Père Armel DUTEIL

Mission catholique

BP 2016

CONAKRY (Guinée)

JUILLET 2008

http://armel.duteil.free.fr

Chers Amis,

Profitant de mon passage en France qui me laisse un peu de temps libre, je vous envoie de mes nouvelles. Pour ceux qui peuvent consulter Internet, vous en trouverez d’autres plus détaillées sur mon site. A ce sujet, si vous souhaitez être mis au courant des mises à jour sur mon site, c’est-à-dire être prévenus chaque fois que mon neveu Jean-Michel y ajoute d’autres documents, il suffit de le demander en envoyant un message à l’adresse mail de mon site, c’est-à-dire : armel.duteil@free.fr Pour m’envoyer des nouvelles directement, écrire à : armelduteil@yahoo.fr Vous pouvez aussi noter ma nouvelle adresse indiqué ci-dessus.


La situation du pays.

Dans la dernière circulaire, je vous disais que la situation du pays s’était bien améliorée. En effet, il y avait eu une entente entre les syndicats qui avaient déclenché une grève générale et le Président de la République et son camp. Celui-ci avait accepté de prendre un Premier ministre parmi les quatre proposés par la société civile ; des accords étaient signés pour un meilleur fonctionnement du pays ; un comité de suivi était mis en place regroupant des syndicats, des partis politiques, des représentants de la société civile, le patronat et des « sages », anciens des représentants des différentes ethnies du pays, pour suivre l’évolution du pays. Un comité de veille a été également mis en place, composé des différents chefs religieux chrétiens et musulmans, pour veiller à ce que tout se passe bien, dans le respect des accords signés. Tout cela avait été payé très cher : beaucoup de souffrances et de morts, en particulier 186 morts civils qui manifestaient pacifiquement en janvier 2001. Nous espérions que le pays allait pouvoir à nouveau redémarrer, malheureusement il n’en a rien été. Pourquoi ? D’abord à cause du contexte international. Comme vous le savez, le prix du pétrole a augmenté d’une façon délirante et en Guinée quand le prix du pétrole et donc du carburant augmentent, tout augmente ; non seulement le coût des transports mais tous les produits. D’ailleurs au niveau international, le riz et les céréales en général ont également augmenté. Or la Guinée importe au moins la moitié du riz qu’elle consomme et qui est la nourriture de base. Cela coûte de plus en plus cher aux gens de nourrir leurs familles et de nombreuses personnes ne font qu’un seul repas par jour. Le Gouvernement mis en place a fait de son mieux pour améliorer les recettes et mieux diriger le pays, l’inflation a baissé, le pays avait retrouvé la confiance des ONG et des Organisations internationales. Mais cela n’a pas suffi à compenser les hausses des différents produits ; les gens sont devenus de plus en plus pauvres et de plus en plus malheureux. D’autant plus que les nouveaux responsables ont fait des promesses trop hâtives et trop optimistes qu’ils n’ont pas pu tenir, par ex. pour installer l’électricité et l’eau courante dans les quartiers. Cela a beaucoup découragé les populations ; de plus ce manque d’eau est très grave ; il n’y a pas d’eau potable, même dans la capitale ; dans de nombreux quartiers, les caniveaux sont à ciel ouvert, les égouts sont bouchés et l’on est en pleine saison des pluies. Résultat, l’année dernière on avait recensé 8.500 cas de choléra et 310 décès annoncés officiellement ; en fait, il y en a eu beaucoup plus. Cette année, au 18 Juillet, on avait recensé 89 cas et 29 morts signalés ; et il y a beaucoup de cas qui ne sont pas signalés, en particulier ceux qui meurent dans les villages et même en ville car les familles ont peur de signaler les décès de leurs membres par crainte de punition.

Par ailleurs, le Président est gravement malade depuis plusieurs années et donc incapable de diriger le pays, mais il n’a pas accepté de laisser le pouvoir et il est entouré de tout un clan de personnes qui veulent elles aussi rester au pouvoir, à cause de tous les avantages qui l’accompagnent et des gains qu’elles peuvent faire, la plupart du temps d’une façon illicite à coups de pots de vin ou de corruption.

Comme la situation ne s’améliorait pas, les syndicalistes ont voulu relancer une nouvelle grève générale au jour anniversaire, donc un an après la grève précédente ; mais le comité de suivi a réussi à les en dissuader. En effet, il y a eu trop de morts l’année dernière et les grèves ont été l’occasion de violences de toutes sortes, et de casses qui coûtent très cher au pays et ont encore augmenté les problèmes économiques. En arrêtant ce projet de grève générale, de nombreux morts ont été évités mais les problèmes, eux, n’ont fait qu’augmenter. Finalement, il y a 2 mois le Président a renvoyé le Premier Ministre pour mettre à sa place un de ses anciens ministres. On est donc revenu à la case départ. Bien pire, les problèmes ont à nouveau éclaté, les militaires se sont mutinés en demandant le paiement immédiat et total de 5 millions de francs guinéens, soit plus de 800 euros, ce qui est énorme pour le pays. Cette somme leur avait été promise depuis de nombreuses années mais n’avait jamais été payée ; ce sont des retards qui se sont accumulés et qui deviennent maintenant beaucoup trop lourds. Comme les militaires ont des armes, leur demande a donc été acceptée, sans tenir compte de la situation dramatique du pays et sans penser à tous ceux qui dans le pays n’ont aucun salaire ni avantage et doivent se débrouiller comme ils peuvent pour nourrir leurs enfants en faisant des petits métiers ou en comptant sur la débrouillardise. Il faut dire que suite à la dictature de Sékou Touré qui avait complètement désorganisé l’armée et ensuite à cause de la guerre au Sierra Léone et au Libéria et des invasions rebelles en Guinée, l’armée guinéenne est complètement désorganisée, sans discipline et même sans sens civique ni conscience et beaucoup de militaires d’ailleurs se droguent, ce qui fait qu’ils ne savent plus ensuite se maîtriser. Ainsi les mutins ont séquestré l’adjoint du Chef d’état major, ils ont demandé à monter en grade pour tous, systématiquement, et en plus ils ont réclamé qu’on leur donne du riz en quantité importante à 10 % du prix de vente officiel. Souvent ce riz ils vont le revendre au marché au prix fort, ce qui entraîne des protestations de la population. Mais beaucoup plus grave, au cours de cette mutinerie les militaires ont demandé l’impunité et surtout ils ont fait libéré les militaires qui avaient été arrêtés l’année dernière pour avoir tiré sur la foule. Ceci est très grave, c’est l’impunité totale qui s’étend ; la Guinée n’est plus un pays de droit et les gens perdent de plus en plus tout sens civique et moral. Les soldats mutins sont sortis en ville en tirant en l’air, en causant ainsi la mort de nombreux civils dans les quartiers : ils en ont profité pour piller les magasins et un marché tout entier et pour violer des femmes et des jeunes filles. Tout cela a évidemment plongé le pays dans un très grand désarroi et entraîné beaucoup de souffrances et de découragements de la population.

En suivant l’exemple des militaires, les policiers et les pompiers sont partis eux aussi en grève pour demander à leur tour des augmentations de salaires et une montée en grade pour tous. Cela n’a pas plu aux militaires qui voulaient garder leurs privilèges pour eux seuls, et ils se sont battus entre eux. De plus les policiers avaient intercepté une livraison importante de drogue, entrée bien sûr illégalement dans le pays, qui était destinée à ces militaires. (En effet la Guinée devient de plus en plus une plaque tournante pour la drogue et un lieu de passage entre l’Amérique du Sud et l’Europe). Les militaires ont donc attaqué les policiers et en ont tué une trentaine.

Début Juin, les enseignants ont annoncé eux aussi une grève générale, demandant à leur tour des augmentations de salaire et d’autres avantages. Les examens ont dû être reportés et, par la suite, les résultats ont été annulés à cause de nombreuses fraudes, beaucoup d’élèves possédaient les sujets avant les examens, ces sujets étant d’ailleurs vendus sur la place publique. Finalement on a accepté aussi les demandes des enseignants pour qu’ils acceptent de reprendre les examens. En voyant cela, les agents de la santé, à leur tour, ont annoncé un mouvement de grève.

Mais où le pays va-t-il trouver tout cet argent ? Et si les promesses ne sont pas tenues, nous allons vivre des tensions, des manifestations encore plus dramatiques et la situation du pays ne va faire qu’empirer. Voici donc la situation dans laquelle nous nous débattons actuellement, et bien sûr ça n’est pas facile de maintenir la paix, de redonner à la fois espérance et éducation à la population. Et encore une fois, tous ceux qui manifestent ainsi et partent en grève, ce sont des fonctionnaires et des salariés. Même si les salaires sont très bas, ils ont quelque chose pour vivre. Mais que vont faire les paysans qui eux ne sont pas salariés, ne reçoivent aucune aide ni, bien sûr, aucune augmentation de salaire. C’est surtout à tous ceux-là et à ceux qui n’ont pas de travail régulier –ils sont la majorité- que nous pensons avec émotion et que nous essayons d’aider, en particulier par le travail des deux commissions dont je suis responsable : « Justice et Paix » et « Pastorale sociale ». Mais nos moyens sont très limités. (Vous pouvez trouver plus de détails sur l’action de ces deux commissions sur mon site aux rubriques « Justice et Paix » et « Pastorale sociale »). Actuellement la situation est donc très tendue dans le pays, nous sommes très inquiets pour l’avenir car les gens sont à bout de nerfs et les syndicats au bout du rouleau. Nous sommes à la limite de la guerre civile.

L’assassinat du Frère Joseph.

L’un de nos frères enseignants de Kataco, âgé de 62 ans, Joseph DOUET, des Frères de St Gabriel, après avoir travaillé longtemps au Sénégal, était venu à KATACO en 2001. Il était spécialement chargé de l’internat des élèves qu’il avait d’ailleurs lui-même construit et lancé et qu’il animait avec beaucoup de dévouement. Comme c’était les vacances il était resté seul. Des jeunes chrétiens du village, certainement télécommandés par des anciens, en ont profité pour le tuer en s’acharnant sur lui d’une façon très méchante. Il faut dire qu’il y avait des menaces de mort contre les missionnaires à Kataco depuis 2002, et aussi de nombreux vols, non pas de choses personnelles mais nos moyens de travail pour casser nos actions d’évangélisation, par exemple les pompes et les panneaux solaires aux Jardins d’enfants, à l’internat, à l’école primaire et au dispensaire. La police pourtant prévenue n’avait jamais rien fait et dans les villages ; c’était la loi du silence. Tout cela était commandé par les anciens pour casser notre travail, car beaucoup sont encore enfoncés dans les coutumes traditionnelles qui les poussent à refuser toute évolution, même au point de vue économique ou social, étant encore très enracinés dans le fétichisme et la sorcellerie. Ils veulent à tout prix garder leur pouvoir traditionnel et acceptent donc très mal notre travail d’éducation des jeunes et de libération des femmes. C’est pour cela que la Mission avait été fermée pendant une année et que l’on m’a demandé d’y aller en 2006 pour essayer d’arranger les choses. Mais en fait, malgré tous nos efforts la situation ne se s’est pas améliorée et au contraire les choses ont atteint leur paroxysme avec l’assassinat de notre frère. Cela a été un choc terrible pour nous et a causé une grande émotion non seulement à Kataco mais dans tout le pays. Heureusement, nous avons été très soutenus par les chrétiens et aussi par les nombreux musulmans qui vivent avec nous, en particulier les parents des enfants de l’internat qui, à son enterrement, ont loué le Frère Joseph pour son travail et pour le respect qu’il portait aux enfants musulmans en faisant assurer en particulier leur formation religieuse dans le respect de leur foi.

Après cet assassinat nous avons tout fait pour éviter tout sentiment de vengeance, pour vivre ce deuil dans la réconciliation afin de ramener la paix, en demandant simplement que justice soit faite. Les deux jeunes assassins ont été arrêtés grâce au courage d’un chrétien qui les a dénoncés malgré tous les risques que cela comporte pour lui. Nous attendons maintenant leur jugement. Mais pour nous il s’agit surtout de tirer les conclusions de tout cela et de relever la Mission de Kataco. Nous avons décidé que le Frère Joseph serait enterré à Kataco, là où il travaillait. Frères, sœurs et prêtres, nous avons également décidé de rester sur place et de continuer nos activités. Notre Evêque est venu trois fois de suite pour parler avec les gens de Kataco-centre et aussi ceux des autres villages de la région. Ensemble nous avons cherché comment dépasser cette épreuve, comment faire avancer les villages, les libérer du fétichisme, de la sorcellerie et aussi mieux assurer notre travail d’évangélisation, d’éducation et de développement. Cela va certainement demander beaucoup de temps, de réflexions et d’efforts, mais nous sommes décidés à continuer malgré tout.

Vous pourrez avoir d’autres renseignements sur le Frère Joseph dans mon site, à la rubrique « Kataco », page « Frère Joseph Douet ».

Pour ma part je vais rentrer en France cet été pour deux célébrations, d’abord une en souvenir de ma mère décédée en Mars, que j’assurerai avec nos parents et nos amis dans notre Ile d’origine de HOUAT, le 9 Août, et le 23 Août je serai dans la famille du Frère Joseph avec tous ses parents. Notre Evêque tient à venir lui-même depuis Conakry pour y participer, afin d’encourager sa famille qui bien sûr n’a pas pu venir à l’enterrement en Guinée. Je confie tous ces événements et tous ces problèmes à votre amitié et à votre prière.

Le pèlerinage de BOFFA.

Autre fait important, le premier dimanche de Mai le pèlerinage diocésain de Boffa, à 150 km de Conakry. Comme chaque année, et malgré les difficultés financières, les gens sont venus nombreux, plusieurs milliers. Nous avons prié à cette occasion pour le frère Joseph, et aussi tiré des conclusions pour la vie de nos communautés chrétiennes dans tout le diocèse. Nous avons réfléchi pendant deux jours en groupes et en assemblée générale à la situation du pays pour voir comment y mettre plus de justice et de paix. Le pèlerinage était précédé comme d’habitude par une marche des jeunes, avec un questionnaire de réflexion sur le thème de la communion (l’entente). Les jeunes de Kataco y ont participé en marchant pendant 700 km avec ceux des paroisses voisines de Kamsar et Boké, dans une très bonne ambiance. Je vais mettre des photos de ce pèlerinage dès que je le pourrai sur mon site pour vous en donner une idée.

Réorganiser la paroisse de BOFFA.

Boffa, c’est la paroisse voisine de Kataco. Là aussi les problèmes ne manquent pas. Le prêtre responsable, un confrère sénégalais, a dû rentrer au pays, et il n’y a personne pour le remplacer en ce moment. C’est pourquoi on m’a demandé, tout en gardant la responsabilité de Kataco et des deux commissions, de m’établir à Boffa. Là aussi il y aura bien du travail à faire. Nous avons fait la tournée de toutes les communautés avec l’Evêque pendant une semaine. Il faut vraiment redynamiser ces communautés chrétiennes. Les chrétiens sont très peu nombreux au milieu d’une grande majorité de musulmans ; ils ont donc tendance à se replier sur eux-mêmes et à limiter leurs activités à la prière et aux sacrements. Il va falloir leur redonner confiance et organiser les communautés pour qu’ils assument leurs responsabilités pour l’éducation, l’aide aux pauvres, le développement et l’avancée du pays. Cela va faire beaucoup de travail, mais comme c’est très important j’ai accepté et vous assure qu’il me faudra beaucoup de temps, de patience pour arriver à des premiers résultats, et ce ne sera pas facile d’assurer ce travail en plus de mes responsabilités précédentes. Au passage, voici un petit texte que nous aimons bien utiliser dans nos communautés : Un jour en marchant j’ai vu une bête. Je me suis approché et j’ai vu que c’était un homme. Je me suis encore approché et, en arrivant près de lui, j’ai vu que c’était mon frère.

L’école et l’internat de BOFFA.

Avec un jeune confrère, (Hermann), venu du Sénégal pour travailler à Boffa et le Conseil paroissial, nous avons réfléchi au fonctionnement de l’école et de l’internat. A Boffa, il y a une communauté de religieuses qui a un Jardin d’enfants et un internat pour les filles qui fonctionnent normalement. A la paroisse, il y a une école primaire mais qui n’arrive pas à se prendre en charge pour le moment au point de vue financier. Et pourtant cette école est très importante pour l’avenir des enfants et de la région ! Mais l’enseignement est en pleine déconfiture depuis de très nombreuses années et c’est pour cela que nous avons décidé de nous y lancer. Nous avons reçu de très nombreuses demandes des parents pour que nous prenions leurs enfants, mais nous ne pouvons pas satisfaire toutes ces demandes faute de moyens. Il y a aussi un internat pour les garçons. D’abord les bâtiments sont très anciens et insalubres. Il va falloir les réaménager et si possible tout cela avant la rentrée scolaire, si nous trouvons les moyens financiers pour cela.

Ensuite, dans cet internat, ce sont surtout des enfants de la capitale, Conakry, ou des enfants de cadres qui viennent, car il faut payer la pension : nourriture, logement, etc.. Or notre volonté c’est d’accueillir surtout des enfants du monde rural (des paysans des villages autour de Boffa) et aussi des enfants des familles pauvres dont les parents n’ont pas les moyens d’assurer la scolarisation. Cela nous semble vraiment essentiel et nous en faisons notre priorité. C’est pourquoi nous pensons mettre en place un système de parrainage pour pouvoir accueillir ces enfants, les prendre en charge et assurer une bonne éducation. Si vous connaissez autour de vous des personnes qui pourraient nous aider dans ce sens et qui seraient intéressées de soutenir cette action, elles pourraient faire, comme pour nos autres activités, un versement soit à mon nom à mon CCP à Nantes, soit par chèque bancaire (à l’ordre de la Congrégation du St Esprit)qui serait à envoyer à la Congrégation du St Esprit, 30 rue Lhomond, 75005 Paris. Dans les deux cas, nous pourrons leur fournir une attestation de versement pour déduction d’impôt. La prise en charge d’un élève en internat revient à environ 25 euros par mois. Bien sûr nous voulons faire de cet internat un véritable lieu d’éducation et de formation à tous les niveaux, sans nous contenter d’avoir de bons résultats scolaires ce qui est bien sûr important également. Nous voudrions en particulier y assurer une éducation aux droits de l’homme et aux droits de l’enfant, grâce aux jeux éducatifs que nous avions composés à MONGO, mon premier poste en Guinée. Nous avons demandé à un jeune Ghanéen spiritain en stage de formation, Patrick BULUS (lire : Boulousse), particulièrement compétent pour ce type d’éducation, de venir avec nous à Boffa l’année prochaine pour assurer le suivi de l’école et l’animation de l’internat. Nous pensons donc que grâce à cela les activités se passeront pour le mieux.

Les tournées dans les villages.

A Boffa comme à Kataco il nous faudra continuer à assurer les tournées dans les villages. Je vous en ai souvent parlé, mais cela aussi nous coûte très cher. Voici, à titre d’information, la lettre que nous avons envoyée à une Organisation en espérant qu’elle pourra nous aider :

« Demande de soutien pour les déplacements dans les Paroisses de Boffa et Kataco.

Ces deux Paroisses se trouvent au nord de Conakry, dans la région appelée le Bagataye, en secteur rural. La paroisse de Kataco comprend 9 communautés chrétiennes de village, et celle de Boffa 5 communautés situées entre 30 et 70 km du centre sur des routes très difficiles qui fatiguent beaucoup les voitures. De plus le carburant a énormément augmenté ces derniers temps. Pourtant, il est absolument nécessaire de visiter régulièrement ces communautés chrétiennes de l’intérieur pour les soutenir et pour continuer le travail d’évangélisation. Nous passons au moins une journée dans chaque communauté au cours de nos tournées. L’après midi nous travaillons avec les catéchistes et les responsables ; le soir la veillée avec toute la communauté. Le lendemain matin, Eucharistie et réunion de la communauté pour évaluer le travail du mois passé et préparer les actions futures.

De plus, nous organisons des formations régulières pour toute la paroisse, notamment pour les catéchistes, les responsables de communautés, les jeunes, les mouvements et différentes associations, les femmes, etc. Mais tout cela demande du carburant et un entretien suivi des voitures. Nous essayons de visiter chaque communauté chaque mois à raison de deux communautés par semaine. Nous demandons à chaque paroisse de contribuer à nos dépenses. Pour cela, nous leur demandons 3 litres de carburant, soit 3 x 7000 Fg = 21.000 Fg. C’est déjà un gros effort de leur part, car leurs moyens sont très limités. Mais nous y tenons.

Voici l’aide que nous sollicitons auprès de vous pour les déplacements et les entretiens des voitures.

Mission catholique de KATACO :

déplacement : moyenne 50 km, aller-retour 100 km. Consommation 15 l aux 100 km x prix actuel (il va sans doute continuer à augmenter) = 7 000 Fg/litre.

Une visite par mois pour 9 communautés.

Carburant :

NB : Les paroisses prennent en charge le Prêtre (logement, nourriture) lors de son séjour.

Mission catholique de BOFFA :

Cinq paroisses en plus de celle du centre, dans les mêmes conditions. Demande de 12 litres d’essence par voyage, 3 étant fournis par la communauté.

Soit, TOTAL GENERAL : 31 312 000 Fg (environ 4 800 euros). »

Formation à la non-violence active.

(De retour en France, je continue cette lettre fin Juillet)

Dès mon arrivée en France, j’ai tenu à participer à une formation sur la « non violence active », dans la ligne des actions menées autrefois par GANDHI pour obtenir l’indépendance de l’Inde, ou Martin Luther KING (Etats-Unis) pour la défense des droits des Noirs, et également aux Philippines pour renverser le dictateur MARCOS, par des actions pacifiques et non violentes. Cette session était organisée par le MIR (Mouvement international pour la réconciliation) que je connais depuis longtemps. Je travaille depuis de nombreuses années leur revue, mais avec tout ce que nous avons vécu en Guinée j’ai senti le besoin profond de réfléchir et de me former davantage dans ce domaine. D’abord parce que vivant dans un climat de violence, c’est difficile de ne pas se laisser prendre par l’ambiance ; j’avais donc besoin de pouvoir prendre du recul et de revoir mes façons de faire de manière à échapper à ce climat de violence. Ensuite, j’ai le souci d’organiser des formations et de mettre en place des groupes pour mener des actions non violentes qui me semblent la seule réponse valable pour résoudre les problèmes du pays, les actions violentes ne pouvant qu’amener morts et souffrances supplémentaires, accroître les problèmes du pays et durcir encore le régime actuel. Il nous faudra donc chercher d’autres types d’actions, des actions symboliques, des moyens de réagir qui soient moins dangereux pour la population mais tout aussi efficaces, et même plus finalement.

La session avait lieu près de SOISSONS dans un Centre très accueillant et un très beau site où nous étions pris, discrètement mais efficacement, en charge, ce qui nous a permis de travailler dans les meilleures conditions possible. J’y ai retrouvé un prêtre sénégalais de la Casamance que je n’avais pas vu depuis de très nombreuses années et qui est confronté aux problèmes d’une rébellion armée dans sa région. J’ai travaillé aussi avec trois jeunes engagés dans l’ACAT (Action des Chrétiens contre la Torture). Avec les participants nous nous sommes retrouvés sur la même longueur d’onde dès le début, ce qui nous a permis des échanges amicaux et très profonds. L’animatrice, Maria, a déjà assuré de nombreuses formations de ce type, et suivi plusieurs groupes en Afrique Noire ce qui lui a permis de bien comprendre nos problèmes, nos façons de réagir et de travailler. En plus de la réflexion sur l’importance et la valeur de la non-violence active, nous avons eu toute une formation sur les moyens que l’on peut utiliser pour cela et qui me sera d’une grande aide pour mon travail dans le cadre de notre Commission « Justice et Paix » en Guinée ; elle m’a permis aussi avec l’aide des autres participants d’analyser en profondeur aussi bien ce qui se passe dans le pays que ce qui s’est passé à KATACO depuis 2001 jusqu’à maintenant, et de voir comment continuer à agir pour faire évoluer la situation. Il me reste à mieux vivre cela, d’abord moi-même, puis à le partager avec ceux avec qui je travaille et enfin à mettre en place des formations et à mener des actions non violentes. J’aurai l’occasion de vous en reparler dans le futur.

Je vais vous laisser pour aujourd’hui en vous redisant toute mon amitié. Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir vous rencontrer tous malgré mon désir, mais il faut que je me repose un peu et ensuite que je retourne en Guinée sans trop tarder. J’espère que je pourrai au moins vous parler par téléphone et que cette lettre vous trouvera dans la paix avec toute votre famille. Je vous remercie pour votre soutien et vous assure de ma prière et de toute ma sympathie.

ARMEL