Armel Duteil

2008




La situation du pays en mars 2009

Les choses continuent à bien avancer. Il y a eu de nombreuses arrestations de personnes notablement connues pour leurs détournements et de trafiquants de drogue qui ont avoué facilement leurs actes, sans aucune torture ou autre pression morale. Bien sûr, il reste maintenant à veiller pour que ces personnes soient jugées légalement et d’une façon juste, et ne soient pas déclarées coupables avant d’avoir été jugées

La société civile s’est réveillée et organisée avec les syndicats et les partis politiques qui ont retrouvé leur liberté d’action(ils avaient été suspendus lors de la prise de pouvoir par les militaires. Nous venons d’organiser une réflexion élargie sur la place et le rôle de la société civil samedi dernier.(voir le document L

55). Suite à une action concertée de nombreuses ONG les prisonniers ont commencé à recevoir de la nourriture même si c’est en quantité insuffisante.

Dans nos actions, nous ne sommes pas tout seuls : nous sommes soutenus par le groupe d’action international (Union Africaine, ONU, Union européenne, Cedeao…) qui ont exigé des élections présidentielles en décembre 2.009. C’est pour que les militaires ne restent pas trop longtemps au pouvoir mais cela nous semble vraiment trop tôt pour qu’ils aient vraiment le temps de changer les choses et de mettre les gens au travail.

Au niveau de la commission justice et paix, nous préparons toute une série de propositions, demandées par le CNDD : Comité National pour la Démocratie et le Développement des militaires, sur la réorganisation du pays . C’est une gros travail mais ça vaut la peine. Merci pour votre soutien à tous.




Suites au décés du général Lansana CONTE

Le lundi 22 décembre 2008, le Président de la République, le général Lansana CONTE, mourrait vers 18 heures. Il était atteint d’un diabète profond depuis plusieurs années et n’était plus en état de diriger le pays. Il avait pris le pouvoir par un coup d’état à la mort de Sékou Touré, en 1984, et s’était maintenu au pouvoir au moyen d’élections truquées. Au début, il avait lancé le libéralisme et l’initiative privée au niveau économique, les nationalisations de Sékou Touré n’ayant pas fonctionné et ayant réduit le pays à un état de pauvreté permanent malgré les énormes richesses du pays. Il avait mis en place une démocratie formelle. Mais peu à peu, le groupe d’amis et parents se sont lancés dans une corruption de plus en plus grande. Pour garder son pouvoir, le président s’est appuyé sur l’armée qu’il a énormément favorisée (augmentations de salaire et promotions, distributions de sacs de riz, etc…). Cette armée, indisciplinée et inefficace s’est lancée dans les tueries, les vols, les viols et la drogue, déjà au moment de la guerre du Libéria et les attaques rebelles venues de Sierra Léone en 2000-2001. (J.M. : mettre un lien avec mes circulaires de ces deux années). Cela a augmenté en 2006, a culminé lors des manifestations de 2006 et surtout de janvier-février 2007, où l’armée a tiré sur la foule. (Mettre un lien avec les nouvelles de cette époque). Et cette année, l’armée s’est mutinée alors que le président renvoyait le gouvernement mis en place suite aux manifestations de 2007, pour remettre en poste des personnes de son entourage. C’était le règne de la corruption et de l’impunité, le pays n’étant plus gouverné.

Le mardi 23 décembre, c’était le président de l’Assemblée Nationale qui devait assurer le maintien du pouvoir et organiser des élections présidentielles dans un délai de 60 jours. Mais le mandat de ce président, de même que celui de la plupart des députés du parti au pouvoir, était arrivé à expiration depuis deux ans. Et vu leurs exactions et leur inefficacité, ils étaient rejetés par la population. Et comment organiser des élections présidentielles en 60 jours, alors que les élections législatives n’ont pas pu être organisées depuis deux ans et que les listes électorales ne sont pas à jour !

Sans attendre l’enterrement du président, un groupe de militaires s’est levé et ils ont organisé un comité national pour le développement et la démocratie. Il y a eu quelques jours de flottement entre ce comité et les représentants « légitimes » du pouvoir, d’autant plus que les militaires eux-mêmes sont divisés entre eux. Mais, heureusement, il n’y a eu aucun affrontement, contrairement à ce qui se passait d’habitude. Ni mort, ni blessé. Peu à peu, le comité a réussi à s’imposer. L’ancien gouvernement s’est rallié à lui. Il a remplacé les anciens préfets et gouverneurs de région par des militaires et mis les généraux à la retraite. Il est dirigé par un capitaine, Moussa Davis CAMARA, qui a promis de remettre de l’ordre dans le pays et, en premier lieu, de lutter contre la corruption. Et aussi de revoir les contrats miniers de la bauxite (aluminium), du fer et de l’or, ce qui serait bien normal, ces contrats ayant été signés par corruption et étant au détriment total du pays, ce qui fait que les Guinéens se retrouvent très pauvres dans un pays très riche. Ces militaires affirment qu’ils ne veulent pas garder le pouvoir et qu’ils organiseront des élections « libres et transparentes » en décembre 2010. D’abord, cela nous semble très éloigné. Et nous nous rappelons que Lansana Conté avait dit la même chose et qu’il est resté au pouvoir pendant 24 ans ! Et même si le capitaine Moussa CAMARA semble sérieux et honnête, que dire de la majorité des militaires ? Il ne suffit pas de mettre les anciens généraux à la retraite pour changer l’armée en profondeur. La population attend de voir ce qui va se passer et nous sommes très inquiets.

Au niveau international, beaucoup de pays et d’institutions condamnent ce qui s’est passé, et c’est vrai que c’est un coup d’état. Mais il a sans doute évité une guerre civile et de nombreux morts. Et le comité actuellement au pouvoir vaut sans doute mieux que ceux qui devaient succéder au président Conté selon la Constitution, et auraient continué les pratiques de l’ancien gouvernement corrompu et inefficace. Nous avons encore beaucoup à faire en Guinée, et nous allons nous y atteler. On ne change pas un pays en un jour. Et un président, le meilleur possible, ne pourra pas faire grand-chose s’il n’y a pas un changement profond au niveau de toute la population.

Mardi 30 décembre : Rencontre justice et paix.

Autour de notre Evêque, nous analysons tout ce qui s’est passé ces dix derniers jours. Il y a eu tellement de choses ! Tout comme au niveau international, les avis sont partagés. Mais nous reconnaissons que ce n’était pas une bonne chose que de faire des choix légaux et constitutionnels. Cela aurait conduit à continuer un système corrompu et inefficace qui a fait le malheur du pays. D’autant plus que le coup d’état s’est fait sans effusion de sang ni violences. Et le Comité National pour la Démocratie et le Développement a promis de très bonnes choses : lutter contre la corruption, revoir la gestion des nombreuses mines (bauxite, fer, or…) assurée par des compagnies étrangères au détriment de la population guinéenne, mettre en place un gouvernement composé de civils et préparer des élections présidentielles pour décembre 2010. Même si cela nous paraît vraiment tard. Mais nous restons très prudents, car déjà en 1984 le président défunt, Lansana Conté, avait fait de belles promesses et nous avons vu à quoi cela a abouti : pouvoir personnel et quasi dictature, népotisme, corruption, pouvoir de l’armée et appauvrissement général du pays. (Mettre un lien avec le message de Noël 2008 de l’Evêque). Il nous faudra donc rester très vigilants, voir ce que le Comité va faire réellement et leur rappeler régulièrement à leurs promesses. En fait, le président de ce Comité semble sérieux, mais l’armée guinéenne est totalement indisciplinée (nous avons vécu plusieurs mutineries ces derniers temps) ; il y règne la violence, les attaques à main armée, le vol, le viol, le pillage et la torture contre les civils, et la drogue. Le Comité sera-t-il capable de réorganiser une telle armée ? Déjà, dès le 2ème jour, le couvre-feu a été suspendu, parce que des militaires en profitaient pour piller magasins et maisons particulières. Et la maison d’un des dirigeants politiques importants du pays, Dallein DIALLO, a été fouillée sans mandat et avec agressivité, trois fois de suite le 1er Janvier par des groupes de militaires.

Ce Comité a sans doute été très imprudent en faisant des promesses au niveau économique qu’il ne pourra sans doute pas tenir. Aussitôt la rumeur a circulé que le prix du carburant allait diminuer de moitié, ce qui aurait entraîné la baisse du prix du riz et des autres produits de première nécessité. Le Comité a été obligé de démentir, d’où des insatisfactions qui risquent de tourner un jour en manifestations et révoltes. A l’inverse, en positif, dès le 30, le Comité a nommé un premier ministre civil reconnu pour son intégrité et son ardeur au travail.

Nous décidons donc d’inviter à la messe du 1er Janvier, Journée mondiale de prière pour la paix, le Comité et de remettre à chacun l’homélie de notre Evêque dès la sortie. Il faut signaler que, bien que la religion chrétienne soit très minoritaire, le président et le 2ème vice-président, sont catholiques et l’on dit même que c’est pour cela qu’ils ont été choisis car, suite à son travail en profondeur, son courage et sa vérité, l’Eglise Catholique est très respectée en Guinée.

Après avoir remercié le président et le comité pour ce qu’ils ont fait de positif, nous allons donc leur rappeler leurs promesses. Nous les assurerons de notre soutien et aussi de notre vigilance. Ensuite, nous lancerons un appel aux différentes couches de la population, adapté à chacune : les partis politiques, les syndicats, les militaires, les jeunes. Puis un appel spécifique aux chrétiens. Et nous offrirons tout cela à Dieu dans la prière.

A plus long terme, nous proposerons un document, demandé par le Comité lui-même, au nom de l’Eglise Catholique, avec nos propositions pour la reconstruction de la société et du pays, sous leurs différents aspects : culturel, économique, social et politique. Nous ferons nos propositions pour la transition et les élections. Mais cela demande un travail approfondi et de longue haleine. (Mettre un lien avec le message du 1er Janvier de l’Evêque).




Quelques renseignements sur la Guinée

Superficie : 245 857 km²

  • Population : environ 9, 3 millions d'habitants, 50% de jeunes de moins de 15 ans et 52% de femmes. Plus de 3 millions de Guinéens vivent hors des frontières de leur pays.

  • Capitale : Conakry, 2 millions d'habitants (estimation)

  • Ethnies : une vingtaine dont les principales sont les Peulhs, les Malinkés et les Soussous.

  • Langues : 8 langues nationales reconnues. Le français est la langue officielle.

  • Alphabétisation : on estime à plus de 70% la proportion d'analphabètes. Les enfants de 12 à 17 ans sont scolarisés à 25%.

  • Religions : Islam à 75%, chrétiens à 8%, religions traditionnelles à 17%.

  • Monnaie : le franc guinéen (1 euro = 7000 francs guinéens)

  • Nature du régime : présidentiel, avec depuis le 30 août 1995, une Assemblée Nationale (non renouvelée)

  • Chef de l'Etat : Lansana CONTE (depuis le 5 avril 1984)

Ouverte sur l'Atlantique par 300 km de côtes, la Guinée est entourée de la Guinée-Bissau, du Mali, de la Côte d'Ivoire, du Libéria et de la Sierra Léone. Quatre régions naturelles s'y découpent : la Basse Guinée au climat tropical, la Moyenne Guinée ou Fouta-Djallon, qui donne naissance au Sénégal et à la Gambie, la Haute Guinée, pays de savane, et la Guinée Forestière, aux grandes précipitations annuelles. Il y a partout d'appréciables possibilités : cultures vivrières et fruitières, élevage de bovins, exploitation de forêts, pêche artisanale et industrielle, souvent freinées par l'insuffisance d'infrastructures. Le sous-sol guinéen regorge de bauxite, de fer, de diamant, de chrome, de manganèse… Alors que les ressources hydroélectriques sont immenses, le manque d'énergie bloque de nombreux projets. Un grand barrage de 75 mégawatts (Garafiri) devait permettre de lancer des industries attendues et d'améliorer les conditions de vie d'une grande partie de la population mais il n'est pas opérationnel.

Repères historiques

La Guinée actuelle faisait partie de l'empire du Mali au 13ème siècle. Après le déclin de l'empire du Mali, se font des essais de reconstitution d'ensembles géopolitiques : le Fouta théocratique du 18ème siècle des Peulhs Almamy et l'Etat musulman d'El Hadj Oumar Tall au 19ème siècle.

A partir de 1875, la colonisation française arrête toutes ses mutations. De 1900 à 1945, elle renforce son administration pour une meilleure exploitation des richesses.

De 1945 à 1958 se précise la lutte de libération nationale à partir de la formation syndicale professionnelle des agents et sous-agents des transmissions de Guinée. Sékou Touré et le Parti Démocratique organisent l'accession du pays à l'indépendance.

2 octobre 1958, l'Indépendance : le 28 septembre 1958, la Guinée répond "non" à 94, 4% au référendum du Général de Gaulle. Le 02 octobre suivant, elle proclame son indépendance.

Camp Boiro est une prison construite en 1962 dans le camp de la Garde Républicaine de Camayenne. Conçue pour l'internement des prisonniers politiques, elle a vu passer, estime-t-on, de 10 000 à 30 000 victimes entre 1965 et 1984. Monseigneur Tchidimbo y vécut 8 ans et 8 mois, de 1970 à 1979. Ce pénitencier politique était aussi le siège du comité révolutionnaire du parti.

Le 27 août 1977 à Conakry, Kindia, Nzérékoré, les femmes guinéennes se soulèvent contre Sékou Touré et son pouvoir totalitaire en décrépitude.

Le 03 avril 1984, c'est l'avènement de la Deuxième République grâce à la prise du pouvoir par l'armée nationale, une semaine seulement après la mort de Sékou Touré. Le 3 avril a été proclamé fête nationale.




La situation du pays en juillet 2008

Dans la circulaire de février 2008, je vous disais que la situation du pays s'était bien améliorée. En effet, il y avait eu une entente entre les syndicats qui avaient déclenché une grève générale et le Président de la République et son camp. Celui-ci avait accepté de prendre un Premier ministre parmi les quatre proposés par la société civile des accords étaient signés pour un meilleur fonctionnement du pays un comité de suivi était mis en place regroupant des syndicats, des partis politiques, des représentants de la société civile, le patronat et des "sages", anciens des représentants des différentes ethnies du pays, pour suivre l'évolution du pays. Un comité de veille a été également mis en place, composé des différents chefs religieux chrétiens et musulmans, pour veiller à ce que tout se passe bien, dans le respect des accords signés. Tout cela avait été payé très cher beaucoup de souffrances et de morts, en particulier 186 morts civils qui manifestaient pacifiquement en janvier 2001. Nous espérions que le pays allait pouvoir à nouveau redémarrer, malheureusement il n'en a rien été. Pourquoi?

D'abord à cause du contexte international. Comme vous le savez, le prix du pétrole a augmenté d'une façon délirante et en Guinée quand le prix du pétrole et donc du carburant augmentent, tout augmente non seulement le cout des transports mais tous les produits. D'ailleurs au niveau international, le riz et les céréales en général ont également augmenté. Or la Guinée importe au moins la moitié du riz qu'elle consomme et qui est la nourriture de base. Cela coute de plus en plus cher aux gens de nourrir leurs familles et de nombreuses personnes ne font qu'un seul repas par jour.

<>Le Gouvernement mis en place a fait de son mieux pour améliorer les recettes et mieux diriger le pays, l'inflation a baissé, le pays avait retrouvé la confiance des ONG et des Organisations internationales. Mais cela n'a pas suffi à compenser les hausses des différents produits les gens sont devenus de plus en plus pauvres et de plus en plus malheureux. D'autant plus que les nouveaux responsables ont fait des promesses trop hâtives et trop optimistes qu'ils n'ont pas pu tenir, par ex. pour installer l'électricité et l'eau courante dans les quartiers. Cela a beaucoup découragé les populations de plus ce manque d'eau est très grave il n'y a pas d'eau potable, même dans la capitale dans de nombreux quartiers, les caniveaux sont à ciel ouvert, les égouts sont bouchés et l'on est en pleine saison des pluies. Résultat, l'année dernière on avait recensé 8.500 cas de choléra et 310 décès annoncés officiellement en fait, il y en a eu beaucoup plus. Cette année, au 18 Juillet, on avait recensé 89 cas et 29 morts signalés et il y a beaucoup de cas qui ne sont pas signalés, en particulier ceux qui meurent dans les villages et même en ville car les familles ont peur de signaler les décès de leurs membres par crainte de punition.

Par ailleurs, le Président est gravement malade depuis plusieurs années et donc incapable de diriger le pays, mais il n'a pas accepté de laisser le pouvoir et il est entouré de tout un clan de personnes qui veulent elles aussi rester au pouvoir, à cause de tous les avantages qui l'accompagnent et des gains qu'elles peuvent faire, la plupart du temps d'une façon illicite à coups de pots de vin ou de corruption.

Comme la situation ne s'améliorait pas, les syndicalistes ont voulu relancer une nouvelle grève générale au jour anniversaire, donc un an après la grève précédente, mais le comité de suivi a réussi à les en dissuader. En effet, il y a eu trop de morts l'année dernière et les grèves ont été l'occasion de violences de toutes sortes, et de casses qui coutent très cher au pays et ont encore augmenté les problèmes économiques. En arrêtant ce projet de grève générale, de nombreux morts ont été évités mais les problèmes, eux, n'ont fait qu'augmenter. Finalement, il y a 2 mois le Président a renvoyé le Premier Ministre pour mettre à sa place un de ses anciens ministres. On est donc revenu à la case départ. Bien pire, les problèmes ont à nouveau éclaté, les militaires se sont mutinés en demandant le paiement immédiat et total de 5 millions de francs guinéens, soit plus de 800 euros, ce qui est énorme pour le pays. Cette somme leur avait été promise depuis de nombreuses années mais n'avait jamais été payée, ce sont des retards qui se sont accumulés et qui deviennent maintenant beaucoup trop lourds. Comme les militaires ont des armes, leur demande a donc été acceptée, sans tenir compte de la situation dramatique du pays et sans penser à tous ceux qui dans le pays n'ont aucun salaire ni avantage et doivent se débrouiller comme ils peuvent pour nourrir leurs enfants en faisant des petits métiers ou en comptant sur la débrouillardise. Il faut dire que suite à la dictature de Sékou Touré qui avait complètement désorganisé l'armée et ensuite à cause de la guerre au Sierra Léone et au Libéria et des invasions rebelles en Guinée, l'armée guinéenne est complètement désorganisée, sans discipline et même sans sens civique ni conscience et beaucoup de militaires d'ailleurs se droguent, ce qui fait qu'ils ne savent plus ensuite se maitriser. Ainsi les mutins ont séquestré l'adjoint du Chef d'état major, ils ont demandé à monter en grade pour tous, systématiquement, et en plus ils ont réclamé qu'on leur donne du riz en quantité importante à 10 % du prix de vente officiel. Souvent ce riz ils vont le revendre au marché au prix fort, ce qui entraine des protestations de la population. Mais beaucoup plus grave, au cours de cette mutinerie les militaires ont demandé l'impunité et surtout ils ont fait libéré les militaires qui avaient été arrêtés l'année dernière pour avoir tiré sur la foule. Ceci est très grave, c'est l'impunité totale qui s'étend, la Guinée n'est plus un pays de droit et les gens perdent de plus en plus tout sens civique et moral. Les soldats mutins sont sortis en ville en tirant en l'air, en causant ainsi la mort de nombreux civils dans les quartiers: ils en ont profité pour piller les magasins et un marché tout entier et pour violer des femmes et des jeunes filles. Tout cela a évidemment plongé le pays dans un très grand désarroi et entrainé beaucoup de souffrances et de découragements de la population.

En suivant l'exemple des militaires, les policiers et les pompiers sont partis eux aussi en grève pour demander à leur tour des augmentations de salaires et une montée en grade pour tous. Cela n'a pas plu aux militaires qui voulaient garder leurs privilèges pour eux seuls, et ils se sont battus entre eux. De plus les policiers avaient intercepté une livraison importante de drogue, entrée bien sur illégalement dans le pays, qui était destinée à ces militaires. (En effet la Guinée devient de plus en plus une plaque tournante pour la drogue et un lieu de passage entre l'Amérique du Sud et l'Europe). Les militaires ont donc attaqué les policiers et en ont tué une trentaine.

Début Juin, les enseignants ont annoncé eux aussi une grève générale, demandant à leur tour des augmentations de salaire et d'autres avantages. Les examens ont du être reportés et, par la suite, les résultats ont été annulés à cause de nombreuses fraudes, beaucoup d'élèves possédaient les sujets avant les examens, ces sujets étant d'ailleurs vendus sur la place publique. Finalement on a accepté aussi les demandes des enseignants pour qu'ils acceptent de reprendre les examens. En voyant cela, les agents de la santé, à leur tour, ont annoncé un mouvement de grève.

Mais où le pays va-t-il trouver tout cet argent? Et si les promesses ne sont pas tenues, nous allons vivre des tensions, des manifestations encore plus dramatiques et la situation du pays ne va faire qu'empirer. Voici donc la situation dans laquelle nous nous débattons actuellement, et bien sûr ça n'est pas facile de maintenir la paix, de redonner à la fois espérance et éducation à la population. Et encore une fois, tous ceux qui manifestent ainsi et partent en grève, ce sont des fonctionnaires et des salariés. Même si les salaires sont très bas, ils ont quelque chose pour vivre. Mais que vont faire les paysans qui eux ne sont pas salariés, ne reçoivent aucune aide ni, bien sûr, aucune augmentation de salaire. C'est surtout à tous ceux-là et à ceux qui n'ont pas de travail régulier ?ils sont la majorité- que nous pensons avec émotion et que nous essayons d'aider, en particulier par le travail des deux commissions dont je suis responsable: "Justice et Paix" et "Pastorale sociale". Mais nos moyens sont très limités. (Vous pouvez trouver plus de détails sur l'action de ces deux commissions sur mon site aux rubriques "Justice et Paix" et "Pastorale sociale"). Actuellement la situation est donc très tendue dans le pays, nous sommes très inquiets pour l'avenir car les gens sont à bout de nerfs et les syndicats au bout du rouleau. Nous sommes à la limite de la guerre civile.




La situation du pays en janvier 2009

Depuis le coup d’état la situation est calme. Peu à peu les différentes couches de la population ont rejoint les militaires responsables du coup d’état. Ceux-ci ont mis en place un gouvernement dirigé par un premier ministre civil mais avec 10 ministres militaires , aux postes importants : intérieur, sécurité mais aussi économie, douanes etc..Ils affirment vouloir mettre de l’ordre dans le pays, lutter contre la corruption, remettre la population au travail. Ce dont le pays a bien besoin. Les gouvernements étrangers , sauf celui du Sénégal, ne reconnaissent pas le pouvoir guinéen actuel parce qu’il est issu d’un putsh militaire. Mais la population le soutient.

De notre part, nous restons vigilants pour que le cap soit maintenu et les promesses réalisées, spécialement en faveur des couches les plus pauvres de la population et du monde rural. Qu’un véritable état de droit se mette en place et que l’impunité et les injustices passées cessent. En particulier de » la part desn militaires.Et puisqu’on nous l’a demandé, nous préparons nos propositions pour une nouvelle constitution et une nouvelle organisation de la société guinéenne, en nous appuyant sur les principes de la doctrine sociale de l’Eglise. C’est un gros travail qui demande beaucoup de réflexion mais aussi d’engagement de la part des chrétiens. D’autant plus que le chef d’état est chrétien (alors que le pays compte 90 % de musulmans) et que l’Eglise vu son engagement passé suscite beaucoup d’espoir. Là encore il ne faut pas décevoir. Pensez à nous et priez pour nous.

Tout cela ne nous empêche pas de rester attentifs à tout ce qui se passe dans le monde, au Congo, en Somalie, et toujours en Irak et en Afghanistan. Nous sommes révoltés par l’attitude inhumaine d’Israel qui ne sert qu’à fabriquer encore plus de terroristes, palestiniens et autres, sans aucun souci des souffrances des populations civiles. Nous sommes scandalisés par le fait qu’on trouve des milliards d’euros pour les banques irresponsables et les industries occidentales, mais rien pour le Tiers Monde, où les problèmes essentiels de la faim, de la santé et de l’éducation ne sont pas résolus. Vraiment, un homme ne vaut pas un homme malgré toutes les belles déclarations que nous avons signées. A chacun de faire quelque chose pour que ça bouge un peu là où il vit.

Avec toute mon amitié




Agrocarburants : une faim en soi ?

Je reste toujours très inquiet en voyant la culture des bio-carburants se développer.

En qualifiant les agrocarburants de « crime contre l’humanité », Jean ZIEGLER, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation a jeté un pavé dans la mare. Selon une note de la Banque mondiale, l’accroissement de la production de biocarburants a contribué en partie à la flambée des prix alimentaires, dépassant les 83 % en seulement 3 ans ! Cette inflation débouchant sur des « émeutes de la faim » est renforcée par le changement de destination de centaines de millions d’hectares de terres arables. Ainsi dans les pays sous-développés, on va cultiver des biocarburants pour l’Europe et il n’y aura plus assez de terre pour produire à manger ! (Revue « Réagir », campagne 28). Selon la Direction générale « Agriculture » de la Commission européenne, pour atteindre l’objectif de 10 % d’incorporation en 2020, 15 % des terres arables devront être occupées par des cultures énergétiques. Aux Etats-Unis, 25 % du maïs cultivé est désormais dédié aux agrocarburants, quand 60 % du colza français a été transformé en 2007 en biodiesel….

Pour atteindre cet objectif, les pays européens réduisent déjà leurs exportations alimentaires ou importent des agrocarburants ou de l’huile de palme des pays du Sud. La concurrence entre agrocarburants et alimentation entraîne une multiplication des tensions géopolitiques. Selon l’association Greenpeace, un véhicule diesel moyen correspondrait aux besoins alimentaires annuels de trente personnes !!!

Un environnement peu favorable aux « agros »

La production d’agrocarburants se fait à grand renfort d’engrais, de pesticides et à l’aide d’une irrigation menaçant les ressources en eau. Pollutions des sols et de l’eau, monoculture et remembrement, impact sur les milieux naturels et les espèces inféodées à une certaine diversité agricole… prorogent un système agricole productiviste bien connu pour ses effets délétères.

Pire, l’emprise de ces cultures grignote les milieux naturels. L’expansion du soja et de la canne à sucre au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique du Sud, ainsi que l’expansion des plantations des palmiers à huile en Indonésie et dans d’autres pays de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique, ont été une des causes directes les plus importantes de la destruction des écosystèmes forestiers qui contiennent la plus grande diversité biologique de la planète. Une augmentation croissante de la demande en agrocarburants fait craindre une aggravation de ces processus et de l’impact social sur les communautés indigènes.