Armel Duteil

Formation 2018

Mettre les autres à l’action et agir avec tous dans la société 

Prenons l’exemple de la commission Justice et Paix

Elle ne doit pas tout faire. Elle est plutôt une équipe qui conscientise, forme et soutient l’action des autres personnes. C’est pourquoi dans certaines paroisses, et c’est une très bonne chose, la commission Justice et Paix est composée essentiellement d’un délégué de chaque communauté de quartier (CEB) et des différents mouvements de la paroisse. Ainsi les actions proposées en commission Justice et Paix peuvent descendre directement à la base, et être mises en pratique grâce à ces participants. Et à chaque réunion, les réalités du terrain et de chaque groupe remontent directement à la commission. Sinon la commission risque d’être un petit groupe d’amis qui font ce qu’ils peuvent, mais qui n’ont pas beaucoup d’impact sur la paroisse, et encore moins sur le quartier et sur la ville. 

Il est essentiel de faire participer le maximum de personnes. Il est donc important que les membres de la commission Justice et Paix connaissent personnellement et le mieux possible les autorités locales, maires et conseil municipal. Et aussi les chefs de quartiers, les imams, les marraines (badjeni gokh), les ONG, les associations de jeunes et de femmes de leurs quartiers, pour pouvoir les impliquer dans les actions à mener. Car nous ne pouvons pas nous limiter aux chrétiens et à la paroisse. Nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde. Nous devons être le levain dans la pâte. Même si nous ne sommes pas nombreux. Jésus nous dit : « n’ayez pas peur petit troupeau » (Luc 12,32). « Allez dans le monde entier. Annoncez la Bonne Nouvelle à toute la Création » (Marc 16,15 : A toute la Création, pas seulement à tous les hommes)

Quelques autres exemples d’action : 

L’aumônerie de l’hôpital 

On ne peut pas se contenter d’aller voir les malades chrétiens. Et encore moins se limiter à la célébration de l’Eucharistie dans l’hôpital, avec les agents de santé et des malades qui peuvent se déplacer. Même si l’Eucharistie est le sommet de la vie chrétienne : un sommet sans base ne peut que s’écrouler. Déjà après la célébration de cette Eucharistie, il est important de chercher à connaître ces agents de santé, de parler avec eux, de leurs conditions de travail et de la manière d’améliorer des choses autant que possible. On cherchera donc à organiser un groupe de réflexion pour cela. Avec des partages d’évangiles, spécialement ceux qui peuvent les toucher et concernent leur travail et leur vie concrète. En étant attentif aux questions de justice, de paix, mais aussi de respect dans l’environnement (hygiène, propreté, maintenance, etc…) dans l’hôpital.

A partir de là, il est nécessaire de connaître l’administration de l’hôpital. Ne serait-ce que pour avoir les autorisations nécessaires pour y intervenir. Mais aussi pour partager leurs problèmes et les encourager. Quand je me suis présenté aux chefs de service après ma nomination d’aumônier, des chefs de service musulmans avec plusieurs membres de leur personnel m’ont demandé de prier pour eux et de bénir leur bureau. Ce que j’aifait avec joie et dans beaucoup d’amitié.

On apportera aux malades chrétiens les besoins dont ils ont besoin : soutien moral et psychologique, conseils et encouragements, prières, confession et communion, sacrement des malades. Mais on aura le souci de tous les malades qui le veulent. Il m’arrive souvent, en allant faire une prière pour un malade chrétien, que son voisin ou sa voisine musulman me demande aussi de prier pour lui, et de le bénir. 

Déjà pour les chrétiens, il est nécessaire de s’intéresser à toute leur vie dans la mesure où ils peuvent parler. Et si des parents sont là, ce sera l’occasion de parler avec eux à la fois des problèmes du malade mais aussi de sa famille. Et d’encourager la famille à prendre soin, à soutenir et à prier pour leur parent malade. 

Les CEB

Les CEB (Communautés chrétiennes de quartier) ont généralement le souci d’aller visiter, et de prier chez leurs membres qui sont malades. C’est une excellente chose. Il est important qu’à ce moment-là, ils cherchent à réconcilier le malade avec ses parents et toute la famille, si c’est nécessaire, pour que ce malade puisse vivre sa maladie dans la paix et dans la réconciliation. Comme nous l’enseigne la sagesse traditionnelle : le manque de paix dans la famille entraîne la maladie. Et le malade aura beaucoup de peine à guérir. Il ne suffit donc pas de prier pour les malades en réunion de communauté.

Certains groupes de prière, de même que la Légion de Marie, vont visiter les malades dans les quartiers. Il est important de les encourager à venir rencontrer les malades également dans les hôpitaux. En particulier ceux qui viennent de loin, et qui n’ont pas de visites ni de soutien. Ils pourront alors saluer tout le monde, et prier pour ceux qui le désirent. 

A la prison

Le même type d’action pourra être mené également dans les prisons : Ne pas se contenter

d’aller dire la messe, mais chercher à répondre aux besoins de tous.  En particulier ceux des détenus qui ont commis des actes graves. On verra avec eux comment rétablir la paix avec leurs victimes, si c’est possible (réconciliation). On les aidera à profiter de ce temps de prison pour changer leurs idées et leur comportement. Pour cela on mettra en place un service régulier d’écoute pour les prisonniers qui le désirent. On sera spécialement attentif aux conditions de vie en prison. On cherchera à apporter le minimum d’aide matérielle (nourriture, habits, médicaments, produits d’hygiène), spécialement aux détenus venus de loin, ou qui n’ont pas de visites. Et aussi de donner la possibilité au détenu d’acquérir une formation (alphabétisation, apprentissage d’un métier, etc.) pendant ce temps de détention. On préparera également les détenus et leurs familles à la sortie de prison, pour la meilleure réinsertion possible dans la société. Se rappeler ce qu’on vient de dire sur la façon de travailler à l’hôpital

On demandera à des groupes et mouvements chrétiens de venir appuyer l’action de l’aumônerie. Pas seulement pour venir prier, chanter et apporter un repas les jours de Noël et de Pâques. Mais pour soutenir les différentes activités. Par exemple on demandera aux avocats du groupe de prendre en charge bénévolement un détenu nécessiteux, ou aux médecins de venir faire des consultations gratuites une fois par mois…en apportant si possible des médicaments, et aux autres personnes d’intervenir selon leurs compétences

Pour tout cela, l’aumônerie ne travaillera pas seule, mais d’abord avec l’administration pénitentiaire et l’Observatoire des prisons. Et en coordination avec les différentes associations qui peuvent intervenir dans l’un ou l’autre des domaines cités.

On aura la souci de la prévention, par l’éducation des adultes et des jeunes, en particulier les enfants dans la rue. Cela demande de travailler avec les autres associations et les différentes ONG et organisations qui travaillent pour l’alphabétisation et l’apprentissage de métiers, la lutte contre la drogue, la prostitution et les violences, le lancement de petits projets. 

Avec les autres groupes

Par exemple dans la chorale. Trop souvent, on se limite aux répétitions de chants, et la chorale ne participe pas vraiment aux autres activités. Pourtant, il y a des manques d’entente, des disputes et des jalousies. Ils ont besoin de réconciliation. Il y a aussi des injustices. Par exemple, des jeunes filles qui se retrouvent enceintes et même parfois abandonnées et rejetées. Il y a parfois des manques de respect de la part de responsables qui s’imposent. La commission Justice et Paix peut être appelée à intervenir pour aider à résoudre ces problèmes. Mais d’abord, comme on l’a dit, il est important qu’il y ait un délégué à la Justice et à la Paix dans la chorale, comme dans les autres groupes, mouvements ou associations reconnus dans  la paroisse. Et aussi un délégué dans la CPJ (Coordination Paroissiale des Jeunes) et le Conseil Paroissial. 

On ne se contentera pas d’apprendre des chants, on cherchera à les expliquer avant de les enseigner. Et de voir comment les mettre en pratique. On choisira des chants qui apportent un appel conforme à l’esprit de l’Evangile. Et on ne regardera pas les choristes seulement comme des chanteurs, mais d’abord comme des personnes humaines, en étant sensible et ouvert à leurs différents problèmes et difficultés. Et aussi connaître leurs engagements dans la société, en parler avec eux, et les soutenir dans ce qu’ils font.

Les chorales organisent des concerts ou d’autres activités lucratives. La plupart du temps cet argent est utilisé pour acheter des tenues, faire des sorties, des repas ou des fêtes. Et tous doivent obligatoirement cotiser, même les plus pauvres qui n’ont pas beaucoup de moyens. Pendant ce temps, il y a des choristes qui sont malades, ou leurs parents, d’autres qui n’ont pas de quoi payer leur inscription à l’Université, des lycéens qui n’ont pas de fournitures, des jeunes au chômage qui n’ont pas de quoi apprendre un métier. Est-ce que l’argent de la chorale ne devrait pas aussi aider ces personnes ? Et même lancer un petit projet économique ? Ou pour soutenir des actions pour la justice et la paix ? Ne pourrait-on pas décider qu’une partie des recettes soit systématiquement versé à la Caritas ?

Cela est valable également pour les autres mouvements et associations, tout en respectant le but et les méthodes d’actions de chaque mouvement. Par exemple par rapport au respect de l’environnement, les scouts peuvent participer à des opérations de nettoyage des quartiers (set setal) ou aller nettoyer les hôpitaux ou d’autres lieux publics, et pas seulement la cour de la paroisse. Et ne pas se contenter d’apprendre l’histoire du mouvement et les insignes, ou de danser et faire des rassemblements. Il faut apprendre à revenir au but du mouvement, à la BA (Bonne action de chaque jour), aux principes et à la loi scoute

Les mouvements d’action catholique

Ils sont responsables de l’évangélisation de leurs milieux de vie. Par exemple le mouvement des enfants CV/AV (Coeurs Vaillants/Ames Vaillantes) cherchera à donner aux enfants les moyens d’agir, pour le respect des droits de l’enfant. Il se mettra obligatoirement en lien avec toutes les organisations qui réfléchissent et agissent en faveur de ces droits, pour tous les enfants : lutte contre la mendicité, les violences et l’exploitation des enfants, en particulier les enfants-talibés des daaras (écoles coraniques).

La JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne) et la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne)

Elles lutteront pour une amélioration des conditions de vie et de formation, dans les écoles et dans les lieux de travail, en lien avec les autres associations d’élèves ou d’apprentis et de jeunes travailleurs, les organisations scolaires ou professionnelles, les syndicats, les militants d’autres groupes humanitaires, les acteurs de la société civile,… etc. 

Aucun groupe chrétien ne peut ignorer la doctrine sociale de l’Eglise, et en particulier la dimension Justice et Paix et celle de l’environnement, demandées par le Concile Vatican il y a déjà plus de 50 ans, et par les responsables de l’Eglise depuis des siècles.

On me dira qu’en faisant cela, les organisations chrétiennes risquent, en voulant tout faire, de faire n’importe quoi. Et de perdre leur spécificité et leur vocation, de se faire manger ou de se noyer dans la masse. Et en effet Jésus nous avertit (Mat 5,13-16) : « si le sel perd de sa force, il ne sert plus à tien. On le jette dehors, et les gens marchent dessus ». Si les gens nous marchent dessus, n’est-ce pas parce que nous avons perdu le goût et la force de L’Evangile ? Mais Jésus dit bien : « Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. Vous êtes la levure dans la pâte ». De la terre et pas seulement de la paroisse. Du monde et pas seulement de l’Eglise. Dans la société et pas dans la boite sur l’étagère en train de moisir. Et il suffit d’un peu de sel pour donner du goût à tout le plat, et d’un peu de levure, pour faire monter toute la pâte humaine.

La question qui se pose est dons: Comment garder l’amour de Jésus Christ et l’originalité de l’Evangile, qui sont une richesse pour le monde entier ?

NB : Vous pouvez me demander des documents pour plus de détails sur ces différents groupes et mouvements, et pour ces différentes actions. Bon courage, et que l‘Esprit de Jésus nous guide.