Armel Duteil

Les tournees



Comment travaillons nous?

Notre temps est partagé essentiellement en trois activites : à la mission repos après les tournées, mais aussi tout le travail d'administration (et il y en a beaucoup avec les projets de développement en particulier) formation personnelle et lectures, prières, préparation des documents de travail, frappe a la machine a écrire manuelle (il n'y a pas d'ordinateur, ni même d'électricité) et impression sur une vieille machine a polycopier rapportée de France, car il n'y a pas non plus de photocopieuse, et de toutes façons cela revient beaucoup moins cher.

Ma deuxième activité principale, ce sont les réunions et sessions de formation. Ma troisième activité, ce sont les tournées sur le terrain, dans les communautés.

Les tournées
Départ en tournée

Pour ces tournées, même si les choses sont à chaque fois différentes, car chaque communauté et chaque village a sa physionomie propre, le schéma général est toujours le même. A 17 h, à notre arrivée, nous prenons 2 heures de travail avec l'équipe des responsables. Chaque communauté est animée par toute une équipe, dans laquelle les responsabilités sont reparties de manière a ne pas mettre un poids trop lourd sur les épaules d'une seule personne. Et aussi pour que chacun puisse apporter a la communauté ses qualités et les richesses de sa personnalité. Dans cette équipe, il y a d'abord les quatre responsables de la communauté : un homme, une femme, un jeune garçon et une jeune fille, pour que chaque groupe soit représenté. En effet, les classes d'âges et la séparation hommes et femmes sont encore très fortes dans la culture locale. Ensuite, il y a un certain nombre de responsables (ce que nous appelons dans notre vocabulaire chrétien les ministères ou les charismes) : responsable à la Justice et aux droits de l'homme ; responsable à la Charité et à l'entraide ; responsable au développement ; responsable à la santé; responsable de la catéchèse ; responsable de l'évangélisation. Et également des sages, hommes et femmes, pour régler les problèmes et réconcilier les gens. Cette organisation s'inspire d'ailleurs de la vie traditionnelle au village dans notre culture. II y a bien sûr aussi un secrétaire de communauté et un trésorier, et surtout un catéchiste qui a la responsabilité de la prière mais joue également le rôle d'animateur et de formateur de la communauté, tout en n'étant pas le responsable. Nous avons actuellement 13 communautés. Tous ces gens travaillent bénévolement, mais les communautés les soutiennent, les accueillent et les nourrissent quand ils sont en tournée, et soutiennent leurs familles restées au village. Pendant ce temps-la, Les gens construisent une maison pour le catéchiste (il s'agit, au début, d'une simple case, faite de briques en terre glaise séchée au soleil et avec un toit de chaume), mais c'est vraiment rudimentaire et ça ne dure pas longtemps, les murs s'écroulent et la paille est pourrie. Aussi, rapidement on essaye de faire des parpaings en ciment et d'avoir un toit en tô1e. Pour trouver l'argent nécessaire, la communauté organise des groupes de travail qui vont travailler dans les champs, les jardins et les rivières des autres villageois. L'argent récolté par ce travail n'est pas partagé, il est mis dans la caisse communautaire, ainsi les gens travaillent chaque semaine bénévolement une journée entière pour la communauté. De même, la communauté ira travailler gratuitement dans les champs ou la rizière du catéchiste, pour l'aider à gagner sa nourriture pendant l'année, puisque, lui, consacre une bonne partie de son temps au service de la communauté, De même, c'est la communauté qui nous loge et nous nourrit lors de nos visites et elle contribue, selon ses faibles moyens, a payer une partie du carburant nécessaire aux déplacements.

J'en reviens au programme de tournée. Vers 20 h, après le repas que nous prenons avec les responsables, en mangeant tous à la main dans un même plat (mais n'ayez pas peur, si vous venez nous trouverons une cuillère pour vous !), nous nous retrouvons avec les villages environnants. Cette rencontre est ouverte à tous, c'est un temps de partage et de formation, entrecoupé de chants et de danses, tout se fait en baga, la langue locale que j'ai d'ailleurs eu énormément de peine à bien parler; que voulez-vous, à 67 ans, on n'apprend pas une nouvelle langue aussi facilement qu'à 30 ans! Pour chaque tournée, nous prenons un thème de réflexion, par exemple : le travail, la formation, l'éducation des enfants, la vie du village, l'argent, le développement, l'auto-prise en charge, la santé, etc... Comme vous le voyez, ce sont toujours des thèmes qui rejoignent la vie des gens. Les trois lignes d'actions prioritaires que nous avons choisies ensemble pour nos communautés sont celles-ci : 1°) Lutter contre les injustices - 2°) aider les pauvres et les personnes vulnérables par nous mêmes (sans toujours attendre l'aide de l'extérieur) - 3°) Paix et réconciliation. La veillée se termine généralement par une projection (quand elle n'est pas empêchée par la pluie car nous nous retrouvons en plein air et il pleut souvent) : Une série de diapositives que nous projetons à partir d'une batterie rechargée avec un panneau solaire de 12 volts accompagnées d'une cassette sonorisée, passée sur un petit magnétophone à pile, cassette que nous composons nous-mêmes sur le thème de la tournée dans la langue locale.

Le lendemain matin est consacré plus spécialement à la communauté chrétienne : d'abord l'eucharistie à 8 h, suivie d'une réunion de communauté où tout le monde participe et donne son avis, ce qui nous conduit facilement jusqu'à midi, pour aborder les différents aspects de la vie communautaire et les différentes activités à mener. Après le repas pris ensemble, il est alors temps de reprendre la route pour rejoindre la communauté suivante car, si les distances ne sont pas énormes (généralement environ 20 km entre chaque communauté), il faut plusieurs heures pour les faire à pied ou à vélo sur des mauvaises pistes avec de grosses montées (la région est très vallonnée) dans la boue (il pleut souvent), avec des ponts délabrés et des marécages à traverser: mais cela ne manque pas de charme! ... tout au moins quand il n'y a pas de casse et qu'on est de bonne humeur pour prendre les choses du bon côté.

Les formations trimestrielles se font elles aussi par thèmes et aussi par groupes: rencontre des femmes, des catéchistes, des responsables, des jeunes, des éducateurs des jardins d'enfants, des différents groupes et mouvements. Chacun apporte sa nourriture : riz, huile et argent pour la sauce; la communauté d'accueil prépare le lieu, on mange et dort tous ensemble, et c'est toujours très sympathique et fraternel.