Père Armel DUTEIL
Mission catholique – BP 2016
CONAKRY (Guinée)
Tél. : 00224 64 40 92 18
e.mail : armelduteil@yahoo.fr
Site internet :  http://armel.duteil.free.fr/
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Mars2010Chers Amis,

Comme de plus en plus de mes correspondants reçoivent de mes nouvelles par internet, je deviens paresseux pour rédiger ces circulaires. Donc faute de vous avoir envoyé une lettre pour le 1er Janvier, je voudrais quand même partager avec vous quelques nouvelles pour Pâques, même si je suis vraiment pris, à cause de tout ce qui se passe dans le pays,  et que par mes nombreuses responsabilités je suis de plus en plus occupé et aussi fatigué. Pourtant je n’en oublie pas pour autant tous mes amis, tous ceux qui m’écrivent et tous ceux qui me soutiennent dans leur amitié et par leurs prières. C’est pourquoi je tiens à vous donner signe de vie, même si c’est très rare.

La situation politique

Depuis ma dernière circulaire d'août 2009, le pays a beaucoup évolué. D’abord, il y a eu l’horrible tuerie par des militaires de manifestants dans le plus grand stade de Conakry, le 28 septembre 2009. On a parlé de 157 morts, avec plusieurs centaines de blessés et des femmes violées en plein stade et en public. Ensuite, il y a eu l’attentat contre le Président Dadis CAMARA, le 3 Décembre, qui a été ainsi obligé de laisser le Pouvoir. Depuis le mois dernier, un nouveau gouvernement d’unité nationale a été mis en place, composé à la fois de militaires du C.N.D.D. (Comité National pour la Démocratie et le Développement) et de personnalités des forces vives (opposition). Un Conseil de transition est mis en place, chargé de réviser la Constitution et de préparer de nouvelles élections présidentielles. Le Conseil indépendant pour les élections a été réactivé et les listes électorales vont être publiées pour vérification. Tout cela est évidemment positif… au moins sur le papier, car dans la réalité les choses sont moins simples.

La situation économique et sociale du pays

Les tensions ethniques et religieuses restent vives dans le pays, même si elles sont sous-jacentes et n’apparaissent pas en plein jour, en temps ordinaire. La population reste divisée entre ceux qui soutiennent les militaires du CNDD et ceux qui soutiennent l’opposition, et là encore les motivations ethniques et religieuses ne sont pas absentes. Mais ce qui nous inquiète le plus, c’est la pauvreté grandissante du pays. Les causes en sont multiples. D’abord, dès la prise de pouvoir par les militaires, l’Union Européenne, les Etats-Unis et les Institutions internationales (comme la Banque Mondiale ou le Fonds monétaire international) ont arrêté l’aide économique au pays. Ce qui n’a pas empêché les militaires de rester au pouvoir et de continuer à faire ce qu’ils faisaient, mais a appauvri les couches les plus pauvres de la population. Ensuite, les militaires ont beaucoup dépensé, en particulier pour eux-mêmes : construction de caserne, achat de voitures 4x4, achat d’armes, etc…. Et ils ont fait marcher la planche à billets pour financer tout cela. Bien sûr, les militaires ont fait des efforts pour les constructions, l’installation de l’eau et de l’électricité, mais ces efforts ont été trop limités, se sont portés surtout sur la ville. Conséquence, la pauvreté s’étend de plus en plus, de même que les inégalités sociales qui risquent d’entraîner des tensions et des violences dans le futur. En tous cas, ce qui est sûr c’est que la vie devient de plus en plus chère, et les pauvres ont de plus en plus de mal à survivre.

Le prix du carburant a augmenté d’un seul coup de 30 %, en conséquence tous les produits de consommation courante vont augmenter dans la même proportion et parfois même davantage. Les fonctionnaires viennent de se voir attribuer 50 % d’augmentation, mais ça n’est que pour les fonctionnaires, et tout le reste de la population subit l’énorme augmentation du coût de la vie, sans que ses moyens augmente. Elle va donc se retrouver de plus en plus pauvre. Bien que la Guinée soit un pays maritime, même le poisson devient trop cher pour la plupart des familles qui doivent se contenter de manger le riz comme nourriture de base, avec quelques feuilles et un peu d’huile de palme comme sauce. La saison des pluies arrive. Les paysans vont avoir beaucoup de mal à assurer leurs récoltes, par manque de semences, d’intrants et de matériel agricole, ce qui va encore aggraver la situation alimentaire à l’avenir et augure de mauvaises récoltes pour l’année prochaine, et donc davantage de faim. Et sans doute plus grave, avec l’arrivée du gouvernement d’Unité nationale, on assiste à une véritable course à l’argent, avec des grandes fêtes organisées avec élections de miss, défilés de mode, rencontres autour de la piscine du Novotel (un grand hôtel de la place), etc… sans aucun souci des plus pauvres, ni de la situation générale du pays.

Ces dépenses somptueuses  et cet étalage de luxe ne peuvent qu’entraîner des réactions agressives dans le futur, et c’est très inquiétant pour l’avenir. De plus en plus, c’est la course à l’argent… et à la bonne place pour en détourner… Il a fallu presqu'un mois pour mettre en place le nouveau gouvernement, car tout le monde voulait être ministre…. et profiter de ce poste pour s’enrichir. Tous les militaires ont été montés systématiquement en grade, et on  a déjà promis des mesures d’accompagnement pour eux  lorsqu’ils vont quitter le pouvoir. Où le pays va t'il trouver tout cet argent ? Et ce sera encore au détriment des plus pauvres. Actuellement, il y a 34 ministres pour un simple gouvernement de transition qui ne doit durer que 5 mois et dont la seule tâche est de préparer les élections présidentielles et d’organiser la reprise en main de l’armée. A côté de ce gouvernement, il y a 20 personnes dans le Conseil de la présidence, avec rang de ministre et même de ministre d’Etat. La  majorité d’entre eux, des militaires bien sûr. Qu’est-ce que cela veut dire : on a voulu placer et protéger des gens,  même des militaires impliqués dans la tuerie du 28 Septembre. Certains disent que c’est pour mieux les encadrer ! Mais nous avons très peur que ce Conseil de la présidence soit en fait un gouvernement parallèle qui va imposer sa volonté et ses directives au gouvernement actuel. L’avenir est donc beaucoup moins radieux que cela pourrait paraître. On parle de lutte contre le grand banditisme, mais cela se fait parfois au mépris des règles élémentaires de la justice, et de toutes façons sans grand résultat. De même pour la lutte contre la drogue : on fait de grandes déclarations à la télévision, mais la Guinée et les pays environnants restent la plaque tournante de la drogue venant d’Amérique du Sud vers l’Europe.

Le rôle de l'église : La réconciliation

L’Eglise catholique essaye d’être présente à tout cela, soit directement, soit à travers le Conseil chrétien regroupant les trois confessions chrétiennes importantes de la Guinée : catholique, protestante et anglicane, soit par le Conseil des chefs religieux, regroupant responsables chrétiens et musulmans et maintenant les sages de la religion traditionnelle. L’Archevêque, en particulier, a fait un certain nombre de déclarations courageuses mais qui n’ont pas toujours été écoutées, ni suivies d’effets (voir mon site, et mes envois par mails).

Mais nous ne nous contentons pas de déclarations. Nous cherchons à agir concrètement. Le mois dernier, une dispute a eu lieu à NZEREKORE, au moment de la prière du vendredi des musulmans, entre un policier et une femme qui voulait forcer le passage pour aller au marché, alors que la route était barrée par les musulmans en prière, la Mosquée ne pouvant tous les contenir. Ce qui n’était qu’une altercation entre deux personnes d’ethnies différentes, a rapidement été porté au niveau ethnique : « les Peulhs ont frappé une forestière » (Nzérekoré est dans la région forestière du sud de la Guinée) et « les chrétiens empêchent les musulmans de prier » (alors que le Préfet avait demandé aux musulmans de laisser au moins un passage sur la rue pour les gens). Il y a eu des blessés, et même des morts. Aussitôt une délégation gouvernementale s’est déplacée depuis Conakry en se faisant accompagner de responsables chrétiens et musulmans ; grâce à l’union et à l’entente entre ces responsables religieux, les bagarres ont pu être arrêtées et des prières ont été faites pour la paix. Ensuite, une délégation de la société civile est partie pour rencontrer les différentes couches de la population et les organisations locales, afin de voir ensemble comment reconstruire la paix. Des représentants de l’Eglise et de la Commission « Justice et Paix » ont fait partie de cette délégation. Pour éviter que de telles choses ne se reproduisent, nous sommes en train de chercher comment mettre en place des rencontres régulières entre chefs religieux chrétiens et musulmans d’une part, mais aussi, d’autre part, entre les croyants à la base, spécialement les associations de jeunes, car ce sont souvent les jeunes qui sont les plus bouillants et aussi qui se laissent plus facilement manipuler par des gens qui ne cherchent pas la paix, mais poursuivent des intérêts inavoués.

Les Commissions de « Pastorale sociale » et de « Justice et Paix ».

Dans la même ligne, nous continuons notre travail d’animation des Commissions paroissiales de « Justice et Paix » et de « Pastorale sociale ». Ces Commissions sont maintenant mises en place un peu partout, mais il s’agit d’en former les membres et de les animer. Pour assurer cette formation, en ce moment je sors en tournée pour animer des sessions, successivement dans les différentes régions du pays. Cela va me prendre jusqu’au mois de Mai, avec des déplacements en taxi collectif, dans des conditions très difficiles, sur des trajets longs (jusqu’à 18 heures) et sur des routes en très mauvais état et à 10 personnes serrées comme des sardines dans une voiture berline. Mais cela est absolument nécessaire, si l’on veut arriver à quelques résultats. Suite à ces formations, nous demandons à chaque Commission de voir les problèmes locaux et à partir de là de mettre en place un plan d’action en travaillant avec tous, musulmans comme chrétiens, et en lien avec les autorités locales. Ce n’est pas toujours évident, car les problèmes sont énormes et les moyens d’action limités ; mais grâce aux efforts de tous, on arrive quand même à un certain nombre de résultats positifs, et je suis vraiment dans l’admiration devant l’engagement et le courage d’un certain nombre de ces Commissions… même si, au début, il a fallu réagir fortement contre des habitudes passées de laisser-aller ou même de recherche d’intérêt personnel, au lieu de chercher l’intérêt de tous, le bien commun et l’avancée du pays. Même si tout n’est pas encore parfait, au moins les choses sont claires. Quelques personnes ont été écartées, ou bien se sont retirées d’elles-mêmes et nous pouvons maintenant travailler dans de meilleures conditions, avec des objectifs clairs pour tous. Reste à ne pas nous laisser récupérer par un groupe ou un autre, ou même simplement à ne pas nous laisser embarquer dans de grands discours ou manifestations protocolaires pour passer à la radio ou nous montrer à la télévision, sans que cela n’ait aucun impact réel et ne serve aucunement à l’avancée du pays, ni au bien des plus démunis.

Actions au niveau diocésain.

Chaque diocèse a donc ses activités propres dans les quartiers où elles interviennent. Au niveau du diocèse, notre principale action a été le suivi et le soutien des victimes du 28 Septembre : familles endeuillées ou dont un membre a disparu, blessés par balles ou arme blanche, femmes ou jeunes filles violées, etc… Nous avons eu les moyens économiques pour cela, grâce à une aide de C.R.S. (Secours catholique américain) qui a un bureau en Guinée et avec qui nous collaborons régulièrement, des ONG françaises, comme Raoul Follereau et Guinée Solidarité, et aussi grâce aux  amis qui ont manifesté leur solidarité. Nous sommes très reconnaissants envers tous et nous les remercions de tout cœur.

Des écoles de brousse.

Nous continuons à soutenir et à suivre les écoles des villages dans le nord du pays (Koundara et Ourous), là où il n’y a pas d’école officielle. Nous y assurons à la fois une instruction de base (lecture, écriture, calcul) permettant aux élèves les plus doués de rejoindre les écoles officielles dans les Centres, et d’aller au Collège, et une formation à l’agriculture puisque ces écoles se trouvent en secteur rural.

Protection contre le paludisme et autres maladies.

Nous avons supervisé toute une action de vaccinations contre les maladies infantiles, et de distribution de moustiquaires imprégnées de produit qui chasse les moustiques, pour protéger les bébés et les femmes enceintes du paludisme. En effet jusqu’à maintenant cette maladie tue davantage de personnes en Guinée que le SIDA. Ce sont les responsables des Commissions « Justice et Paix » qui ont été chargés de surveiller ces distributions de matériel, ayant fait preuve de leur conscience professionnelle et de leur sérieux, pour éviter les détournements et les reventes de matériel qui devait être donné gratuitement.

Soutien des dispensaires et des écoles.

Grâce à un container reçu de l’Association « Appel Détresse », nous avons pu aider également un certain nombre de dispensaires, d’écoles et d’internats, à Conakry et à l’intérieur du pays. Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui ont participé à cette action

La situation du pays semble s’améliorer et les élections deviennent à nouveau possible. Nous allons donc relancer une formation d’observateurs indépendants pour ces élections, dont j’ai déjà parlé  dans ma dernière circulaire, mais cette formation a été interrompue par la force des choses, puisque tout était bloqué dans le pays. Cette formation est financée par le gouvernement des Etats-Unis par l’intermédiaire de C.R.S.

Les Centres aérés

Depuis Janvier, nous avons commencé la formation d’une cinquantaine d’éducateurs pour les Centres aérés que nous organiserons à nouveau au mois d’août de cette année, dans les quartiers populaires de CONAKRY. En effet, les colonies de vacances n’existent pas en Guinée, et si certains  enfants partent au village pour travailler pendant les vacances, et ainsi gagner de l’argent pour continuer leurs études, beaucoup ne peuvent le faire n’ayant pas l’argent nécessaire pour le voyage. Ce qui fait que de nombreux enfants, pendant les vacances, restent à traîner dans les rues, les marchés, les gares routières ; les parents n’ont pas le temps de s’en occuper car ils sont pris par la recherche de la nourriture quotidienne pour leurs familles. Souvent, ces enfants livrés à eux-mêmes, sont récupérés par des bandes qui les font entrer dans des bagarres, des vols, la consommation de drogues et autres activités de délinquance.

L’année dernière, nous avions lancé ces Centres aérés dans quatre quartiers, et ils ont très bien fonctionné. Mais la tendance était d’en faire de simples cours de vacances, ce qui était une solution de facilité. Nous voulons en faire une véritable activité d’éducation des enfants, en les responsabilisant, pour qu’il prennent eux-mêmes leur vie en main, et en leur donnant une formation pour qu’il soient des acteurs des Droits des Enfants auprès de leurs camarades.

Bien sûr, cela demande d’abord une formation sérieuse des éducateurs. On a démarré cette formation depuis Janvier, grâce à des dons reçus d’amis qui ont su motiver leurs collègues de travail, et cela se passe dans une très bonne ambiance. Là encore, nous remercions ceux qui nous ont aidés ; il nous restera ensuite à financer les activités de vacances elles-mêmes.

Activités en ville.

A côté de cela s’ajoutent les activités ordinaires, spécialement à CONAKRY : la formation des éducateurs des Jardins d’enfants (à Lambanyi), le Centre des Handicapés (à Kipé), le Foyer des enfants de la rue (à Sonfonia et Kuntiya), les Centres pour les personnes âgées, malades et abandonnées, les sidéens, le travail dans les prisons etc… toutes les autres activités d’accueil des étrangers et des réfugiés, les cas sociaux et toutes les personnes en détresse qui viennent  chaque jour se présenter à nous.

La paroisse de TAOUYAH.

En plus de tout ce travail d’animation à partir des deux Commissions de « Justice et Paix » et de « Pastorale sociale », et malgré toutes mes réticences et même mon refus, l’Evêque m’a confié la responsabilité d’une grosse paroisse de la banlieue : TAOUYAH. Il me faut donc jongler entre ces différentes activités, et je suis très insatisfait de ne pas pouvoir faire les choses suffisamment à fond. En effet, je ne suis présent dans ma paroisse que le 1° dimanche de chaque mois. Et aussi en semaine chaque fois que je peux me libérer, quand je suis à Conakry. Cela a au moins l’avantage de responsabiliser au maximum les laïcs de la paroisse, et de les pousser à prendre eux-mêmes les choses en main. Mais cela leur demande beaucoup de disponibilité et de souplesse. Et je leur suis très reconnaissant de faire le maximum pour suivre et s'adapter, malgré leurs occupations familiales et professionnelles, et même leurs activités de survie. En tout cas, nous avons réussi à former une équipe de responsables à la fois dynamique et très soudée. Notre préoccupation a été de mettre des équipes d’animation à tous les niveaux (non pas une personne seule, mais un bureau comportant un homme, une femme, un jeune homme et une jeune fille) pour toutes les activités, pour respecter la séparation traditionnelle en Guinée, comme dans beaucoup de pays d'Afrique Noire, entre les hommes et les femmes, les anciens et les jeunes (classes d'âge), base d'une vraie complémentarité. Et surtout pour éviter que activités et responsabilités ne reposent que sur une seule personne, avec le danger qu’elle veuille tout diriger et imposer ses idées ou au contraire s'épuise rapidement.

Nous  avons relancé les Communautés de quartiers pour que les chrétiens ne restent pas enfermés dans l’Eglise et ne se limitent pas à la prière et aux sacrements, mais animent vraiment leur quartier avec les autres habitants et prennent en charge les problèmes qui s’y posent : entente entre personnes de différentes ethnies et religions, problèmes de sécurité, assainissement, lutte contre la maladie, petits projets de développement, suivi des écoles et dispensaires, etc…Même les activités proprement chrétiennes se déroulent au niveau des quartiers, et donc ont été décentralisées : catéchèse, visites au malades, aides aux pauvres, lutte contre les injustices, réconciliation entre les personnes, les familles et les différents groupes, prières dans les familles à tour de rôle, etc… Après avoir réfléchi à tout cela et mis les choses en place, nous profitons de ce temps du Carême pour passer maintenant à l’action. Et nous en ferons l'évaluation ensemble après Pâques.

Autres actions.

Nous avons également organisé les différents groupes pour des rencontres mensuelles de réflexion et d’action : les jeunes, les enfants, les femmes, etc.. Nous avons également relancé les différentes commissions qui étaient en sommeil, ou même parfois inexistantes : formation permanente, commission d’organisation, justice et paix, pastorale sociale, commission de la famille, vocations, etc.  Enfin, nous avons réactivé les différents groupes et mouvements : Mouvement des enfants (CV-AV), des scouts, groupes de prières, Communauté Sant Egidio spécialement engagée dans le social, servants de messe, etc…

Tout ceci a d’abord été discuté dans le bureau de la paroisse qui l’a proposé aux différents groupes, mouvements et communautés qui y ont réfléchi, et ensuite cela a été discuté et enfin adopté après modifications  au cours de la réunion mensuelle du Conseil pastoral élargi, regroupant les délégués de tous les groupes paroissiaux. Ainsi nous arrivons à une participation du maximum de personnes, non seulement pour la mise en œuvre des actions, mais déjà pour leur élaboration, ce qui nous semble très important. Même si cela demande beaucoup de temps, d’efforts, de rencontres, parfois de réactions d’oppositions ou de blocages, en tout cas de discussions. Mais les résultats sont là.

Enfin, nous nous sommes lancés dans la construction du presbytère. En effet, la paroisse n’en a pas encore et j’habite à plusieurs kilomètres de là, en communauté avec un jeune stagiaire nigérian  qui travaille avec moi, et avec un autre confère, John, également nigérian, curé d’une paroisse voisine, LAMBANYI, située elle à 7 km de notre maison

La Cité de la Solidarité.

Sur notre paroisse, il y a en particulier ce que l’on appelle « La Cité de la Solidarité ». C’est une cité construite il y a une trentaine d’années par le gouvernement pour abriter des handicapés et mendiants. Ils sont actuellement plus de 110 familles dans cette cité. Autrefois, le gouvernement les prenait en charge, mais, peu à peu, on les a abandonnés et maintenant ils sont sans aide et se retrouvent confrontés à des problèmes de toutes sortes : nourriture, santé, scolarisation des enfants, habillement, etc. Même les fosses septiques ne sont plus vidées. Il y avait aussi au centre ville environ 80 familles qui vivaient autour de la Mosquée, dite sénégalaise. Ils vivaient d’aumônes qu’on leur donnait régulièrement, spécialement au moment de la prière du vendredi. Le nouveau gouverneur a décidé de les chasser ; il les a envoyés de force à la Cité de la Solidarité, alors que celle-ci était déjà surpeuplée, et sans aucune préparation ni information des anciens habitants, ni des nouveaux venus. Ces derniers ont été vus comme des envahisseurs qui venaient enlever aux anciens le pain  de la bouche et, jusqu’à maintenant, il y a beaucoup d’agressivité entre les deux groupes. Suite à notre visite, nous allons organiser une rencontre entre les différentes personnes et associations qui interviennent dans la Cité, pour voir comment organiser l’aide à apporter et éviter d’agir par intermittence et au coup par coup. Nous allons voir aussi comment réconcilier les gens, car nous voulons aider tout le monde, sans distinctions, pour qu’ils puissent vivre en paix. Enfin, nous allons intervenir auprès du Ministère des Affaires sociales, pour qu’il fasse son devoir et reprenne son soutien pour lequel d’ailleurs il reçoit des financements ; mais ces choses-là sont toujours à suivre avec attention.

Le Centenaire de MONGO.

Ce mois de Mars, nous allons célébrer le Centenaire de la paroisse de MONGO. J’y ai travaillé pendant 10 ans, avec les Guinéens et les Réfugiés, pendant les années chaudes de la guerre du Liberia et de Sierra Léone (de 1996 à 2.006). C’est d’ailleurs pour cela que j’avais quitté le Sénégal pour venir en Guinée. J’ai donc été impliqué dans la préparation de cette fête. On m’a demandé d’écrire une réflexion sur les dix années passées,  pour le Livret du Centenaire, et aussi de faire une Conférence sur la vie du fondateur des Spiritains, Claude POULLART DES PLACES, dont c’est justement le 300ème anniversaire de la mort, cette paroisse de Mongo ayant toujours été tenue par des Spiritains, pendant ces 100 années. Il y a eu tout un travail matériel à faire avec la fabrication de pagnes, de casquettes, de foulards à imprimer, etc…, la préparation de l’accueil, de la nourriture et du logement des participants (plus de 10.000 à accueillir dans un petit village de brousse), l’organisation des transports (800 km de mauvaises routes depuis Conakry: plus de 16  heures de voyage, à condition qu'ils n'y ait pas de pannes: hors les taxis comme les bus sont à bout de souffle), sans oublier la préparation spirituelle et la rédaction du Livret du Centenaire. Cela m’a au moins permis de voir plusieurs fois Winfried, mon successeur à Mongo, avec qui nous avons eu de longues conversations et discussions. Je suis très heureux de voir que la Mission de Mongo continue à bien marcher, que ce soit pour les Jardins d’enfants, les Projets de développement et les autres activités. Et je serai surtout très heureux de retrouver tant d’amis avec lesquels nous avons beaucoup travaillé et souffert pendant 10 années et que je n’ai pas revus depuis 2006. Ce sera une très grande joie pour nous tous : je vous en parlerai la prochaine fois.

La visite de notre Supérieur général.  

Depuis Octobre dernier, nous avons une nouvelle équipe de responsables pour les Spiritains d’Afrique de l’Ouest et ce mois de Mars nous allons recevoir notre Supérieur général qui vient de Rome nous visiter. Nous serons très heureux de l’accueillir et de faire avec lui le point de nos activités qu’il visitera avec nous. Nous pensons que cela peut nous donner un  nouvel élan et améliorer nos façons de travailler. Ensuite, nous nous retrouverons tous ensemble au Sénégal pour une rencontre d’évaluation collective, suivie d’une semaine de retraite et de prières communautaires.

Santé et congés.

Cette retraite me permettra en même temps de me reposer, car j’en ai bien besoin. A cause de la surcharge de travail, j’ai eu en effet plusieurs problèmes de santé ces derniers temps : mes deux chevilles qui se sont infectées successivement et qui n’arrivaient pas à cicatriser ; une forte crise de palud qui m’a beaucoup fatigué ; une grosse bronchite qui a longtemps traîné, malgré la prise d'antibiotiques dont je ne veux surtout pas abuser. Grâce aux soins amicaux et efficaces du médecin de l'ambassade de France, j'ai guéri de tout cela, mais un grosse fatigue générale et profonde persiste. Il me faudra bien les 3 mois de repos que je vais essayer de prendre cet été pour retrouver la forme nécessaire. Heureusement, le moral n'est pas atteint. Mais il est vrai qu'à 70 ans et après tout ce que j'ai vécu, je n’ai plus la même résistance qu'autrefois.

La mise en pratique du synode

Une chose qui m’inquiète parmi beaucoup d’autres c’est la mise en œuvre du 2ème Synode pour l’Afrique. Nous y avions beaucoup travaillé pour le préparer ; nous avons ensuite longuement réfléchi  au Message final des Evêques, à la fin de ce Synode. Mais depuis, il n’y a pas grand-chose qui se passe. Beaucoup de gens disent « il faut attendre le document que le Pape va publier », mais en attendant, le temps passe et on oublie les choses. Et j’ai peur que ce synode se limite à une rencontre entre évêques, certainement sympathique et intéressante, mais qui n’entraîne rien de concret, ni de véritable avancée. Déjà la rencontre des évêques sur les problèmes de justice et paix qui était prévue en Janvier à MAPUTO a été reportée au mois de mai, ce qui n’est pas bon signe. (Pour ceux qui ont accès à internet, vous pourrez retrouver davantage de détails sur toutes ces différentes choses sur mon site, notre blog, ou par les nouvelles envoyées régulièrement par mails).

 Je rédige cette lettre sur la route de BOKE où je vais assurer une formation « Justice et Paix », le jour de la fête du Maouloud, anniversaire de la naissance du Prophète Mahomet. J’aurai la joie de retrouver mes anciens paroissiens de Kataco et de Boffa et ce sera un grand plaisir pour nous tous ; nous allons parler les différentes langues de la région ; déjà dans le taxi, en route, j’ai longuement parlé avec une Sénégalaise, en ouolof, au grand étonnement des autres voyageurs guinéens ; mais je me suis quand même rattrapé en les saluant dans leurs différentes langues guinéennes, au moins dans les cinq que je connais.

Je vais donc arrêter cette lettre pour aujourd’hui, en vous disant que je suis toujours très heureux d’avoir de vos nouvelles, en vous remerciant pour tout votre soutien dans nos différentes activités. De mon côté, je vous redis toute mon amitié et l'assurance de ma prière fraternelle, en attendant la joie de vous revoir. Que ces fêtes de Pâques nous fassent entrer, non seulement dans la joie du printemps, mais dans le bonheur  d'une vie nouvelle. Joyeuse Résurrection à tous, dans la paix et l'amitié. Et l'espérance pour tout ce qui ne va pas encore, mais que  nous sommes bien décidés à faire naître.

Armel,