Faire réfléchir nos enfants par rapport aux soirées dansantes et aux vidéo-clubs. Que les jeunes chrétiens se retrouvent régulièrement pour réfléchir à leur vie et s’organisent ensemble avec tous les autres des villages. Que l’on organise des groupements de travail pour qu’ils gagnent leur vie au lieu de se tourner vers la délinquance.

    Les communautés chrétiennes doivent également se réveiller. Reprendre les réunions autour de la Parole de Dieu et suivre le programme qu’on a donné : prendre en charge la vie du village, les différentes prières, lutter contre les injustices, reprendre l’Evangélisation et la catéchèse en profondeur, aider les pauvres et tous les nécessiteux, réconcilier les gens et faire grandir la paix, le travail et la bonne gestion de l’argent. Que les femmes aussi s’organisent et participent aux réunions de formation de la paroisse et les mettent en pratique, comme, par exemple, celle de Kataco sur l’éducation des enfants, celle de Mare sur la santé, et celle de Kawas sur les veuves et les orphelins. Nous leur demandons de relire les différents documents envoyés à la suite de ces formations. Il faut absolument arrêter les vols, non seulement contre la Mission, mais contre nous tous. Et terminer les travaux de la route que le Frère avait commencés.tion des enfants, celle de Mare sur la santé, et celle de Kawas sur les veuves et les orphelins. Nous leur demandons de relire les différents documents envoyés à la suite de ces formations. Il faut absolument arrêter les vols, non seulement contre la Mission, mais contre nous tous. Et terminer les travaux de la route que le Frère avait commencés.

    Nous avons également insisté sur l’importance de l’entente entre chrétiens et musulmans. Que pour l’éducation des enfants, chacun se sente responsable de tous les enfants du village. Que l’on n’accepte pas que nos enfants ramènent chez nous des objets ou de l’argent obtenus par le vol ou la prostitution. Et que l’on ne défende pas à tout prix nos enfants quand ils ont mal agi. Il y a trop de violence dans nos villages. Il faut à tout prix rebâtir la paix et l’entente.

    Dans chaque village, ils ont proposé de se retrouver entre eux pour réfléchir à tout cela et proposer leurs solutions et actions à mener.

    Le gros problème partout : ce sont deux jeunes qui ont assassiné le Frère Joseph, mais très peu de jeunes ont participé à nos rencontres. Et nous ne savons pas quelle est leur réaction. A partir de ce triste événement, nous aurions souhaité une mobilisation des jeunes. Elle ne s’est pas encore effectuée.

    Comme expliqué, il y a une volonté de nuire à la mission catholique et d’empêcher le travail des missionnaires. Nous vivons dans un climat trouble, où il n’y a pas de vérité et où on protège les voleurs dont on assure l’immunité. Il y a encore des sacrifices traditionnels et des problèmes de sorcellerie. Nous vivons dans un climat de violence et de peur. Il y a trop de haine, entretenue par les anciens qui voient que l’Evangélisation leur fait perdre leur pouvoir traditionnel et leur main-mise sur les femmes et les jeunes. Et ils agissent dans l’ombre. C’est contre tout cela qu’il va nous falloir lutter, tous ensemble, sans nous décourager et avec persévérance. Et les autres communautés de la paroisse de Kataco se sont engagées à agir pour que la vie de Kataco-Centre change. Elles sont très remontées contre les gens de Kataco « qui ont détruit l’honneur de tout le peuple baga ». Nous les avons poussées à encourager les gens de Kataco et à les aider à se relever plutôt qu’à les rejeter.







    Compte rendu des rencontres à la suite de l'assassinat de Joseph Douet

    Ce rapport d’étude de terrain, mené durant plusieurs semaines, tente, parallèlement aux enquêtes que conduisent les autorités judiciaires de notre pays, de comprendre et d’élucider les mobiles qui ont causé l’assassinat du Frère Joseph DOUET. Pour ce faire, une analyse historique des évènements et de nombreuses rencontres qui ont eu lieu avant cet assassinat et après les obsèques du Frère DOUET, ont permis de nourrir notre travail, le tout se déroulant, il faut le souligner, dans un contexte socio-culturel spécial..

    Suite à ce crime horrible et barbare, des gens se sont exprimés, des propositions d’action ont été prises pour pacifier les rapports sociaux en vue de nouvelles dynamiques de construction à la fois humaines et spirituelles.

    Introduction : rappel historique

    Selon certains témoignages, les premières menaces de mort ont eu lieu dès 2001, au moment de la construction de l’Internat par les Frères. Ce projet, n’aurait pas reçu l’aval des anciens, pour des raisons non encore élucidées.

    Des chrétiens de Kamsar sont alors intervenus auprès de ceux de Kataco. L’internat a commencé à fonctionner, mais les menaces et les tensions ne se sont pas arrêtées pour autant.

    Le 12 septembre 2005, un certain comité de pilotage de la jeunesse de Kataco a adressé à Monseigneur l’Archevêque une lettre accusant les prêtres, en particulier le Père Guillaume Hawing, de rejeter l’usage de la langue baga, de refuser les séminaristes bagas et de mal faire leur travail ; et demandant le départ des missionnaires.

    Le 5 octobre 2005, à la célébration du dimanche, Jules BANGOURA un jeune originaire du village, étudiant à Kankan, en vacances à Kataco a donné une intention à la prière universelle, dénonçant « la mauvaise gérance de la paroisse et le mauvais témoignage du clergé ». Sur ce, Monseigneur a envoyé une délégation pour rencontrer les chrétiens de Kataco et gérer au mieux cette situation de crise. A la suite de quoi, Monseigneur a écrit une lettre le 30 décembre 2005 pour demander à la communauté de se reprendre.

    Le Frère Carmo ayant été menacé de mort par une lettre affichée à la porte de l’église paroissiale, il en a informé le président du district. Le conseil paroissial et les sages ont alors écrit le 12 janvier 2006 à l’Archevêque en disant leur volonté de trouver une solution à la crise et en promettant que toute la population, musulmans comme catholiques, protègerait les missionnaires, que rien ne leur arriverait et qu’une prière publique de réconciliation à la grotte serait organisée.

    Le 13 mars 2006, nouvelle menace de mort, cette fois-ci contre les Frères Zacharie DIEME et Michel DIOUF, enseignants à l’école de la paroisse, affichée à la porte de la classe de 7ème année et signée de « Kaïla, Yvonne et Léonie ». Le frère Joseph DOUET envoie alors une lettre le 13 mars 2006 cosignée par le vice président du conseil paroissial, Monsieur Gilbert Torwa BANGOURA, au président du district de Kataco, avec copie à la gendarmerie et au sous préfet de Bintimodia, de même qu’au procureur de la République à Boké, signalant que « c’est la deuxième menace de mort contre les missionnaires cette année » et demandant « une enquête sérieuse et rapide pour démasquer ceux qui veulent détruire la mission Catholique de Kataco ».

    Le 23 mars 2006, les catéchistes, responsables de CCB et sages se réunissent à Kataco. Le Frère DOUET, responsable par intérim de la paroisse, indique dans son rapport que : «Ce sont toujours les mêmes refrains qui reviennent : excuses, demandes de pardon auprès des missionnaires, promesses que cela ne se reproduirait plus et que les gens ne passeraient jamais aux actes à Kataco. Mais le sujet réel n’est jamais abordé (pourquoi tout cela se passe-t-il à Kataco) ? Le problème c’est en particulier la jalousie des sages et le mécontentement des membres des conseils paroissiaux précédents qui critiquent systématiquement le nouveau conseil paroissial et le travail des missionnaires. Et qui demandent qu’on leur partage les bénéfices de l’école primaire paroissiale et du dispensaire, puisque « la paroisse, c’est eux ». Alors que ces œuvres sont largement déficitaires et ne fonctionnent que grâce à des aides extérieures : dons, parrainages, envois de médicaments, etc… on demande à tous de changer leur vie, en profitant de ce temps de carême. Chacun dit avoir bien compris le message et repart satisfait de cette réunion »

    Le 26 mars 2006, Monseigneur vient lui-même à Kataco accompagné d’une délégation importante dont Mère Louis CURTIS. Il rappelle l’importance du travail des missionnaires. Il demande que cessent dorénavant ces menaces de mort, que les chrétiens assurent l’entretien de la palmeraie, précieux héritage reçu des premiers missionnaires. Que la paroisse assure la prise en charge des prêtres à venir et s’organise pour ne plus être des perpétuels assistés, que les anciens arrêtent de bloquer la marche de la paroisse, que chacun se convertisse et qu’en ce temps de carême nous chassions tous les démons pour vivre d’une vie nouvelle. Au cours de la discussion, ni les hommes ni les jeunes, ni les responsables du conseil paroissial ou des CCB, ni les catéchistes ne diront la vérité. C’est-à-dire dénoncer les tendances lourdes qui minent la vie de la Paroisse. Seules les femmes le feront. A la fin de la réunion le conseil paroissial signe un engagement à prendre en charge les prêtres, à savoir leur nourriture et leurs déplacements dans la paroisse, à travailler pour la caisse paroissiale et surtout à rassembler tous les fidèles dans l’unité. Les sages reconnaissent que depuis l’envoi de la lettre du 12 septembre du comité de pilotage de la jeunesse « les vols, les menaces de mort et de jalousie » ont continué. En conséquence, ils s’engagent solennellement à « sauvegarder désormais la sécurité des missionnaires et des biens de la paroisse, entre autres la palmeraie et à prendre les prêtres en charge ». Les jeunes se sont engagés de même, ainsi que pour la formation biblique. Finalement, Anne Marie BANGOURA au nom des femmes, s’est également engagée devant tous.

    Entre temps, le Père Igbé TERKURA, spiritain nouvellement ordonné au Nigeria est arrivé. Il est prévu pour Kataco. Mais la situation ne s’améliore pas. Le Père Serge BALLANGER, responsable des spiritains d’Afrique de l’Ouest, se voit obligé de rappeler le Frère Carmo GOMES au bord de la dépression nerveuse. Dans ces conditions, Monseigneur demande au Père Igbé de résider à Boffa, avec la possibilité de venir en tournées pastorales à Kataco. Il vient donc célébrer les Rameaux et Pâques avec les chrétiens du Bagataye et donner les sacrements (baptêmes).

    Mais dans sa lettre du 17 avril 2006, le Frère Joseph écrit ceci : « la situation de Kataco n’a pas beaucoup évolué et les paroissiens s’engagent peu » malgré les homélies et les conseils du Père Igbé. Cependant il tente de mobiliser les jeunes pour récolter les régimes de palme, ce qui leur permettrait de se faire une caisse pour le pèlerinage de Boffa. Les jeunes ne répondent pas. Ils ne répondront pas davantage pour la session biblique pendant les vacances, à Kamsar.

    Le 24 juin 2006, réunion du conseil paroissial élargi aux CCB et catéchistes. Dans leur rapport, ils indiquent que : « La communauté de Kataco n’est pas prête à accueillir un prêtre. Pas un franc n’est entré dans la caisse de la paroisse, la récolte d’huile est très faible (4 bidons) et n’est pas vendue, beaucoup de régimes ont été volés et le riz a été détourné. Il y a beaucoup de paroles, mais concrètement on ne fait pas grand-chose ».

    Le 5 septembre 2006, le Père Armel DUTEIL arrive de Mongo pour la profession religieuse de cinq jeunes spiritains à Boffa. Il est nommé à Kataco, avec le Père Igbé TERKURA. Avant leur installation à Kataco, Monseigneur organise une rencontre avec les prêtres, frères et sœurs de Kataco ainsi que leurs supérieurs locaux, en présence du conseil épiscopal à Conakry.

    Le samedi 23 septembre 2006, Monseigneur arrive à Kataco. Il rencontre successivement les femmes, les sages, les jeunes, les responsables des CCB, les catéchistes et le conseil paroissial. Tous renouvellent publiquement les engagements passés.

    Le dimanche 24 septembre 2006, installation des Pères Armel DUTEIL comme curé et Igbé TERKURA comme vicaire.

    Le soir, élaboration de sept recommandations pour le travail pastoral, qui sont étudiées au cours d’une réunion regroupant catéchistes et responsables de CCB le lundi 25 septembre pour la bonne marche de la paroisse.

    NB. :
    1. Tous les documents, lettres et compte-rendus cités se trouvent déposés au secrétariat de l’Archevêché où ils peuvent être consultés.
    2. Dans ce document, nous nous centrons sur le problème de l’assassinat du frère Joseph. Il y a eu beaucoup d’autres problèmes pastoraux, comme par exemple celui de la langue baga, des séminaristes bagas renvoyés des séminaires, la relance des CCB, etc…
    3. A partir de septembre 2006, la venue des Pères Armel et Igbè a permis de redynamiser l’équipe apostolique des prêtres, frères et sœurs. Ils ont cherché à relancer la pastorale paroissiale. Mais il faut reconnaître que les communautés et chrétiens n’ont pas vraiment répondu à leurs attentes. Et que les tensions ont perduré, jusqu’à l’assassinat crapuleux du frère Joseph le 8 avril 2008. Dès l’annonce de cet assassinat, Monseigneur Vincent COULIBALY a mobilisé les énergies.

    Il a averti les différentes congrégations religieuses mais aussi les autorités pour qu’ils mènent une enquête policière approfondie. Aussitôt, le Curé qui était à Conakry est remonté à Kataco accompagné d’une délégation de sœurs de Saint Joseph de Cluny, en prenant le Frère Zacharie, supérieur des frères, au passage à Boffa. Ceci afin d’assister moralement les frères et sœurs restés à Kataco, de même que la communauté chrétienne et toute la population.

    Rencontres � Kataco

    1. La veille de l’enterrement du Frère Joseph DOUET, le jeudi 10 avril 2008 à la fin de la veillée de prière, Monseigneur avec le Curé, ont rencontré les chrétiens pour une première fois pour recueillir leurs impressions et leurs suggestions. Le sentiment dominant était la peur devant l’insécurité et la honte suite à cet assassinat.
    2. A l’enterrement, il y avait énormément de monde (prêtres, religieux/ses et chrétiens, autorités guinéennes et françaises) depuis la levée du corps à Kamsar jusqu’à Kataco. (voir en annexe les photos et la revue diocésaine « A l’écoute de N.D.G. : l’homélie de l’archevêque, le mot du curé à l’absoute, les déclarations des parents d’élèves sur la tombe, etc…). Après l’enterrement, une nouvelle rencontre a eu lieu avec les chrétiens et la participation du reste de la population (musulmans).
    3. Dès l’annonce de l’assassinat du Frère Joseph, nous avons reçu énormément de lettres, messages, mails, appels téléphoniques de la famille, des congrégations religieuses, des anciens missionnaires et coopérants de Guinée ainsi que plusieurs autres personnes en Guinée et à l’étranger. De nombreuses personnes se sont mobilisées, en particulier les élèves de l’école primaire catholique de Coyah (voir la revue diocésaine) et la paroisse de Koundara qui a fait une marche pacifique, reçue par le préfet qui a très bien parlé à cette occasion (voir la cassette vidéo).
    4. Des parents des deux jeunes assassins ont finalement révélé leurs noms à la police et ils ont été arrêtés. Nous avons leur interview sur vidéo cassette (remis par les journalistes de la Télévision guinéenne).
      Le samedi 12 avril au soir, le préfet de Boké lui-même est venu à Kataco pour annoncer leur arrestation, remercier la population pour son appui, demander aux parents de mieux éduquer leurs enfants et annoncer la création d’un poste de gendarmerie à Kataco. Après l’intervention d’un sage (El Hadj Traoré) et d’une femme (la sage- femme en retraite Madame Anne Marie BANGOURA), le Père Armel est intervenu pour remercier et soutenir le préfet, mais il a affirmé qu’il ne se satisfaisait pas de l’explication donnée : l’assassinat serait causé par deux jeunes bandits venus voler. Car rappelons-le, les menaces de mort ont commencé depuis 2001, et pas seulement contre le frère Joseph. Il y a eu de nombreux vols et les voleurs ont été toujours protégés par la population. Donc le curé a demandé aux autorités de continuer l’enquête en profondeur. Cet assassinat n’est pas un fait isolé.
    5. Après l’enterrement le jeudi 17 avril 2008, l’archevêque a réuni le conseil épiscopal pour voir ce que l’on devrait faire. A la fin de la rencontre, il a été décidé que Monseigneur viendrait une semaine à Kataco, avec le Père Jean David pour rencontrer les populations. Et il écouterait d’abord les supérieurs des trois (3) congrégations religieuses, le frère Jean Paul, supérieur provincial des frères de Saint Gabriel devant déjà passer dès le samedi suivant à Conakry, le 19 avril, retournant au Sénégal.
    6. Monseigneur a tenu à honorer la mémoire du Frère Joseph au pèlerinage diocésain de Boffa, le 4 mai 2008. On a prié au cimetière, pour lui et tous les anciens missionnaires de Guinée. Sa photo en grand (avec celles d’autres missionnaires) était mise devant le maître autel.
    7. Monseigneur est venu comme prévu à Kataco pour la Pentecôte, le 10 mai fête des spiritains. Il a conféré le sacrement de confirmation. Mais la raison principale de sa venue était d’aider les communautés à se reprendre et à tirer des enseignements de l’assassinat du Frère Joseph. Le lundi 12 mai, rencontre avec toute la communauté de Kataco-centre, en commençant par les hommes de 9h à 13h. Puis les femmes jusqu’à 15heures où nous avons surtout réfléchi sur l’éducation des enfants.

    De 17 heures à 20heures avec les jeunes, nous avons réfléchi surtout sur la question de la drogue. A chaque rencontre, nous sommes partis de deux questions :

    1. Qu’allons-nous faire après l’assassinat du Frère Joseph ?
    2. Evaluation du travail fait depuis deux ans avec les deux prêtres actuels ?

    Le mardi 13 mai, rencontre générale avec toute la communauté pour que chacun des trois groupes présente des conclusions et propositions d’action (voir les trois documents remis et le compte rendu de la réunion). Une longue discussion a suivi pour juger de la motivation de la communauté chrétienne et voir s’ils sont vraiment décidés à assurer la sécurité des missionnaires et à prendre leur communauté en main. Monseigneur l’Archevêque, le Père Serge BALLANGER responsable provincial des spiritains, le Père Jean David Soumah et les Pères Armel et Igbè ont donné un certain nombre de conseils (à lire à la suite des éléments de réponse des communautés, troisième chapitre).

    Monseigneur l’Archevêque, avec ces mêmes personnes est ensuite allé dans les autres communautés de la paroisse pour recueillir leurs avis à Kalexe (avec Bigori et Kouffin), Kakilensi (avec Katongörö) et Maré, du mercredi 14 au vendredi 16 mai 2008.

    Les différentes réactions

    La Population :

    Nous avons demandé – est-ce que ces jeunes n’ont pas été manipulés et est-ce qu’il n’y a pas un réseau organisé dernière tout cela ? Les gens ont répondu que non. Mais il est sûr que cet assassinat n’est pas un accident, ni un fait isolé. Il y a eu des menaces de mort depuis 2001, non seulement contre le frère Joseph mais contre tous les missionnaires. Il y a eu beaucoup de vols et quand on a découvert les voleurs, ils ont été protégés par la population. Les vols étaient ciblés – non pas des affaires personnelles, mais les installations de la mission, au service de tous : pompes et panneaux solaires de l’internat, du jardin d’enfants, de l’école primaire et du dispensaire.

    A chaque fois, à Kataco, la population a dit : Qu’on nous amène ces deux voleurs devant vous et nous allons les tuer. A chaque fois les prêtres ont refusé la vengeance et la méchanceté. Mais simplement que l’on cherche la vérité et que Justice soit faite. Et de se reprendre.

    Les gens sont venus très nombreux à ces rencontres. Ils nous ont présenté leurs condoléances et assurés de leurs prières. Ce qui domine c’est un sentiment de honte « Nous ne croyions pas que nos enfants pourraient faire cela ».

    Pour les missionnaires de Kataco 

    (Prêtres Spiritains, Frères de Saint Gabriel et Sœurs de Saint Joseph de Cluny) : « nous ne nous laissons pas décourager et nous sommes décidés à continuer notre travail missionnaire, quelle que soient les difficultés. Mais comment le faire ? Nous sommes en pleine recherche en lien avec toute l’Eglise de Guinée. C’est encore trop tôt pour y voir clair et prendre des décisions définitives ». Le Père Serge, pour les spiritains, a rencontré son conseil le lundi suivant 19 mai et a fait des propositions à l’Archevêque.

    L’Eglise de Guinée

    Elle est aussi dans l’embarras : Elle doit aussi se situer par rapport à l’Ambassade de France et le Ministère des Affaires Etrangères, car le Frère Joseph était français. Et aussi par rapport à la famille que nous cherchons à informer et à soutenir de notre mieux, et aux congrégations religieuses.

    PROPOSITIONS D’ACTION

    Tous veulent y voir plus clair, savoir ce qui s’est passé exactement et surtout savoir ce qu’il y a derrière. Le problème est donc de continuer à avancer : Ne pas rester sous le choc, ne pas nous décourager, remonter la pente et surtout en tirer le positif et voir ce que l’on va faire maintenant. Voici quelques éléments de réponse des communautés :

    1. Les communautés des autres villages se disent prêtes à accueillir nos écoles, dispensaire et internat. Mais on ne peut pas transporter ailleurs tous ces bâtiments ! Nous leur avons demandé plutôt que ce choc permette à tous de se réveiller pour trouver des solutions en se mettant ensemble.
    2. Nous avons déjà formé des gens en éducation (jardins d’enfants) et en santé. Mais malheureusement cela n’a pas abouti à des actions concrètes de leur part. Nous leur demandons donc de se mettre au travail eux-mêmes et non pas se contenter de demander à l’Archevêque de construire des écoles et des dispensaires dans toutes les autres communautés : qui les prendrait en charge ?
    3. Les villages environnants ont décidé, en particulier les femmes, de venir à Kataco centre pour conseiller les gens. « Vous avez organisé des prières, mais il faut que ces prières changent vos cœurs et aboutissent à une vraie conversion.»
    4. Les sages des villages ont demandé aux jeunes filles de laisser les habits indécents et provocants. C’est insuffisant. Il s’agit d’éduquer vraiment nos enfants. En commençant quand ils sont petits. Lutter contre la drogue et ne pas permettre sa vente dans les villages. Faire réfléchir nos enfants par rapport aux soirées dansantes et vidéo-clubs.
    5. Que les jeunes chrétiens se retrouvent régulièrement pour réfléchir sur leur vie et s’organisent, ensemble avec tous les autres jeunes des villages. Que l’on organise des groupements de travail pour qu’ils gagnent leur vie, au lieu de se tourner vers la délinquance.
    6. Les communautés chrétiennes doivent également se réveiller : reprendre les réunions autour de la Parole de Dieu et suivre le programme qu’on a donné : Prendre en charge la vie du village, les différentes prières, lutter contre les injustices, reprendre l’Evangélisation et la catéchèse en profondeur, aider les pauvres et tous les nécessiteux, réconcilier les gens et faire grandir la paix, le travail et la bonne gestion de l’argent.
    7. Que les femmes aussi s’organisent et participent aux réunions de formation de la paroisse, pour les mettre en pratique, comme par exemple celle de Kataco sur l’éducation des enfants, celle de Maré sur la santé et celle de Kawas sur les veuves et les orphelins.
    8. Nous demandons à tous de relire les différents documents envoyés suite à ces différentes formations. Et de s’engager comme on l’a décidé.
    9. Il faut absolument arrêter les vols pas seulement contre la mission mais entre nous tous. Cesser de protéger les voleurs. Arrêter les sacrifices traditionnels et les affaires de sorcellerie. Cesser les menaces de mort.
    10. Terminer les travaux de la route que le frère Joseph a commencé.
    11. Nous avons également insisté sur l’importance de l’entente entre chrétiens et musulmans.
    12. Que pour l’éducation des enfants, chacun se sente responsable de tous les enfants du village : que l’on n’accepte pas que nos enfants ramènent chez nous des objets ou de l’argent obtenus par le vol ou la prostitution. Et que l’on ne défende pas à tout prix nos enfants quand ils ont mal agi.
    13. Il y trop de violence dans nos villages. Il faut à tout prix rebâtir la paix et l’entente.

    En Conclusion.

    Dans chaque village, ils ont décidé de se retrouver entre eux, pour réfléchir à tout cela et proposer leurs solutions et les actions à mener. Nous attendons leurs réponses.

    Par rapport à l’évaluation du travail des deux années passées, le Père Armel a reconnu devant Monseigneur que, à son grand regret, les sept recommandations laissées par l’évêque le dimanche 24 septembre 2006 n’ont été pas réalisées ; que beaucoup de chrétiens ne s’engagent pas ; qu’il n’y a pas de catéchèse à Kataco-centre (sauf à l’internat) et que le conseil paroissial ne travaille pas.

    NOS REFLEXIONS

    1. Le gros problème partout : ce sont deux jeunes qui ont assassiné le Frère Joseph, mais très peu de jeunes ont participé à nos rencontres. Et nous ne savons pas quelle est leur réaction. A partir de ce triste évènement nous aurions souhaité une mobilisation des jeunes. Elle ne s’est pas encore effectuée.
    2. Comme expliqué, il y a une volonté de nuire à la mission catholique et d’empêcher le travail des missionnaires. Nous vivons dans un climat trouble où il n’y a pas de vérité et où on protège les voleurs dont on assure l’immunité. Il y a encore des sacrifices traditionnels et des problèmes de sorcellerie. Nous vivons dans un climat de violence et de peur. Il y a trop de haine, entretenue par les anciens qui voient que l’Evangélisation leur fait perdre leur pouvoir traditionnel et leur main-mise sur les femmes et les jeunes. Et ils agissent dans l’ombre. C’est contre tout cela qu’il nous va falloir lutter tous ensemble, sans nous décourager et avec persévérance.
    3. Les autres communautés de la paroisse de Kataco se sont engagées à agir pour que la vie de Kataco centre change. Elles sont très en colère contre les gens de Kataco « qui ont détruit l’honneur de tout le peuple baga ». Nous les avons poussées à encourager les gens de Kataco et à les aider à se relever, plutôt qu’à les rejeter. Mais aussi examiner leur vie personnelle et communautaire à la lumière de l’Evangile, dans la vérité du Christ. Car, comme disait Jésus, la vérité vous rendra libres. On ne peut pas se contenter de dire : un Baga ne tue pas. Nous les bagas, nous ne sommes pas comme çà. Ou même « ces jeunes qui ont tué ce ne sont pas des vrais bagas ». Ce qui est arrivé est arrivé. Il faut en tirer les conclusions, agir contre le mal et être vrais dans toute notre vie. Personnellement et tous ensemble. Car il n’y a pas de vérité dans nos villages. On cache trop les choses.
    4. Nous sommes inquiets devant les réactions des gens de Kataco-centre. Le lundi, après avoir rencontré les différents groupes, Monseigneur leur avait demandé de dire chacun ce qu’ils voulaient faire, pour faire évoluer la situation. Le lendemain, les hommes au lieu de donner leurs propositions d’action, se sont livrés à une attaque en règle contre le curé.
    5. L’évêque avait demandé aux chrétiens de travailler à la palmeraie de la paroisse. Mais ils n’avaient rien fait, tout en affirmant le contraire. Et il a fallu les forcer pour qu’ils commencent. Donc, jusqu’à maintenant, ils ne semblent pas prêts à prendre la paroisse en charge. Ils ont refusé de prendre en charge les frais de déplacement des prêtres dans la paroisse.
    6. Quand Monseigneur leur a demandé s’ils étaient prêts à assurer la protection des missionnaires, comme ils l’avaient déjà promis en septembre 2006, au moment de l’installation des pères Armel et Igbé, après la fermeture d’une année de la paroisse (2005-2006), les chrétiens ont répondu : les pères, frères et sœurs n’ont qu’à prendre des gardiens ! Et quand on leur a demandé qui paierait ces gardiens (puisque par exemple à Coléah, ce sont les chrétiens qui paient les gardiens, comme l’Abbé Jean-David l’a affirmé devant eux), ils ont répondu : Nous sommes des paysans, nous ne pouvons pas payer ! Ils ne semblent donc pas prêts à assurer la protection des missionnaires.
    7. Ce qui a beaucoup impressionné le Père Serge, c’est qu’il n’y a eu aucune parole de remerciements par rapport aux missionnaires. Est-ce que les missionnaires sont désirés à Kataco ?
    8. Plus largement, nous avons l’impression que, Kataco-centre ne semble pas prêt à changer, malgré de belles paroles, ni dans son comportement par rapport aux missionnaires, ni dans sa vie interne, ni dans sa culture profonde. Cela a beaucoup découragé le père Serge, responsable des spiritains, en particulier le manque de réactions des jeunes. D’autres signes montrent que beaucoup ne cherchent qu’à profiter de la paroisse : « l’école est à nous il faut nous donner les bénéfices » (alors que l’école est en déficit). « La banque alimentaire, c’est à nous, nous n’avons pas à rembourser les crédits ». De même, à l’enterrement, ce sont les frères qui ont dû prendre presque tout en charge.
    9. Il existe une loi du silence dans le Bagataye qui empêche de connaître la vérité. Cela s’est manifesté encore au moment de l’assassinat du Frère Joseph. Les enquêteurs guinéens aussi bien que le commissaire dépêché par l’Ambassade de France se sont heurtés à un mur : personne ne voulait parler. Un Père aurait demandé à son fils : « Alors çà s’est bien passé ? » Celui-ci aurait répondu : « Bien sûr, puisqu’il est mort ! » (Propos rapporté par le Père Désiré BANGOURA chancelier au cours de la réunion du conseil épiscopal). Il a fallu que l’oncle de l’un des deux, enseignant à Kamsar, vienne poser des questions et ensuite les dénonce.
    10. Cette même personne, au cours de la réunion après l’enterrement a commencé à affirmer que chaque jeudi, il y aurait des sacrifices traditionnels à Kataco. Mais l’assemblée a manifesté et l’a empêché de parler. C’est pour cela que nous demandons que l’enquête soit approfondie. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’affirmation officielle. « Ce sont deux jeunes bandits qui ont tué pour voler ». Le supérieur général des frères de Saint Gabriel a également écrit au ministère de l’intérieur, par l’intermédiaire de la Nonciature, pour demander que l’enquête soit poursuivie. L’ambassadeur de France également, fait la même demande. Et le curé, aussi bien que l’archevêque, ont encouragé cette personne et l’ont assuré de leurs prières. Au cour de l’assemblée générale, ils ont affirmé solennellement qu’elle était sous leur protection. Et donc que personne ne devrait s’aviser lui faire du mal.
    11. Bien que les gens cachent les choses, il semble certain que des sacrifices traditionnels continuent a être pratiqués régulièrement à Kataco. Il y a donc tout un travail d’Evangélisation et de formation chrétienne à faire, en particulier au niveau de la catéchèse. Pas seulement à Kataco, mais dans tout le diocèse.
    12. A l’enterrement du Frère Joseph, les frères ont eu énormément de frais : le cercueil, le repas, la tombe, etc… Monseigneur a demandé que les différentes paroisses les soutiennent. Et que ce soient les chrétiens du Bagataye qui prennent en charge les frais de la messe du 30ème jour, puisque le Frère Joseph travaillait pour eux. A partir de là, au pèlerinage de Boffa, il a demandé :
      • qu’à l’avenir, toutes les paroisses participent aux dépenses pour les enterrements des prêtres, frères et sœurs.
      • que les chrétiens se mobilisent pour réduire les dépenses au moment des enterrements et 30ème jours qui sont beaucoup trop importantes chez nous et qui écrasent les familles.
    13. Les trois congrégations religieuses concernées ont décidé de continuer leur apostolat à Kataco. Les parents musulmans des élèves de l’internat et de l’école ont eu des réactions très positives au moment de l’enterrement.
    14. Si les chrétiens de Kataco ne veulent pas travailler à la palmeraie, elle sera confiée à une autre CCB ou prise en charge par le diocèse.
    15. A la réunion du 27 mai 2008, le conseil épiscopal a souhaité que l’évêque prenne la décision suivante : les prêtres pourront continuer à rester à Kataco-centre, mais l’église paroissiale de Kataco devra être fermée, jusqu’à ce que la communauté et les quatre CCB de Kataco-centre aient manifesté clairement leur volonté de conversion.

    Conakry, le 02 juin 2008

    Vincent COULIBALY
    Archevêque de CONAKRY

    Père Jean-David SOUMAH
    Secrétaire du Conseil Episcopal

    Père Armel DUTEIL
    Curé de KATACO




    Vidéo : Joseph DOUET, célébration du 23 aout 2008 au Pin en Mauges (France)




    Vidéo : La vie de Joseph DOUET




    Prière universelle

    Dieu de justice et de paix, envoie ton esprit sur les peuples en conflit, pour que la réconciliation construise une paix durable dans les cœurs et entre les hommes.

    Dieu de lumière, révélé aux yeux du monde, renouvelle notre foi et fais des membres de ton Eglise des artisans d’évangélisation pour que la mission de Joseph ne reste pas sans lendemain

    Dieu du pardon et de la miséricorde , donne à chacun de nous , dans tous nos lieux de vie ta force du pardon.

    Donne nous aussi le courage de pardonner à ceux qui en assassinant Joseph n’ont pas su ce qu’il faisait et qui ont brisé toute une communauté chrétienne.




    Poème pour Joseph

    Nous ne te voyons plus
    Nous ne pouvons plus t’entendre
    Tu n'es pas là,
    Tu n'es plus là.

    Nous sommes désormais confrontés à la réalité,
    Nous essayons de nous l’avouer
    Tu étais déjà loin,
    Tu es encore plus loin.

    De toi il ne nous reste plus que des souvenirs
    Nous avons une boule à la gorge
    Notre cœur se remplit de chagrin.
    Nous nous sommes tous réunis aujourd’hui
    Parents, amis
    Pour te rendre hommage

    Il fallait que tu partes au paradis
    Là où il n’y a ni cris, ni ennemis
    Pas de haine mais.. tu es parti si vite.

    Nous ne voulions pas que tu nous quittes
    Mais ce n’était pas à nous d’en décider
    Le destin s'en est chargé.

    Si nous pouvions choisir,
    Sans hésiter nous te ferions revenir,
    Pour que tu puisses réaliser
    Tous les projets dont tu nous avais parlé.

    C'était des projets d’aide aux autres
    Mais, à toi on ne t'en a pas laissé le temps

    Et cette nuit-là, c'est en priant
    Que tu as rejoins le paradis et son ciel étoilé
    Auprès de papa et Maman
    Pour l’éternité
    Afin de nous guider dans notre vie de tous les jours




    FRERE JOSEPH DOUET

    Né le 20 MARS 1946 décédé le 08 AVRIL 2008

    A Kataco en Guinée Conakry

    Ce mardi soir vers 18 heures 30 ,

    ta vie s’est arrêtée par l’assassinat dont

    tu fus la victime.

    Tu te savais en danger , mais ta mission

    était plus forte

    Maintenant tu es parti rejoindre

    Papa et Maman près de DIEU

    A ta demande tu as été inhumé à Kataco

    là où était ton devoir de missionnaire .




    Revue de presse




    Célébration des funérailles du frère Joseph

    Le samedi 23 Août 2008, Monseigneur Vincent COULIBALY, accompagné du Père Armel, curé de KATACO, s’est rendu en France, à PINS-en-MAUGES, pour une célébration en souvenir du Frère Joseph DOUET, avec toute sa famille et ses amis. En effet, ses parents n’avaient pas pu venir à Kataco assister à son enterrement au mois d’Avril. De nombreux prêtres, religieux(ses) et laïcs, guinéens ou ayant travaillé en Guinée et présents en France, se sont associés à cette prière, avec des représentants du diocèse de Nantes.

    On a d’abord distribué le numéro spécial, consacré au Frère Joseph, de la revue diocésaine : « A l’écoute de Notre-Dame de Guinée » : « Un missionnaire assassiné. Quel mal a-t-il donc fait ? Mat. 27, 23 - « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, ils ne peuvent pas tuer l’âme » dit Jésus (Mat. 10, 25).

    La célébration s’est passée dans un grand climat de recueillement, d’émotion et de fraternité. Le Frère Yvan, responsable des Frères de St Gabriel en France, après un mot d’accueil, a présenté les différents participants. Puis on a regardé des photos préparées par la famille (diaporama) retraçant la vie du Frère Joseph : enfance et formation en France, premier apostolat au Sénégal, puis en Guinée, d’abord à Ourous, enfin à Kataco. Ensuite, on a projeté les photos et le film de son enterrement ce qui a causé une très grande émotion.

    Les témoignages

    Le Frère Paul MBENGUE, responsable des Frères pour le Sénégal et la Guinée, a noté la très grande disponibilité du Frère Joseph qui a accepté de commencer des nouvelles activités en Guinée, alors qu’il était déjà âgé et avait été très gravement malade du cancer.

    Monseigneur a retracé l’ensemble de sa vie, en relevant que le Frère Joseph était un martyr et un très grand signe pour la Guinée, ayant donné sa vie pour l’Evangélisation.

    Le Père Armel a noté son grand courage dans l’apostolat. Il est resté à Kataco alors qu’il était menacé de mort depuis 2001. Il a cherché à répondre aux besoins des gens. Dès son arrivée, il a commencé des écoles de villages et un Centre d’agriculture. Ensuite, sans se décourager, il a ouvert un internat pour permettre à de nombreux enfants, venus de toute la Guinée, non seulement de faire de bonnes études, mais aussi de recevoir une excellente éducation qui les aiderait dans toute leur vie. Il avait aussi un grand désir de vérité : il ne supportait pas le mensonge. C’était un grand travailleur, exigeant pour ceux qui travaillaient avec lui, mais d’abord pour lui-même. Tout cela dans l’humilité et la simplicité : après avoir tenu la paroisse de Kataco pendant une année en l’absence des prêtres, il a laissé la place au nouveau curé sans problème, tout en continuant à rendre service pour la catéchèse et la liturgie du dimanche.

    Sœur René, responsable du Jardin d’enfants, a relevé que le Frère Joseph était un homme de prière. Et aussi un sage qui savait conseiller les gens. Il était vraiment le grand frère de tous. Il était très habile dans les activités manuelles et ne refusait jamais de mettre ses connaissances au service de ceux qui en avaient besoin. Il avait le souci des plus pauvres. C’est pourquoi il avait mis en place un système de parrainage pour permettre à des enfants de familles nécessiteuses de faire des études.

    Le Frère Léon, qui a vécu avec lui à Ourous, a expliqué que c’était un pionnier et un bâtisseur entreprenant, plein d’initiatives et infatigable.

    La célébration

    Un temps de silence a suivi, où chacun a pu se rappeler ce qu’il avait vécu avec le Frère Joseph, dans le recueillement et la prière.

    Un frère et une sœur du Frère Joseph ont lu ensemble un poème qu’ils avaient composé en l’honneur de leur frère. Puis, un neveu a relu le discours que le président des parents d’élèves de l’internat de Kataco avait tenu au moment de l’enterrement, relevant l’engagement du Frère Joseph et aussi son grand respect pour les enfants musulmans, ce qui l’avait amené à faire assurer leur formation religieuse par un iman, pour qu’ils grandissent dans la foi, comme les enfants chrétiens et dans une entente profonde avec eux. A l’internat régnaient l’amitié, le respect et le partage. Et c’est cela que nous voulons continuer maintenant.

    Pour remercier le Frère Joseph de tout ce qu’il a fait et pour le grand exemple qu’il nous a donné, son frère aîné est venu disposer une gerbe de fleurs sous la grande photo exposée du Frère Joseph. Puis le Père Armel a remis à la famille la lettre envoyée par le conseil paroissial, les sages et les autorités de Kataco, ainsi que les ressortissants du Bagataï.

    Après avoir évoqué la vie sur terre du Frère Joseph, nous avons rappelé qu’il est toujours vivant. Nous avons affirmé qu’il vit auprès de Dieu dans la paix. Et qu’il est entré dans la lumière de Jésus ressuscité. Pour montrer cela, les parents du Frère sont venus en procession, déposer des bougies devant sa photo : « Ma lumière et mon salut, c’est le Seigneur », « Vous êtes la lumière du monde ».

    La célébration s’est terminée par la prière du Notre Père, récitée lentement par tous les participants, en se donnant la main.

    Echange

    Pour répondre aux interrogations des participants, Monseigneur Vincent a ensuite retracé l’histoire de l’Eglise de Guinée, en notant en particulier la foi et le courage de nombreux chrétiens, au temps du régime défunt, alors que les missionnaires avaient été expulsés du pays. Et l’importance du travail d’Evangélisation à accomplir aujourd’hui, ce qui suppose une formation des chrétiens en profondeur.

    Le Père Armel a présenté la pastorale de la paroisse de Kataco, qui consiste essentiellement à mettre en place des communautés chrétiennes de base (C.C.B.), vivantes et actives, qui se réunissent régulièrement pour approfondir leur foi à partir de la Parole de Dieu. Et qui s’engagent, non seulement pour la prière, la catéchèse et les sacrements, mais aussi pour la justice et la paix, l’aide aux pauvres, l’accueil des étrangers et le développement du pays, ensemble avec les musulmans, dans le respect et l’entente.

    L'eucharistie

    Après un verre de l’amitié, la rencontre s’est continuée par une eucharistie, présidée par Monseigneur Vincent COULIBALY, pour demander à Notre Dame de Guinée de prier pour le Frère Joseph auprès de Dieu et de protéger l’Eglise de Guinée. Monseigneur a réaffirmé combien l’Eglise de Guinée se sentait concernée par cet assassinat du Frère Joseph et s’engageait à continuer son œuvre, tout en demandant que justice soit faite dans la vérité.

    Les parents ont été très touchés et ont beaucoup remercié Monseigneur et tous les Guinéens pour leur présence et le soutien moral qu’ils ont apporté à la famille.

    Que le Seigneur prenne le Frère Joseph en pitié et nous aide à marcher sur ses pas.

    Père Armel.




    Réouverture de l'église paroissiale de Kataco

    Chers Diocésains,

    Dans mon décret du 3 juin 2008, j'annonçais la fermeture de l'église paroissiale de Kataco, suite à l'assassinat du Frère Joseph DOUET et du refus obstiné du changement de coeur exigé de tout baptisé.

    Comme demandé dans le même décret, les prêtres, les religieux et les religieuses de Kataco ont poursuivi leur apostolat. Ils ont cherché à redynamiser les CCB et différents groupes, tout en continuant leurs actions de développement.

    Le doyenné du bagataye et le conseil épiscopal se sont réunis récemment avec moi pour apprécier la situation et évaluer les efforts fournis et les progrès réalisés.

    Suite à cela, je suis descendu à Kataco pour rencontrer les membres de toute la paroisse et en particulier ceux des quatre CCB de Kataco-centre, de même que les différents groupes: hommes, femmes, jeunes, conseil paroissial, responsables de CCB et catéchistes; et en

    dernier lieu les deux prêtres responsables de la paroisse, Ces rencontres ont été l'occasion pour les chrétiens de Kataco de prendre un certain nombre d'engagements en vue de poursuivre les efforts visant à relever la paroisse.

    Après avoir écouté longuement ces différentes personnes, avoir réfléchi et prié, j'ai pris la décision de ré-ouvrir l'église paroissiale de Kataco, pour permettre à la communauté de reprendre une vie liturgique régulière et à partir de là être encouragée à s'engager dans la conversion de ses membres, la remise en route de ses CCB, l'Evangélisation et la construction du Royaume par l'engagement pour ]a dignité de tous, ]a justice, la paix et le développement intégral (4ème objectif du Plan stratégique). Cette réouverture a été préparée par trois jours de prière et de pénitence.

    L'église a été ré-ouverte solennellement le mercredi 1er avril 2009, à 14h. après une dernière rencontre avec tous les responsables de la paroisse.

    Conakry, le 06 avril 2009
    Vincent COULIBALY
    Archevêque de Conakry