Armel Duteil

Tourisme

Religieux et religieuses dans la pastorale du tourisme

Notes prises à partir d’un enregistrement

La conférence a commencé par le chant : « Tu nous appelles à t’aimer, en aimant le monde où tu nous envoies ».

Salutations à tous.

Thème : le thème prévu était : Religieuses et religieux dans la pastorale des jeunes face au tourisme et à ses problèmes. J’ai préféré changer légèrement ce thème. En effet, il ne s’agit pas d’être face au tourisme mais dans le tourisme lui-même. Nous sommes appelés à être présents dans le monde. A ce sujet, le document de Vatican II  (schéma 13)  s’appelait au début : l’Eglise et le monde. Heureusement les évêques ont réagi pour dire qu’il n’y a pas l’Eglise d’un côté et le monde de l’autre, mais que l’Eglise est dans le monde. Et c’est pour cela que la Constitution pastorale s’est appelée finalement «  l’Eglise dans le monde de ce temps ». De même pour nous, il ne s’agit pas d’être face au tourisme mais dans le tourisme, même si effectivement le tourisme pose un certain nombre de problèmes. Avant cela j’essaierai d’en dégager tous les aspects positifs, qui sont nombreux. Car trop souvent nous voyons l’aspect négatif et nous oublions ce qu’il y a de bon, à partir duquel nous pouvons construire notre pastorale. Enfin, je parlerai bien sûr des jeunes, mais on ne peut pas envisager une pastorale des jeunes, surtout dans ce domaine, sans y inclure une pastorale des parents et des familles qui sont les premiers responsables de leurs enfants, et de tous les adultes en particulier les travailleurs du tourisme. C’est pour cela que je limite mon titre au mot pastorale sans préciser.

Nous abordons cette question de tourisme lors de cette rencontre annuelle. Bien sûr nos esprits et nos cœurs sont tournés vers les élections présidentielles qui s’annoncent. Nous sommes en pleine campagne électorale avec toutes ses incertitudes. Nous avons reçu la lettre de la conférence épiscopale à ce sujet, sur laquelle il est très important de réfléchir, et nous allons le faire. Cependant nous n’allons pas le faire aujourd’hui. En effet nous nous sommes rassemblés à Mbour pour permettre à nos frères et à nos sœurs du secteur rural de l’archidiocèse de Dakar, de participer plus facilement à cette rencontre. Et il nous a semblé important de réfléchir à ce que le Seigneur nous appelle, en tant que religieux et religieuses, dans cette région de Mbour, un haut lieu du tourisme au Sénégal. Il est important que nous réfléchissions non seulement à notre vie religieuse en elle-même pour qu’elle soit la meilleure possible, mais aussi que nous voyions comment être religieux dans le monde de ce temps (Vatican II) et dans les réalités actuelles du pays.

Le thème choisi que l’on m’a donné pour cette conférence est donc une très bonne occasion de réfléchir à notre engagement religieux dans le Sénégal d’aujourd’hui. C’est pour cela que la démarche que nous allons faire est importante, non seulement pour la question du tourisme, mais pour tous les autres aspects de notre vie et de la société sénégalaise.

Pour la méthode de réflexion, je suivrai la méthode suivie par le deuxième Concile Vatican II dont nous fêtons cette année le 50ème anniversaire, en particulier la méthode utilisée pour la rédaction de la Constitution pastorale : « l’Eglise dans le monde de ce temps », qui est en fait la méthode de l’action catholique : voir, réfléchir, agir : regarder d’abord notre vie et notre société, pour y réfléchir à la lumière de la Parole de Dieu et entendre les appels que le Saint-Esprit nous adresse, pour savoir ce à quoi le Seigneur nous appelle, nous-mêmes et avec tous nos frères. Il s’agit donc, comme le disait Jésus lui-même (Math 16, 2-3) de savoir lire les signes des temps.

Tout de suite, je tiens à remercier l’abbé Benoît Marone pour son mémoire sur le tourisme qu’il a bien voulu me communiquer, pour le document que Sœur Odile m’a transmis, ainsi que le plan de travail que m’a donné Sœur Marguerite. Je dois tout de suite m’excuser auprès des agents pastoraux, religieux et laïcs, du doyenné de Mbour. Normalement pour cette conférence, j’aurais dû venir travailler avec eux, et d’abord chercher à connaître ce qu’ils font déjà, car ils ont déjà lancé une action importante et je les en remercie. Malheureusement le temps trop court et les distances ne m’ont pas permis de le faire. Mais je pense qu’ils pourront compléter ce que je vais dire au moment des débats.

Première partie : La phénomène du tourisme

Quand on parle de tourisme, on pense aussitôt à voyages et déplacements. Mais le tourisme se distingue des voyages d’affaires où on se déplace pour le travail, ou de l’immigration où l’on est obligé de quitter sa région ou son pays pour des raisons économiques ou politiques. Quand on parle de tourisme, il s’agit de voyage pour les loisirs et les vacances.

Très souvent lorsque l’on parle de tourisme, l’on a une idée négative du phénomène. On pense à la formule bien connue en anglais, les 4 S : Sea, Sun, Sand, Sex, c’est-à-dire la mer, le soleil, la plage… et le sexe ! Dans notre tête, le tourisme est souvent synonyme de drogue et de prostitution.

Le Christ nous appelle à regarder notre société avec amour et espérance et à voir d’abord le bon côté des choses.

Par ailleurs, pour toutes les limites du tourisme, il ne faudrait pas mettre toujours la faute sur les touristes eux-mêmes. Nous aussi, nous avons notre part de responsabilité.

Le tourisme est un droit et une bonne chose, puisque le droit aux loisirs et au repos font partie des droits de l’homme. Le tourisme permet des rencontres interculturelles et des découvertes. C’est donc un enrichissement, même s’il est trop souvent devenu une affaire d’argent. En tout cas, l’UNESCO a créé l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), dont le but est de «  promouvoir et développer le tourisme pour contribuer à l’expansion économique, à la coopération internationale, à la paix, à la prospérité, au respect universel  à l’observation des droits et des libertés humaines fondamentales ». Donc pour l’ONU, il ne s’agit pas seulement d’expansion économique.

A. Le tourisme à Mbour et au Sénégal

Le tourisme est un phénomène très important pour le Sénégal. En 1990, il a rapporté 167 millions de dollars, en 2002, 210 millions de dollars, et la progression a continué jusqu’à nos jours.

Actuellement dans le monde, on dépense pour le tourisme 3 milliards de dollars par jour et on compte 1 milliard 500 millions de touristes par an. En 1990, on comptait 246 000 arrivées. En 2002 il y en avait 427 000. Elles ont dépassé le chiffre de 500 000 maintenant. Le tourisme ne se trouve pas seulement sur la Petite Côte mais aussi à Dakar, bien sûr, avec de nombreux hôtels. Il a par contre des difficultés actuellement en Casamance à cause des tensions politiques et de la rébellion.

Le tourisme est le deuxième revenu du pays après la pêche. De plus les recettes ne font qu’augmenter, tandis que celles de la pêche diminuent à cause du pillage des fonds marins. Il serait important que nous réfléchissions également à cette question, une autre fois.

Le tourisme rapporte plus que l’arachide, d’autant plus que l’arachide subit de gros problèmes actuellement. D’abord il y a la famine et les problèmes financiers qui pointent à l’horizon, à cause des pluies qui ont été trop irrégulières, ce qui fait que l’on va manquer de nourriture et que l’arachide est très pauvre. Beaucoup de coques sont vides ou ne contiennent que de toutes petites graines, que l’on ne pourra pas utiliser comme semence pour l’année prochaine car elles ne germeraient pas. Et elles fournissent très peu de matière pour les huileries. On parle de 800 000 personnes qui vont avoir des problèmes de faim cette année au Sénégal, et de 7 000 000 dans le Sahel. Le problème est d’autant plus grave pour le Sénégal que toutes les énergies sont orientées actuellement vers la campagne électorale et les élections qui viennent. Le gouvernement lui-même ne prend pas suffisamment tôt les mesures nécessaires, pour résoudre le problème, et déjà pour commander de quoi donner à manger à la population. Et lorsqu’on se réveillera pour le faire, cela risque d’être beaucoup trop tard ; les fonds et les stocks disponibles seront épuisés. L’arachide connaît également un deuxième problème : c’est celui de la libéralisation. La vente est maintenant libre. Le danger c’est que les grosses sociétés étrangères qui disposent de plus grands moyens financiers viennent acheter nos arachides et il n’y aura plus assez de matière première pour les huileries sénégalaises, qui vont donc tourner au ralenti. Elles vont donc fournir moins de travail et procurer moins de revenus. En plus, elles ne pourront pas récupérer les prêts qu’elles ont faits aux paysans, dans la mesure où certains de ceux-ci vont vendre leur production à des sociétés étrangères. Il y a donc un problème très grave de l’arachide auquel il serait nécessaire de répondre rapidement, pour réagir efficacement. Mais revenons au tourisme. Actuellement les recettes du tourisme couvrent toutes les dépenses pour l’importation du riz et 29 % des importations de pétrole qui est très importante, en particulier pour l’énergie et la production de l’électricité.

Le tourisme est particulièrement développé sur la Petite Côte à cause de son bon climat et de ses belles plages. C’est un phénomène qui existe depuis très longtemps. Et moi-même, dans les années 1949-1950, je suis venu très souvent avec des camps scouts dans la région, et de nombreux fonctionnaires venaient également s’y reposer au niveau local. Mais c’est à partir des années 1970 que le tourisme est devenu international, et en 1975, on a eu la création de la SAPCO (Société d’Aménagement et de Promotion de la Petite Côte).

Après quelques difficultés, le tourisme a repris un nouvel élan en 1993 avec le développement des vols charters, mais surtout en 1994 avec la dévaluation du Franc CFA ; ce qui a fait que les prix devenaient beaucoup plus intéressants, pour ceux qui venaient de l’extérieur et payaient en dollars ou en monnaie européenne. Le phénomène de la mondialisation et la facilité des transports a également favorisé cette expansion du tourisme.

Actuellement la seule station de Saly reçoit plus de 100 000 personnes par an. C’est d’ailleurs la plus grande station touristique au sud du Sahara.

Au début de ce tourisme international, on a construit de grands hôtels à étages. Mais les touristes préfèrent maintenant une ambiance plus décontractée et plus « familiale ». C’est pour cela qu’on s’oriente actuellement vers des clubs ou des villages touristiques, avec le gros inconvénient qu’ils demandent beaucoup plus de terrains. On a là un phénomène très grave d’accaparements des terres. Je vais en parler tout à l’heure. A côté de ces clubs et hôtels, on note un grand nombre de résidences secondaires, construites soit par des étrangers qui viennent y vivre pendant l’hiver en Europe ou même pour tout leur temps de retraite, mais également par un certain nombre de cadres sénégalais.

Actuellement on compte 50 % de touristes français, 23 % viennent des autres pays européens mais il y a également 23 % d’africains, ce qui est un nombre très important et dont il faudra tenir compte pour notre pastorale.

Le tourisme sur la petite Côte est de type plutôt classique. Il n’y a pratiquement pas de tourisme écologique (éco-tourisme) ni de tourisme au village, dans les familles du pays. Les touristes se retrouvent donc souvent à part, ayant peu de contact avec la population, mais seulement avec les sénégalais qui travaillent pour eux. Ce qui bien sûr ne permet pas une vraie compréhension, ni des relations équilibrées.

N.B. Comme on le voit, étant donné les limites de temps qui m’ont été fixées, je me contente d’aspect général que j’exprime d’une manière schématique. Il faudrait bien sûr préciser et nuancer ce que je viens de dire d’une manière globale et l’actualiser avec les chiffres d’aujourd’hui. Mais les statistiques sont difficiles à obtenir et en plus elles ne sont pas encore à jour.

B. Tourisme : Le positif

Nous avons commencé cette seconde partie par le chant « Trouver dans ma vie ta présence, tenir une lampe allumée, choisir avec toi la confiance, aimer et se savoir aimer. » C’est ce que nous cherchons actuellement pour nous-mêmes et pour notre pays : trouver la présence du Seigneur dans le tourisme, vivre ce phénomène avec confiance, être capable d’accueillir et d’aimer les touristes et permettre aussi aux touristes, pendant ce temps de loisirs, de découvrir la présence du Seigneur dans leur vie, de vivre ce temps de loisirs dans la confiance et d’établir des relations saines pour connaître et aimer les populations sénégalaises.

Grande importance économique :

  • Il apporte de l’argent au pays. Il fournit aussi des emplois (plus de 75 000). Il a amené le développement des cultures maraîchères : vente de légumes et de fruits pour les hôtels. Il y a aussi la vente de poisson et la commercialisation de nouveaux produits de la mer : huitres, crevettes, langoustes, etc.

  • Le tourisme a permis un développement de l’artisanat : tissage, couture d’habits traditionnels, vente de jembés (tam-tams), fabrication de statues, de peintures sur verre, etc.

  • Le tourisme a permis un grand développement et un aménagement de la ville de Mbour et de toute la Petite Côte : téléphone, eau, électricité (même s’il y a encore beaucoup de problèmes à ce niveau : délestages etc.), amélioration de la voirie, nombreuses constructions, aménagement des villages.

  • Le tourisme permet des contacts qui dans certains cas ont abouti à des jumelages (entre les villages de la Petite Côte et des villages d’Europe) et un soutien à des petits projets de développement. Certains touristes, suite à leurs contacts personnels, aident des familles sénégalaises nécessiteuses, prennent des élèves en parrainage etc.

Découvertes de la vie des hommes et des cultures :

Le tourisme permet des rencontres au niveau personnel et des familles, bien que très peu de touristes soient vraiment accueillis dans des familles sénégalaises. Les contacts sont plus à l’extérieur dans la rue, au marché ou dans les lieux de loisirs. D’ailleurs, très souvent, non seulement des touristes mais de nombreux étudiants réfugiés ou étrangers vivant à Dakar disent qu’ils rencontrent beaucoup de sénégalais dans la rue. Ce sont des rencontres amicales, mais très peu ont été invités dans des familles et ont pu partager de l’intérieur la vie des familles, et aussi des communautés religieuses. Il y a là certainement un effort d’accueil à faire, ouvert à tous.

Bien sûr, cet accueil ne doit pas se limiter à l’accueil en famille. Le tourisme permet de découvrir les conditions de vie des habitants de notre pays, le monde du travail et tous ses problèmes, et toute l’importance et l’enjeu du développement avec les actions qui sont déjà menées par les populations elles-mêmes, par un certain nombre d’ONG ou d’associations, et par le gouvernement.

Découverte de la nature

Cette découverte peut être un apprentissage au respect de l’environnement qui est tellement important. Nous avons tous suivi la rencontre mondiale de Durban, sur les problèmes du réchauffement de la terre et de l’environnement en général. Et nous suivrons avec inquiétude la nouvelle conférence de Rio sur ce thème. Les touristes sont sensibilisés à cette question, en particulier en voyant l’avancée du désert, la déforestation, les vents de sable etc.

Rencontre des cultures sénégalaises

Même sur la Petite Côte il y a plusieurs cultures et non pas une seule. La question c’est comment arriver à un vrai partage enrichissant et à égalité, au niveau de la culture ? Comment d’abord découvrir la culture et ses richesses ? C’est pourtant une question très importante : celle de la connaissance entre les peuples. C’est cela qui permettra une mondialisation plus humaine, et qui ne se limite pas simplement à ses aspects économiques. A ce sujet, le tourisme permet un certain nombre d’activités culturelles, qui aident à garder vivante la culture. Mais en même temps, on se limite souvent au folklore, au détriment des véritables valeurs culturelles. Le tourisme permet également dans ce domaine une connaissance et une meilleure valorisation de l’histoire du pays, et aussi de la religion catholique. Par exemple, à partir du calvaire de Ngasobil, du site du pèlerinage de Popenguine etc.

C. Les problèmes du tourisme

Chant : « Envoies tes messagers » : Le Seigneur nous envoie pour évangéliser le tourisme et apporter une bonne nouvelle, une parole de joie aux touristes.

1. Les problèmes de la terre et de la pêche :

Les plages font partie du domaine public maritime. Normalement, on n’a pas le droit de construire à moins de 20 mètres de la mer. En fait les constructions sont vraiment anarchiques et beaucoup de personnes construisent au bord de la mer. Elles ont donc récupéré les plages pour elles-mêmes. Ce qui est grave dans cela, ce n’est pas seulement le phénomène d’accaparement de la plage mais c’est un manque de respect très grave de la loi. En effet pour construire ces résidences au bord de la mer, il a fallu souvent soudoyer les autorités, payer les cadres et les communautés rurales, et c’est donc tout un phénomène de corruption qui se développe, et également de favoritisme et donc d’inégalité et de spéculation. Ce qui a des conséquences très lourdes sur la morale publique et l’avenir du pays. Ces transactions sont souvent menées par des promoteurs ou des personnes étrangères. Et cela se fait avec la complicité des responsables politiques et économiques sénégalais.

Il y a donc un manque de respect très grave de l’environnement. De plus, on vient chercher beaucoup de sable au bord de la mer car il est propre et blanc, mais dans une dizaine d’années, cela risque d’entraîner la disparition des mangroves et des tanns.

-De nombreux terrains sont ainsi vendus de gré ou de force par les paysans. C’est un problème très grave au Sénégal, dont beaucoup de personnes ne sont pas conscientes. Bien sûr, les chefs de famille pauvres sont très heureux de vendre des terrains et de recevoir de l’argent, mais que vont faire ensuite leurs enfants ? Ils n’auront plus de terres à cultiver, ils vont se retrouver au chômage à traîner dans les villes de Dakar.

Cette question de l’accaparement des terres est très importante. L’année dernière les responsables de nombreuses Caritas et commissions Justice et Paix se sont d’ailleurs retrouvées pour réfléchir sur ce problème, ici même à Mbour, au moment du Forum Social Mondial. Et chaque jour nous pouvons lire dans les journaux des tractations qui sont opérées pour accaparer des terrains du pays. Au niveau de l’Afrique, ce sont ainsi des millions d’hectares qui sont accaparés, non pas pour des activités productives au profit du pays et de ses habitants, mais pour l’étranger : cultures d’exportation et actuellement, de plus en plus, culture de bio carburants. Nous connaissons tous en particulier cette compagnie italienne, Sènéthanol, qui voulait récupérer 20.000 hectares à Fanaye Diery, dans la région du fleuve, pour ce genre de culture. La population s’y est opposée et il y a eu des morts. Suite aux réactions de la population, l’opération a été annulée mais on apprend que cette même compagnie cherche à acheter de nouvelles terres à Gninth, dans le nord du Sénégal à côté de Podor. Heureusement, la résistance s’organise. Le 14 juin 2011, les conseillers ruraux de Mbane ont décidé la désaffection des 196.210 hectares de terres, attribués à des hommes d’affaires sénégalais et étrangers.

Le problème n’est d’ailleurs pas nouveau. Ici, déjà en 2001, à Warang, un opérateur touristique voulait acheter 8 hectares pour un centre sportif. Cette opération était autorisée par le ministre. La population a voulu s’y opposer et certains villageois ont été condamnés à six mois de prison. Au lieu de les défendre, on les a mis dans leur tort. C’est un problème très important et en tant que religieux et religieuses, à cause de notre responsabilité et de l’influence positive que nous pouvons avoir, il est absolument nécessaire que nous sensibilisions nos familles et tout le monde rural, à cette nouvelle forme d’exploitation. Les pays développés veulent consommer de plus en plus de carburant pour leurs machines et leurs voitures. Alors que la production de pétrole va diminuer et même s’épuiser dans le monde, car ce n’est pas une source d’énergie renouvelable. Mais au lieu de venir accaparer nos terres, les pays industrialisés feraient mieux de limiter leur consommation de pétrole, comme celle des autres matières premières, qui ne font que polluer la terre, entraîner son réchauffement, et si on ne fait rien, sa destruction finale. Là aussi nous avons beaucoup de choses à faire, en lien avec les religieux des pays industrialisés, dont sont d’ailleurs issues la plupart de nos congrégations.

La terre n’est pas une marchandise à vendre. La terre c’est notre mère. C’est elle qui nous fait vivre. La terre, c’est là où sont enterrés nos morts. Elle est sacrée. La terre ce n’est pas seulement les champs qui sont cultivés, mais c’est aussi le lieu de renouvellement de la nature avec les réserves, les lieux de chasse, de l’élevage et de beaucoup d’autres productions. On ne peut donc pas dire que si la terre n’est pas cultivée, elle est libre. Comme simple illustration de ce phénomène, on peut regarder ce qu’est devenu maintenant le village traditionnel de Saly. (Je pourrai envoyer par Internet à ceux qui sont intéressés, notre réflexion au cours du dernier Forum Social Mondial de l’année dernière).

  • l’utilisation de l’eau : beaucoup d’eau est nécessaire pour les piscines, pour arroser les terrains de golf et pour laver les voitures. Pendant ce temps-là, pour il n’y a plus assez d’eau pour les cultures, ni même pour les besoins ordinaires des habitants : boire, faire la cuisine, se laver etc. Or, le droit à l’eau fait partie des nouveaux droits humains dont on a pris conscience maintenant.

  • La pêche : de plus en plus de plages sur lesquelles les pêcheurs travaillaient sont maintenant récupérées par les zones touristiques. Les pêcheurs de Mbour ont été chassés et ils ont été obligés de s’installer à MBalling, à plus de 5 kilomètres, car le séchage et le fumage des poissons indisposaient des touristes. Et il y a de moins en moins de poissons dans la mer, à cause du pillage des fonds, causé en particulier par les gros chalutiers étrangers, autorisés ou non.

  • Le coût de la vie augmente de plus en plus, à cause de cette présence des touristes qui ont de l’argent. La vie devient de plus en plus chère, les gens quittent leur village pour venir au marché à Mbour où certains produits coûtent un peu moins cher. A partir de là, beaucoup partent sur Dakar où ils se retrouvent à faire des petits métiers, au chômage ou même dans la délinquance. C’est la base et le point de départ de l’exode rural.

  • La pollution : la pollution de l’air par l’augmentation des moyens de transport et les gaz envoyés dans l’atmosphère; la pollution de la terre par les ordures qui souvent ne sont pas ramassées régulièrement, avec toutes les nuisances et les maladies que cela entraîne; la pollution de la mer, en particulier par les eaux usées que l’on y rejette sans les avoir traitées. Un signe de cette pollution c’est la multiplication des algues, qui est un très mauvais signe.

  • Et bien sûr à côté de la pollution de l’environnement, il y a la pollution humaine, les problèmes d’insécurité, etc.

2. Le problème du travail

Dans la plupart des hôtels et installations touristiques, les cadres sont européens, les sénégalais sont uniquement subalternes. Et bien sûr, ces sénégalais sont beaucoup moins payés contrairement au slogan en cours déjà au moment de la décolonisation et de l’indépendance : « A travail égal, salaire égal ».

On peut maintenir des salaires très bas car le chômage est important et donc la concurrence est vive. Si un travailleur qui se présente refuse le salaire proposé parce qu’il est trop bas, on lui dit : tu peux partir, demain il y en aura dix autres qui viendront prendre ce travail. Comme pour beaucoup d’autres choses, on cache cette injustice grave sous des grandes formules comme « c’est la loi de l’offre et de la demande ». Comme si les lois autorisaient l’exploitation des travailleurs.

N.B. Ce problème du vocabulaire est important et il faudrait y faire attention. On cache souvent des réalités mauvaises avec des mots neutres. On voit cela par exemple avec toute la théorie du genre, au lieu de parler clairement du sexe masculin et du sexe féminin. On parle également d’IVG au lieu de parler d’avortement. Beaucoup de personnes ne comprennent pas de quoi il s’agit exactement et ces termes en initiales font modernes, ce qui permet de faire passer beaucoup de choses inacceptables.

Le travail est en grande partie saisonnier : de novembre à mai (pendant l’hiver et le printemps en Europe). Plus de 50 % des travailleurs sont des saisonniers, au chômage le reste du temps.

Beaucoup font plus de 12 heures de travail par jour, sans que leurs heures supplémentaires ne soient payées évidemment !

Ces travailleurs sont pour beaucoup des étrangers à la région. En effet pour travailler dans le tourisme, il leur faut connaître le français et avoir une certaine formation. Comme la scolarisation est assez peu développée dans les villages de la Petite Côte, les villageois de la région se retrouvent donc limités aux petits métiers : gardien, jardinier, chauffeur, guide, petit marchand etc. Ce qui fait que la région apparaît riche, mais le secteur rural reste très pauvre et les gens ne sont pas suffisamment formés.

Malgré toutes ces difficultés, beaucoup de jeunes laissent le travail de la terre pour s’engager dans ces petits métiers et le secteur informel, au détriment de leur avenir. Et c’est encore plus grave avec les élèves qui arrêtent les études, parce que le travail dans le tourisme fournit tout de suite un emploi et de l’argent, même si l’emploi est précaire et le salaire très limité. Et même si l’on doit supporter un travail très pénible, des conditions très dures et aussi beaucoup d’agressivité et d’injustice.

Par rapport à cette question du travail et de l’argent, il ne faut pas oublier la fuite des capitaux. Beaucoup d’hôtels et de centres touristiques sont tenus par des étrangers, qui souvent cachent leurs bénéfices réels et de toute façon les renvoient dans leur pays d’origine. La plupart des compagnies d’aviation et des charters sont également étrangers. Cela est encore plus réel lorsque les touristes passent par les agences touristiques occidentales : à ce moment-là ils payent tout à l’avance en Europe. Il y a donc un grand manque à gagner pour le pays.

De toute façon, même pour la nourriture et surtout pour le confort, les touristes ont des grandes exigences. Ils ne se contentent pas de la nourriture locale, et ils veulent avoir des appareils modernes, une climatisation, des voitures et beaucoup d’autres machines qui ne sont pas fabriquées au Sénégal et qui enrichissent beaucoup plus les pays industrialisés que notre propre pays.

Il ne faudrait pas oublier non plus que pour ces constructions d’hôtels et pour leur fonctionnement, on utilise beaucoup d’argent de la drogue ou d’autre argent blanchi. Ce qui est également très grave.

3. Au point de vue moral

Nous sommes davantage sensibles à cet aspect que nous connaissons.

  1. L’alcoolisme : les touristes ont du temps. Parfois ils n’ont rien à faire. Alors ils se retrouvent pour parler ensemble au bar. Ils boivent et ils invitent des sénégalais à venir boire avec eux. Peu à peu, c’est la voie ouverte à l’alcoolisme.

  2. La drogue : il y a d’abord la drogue cultivée sur place, le yamba, et les produits utilisés localement : le guinze (qu’il s’agisse de colle, de diluant ou d’essence) ; les pions, (des médicaments) ; le katidjiantaabe (décoction de datura).

Mais il y a aussi la drogue forte demandée par les touristes : cocaïne, héroïne etc. qui est souvent emmenée depuis l’Amérique du Sud. Le Sénégal comme les autres pays d’Afrique de l’Ouest, est devenu un lieu de passage et de trafic international de la drogue. Cette semaine encore on en parlait dans les journaux : un français recherché par Interpol arrêté sur la Petite Côte ; deux prostituées de l’Afrique du Sud arrêtées alors qu’elles avaient avalé de la drogue qu’elles transportaient en venant du Venezuela etc. C’est chaque jour que cela se reproduit et devient très inquiétant.

  1. La sexualité :

  • un certain nombre de femmes et de jeunes filles reçoivent des propositions : « si tu veux la place, il faut d’abord coucher avec moi. »

  • de nombreuses jeunes filles acceptent des relations sexuelles pour avoir de l’argent, se payer des habits, être à la mode, se faire inviter au restaurant, aller danser dans les clubs et les boîtes etc. Avec bien sûr toutes les conséquences que cela entraîne : viols, grossesses indésirées, avortements, infanticides, IST (Infections Sexuellement Transmissibles), Sida. Le taux du Sida dans la région de Mbour est le double du taux national

  • Un autre phénomène : des touristes âgés qui sortent avec des jeunes filles sénégalaises. Et même l’inverse maintenant, des femmes touristes âgées qui sortent avec des jeunes hommes parce qu’ils sont fort et beaux, souvent en les maintenant dans l’illusion d’un mariage possible. Ces jeunes à travers ce mariage, voient la possibilité de partir en Europe, d’avoir une vie beaucoup plus facile et même ensuite de récupérer l’héritage puisque ce sont des touristes âgées, et ainsi de pouvoir aider leurs familles. Il est clair qu’on se maintient là dans une illusion totale et que de toutes façons, on ne peut pas construire un mariage sérieux, d’amour et qui dure sur de telles bases.

  • Il y a la prostitution proprement dite, qui est exercée comme un métier pour gagner de l’argent, souvent pour aider la famille. Toutes ces relations sexuelles hors mariage et pour l’argent débouchent souvent sur des déviations : l’homosexualité mais aussi la pédophilie. Même si ces phénomènes existaient autrefois dans la société traditionnelle, ils étaient beaucoup moins répandus. C’est devenu maintenant des circuits organisés, structurés et criminels. Par ailleurs, on en parle de plus en plus dans les journaux, sur les sites Internet. Ce qui amène certains à penser que tout cela est normal, ou en tout cas habituel, et donne une idée complètement déformée de la sexualité, avec une grande perte du sens moral qui se répand dans tout le pays. Et aussi un manque de respect des touristes eux-mêmes. On en arriverait à penser que ce sont tous des prostitués, des drogués ou des homosexuels. Il faudra donc réagir contre cela.

4. Au point de vue culturel

  1. Les touristes sont en vacances. Cela entraîne souvent un laisser-aller à tous points de vue comme nous venons de le dire : alcool, sexualité etc. Certains viennent même chez nous, pour pouvoir faire ce qu’ils ne peuvent pas faire dans leur propre pays. Un certain nombre d’interdits de séjour et de délinquants criminels, européens ou américains, se retrouvent donc chez nous, où ils continuent à exercer leurs activités néfastes.

  2. Une illusion : on voit des touristes arriver avec de l’argent, qui s’amusent et ne travaillent pas. Et beaucoup de gens en arrivent à croire que c’est cela, la vie en Europe. Ils oublient que cet argent que les touristes dépensent, ils l’ont obtenu en travaillant dur, tout au long de l’année. C’est le résultat d’un travail. Et certains ont dû faire beaucoup d’efforts et beaucoup économiser pour avoir la possibilité de venir passer quelques jours chez nous. Les conséquences de cette mauvaise compréhension des choses sont nombreuses. D’abord cela augmente le désir de partir en Europe, car on croit que là-bas tout le monde est riche sans travailler, et qu’on passe tout son temps à s’amuser. On connaît bien maintenant toutes les conséquences de l’immigration : les difficultés de la vie en Europe, le développement du racisme, déjà les morts nombreuses en mer ou dans le désert pour ceux qui veulent partir illégalement en se cachant, ensuite les arrestations et les expulsions etc.

  3. Cet étalage de l’argent et des loisirs entraîne pour nous la perte du sens du travail et augmente les habitudes de mendicité et d’irresponsabilité, au risque de faire des gens des assistés, en particulier les enfants. Certains parents n’hésitent même pas à envoyer leurs enfants demander l’aumône, au lieu de les former et de les éduquer. Et on assiste à des scènes vraiment attristantes, comme par exemple lorsque des touristes jettent des bonbons et que les enfants se battent pour les récupérer. A travers tout cela, il y a une perte de la dignité et de l’honneur. Plus grave encore, cela entretient un sentiment d’infériorité par rapport aux blancs. On pense que les blancs sont plus forts, car ils sont plus riches. Cela maintient donc tout le complexe de la colonisation et empêche les gens de prendre leur vie en main et au pays de se développer par lui-même dans sa propre voie, dans la dignité et l’honneur. Mais déjà plus directement, tout cela empêche une vraie connaissance mutuelle entre sénégalais et étrangers et interdit un vrai partage à égalité entre résidents et touristes

  4. Le vol et la délinquance augmentent énormément.

  5. Beaucoup de jeunes arrêtent leurs études pour gagner de l’argent immédiatement, sans se rendre compte qu’ils gaspillent ainsi leur avenir.

  6. On assiste ainsi à une grande perte des valeurs, car la rencontre interculturelle est difficile et il y a toujours des conditions. Elle demande des moyens que l’on n’a pas pris. On se demande ce que sont devenus le diom, la teranga, le kërsa et le jambaar. Trop souvent ils sont remplacés maintenant par le tapalé, le noflaye, boulfalé, bul topatoo et le grawul.

  7. Il y a une perte grave de la culture qui devient trop souvent du folklore, simplement pour amuser les gens ou pour gagner de l’argent. La culture, comme les personnes, est devenue une marchandise. Ce qu’on appelle les objets d’art n’ont souvent rien d’artistique. C’est à la fois un mépris de soi-même et un mépris de l’étranger à qui l’on présente ces objets. Ainsi les jeunes ne savent plus chanter ni danser les danses traditionnelles. Pour s’amuser, il faut obligatoirement les sonos, les danses modernes qui en plus sont souvent exécutées de façon obscène ou dans l’alcool et l’abrutissement d’une musique trop forte.

  8. Le culte de l’argent : tout s’achète. Même la personne humaine.

  9. La perte du sens du mariage et de la sexualité en général tel qu’elle nous a été vécu et enseigné par les anciens.

  10. La perte du respect de ces mêmes anciens.

Face à tout cela, que faire ?

  1. Il s’agit d’être objectif, de voir la situation telle qu’elle est et de l’analyser pour en découvrir les causes réelles. Nous ne pouvons pas venir simplement avec notre morale.

  2. Supprimer le tourisme ce n’est pas possible. Il faut donc mener une action pastorale.

  3. Pour une action valable, il faut s’appuyer sur les choses positives et les valeurs culturelles encore vivantes, en voyant comment les vivre dans les conditions actuelles. On ne peut pas faire de folklore ni culturel, ni économique, ni moral.

Deuxième partie

1. Réfléchir à partir de la Parole de Dieu

Chant : Fais que j’entende Seigneur tous mes frères qui crient vers moi. A leurs souffrances et à leurs appels, que mon cœur ne soit pas sourd.

Selon la méthode de l’action catholique – voir, réfléchir, agir - nous arrivons donc à la deuxième étape. Réfléchir à la situation à partir de la Parole de Dieu avec les yeux du Christ. Il faudrait prendre tout un temps pour méditer ce phénomène du tourisme avec toutes les composantes, celles que j’ai expliquées et aussi les autres, à la lumière de la Parole de Dieu et à partir de la vie du Christ et de son comportement : si Jésus revenait aujourd’hui sur la Petite Côte, que ferait-il avec les touristes ? Que leur dirait-il ? Et aux habitants de ce pays ? Il est absolument nécessaire de mener cette réflexion, mais d’abord je n’ai pas le temps de l’exposer maintenant. D’autre part, cette réflexion doit être menée par vous-mêmes, ensemble en communauté et dans vos différents groupes, en s’adaptant aux diverses réalités précises et concrètes. Je me contenterai donc maintenant de quelques réflexions et orientations.

Jésus disait (Mat. 5, 12-15) : « Vous êtes le sel de la terre » (de la terre et pas seulement de l’Eglise). « Vous êtes la lumière du monde » (du monde et pas seulement de la communauté chrétienne, du monde à développer et du monde du tourisme). Il s’agit pour nous de permettre aux touristes de redécouvrir le sel. Pas seulement le sel de l’Evangile mais déjà le sel de la vie, le goût d’une vie réussie. Comme disait Jésus (Jean 10,10) : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie totale ». Qu’ils vivent ce temps de loisirs et de tourisme à fond. Cela suppose que nous soyons une lumière allumée, mais qu’en plus nous soyons sur la table et non pas en dessous du lit.

Aujourd’hui encore, Jésus nous appelle à lire les signes du temps.

Cet engagement dans le tourisme est un appel du Seigneur, tel qu’il nous a été précisé dans le document « l’Eglise dans le monde de ce temps » de Vatican II au n° 61, 3ème paragraphe qu’il nous faut relire : «  Que les loisirs soient bien employés, pour se détendre et pour fortifier la santé de l’esprit et du corps : en se livrant à des activités libres et à des études désintéressées ; à l’occasion de voyages en d’autres régions (tourisme) qui affinent l’intelligence et qui, de surcroît, enrichissent chacun par la connaissance de l’autre ; également par des exercices physiques et des activités sportives qui aident à conserver un bon équilibre psychique, individuellement et aussi collectivement, et à établir des relations fraternelles entre les hommes de toutes conditions, de toutes nations ou de races différentes. Que les chrétiens collaborent donc aux manifestations et aux actions culturelles collectives qui sont de leur temps, qu’ils les humanisent et les imprègnent d’esprit chrétien. Cependant tous ces avantages ne sauraient parvenir à réaliser l’éducation culturelle intégrale de l’homme si, en même temps, on néglige de s’interroger sur la signification profonde de la culture et de la science pour la personne humaine. »

De même, il nous faut travailler l’exhortation « L’engagement de l’Afrique », suite au 2ème Synode pour l’Afrique. Il s’agit bien de vivre l’Evangile aujourd’hui, dans le monde du tourisme et comme une Bonne Nouvelle, en nous rappelant que l’Eglise est au service des hommes. Elle est au service du Royaume : elle ne doit pas travailler pour elle-même. Et ce Royaume se construit également dans les réalités du tourisme. Le tourisme est un lieu d’évangélisation.

En tant que religieux et religieuses, nous devons spécialement nous engager dans ce secteur car comme on l’a dit au cours de notre dernier Forum des religieux, à la Toussaint 2011, il faut nous engager à la suite de Paul dans de nouveaux aréopages. Comme nous l’a demandé plus largement le Concile Vatican II, nous devons réactiver notre charisme religieux et notre sens prophétique, en l’incarnant dans les réalités d’aujourd’hui.

2. S’engager dans le tourisme, c’est un appel précis de l’Eglise d’aujourd’hui

Déjà Paul VI disait : « Le développement impressionnant du tourisme présente de nouvelles

exigences. Il a créé de nouvelles situations sociales. Il demande des initiatives de l’Eglise catholique. » (Voir la Documentation Catholique DC 1590 du 18/07/71 – p.685).

C’est pour cela que le Vatican a publié un directoire général pour la pastorale du tourisme (Documentation Catholique DC 1544 – 1969 – p. 658-59)

Ce directoire demande que « toutes les conférences épiscopales aient une commission du tourisme avec un prêtre délégué chargé d’étudier les exigences pastorales du phénomène du tourisme sur la base de statistiques effectives, afin que tous les efforts concernant la pastorale du tourisme soient convenablement coordonnés, conformément aux nécessités réelles ». On voit donc qu’il s’agit là d’un travail en profondeur, sérieux et réfléchi. Cela nous demande une pastorale organisée et suivie.

A ce sujet, je me permets de dire que cette nécessité d’avoir une commission et un prêtre délégué ne se pose pas seulement pour le tourisme, mais pour un certain nombre d’autres secteurs de la vie de l’Eglise et de la société. Il est absolument nécessaire que nous ayons des aumôniers et une pastorale de l’université (pas seulement une paroisse universitaire), des lycées et collèges, des prisons, des hôpitaux etc. Pour cela il est sans doute nécessaire de dégager des prêtres à plein temps, pour qu’ils aient non seulement le temps matériel, mais la liberté d’esprit et la possibilité de se former, pour s’engager à plein dans ces différents secteurs qui sont essentiels. Car ce n’est pas obligé que tous les prêtres travaillent en paroisse. Même si ceux qui sont en paroisse doivent s’intéresser eux aussi à ces différentes réalités que je viens de citer, pour un vrai travail pastoral et d’évangélisation, sans se limiter à la catéchèse et aux sacrements. Mais justement pour bien faire ce travail, ils ont besoin d’être soutenus et animés par un prêtre dégagé à plein temps pour cela. En particulier, les prêtres religieux devraient certainement s’investir dans ces différents domaines.

Mais le prêtre ne peut pas tout faire, surtout pas tout seul. Nous avons donc, en tant que religieux et religieuses, la grande responsabilité de nous engager dans ces différents secteurs. D’abord parce que c’est un bon moyen de vivre notre vie religieuse et de réaliser notre charisme, et que cela peut être aussi un entraînement pour les autres laïcs. Car bien sûr il ne s’agit pas de travailler seulement entre nous, mais de travailler ensemble en Eglise. En particulier en donnant toute leur place, mais aussi toute leur responsabilité aux laïcs, puisque c’est leur premier rôle de transformer la société pour y construire le Royaume de Dieu.

3. Le directoire affirme également :

« L’Eglise désire collaborer pour sa part à faire que le tourisme soit toujours soutenu par un bon cadre et qu’il ait de nobles intentions, qu’il soit un facteur efficace dans la formation culturelle moderne ; qu’il soit un lieu de sympathie entre les peuples et de paix internationale ; qu’il soit une expérience humaine capable de conduire l’esprit à ses plus hauts sommets ; qu’il soit digne du regard plein de bonté de Dieu sur nous ».

On voit donc que cette pastorale ne se limite pas à une simple animation des loisirs, mais qu’elle a une vision très large et très profonde. Je souligne le mot de collaborer. L’Eglise ne cherche pas à travailler toute seule, elle collabore avec tous les hommes de bonne volonté. Et donc toutes les personnes engagées dans ce secteur du tourisme, sans oublier personne.

4. Que faire concrètement ?

  • A chacun de chercher car il n’y a pas de solution toute faite, mais il est important d’y réfléchir ensemble, en nous soutenant les uns les autres. Et ensuite, en soutenant et en réfléchissant avec les religieux et les religieuses qui s’engageront plus directement dans ce secteur.

  • Faire ce que l’on peut sans attendre d’avoir reçu une formation totale dans ce domaine. C’est en forgeant qu’on devient forgerons. On se forme sur le tas, même s’il est important de lire, de réfléchir et de se tenir au courant des réalités du tourisme.

  • Avancer ensemble en se formant, en particulier à partir d’Internet, en continuant à chercher mais surtout en écoutant les intéressés, aussi bien la population et les travailleurs que les touristes eux-mêmes.

Qu’est-ce que la pastorale du tourisme ?

C’est une pastorale d’évangélisation : « Rendre actuelle la Parole de Dieu, à ceux qui passent parmi nous ». Cela nous préparera nous-mêmes à construire une nouvelle société, moderne et adaptée aux réalités. En effet le monde change. La culture traditionnelle, telle qu’elle était vécue autrefois, n’existe plus. La civilisation occidentale, moderne, scientifique et laïque s’impose à nous et de plus en plus partout. Comme en Europe, nous allons nous aussi vivre dans un monde de plus en plus laïcisé et mondialisé (ce qui ne veut pas dire incroyant ni opposé à Dieu ou aux hommes). Il faut nous y préparer dès maintenant. Les touristes chrétiens qui vivent déjà ces réalités dans leur propre pays peuvent beaucoup nous aider pour cela.

Quelles seront les grands axes de cette pastorale du tourisme ?

  1. Former les communautés chrétiennes à l’accueil des personnes de passage.

  • Aider les personnes de passage à découvrir la vie des communautés locales.

  • Le partage de la foi et la célébration du Christ à l’occasion de temps forts organisés pour les gens de passage : eucharistie mais aussi rencontres d’amitié et spirituelle.

  • Montrer la foi de notre Eglise à partir de la nature et du patrimoine religieux.

  1. Accompagner ceux qui travaillent dans le monde du travail et des loisirs. Les aider à défendre leur dignité et leurs droits

  2. Permettre l’accès de tous aux loisirs et au repos, pas seulement les privilégiés et les cadres du pays.

Troisième partie : Agir

Chant : Au-delà de toutes frontières, l’Evangile a croisé nos chemins, au-delà de toutes frontières, Jésus-Christ fait de nous ses témoins, au-delà de toutes frontières, son esprit est à l’œuvre dans nos mains.

1. Développer les aspects positifs

  1. Permettre de bons loisirs et des détentes épanouissantes.

Paul VI disait : « Ce besoin de s’évader et de chercher à connaître des réalités nouvelles est une très bonne chose. C’est Dieu qui a mis ce désir dans le cœur de l’homme. C’est le signe d’une autre recherche : la recherche de Dieu » (DC 1494 – 1967- au Congrès Mondial sur les valeurs spirituelles du tourisme).

Irénée disait déjà : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant ». Nous voulons que les touristes vivent leurs temps de loisirs et de détente à plein. Pour leur permettre de passer de bonnes vacances tranquilles, dans la paix et la joie. La première condition pour cela c’est qu’ils ne soient pas harcelés par les mendiants, les vendeurs ou les voleurs.

  1. Organiser des rencontres pour une vraie connaissance des personnes et des cultures d’une façon désintéressée, créer des liens d’amitié pour mieux se comprendre et pour mieux être heureux. C’est très important. Dieu est amour. Les contacts avec les touristes ont une vraie dimension spirituelle. C’est la mise en œuvre du Corps mystique de Jésus et une participation à la construction d’une Eglise vraiment catholique, c’est-à-dire universelle. Jésus disait : « Quand 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mat 18,20).

  2. Favoriser la découverte de la nature, créée par Dieu. Cela amène à découvrir Dieu lui-même présent dans notre vie. Nous avons chanté le psaume 8 : Ô Seigneur notre Dieu qu’il est grand ton nom, par tout l’univers. A voir la terre ouvrage de tes mains, le ciel et les étoiles que tu fixas, qu’est-ce que l’homme que tu en prennes souci ? ». Nous voudrions que tous les touristes puissent chanter cela, en découvrant nos paysages et notre nature.

  3. Favoriser une pratique religieuse. Mais pour cela, ne pas attendre que les touristes viennent dans nos églises. Aller à leur rencontre, contacter les chrétiens mais aussi les non chrétiens avec amitié, respect et sans prosélytisme. Rendre témoignage par notre propre vie, spécialement nous les religieux. La première condition pour cela, c’est d’apprendre les langues internationales, anglais, espagnol, etc.

  4. Nos eucharisties. Il sera important d’avoir un mot d’accueil pour les touristes, au début de la célébration. De dire quelque chose qui les concerne, au moment de l’homélie. De leur indiquer au moment des annonces, les visites possibles, les réunions et les rencontres qui peuvent les intéresser.

Les saluer à la sortie. Que le prêtre se mette à la porte de l’église et n’aille pas se déshabiller tout de suite à la sacristie, sinon tous les touristes seront partis avant qu’il ne ressorte.

Prévoir aussi un lieu d’accueil. On pourrait très bien prévoir un « apéritif » au foyer à la sortie de la messe, spécialement en proposant des boissons locales non alcoolisées : bissap, bouy etc. Chercher à connaître les engagements des touristes qui viennent à la messe et leur demander de partager avec nous leurs expériences et leurs réflexions. Cela peut beaucoup nous enrichir. Il ne faut pas que l’échange se fasse à sens unique.

  1. Organiser des conférences, des soirées de prières, des concerts avec notre chorale, à l’église ou mieux dans les hôtels mêmes, pour faire passer le message de l’Evangile. Aller dire des messes et des prières dans les centres touristiques, aux heures qui conviennent. Par exemple pour les travailleurs, entre 14 h et 16 h au moment de la pause. Pour les touristes, vers 18 h au retour de la plage. Le faire au moins chaque dimanche et non pas seulement les jours de fête.

  2. Organiser des activités dans un cadre et une ambiance appropriée. Par exemple, des soirées dansantes dans la joie simple et le respect, sans alcool et sans libertinage sexuel. Donner la possibilité de danser et de se distraire, dans une bonne ambiance et sans arrière-pensée.

Des séances de théâtre avec les amicales de jeunes ou les scouts par exemple. Organiser des voyages en pirogue, avec des explications avant le départ et au retour, sur les problèmes de la pêche et sur la culture traditionnelle des pêcheurs. Cela suppose quelqu’un de formé pour cela, comme pour tous les autres contacts d’ailleurs. Organiser des ateliers, par exemple tressage de cheveux, danses locales, artisanat, avec des gens non seulement compétents dans ces activités, mais formés pour accueillir, expliquer les problèmes de la région et faire connaître les valeurs traditionnelles et la religion. Nous religieux, nous avons notre place dans ces activités.

  1. Tout cela ne peut se faire bien sûr que par un travail commun avec les laïcs. Cela veut dire que nous, religieux et religieuses, nous soyons proches et même engagés dans les services sociaux, dans les associations et différentes organisations sur place, chrétiennes ou non. Que nous soyons en contact avec les ONG, pour y mettre un esprit chrétien etc. (voir plus loin)

  2. Je précise tout de suite que cela demande une organisation, une réflexion et un vrai plan pastoral, pas une improvisation au coup par coup. D’abord que l’on s’assoie avant la saison pour prévoir les activités, et organiser la formation nécessaire des différentes personnes.

Au mois d’octobre, mettre en place la préparation immédiate, les activités prévues qui sont possibles et les faire connaître.

Début novembre, lancer la saison au niveau pastoral, avec les contacts nécessaires : inviter le personnel du tourisme mais aussi les différents opérateurs et autres personnes impliquées à une messe de lancement, avec une homélie adaptée, ou une réflexion courte mais précise avant ou après la messe : présenter le thème d’année, les objectifs que l’on veut atteindre, au niveau chrétien mais aussi au niveau humain, et les moyens pour cela.

De novembre à mai, organiser le suivi des actions, avec des rencontres de réflexion et des temps forts.

En juin, faire une évaluation sérieuse et en tirer des conclusions pour l’année suivante. Veiller à reprendre les activités chrétiennes normales et les activités de l’hivernage pour les chrétiens sénégalais, les familles, les CEB, les mouvements etc. car toutes ces personnes sont beaucoup moins disponibles pendant la saison du tourisme, surtout celles qui sont engagées directement dans ces activités.


2. Lutter contre les aspects négatifs du tourisme

Chant : Aller dire à tous les hommes, le Royaume est parmi vous, Alléluia, Alléluia, le Royaume est parmi vous.

La campagne toute entière est en fête, les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, car Il vient, car Il vient juger la terre, Il jugera le monde avec justice, selon sa vérité, tous les peuples.

  1. Aider les gens à réfléchir : les enfants, les jeunes mais aussi les adultes. D’abord par rapport à l’argent et face aux réalités du travail et des activités touristiques.
    Veiller à assurer une véritable éducation sexuelle des jeunes (pas seulement expliquer les appareils génitaux, ne pas dire comment ça marche mais comment bien s’en servir dans l’amour !)

  2. Pas seulement dans nos propres écoles mais chercher à former tous les enfants et les jeunes de toutes les écoles, scolarisés ou non.

  • Travail auprès des prostitués. Les sœurs du Bon Pasteur s’y sont déjà engagées comme on l’a dit dans les débats qui ont suivi cette conférence.

  • Une éducation morale de tous, les adultes aussi bien les jeunes que les enfants.

  • Pour les élèves, intégrer cette dimension dans les cours non seulement de morale mais aussi de français, d’histoire et de géographie, d’instruction civique, de philosophie… et même en anglais et en espagnol, pour que cela passe, soit assimilé et passe vraiment dans la vie.

  • Faire cette éducation par des réflexions en commun, mais aussi par des contacts personnels à partir de ce qui se passe dans la société, en suivant l’actualité et en profitant de toutes les expériences et des occasions.

  • Faire réfléchir les adultes sur les ventes de terrain et toutes les autres conséquences négatives du tourisme dont nous avons parlé. Eduquer les enfants par rapport à la mendicité et à la sexualité, à l’attrait de la vie moderne et de l’argent etc.

  1. Aider les gens à s’organiser :

  • Les paysans pour ne pas accepter l’accaparement de leurs terres

  • Les travailleurs, par rapport à leur exploitation.  Le mouvement de la JOC a déjà fait beaucoup de choses dans ce sens. Il faudrait le continuer dans ce sens. Intensifier les contacts avec les travailleurs pour parler de leurs problèmes réels et de leur vie. Ne pas dire seulement : « je les contacte à la chorale » ou bien « ils viennent à la messe ».

  • Organiser des récollections, par exemple sur l’alcool, les relations humaines, la sexualité, les salaires et les droits des travailleurs, la conscience professionnelle.

  • Former des guides au niveau chrétien mais aussi au niveau humain, pour qu’ils puissent montrer les bonnes choses et ce qui se fait dans le pays. Qu’ils puissent rencontrer les touristes dans une vraie amitié et dans une charité profonde, car certains touristes ont des problèmes et sont même dans une détresse morale très grande. Il faut offrir à tous une possibilité de conversion et de rencontre du Christ : prendre le temps pour cela et ne pas se limiter aux célébrations de l’Eucharistie. Jésus a marché longuement avec les disciples d’Emmaüs. Il les a écoutés pour connaître leurs problèmes. Il les a encouragés avant de célébrer l’Eucharistie avec eux. (Luc 24, 15-32). De même Jésus s’est assis et à pris tout le temps nécessaire pour parler avec la samaritaine de ses problèmes avant de lui dire qu’il est le Christ (Jn 4, 5-30) Nous avons le devoir de les aider aussi à ce niveau.

  • Lancer des petits projets et organiser des actions génératrices de revenus (AGR avec la Caritas)

  1. Former à l’accueil les chrétiens et les communautés chrétiennes. En effet certains touristes viennent seulement pour s’amuser ou se reposer, d’autres veulent vraiment rencontrer les gens, connaître leurs problèmes, les aider etc.  Paul disait (Romains 12, 13) « Pratiquer l’hospitalité avec empressement ». Et Jésus nous dira (Math. 25, 40) « Tout ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que tu l’as fait ». Il ne s’agit pas seulement de donner de la nourriture ou des habits aux autres, d’ailleurs la plupart des touristes n’en n’ont pas besoin, mais de reconnaître le Christ en eux, de les accueillir comme des frères pour les faire grandir dans la paix, l’amour du Christ et la vie de Dieu.

  • Eduquer à la paix. En effet, le tourisme est l’opposition entre deux mondes : le monde du luxe et celui de la pauvreté. Il faut donc éduquer les uns comme les autres à se rencontrer sans provocation, sans violence mais dans la compréhension et l’acceptation mutuelle.

  1. Les médias : Que fait la commission de la communication sociale au niveau du tourisme ? Il ne suffit pas d’avoir des émissions religieuses mais d’organiser une réflexion aussi bien sur le tourisme que les autres problèmes de la vie.

  • Travailler avec les journalistes. Par exemple dans l’Observateur comme dans les autres journaux, il est très souvent question de vols, de viols etc. sans aucune réflexion ni éducation. Dans des sites comme Sen web, il y a de nombreux articles sur la sexualité et ceux sont d’ailleurs les plus lus. Il faudrait réfléchir à ces choses.

  1.  Avec les responsables sénégalais du tourisme, il est important de contacter et de réfléchir avec les gens du ministère, des différents offices avec la SAPCO, leur faire voir les vrais problèmes et les pousser à mettre en place un vrai plan de développement à tous les niveaux : urbanisation, production, construction etc. pour une vraie croissance économique en respectant les conditions sociales et en pensant aux personnes les plus défavorisées. Il s’agit bien de chercher l’amélioration des conditions de vie de la population locale et pas seulement avoir davantage d’argent pour le gouvernement, surtout que cet argent sera souvent détourné. Mettre en place des formes plus humaines du tourisme permettant de meilleurs contacts et un enrichissement mutuel : séjours chez l’habitant, tourisme écologique etc.

  • Faire participer davantage la population locale au développement du tourisme

  • Mettre des règles très strictes et les appliquer par rapport aux investissements. Que ce soit de la part des étrangers ou des cadres sénégalais. Surveiller et limiter les sorties de capitaux etc.

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  1. Travailler avec les opérateurs et les responsables des hôtels et des clubs. Ce n’est pas facile. Il faudra donc aller doucement : commencer par créer des relations humaines et arriver peu à peu à des contacts d’amitié. Lorsqu’on aura gagné leur confiance, on pourra alors entreprendre avec eux une véritable réflexion, sur la façon dont les choses se passent. Cela suppose que l’on n’aille pas chez eux seulement pour boire l’apéritif ou pour recevoir de l’argent ou des cadeaux, mais que l’on se présente comme des hommes et des femmes cherchant le bien de leurs frères et de leurs sœurs. Et dans tout cela, nous leur montrerons les choses d’une façon positive, pour qu’ils comprennent qu’améliorer les conditions du tourisme, c’est aussi leur intérêt à eux, pour éviter des problèmes inutiles et pour qu’ils puissent offrir le maximum de bonnes choses aux personnes.

  • Indiquer dans les hôtels les activités religieuses, venir dire des messes : organiser ces activités sur place, dans les hôtels et les clubs.

  • Signaler les activités éducatives que nous organisons.

  • Mais aussi faire réfléchir ces opérateurs au salaire et à la façon dont ils traitent leurs travailleurs.

  • Et à la façon dont ils utilisent l’eau, l’électricité et les autres ressources du pays

  • Qu’ils respectent les personnes et aussi les lois du pays.

  • Qu’ils se soucient du développement de la région et ne se contentent pas d’en profiter et de faire le maximum de bénéfices. Nous devons les aider à pratiquer eux aussi la charité.

  1. Travailler avec les agences de voyage, leur proposer des visites dans les sites religieux pour qu’ils découvrent l’histoire de l’Eglise et sa vie actuelle. Indiquer les heures de prière dans les églises. Signaler les communautés où nous pouvons accueillir des touristes : Pas seulement pour gagner de l’argent, mais pour leur faire découvrir l’Eglise et le pays.

  2. La moitié des touristes venant de France, il est absolument nécessaire de prendre contact avec la pastorale du tourisme en France, pour travailler ensemble et savoir comment nous organiser.

Le tourisme est un chemin de charité et d’évangélisation.

N.B. : Tout cela se fera dans une grande disponibilité, mais aussi en respect de la liberté des gens, sans prosélytisme, en sachant que la mentalité de l’Europe est laïque. Mais en cherchant aussi à faire comprendre que le Sénégal est un pays de croyants, où chrétiens et musulmans s’acceptent et se respectent, et où l’on cherche à accueillir l’étranger. Expliquer aussi comment se conduire avec respect, en particulier pour l’habillement et leur faire découvrir l’essentiel de la culture africaine. On pourra préparer des documents ou des dépliants pour cela.

Quatrième partie

Notre engagement de religieux dans le tourisme

Chant : Allez-vous en sur les places et sur les parvis, allez-vous en sur les places y chercher mes amis. Tous les enfants de lumière qui vivent dans la nuit, tous les enfants de mon père séparés de Lui. Allez-vous en sur les places et soyez mes témoins chaque jour.

  1. Quel doit être notre engagement de religieux dans le tourisme ? Il se situe à tous les niveaux. En effet, nous sommes d’abord des citoyens et des citoyennes. Nous devons donc nous engager pour l’avancée du pays dans tous les secteurs, le tourisme y compris. Nous agissons avec tous les chrétiens, sous la direction de notre évêque, en union et en collaboration avec les laïcs dans les mouvements, dans les CEB, dans les commissions, dans les écoles et dispensaires et partout où nous allons. A ce sujet, beaucoup de chrétiens se plaignent que nous ne soyons pas engagés, par exemple dans les CEB, dans les mouvements d’adultes, dans les commissions Justice et Paix, les aumôneries des malades ou de la prison, etc. Nous aurions certainement des choses à revoir à ce niveau-là. Aujourd’hui le Seigneur nous adresse un appel très fort, pour nous engager aussi auprès des touristes et dans tout ce qui se fait. Pas seulement sur la Petite Côte mais aussi à Dakar où il y a beaucoup de gens de passage, de nombreux hôtels, de nombreux séminaires et congrès.

  2. Nous nous engageons en tant que religieux, pas seuls mais ensemble, en communauté, et tous les religieux ensemble. A notre dernier Forum de la Toussaint 2011, nous avons dit que nous ne pouvons plus nous contenter de nos activités traditionnelles. Il faut nous engager dans les nouveaux secteurs de la société. Nous avons dit aussi que nous devons être les prophètes de ce temps. Le Concile Vatican 2 nous a demandé de revenir à notre charisme. Non pas faire matériellement ce que notre fondateur ou notre fondatrice ont fait, mais voir comment vivre son esprit et ses intuitions dans la société moderne actuelle. Si notre fondateur revenait, que ferait-il aujourd’hui ?

  3. Il s’agit pour nous d’agir dans l’espérance et de préparer l’avenir. Par notre vie religieuse, nous sommes les signes du Royaume. Pas seulement les signes du ciel et de la vie éternelle, mais le signe du Royaume qui vient aujourd’hui sur terre. Pas seulement attendre « des cieux nouveaux » mais aussi construire une « terre nouvelle où la justice habitera » (2ème Pierre 3, 13). Nous sommes appelés à construire le Royaume de Dieu, à l’évangélisation, à la sanctification de la mondialisation actuelle et donc, d’être frères et sœurs de tous les touristes du monde, quelle que soit leur nationalité.

  4. Nos trois vœux nous situent en plein cœur du tourisme pour une action prophétique. Notre vœu de pauvreté est une réaction vivante et concrète à tous les problèmes d’argent du tourisme : le luxe, les travailleurs mal payés, les femmes mais aussi les hommes, les jeunes et les enfants qui se prostituent pour de l’argent etc. 
    Notre vœu de célibat consacré et notre chasteté sont une action profonde et très efficace contre toutes les déviations sexuelles qui gangrènent le tourisme. Et plus profondément une force active dans le monde du tourisme, pour que touristes et habitants puissent vivre une véritable rencontre, dans un amour vrai et désintéressé.
    Notre vœu d’obéissance ne nous demande pas d’obéir seulement à notre supérieur de communauté, mais d’abord d’obéir à Jésus Christ. Et donc d’écouter les appels que Dieu nous adresse dans la vie du monde, en particulier dans le tourisme : savoir lire les signes des temps et les écouter, et y être fidèles dans nos engagements religieux.
    Enfin notre vie de communauté est le signe que la vie est réussie et heureuse quand on la vit ensemble avec les autres, en réaction contre l’individualisme de certains touristes, qui cherchent leur plaisir tout seul. Et quand nous vivons en communauté internationale, c’est la preuve actuelle et concrète que l’on peut se rencontrer entre touristes et habitants du pays, entre personnes de culture différente.

  5. Pour arriver à cela, la première chose c’est essayer de connaître la réalité de ce qui se passe, savoir ouvrir les yeux, écouter, parler avec les gens pour mieux les comprendre.
    Il ne s’agit pas de faire des choses extraordinaires, c’est dans les petites choses que nous ferons avancer l’esprit de l’évangile et l’amour de Jésus Christ. Jésus nous dira à la fin du monde : « Bon et fidèle serviteur, parce que tu as été fidèle dans les petites choses, je t’établirai sur des plus grandes. Entre dans la joie de ton maître » (Math. 25, 23).
    Il nous suffit dans tout cela de suivre l’exemple de Jésus qui partageait la vie des gens, mangeait avec eux, allait de village en village et accueillait tout le monde. Jusqu’à maintenant, même les gens déchristianisés, ont confiance dans les religieux et les religieuses. Ne décevons pas cette confiance. C’est un talent que le Seigneur nous a donné, nous devons le faire fructifier (Mat 25, 14-30).

  6. Beaucoup d’entre nous ont fait des études sociales et ont reçu une formation en ressources humaines. Nous devons mettre cette formation et cette expérience au service de tous, en particulier des touristes. Ne pas l’enfermer dans les seules œuvres ou activités de notre communauté, ni dans les seules activités de la paroisse. Ce n’est pas dans les synagogues ou au temple de Jérusalem que Jésus a été chercher ses apôtres, mais bien dans la vie de tous les jours, quand ils revenaient de la pêche ou de leur travail.
    Pour les religieux prêtres, le tourisme est un appel à nous engager dans de nouveaux secteurs de vie et dans toutes les branches de la société, pas seulement à être prêtre de paroisse.

  7. Ce secteur du tourisme n’est qu’un exemple d’engagement possible pour nous et des appels que le Seigneur nous adresse aujourd’hui. Mais nous aurons le même type de recherche et de réflexion à faire pour nous engager dans tous les autres secteurs de la vie et toutes les autres branches de la société, avec le même esprit et les mêmes orientations.

  8. A propos du tourisme, j’ai cité la Constitution pastorale du Concile Vatican II « L’Eglise dans le monde de ce temps ». Cette année nous fêtons le 50ème anniversaire du Concile Vatican II. Il est essentiel que nous retravaillions tous ces textes du concile, et en particulier cette constitution pastorale. J’ai cité aussi le directoire du Vatican pour le tourisme. Il est important que nous travaillions les documents qui nous viennent de Rome, en particulier pour les derniers parus : la lettre de Benoît XVI du 1er janvier, Journée de la Paix : « Eduquer les jeunes à la justice et à la paix » et bien sûr, l’exhortation sur « l’engagement de l’Afrique « à la suite du 2ème Synode pour l’Afrique.

  9. Nous sommes en pleine campagne électorale. Nous n’oublions pas les déclarations du magistère local, en particulier la lettre de Noël de notre Cardinal et le message de la Conférence épiscopale au sujet des élections. Tout cela, ce sont des appels que le Seigneur nous adresse et des voies nouvelles que le Christ trace pour nous. Mais bien sûr il ne suffira pas de lire les documents, il s’agit aussi de nous engager avec nos frères chrétiens et tous les hommes de bonne volonté, dans le travail mené par Justice et Paix au sujet de la campagne électorale des élections présidentielles, en utilisant le matériel que la commission nous propose : affiches, tracts, documents…Nous avons tenu 2 réunions de formation à ce sujet pour les religieux, à Dakar et à Nianing. Malheureusement peu y ont participé, surtout du côté des hommes !

Chant : Prenons la main que Dieu nous tend. Voici le temps, le temps où Dieu fait grâce à notre terre. Jésus est mort un jour du temps. Voici le temps, le temps de rendre grâce à notre père. L’unique Esprit béni ce temps. Prenons le temps, le temps de vivre en grâce avec nos frères.