Armel Duteil

Traffic humain


Notes sur le trafic humain

Caritas Guinée n'a pas pu prendre part aux travaux de l'atelier d'Accra sur le trafic humain du 30 juin au 2 juillet 2008.

Voici les réponses au questionnaire que nous avions préparé sur le thème "Trafic des enfants et trafic des organes humains".

En 2003, une étude en Guinée a permis de révéler que le trafic des enfants est une réalité. Il est interne et transfrontalier.

1 – Trafic des enfants vers l'étranger

En Guinée, on est plutôt en présence de trafic d'enfants que celui de femmes ou d'organes humains. Cependant les femmes étrangères sont victimes de trafic sexuel (information Interpol Guinée).

Facteurs

Ils sont nombreux : pauvreté, analphabétisme, manque d'information et de sensibilisation des populations à la base, déplacement des personnes très répandu en Afrique, et aussi porosité des frontières.

Effets

Ce sont majoritairement des conséquences sur la santé mentale et physique et sur le développement de l'enfant. Une étude de cas a révélé qu'un enfant avait fui d'un camp où 300 personnes travaillaient dans l'agriculture. Là les hommes et les femmes vivaient séparés. Les femmes étaient abusées par les gardiens et parfois accouchaient d'enfants non enregistrés (pas d'état civil ni acte de naissance). Dans ces cas, les effets sont psychologiques sur les enfants qui sont séparés de leur famille. On assiste aussi à une exploitation abusive des enfants dans le travail, car ils font des efforts non dosés incompatibles avec leur âge (pires formes du travail des enfants).

D'autres effets sont la déscolarisation de l'enfant allant d'un point A pour un point B : ces enfants sont souvent tatoués portant la marque de leurs "maîtres ou tuteurs".

Au cours de son kidnapping, l'enfant est soumis à une injection de drogue et rendu inconscient, ce qui aura des effets plus tard sur son cerveau.

Le transfert des enfants profite à celui qui l'a placé ainsi qu'à son tuteur car il perçoit le maigre salaire qui devrait revenir à l'enfant travailleur.

2 – Trafic interne

Des personnes résidant à Conakry organisent le déplacement de filles mendiantes venant des villages. Les intermédiaires confisquent toutes les aumônes qu'elles perçoivent puis les filles retournent aux villages sans un sou.

3 – Remèdes en République de Guinée

  • Mise en place du Parlement des Enfants

  • Comité National de Lutte contre le trafic des personnes

  • Sensibilisation, formation des avocats, magistrats et auxiliaires de justice pour l'harmonisation des lois guinéennes combattant le trafic humain avec les lois régionales et internationales

  • Signature et ratification des conventions relatives à la lutte contre le trafic des personnes

  • Création d'une coalition d'ONG oeuvrant dans la lutte contre le trafic des enfants

  • Mise en place d'un réseau de lutte contre le trafic des enfants

  • Formation sur l'identification des victimes et leur réhabilitation (Ministère des Affaires Sociales, Promotion Féminine et Enfance).

  • Beaucoup de lois sont soumises à l'Assemblée et le Code de l'Enfant a été voté à l'unanimité par l'Assemblée Nationale

  • Réintégration des victimes, centre social en finition à Yattaya (quartier périphérique de Conakry), centre créé par l'Etat

  • Les familles d'accueil assurent l'intégration des enfants par la scolarisation des enfants dans des centres professionnels

  • AGUIAS (Association Guinéenne pour l'Assistance Sociale) assure l'accompagnement psychosocial, l'assistance médico-légale, juridique, la formation, l'alphabétisation, la réinsertion et la réintégration sociale (ligne verte disponible aux victimes de violences physiques ou morales : 63.35.09.73)

  • ACEF est une structure qui répond à la réintégration des enfants et des femmes (association luttant contre l'exploitation des femmes et des enfants)

  • Rapatriement par le Département des Affaires Sociales au compte du gouvernement

4 – Nouvelles formes d'esclavage

L'exploitation sexuelle (prostitution), la domesticité et le confiage sont les nouvelles formes d'esclavage. Dans les conditions de domesticité, les jeunes filles sont abusées par le père de famille et les garçons majeurs, et sont sans recours. Les filles se couchent tard et se lèvent tôt, avant tout le monde, sans être payées.

Remèdes

  • Programmes spécifiques pour ces typologies

  • Etudes et plans d'actions et synergies mises en place

  • Regroupement des ONG nationales et internationales (Plan Guinée – TWIN) et des départements ministériels de la Justice, de l'Education Nationale, de la Santé, de la Jeunesse, de la Défense Nationale et de la Décentralisation. Le Ministère des Affaires Sociales, de la Promotion Féminine et de l'Enfance a le leadership mais manque de moyens financiers.

5 – Situation actuelle du trafic des personnes

Cette situation gagne du terrain à tous les niveaux même les plus bas. Toutes les personnes sont exposées à ce danger. Il prend de l'ampleur car le fléau est régi par la tromperie.

Actions : Parlement des Enfants de Guinée

  • Harmonisation des lois

  • Mise en place d'un réseau régional de lutte contre le phénomène en Afrique de l'Ouest par la signature de protocoles entre les différents pays de l'Afrique de l'Ouest. Tous ces protocoles sont mis en œuvre et permettent le rapatriement des victimes et la poursuite des auteurs.

  • Elaboration d'un plan régional

  • Réunions auxquelles la République de Guinée a participé :

  • 2006 à Abidjan

  • 2007 à Lagos

  • janvier 2008 Mali et Guinée en République de Guinée

  • poursuite des auteurs : en Guinée il n'y a pas de lois spécifiques par rapport à ce trafic mais en adoptant le CDE (Code De l'Enfance), ces insuffisances seront corrigées. L'Assemblée Nationale a déjà voté et adopté le CDE.

6 – Stratégies

  • Développement de la synergie par l'information des acteurs que sont l'Unicef, OIM et autres

  • Renforcement de la Direction Nationale de l'Enfance

Stratégies de l'Eglise de Guinée

La pastorale sociale n'est pas encore bien fonctionnelle.


La commission Justice et Paix a la volonté de s'engager dans la pastorale sociale en son volet : protection des enfants et des filles libres (prostituées) par la motivation et l'implication des Fraternités des Femmes Catholiques.

Les rôles de ces Fraternités sont multiples, écouter, sensibiliser et comprendre les prostituées car les femmes sont mieux indiquées pour aider les femmes :

  • contacter les femmes et gagner leur confiance pour les motiver dans l'apprentissage de petits métiers ou d'autres activités génératrices de revenus

  • programme de sensibilisation des fidèles laïcs sur les phénomènes du trafic humain et ses conséquences

  • intégrer la synergie des ONG nationales et internationales en opérant en Guinée


Intervention sur le thème des handicapés mentaux : Un point de vue chrétien

Le prinipe de base, accepté et reconnu par tous, c’est l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux, en dignité et en droit ». Les personnes vivant avec une déficience mentale sont évidemment des êtres humains. Ils ont leur dignité, ils ont leurs droits, que nous devons respecter.

Il me semble essentiel de baser cette action, pour le respect et la dignité des personnes vivant avec un handicap mental, sur nos traditions sénégalaises. En nous appuyant déjà par exemple, sur la Charte du Mande de 1222 de l’Organisation des Chasseurs traditionnels, au temps de Soundiata Keïta, qui vise au respect de la vie humaine de tous. Il est important, que nous respections et que nous accueillions ces personnes. On dit que le Sénégal, c’est le pays de la Teranga. Avant d’accueillir les touristes, il est essentiel d’accueillir nos frères et nos sœurs, vivant avec un handicap mental.

Nous les aiderons à vivre, les qualités et les valeurs traditionnelles, comme tous les autres citoyens. D’abord le courage et la patience (muñ). Ensuite les autres qualités : diom, teggin, kërsa, suttural,fayda… Nous chercherons à les soutenir, comme le dit le proverbe : « L’homme est le remède de l’homme ». Nous les respecterons en suivant la qualité traditionnelle du respect (fönk sa morom, jox ko cër). Comme on le dit, nous sommes tous fils d’Adam. Pour nous chrétiens, nous disons que nous tous, enfants de Dieu. C’est cela notre dignité, dont parle la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Notre dignité vient de Dieu lui-même, et personne ne peut enlever cette dignité, ni aux handicapés, ni aux autres. Et Saint Paul nous rappelle cette dignité des handicapés, quand il nous dit : « Ne savez-vous pas, que votre corps est pour le Seigneur…Il est une partie du corps du Christ…qu’il est le temple du Saint Esprit (la maison de Dieu), et que cet Esprit Saint, que Dieu vous a donné, est en vous,» (1° Cor 6, 13,15 et 19).

Dans notre action avec ces personnes handicapées, notre premier modèle c’est, évidemment, pour les chrétiens, Jésus Christ. Jésus déclare, à la maison de prière de Nazareth, quand il commence sa mission, ces paroles qui montrent ce que nous avons à faire, nous aussi : « L’Esprit de Dieu m’a consacré, pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile aux pauvres (et les handicapés mentaux font partie des pauvres de la société), pour annoncer aux aveugles, qu’ils vont voir la Lumière (il ne s’agit pas seulement de guérir un handicap physique, mais de faire entrer tous les handicapés dans la lumière de Dieu), de libérer les prisonniers (et il est clair, que les handicapés mentaux sont prisonniers psychologiquement) et annoncer une année de grâce, accordée par le Seigneur (nos frères et sœurs handicapés ont le droit à ce bonheur, et à cette grâce de Dieu, autant que tous les autres (Luc 4, 16 à 21).

Jésus a agi pour tous ceux qui souffraient, et en particulier pour les handicapés. La foule apportait sans cesse à Jésus, tous ceux qui souffraient dans leurs corps et dans leur esprit. Et Jésus les délivrait (voir par exemple la guérison d’un homme, possédé par un esprit mauvais (Marc 5,1-20 ; voir aussi Marc 6, 55). Nous notons que, chez les juifs, comme dans notre société traditionnelle, on pense que si les gens ont un handicap mental, c’est qu’ils sont possédés par un esprit mauvais (un djinn, un rab, un pangol, etc.). Quand les apôtres voient un aveugle de naissance, ils demandent à Jésus (Jean 9,1-34) : »Maître, qui a péché pour qu’il soit aveugle : lui-même, ou ses parents ? ». La réponse de Jésus est claire : » Et de tout faire pour que l’action et la bonté de Dieu, puisse se montrer dans la vie de ces personnes handicapées. Ni lui, ni ses parents. Mais c’est pour que l’action de Dieu se montre en lui ». La 1° chose, c’est donc d’arrêter de penser et de dire, que les personnes sont handicapées, à cause d’un péché, d’une malédiction ou d’une possession d’un esprit mauvais. Nous notons aussi les mauvaises paroles des pharisiens, à cet homme « Tu es tout entier dans le péché, depuis ta naissance. Et tu veux nous faire la leçon ». C’est contre de telles paroles, qu’il nous faut lutter absolument, et de toutes nos forces.

Prenons simplement 3 exemples, parmi beaucoup d’autres. Jésus guérit un paralysé (Luc 5, 17 à 25). Il lui dit d’abord : « Tes péchés sont pardonnés », avant de lui dire « Lève-toi et marche ». Jésus vient guérir l’esprit et le cœur, avant de guérir le corps. Il ne se limite pas au simple aspect physique de la maladie, et du handicap. Notons au passage que c’est à nous de conduire ces handicapés jusqu’à Jésus, comme ces 4 hommes lui ont apporté ce paralysé, et l’on même fait descendre à partir du toit.

Un père amène son enfant épileptique à Jésus (Marc 9, 14). Ses apôtres qui n’ont pas pu le délivrer. Jésus explique que cette espèce de mauvais esprit, on ne peut le faire sortir, que par la prière et le jeûne. Notre action pour les handicapés, doit s’appuyer sur la foi, la prière et l’engagement chrétien.

C’est à une femme, Marie-Madeleine, qui était possédée par 7 démons, et que Jésus a Lui-même délivrée, qu’Il confie la responsabilité de faire connaitre sa résurrection aux apôtres (Marc 16, 9). Jésus nous appelle ainsi à confier des responsabilités aux handicapés mentaux, et à leur faire confiance. Et à leur donner une place, aussi bien dans la société que dans la communauté des croyants.

Jésus, rempli de l’Esprit Saint de Dieu, prie de cette façon (Luc 10, 21) : « Dieu, Seigneur du ciel et de la terre, je chante Ta louange. Parce que ce que Tu as caché aux sages et aux savants, Tu l’as fait connaitre aux tout petits. Oui Dieu, c’est cela que Tu as voulu, dans Ta grande bonté ». Et nous savons bien que les handicapés mentaux font partie de ces petits de la société, qui sont les préférés de Dieu.

Nous connaissons tous, chrétiens comme musulmans, les dix commandements qui nous ont été enseignés par le prophète Moïse, de la part de Dieu. Cela veut dire que les handicapés ont le droit à la vie (« tu ne tueras pas »), à la vérité (« tu ne mentiras pas »), à la propriété (« tu ne voleras pas), et au mariage (« tu ne feras pas l’adultère »). Mais le commandement le plus important pour les chrétiens, c’est celui de l’amour, à la suite et à l’exemple de Jésus Christ : « Aimez-vous les uns les autres, comme Je vous ai aimés ». Jésus nous appelle donc à aimer les personnes handicapées, de tout notre coeur.

Nous remarquons que l’Eglise est très attentive aux handicapés, qu’ils soient physiques ou mentaux, à l’exemple de notre Pape François, qui les reçoit et leur parle à chacune de ses audiences. La Caritas, comme les dispensaires catholiques, ont le souci également de les accueillir, et de les soutenir. Il existe des centres pour les handicapés, tenus par des communautés religieuses, comme par exemple celui de Ouakam.

Pour terminer, je voudrais parler de mon expérience personnelle. D’abord le pèlerinage des étudiants que j’ai fait à Chartres comme jeune prêtre, avec des handicapés profonds. Je n’ai jamais prié d’une façon aussi vraie, vécu autant dans la foi mais aussi dans la joie, qu’avec ces handicapés et leurs accompagnateurs. Et jusqu’à maintenant, plus de 50 années plus tard, je n’ai pas oublié cette expérience.

J’ai dans ma propre famille une nièce handicapée. Bien sûr, ma sœur a refusé d’avorter. Elle a préféré lui donner la vie. Et actuellement, elle fait la joie de toute notre famille. J’ai tenu à ce qu’elle soit marraine, lors d’un baptême d’un petit neveu, en estimant qu’une handicapée a sa place dans l’Eglise. Et qu’elle peut tout à fait prendre des responsabilités dans l’Eglise, d’une manière adaptée à ses possibilités et à sa situation. C’est pour cela, que les personnes ayant une déficience mentale, peuvent baptisées et recevoir la communion.

Elle a maintenant 40 ans. Et je pense que si maintenant elle est encore vivante, c’est parce qu’elle a été très bien soignée. Mais surtout, parce qu’elle a été beaucoup aimée, par ses parents et tous les membres de la famille. Mais, plus important encore, elle nous a appris à aimer. En faisant attention à elle, elle nous appris à faire davantage attention à tous les autres. Je signale aussi tout de suite un problème. Quand elle était enfant et jeune, on pouvait trouver un centre pour l’accueillir. Mais quand elle est devenue une adulte, il n’y avait plus de centre. Il a fallu que mes parents se battent pendant très longtemps, pour ouvrir un centre handicapé pour adultes, car il n’en existe pratiquement pas. Il y a là un manque grave dans notre société, et un appel pressé à agir. Mais je préfère ne pas être trop long, et laisser la parole aux parents et amis d’handicapés mentaux présents parmi nous, après avoir écouté l’imam, qui nous a donné le point de vue et l’éclairage de l’Islam.