Armel Duteil

Formation 2018

De la nécessité de conscientiser les jeunes

J’ai été très intéressé par le titre de votre article (Journal « Enquêtes » N°2186 du mardi 16 octobre 2018) : « De la nécessité de conscientiser les jeunes ». Mais je dois avouer que j’ai été très déçu et décontenancé par son contenu et le manque d’ampleur et de profondeur des solutions proposées.

En effet, dans les actions proposées, on ne parle que de l’aspect santé. Mais une sexualité humaine et épanouissante ne se limite pas à "l’absence de maladies ou d’infections comme les IST". Et on semble limiter la sexualité à faire des rapports sexuels sans grossesse et sans maladie. Quelle tristesse ! Où sont l’amour et l’engagement ? Où sont la famille et le bien de la société ? Où va-t-on avec une telle conception uniquement physiologique de la sexualité ? A quoi veut-on conscientiser les jeunes ? Et pour quel avenir ?

Et déjà, est-ce que la santé se limite à cela ? Est-ce qu’elle n’a pas une dimension psychologique, spirituelle et même religieuse : la paix dans le corps, mais aussi dans l’esprit et le cœur. Et quand on parle de santé reproductive, s’agit-il de se limiter à reproduire des petits d’hommes en bonne santé, comme on fait se reproduire les animaux ? Ou bien de mettre au monde des fils d’Adam, heureux, éduqués et épanouis, et pas seulement en bonne santé physique ?

On nous parle de la santé reproductive des adolescents et des jeunes. Mais justement, les jeunes n’ont pas à se reproduire, mais à apprendre à vivre leur sexualité dans leur situation de jeunes et d’adolescents, dans la maitrise de soi, avec un objectif dans la vie qui ne se limite pas à avoir des rapports sexuels dès que c’est possible. Même si les contraceptifs empêchent les grossesses et les maladies sexuelles, est-ce qu’ils apprennent à aimer et à bien vivre sa sexualité ? D’ailleurs, souvent ils entraînent des problèmes, car ils sont mal utilisés par les jeunes, en se cachant. C’est dans le mariage que l’on peut se reproduire d’une manière valable, car l’enfant a besoin d’être accueilli dans une famille par un père et une mère qui s’aiment.

A ce sujet, la photo d’illustration me semble pernicieuse. Elle montre une femme adulte qui présente des contraceptifs à un grand groupe de jeunes au cours d’une conférence. Si l’on veut malgré tout distribuer des contraceptifs aux jeunes, au moins qu’on le fasse dans une relation personnelle, avec un minimum d’explication et d’éducation à la sexualité. Sinon, on va à la catastrophe…ce que nous constatons trop souvent. Car on incite les jeunes à multiplier les relations sexuelles soi-disant « sans danger », ce qui entraîne encore plus de maladies, d’infections et de grossesses précoces et indésirées. Avec le grand danger justement de pousser au libertinage et au vagabondage sexuel qui casse notre société.

Ensuite, on parle de l’éducation sexuelle comme « un ensemble de tabous ». C’est contradictoire. Une véritable éducation, c’est une formation et une libération. Et si on méprise l’éducation sexuelle traditionnelle en la considérant comme un ensemble de tabous, nous allons perdre toutes nos valeurs. Sur quelles bases alors construire notre vie et notre société ? Sur une distribution de condoms gratuits ?

On continue : » les barrières socio culturelles et religieuses à la planification familiale sont encore nombreuses ». Est-ce que ce sont des barrières, ou plutôt des garde-fous et surtout une base sur laquelle construire une sexualité et une fécondité épanouissante et libératrice ? Une maison sans fondation ne peut pas tenir. Pourquoi accepter ces idées négatives sur nos cultures et la religion, qui nous viennent d’un occident athée et destructeur ? Qu’avons-nous à y gagner ?

Le texte poursuit : » les tabous ne sont plus opérants. Donc, il faut les briser, mais avec des valeurs » Est-ce que les valeurs traditionnelles sont obligatoirement des tabous ? Est-ce qu’il faut les briser ? Et les remplacer par quelles valeurs ? Ce texte ne nous en présente aucune.

L’auteur semble ignorer complètement ce qu’est une éducation sexuelle, qui ne peut se limiter en aucun cas au corps et à la seule santé physique. Elle est d’abord une formation de l’esprit et du cœur.

On nous parle de « l’utilisation des méthodes contraceptives par les jeunes grâce aux services de planification familiale ». Mais par définition la planification familiale, c’est pour les gens qui ont déjà une famille, ce n’est pas la planification juvénile. Sinon les mots ne veulent plus rien dire.

On ne nous propose comme solution que « la fréquentation régulière des structures de santé de la reproduction ». Mais encore une fois, la sexualité ne se limite pas à la reproduction ni aux rapports sexuels, et la santé ne se limite pas à l’absence de maladie ou d’infection. Pas plus pour les jeunes que pour les adultes.

Je respecte beaucoup les agents de santé pour leurs compétences et leur courage. Mais quelle formation ont-ils reçue pour assurer une véritable éducation sexuelle ? Je parle bien d’éducation et pas seulement de prévention sanitaire. Qu’ils fassent leur travail le mieux possible, mais qu’on ne pense pas que cela suffit à résoudre les problèmes des jeunes, que ce soit dans le domaine de la sexualité ou pour le reste de leur vie.

Je suis donc très inquiet par rapport à ce projet « Voix pour la santé ». On nous dit : « les autorités ont élaboré et mis en œuvre une stratégie d’offres standards de services de santé adaptés aux adolescents et jeunes dans les structures de santé de la reproduction ». Est-ce que ces offres standards peuvent assurer une vraie éducation sexuelle personnalisée, adaptée aux besoins et aux désirs de chacun ? Et d’abord les aidera-ton à réfléchir sérieusement à leurs besoins et à leurs désirs, pour réussir leur avenir ? Ou bien va-t-on se contenter de leur distribuer des contraceptifs, sans réflexion sur leurs motivations, et sans éducation ?

On nous dit que malgré les efforts, les techniques et les moyens déployés, « la proportion des femmes mariées qui ont des besoins non satisfaits en Panification familiale est estimée à 25,6% ». Est-ce que ce ne sera pas encore plus difficile pour les jeunes ? Surtout si l’on veut vraiment, comme on l’affirme, conscientiser les jeunes. En tout cas, on voit bien que l’on mélange complètement planification des femmes mariées et éducation sexuelle des jeunes. Il est urgent de clarifier nos motivations et nos objectifs. Et que les jeunes aient leur mot à dire pour préciser leur idéal de vie, et pas seulement les « moyens pour ne pas enceinter les filles ». Au lieu que les politiques de santé et de sexualité soient décidées sans eux, et leur tombent dessus d’en haut. Comment s’étonner ensuite que ça ne marche pas ?

P.Armel Duteil
Secrétaire de la Commission Justice et Paix