Armel Duteil

Reconciliation non-violence


3 exemples de réconciliation que nous avons vécus récemment

A Kataco, l'assassinat du frère Joseph, le 4 Avril 2008

Tué par deux jeunes drogués, sans doute téléguidés par des anciens du village, réfractaires à l’Evangélisation et au développement.

  1. Dès sa mort, après la veillée, l’archevêque présent a rassemblé la population, et à nouveau le lendemain après l’enterrement, pour savoir ce qu’ils en pensaient. Deux sentiments dominaient :

    • pour les gens de Kataco, la honte : notre nom est gâté à cause de nos deux enfants.

    • pour les autres villages de la paroisse, l’agressivité contre les habitants de Kataco-centre. En effet, déjà en 2005-2006, la paroisse avait été fermée à cause de menaces de mort contre les missionnaires, au Centre.

  2. Dès que les jeunes assassins ont été découverts, les gens ont voulu les amener pour les tuer sur place, devant nous. Ce que nous avons bien sûr refusé ! On n’allait pas ajouter deux morts supplémentaires à une mort !

  3. Avec l’évêque, nous avons fait le tour des communautés pour les écouter d’abord : savoir ce qu’ils en pensaient et quelles solutions ils proposaient. Tous ensemble, musulmans, gens de religion traditionnelle et chrétiens. Mais aussi pour donner le point de vue chrétien : ne pas se laisser aller à la violence. Pas seulement demander pardon, mais faire de cet événement une occasion de changement et de conversion.

  4. Nous avons demandé à ce que ces deux jeunes soient jugés légalement. Nous avons pris un avocat pour cela. Mais jusqu’à maintenant, rien n’a été fait. Les ministres successifs (4 en un an !) de la Justice disent qu’ils n’ont pas eu le temps d’étudier le dossier. Et que le nouveau régime a d’autres priorités ! En fait, on fait tout pour bloquer le jugement, car il y a trop de personnes impliquées.

  5. Nous avons continué à passer dans les communautés. A Kataco-Centre, pour qu’à partir de cet événement, ils se réveillent. Et dans les autres villages, pour qu’ils retissent des liens avec le Centre.

En 2009, après une année, nous avons décidé de rouvrir l’église centrale la semaine avant la Semaine Sainte. Cette réouverture a été précédée d’une semaine de prière.

  1. Le jour de la réouverture, l’Eucharistie a été présidée par l’évêque lui-même. Puis l’après-midi, avec tous les jeunes de la paroisse, l’évêque est parti en marche pèlerinage jusqu’à KATACODI où se sont retrouvés 700 jeunes de toute la région du Bagataye dans un grand forum. Au cours duquel nous avons spécialement réfléchi à l’assassinat du Frère Joseph et à ses causes : la violence, la drogue, la soif de l’argent, la magie et la sorcellerie.

  2. Puis nous avons demandé à toutes les communautés de venir célébrer Pâques au Centre (alors que généralement nous allions célébrer la Pâque dans les différentes communautés), pour recréer l’unité.

  3. Le 4 Avril, première messe anniversaire de la mort de Frère Joseph (dans la semaine de Pâques), avec toutes les communautés et de nombreux musulmans. La veille, grande journée de réflexion, à partir de la question : « Comment avons-nous vécu cette année ? Quels efforts et quels changements ? »

La plupart des gens sont plutôt intervenus en disant : « Nous avons honte, nous demandons pardon, cela ne se reproduira pas, nous allons faire des efforts ». Mais très peu ont dit les changements réels opérés dans la vie des personnes et des communautés. Il faut du temps pour que les choses changent.

Au cours de la messe, nous avons commencé par une liturgie pénitentielle avec demandes de pardon, au cours de laquelle tous les participants sont venus se laver les mains devant l’autel en signe de purification et de conversion.

Nous attendons toujours le jugement des deux jeunes. Les communautés ont malgré tout progressé et nous gardons espoir que peu à peu elles vont s’engager, laisser la violence, arrêter l’agressivité contre la mission et entrer aussi dans une politique de développement. En effet, le problème de fond c’est que l’ethnie baga, chassée du Fouta Djallon, dominée par les autres ethnies, repliée sur elle-même, est soumise aux anciens qui acceptent difficilement les changements apportés par la Mission Catholique en particulier, la libération des femmes et des jeunes.

Bien sûr, cet assassinat du Frère nous a beaucoup touchés. Déjà les menaces de mort contre nous depuis les années 94 nous avaient beaucoup réunis, prêtres, frères et sœurs. Chaque jour, nous prions ensemble l’Office du matin et du soir et célébrons ensemble l’eucharistie. Pendant cette épreuve, nous nous sommes beaucoup parlé, nous nous sommes soutenus, nous nous sommes demandé ce que nous devions faire. Et nous avons tous décidé unanimement de rester à KATACO et d’enterrer le Frère Joseph sur place. Alors que certains voulaient soit l’enterrer à Boffa, le lieu du pèlerinage diocésain et du cimetière des religieux, soit le ramener au Sénégal, au cimetière de sa congrégation, à Thiès. En nous soutenant, nous avons pu arrêter tout sentiment de violence et de vengeance. L’évêque et plusieurs d’entre nous se sont retrouvés en France pour une célébration avec sa famille, ses frères religieux et sa paroisse d’origine. Et deux de ses frères et sœurs sont venus prier sur sa tombe et recevoir la demande de pardon des gens de Kataco, au moment du pèlerinage diocésain, cette année.

Nous avons réfléchi à notre façon d’annoncer l’Evangile, en nous disant qu’il est important de respecter davantage la culture traditionnelle baga et son organisation sociale, en particulier la place des anciens, même si nous ne sommes pas toujours d’accord avec leur comportement. Et qu’il est important de davantage expliquer l’Evangile dans la culture pour qu’il soit plus facilement acceptable par la population. Et que ce soit la population elle-même qui trouve sa façon de le faire. Nous avons compris qu’il est important d’aller plus lentement, avec plus de patience et de douceur dans notre travail d’Evangélisation.

Un conflit entre deux villages : KAWAS et BOGONIA.

Les terrains pour la culture du riz sont rares et contestés entre ces deux villages. Le problème est porté chez les chefs de villages, mais ils n’arrivent pas à le régler. Des bagarres s’ensuivent. La division augmente à tel point que les gens refusent d’assister même à leurs enterrements réciproques, malgré les liens traditionnels qui les lient, en particulier de mariages.

Nous décidons de régler l’affaire au cours de la rencontre des communautés de la paroisse. La première chose à faire nous semble de ramener la paix dans les esprits et de recréer des liens. Les responsables des communautés des deux villages expliquent leur problème devant tous. Suite à cela, après des conseils à l’apaisement, nous choisissons des délégués qui vont aller parler aux gens des deux villages. Et nous demandons aux chrétiens de prier ensemble pour l’entente, en se rassemblant pour la prière du dimanche : le premier dimanche à KAWAS, le deuxième dimanche à BOGONIA. Suite à cela, les deux villages se mettent d’accord pour se répartir les terrains à l’amiable.

Nous nous sommes rendus compte, à partir de là, que nous n’étions pas assez proches de la vie des gens, ni moi-même, ni le conseil paroissial. Sinon, nous serions intervenus plus tôt, avant que les choses ne s’enveniment. « Il vaut mieux prévenir que guérir ». Je relève l’importance que les gens puissent exposer leurs problèmes devant tous, afin d’être reconnus en étant écoutés, même s’ils n’ont pas raison. Nous avons pris conscience du rôle que peuvent jouer la foi et la prière dans la réconciliation.

Problèmes dans un Foyer des enfants de la rue.

Le responsable des foyers (un prêtre européen) ne s’entend plus avec « Emilienne » l’éducatrice d’un des foyers de jeunes filles. Il la remplace par une autre, une nouvelle, qu’il paye davantage. Alors qu’il a refusé une augmentation à Emilienne. En colère, Emilienne ferme le foyer et les enfants se retrouvent dehors, sans leurs habits, ni même leurs médicaments. Le responsable va se plaindre à la gendarmerie, qui oblige Emilienne à ouvrir le centre. Celle-ci va se plaindre au camp militaire, où se trouve le président actuel, auprès d’un officier ami. Un membre du conseil paroissial apprend l’affaire. Il va voir l’officier qui accepte que les chrétiens règlent le problème entre eux, à condition d’être tenu au courant de la solution trouvée.

Le responsable décide de changer de bâtiment. Le grand frère d’Emilienne la pousse à demander un dédommagement de 14 millions, alors qu’on lui a déjà fait un forage et aidée pour un élevage de porcs, le responsable estimant que ces aides équivalaient à un loyer. Pour finir l’affaire, le responsable accepte de payer. Mais par la suite, toujours poussée par son frère, Emilienne demande ses droits de licenciement et, en plus, une compensation pour l’augmentation de salaire qu’elle n’a pas eue.

Le conseil paroissial n’arrive pas à régler l’affaire, les membres étant divisés, prenant parti pour l’un ou pour l’autre. Le responsable décide de s’adresser à un avocat. Pour éviter le scandale et ne pas laisser l’affaire sortir à nouveau à l’extérieur, l’évêque convoque le conseil épiscopal, où il écoute les conseils de chacun. Puis il fait venir Emilienne en présence de deux conseillers, pour lui demander de ne plus accepter les mauvais conseils de sa famille et d’arrêter ses exigences. Ensuite, il désigne deux responsables pour organiser la vie des foyers, rédiger des statuts, fixer légalement les salaires des éducateurs et régler les questions d’argent pour prévoir l’avenir et faire en sorte que de tels problèmes ne se reposent plus.

Nous avons bien sûr éprouvé une grande tristesse en voyant un travail aussi important cassé pour des problèmes de personnes et d’argent, au détriment des enfants.

Conclusions : Il est important de faire les choses clairement et légalement pour les salaires, titres de propriété, conditions de travail. Eviter les cadeaux personnels et les préférences. Ne pas laisser la famille ou d’autres personnes intervenir dans les problèmes, avec des intérêts cachés. Importance d’être neutre et d’éviter la soif de pouvoir, sans rien faire dans le travail (pour le conseil paroissial).


Violence : Causes et recherche de solutions

Le Pape François disait dans son homélie du 2/06/2013 devant des parents de soldats tués en Afghanistan : « La violence est la mort de l’Humanité, parce qu’elle tue le cœur et elle tue l’amour… La guerre vient de la haine et de l’envie du pouvoir… Et parce que l’argent est plus important que la personne, pour les grands de la terre ». Essayons de mieux comprendre ces paroles.

Après avoir décrit un certain nombre de violences, je chercherai à en déterminer les causes. Puis à la lumière de la Parole de Dieu, je proposerai quelques pistes de solutions. Avant d’expliquer ce qu’est exactement la non-violence, et de répmndre à la question : Les religions sont-elles des facteurs de paix ?

La situation : des personnes qui souffrent de la violence.

La violence se trouve partout. Nous en entendons parler chaque jour, dans les journaux, à la radio, à la télévision, et sur tous les réseaux sociaux. Il y a les guerres et les attentats, en Somalie, au Nigéria, en Syrie, en Irak, et dans tant d’autres régions et pays. Elle se trouve aussi dans notre pays. Elle est latente en Casamance, et aussi dans la vie de tous les jours. Il suffit de lire les journaux à la page société, sur les jugements dans les tribunaux : bagarres, insultes, agressions, vols, viols et même meurtres. Ce qu’on n’a pas honte d’appeler « faits divers », comme si cela était devenu une banalité. Quelques exemples concrets, parmi beaucoup d’autres :

Quand il y a un match de lutte, les commerçants ferment leurs boutiques, et les habitants du quartier ferment leurs portes. Des femmes et des jeunes filles sont agressées, jusque devant notre église.

On trouve la violence dans certains films. Mais aussi dans certaines émissions, où des intervenants s’attaquent violemment, et se parlent sans respect. Cela va jusqu’à l’utilisation d’internet pour le recrutement par les terroristes.

Les violences faites aux femmes

Violences domestiques : elles sont physiques (coups et blessures volontaires, meurtre et assassinat), sexuelles (viol, inceste, pédophilie, mariages précoces et forcés), psychologiques, verbales, économiques…Les violences domestiques sont reconnues comme un fléau national et ont un impact sur les membres de la famille, plus particulièrement sur les femmes et les enfants. Au Sénégal, une femme sur quatre est victime de violences conjugales. Mais la plupart des victimes souffrent en silence, en raison d'une culture d'impunité profondément ancrée dans les mentalités. A la boutique de droits de Pikine en 2015, on a relevé 6006 cas de violences, dont 43 viols certains d’enfants. Et après une agression, il y a la peur de se retrouver en face des mêmes personnes. Les mutilations génitales féminines continuent dans les régions (92 % dans la région de Matam, 87 % à Sedhiou, 85 % à Tambacounda). Et leur nombre augmente aussi à Dakar

Les conséquences sont multiples : dislocation de la famille, enfants perturbés, femmes dépressives, perte d’estime de soi chez les victimes, prostitution des filles…….

Depuis un certain temps, des efforts sont faits. Mais après examen de la situation, il en ressort que beaucoup de dossiers n’arrivent pas au tribunal et s’arrêtent à la police

  • Des dossiers sont classés sans suite, par désistement de la partie civile
  • des victimes ayant reçu des menaces ou des pressions, se rétractent en cours de procédure
  • les décisions de justice ne sont pas souvent exécutées

  • un nombre important de femmes n’accède pas à la justice

  • des auteurs sont restés impunis

A la célébration de la Journée mondiale de la femme en 2016, la présidente de l’Amicale des femmes de la police nationale, Khadiatou  Sall, disait : "Les femmes jouent un rôle prépondérant dans toutes les sociétés. Cela n’est plus à démontrer. Mais nous constatons avec amertume que certaines d’entre elles continuent d’être battues, violées, humiliées, et le plus souvent dans le silence. En ce 8 mars, je vous invite à avoir une pensée compatissante à toutes ces femmes confrontées aux affres de la douleur, de la guerre, de l’exil, de la famine et du désespoir ».

La traite des femmes

Elle est organisée en réseau et rapporte beaucoup d’argent. Cela se passe souvent en trois étapes :

  • D’abord on propose à la femme du travail mais elle ne sait pas dans quelles conditions. On lui fait des promesses très vagues : tourisme etc. Ou bien il s’agit d’un recrutement forcé. La victime est approchée par des amis, des voisins ou des personnes étrangères.

  • Le déplacement : Il est légal ou illégal, souvent par tous les moyens.

  • L’exploitation : Il y a une exploitation dans le travail, mais aussi une exploitation sexuelle (prostitution) et même des prélèvements d’organes. La traite s’effectue avec violence, avec passage des frontières mais elle n’est pas obligatoirement forcée. Dans le trafic, ce sont parfois les intéressés qui vont voir les trafiquants.

Les enfants mendiants

Ils sont plus de 30 000 à Dakar, et 55 000 au Sénégal. Pourtant, il y a une loi votée depuis plusieurs années contre la mendicité. Mais une loi sans éducation ne sert à rien. Le cadre légal existe (protocole) mais il n’y a pas de décret d’application. La traite des enfants existe en Afrique de l’Ouest. Le Sénégal est à la fois une destination et un pays de transit. De nombreux enfants quittent des villages pour s’adonner à la mendicité ou au travail domestique. On a calculé que 23 % des enfants travailleurs sont victimes de la traite (500 000), et que 34 000 jeunes filles, employées de maison (mbindaan), ont entre 7 et 18 ans.

Les migrants

Même s’ils décident eux-mêmes de quitter leur pays, ils doivent supporter non seulement beaucoup de souffrances, mais aussi de grandes violences, en particulier de la part des passeurs. Et cela va jusqu’à la mort, que ce soit dans le désert ou dans la mer. Et là aussi, ce sont les enfants qui sont les plus vulnérables, et donc qui subissent le plus de violences : «  La mendicité, le vol, le trafic de drogue, la vente de biens volés ainsi que l’exploitation sexuelle, la prostitution et le prélèvement d’organes tels sont les horreurs que subissant plusieurs mineurs non accompagnés, en entreprenant leur parcours migratoire », affirme Mgr Urbanczyk. Ils sont les premières victimes choisies par les trafiquants à cause de leur vulnérabilité. Et ils deviennent souvent objets d’un traumatisme nécessitant un long temps de récupération, sans toutefois la certitude du succès

la criminalité

Statistiques de l’année 2015 (Rapport d’activités de la police) : 36 375 individus arrêtés, dont 449 étrangers. Donc, quand on accuse les étrangers, on voit qu’ils ne sont pas tellement nombreux. De plus en plus de drogues dures sont utilisées : cocaïne et héroïne et pas seulement le yamba (khat, marijuana)

6333 accidents routiers avec 106 morts et 2136 blessés, en augmentation de 5,63 % par rapport à 2014.

Les violences structurelles

A côté des violences au niveau personnel, il y a les violences structurelles, qui viennent de l’organisation de la société, où les pauvres sont souvent exploités.

L’une des violences les plus graves, c’est certainement le fait que certaines personnes sont complètement écrasées et marginalisées, dans l’organisation de la société.

Mais aussi les victimes de la déforestation, des feux de brousse et de l’avancée du désert, causes importantes de l’émigration, avec toutes les violences qui les accompagnent.

L’accaparement des terres

C’est un phénomène, mis en œuvre par des élites locales, nationales et transnationales ainsi que par des investisseurs et spéculateurs, avec la complicité des gouvernements et des autorités locales. Il a pour objectif la mainmise sur les ressources les plus précieuses au monde. Ce mouvement a provoqué l’expulsion de leurs terres et le déplacement forcé des populations locales - en premier lieu les paysannes et les paysans. Il engendre des violations des droits. Il a provoqué une augmentation de la pauvreté et de la fracture sociale à travers nos pays en contribuant quotidiennement à aggraver le chômage et la bidonvilisation du pays. Les principaux acteurs des accaparements terres recherchent le profit avant tout, au détriment du bien-être des populations : ils planteront des cultures pour la production d’agrocarburants si elles se révèlent plus rentables que les cultures vivrières, et ils exporteront leur production alimentaire si cela est financièrement plus intéressant que de la distribuer sur les marchés locaux. (Ndiakhate Fall Secrétaire Général de l’UGPM à la Journée internationale des luttes paysannes le 17 avril 2014).
« Les affrontements entre éleveurs et agriculteurs se généralisent partout dans notre région, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Bénin, au Nigeria, au Niger, au Togo et sont soldés par de nombreuses pertes en vies humaines, des destructions de cultures et des bétails» (Commission de la CEDEAO Du 12-5-16

Souvent on n’accuse pas les vrais responsables

Par exemple au moment de Noël 2015, des femmes ont été agressées en Allemagne en particulier dans la ville de Cologne. On a tout de suite accusé les réfugiés venus de Syrie. Or après enquête, sur les 55 personnes arrêtées, il n’y avait que deux réfugiés. Dans ce cas-là, comme souvent, ces accusations étaient causées par des motivations cachées, en particulier le refus de l’accueil des réfugiés pour ce cas précis.

Il est donc nécessaire de bien situer les violences

En 2010 à CONAKRY, des jeunes des quartiers populaires se révoltent, car rien n’est fait dans leurs quartiers. Il n’y a ni eau, ni électricité. La plupart des jeunes ne trouvent pas de travail, même ceux qui ont terminé l’Université. Toute la famille vit dans une grande situation de pauvreté. Et pendant ce temps-là, ils voient dans d’autres quartiers de grandes et belles villas en construction. Leurs propres quartiers sont traversés sans cesse par des voitures de luxe. Alors ces jeunes commencent à jeter des cailloux sur ces voitures. Ils font des barricades et brûlent des stations-services. On envoie les policiers et les militaires pour les chasser. Les gens qui apprennent cela disent : « Les jeunes sont violents. Ce sont des casseurs. Ce qu’ils font n’est pas bon. Ce n’est pas une solution ».

C’est vrai que ces jeunes sont violents. Mais il faudrait réfléchir un peu plus et voir les causes de cette violence, pour pouvoir y trouver des solutions appropriées. Et d’abord, ne faudrait-il pas analyser la situation en profondeur pour voir d’où cette violence vient exactement ? C’est vrai que ces jeunes ont cassé des pare-brises et incendié des stations-service. Mais pourquoi ? Parce que ce sont des symboles d’ilots de richesse et de luxe dans un monde de pauvreté. Et ces jeunes savent que souvent cette richesse est mal acquise. Elle est acquise sur leur propre exploitation. Et même très souvent à coups de détournements et de corruption.

Ils ont cassé des pare-brise. Mais la souffrance de ces jeunes et de leurs familles, la pauvreté continuelle, la faim ininterrompue, n’est-ce pas une violence plus grave ? Même si ces profiteurs et exploiteurs sont polis et n’insultent personne, n’est-ce pas eux qui sont les vrais violents ? N’est-ce pas contre cette violence institutionnalisée qu’il faudrait d’abord lutter ? Pour changer les structures de la société qui exploite les plus faibles et les plus pauvres. Tant qu’on n’aura pas agi sur les causes, c’est-à-dire ces grands écarts sociaux causés en plus par le comportement égoïste de ceux qui sont bien placés, les gens deviendront de plus en plus violents.

On a envoyé l’armée rétablir le calme. On dit : « la paix est revenue ». Est-ce vraiment cela la paix ? Que vaut une paix sans justice ? Que penser d’une paix construite sur la peur et la répression ? Est-ce que là aussi il n’y a pas violence ? Et en plus, c’est la violence du plus fort ! Peut-on construire la paix en écrasant les plus petits et les plus pauvres, qui sont déjà écrasés par des conditions de vie inhumaines ? Est-ce normal de faire taire par la force la voix de ceux qui ne demandent qu’à vivre ? Surtout quand ils se trouvent méprisés par des gens égoïstes, orgueilleux ou simplement insouciants. Et que ces jeunes ont l’impression que seules la peur et la violence pourront réveiller ces gens, et leur faire prendre conscience des problèmes des plus pauvres.

Mais il reste une 2ème question : Même si cette violence s’explique facilement, est-elle la meilleure solution pour résoudre les problèmes ? Car la violence entraîne la répression, et une violence encore plus forte. Le Christ disait : « Celui qui agit par l’épée, mourra par l’épée ». Il faut à tout prix faire quelque chose contre les situations d’injustice. Mais quelle est la meilleure méthode, pour agir en profondeur sur les causes de ces injustices et transformer la société ? Et c’est là que nous rencontrons la non violence. Je vais en parler plus loin

Avant d’aller plus loin, il est important de voir clair au sujet des mots que nous utilisons. Ce qui suit est tiré d’une série de 10 livrets d’un manuel pratique africain de réconciliation que vous pouvez consulter sur mon site http://armel.duteil.free.fr à la rubrique : réconciliation, non violence. Consultez aussi le moteur de recherche en haut à gauche, en écrivant le mot violence.

Quelques définitions :

Le conflit : Nos relations aux autres font partie de notre personnalité. L’homme est un être social. Mais notre rencontre avec l’autre peut entraîner des conflits, parce que mes désirs s’opposent à ses désirs. Alors, je me sens menacé. Pourtant, c’est à travers le conflit que je me fais reconnaître de l’autre, et qu’il se fait reconnaître de moi. Par conséquent, le conflit a pour but de construire des relations de justice entre nous. Le conflit est mauvais, quand il détruit mes forces, que je n’arrive plus à travailler ni même à dormir, et que je vois l’autre seulement comme un adversaire à abattre. Mais il est bon, quand je le vois comme un moyen d’avancer, pour enrichir ma vie en trouvant ensemble une solution. Il m’oblige aussi à faire la vérité en moi-même. Par exemple, je suis en conflit avec les membres de ma communauté. Je me demande pourquoi cela. Cela m’oblige à être plus vrai, et donc à rendre meilleure ma vie. Le problème, c’est de vivre le conflit d’une manière positive, et sans violence.

La violence : Dans le mot violence, il y a le mot « viol ». C’est attaquer la personne dans ce qu’elle est profondément. C’est une injustice qui écrase les gens, et les empêche de vivre dignement. Cela va de l’humiliation jusqu’à tuer. Et souvent pour se libérer de ce poids, on réagit de la même façon que l’adversaire, par la contre violence.

Il ne faut pas mélanger la force et la violence. Avec la force, on peut construire ou détruire. Nous avons besoin de force, pour lutter contre les injustices. La violence, c’est quand on utilise sa force pour détruire. La violence empêche le conflit de jouer son rôle, et de mettre la justice entre les gens. La violence n’est jamais obligatoire. C’est elle qui entraîne les guerres, les pillages, les violences sexuelles, etc. Il est donc nécessaire de chercher une autre solution au conflit, que la violence.

La résolution non violente des conflits : Cette solution c’est la non-violence, et en particulier pour nous, ce qu’on appelle la non-violence active évangélique. Je reconnais qu’il y a conflit, mais je refuse d’utiliser la violence comme moyen de le résoudre. Je vais y revenir plus loin

Le pardon : ce terme est composé de deux mots : par – don. Le pardon, cela veut dire se donner jusqu’au bout. Le pardon, c’est ce que fait celui qui a supporté une violence. Le vrai pardon n’attend pas que celui qui a fait du mal, vienne demander pardon. Car souvent il a honte. Et il a peur d’être renvoyé, ou même insulté ou frappé. Jésus est clair à ce niveau. Il nous dit : « Tu viens offrir ton offrande à l’autel. Là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, (toi tu n’as rien contre lui, tu ne lui as rien fait, c’est lui qui t’a fait violence). Laisse ton offrande devant l’autel. Va d’abord te réconcilier avec ton frère ».

Jésus nous dit aussi : « Aimez même vos ennemis ». Ce n’est pas facultatif, ni un bon sentiment. C’est nécessaire pour être enfants du Père, qui fait lever son soleil sur les justes et sur les injustes.

Le pardon c’est une action complète et gratuite. Ce n’est pas le résultat d’un raisonnement. Et au niveau de la loi civile, il n’y a aucune raison de pardonner. C’est donc un acte personnel, qui va contre ce qui se fait habituellement, et contre ce que demande le code pénal. Ce n’est pas une tactique, ni même un calcul sur l’avenir. C’est un acte gratuit, comme l’amour de Dieu. C’est pourquoi Jésus nous demande de prier, en disant : « Père, pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».

Nous nous rappelons l’amour de Dieu pour son peuple, tout au long de l’ancienne Alliance. Et aussi les paroles de l’Evangile. Mais surtout le comportement de Jésus, jusqu’à sa mort sur la croix. Ce sont ses paroles et son amour, qui peuvent nous donner la volonté et la force de pardonner.

La réconciliation : Le pardon doit aboutir à la réconciliation. La réconciliation, ce n’est pas un retour au passé, où tout allait bien. C’est une transformation de toutes les personnes concernées. Jésus disait : « Changez vos cœurs ». La réconciliation c’est plus que le pardon. Elle demande d’avoir un contact personnel avec celui qui m’a fait du mal, pour nous entendre. On peut pardonner, même si l’autre ne demande pas pardon, et ne veut donc pas se réconcilier. Le pardon dépend de moi, la réconciliation demande l’effort des deux. Et elle suppose que l’on laisse toute forme de violence, pour cela.

Chercher les causes

En toutes choses, il faut d’avoir chercher les causes, sinon on ne pourra pas trouver de vraies solutions. Avant de chercher une réconciliation, il faut d’abord comprendre pourquoi il y a conflit ou une opposition. Car la réponse par la violence apporte une plus grande violence des autres, en réaction.

Les causes sont parfois apparentes : la pauvreté, le chômage, la drogue, le manque d’éducation. Mais d’autres fois, on est très étonnés de constater des réactions très violentes, de la part de personnes bien éduquées, qui ont du travail et des moyens financiers. Alors d’où cela vient-il ? Voici quelques unes de ces causes :

  • Cela peut venir des médias qui montrent des richesses, une vie facile et niveau social élevé qui poussent à l’émigration, avec toutes les souffrances qui s’en suivent. Ou quand celle-ci n’est pas possible, à la révolte et ensuite à la violence.

  • Le manque de formation et d’éducation. La douleur dans le cœur est augmentée par la pauvreté, qui entraîne la révolte à cause de la frustration. Celle-ci est encore aggravée par la recherche de l’oubli dans la drogue et les autres déviations.

  • Le mauvais exemple de mauvais camarades violents.

Souvent on colle des étiquettes sur les gens. On les classe, on dit : il est comme ça. Et les autres commencent à juger cette personne, à partir de ce que nous avons dit. Lui n’a pas l’occasion de s’expliquer, ni de se défendre. Quand il va se rendre compte de cela, il va éclater. Et la seule solution qui lui reste alors c’est la violence.

Le dénigrement, c’est se moquer des autres, les abaisser, les humilier : on refuse de voir leurs qualités. Les grandes violences, non seulement personnelles mais collectivessont toujours précédées par une période de dénigrement : les guerres civiles, les persécutions, les attentats etc,. Les reproches et les insultes nous mettent aussi en colère, et alors nous disons : c’est la faute de l’autre. Nous devenons agressifs et violents.

Les promesses : Tu promets des choses à quelqu’un, tu ne le fais pas, cela le met aussi en colère. Et pour avoir ce que tu lui as promis, il se tourne vers la violence. C’est ce que l’on voit par exemple avec les étudiants face au gouvernement, et aussi avec les enseignants et autres syndicalistes, quand ils se lancent dans des grèves, qui rapidement dégénèrent et se continuent en violences.

Les comparaisons : Si je me montre toujours supérieur devant les autres, ou bien cela va les décourager, ou bien cela va les révolter. Et si moi-même je me minimise par rapport aux autres, cela amène au même résultat.

La principale cause c’est la pauvreté, et aussi certaines pratiques sociales et culturelles comme la discrimination sexuelle. Il faudra donc agir à tous les niveaux : individuel, communautaire mais aussi social et général.

Que nous dit la parole de Dieu ?

La Bible est pleine de violences. Dès le début du monde, Caïn tue Abel. Et même le roi David pour marier Bethsabée fait tuer son mari. En cas de victoire, on tue les ennemis, y compris les vieillards, les femmes et les enfants. On y trouve même des paroles de violences de la part de Dieu. Car les hébreux ont compris la Parole de Dieu, à partir de leur mentalité et de leur culture. Mais peu à peu, les violences ont diminué, au moins dans les paroles, suite à une meilleure compréhension de la Parole de Dieu. Ce qui nous appelle à approfondir nous aussi, notre compréhension de la Parole de Dieu, pour faire diminuer les violences et faire grandir la paix, la miséricorde, le pardon et la réconciliation.

Déjà dans l’Ancienne Alliance, on trouve des paroles qui nous disent que Dieu nous sauve de la violence, comme le psaume 17, 3 « Yaveh est mon roc et ma forteresse. Mon libérateur, c’est Dieu. Je m’abrite en Lui, mon rocher, mon protecteur, la force qui me sauve ». 2ème Samuel 22, 3 «Mon Sauveur, tu m’as sauvé de la violence » ; Isaïe 60, 18 »On n’entendra plus parler de la violence dans ton pays. Plus de ravages ni de ruines dans tes frontières ». Le Psaume 85, 9 prie ainsi : »J’écoute ce que dit le Seigneur. Ce que dit Dieu, c’est la paix pour son peuple, et pour ceux qu’Il aime »

Dieu condamne la violence : voir par exemple Lévitique 19, 13 ; Abdias 10 ; 1ère Samuel 2, 9 + 24, 12 ; Sirac 20, 1 + 3 ; 2ème Lamentations 3, 30 ; Ezéchiel 34, 4…Voir aussi l’enseignement de Jean Baptiste aux soldats « Ne frappez personne. Ne prenez pas leurs biens de force. Contentez-vous de votre solde » (Luc 3, 14). On pourrait multiplier les citations.

Notre modèle et la base de notre action, c’est la Trinité, où les 3 personnes vivent un  don total de soi et un accueil total de l’autre dans l’amour.

Dans la Nouvelle Alliance, à Noël, les anges chantent : « paix sur la terre, aux hommes que Dieu aime ». Ce n’est pas un souhait, c’est une chose réalisée effectivement par la naissance du Christ. Il nous dit : « Je vous donne ma paix… mais pas comme le monde la donne ». Depuis que le Christ est mort, nous somme sauvés, et nous sommes tous frères, libérés intérieurement de la violence. Mais il nous reste à réaliser cette libération, partout et pour tous.

Jésus a supporté beaucoup de violence de la part des pharisiens et des chefs de son peuple. Il n’a pas répondu avec agressivité. « Maltraité, il n’a pas ouvert la bouche. Comme l’agneau qui se laisse conduire à l’abattoir » (Isaïe 53, 7). Au contraire, Il a pris la violence sur Lui. Et par sa mort sur la croix, Il a fait de la violence une force de salut : voir la parabole des vignerons méchants (Matthieu 21,42)  « La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la pierre principale. Voilà ce qu’a fait le Seigneur. Et c’est merveilleux pour nous de voir cela ! «. Il a été jusqu’à prier : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34).

Jésus nous sauve de la violence, comme il a tendu la main, pour sauver Pierre dans le vent violent de la mer (Matthieu 14, 30). Il y a de la violence contre ceux qui sont attachés au Christ, et qui suivent le bon Berger. Mais la sécurité de l’Eglise est assurée, comme Jésus l’affirme (Jean 10, 27-20) : « Personne n’arrachera mes brebis de ma main. Car mon Père qui me les a données est plus grand que tout et personne ne peut les arracher des mains du Père ». Ainsi notre force s’enracine dans le Père, qui a donné les hommes au Christ. Notre réponse à la violence, c’est notre unité. Et Jésus va jusqu’à nous demander « d’aimer nos ennemis, et de prier pour ceux qui nous font souffrir, pour être les enfants de notre Père » (Mat 5,43). C’est ainsi que nous serons vraiment « heureux, en acceptant de souffrir pour la justice » (Mat 5,6+10-12) pour vaincre la violence par la force de l’Amour de Jésus qui se donne à tous.

Jésus a su rassembler dans la même équipe des apôtres, des gens très différents : un riche comme Matthieu et des pauvres, des patrons de pèche comme Pierre et des gens simples, des vieux et un jeune comme Jean, des gens traditionnels comme Jacques et un révolutionnaire comme Simon le Zélote. Jésus a accueilli, enseigné et guéri des tas de personnes différentes. Il ne juge personne, même pas le jeune homme riche qui refuse de le suivre. Au contraire, Il le regarde et Il l’aime (Marc 10, 31). Et même à Judas, Il offre une bouchée de pain à son dernier repas avant de mourir, pour qu’il réfléchisse une dernière fois. Il dit : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Matthieu 7, 1-5). Il ne juge ni Zachée (Luc 19, 7), ni la Samaritaine (Jean 4, 27), ni la prostituée (Jean 7, 39), ni le Centurion (Luc 7, 9). Alors que les pharisiens et les enseignants de la loi eux au contraire, jugeaient et condamnaient les gens.

Saint Paul affirme que la paix est possible, car la violence est vaincue (Eph 2,14-18). Il explique : « Par sa mort, Jésus a tué la haine…. Laissez-vous réconcilier par le Christ…. Vous êtes les ambassadeurs du Christ. Mais cela nous demande de vraiment aimer le Christ, le mieux possible et en premier : »Qui aime son père et sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi ». Le Christ ne vient pas supprimer les conflits, « Je suis venu apporter un feu sur la terre » (Luc 12,49), mais Il nous apprend à les vivre et à les régler, dans son amour. Avec l’aide de son Esprit de sagesse et de force.

Le Concile Vatican II nous a apporté une nouvelle vision de l’Eglise, en demandant le dialogue avec les autres religions et avec les non croyants. Et en reconnaissant l’importance de la liberté religieuse, de la dignité de l’homme et des droits humains, comme la nécessité de construire la paix. Il faut relire le chapitre 5 de la Constitution de l’Eglise dans le monde : La sauvegarde de la paix et la construction de la Communauté des Nations. Et cela est complété par l’Encyclique de Jean XXIII de 1963 : La Paix sur la terre. Et aussi les demandes de pardon à la suite de Jean Paul II pour les injustices commises par l’Eglise envers les juifs, envers les africains dans l’esclavage et le soutien au colonialisme, pour les croisades et l’inquisition, pour les actes de pédophilie contre les enfants. Sans oublier la rencontre d’Assise pour la paix avec les représentants des différentes religions, qui se continue jusqu’à maintenant.

L’engagement dans la société est fortement encouragé et fortifié par le Pape François. Son soutien pour les émigrés à Lampedusa et en Turquie a fortement marqué le monde entier. De même que son appel à l’Europe d’être plus accueillante. Et aussi sa lettre « Loué sois-tu », où il demande d’arrêter les violences contre la terre, notre mère à tous et notre maison commune.

En 2O16, le 128ème pèlerinage marial de Popenguine avait pour thème : »Comme la vierge Marie, soyons témoins de la miséricorde divine ». Le journal Sud du 17 Mai écrit : «L'Eglise déplore et condamne les violences verbales et physiques, les injustices et fourberies…en milieu politique». Et le journal Le Populaire ajoute : «l’archevêque de Dakar appelle les autorités étatiques et les enseignants à respecter les droits des élèves et des étudiants ». A la cérémonie officielle, l’archevêque demande aux autorités présentes «une culture de l‘honnêteté, de la conscience professionnelle et de l’intérêt général. Et un regard de tendresse sur les plus démunis et les blessés de la vie». Il regrette que « la terre, notre maison commune, semble se transformer toujours davantage en dépotoir ». Il insiste sur «la nécessité de mieux protéger les enfants, en les retirant de la rue », demandant de « mettre notre jeunesse à l’abri des idéologies avilissantes et déshumanisantes, véhiculées par des mercenaires de la foi qui sèment effroi et désolation au sein de paisibles et innocentes populations ». Et le prédicateur, Monseigneur Jean Noel Diouf, explique que « notre monde a vraiment soif de miséricorde ». Et qu’il faut «éveiller nos consciences souvent endormies, face au fléau de la pauvreté». Ainsi ont été abordées successivement, les différentes causes de violence dans la société.

Des rencontres inter-religieuses ont souvent lieu sur cette question de la violence, surtout depuis l’apparition de l’état islamique DAECH, d’Al Qaïda et Boko Aram. Un exemple :

Le Rabbin, Youni Krief, invite à relever des défis: sensibiliser, instruire, former la future génération à l’amour et au respect de l’autre, combattre le fanatisme qui détruit les religions et qui consiste à «mettre Dieu à son service »,  dialoguer, en acceptant la différence de l’autre, en prenant le temps de l’écouter, de le connaître, de l’apprécier tel qu’il est.  

Mgr Marc Stenger, constate l’actualité de la violence sous couvert d’un manteau de religion. Il invite à reconnaître que « nos religions sont porteuses de paix et la violence ne leur est pas inhérente » et « que les religions n’ont pas la prétention de détenir toute la vérité en toutes choses». La première violence, c’est de quitter la raison. Les trois grandes religions monothéistes doivent évacuer la violence. S’abandonner à Dieu, c’est se libérer de la violence et nous considérer les uns et les autres comme des frères. La rencontre d’Assise, avec Jean-Paul II, a redit la nature de Dieu qui est amour et l’importance de la prière pour l’édification de la paix : Tous s’adressent à Dieu pour changer les cœurs. 

L’Imam, Larbi Kéchat, affirme que personne ne saurait parler au nom de Dieu. Au début de chaque sourate du Coran, on le nomme le «Très miséricordieux ». La barbarie du siècle dernier n’a pas été provoquée par les religions. La Sourate 9, une des dernières révélées au prophète, affirme que le Djihad majeur c’est faire un « effort intérieur » et le djihad mineur, la guerre armée, n’est prévue que dans des circonstances exceptionnelles. Les mots n’ont de sens que repris dans leur contexte.

Le débat animé par le journaliste Antony Torzec a permis d’aborder des questions assez radicales: «Dans la Bible et dans le Coran, des versets ne prêtent-ils pas à confusion sur la violence? » « Les religions ne sont-elles pas des prétextes aux conflits politiques? » « Une hiérarchie dans les religions ne favoriserait-elle pas la paix? », « N’y a-t-il pas aujourd’hui un extrémisme laïque?» Les intervenants ont souligné l’importance de ne pas occulter la dimension religieuse de l’homme, de ne pas se servir des religions pour soutenir ses propres causes, de remettre les religions dans la sphère publique pour éviter une frustration qui entraîne violence et fanatisme, d’envisager une «hiérarchie» qui ne soit pas une parole monolithique (Juifs), qui soit un principe unificateur permettant de « tenir debout ensemble dans le respect des consciences » (chrétiens), qui soit une concertation collective dans un monde compliqué (musulmans). Cette soirée de débat nous donne envie d’avancer dans la connaissance mutuelle et dans un dialogue «porteur de paix».

Quelles actions mener ? A chacun de réfléchir et de prendre ses responsabilités, en lien avec les autres. Mais pour nous chrétiens, il est clair que cette Parole de Dieu doit nous éclairer et nous soutenir.

Quelles solutions proposer ?

Pour nous chrétiens, le chemin qui conduit à l’espérance c’est l’attention aux plus pauvres, l’écoute de l’autre, le dialogue entre religions, et les efforts de construction de la paix avec tous. Examinons d’abord des pistes de solutions au niveau de la société.

Face aux attentats

C’est un danger réel et c’est une grande violence. La solution au niveau du gouvernement a été d’augmenter le budget de la police et de l’armée. Mais cela ne fait qu’augmenter les moyens de guerre, et répondre à la violence par une autre violence. Le Général Lamine Cissé essaie d’aller plus loin. Il explique : « la loi contre l’insécurité et le terrorisme, ce n’est pas attendre et riposter. C’est découvrir les dangers et agir à l’avance. Mais surtout il faut renforcer la démocratie, pour regrouper toutes les forces vivantes de la nation, et que chacun sache que la sécurité est importante pour sa survie. Que chacun là où il vit, empêche l’insécurité de s’installer » (Projet Promotion d’une gestion inclusive de la sécurité en Afrique de l’Ouest. Journal Enquête du 26 /02/2016). « La sécurité est nécessaire au développement du pays et à la paix dans les villes» Khalifa Sall, maire de Dakar, au séminaire sur les stratégies locales de lutte contre la violence et la criminalité pour une gouvernance urbaine en Afrique de l’Ouest.

« La sécurité est nécessaire au développement du pays, et à la paix dans les villes» Khalifa Sall, maire de Dakar, au séminaire sur les stratégies locales de lutte contre la violence et la criminalité, pour une gouvernance urbaine en Afrique de l’Ouest.

« La violence est une manière d’exprimer sa haine contre un autre, ou une manière de régler ses problèmes par la force. Cette méthode est bannies dans une société organisée. C’est pourquoi il faut la combattre. Quand on parle de l’extrémisme, de la violence ou du terrorisme, la jeunesse est la plus vulnérable. Ce sont souvent les jeunes qui sont souvent les acteurs du terrorisme. C’est pourquoi, il faut leur proposer des formations. C’est une manière d’immuniser la jeunesse contre la violence et l’extrémisme».

La CEDEAO se dote de systèmes nationaux d’alerte (12-5-16) « en vue de la consolidation de la paix et de la sécurité régionales, par la mise en place de systèmes nationaux d’alerte précoce et de mécanismes de réponses rapides qui sont opérationnels dans les cinq pays pilotes que sont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Libéria et le Mali. Cette disposition permet ainsi à la Commission de la CEDEAO d’être proactive dans la prévention et la gestion des crises susceptibles de perturber la stabilité de notre espace communautaire et d’hypothéquer tout progrès dans le développement économique»,

Michaelle Jean présente ainsi les solutions de la francophonie au rendez-vous international  pour la prévention contre l’extrémisme violent (Genève, 7-8 avril 2016) : »le terrorisme est un « cancer «  qui ne devrait être associé à aucune religion, à aucune nationalité, à aucune civilisation, à aucun groupe ethnique. Face à cette « peste qui est de retour », il nous faut avoir un diagnostic sans complaisance, des moyens de prévention et de réaction efficaces ancrés solidement et solidairement dans le respect des valeurs qui fondent la démocratie et la dignité humaine

Face à tous ceux qui prêchent et qui pratiquent la haine de l'autre, la terreur et la destruction, il faut donner la parole à ces centaines de millions de femmes, d’hommes et surtout de jeunes qui voient le monde autrement, et qui opposent à l’obscurantisme, toutes leurs forces de vie et de création, tout leur attachement à ces principes et à ces valeurs universelles qui honorent l’humanité: la  liberté et l’égalité, la solidarité et la fraternité, la diversité et l’universalité,  la stabilité, la concorde et  la paix …

Il faut agir préventivement, en acceptant, aussi, de reconnaître nos erreurs et nos manquements, et en acceptant de changer nos comportements, nos mentalités, nos certitudes. Agir préventivement par un développement durable et surtout équitable. Une croissance à deux chiffres n’est pas synonyme d’éradication de la pauvreté, une pauvreté qui se compte aujourd’hui en centaines de milliers de migrants. Le creusement intolérable des inégalités nourrit toujours plus le ressentiment dans un monde devenu transparent ».

Agir préventivement par l’éducation et la formation pour toutes et pour tous, pour garantir un accès à l’emploi pour ces femmes et ces jeunes que nous abandonnons au chômage, à la désocialisation et à la désespérance.

Agir préventivement  par l’enracinement de la culture de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits humains tant à l’échelle nationale qu’internationale, dans le dialogue et le respect de la diversité et de l’égale dignité de toutes les cultures.

Agir préventivement, par la résolution de toutes les crises et de tous les conflits latents, avant qu’ils n’éclatent. « Il vaut mieux prévenir que guérir ! ». Comme l’explique églement le 4° objectif de notre 3° PAP : La Paix - Actions à 3 niveaux :

  1. Analyser les conflits actuels et rebâtir la paix

  2. Dénoncer les conflits latents et les désamorcer (prévention)

  3. Eduquer à la paix et à la non-violence

Dietrich Bonheffer disait déjà à la Conférence Mondiale des Eglises de 1937 à Oxford : « On confond Paix et Sécurité. On veut la sécurité par des traités politiques, des aides économiques et des investissements, par les banques et l’argent, « par les armements pacifiques » (sic !). Tout cela est bon, en partie, dans certaines conditions. C’est sans doute nécessaire, mais ce n’est pas la paix. La paix est audacieuse et courageuse. C’est un risque à prendre, elle n’est jamais assurée. Il nous faut la construire chaque jour dans la ténacité, en commençant par les petites choses et elle passe par la croix et la souffrance. Elle naît dans l’espérance ».

Lutter contre l’extrême pauvreté

J’ai été invité à une rencontre organisée par le mouvement ATD/Quart-Monde sur le thème : « Extrême pauvreté et droits de l’homme ». A cette rencontre étaient invités des représentants des différents ministères et d’un certain nombre d’ONG, y compris la Caritas. Le but était de travailler « les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme » adoptés aux Nations Unies le 27/09/2012, mais qui ont de la peine à être mis en pratique.

L’extrême pauvreté qu’est-ce que c’est ? Un certain nombre de gouvernements et d’ONG ont le souci des plus pauvres et mettent en place pour les aider des projets de développement. Mais on s’est aperçu que ces projets ne rejoignent pas les gens qui vivent dans l’extrême pauvreté (les plus fatigués dans la société). En effet, parmi les plus pauvres, il y a des gens tellement découragés qu’ils n’ont plus la force de chercher à s’en sortir. Car ils sont renvoyés de la société, mais en plus ils sont humiliés, écrasés, ce qui leur a fait perdre toute espérance et le fait vivre dans la honte. Ils disent : tout est perdu, il n’y a plus d’avenir. Ils ont l’impression que les projets de développement ne sont pas pour eux. Ils n’ont même plus le courage d’aller au dispensaire quand ils sont malades, ou à la mairie pour régler leurs problèmes. Ils ont trop peur d’être renvoyés. Ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école car ils n’ont pas de quoi acheter des fournitures, et ils pensent que de toute façon, leurs enfants n’y arriveront pas. D’ailleurs ces enfants n’ont pas le temps d’aller à l’école car ils doivent se débrouiller chaque jour pour trouver un peu à manger. Ces gens avec leurs familles se trouvent ainsi entraînés dans un cycle sans fin : une maison inondée par les eaux, un manque de nourriture, des problèmes de santé, tout cela les empêche de travailler et de s’en sortir. Cela est une très grande violence et une violation des droits humains. Il est donc absolument nécessaire de faire quelque chose.

« Les personnes qui vivent dans la grande pauvreté ne souffrent pas seulement d’un manque de moyens, mais leurs droits fondamentaux ne sont pas respectés, en particulier le droit à l’alimentation, au logement, au travail, à la santé et à l’éducation. A cause de cela, elles sont obligées d’accepter des conditions de travail dangereuses, des logements insalubres, un accès très limité aux soins de santé et de subir les conséquences d’un manque de bonne alimentation. Elles n’ont pas un accès à la justice et n’ont aucun pouvoir politique. Ces difficultés et ces manques de respect de leurs parts sont liés les uns aux autres et ils s’aggravent mutuellement pour aboutir au cercle vicieux de la pauvreté, de l’absence de pouvoir, de la stigmatisation, de la discrimination et de l’exclusion… Il s’agit notamment des femmes, des minorités raciales, ethniques et linguistiques, des migrants, surtout des émigrants en situation irrégulières, des réfugiés et des demandeurs d’asile, des apatrides, des minorités, des personnes handicapées, des personnes vivant avec le VIH Sida. Ces personnes sont souvent méprisées simplement parce qu’elles sont pauvres » (extrait des principes des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme).

Comme le disait une femme, le plus dur quand on vit dans la misère, c’est qu’on est méprisé : on te traite comme si tu ne valais rien, on te regarde comme si tu ne valais rien du tout, on te traite comme un ennemi. Nous et nos enfants nous vivons cela chaque jour. Cela nous fait mal, nous humilie et nous fait vivre dans la peur et dans la honte. Des personnes vivant dans l’extrême pauvreté ont expliqué que les travailleurs sociaux ne leur donnent pas les services qu’ils demandent, parce que « quand ils parlent, ils sont trop agressifs ». Alors que c’est justement à cause de leur tristesse et de leur trop grande souffrance, qu’ils ne peuvent pas parler calmement et lentement. D’autres expliquent qu’ils ont bien essayé de mettre leurs enfants à l’école, mais leurs enfants étaient humiliés par l’enseignant. Et les autres élèves se moquaient d’eux parce qu’ils étaient mal habillés. Ces enfants ont fui l’école et ils ne veulent surtout pas y retourner.

Il ne s’agit pas seulement d’aider ces personnes les plus écrasées et rejetées de notre société, mais d’abord de les écouter pour comprendre un peu leurs problèmes et leurs mentalités. Ensuite, les soutenir pour qu’ils retrouvent le courage de s’en sortir. Puis leur permettre de se prendre eux-mêmes en mains d’une façon responsable pour participer activement à la préparation, à la mise en œuvre et à l’évaluation des programmes de lutte contre la pauvreté. Au lieu de venir simplement avec des projets tout faits qui tombent d’en haut et qui les laissent entièrement passifs et inactifs. Au cours de cette rencontre, des actions ont été proposées, par exemple travailler avec les collectivités locales à partir des possibilités offertes par l’Acte 3 de la Décentralisation, et la mise en place d’un comité de suivi pour cela.

Cette rencontre a ravivé en moi le souci de ces personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Car dans notre Eglise, nous avons le souci des pauvres dans la Caritas, les commissions Justice et paix, dans nos écoles, nos dispensaires et nos centres sociaux. Mais nous ne rejoignons pas les plus pauvres, qui vivent en dehors de la société. Pour cela il nous faut un choix solide et continu, une volonté ferme, beaucoup de réflexions et d’efforts et beaucoup de temps, de patience et de courage pour rejoindre ces personnes et gagner leur confiance. Car elles ont été trop souvent trompées par des promesses non réalisées ou simplement inadaptées.

La première étape c’est de prendre conscience de la situation de ces personnes complètement écrasées et mises à l’écart, dans nos mouvements, nos associations comme par exemple les femmes catholiques, nos organisations de jeunes (CPJ : Conseil Paroissial de la Jeunesse) et amicales, nos groupes de prière et nos autres structures, et d’abord dans nos CEB. C’est à cette conditions que les choses remonteront peu à peu jusqu’au sommet de l’Eglise, de l’Etat et entraîneront des actions concrètes valables vécues dans la miséricorde du Christ.

L’accaparement des terres

Voici l’appel de la Journée internationale des luttes paysannes le 17 avril 2014 : Unissons-nous et luttons toutes et tous ensemble : Pour mettre fin aux accaparements de terres et pour reprendre le contrôle des terres spoliées- la terre doit appartenir à celles et à ceux qui la travaillent.

Pour mettre en œuvre une réforme foncière afin d’apporter la justice sociale en milieu rural.

Pour mettre fin au contrôle exercé par une poignée d’investisseurs et de sociétés transnationales sur les vies de milliards de personnes.

Pour renforcer et promouvoir un modèle de production agricole basé sur l’agriculture familiale et la souveraineté alimentaire.

Responsabiliser les communautés

Dans la région de Kolda comme dans les autres régions du Sénégal, les enfants sont victimes de violences, comme par exemple l’excision, la mendicité, le mariage précoce, le travail des enfants, le manque d’acte de naissance et même le trafic des enfants. On a voté des lois contre ces différentes violences, mais on doit bien constater qu’elles ne sont pas mises en pratique. L’une des raisons, c’est qu’on n’a pas cherché à comprendre pourquoi les personnes et les communautés pratiquent ces violences. Par exemple, on considère la mendicité comme un moyen d’éduquer l’enfant à l’humilité. De même l’excision n’est pas vue comme une mutilation, mais comme un passage à l’âge adulte, et le moyen de fixer l’enfant dans son sexe masculin ou féminin. Le mariage forcé est vu comme une possibilité d’assurer l’unité et l’agrandissement de la famille, et également l’autorité des parents. Bien sûr ces raisons ne sont pas valables ou, en tout cas, les inconvénients sont plus importants que les avantages. Encore faut-il trouver les moyens, pour que les gens eux-mêmes en prennent conscience. Et non pas venir de l’extérieur imposer des lois, que ce soit en faisant des cadeaux ou en punissant.

L’ONG World Vision a choisi de passer par l’art et la culture, en utilisant la peinture, le théâtre et la musique, pour parler de ces thèmes qui sont souvent tabou et dont les gens ne veulent pas parler directement en public. Cela sous la direction d’une artiste, Sister Fa. Elle cherche à former des artistes locaux capables d’animer, à la fois les enfants victimes de ces violences et les communautés qui les commettent, sur le thème de la protection des enfants. Pour arriver à un véritable changement de vie, aussi bien des enfants que des adultes, et des communautés elles-mêmes. Ils ont compris qu’il est nécessaire de respecter les communautés et leurs traditions, de comprendre les raisons pour lesquelles ils agissent de cette façon sans culpabiliser les gens ni les diaboliser, et ensuite d’amener les différentes personnes à se rencontrer, à parler et à réfléchir ensemble avec trois objectifs : faire connaître les lois existantes, en particulier celles sur la protection de l’enfant, en en expliquant la nécessité et la valeur. A partir de là, mettre en plmaceun dispositif qui guide les communautés en responsabilisant les enfants eux-mêmes, pour renforcer leurs capacités à agir. (Journal Le Quotidien du 3/03/2016 n° 3921).

Conclusions d’une réunion de l’aumônerie des prisons

6Les séances d’écoute que fait l’aumônerie des prisons sont très importantes, même s’il faudrait aller plus loin. Et aussi les réunions des détenus pour apaiser le climat de la prison. De même que les rencontre entre gardiens et détenus, pour éviter ou au moins diminuer les violences

  • Le soutien des familles des détenus est absolument nécessaire.

  • Il faut préparer la sortie et la réinsertion, pour éviter la récidive

  • On demande des sanctions plus sévères, envers les coupables. Mais souvent ces sanctions ne servent à rien. Il faut l’éducation, mais l’éducation à un coût. Les associations qui veulent le faire ne sont pas soutenues par l’Etat, et l’Etat ne fait pratiquement rien dans ce domaine.

  • Il faudrait aussi surveiller Internet, sur lequel la pornographie prend des proportions très importantes.

  • Les jugements prennent beaucoup trop de temps. Les gens trainent en prison avant d’être jugés, et surtout pour passer en appel (ceux-ci sont sans arrêt renvoyés ce qui fait que les détenus sont de plus en plus déstabilisés et entraînés par les mauvais conseils ou les mauvais exemples des autres prisonniers).

  • Il faudrait absolument mener une action au niveau de l’école. Ce n’est pas normal que des enseignants enceintent leurs élèves. Il faut moraliser l’enseignement. Mais il faudrait déjà que les associations des parents d’élèves jouent leur rôle, et interviennent quand c’est nécessaire. Nous qui sommes venus à cette rencontre, il est très important que nous parlions de ces questions autour de nous, que nous fassions réfléchir les gens, en particulier dans nos communautés de quartier - CEB, et que nous commencions à agir d’abord dans nos propres familles.

  • La traite des femmes est en fait très répandue autour de nous, mais nous n’y faisons pas attention. Par exemple, chaque matin, il y a tout un groupe de femmes venues des villages qui sont assises au rond-point de la place de Liberté 6. Elles attendent qu’on vienne leur donner du travail : laver le linge ou piler le mil. C’est de la traite. La mendicité c’est aussi une forme de traite. Les employées de maison sont soumises aussi à la traite et même aux violences sexuelles, quand ce n’est pas la prostitution. Les écoles coraniques ont aussi une grande responsabilité dans tout cela. Elles sont utilisées en fait, plus pour rapporter de l’argent au marabout, que pour apprendre le Coran. Cela tout le monde le sait, mais on ne fait rien pour que ça change réellement.

Les violences faites aux femmes

Il y a de grands changements dans la société actuelle, suite à l’évolution moderne et à la mondialisation. Il y a beaucoup de positif dans les actions menées dans ce sens. Souvent les intentions sont bonnes. Mais il est nécessaire de revoir les façons de faire.

Dans les traditions africaines, la femme était beaucoup respectée en tant que mère. C’est très important de garder cette valeur et de réagir contre les manques de respect. Mais ce qu’il faut développer aussi, c’est le respect de la femme en tant que personne et en tant qu’épouse, et pas seulement en tant que mère. Et respecter également les jeunes filles, même si elles n’ont pas encore mis au monde.

Le respect de la femme passe par la fidélité dans le couple, car trop souvent on demande à la femme d’être fidèle, mais le mari se permet d’aller avec d’autres femmes.

Il est également nécessaire de responsabiliser davantage la femme dans la vie de la famille, en accord avec son mari. Quand Joseph et Marie retrouvent leur fils Jésus au Temple de Jérusalem, c’est Marie qui parle (Luc 2,48). Mais elle dit bien : »Ton père et moi, nous étions très inquiets en te cherchant ».

Trop d’hommes imposent leur volonté à leur femme et à leurs enfants en disant : c’est moi le chef de la famille. Saint Paul dit bien que l’homme est le chef de la femme. Mais il ajoute tout de suite, « comme Jésus est le chef de l’Eglise » (Eph 5,21-24). Et il commence par dire : « Soumettez-vous les uns aux autres, à cause du respect que vous avez pour le Christ ». Pour Jésus, le chef doit se mettre au service des autres, et même donner sa vie pour eux comme Il l’a fait lui-même, jusqu’à laver les pieds de ses apôtres, ce qui était le travail des esclaves. Le mari donne donc sa vie pour sa femme et ses enfants. Et il cherche à les rendre saints, comme Paul le demande. Cela nous demande donc de changer complètement notre conception du chef de famille. De l’autre côté, Saint Paul demande à la femme d’aimer son mari, non par peur d’être frappée ou par crainte d’être renvoyée, mais « comme l’Eglise aime le Christ ».

Une autre forme de violences faites aux femmes, c’est le refus d’espacer les naissances quand c’est nécessaire, parce que le mari ne veut pas prendre ses responsabilités. Trop de femmes sont épuisées par des naissances trop nombreuses et trop rapprochées. C’est une violence très grave qu’on leur fait. D’où l’importance de mettre en place une vraie régulation des naissances, à partir d’un dialogue respectueux dans le couple. Et pas seulement de prendre des contraceptifs, parfois même en se cachant. Et bien sûr, de se demander d’abord, si les raisons pour lesquelles on veut espacer ces naissances sont valables. Et quelle méthode on va utiliser.

Il est important aussi de résister à la sexualisation de la société, où la femme est utilisée comme un moyen de vendre des produits, en excitant le désir sexuel. De même au travail, trop de femmes et de jeunes filles subissent un véritable harcèlement sexuel. Il faut donc moraliser notre vie de société.

De plus en plus de femmes travaillent à l’extérieur, et elles se retrouvent avec un double travail. Quand elles reviennent du bureau ou de l’atelier, elles doivent assurer tout le travail de la maison. Trop d’hommes restent en ville après le travail, ou s’assoient à la maison sans aider leurs femmes. Autrefois au village, l’homme et la femme travaillaient ensemble aux champs.

Une autre nécessité, c’est de revoir la théorie du genre. Ce qu’elle a de bon, c’est de vouloir libérer la femme d’un modèle figé et imposé de l’extérieur. Mais il y a beaucoup d’exagération et d’incompréhension à ce niveau. Il est effectivement important que la femme soit libérée et traitée à égalité, dans la sexualité comme dans le reste de sa vie. Mais en même temps, elle doit rester elle-même, et garder sa féminité. L’homme et la femme sont égaux mais différents. Etre égal ce n’est pas être semblable ! Et la différence est une grande richesse, quand on sait vivre la complémentarité. La société a besoin des valeurs et des qualités féminines et masculines, et non pas d’un mélange qui fait perdre à chacun sa personnalité. Voici les conclusions d’une rencontre Justice et Paix :

  1. Mieux vivre nos relations entre mari et femme et en particulier faire de nos relations sexuelles, de vrais gestes d’amour où l’on se donne à l’autre, et non pas chercher à le prendre ou à en profiter.

  2. Dans le mariage, échanger davantage pour mieux se comprendre. C’est ce qui permet d’éviter les oppositions et les violences.

  3. Veiller à une bonne éducation des enfants, en particulier ne pas laisser les garçons commander leurs sœurs, ni se faire servir par elles. Ne pas permettre aux petits garçons de se conduire comme des patrons, envers les employés et les bonnes.

  4. il y encore beaucoup à faire pour que les droits des femmes rejoignent les droits des hommes, et que les droits des filles soient les mêmes que ceux des garçons  Parmi les femmes, les veuves sont les plus démunies. Elles sont quasiment sans droit. Les orphelines ont peu de chance de poursuivre des études au-delà du CM2, et donc de prétendre au métier de leur choix.

  5. Le mariage forcé : la solution c’est de changer nos idées sur le mariage. Et de chercher l’amour dans la famille.

  6. Les disputes entre époux. La solution : d’abord, la préparation au mariage. Ensuite, c’est de se parler : établir un véritable dialogue dans le couple (le devoir de s’asseoir des Foyers Notre Dame)

  7. Que faire en cas de viol ou d’agression des femmes ou des jeunes filles ? Souvent elles ont peur de se retrouver devant les mêmes personnes au tribunal. Et de plus, les familles tentent à cacher les choses. On cherche à régler le problème à l’amiable, soit par un mariage plus ou moins forcé, soit par des amendes. Il faut avoir le courage d’en parler publiquement, et de juger les coupables, pour que ces choses diminuent.

Actuellement des boutiques de droits et des maisons de justice se mettent en place dans les municipalités, pour défendre les femmes et les jeunes filles victimes de violences et régler les problèmes à l’amiable. Dans plusieurs paroisses des associations de veuves se sont organisées.

Les Principes directeurs sur l’extrême pauvreté des Nations Unies affirment : Les femmes sont surreprésentées parmi les pauvres en raison des formes multiples et cumulatives de discrimination qu’elles subissent. Les Etats sont tenus à la fois d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes, et de mettre en place des mesures pour réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes dans la société (n° 23)… Dans le mariage et les relations familiales, faciliter la prise de décision par les femmes, y compris en ce qui concerne le nombre et l’espacement des naissances, librement et sans contrainte. Et que la nourriture et d’autres ressources soient également réparties au sein du ménage (n° 29). Les femmes doivent se voir garantir l’égalité d’accès au service public (30). Etant donné que la plupart de ceux qui vivent dans la pauvreté sont des enfants, et que la pauvreté dans l’enfance est une des causes profondes de la pauvreté à l’âge adulte, les droits des enfants doivent être une priorité (32).

Les violences faites aux enfants

De plus en plus de parents se sentent désemparés devant leurs enfants, surtout s’ils n’ont pas été eux-mêmes à l’école. Les enfants sont éduqués par la rue ou par les médias, où il y a trop de violences, aussi bien à la télévision que sur internet. Certains enfants sont soumis à toutes sortes de violences dans la famille.  Ils sont souvent frappés. Sans parler des violences sexuelles familiales. Les talibés et les enfants de la rue ne sont pas respectés.

Il ne suffit pas d’analyser les problèmes, il faut chercher des solutions. Cela commence par la vie de tous les jours. Par exemple respecter la petite fille, quand elle va aux toilettes. Et apprendre à parler aux enfants sans agressivité, comme à tout le monde d’ailleurs. Il y a trop de violences verbales dans les rencontres, les réunions et les partis politiques.

Le Sénégal a signé pratiquement tous les instruments juridiques de protection des droits des femmes, comme la Convention des Droits de l’Enfant. Et d’abord la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Charte Africaine des Droits Humains. Mais les violences continuent malgré tout, parce que ces déclarations ne sont pas mises en pratique. En France, la loi du 25 janvier 2013 rend obligatoire la formation à la prévention et à la résolution non violente des conflits, pour tous les enseignants et personnels de l’éducation. Au Sénégal, qu’en-est-il ? Même l’enseignement des droits humains est resté un beau rêve. Malgré tous les moyens pédagogiques qui ont été composés pour cela. Ils ne sont donc pas vraiment mis en pratique.

Quant à la mendicité et à l’exploitation des talibés qui est une forme très grave de violence, beaucoup de personnes n’y font même pas attention. Il ne suffit pas de faire l’aumône, ou d’offrir un repas de Noel aux enfants de la rue, pour régler le problème. Des associations s’engagent dans ce domaine, mais comment sont-elles soutenues ? Et certains se lancent dans ces actions, comme pour la lutte contre le SIDA ou Ebola, uniquement pour récupérer des fonds.

Les médias et les films. Beaucoup poussent à la violence. C’est important d’en parler avec les enfants pour leur demander ce qu’ils sentent et ce qu’ils en pensent, et les aider à réfléchir. Interdire ne sert à rien.

C’est la même chose par rapport à la sexualité, un domaine où il y a aussi beaucoup de violence. Mais trop souvent l’éducation sexuelle n’est pas assurée par la plupart des parents. Et à l’école ou dans les centres sociaux, on,se limite à une simple information sur le fonctionnement des organes génitaux. Et à expliquer comment éviter les grossesses et les maladies sexuellement transmissibles. Quand on ne se contente pas d’une distribution de condoms aux jeunes. Est-ce de l’éducation ? Mais que font nos communautés chrétiennes et religieuses dans ce domaine ?

L’année de la Miséricorde

Elle a été l’occasion de nombreuses bonnes actions contre la violence, pour le pardon, la paix et la réconciliation. Il n’est pas possible de reprendre ici toutes ces actions. Mais elles devront continuer, même après la fin de cette année, à tous les niveaux. Juste deux exemples, (extrait de mon journal) 

En CEB : « je pars dans le quartier pour une célébration sur la Miséricorde. Comme prévu, une Communauté de chacun de nos deux secteurs a reçu un grand tableau de Jésus Miséricordieux. Pendant deux semaines, ils sont passés dans les maisons du quartier pour un temps de prières, de récollections, mais aussi d’aide aux nécessiteux. Aujourd’hui, ils vont remettre le tableau à la Communauté suivante au cours d’une messe, après être venus en procession. La messe est à la fois très fervente et très animée, avec la lecture des passages importants de la lettre du Pape. Après une demande de pardon communautaire, nous offrons les actions de miséricorde vécues au cours de ces deux semaines. Nous terminons par une célébration de la paix, suivie par un repas pris ensemble où nous continuons notre partage, dans l’amitié »

Au collège : «  je commence une série d’interventions dans notre Collège. L’idée est de faire vivre les mêmes valeurs à tous les élèves, chrétiens et musulmans (la grande majorité), pour bâtir un avenir commun. Nous allons commencer par le thème de la Miséricorde. Dans l’Islam, l’un des noms de Dieu c’est : « le Miséricordieux – Rahman », et la plupart des sourates du Coran commencent par ces mots : « Au nom de Dieu, le Compatissant, le Miséricordieux ». Nous intervenons donc à deux : moi-même et un professeur musulman, pour présenter d’une façon complémentaire le point de vue des deux religions. Cela d’une façon animée et pédagogique bien sûr : affiches, chants, théâtre, histoires. Ensuite, les élèves se retrouvent en petits groupes, pour décider ce qu’ils veulent faire dans leur famille, dans leur école et dans leur quartier. Le suivi sera assuré par les professeurs de morale. Nous allons préparer des fiches pédagogiques pour cela, et dans trois mois nous ferons l’évaluation du travail, et demanderont aux élèves les actions qu’ils ont menées. C’est vraiment une grosse action que nous lançons et qui va durer toute l’année. Tout se passe bien et il y a vraiment une bonne compréhension et complémentarité entre l’enseignant musulman et moi-même : nous nous connaissions déjà, et nous avons bien préparé notre intervention ». Nous avons fait la même chose en l’adaptant, dans les mouvements, à la récollection de Carême et dans un centre de formation féminine, toujours ensemble chrétiens et musulmans.

Voir aussi le compte-rendu de la session des catéchistes de Dakar du 24-4-2016, et celui de la rencontre des femmes catholiques du Carême 2016, que vous pouvez me demander, de même que les nombreux compte-rendus de mes différentes interventions, dans le cadre de l’année de la Miséricorde.

Au niveau personnel

Celui qui est violent, c’est souvent parce qu’il a peur. Il réagit donc d’une façon agressive, parce qu’il ne voit pas d’autre solution. D’où l’importance de rester calme : c’est ce qui peut arrêter l’autre et le calmer, même dans des circonstances très tendues. Je me souviens avoir été arrêté plusieurs fois pendant la guerre du Libéria par des rebelles complètement drogués qui me mettaient la kalachnikov sur le ventre en me disant : je vais te tuer. Le fait de le regarder calmement, sans peur, dans les yeux et de lui dire : « tue-moi si tu veux » a suffi à chaque fois à le déconcerter et à l’arrêter. Cela est tout aussi vrai, par exemple en cas de dispute, que ce soit entre mari et femme ou avec des voisins et des amis. Rester calme et ne pas répondre à la provocation suffit souvent à arrêter la tension.

Se parler en vérité et sans agressivité : c’est rendre les choses claires pour moi-même et pour les autres. A ce moment-là la communication peut apporter la communion. Il est nécessaire de se rappeler ici les lois de la communication et ce qu’est communiquer en vérité.

Construire la confiance : la méfiance entraîne la peur et la violence.

Accueillir l’autre qui est différent : la différence entre les personnes est une vraie cause de peur, de tension, et même parfois d’opposition et de violence. Quand nous voyons ces différences, nous avons peur. Nous pouvons réagir de plusieurs façons :

  1. Vouloir supprimer la différence. Nous cherchons à devenir comme l’autre, ou nous cherchons à le faire devenir comme nous-mêmes. C’est une vraie violence. Cela se trouve souvent dans le mariage, mais aussi dans nos communautés.

  2. Ignorer l’autre, et faire comme s’il n’existait pas. A ce moment-là, il n’y a plus de vie, c’est la mort du cœur.

  3. Dire que c’est parce qu’il est mauvais que j’ai peur de lui. C’est la condamnation. Mais cela ne sert à rien.

Je dois prendre le risque d’aller vers l’autre. A ce moment-là, je lui donne une place dans ma vie, et nous allons pouvoir apprendre l’un de l’autre. Cela est vrai pour les personnes, mais aussi pour les différents groupes humains : les équipes de football, les chorales, les religions et les états. Sinon ce sont les guerres civiles, les persécutions des opposants politiques, les massacres au nom de la religion. Rencontrer l’autre comme une personne humaine nous rend plus humain. Cela nous donne la liberté de dire non à la violence et de construire ensemble un monde plus humain

Comment gérer les conflits ?

  1. D’abord en voir l’origine : la colère, l’amour de soi-même, le manque d’amour de l’autre qui nous fait voir ses défauts plus que ses qualités, la jalousie, le manque d’humilité, le mépris, les moqueries, le besoin de se défendre quand on est critiqué ou moqué, le sentiment d’être victime d’une injustice. On interprète les choses en pensant toujours que les gens sont contre nous. On se demande ce qu’elles disent, et souvent en l’interprétant. On ne dit pas les choses telles qu’elles sont vraiment. Et aussi l’intrusion dans les affaires personnelles de l’autre, alors que l’individu a le droit à la protection de son intimité. Ou encore l’agressivité subie à l’extérieur, au travail ou dans le quartier, et que l’on apporte dans sa famille ou dans sa communauté, Cela empêche la réconciliation. Que faire ? Il faut donc savoir s’arrêter, prendre le temps de réfléchir, et écouter l’autre. Ce n’est pas une perte de temps, au contraire, c’est un moyen d’avancer. « Ils ne savent pas ce qu’ils perdent, ceux qui ne peuvent pas écouter en silence » (Maurice Zundel). « Dans le silence et la solitude, on n’entend plus que des choses excellentes » (Camille de Lellis).

  2. La demande de pardon, quand la colère est terminée. Pour cela il faut que chacun reconnaisse sa part de responsabilité. Cela s’apprend peu à peu, dans la vie de tous les jours. Sur le terrain, et pas à l’école ni dans les conférences. Il est important de prendre l’habitude de s’excuser, et de demander pardon. C’est là où je suis que je dois pardonner, et pas ailleurs. Ne pas se contenter de changer de lieu de vie, car j’apporte mes habitudes avec moi. Il s’agit de changer mes sentiments intérieurs, de décider de vivre avec mes parents ou les membres de ma communauté actuelle. Et chercher comment être heureux avec eux, pas avec d’autres. Cela demande un effort perpétuel, pour devenir bon et doux. Le pardon nous libère et nous justifie.

  3. Pousser l’autre à prendre lui aussi des résolutions pour changer, et avoir un comportement plus fraternel. Cela demande que chacun soit positif, et fasse tous les efforts possibles.

  4. La réconciliation : C’est très important voir Matthieu 5,24. Pour cela, il faut savoir complimenter l’autre, s’il a fait quelque chose de bien. Si on s’est mal compris, reconnaître son erreur avec sincérité. Se rappeler les bons moments passés ensemble, et les bonnes choses qui nous ont rendus heureux. Organiser des activités communes, prendre des temps de détente ensemble, pour retrouver l’amour fraternel. Quand on est engagé à des choses importantes, les petits problèmes de la vie sont relativisés, et les différences de point de vue perdent leur importance.
    Se réconcilier, c’est difficile. Nous avons souvent besoin de l’aide des autres. : des amis, des sages, la communauté (voir Matthieu 18,15-16). Celui qui veut réconcilier les personnes doit d’abord aller parler à chacun personnellement, en choisissant le bon moment. Ne pas donner tout de suite des conseils, mais valoriser l’autre, le complimenter, lui parler de ce qui l’intéresse, créer des relations d’amitié.

  5. Cultiver la paix. Quand quelqu’un revient d’une activité ou d’un voyage, savoir bien l’accueillir, sinon il va se sentir rejeté. Ne jamais dire du mal d’un autre en son absence : il va l’apprendre un jour ou l’autre, et cela va le révolter. Quand quelqu’un a des difficultés dans ses engagements ou au travail, il a besoin de pouvoir en parler, sinon la colère s’accumule dans son cœur, et un jour elle va éclater. Il est donc essentiel de l’écouter, pour qu’ils puisse sortir ses problèmes de son cœur.

Dans les conflits, on apprend à se construire, aussi bien au niveau social que spirituel. Le conflit nous aide à changer. Il faut avoir vécu et dépassé des conflits, pour être vraiment capable de vivre ensemble sans violence. Le conflit permet de mieux connaître l’autre, et de mieux me connaître moi-même. Mais il faut apprendre à gérer les conflits. Eviter à tout prix la rivalité. Avant d’accuser l’autre, commencer à voir ma part de responsabilité, et être ouvert aux explications de l’autre. C‘est le « devoir de s’asseoir » des foyers Notre Dame : s’asseoir en paix. Et après avoir prié, ne pas faire des reproches à l’autre, mais lui demander ce qu’il pense de moi. Quand il parle accueillir, les choses de tout mon cœur sans répondre, ni vouloir me défendre. Et à mon tour, je fais la même chose avec l’autre. En lui disant d’abord de bonnes choses, avant de lui dire ce qui ne me plaît pas dans son comportement. A partir de là on peut s’expliquer davantage si c’est nécessaire. Et on voit comment on va vivre ensemble les jours qui viennent, et les activités communes que l’on va mener.

Les conditions : Accepter de changer l’opinion que j’ai de moi-même et changer mon comportement en écoutant l’autre. Etre prêt à faire le premier pas, ne pas attendre que l’autre vienne à moi. Laisser absolument les blâmes et les critiques, et donc me demander comment je dois parler, et jusqu’où je peux aller dans mes paroles. Voir dans quelle mesure mon frère est ouvert ou non, mais je jamais présumer de ses sentiments ou de ses réactions à l’avance, sinon je ne peux plus l’accueillir tel qu’il est. Savoir choisir le moment où se parler, en privilégiant le tête à tête. Donc pas devant tout le monde, ni un jour de fête.

Avoir le sens des étapes et être réaliste. On ne peut pas tout régler en une seule fois, ni redevenir ami d’un seul coup, il faut donc être patient. C’est dans ce sens que Jésus nous demande de pardonner 70 fois 7 fois. L’essentiel c’est d’arriver déjà à se parler. Et se rappeler que Dieu seul peut changer son cœur, et que Dieu est patient et miséricordieux. Notre joie de vivre en communauté ou en famille en dépend.

Quelques questions à me poser : comment j’accueille les gens ? Qu’est-ce que je fais, quand quelqu’un vient me parler mal d’un autre ? Est-ce qu’on peut voir en moi une personne heureuse ?

La non violence

La non-violence ce n’est pas de la passivité ou de la peur, ni accepter la situation, sans rien faire et sans rien dire. C’est une non-violence active. Nous connaissons les exemples célèbres de GANDHI qui a ainsi obtenu l’indépendance de l’Inde. Celui de Martin Luther KING qui a obtenu le respect des droits civiques des Noirs aux Etats-Unis. Celui des Philippines où une action non violente a fait tomber la dictature de Marcos. Et nous savons que Gandhi a commencé son action en Afrique du Sud. Les exemples d’actions non violentes efficaces ne manquent pas en Afrique non plus. Par exemple, avec Desmond Tutu, pour ne parler que des acteurs les plus connus.

La non-violence est efficace pour changer les sociétés, par exemple au Brésil. Helder Camara et beaucoup d’autres Evêques l’ont utilisée en Equateur, au Chili, en Amérique Centrale. La non-violence a fait tomber des dictatures sans faire couler le sang. Ainsi, Solidarnosc en Pologne en 1980, le Mouvement People Power aux Philippines en 1989, l’action menée par les chrétiens en Allemagne de l’est en 1990, le Soutien Œcuménique des Eglises à Madagascar en 1991, l’action des moines bouddhistes au Cambodge et en Birmanie…

Dans tout cela la non-violence est à l’œuvre. Même si elle ne donne pas toujours des résultats immédiats et complets, comme les mouvements du printemps arabe, les efforts de paix dans les conflits entre Israël et la Palestine, l’engagement des femmes musulmanes et chrétiennes ensemble pour réclamer la paix en Syrie. Mais comment faire passer cela à la base ? Aussi bien dans la vie de chaque jour des chrétiens, que dans la réflexion théologique. Il reste beaucoup à faire encore à ce niveau.

Ces actions non violentes peuvent amener une paix véritable, et nous mettre dans une situation favorable pour trouver des solutions à nos problèmes, en agissant sur les causes profondes. Ce sont aussi ces actions qui permettent une réconciliation véritable. En effet, dans la non-violence active, on ne cherche pas à avoir raison, encore moins à vaincre l’adversaire. Au contraire, on l’accepte tel qu’il est, et on cherche à comprendre ses motivations. On croit qu’il est capable de réfléchir, de se mettre en cause et de changer son comportement. Et en même temps, nous-mêmes nous nous mettons en cause. Et nous cherchons à nous convertir pour avancer ensemble. Ainsi on arrive à une vraie réconciliation.

La non-violence ce n’est pas seulement une technique, c’est une transformation intérieure profonde, qui permet de reconnaître d’abord ses propres limites, et ses violences intérieures. La non-violence demande la recherche de la sagesse (Qohélet 9, 16-18) : » La sagesse est meilleure que la force, même si la sagesse du pauvre est méprisée, et que ses paroles ne sont pas écoutées. Les paroles pleines de douceur des sages sont écoutées, plus que les cris pleins de folies des dirigeants. La sagesse est meilleure que les armes de guerre. Mais un seul péché peut détruire beaucoup de choses ».

Quels en sont les principes de base de l’action non-violente ?

D’abord reconnaître qu’il y a conflit. Il y a des chrétiens qui, sous prétexte de charité, ne veulent pas reconnaître le conflit. C’est s’empêcher de trouver une solution. C’est la politique de l’autruche. En premier, il nous faut voir clair et nommer le problème, en voyant ce qui nous empêche d’atteindre le but fixé. Ensuite, voir si le groupe peut trouver par lui-même une solution, en impliquant les personnes qui peuvent aider. Et en se redisant quel but on veut atteindre : notre idéal, et pas seulement l’intérêt égoïste du groupe. A ce moment-là, on peut chercher les moyens qui sont à notre portée, en cherchant l’accord avec le plus grand nombre de personnes possibles. Mais en sachant qu’il n’y a pas de solution parfaite. Et que l’on ne trouvera jamais une solution qui sera valable pour tous.

Les quatre temps de la communication non violente :

  1. Regarder la situation en vérité, dire ce que l’on veut vraiment et non pas ce que nous imaginons. Voir le positif chez l’autre, et non pas le négatif. Par exemple si tu es malade, tu ne dis pas à celui qui est venu te visiter : » cela fait 15 jours que tu n’es pas venu me voir, pourtant tu sais que je suis malade ». Tu lui dis : » il pleut, tu habites loin, et tu es quand même venu me voir. Merci pour la visite ». Quand je parle, je dis « je » et non pas eux ou vous, et surtout pas « on ».

  2. Appeler les choses par leur nom. Et reconnaître les sentiments qui m’habitent à ce moment-là. Par exemple, pour le vote au dernier référendum pour le changement de constitution au Sénégal. Les gens ont voté beaucoup plus à partir de leurs sentiments, par rapport au choix du président de rester 7 ans et non pas 5. Beaucoup plus qu’à partir du contenu du referendum, sur lequel ils étaient appelés à voter. Là aussi, il ne faut pas avoir peur d’exprimer ses bons sentiments. Par exemple : en cas de visite quand on est malade : « je suis très touché que tu fasses attention à moi. Cela me fait beaucoup de bien, et déjà je me sens mieux ».

  3. Reconnaître le besoin qui est derrière, et qui fait naître ce sentiment : « ta visite m’a fait comprendre que j’ai besoin de soutien en ce moment difficile, parce que je me sens très seul ».

  4. Face à ce besoin, faire une demande concrète, précise, et réaliste. Une proposition, et non pas un ordre. Et cela sans agressivité. Le but de la demande, c’est d’exprimer calmement mon besoin. Et alors, on peut réfléchir ensemble dans la paix, pour voir ce qui est possible : « est-ce que tu pourrais venir me voir tous les deux jours, au moins une heure ?». N’est-ce pas ce qui manque souvent : des demandes concrètes et réalistes, faites sans agressivité, par exemple de la part des syndicalistes, des enseignants ou des étudiants. Et une réponse réaliste et concrète à leur demande, de la part du gouvernement, qui pourra alors respecter ses engagements. Et c’est la même chose entre les travailleurs et leurs patrons, dans la famille, ou dans le quartier et à la mairie.

La communication non violente nous apprend à nous respecter nous-mêmes, en étant attentif à nos sentiments et à nos besoins. Elle nous apprend aussi à respecter l’autre, en reconnaissant ses sentiments et ses besoins. Elle nous apprend non seulement à partager nos idées, mais ce que nous pensons en profondeur, sans chercher qui a tort et qui a raison. A ce moment-là, les autres nous comprendrons mieux. Nous nous respecterons davantage, et nous éviterons les conflits et les violences inutiles. Cette façon de communiquer nous apprend à écouter l’autre avec un cœur ouvert, à accueillir l’autre pour ce qu’il est vraiment, sans le juger mais avec empathie. Elle nous apprend à être bon envers l’autre, et à mettre l’unité entre nous. Jésus nous dit : « la Vérité vous rendra libre » (Jean 8, 31-42). Serons-nous capables de parler en vérité, pour définir les conflits ? Il faut le vouloir, et s’y préparer, quelle que soit notre histoire et les blessures que nous avons subies. Cela demande beaucoup de patience, envers soi-même et envers les autres. Jésus, Lui-même a été découragé, par le manque de foi de ses apôtres, et de la foule. Il a été jusqu’à se plaindre : « Combien de temps encore je vais devoir rester avec vous, et vous supporter ? » (Marc 9,19). Cela demande du courage. Mais c’est un chemin de conversion pour changer notre vie, nos relations et d’abord notre cœur.

Martin Luther King a prononcé les mots suivants : « A nos adversaires les plus farouches, nous disons: A votre capacité d’infliger la souffrance, nous opposerons notre capacité d’endurer la souffrance. A votre force physique, nous répondrons avec notre force d’âme. Faites-nous ce que vous voulez, et nous continuerons à vous aimer. Nous ne pouvons pas, en toute bonne conscience, obéir à vos lois injustes, car la non-coopération avec le mal est une obligation morale, tout comme la coopération avec le bien. Jetez-nous en prison, et nous vous aimerons encore. Envoyez vos miliciens à minuit dans nos communautés, pour accomplir la violence et nous laisser à demi morts, et nous vous aimerons encore. Mais soyez assurés que nous vous conduirons à l’épuisement, par notre capacité de souffrir. Un jour nous gagnerons la liberté, mais pas pour nous seuls. Nous lancerons à vos cœurs et à vos consciences un tel appel, que nous vous aurons gagnés en chemin, et que notre victoire sera une double victoire. L’amour est la puissance la plus durable du monde. Cette force créatrice, si admirablement exemplaire dans la vie de notre Christ, est l’instrument le plus puissant qu’on puisse trouve,r dans la recherche par l’humanité de la paix et de la sécurité ». La force d’aimer p. 72/73

J’ai écrit dans « Enraciner l’Evangile jour après jour ». Commentaire du Mardi de la 11° semaine ordinaire (Mat 5, 38-42) : « Seigneur apprends–nous à lutter contre la violence » : Jésus nous montre des façons d’agir, qui sont très importantes. Essayons de comprendre cet enseignement de Jésus, qui nous étonne sans doute. Que signifie « œil pour œil, dent pour dent » (38)? C’est la loi de Moïse. Au temps de Moïse, c’était la guerre sans fin et sans limites, entre les hommes et les familles. Si on avait tué quelqu’un d’une famille, celle-ci cherchait à se venger à tout prix. Elle n’avait pas peur de tuer toute la famille de l’ennemi, pour un seul. Moïse a voulu limiter la vengeance, en disant : si on crève un œil dans ta famille, tu crèves seulement un œil chez ceux qui ont fait cela. Mais pas plus. C’est pourquoi on dit : œil pour œil, dent pour dent. C’était déjà un progrès pour limiter la méchanceté. Mais bien sûr, Jésus nous demande d’aller beaucoup plus loin. Il faut arrêter de se venger. Sinon, la méchanceté ne s’arrête pas. Au contraire, elle ne fait que grandir. C’est absolument nécessaire, si nous voulons vivre ensemble en paix. Nous arrêtons la méchanceté, la guerre, les bagarres et toutes les formes de la violence. Nous refusons de nous venger. Cela nous rend trop malheureux, et entraîne une violence sans fin.

Mais si nous sommes nous-mêmes attaqués et frappés, que faire à ce moment-là ? Jésus dit : « quand quelqu’un te frappe sur la joue droite, montre lui aussi ta joue gauche » (39). Ces paroles sont souvent mal comprises. Cela ne veut pas dire se laisser faire, et tout accepter sans rien dire. Au contraire, c’est lutter contre la méchanceté et arrêter les coups : tu réagis en montrant ta joue gauche. Comment comprendre cela ? Chez les juifs, on frappait les gens à revers, avec le dos de la main. Jamais avec l’intérieur (la paume). Donc si quelqu’un est en face de toi, tu peux le frapper sur la joue droite. Mais s’il te présente la joue gauche, tu ne peux pas le frapper du dos de la main, il faudrait pour cela se mettre derrière lui. C’est donc un moyen très efficace d’arrêter celui qui te frappe : sans te battre, sans te venger, sans rendre le mal, mais en l’empêchant de continuer à frapper. Parce qu’il peut te frapper sur la joue droite, mais pas sur la joue gauche. Ainsi, tu l’obliges à arrêter sa méchanceté, mais d’une manière non violente (c’est ce que l’on appelle la non-violence évangélique active).

Jésus lui-même, quand on le frappe au tribunal, au moment de sa mort, Il ne se met pas en colère. Il ne cherche pas à frapper à son tour celui qui l’avait giflé. Mais il résiste. Il dit (Jean 18,22) : » Si j’ai mal parlé, montre-moi ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? ». Et Il dit à ceux qui viennent l’arrêter : »C’est moi ! Mais est-ce que vous étiez obligés de prendre des épées et des bâtons, pour venir m’arrêter ? Comme si j’étais un voleur ! Tous les jours, j’étais dans le Temple à enseigner ». Alors ils reculent et tombent à terre. Et Jésus ajoute : « Si c’est moi que vous voulez arrêter, laissez partir mes apôtres ». C’est toute la différence avec saint Pierre, qui prend son coupe-coupe et tranche l’oreille du serviteur Malchus. Et Jésus lui dit : » Range ton coupe-coupe. Car tous ceux qui prennent l’épée, mourront par l’épée. Tu ne sais pas que je pourrais appeler mon Père à l’aide ? Et aussitôt, Il m’enverrait plus de 12 armées d’anges. Est-ce que je ne vais pas boire le verre de souffrances que le Père m’a donné ? (Jean 18,10 et Mat 26,53.

-(40) De même, au temps de Jésus, la Palestine était colonisée par les Romains. Les soldats romains avaient le droit de forcer une personne à porter leurs bagage, mais seulement pendant 1 km. Comme on a forcé Simon de Cyrène, à porter la Croix de Jésus. Jésus n’est pas d’accord que l’on force ainsi les gens. Alors il dit : « si un soldat t’oblige à porter son bagage pendant 1 km, porte-le pendant 2 km ». Mais après, tu vas l’accuser auprès de ses chefs, parce qu’il t’a fait faire plus que ce qui est permis. Et il sera puni. C’est de cette façon très intelligente que Jésus veut faire respecter le droit des gens,  et arrêter de les forcer ou de les faire souffrir. D’une manière très efficace, mais sans se battre, et sans paroles violentes

A l’occasion du congrès intitulé : « Non-violence et paix juste : une contribution à la compréhension de la non-violence, et à l’engagement envers celle-ci de la part des catholiques » (cf. Zenit du 12 avril 2016), le pape François encourage le « renouveau du témoignage actif de non-violence comme une « arme » pour réaliser la paix ».

Il rappelle l’objectif de parvenir au désarmement total « en rejoignant l’âme même des gens, en construisant des ponts, en luttant contre la peur et en poursuivant un dialogue ouvert et sincère ». Il encourage aussi la « pratique du dialogue », dont il explique les exigences, notamment de pardon et de miséricorde.

N.B. Ceci n’est qu’une simple introduction à la non-violence. Il faudra se former plus largement –et mieux – sur cette question si importante.

Les religions sont-elles facteurs de paix ?

Rencontres avec des classes de 1ère et de Terminale dans un lycée. Nous avons commencé par définir la religion. C’est ce qui nous relie à Dieu, mais aussi aux autres, avec des prières, des sacrifices et des rites divers pour cela. Nous avons expliqué aussi ce que veut dire être facteur : artisan-bâtisseur. Et rappelé, selon l’Unesco que c’est dans le cœur de l’homme que naît la paix.

Toutes les religions parlent de paix. Dans l'Islam, au moment du Ramadan, on se demande "pardon". On affirme que DIEU est le Compatissant et le Miséricordieux. A la messe, les chrétiens se donnent un signe de paix. On reconnait que les religions travaillent pour la PAIX à trois niveaux:

  • l'aide aux pauvres; la pauvreté étant une grande cause de violence,

  • l'éducation aux droits humains,

  • la réconciliation dans les familles et dans la société,

Il est donc important de s'engager dans cette ligne!

Pour cette éducation à la paix, les religions peuvent s'appuyer sur les valeurs traditionnelles, ce qui est très important. La TERANGA (l'hospitalité) mais aussi la patience ou le pardon par exemple, et ce qu’on appelle en ouolof : mun, teggin, kërsa, suttural, jöm, ngor…Ce sont des choses importantes pour construire la PAIX. Et dans chacune de nos langues du Sénégal, on se salue en se souhaitant la paix : Jamm rekk, Jamm sön, jarama, kasumaï….

Dans leur doctrine, les religions se présentent comme des facteurs de pays. D’ailleurs, le mot religion veut dire : relier : à Dieu, mais aussi aux hommes. Mais souvent dans la réalité, c’est tout à fait autre chose. Pourquoi cela ?

Pourquoi les religions ne s’entendent-elles pas ? D’abord, cela vient du cœur de l’homme. L’homme naturellement veut se montrer, être le premier, imposer ses idées aux autres, et avoir raison. Dans tout homme, il y a l’agressivité qui nous pousse à agir, mais aussi, parfois, à s’opposer aux autres. Pourtant, chacun devrait reconnaître qu’il n’est pas meilleur que les autres. Et voir le bien, au lieu de voir le mal chez les autres. C’est la parabole de la paille et de la poutre dans l’œil (Mat 7,3).

Très souvent, on cherche la paix entre les membres d’une même religion, mais beaucoup moins avec les autres. Parce qu’on cherche les intérêts de sa propre religion, pour qu’elle devienne la plus forte. Lorsqu’il y a des oppositions entre les gens, c’est toujours dangereux. Mais lorsque ces oppositions sont entre des gens de religion différente, la violence devient souvent beaucoup plus grande. Car la religion touche jusqu’au fond du cœur de l’homme.

La question qui se pose est donc celle-ci: que faisons-nous de notre foi? Est-ce que nous l'utilisons pour nous imposer aux autres, ou bien pour nous entendre?

On a noté aussi que souvent, quand on parle d’opposition entre les religions, en fait ce ne sont pas des oppositions au niveau religieux, mais pour des problèmes économiques (l’argent et les biens) ou politiques (pour le pouvoir). C’est le cas par exemple de l’Etat Islamique DAECH, de Boko Aram, de la guerre entre palestiniens et israéliens pour la possession des terres, des oppositions au nord du Nigéria entre éleveurs et cultivateurs. Même s’il est vrai que les uns sont musulmans et les autres chrétiens ou animistes, ce n’est pas une guerre de religion, ni même au sujet de la religion. D’ailleurs DAECH ou Boko Aram tuent plus de musulmans que de chrétiens.

On a relevé de nombreux efforts de la part des religions, pour apporter la paix. Ainsi dans de nombreux pays d’Afrique, des évêques ont été nommés comme responsables des conférences nationales. Et maintenant, des commissions Justice, Paix et Réconciliation. Il y a de plus en plus de rencontres entre les différentes religions. Les responsables religieux chrétiens, musulmans et animistes agissent ensemble, pour rétablir la paix en Centrafrique. Le Vatican est intervenu, pour améliorer les relations entre Cuba et les Etats Unis. L’association chrétienne San Egidio travaille beaucoup pour la paix au Mozambique, au Mali, au Soudan, et en Guinée Bissau, après avoir agi par exemple en Algérie.

La solution n’est donc pas d’interdire les religions, comme certains le voudraient, pour qu’il n’y ait plus d’opposition entre elles. Mais bien, de vivre sa foi en vérité, d’accepter de changer son cœur, et aussi de respecter les autres religions. Dans le débat qui a suivi, nous avons parlé de nombreux problèmes. Par exemple, celui de Charlie Hebdo, et de l’importance de la liberté d’expression, à condition de respecter les opinions des autres. En particulier leur religion. Déjà la Révolution Française de 1789 affirmait : « Ma liberté s’arrête, là où commence la liberté des autres ». Nous avons relevé l’importance de la laïcité pour vivre en paix ensemble. A condition que ce soit une laïcité ouverte et positive, qui reconnaisse toutes les religions, et qui ne cherche pas à les interdire.

Nous avons noté aussi l’importance des religions traditionnelles, qu’il faudrait respecter davantage. C’est une base commune que nous partageons, par exemple au Sénégal, entre chrétiens et musulmans, qui nous permet de mieux nous comprendre. Et aussi le fait que dans les mêmes familles, il y ait à la fois des chrétiens et des musulmans.

Comment construire la paix?

D’abord il faut attaquer les causes internes, c’est-à-dire changer notre cœur. Comme le dit l’UNESCO : « La paix naît du cœur de l’homme ». La paix dépend de chacun d'entre nous, dans sa vie personnelle. Il faut apprendre à respecter l'autre, et à vivre en amitié avec ceux qui sont différents de nous.

Ne pas oublier l'importance de la prière, car la Paix vient de DIEU.

Se former d’abord soi-même, dans sa propre religion pour développer tous les facteurs de paix. Nous avons pris l’exemple du djihad, dans l’Islam. Le vrai djihad, ce n’est pas faire la guerre contre les autres. Le grand djihad c’est faire la guerre contre le mal et le péché, qui est en nous-même. C’est la conversion. Nous avons dit que les gens de Boko Aram ou de Daesh, ne sont pas des vrais croyants. Ce qui les conduit, ce n’est pas la foi, même s’ils prétendent agir au nom de Dieu.

Il faut une véritable éducation à la paix et aussi à la non-violence. Non pas tout supporter sans rien dire. Mais lutter contre la méchanceté, en utilisant des méthodes non violentes, qui peuvent apporter la paix et le pardon, et en refusant la vengeance. Suivre donc l’exemple des grands témoins de la non-violence : Gandhi, Martin Luther King, Desmond Tutu, etc. Mais aussi des gens qui, autour de nous, sont capables de faire la paix, dans la vie de tous les jours. Et bien sûr, réfléchir à la vie de Jésus et des prophètes.

Il est essentiel de respecter la liberté de l'autre. Le Coran dit : » il ne faut forcer personne en matière de religion ». La seule solution, c’est de s’accepter différents. Non pas la tolérance (se supporter), mais considérer nos différences comme une richesse, et une possibilité de nous compléter.

Nous devons apprendre à regarder l’autre, avec un œil bon. L’autre est bon, et il peut beaucoup m’apporter : voir le positif chez l’autre, et refuser de le critiquer. Et chercher à comprendre pourquoi il se conduit d’une façon différente de la mienne. C’est difficile. Au début, il faut se forcer. Mais peu à peu, on en prend l’habitude, en s’appuyant les uns sur les autres.

Pour dialoguer en vérité, il faut faire l'effort de connaître la religion de l'autre : non pas pour la critiquer, mais en écoutant ceux des autres religions avec un cœur ouvert, et un regard positif. Cela demande du temps mais c'est important. C’est quand on ne connaît pas la religion de l’autre, qu’on en a peur. Il faut savoir prendre le temps nécessaire de se parler pour se connaître.

Accepter qu’aucun d’entre nous n’a toute la vérité. L’autre a quelque chose à m’apprendre, même sur la façon de vivre ma propre foi. Nous avons donné l’exemple des échanges qui se font au moment du carême et du ramadan, entre chrétiens et musulmans.

C'est en agissant ensemble que l'on peut apprendre à se connaître et à se respecter. On apprend à se faire confiance, et il peut alors y avoir un véritable dialogue. Chacun explique à l'autre ses motivations : pourquoi il agit ainsi, et quelle aide sa foi lui apporte. C’est donc important de nous engager dans des activités en faveur des droits humains. Une action à ce niveau-là est ouverte aux croyants de toutes les religions, comme aux non croyants. Et c’est cela qui permet de se comprendre et de s’accepter, en agissant ensemble.

C'est possible d'agir ensemble pour les droits humains, la Paix et la Justice. Un certain nombre de groupes agissent dans ce sens-là. Par exemple dans les quartiers. Mais aussi dans les prisons, et également dans des associations et ONG, comme le CAEDHU (centre africain d'éducation aux droits humains) où chrétiens et musulmans agissent ensemble. Et aussi dans des centres de formation des jeunes filles, où l'éducation est donnée ensemble aux filles des différentes religions. Dans les ASC et mouvements de jeunes, et tant d’autres organisations. On trouve la paix quand on agit ensemble pour le bien commun, la construction du pays, la lutte contre la violence, le respect des droits humains, en particulier pour les plus faibles, etc.

La guerre et la violence viennent souvent de la pauvreté. Chrétiens et musulmans, nous sommes appelés à lutter ensemble pour la paix, en attaquant les causes profondes de la pauvreté.

Bâtir notre vie sur notre référence commune, « la règle d’or », que l’on retrouve dans toutes les religions : «Ne fais pas aux autres, ce que tu ne veux pas qu’on te fasse à toi-même». Partir des 10 commandements, qui sont communs à toute l’humanité : ne pas tuer, ne pas mentir, ne pas voler, etc .Et surtout, vivre notre foi en Dieu. Nous sommes tous fils d’Adam, créés par Dieu. Et pour les juifs et les musulmans, nous sommes tous fils d’Abraham, le père des croyants.

Au sujet du dialogue chrétiens-musulmans, nous avons noté qu’il y a quatre niveaux de dialogue :

  1. Le plus important, et celui qui est possible à tout le monde, c’est le dialogue de la vie : vivre ensemble, dans le respect de l’autre.

  2. Le dialogue d’actions : Agir ensemble, et peu à peu nous partageons nos idées et nos motivations.

  3. Le dialogue dans la prière : pas obligatoirement réciter les mêmes prières, puisque nous n’avons pas la même foi, ni la même façon de prier. Mais dans certaines occasions, donner à chacun la possibilité de prier, et écouter avec respect la prière de l’autre.

  4. Le dialogue de réflexion sur les différentes religions : c’est un dialogue très difficile. Il demande que l’on soit formé dans sa propre religion, et aussi que l’on connaisse bien la religion de l’autre.

Donc, en général, il y a beaucoup plus d’intérêt à travailler ensemble, qu’à discuter de religion. Si on discute de religion, chacun étant convaincu que la sienne est la meilleure, ce sera difficile de s’entendre. Il s’agit plutôt de respecter la religion de l’autre.

Nous jeunes, comment construire la paix dans nos familles, nos quartiers et nos écoles ? (carrefours)

Cela se fait par les petites choses chaque jour : se saluer, se sourire, dire merci, demander pardon. Même si on ne peut pas être ami avec tout le monde, accepter de parler avec tout le monde. Ne pas insulter, et ne pas répondre aux insultes Ne pas garder rancune. Et surtout ne jamais chercher à se venger, même si l’autre t’a fait du mal.

En classe, participer aux groupes de travail, de la façon la plus active possible. Chercher à régler les problèmes avec l’autorité, et les manques d’entente entre élèves

En famille, prendre ta part de responsabilité. Il y a des jeunes qui prennent leur famille comme un hôtel-restaurant. Ils mangent, et repartent tout de suite avec les copains, pour ne rentrer que la nuit. Ce n’est pas normal. Il y a aussi des jeunes qui parlent très bien avec leurs copains, mais qui ne disent rien à la maison avec les parents, ou même les frères et sœurs. Cela rend la vie impossible, et empêche la paix. Cela demande aussi que tu t’intéresses aux problèmes de ta famille, et que tu y prennes ta part de responsabilités. Et que tu fasses aussi la part de travail qui te revient. Enfin, tu es reconnaissant de ce que tes parents font pour toi, au lieu de voir ce qui ne va pas, et de toujours te plaindre.

Dans le quartier, il est important que tu rentres dans une association ou un groupe de ton choix. C’est ce qui te permet de connaître les autres, de vivre la camaraderie, et avec certains ou certaines, une vraie amitié. Et ainsi préparer ton avenir ou ton mariage.

Les jeunes sont beaucoup intéressés par Internet et les medias. Internet est une grande source d’informations, A toi de savoir ce que tu en fais. Est-ce simplement pour envoyer des tas de messages sur Facebook, ou encore pire pour regarder des films porno. Ou bien pour travailler, mais aussi pour t’engager. Internet te permet d’agir partout dans le monde. Par exemple, il y a des sites comme Avaaz, Greenpeace,etc… auxquels tu peux participer pour soutenir la libération des personnes, pour le respect de l’environnement, la lutte contre l’accaparement des terres ou le pillage de la mer, etc. Lorsque les filles au Nigéria ont été enlevées par Boko Haram, un site a été ouvert pour réclamer leur libération. Et aussi lorsque des étudiants ont été tués au Kenya, par les shebabs somaliens. Y as-tu participé ?

Et bien sûr, tu peux aussi participer à des actions plus concrètes, en t’engageant davantage. Bon courage.


Non violence: agir dans la vie de tous les jours

Lutter contre la violence à notre niveau

Une société sans violence ne descend pas du ciel. Elle se construit dans la vie de tous les jours et elle demande la participation de tous. Pour nous, bien sûr, en s’appuyant sur la Parole de Dieu, comme nous l’avons expliqué plus haut. Il y a de nombreuses paroles que nous pouvons partager avec ceux qui nous entourent, en particulier les musulmans. Par exemple déjà dans l’Ancienne Alliance, Moïse disait : « Tu ne feras pas souffrir la veuve et l’orphelin, l’esclave et l’étranger ». Ces paroles s’adressent à tous les croyants. Nos frères et sœurs musulmans connaissent Moïse autant que nous. Et Moïse ajoutait : « Tu as été toi-même esclave et étranger en Egypte. Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Il s’agit donc de regarder chaque personne avec un regard d’amitié et d’amour comme Jésus a regardé les personnes en voyant leurs souffrances et surtout en comprenant la souffrance de leur cœur qu’ils ne pouvaient même pas exprimer mais en les laissant libres comme il a laissé le jeune homme riche partir, librement, sans lui faire des reproches, alors qu’Il l’avait regardé avec beaucoup d’amour, comme il n’a pas fait violence à Pierre quand il a sorti son épée contre le serviteur ou quand il se préparait à le renier. Il lui a parlé calmement pour le faire prendre conscience de sa situation. Dans tout cela, il suffit de voir le positif dans les personnes qui nous entourent. Lorsque Jean a voulu empêcher quelqu’un de chasser les démons parce qu’il n’était pas de leur groupe des apôtres, Jésus lui a dit : « Qui n’est pas contre nous est avec nous ». Voilà l’attitude qui peut construire la paix et qui peux dépasser la violence. Trop souvent nous voyons les défauts, les mauvaises choses qu’ils font et nous leur faisons des reproches au lieu de voir les belles choses, leurs qualités, de les encourager, de les féliciter. C’est pour tout cela qui peut supprimer la violence autour de nous.

Dans la famille

Pour dépasser la violence dans le couple mais également entre parents et enfants, il y a ce qu’on appelle le devoir de s’asseoir. S’asseoir au moins une fois par mois, commencer par prier, établir un climat de paix, laisser les distractions, la radio et les autres agitations et ensuite chacun parle à l’autre, non pas pour lui faire des reproches, pour lui dire ce qui ne va pas mais au contraire, lui dire ce qu’il voit de bien en lui et ensuite lui demander : qu’est-ce que tu as à me dire ? Et alors je l’écoute sans chercher à me défendre, sans répondre mais en laissant les paroles de l’autre entrer dans mon cœur pour que je puisse comprendre son point de vue et sa souffrance. Et à son tour l’autre fera la même chose. Et également les enfants avec leurs parents car les enfants ont eux aussi des choses à nous dire et peuvent nous dire à dépasser la violence. Il est très important aussi de parler avec les enfants par rapport à ce qu’ils voient à la télévision, pour les éduquer à la paix, mais d’abord les éduquer dans la paix. Bien sûr il faut éduquer les enfants, quand ils font le mal il faut les punir mais les punir et non pas les frapper. Il y a plusieurs façons de punir sans frapper. D’abord me faire réparer ce qu’on m’a cassé, le mal qu’on a fait. C’est cela qui est positif et qui fait grandir. Eduquer nos enfants pour qu’ils vivent en paix avec les autres. A l’école il y a trop d’insultes, trop de bagarres, trop de moqueries pour ceux qui ne travaillent pas bien, qui ont des mauvaises notes, trop d’insultes et de mépris pour les enfants plus pauvres et qui sont moins bien habillés ou qu’ils n’ont pas les mêmes moyens. C’est tout cela qui entraîne la violence. Et aussi les disputes entre frères et sœurs qu’il faut leur apprendre à gérer. Les disputes sont inévitables mais ce qu’il faut c’est s’en sortir.

A l’école

Dans certaines écoles on a formé des élèves pour qu’ils soient, non pas les conseillers mais les réconciliateurs de leurs camarades. Il faudrait revoir l’éducation civique pour qu’ils soient, non seulement en apprentissage des droits humains mais que l’on aide les enfants à le mettre en pratique et pas seulement à réclamer leurs droits mais d’abord à faire leurs devoirs et à respecter les droits des autres avant de chercher ses propres droits. Il faudrait une véritable éducation à la paix, une véritable éducation civique, pas seulement une instruction qui se contente de donner des conseils de politesse. Pour les adultes, il est possible de créer un climat de paix là où l’on travaille, apaiser les gens, apprendre à se parler calmement en commençant par le faire soi-même. Bien sûr, il est tout à fait normal et même nécessaire de lutter contre les injustices sinon c’est obligé que les gens se révoltent violemment. Mais justement, chercher la justice ne peut se faire que dans la paix et non pas dans la violence. Cela est vrai aussi bien au niveau personnel qu’au niveau international, à la dictature en Irak ou en Lybie, au problème en Syrie on a répondu par la violence et l’on voit que cela n’a fait qu’augmenter celle-ci et entraîner la guerre car la violence appelle la violence et il y a de plus en plus de morts sans aucune solution. Et la première chose au niveau personnel, c’est certainement de bien faire son travail pour arriver à travailler en paix et sans violence. Cela transforme toute la vie. Il faut savoir que ce sera difficile d’être un homme ou une femme de paix, poser des questions aux autres ça les interpelle et souvent au lieu de changer, ils se sentent accusés ils veulent se venger. Il est remarquable que tous ceux qui ont agi pour la non-violence, Martin Luther King, Gandhi, le frère Roger de Taizé et aussi Jésus Christ, des hommes de paix, ont été tué avec violence. Avant de se révolter contre les autres, il est important de voir ses propres torts et de vouloir changer soi-même avant de changer les autres. Un proverbe bambara dit : quand tu pointes du doigt quelqu’un, n’oublie pas que tu as trois doigts tournés contre toi. A côté de l’éducation à la paix, il y a aussi la pratique de la réconciliation. Jésus Christ nous a non seulement demandé cette réconciliation : si tu présentes ton offrande à l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère. Mais il nous a donné aussi le moyen d’arriver à cette réconciliation : si ton frère a quelque chose contre toi, toi tu n’as rien contre lui, va le trouver seul à seul. S’il n’écoute pas, va lui parler avec deux ou trois personnes. Dans nos CEB nous avons ces personnes, les sages, les conseillers. Jésus continue (Matthieu 18) : « S’il ne veut pas les écouter, alors dis-le à la communauté ». Le travail de la CEB n’est pas seulement d’organiser des prières mais d’éduquer à la paix, de régler les problèmes, de réconcilier les gens et de lutter contre les causes de violences dans les quartiers. Pour lutter contre la violence, il faut avancer par étapes. D’abord prendre conscience de l’existence de cette violence dans la vie de tous les jours. Ensuite nous motiver pour vouloir vraiment la paix et la réconciliation. Commencer par nous convertir nous-mêmes et refuser d’utiliser la violence, offrir une éducation autour de nous, là où nous vivons, d’abord à ceux qui l’accepteront car tous ne le feront pas. Et enfin pour cela nous appuyer sur la prière et sur la Parole de Dieu. Cela veut dire écouter l’Esprit Saint. Ne pas seulement réciter des prières mais nous mettre en paix devant Dieu, nous tenir en silence, méditer la Parole de Dieu et accueillir les idées que le Seigneur nous adressera.

Nous avons vécu l’Année de la Miséricorde, il est important que nous continuions à la mettre en pratique chaque jour, à tous les niveaux. Lorsque l’autre me fait souffrir, non pas lui faire des reproches mais lui dire ma souffrance : tu vois, voilà ce qui me fait souffrir, je suis triste à cause de cela, je souffre, et à ce moment-là l’autre pourra comprendre mon problème et essayer de changer. Mais si je lui fais des reproches, sa réaction naturelle sera de me répondre et de m’attaquer. C’est vrai que la violence est la dernière étape pour ceux qui sont traités injustement. Mais elle est aussi parfois utilisée par ceux qui sont en paix mais qui ont le pouvoir et qui veulent utiliser celui-là pour leur avantage personnel.