Armel DUTEIL

Mission Catholique de MONGO

B.P. 61

GUECKEDOU (Guinée Conakry)

JANVIER 2000



Chers Amis,


Cela fait longtemps que je ne vous ai pas écrit ; pourtant ce n'est pas faute de penser à vous, mais j'ai toujours autant à faire. Heureusement ma santé tient bon pour le moment, et puis la collaboration avec les gens, aussi bien Guinéens que Réfugiés et l'engagement des Communautés m'encouragent beaucoup. Donc tout va bien et je suis heureux.


Cette année, il a beaucoup plu ; c'est très bon pour le riz, les gens sont heureux. Même si cela nous a causé beaucoup de problèmes pour notre travail pastoral pendant plus de trois mois nous étions complètement isolés car les quatre routes qui partent de Mongo étaient impraticables, même avec notre voiture à quatre roues motrices, d'autant plus que les gens avaient voulu refaire les ponts juste au début de la saison des pluies, ce qui évidemment n'était pas le meilleur moment. Actuellement, les routes sont toujours aussi mauvaises, mais elles sont à peu près sèches et nous arrivons donc à passer, même si cela nous cause de très gros frais pour l'entretien de notre voiture. Nous aurons absolument besoin d'une voiture tout terrain pour pouvoir circuler dans la forêt et rejoindre les différents camps de réfugiés qui sont installés tout au long de la frontière.


La situation en SIERRA LEONE évolue peu à peu. Après la signature des Accords de paix, il y a eu de nombreux accrochages, en particulier entre les rebelles et leurs anciens alliés militaires putschistes. Actuellement, il semblerait que la situation se stabilise à ce niveau. Les forces de l'ONU commencent à arriver et les militaires de l'ECOMOG (la force d'intervention ouest-africaine) ont accepté de rester plus longtemps que prévu pour assurer la sécurité mais cela ne suffira peut-être pas à apporter le calme. En tout cas pour le moment même si la vie a repris dans la capitale de FREETOWN, l'insécurité demeure à l'intérieur du pays ; des bandes continuent de circuler et c'est pourquoi les réfugiés hésitent encore beaucoup à rentrer. Certains hommes passent simplement la frontière pour commencer à préparer leurs champs pour l'année prochaine et à construire des maisons en vue de leur retour, mais leurs familles restent toujours dans les camps. Pourtant un certain nombre pense à rentrer, d'autant plus que les derniers arrivés depuis deux ans ne reçoivent pratiquement aucun vivre ni aucun soutien. De notre côté, nous continuons notre travail d'animation et de présence auprès d'eux comme par le passé, et en particulier notre travail d'éducation à la paix et notre action pour la réconciliation, car c'est cela qui nous semble essentiel aussi bien pour maintenant que pour le moment où les réfugiés rentreront pour reconstruire le pays. Il ne suffit pas d'arrêter la guerre pour que les problèmes soient réglés pour autant. Ce qui se passe au KOSOVO le montre bien. Lors de mon passage dans les différents camps, nous réfléchissons donc avec les gens pour voir comment préparer leur retour dans les meilleures conditions, également pour faire l'évaluation de leur séjour en GUINEE : ce qu'ils ont appris et ce qu'ils vont pouvoir ramener avec eux comme formation et réflexion. Nous essayons aussi d'analyser ensemble les causes de la guerre et les solutions possibles pour éviter qu'elle ne reprenne dans quelque temps ; nous cherchons avec eux comment reconstruire leurs familles, leurs villages et le pays, en prenant part à la vie civile au maximum tout en évitant les problèmes qui ont entraîné la guerre, en particulier le tribalisme, la corruption, les inégalités sociales, le chômage en particulier des jeunes parce que les places et les postes étaient monopolisés par certains adultes et personnes âgées et aussi par certaines grandes familles. Cette réflexion intéresse beaucoup les réfugiés car ils en sentent toute l'importance.


Comme je vous l'avais écrit dans ma dernière lettre, depuis l'année dernière de son côté le HCR a commencé à déplacer les camps à l'intérieur du pays par crainte d'incursions rebelles et d'attaques des camps depuis la SIERRA LEONE. Il y a eu à nouveau des rumeurs à ce sujet au moment de Noël et cela a perturbé nos rencontres et nos prières. Mais les gens ont vécu ça finalement dans le calme et dans la paix. Cela entraîne un nouveau déplacement (un nouvel exode pour les réfugiés) ; cela risque d'augmenter le déboisement et la détérioration de l'environnement pour le pays, mais le HCR dit en même temps que ainsi les réfugiés seront réunis et ce sera plus facile de les faire rentrer. Nous verrons bien ce que cela donnera car l'avenir reste toujours incertain. Il y a eu déjà tant de fois où les réfugiés ont espéré rentrer et n'ont pas pu le faire que maintenant beaucoup sont méfiants et attendent de voir ce qui va se passer réellement. J'ai donc vécu les fêtes de Noël dans quatre principaux camps de la paroisse ; c'était très sympathique et important pour que les réfugiés ne se sentent pas abandonnés, qu'ils sachent qu'il y a des gens qui pensent à eux ; pour moi c'était important de partager leur vie et ceci c'est sûr que célébrer Noël dans un camp de réfugiés, célébrer Jésus-Christ né loin de son village, obligé de s'enfuir en Egypte, donnent toute une nouvelle dimension à cette fête. Maintenant la vie ordinaire a repris. Nous sommes toujours confrontés aux problèmes de pauvreté et aux problèmes de santé. A MONGO même, au centre, il y a un petit poste de santé, mais il n'y a pas de médicament, et de toutes façons les gens n'auraient pas suffisamment d'argent pour les acheter. Ce qui fait que la plupart ne peuvent pas se faire soigner dans les dispensaires ; ils se soignent comme ils peuvent avec les plantes et la médecine traditionnelle ; l'afflux de réfugiés fait que même ces plantes commencent à disparaître. Beaucoup de malades attendent que leurs problèmes se passent. Et c'est pourquoi je remercie beaucoup ceux qui nous envoient des médicaments qui nous rendent grands services. Comme je vous l'ai dit le plus simple est d'envoyer les médicaments en colis postal de 3 kg qui arrivera sans trop de problèmes. Pour vous donner une idée du manque de moyens financiers des populations, voici les tarifs qui sont pratiqués à l'Hôpital de GUECKEDOU, la Préfecture ; bien sûr il n'y a pas de Sécurité sociale. Ces tarifs, comme vous allez le voir, sont très bas ; et pourtant ils dépassent les possibilités de beaucoup de personnes qui vivent au jour le jour ; c'est vous dire combien le niveau de vie est bas et combien les problèmes des gens sont énormes ; car même si ils cultivent le riz pour manger souvent ils manquent d'argent liquide pour acheter les médicaments nécessaires.


- Frais d'hospitalisation, avec médicaments de base fournis : 50.00 F français - Hospitalisation avec intervention chirurgicale : 120.00 F - Accouchement normal : 12.00 F - Césarienne : 40.00 F - Cert. de naissance : 4.00 F

Il est bien évident que la modicité de ces tarifs et le peu de moyens de Etat font que les soins sont vraiment minimum et parfois ne sont même pas assurés.


Nous continuons notre travail de formation et d'animation des GUINEENS pour qu'ils s'engagent davantage dans le développement du pays, qu'ils luttent contre les injustices et que dans les Communautés ils prennent plus en charge les nécessiteux, l'accueil des réfugiés et autres personnes marginalisées, pour qu'il y ait davantage d'honnêteté, de conscience professionnelle et de responsabilité. Ce n'est pas simple, car d'abord souvent les actions de développement se limitent à la capitale et ce sont pour le mieux les gens autour des grandes villes qui en profitent. De plus, il y a un certain nombre de problèmes au point de vue utilisation de l'argent et l'argent du pays a tendance à être récupéré par les tenants d'une certaine classe politique avec leurs familles, les gens de leur ethnie. Tous nos efforts dans la communauté chrétienne visent donc à bâtir des communautés ouvertes à tous, où les pauvres et les personnes vulnérables puissent avoir la priorité et aussi où l'on cherche à se prendre en charge et agir par ses propres moyens sans attendre l'extérieur ni même l'aide du Gouvernement, ou même l'aide d'autres personnes du pays. Je pense que malgré toutes les difficultés, les choses avancent lentement et les communautés se prennent de plus en plus en charge. Elles ont assimilé et intériorisé la formation et les recherches que nous avons faites ensemble. Elles agissent de plus en plus en prenant elles-mêmes les choses en main. Ce qui fait ma joie, c'est de voir qu'elles trouvent elles-mêmes leurs propres façons d'agir, souvent de façon différente de ce que nous avions suggéré, ce qui montre bien que c'est devenu leur affaire.


Nous continuons notre travail d'éducation, en commençant par les Jardins d'enfants. Les éducateurs comprennent mieux qu'il ne s'agit pas seulement d'enseigner les premiers éléments de français, de lecture et d'écriture, mais d'éduquer véritablement les enfants dans leur propre culture, en suscitant au maximum leur créativité et leur responsabilité. D'ailleurs il n'y a pas de problème du côté des enfants, ils sont capables de faire beaucoup de choses ; les blocages viendraient plutôt des parents qui voudraient que l'on copie les Jardins d'enfants sur les écoles primaires où très souvent l'enseignement est encore un dressage et un apprentissage de choses théoriques par coeur, et non pas une véritable formation personnalisée des élèves. Là aussi il y a tout un travail à faire qui demandera beaucoup de temps. En tout cas, les éducateurs de nos Jardins d'enfants semblent avoir compris ce que nous cherchons et ils s'orientent dans ce sens. Le deuxième problème est leur prise en charge par les parents et les communautés villageoises car bien sûr nous n'avons pas la possibilité de les payer. Aussi il y a tout un effort d'éducation des parents et de prise de conscience de la nécessité de se développer par soi-même qui est à faire. Mais à ce niveau-là je suis aussi optimiste.


Avec le lancement de la nouvelle année pastorale, nous avons été amenés à assurer un certain nombre de formations pour les différents groupes. Pour vous en donner une idée, voici d'abord la présentation que j'en avais faite et ensuite les comptes-rendus de certaines sessions.


PRESENTATION DES FORMATIONS

Pour les jeunes :

Cette formation portera essentiellement sur les relations entre garçons et filles, le mariage, le SIDA et la sexualité en général. En effet, les familles ont été cassées et n'offrent plus aux jeunes l'éducation sexuelle nécessaire, ni surtout la stabilité, l'éducation affective et le témoignage d'un amour conjugal vrai dont ils ont besoin. Beaucoup d'hommes et de femmes se mettent ensemble en disant explicitement : j'ai besoin d'un mari (ou d'une femme) pour vivre, mais nous ne sommes pas mariés. Dès que nous retournerons en Sierra Léone et nous retrouverons une vie normale, nous nous séparerons. Par ailleurs, la promiscuité dans les camps entraîne une multiplicité de relations sexuelles sans amour et sans engagement, avec toutes les conséquences : viols, grossesses indésirées, manque de responsabilités par rapport à l'enfant, avortements, SIDA.


Une formation spécifique pour les chorales :

Elles sont très importantes non seulement pour les prières liturgiques mais pour leur dimension culturelle et surtout leur action de guérison, de réconciliation et de paix. Ils composent des chants et des pièces de théâtre sur ces thèmes, qu'ils présentent dans les camps, dans lesquels ils proposent une relecture de ce qu'ils ont vécu, à la lumière de la Parole de Dieu. C'est une première étape absolument nécessaire pour dépasser les traumatismes subis, arriver à un début de pardon et de réconciliation, commencer à bâtir la paix et reconstruire le pays.


Une formation pour les responsables des femmes de chaque camp :

Cette formation portera en particulier sur leurs problèmes de femmes. Le contenu sera essentiellement les problèmes que les femmes elles-mêmes apporteront, avec de toutes façons un temps de formation sur les problèmes de santé : soins de santé primaire, hygiène générale, prévention, régulation des naissances, vaccinations, allaitement maternel... Ces différents thèmes seront étudiés l'un après l'autre, au cours des rencontres successives. Nous prendrons un autre temps pour réfléchir à l'amélioration du travail (élevage, agriculture, etc.) en faisant appel à des techniciens que nous pourrons trouver sur place. Ce sera un temps de sensibilisation qui sera suivi par des actions à mener dans les camps. Mais il faut d'abord que les femmes soient motivées pour participer à ces activités. Nous voudrions aussi réfléchir avec elles à l'initiation des jeunes filles et à l'excision. Et aussi d'autres coutumes qui auraient besoin d'évoluer (au moment de l'accouchement, l'enterrement des bébés morts-nés, etc...).


Une réflexion avec les "Cadres" :

essentiellement des enseignants et agents de santé, travaillant dans diverses ONG. Ce sera d'abord une réflexion sur leur travail (engagement, conscience professionnelle, accès de tous à la santé et à l'éducation , en particulier les plus démunis ou les filles, comment adapter leur travail à la réalité des camps et aux conditions de vie des réfugiés). Ensuite, une recherche sur leur engagement en tant que chrétiens : comment tenir leurs responsabilités, comme chrétiens à quoi la Parole de Dieu les appelle, comment construire le Royaume de Dieu dans leurs lieux de travail, etc... Cette réflexion se fera en plusieurs étapes, si nous pouvons trouver les fonds pour les continuer dans le futur (après une 1ère rencontre que nous allons assurer de toutes façons).


Une réflexion avec les élèves,

dans le même sens que pour les Cadres chrétiens, pour les pousser à mener des actions en commun avec les autres élèves et à soutenir les élèves les plus défavorisés (car même entre les réfugiés, il y a des inégalités et des différences d'origines sociales, économiques et autres).


Il faudrait envisager également une formation spécifique pour les hommes adultes, mais pour le moment ils sont beaucoup moins organisés et engagés que les autres groupes. Il y a tout un travail préalable à faire.

NB - Nous avons aussi un programme de formation aux droits de l'homme et aux droits de l'enfant.


Nous allons chercher à assurer ces différentes formations en commun avec les Guinéens, pour plusieurs raisons :

  1. Les communautés guinéennes pourront prendre en charge certains frais généraux (en plus de leur propre participation) ce qui réduira les dépenses globales.

  2. Pour assurer une meilleure collaboration entre Guinéens et réfugiés (qui est bonne mais non pas sans tension). Cela a été une de nos priorités lors de notre arrivée à Mongo. Au cours de ces formations, on pourra aborder les problèmes qui se posent entre Guinéens et réfugiés.


Il est bien entendu que les participants à ces différentes formations devront en faire le compte-rendu à leurs groupes et communautés, en assurer la mise en pratique et le suivi. C'est pourquoi nous faisons venir à ces formations les responsables de groupes déjà organisés qui travaillent déjà. Pour ce travail de suivi, nous remettrons un certain nombre de documents que nous avons composés en kissien ou en anglais, ou que nous avons pu nous procurer. Ces formations auront des répercussions sur les autres réfugiés vivant dans les camps. D'ailleurs, depuis le début, nous avons veillé à ce que les chrétiens et les Communautés soient ouverts aux autres et travaillent avec tous.


COMPTES-RENDUS DES FORMATIONS

Principaux thèmes abordés pendant la formation des catéchistes

  1. Prière (mais une prière "engagée", à partir de la vie, qui contemple le Seigneur à l'action dans les hommes et qui rend grâces. Formation au partage d'Evangile.

  2. Conseils, soutien et prise en charge des personnes en difficulté ou ayant des problèmes (disputes, incompréhensions).

  3. Formation agricole, élevage et autres techniques (projets)

  4. Comment organiser des activités : travaux, etc...

Tout cela à partir de la Parole de Dieu, en cherchant une véritable inculturation.

Cette session s'adressait à des catéchistes responsables de secteur. Ils ont commencé depuis à répercuter la formation reçue dans chacune des communautés dont ils ont la charge. Les communautés et les différents groupes sont maintenant en train de choisir les actions qu'ils vont mener.


Rencontre des responsables de Communautés

Le but était de faire le point du travail de l'année dernière et de préparer celui de cette année pastorale . Nous avons évalué la vie des communautés, en particulier ce qu'elles font pour les pauvres et pour la justice.

Le thème principal était :

  1. Comment allons-nous construire la paix dans nos communautés, dans nos familles, dans nos camps et partout, avec tous ceux qui nous entourent (non chrétiens), à partir de deux questionnaires qui avaient été travaillés à l'avance dans chaque camp avec toute la communauté.

  2. Comment mettre en oeuvre la célébration du Jubilé, en insistant sur la vie, les actions concrètes et la transformation du milieu, plus que sur les pèlerinages et autres manifestations. Nous avons discuté à partir de trois textes : Lévitique 25 (comment nous libérer et libérer nos frères) - Luc 4 (reprise d'Isaïe) Evangéliser les pauvres, aider à s'organiser ceux qui souffrent et sont écrasés - Eph. 2.14-18 : apporter la réconciliation.


Rencontre des élèves des Collèges

Les élèves catholiques réfugiés sont très centrés sur la chorale et la liturgie, mais beaucoup moins sur l'engagement dans leur vie, en particulier leur vie scolaire. C'est pourquoi nous avons décidé de centrer cette session principalement sur les points suivants :

  1. Qu'est-ce que l'engagement chrétien ?

  2. Comment construire le Royaume de Dieu dans nos écoles ?

  3. Explication de la méthode de l'Action Catholique "Voir, Réfléchir, Agir".

  4. Etude du livret de travail proposé pour cette année.

Maintenant, nous allons assurer le suivi dans chacun des camps où se trouve un Collège, pour voir ce que les élèves ont pu faire concrètement avec les autres élèves non catholiques.


Rencontre des catéchistes et responsables des prières

  1. Nous avons fait l'évaluation du travail de l'année dernière et à partir de là travaillé pour préparer les orientations de cette année. Pour ce travail nous avons également fait venir des délégués des responsables de communautés et des femmes de catéchistes.

  2. Formation : comment animer les différents groupes : enfants, jeunes, femmes, hommes, et les soutenir dans leurs engagements.

  3. Comment mieux collaborer avec les responsables pour que les communautés soient soucieuses d'agir pour la justice, la paix et la réconciliation.

  4. Comment prendre en charge les pauvres et tous ceux qui sont rejetés et accueillir ce qu'ils ont à nous dire


Rencontre des jeunes et des choristes

Les jeunes sont très attirés par le chant et les chorales. 1ère journée pour les chorales afin que les jeunes aient envie de participer, mais en les faisant sortir des seules répétitions de chants : comment partager la Parole de Dieu ? Comment choisir les chants à partir de l'Evangile du dimanche ? Comment méditer un chant et le mettre en pratique dans la vie des camps ? Le soir nous avons projeté un montage audio-visuel que nous avons composé en Kissi à Mongo, sur les relations entre garçons et filles, à partir de l'histoire d'un jeune déplacé. Nous avons réfléchi sur ce thème toute la matinée du 2ème jour. En effet, la promiscuité dans les camps et l'éclatement des familles causent beaucoup de problèmes dans ce domaine. L'après-midi a été consacré à l'animation des groupes de jeunes leur permettant un engagement dans la vie des camps, avec les autres jeunes.


Rencontre de femmes

Le 1er jour nous avons travaillé avec elles la méthode de l'Action Catholique : Voir, Réfléchir à partir de la Parole de Dieu, Agir. (Comme nous l'avons fait pour les autres groupes). En effet, nous voudrions utiliser la même ligne de travail pastoral pour tous les groupes, afin d'avoir une unité d'action dans la paroisse. Et nous voulons que les chrétiens soient vraiment engagés, qu'ils prennent leur vie en main, qu'ils cherchent à transformer la vie des Camps et pas seulement prier et vivre entre chrétiens dans les communautés. Pour cela, la méthode de l'Action catholique nous semble particulièrement adaptée. Après cette formation, nous avons fait un certain nombre "d'exercices pratiques". Les femmes ont réfléchi dans un 1er temps à leur vie conjugale en utilisant cette grille d'analyse.

La matinée du 2ème jour a été consacrée à la synthèse des activités de l'année précédente. A partir de l'évaluation générale, nous avons tiré des orientations pour l'année actuelle, dans la ligne du Jubilé. Nous avons parlé spécialement de l'animation chrétienne des initiations traditionnelles, du soutien des femmes en couches qui ont des difficultés à accoucher, des enterrements des bébés morts-nés. (cérémonies réservées par la tradition aux femmes et pour lesquelles il était donc nécessaire d'apporter une formation.

Puis, en après-midi, nous avons abordé la question de la formation des femmes dans divers secteurs d'activités :

  1. santé (éducation sanitaire, soins primaires, hygiène générale, hygiène de la grossesse, soins des bébés).

  2. agriculture, élevage et reboisement.

  3. économie familiale, couture, etc.. pour améliorer leur façon de travailler et leur permettre de mieux gagner leur vie.

Il s'agissait bien sûr d'une simple sensibilisation à ces problèmes. La formation va se continuer tout au long de l'année, dans chaque camp, avec les autres femmes.

Le 3ème jour, nous avons expliqué aux femmes analphabètes comment faire un partage d'Evangile et diriger une prière, (avec des exercices pratiques), en choisissant des textes évangéliques qui concernent plus spécialement la femme. Nous avons réfléchi également à la catéchèse des petits, aux célébrations du dimanche pour les enfants. Et donné la formation nécessaire aux femmes pour qu'elles puissent prendre en charge ces prières et célébrations dans chacune de leurs communautés. Nous avons cherché comment assurer une meilleure participation des jeunes filles. Pour le suivi de cette formation nous avons mis en place un Bureau des femmes réfugiées de la paroisse.


Formation de Cadres chrétiens

Cette session comme les précédentes s'est tenue en commun : réfugiés et Guinéens, pour les aider non seulement à mieux se connaître mais à travailler ensemble tout au long de l'année qui vient. Nous avons travaillé en deux langues (français et anglais) puisqu'il s'agissait de Cadres, alors que pendant les autres sessions nous travaillons en Kis, mendeh, Kono et créole).

Nous avons d'abord réfléchi à la question du développement dans les conditions qui sont les nôtres. Comme pour les autres sessions, les participants avaient reçu un questionnaire. Nous avons travaillé à partir de cinq questions :

  1. Quelles sont les choses qui ne vont pas dans notre pays (Guinée,Sierra Léone), et dans notre vie (Camp et villages) . Pourquoi ?

  2. Quelles sont les causes de cela ? Quelles en sont les conséquences pour nous et pour les autres ?

  3. Quelles sont les choses qui empêchent nos pays de se développer ?

  4. Qu'est-ce que Dieu nous dit sur le développement ?

  5. En tant que chrétiens, que devons-nous faire : personnellement, en communauté, dans les structures dans lesquelles nous pouvons participer ?

Nous avons continué la réflexion en travaillant trois textes du Concile Vatican II sur ce sujet. Cette réflexion a été faite en quatre groupes : les enseignants, les agents de santé, les agents de développement (élevage, agriculture, eaux et forêts, projets), enfin les autres (policiers, militaires, administration guinéenne et des Camps de réfugiés).

Le 2ème jour, nous avons travaillé spécialement les deux textes : Luc 4. 16-21 et Mtt 25. 30-41. A partir de là nous avons réfléchi à nos engagements dans les différentes structures du pays et des Camps.

Le 3ème jour a été consacré à l'élaboration d'un plan d'action pour l'année et d'un programme de réunion, après une initiation à la méthode de réflexion (Voir-Réfléchir-Agir).


Nous pensons continuer par un rassemblement général des communautés, au cours duquel nous pourrons évaluer le travail de chaque groupe et relancer les activités en les réorientant si nécessaire.


Par les revues et la radio nous essayons de nous tenir au courant de ce qui se passe dans le monde, en particulier nous suivons le renouvellement des Accords de LOME (entre l'Union Européenne et les pays A.C.P. "Afrique, Caraïbes, Pacifique"). Nous avons suivi également avec beaucoup d'inquiétudes et de tristesse le déroulement de la Conférence de SEATLE sur le Commerce mondial, mais en appréciant cependant qu'il y ait eu des résistances de plus en plus grandes contre cette organisation du Commerce qui est en fait une mainmise des pays les plus forts et les plus riches. Comment accepter en effet une libéralisation totale qui est la loi du plus fort et qui devient de plus en plus la loi de la jungle ? Il y a encore énormément de choses à faire dans ce domaine.

Comme vous avez pu le comprendre dans les comptes-rendus qui précèdent, nous sommes lancés dans la célébration du Jubilé pour le 2ème millénaire, mais sans aucune frénésie ; ce qui me semble important c'est de continuer notre action en profondeur à la base et non pas de lancer des grandes cérémonies et des grandes fêtes qui souvent ne sont pas une véritable prise de conscience, ne transforment pas les choses et risquent de n'être qu'un feu de paille. Ce qui compte pour nous, c'est de donner l'occasion au maximum de personnes de se libérer de leurs dettes, d'abord au niveau local mais aussi au niveau international et de se libérer également de tout ce qui les écrase ; c'est d'apporter une vraie réconciliation pour que les gens vivent véritablement une année de paix. C'est le thème que nous avons pris pour cette année. La paix en particulier pour les exclus, les petits et les réfugiés. Et que toutes ces personnes soient de plus en plus respectées et écoutées. Qu'elles trouvent leur place dans la société, et d'abord dans leur village, leur communauté et leur famille, en particulier les femmes et les jeunes filles.


C'est tout cela que je vous souhaite également à vous tous, là où vous êtes, pour cette année 2000 : une joie profonde qui vous permette de porter dans la paix problèmes et difficultés, et de garder espérance au milieu des souffrances sans vous décourager. Que cette année soit remplie de rencontres, de partages et d'amitié.


J'espère que j'aurai l'occasion de rencontrer le maximum d'entre vous, car je pense rentrer en congé et ainsi partager un peu votre vie, vos actions et tout ce que vous faites. En attendant, je suis toujours heureux d'avoir de vos nouvelles qui me permetent de vous suivre dans la pensée et dans l'amitié. De mon côté, soyez sûrs que je ne vous oublie pas, même si je ne peux pas écrire personnellement à chacun d'entre vous. Je vous remercie pour vos lettres qui m'apportent joie et courage et également pour l'aide et le soutien que vous nous apportez à tous les niveaux ; cela est pour nous très important.Avec toute mon amitié.


ARMEL.