Armel Duteil

Questions/Reponses

Comment poser vos questions ?

Pour poser vos questions sur le site, sur Kataco et la mission, vous pouvez envoyer un mail à l'adresse armelduteil@yahoo.fr

Les réponses seront publiées sur le site







Qu'est-ce qu'une communauté chrétienne de village?

Au niveau religieux, c'est notre priorité. C'est la base de la vie chrétienne et de l'église. Actuellement à Kataco il y a 11 communautés de village, dont la responsabilité est confiée aux laïques. Chaque communauté est dirigée par un bureau de 4 personnes, un homme, une femme, un jeune homme et une jeune femme, pour que les différents groupes soient représentés.

Formation des responsables de communautés
Formation des responsables de communautés

Ce bureau anime une équipe de responsables, chacun ayant son rle, pour répartir et partager les tches : le catéchiste, responsable de prières et de la préparation aux sacrements (baptême, 1ères communions et confirmations, mariages). Les prières, ce sont la célébration du dimanche et les prières du matin et du soir, et les autre célébrations liturgiques. Ce sont aussi les différentes prières liturgiques tout au long de l'année, et également les prières qui marquent la vie de chaque jour : prière pour les malades, les personnes gées, les femmes enceintes,... et aussi au moment des naissances, de l'initiation et des mariages traditionnels, des semailles et des récoltes et différents temps forts de la vis sociale. Nous avons composé des schémas de prières en Baga, la langue du secteur. Et chaque trimestre, nous avons une session de formation et de suivi pour les catéchistes comme pour chacun des autres responsables de la communauté (homme ou femme). Ce sont en particulier le ou la responsable à la charité qui organisent le soutient de la communauté aux pauvres et aux différentes personnes aux difficultés, le responsable à la justice pour lutter contre les injustices de toutes sortes et promouvoir une éducation au bien commun, le responsable aux droits de l'Homme et à l'éducation, le responsable aux relations avec les autres religions, les "sages" (4 personnes agées, 2 hommes et 2 femmes), responsable de la paix et de la réconciliation, le ou la responsable du travail qui organise les actions de la communauté pour le développement, le responsable à la jeunesse, aux mouvements et différentes activités des jeunes, le responsable à la liturgie (chorale, lectures,...). D'autres responsables sont nommés selon les besoins.
Mais la vie de la communauté chrétienne ne se limite pas à la prière et aux sacrements.
Nous voulons que nos communautés soient engagées dans la vie du village et le développement du pays, comme le montre déjà la liste des responsables ci dessus. Voici les 3 lignes d'action que nous avons définies ensemble :

  • Lutter contre les injustices
  • Aider les pauvres
  • Réconcilier les gens et faire grandir la paix

La communauté se rassemble chaque semaine et ces différents points sont abordés à chaque réunion, pour décider des actions à mener et les évaluer au fur et à mesure. C'est là que les travaux communautaires sont programmés :
  • Pour la communauté : Construire l'église, aller travailler pour le catéchiste, travailler chez quelqu'un pour gagner de l'argent pour les besoins de la communauté,..
  • Travailler gratuitement pour aider les gens : Les personnes gées, les malades, les femmes qui viennent d'accoucher, les personnes en deuil, les étrangers,...
  • Travailler bénévolement, avec les autres habitants pour l'avancée du village : Construction de ponts, aménagement des pistes et des rizières, construction de jardins d'enfants, écoles ou postes de santé,...

Nos communautés cherchent à créer des liens avec les gens des autres religions. Soit ceux qui continuent à pratiquer la religion traditionnelle, soit les musulmans (90% des habitants du pays). Nous nous retrouvons pour travailler ensemble, pour les constructions d'églises ou de mosqués et pour les travaux communautaires, pour les cérémonies tradiotionnelles (naissances, mariages, enterrements et autres rites funéraires) et pour tout ce qui touche à la vie du village.
Nous cherchons dans nos communautés à interculturer l'Evangile pour que les bagas puissent vivre leur foi chrétienne dans leur culture. Pour cela nous cherchons à revaloriser les valeurs traditionnelles en cherchant comment les vivre dans le monde moderne, sans se limiter aux chants, au théatre et à la dance.



Mission catholique et ONG

En introduction à ce site, je posais la question : « Quelle différence y a-t-il entre une Mission catholique et une ONG ? » en sachant que dans la réalité l’une comme l’autre de ces deux organisations peut prendre des formes très différentes. Bien sûr, c’est à chacun de répondre, par exemple à partir de ce qu’il a trouvé dans ce site, et aussi de ses connaissances et expériences personnelles. Il faudrait aussi demander à des responsables ou membres d’ONG ce qu’ils en pensent eux-mêmes. Voici simplement quelques réflexions personnelles.

J’ai eu l’occasion, spécialement ces 10 dernières années, de travailler avec un certain nombre d’ONG, en particulier à MONGO où j’étais engagé auprès des réfugiés sierra léonais et libériens et déplacés guinéens. J’ai beaucoup apprécié leur travail et leur engagement et admiré un certain nombre de volontaires intervenant sur le terrain (beaucoup plus que certains fonctionnaires de l’ONU aux structures très lourdes, coûtant énormément d’argent souvent à leur propre profit, très éloignés des personnes concernées et décidant souvent à leur place sans vraiment connaître leur vie et leurs problèmes). Les gens qui travaillent dans les ONG ont pour la plupart une véritable compétence technique, nécessaire pour une action humanitaire efficace. Mais, surtout pour les volontaires qui ne viennent que quelques mois, ils n’ont ni le temps ni les moyens de connaître la culture ni même la langue des gens. Or, au niveau du développement, ce qui manque la plupart du temps, ce ne sont pas les moyens techniques, ni même financiers, ce qui bloque ce sont les mentalités et les habitudes. Pour les faire évoluer, il faut beaucoup de temps et de patience, sinon les réalisations même les plus valables sont rapidement abandonnées, si les populations ne sont pas suffisamment motivées et n’en ont pas fait leur propre affaire. Je parle ici, bien sûr, de développement. Dans l’urgence, il faut agir d’urgence ! Au niveau des missions catholiques par contre, on manque souvent de technicité, malgré la meilleure bonne volonté. Et certaines missions restent centrées sur elles-mêmes, et parfois assez peu engagées au niveau développement. C’est pour moi un appel très fort à collaborer entre ONG et Missions catholiques, ce que j’ai eu la chance de vivre ces 10 dernières années. Cela demande que chacun arrive à dépasser ses préjugés (cléricalisme d’un côté, esprit laïcard de l’autre : ce qui est tout à fait autre chose que la laïcité). L’avantage des ONG, c’est de permettre à des non-chrétiens de pouvoir s’engager valablement et efficacement dans l’humanitaire. Et si j’ai pu travailler pendant 10 ans, c’est grâce à l’aide des ONG qui nous ont soutenus. Mais encore une fois, pour cela, il faut dépasser les idées toutes faites et critiques systématiques, jalousies et volonté de s’imposer… même entre ONG ! Il faut aussi que les techniciens chrétiens compétents s’engagent véritablement pas seulement dans les organisations de l’Eglise mais également dans les ONG et autres organisations laïques.

Dans les missions catholiques, généralement, nous durons. Nous restons au même endroit plusieurs années, nous apprenons les langues locales, nous partageons la vie des gens, nous essayons d’entrer dans leur culture.

Quand il y a du danger (guerres, attaques terroristes…), les ONG sont obligées de rapatrier leurs membres (question de sécurité). Dans les missions catholiques, généralement nous restons sur place. Ainsi, pendant les attaques rebelles à MONGO en 2000-2001, nous avons été les seuls à rester sur place. Les populations, aussi bien les réfugiés que les guinéens, n’ont pas manqué de nous dire combien ils nous étaient reconnaissants de cela. Bien plus, ils nous ont protégés le mieux possible, et là, c’est moi qui leur suis infiniment reconnaissant.

Les ONG agissent au niveau technique et c’est nécessaire. Quand il y a des besoins, les discours ne sont pas primordiaux, il faut agir. Mais on ne peut pas se limiter au niveau technique. En Afrique, et en général dans le Tiers Monde, les gens ne vivent pas dans le même type de société qu’en Occident. Bien plus, certains rejettent nombre de traits de cette civilisation occidentale et tous ne sont pas des intégristes, encore moins des terroristes. Qu’on le veuille ou non, les africains vivent globalement dans un monde croyant et sacralisé, avec toutes les valeurs que cela comporte, même s’il y a des limites et des dangers pouvant aller jusqu’au fanatisme et la guerre sainte dans certains endroits et, plus souvent, la fermeture sur soi avec tous les blocages que cela cause au niveau du développement.

Dans ce monde sacralisé, les missions catholiques cherchent à agir au niveau de l’homme entier (pas seulement de ses besoins matériels), dans toutes ses dimensions, y compris religieuses et spirituelles. Ainsi, nous cherchons un développement intégral « Développer tout l’homme et tous les hommes », en particulier les plus faibles et les plus exploités, et pas seulement les plus rentables et opérationnels pour le développement technique. Est-ce que nous y arrivons vraiment, c’est à chacun d’en juger.

Une dernière chose : nous avons la chance de travailler en tant que missionnaires, au niveau du monde entier. Spiritains, nous sommes engagés dans tous les continents et nous échangeons beaucoup entre nous. Nous avons les structures pour cela et c’est une grande chance. Nous profitons également d’une longue histoire (nous avons été fondés et travaillons dans le Tiers Monde depuis 1703) dans laquelle nous baignons et avons été formés. De plus nous travaillons en équipe internationale. La majorité de nos jeunes en formation sont africains, puis sud-américains, donc originaires des pays du Tiers-Monde eux-mêmes. Ces équipes internationales nous permettent d’éviter qu’une culture (en particulier la culture occidentale) ne pèse trop lourd dans les décisions, et de limiter l’influence des pays riches. En même temps, ces équipes internationales sont un signe et un appel très important pour les populations auprès desquelles nous travaillons. A Mongo, je pouvais demander aux différentes ethnies en guerre de chercher à se réconcilier, dans la mesure où je vivais moi-même en équipe avec un Nigérian et un Tanzanien, et ensuite des Nigérians, Ghanéens, Sénégalais et Guinéens.

Cela dit, nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Nous faisons ce que nous pouvons, mais nos actions sont limitées et parfois imparfaites. Les populations ont besoin des qualités et des efforts de tous. Serons-nous capables de travailler vraiment ensemble ONG et Missions catholiques, frères et sœurs partageant la même humanité ?

Pour la question du prosélytisme, je renvoie à la rubrique « Plan stratégique du diocèse de CONAKRY », le 3ème point : « Témoignage ».