Armel Duteil

Forage de puits

FORAGES DE PUITS

Nous vivons dans la mangrove. L'eau est saumâtre, l'eau potable manque cruellement. Dans certains villages, la seule eau potable est l'eau de pluie, mais il est très difficile, sans moyens, de la conserver, de plus la saison des pluies ne dure que 5 mois.

Forage de puits
Forage de puits

Avec le soutien de Misereor, une ONG chrétienne allemande, un projet de forage a été lancé par le père Philippe Engel, spiritain français, il y a une dizaine d'années. Le soutien de Misereor est maintenant terminé, mais l'équipe de guinéens formés continuent le travail en utilisant le matériel pour qu'il puisse durer au maximum. Mais il faudrait à tout prix le renouveler car l'eau potable est une priorité. Cela va demander plus de 10 000 euros. L'année dernière, l'équipe a foré 108 puits (coût du forage d'un puits : 400 euros environ). Le suivi est assuré par la communauté villageoise. Chaque villageois cotise pour fournir l'argent nécessaire à l'entretien. L'équipe du projet hydraulique ne se contente pas de faire les forages, elle forme dans chaque village une équipe pour l'entretien du forage, mais surtout elle forme tous les villageois à l'hygiène de l'eau et les organise pour qu'ils prennent en main leurs différents problèmes de santé à partir de là. Le forage d'un puits est l'occasion de mobiliser les gens pour réfléchir au développement de leur village et de lancer des petites actions de développement à la base.

Forage de puits
Forage de puits



1ère phase du développement : l’animation

Besoin d’animation.
Une société traditionnelle, quelle qu’elle soit, vit dans un monde clos sur lui-même, pour la bonne raison que si cette société perdure encore aujourd’hui c’est qu’elle a survécu et surmonté les difficultés en tout genre qui se sont dressées contre elle dans le temps. Et si elle a survécu, c’est parce qu’elle a gardé ces traditions. Tout changement est un risque et peut même devenir un danger pour la survie de la société existante. Toute nouveauté peut être ressentie comme une agression envers la société traditionnelle, parce que l’on ne comprend pas pourquoi il faut changer. D’où la nécessité d’un temps assez important consacré à l’animation avant de mettre en place une action de développement en faveur d’une société.

Sans animation, le risque est grand qu’un projet soit celui de l’initiateur et non celui des populations ; un tel projet risque fort de disparaître avec le départ de l’animateur : c’est son projet, ce n’est pas le leur.

Participation. Si l’animation est réussie et que la population accepte le projet en sa faveur, cela doit se traduire par une participation des populations : participation financière sous forme de cotisation ou de dons en nature, et participation en investissement humain : main d’œuvre, apport des matériaux, etc… Ainsi, un puits n’est pas un gadget que l’on met entre leurs mains, mais quelque chose pour laquelle ils ont souffert pour l’avoir ; c’est leur bien et ils feront tout pour le préserver (entretien).

L’alphabétisation : facteur de développement

Toute société traditionnelle vit dans un monde clos sur lui-même pour survivre. Par manque de connaissances, on subit ce qui nous arrive parce que l’on ne sait pas pourquoi. Pourquoi la sécheresse ? Pourquoi la maladie ? Pourquoi la pauvreté ? Etc…. Et l’on se réfugie dans les croyances en disant : ce sont les esprits, ce sont les ancêtres, ou c’est Dieu qui l’a voulu ainsi. Et on subi courageusement la situation qui frise la fatalité.

Alors que la connaissance permet de comprendre le pourquoi des événements, et, connaissant le pourquoi, on peut agir sur les causes et ainsi être mieux armé contre les agressions extérieures, être mieux à même de se protéger et de lutter pour éviter l’inévitable. Un proverbe dit bien : un homme averti en vaut deux.

Que peut faire un petit commerçant de brousse qui ne sait pas que le prix de vente doit être supérieur au prix d’achat ? Ainsi, pensant faire une bonne affaire, il achète à crédit un sac de riz à 10.000 fr. et le revend au détail au prix officiel ; il a ainsi perdu 2.000 fr., mais son affaire marche puisque tous les jours il a dans sa bourse l’argent de la vente de la journée qui lui permet d’acheter la kola ou son tabac. Il s’enfonce de crédit en crédit jusqu’à la misère. Trop souvent dans nos sociétés : 2+2 font 3 ; 2+2 font 5 ; mais rarement 4 d’où la grande difficulté de progrès économique de beaucoup de petits commerçants et même de beaucoup de sociétés.

Comment un citoyen peut-il se sentir concerné par son pays : vote, démocratie, versement des impôts, s’il ne connaît pas la géographie de son pays et l’histoire de sa race et de son pays ?

L’alphabétisation des populations (alphabétisation des adultes et scolarisation des jeunes) est un facteur important pour la vie d’un pays et pour un développement d’une population répondant à l’aspiration qu’a tout homme d’être un homme fier de vivre de ses œuvres.

Fonçage d’un puits

Opération creusage : Lorsque le creusage est assez avancé et que l’on est sûr d’un apport d’eau suffisant, on coule les buses en surface : hauteur 0,5 m ; diamètre 1,20 m. (La hauteur de 0,5 m a été volontairement choisie pour faciliter la manipulation des buses par des manœuvres bénévoles non expérimentés).

Ici, dans sa phase finale, les buses vont être descendues une à une et placées correctement dans le puits. Pour éviter tout accident, il n’y a personne dans le puits lorsque l’on descend une buse, le puisatier descend à chaque fois pour placer la buse correctement.

Manœuvres bénévoles envoyés par le village : Le village participe au fonçage du puits de la manière suivante :

  1. Cotisation en argent qui varie de 50.000 fr CFA à 100.000 fr CFA et plus quelquefois, selon les moyens des villageois.
  2. Le village s’engage à loger et à nourrir les trois puisatiers professionnels.
  3. Le village s’engage à amener à proximité du puits : le sable, le gravillon, et les pierres nécessaires au busage des puits.

Opération : descente des buses :

  1. Une buse a été descendue à l’aide du treuil fixé sur une chèvre,
    Le câble tendu supporte encore la buse qui a été descendue.
  2. Le puisatier s’apprête à descendre pour placer la buse d’une manière définitive, la buse sera callée et fixée pour supporter les 10 ou 20 ou 30 buses et plus qui doivent assurer la bonne finition du puits.

Opération importante qui engage la fiabilité de l’exploitation du puits : durabilité…..

Descente du puisatier : Le puisatier est descendu à l’aide d’une corde de diamètre assez conséquent pour assurer une bonne prise manuelle, cette corde relayée par une poulie de sécurité et dont la vitesse de descente est assurée par un tour mort à un des piquets de l’installation, assurée par le village pour le fonçage du puits.

En général, dans la région la nature du terrain nous permet de creuser jusqu’à atteindre l’eau sans risque d’éboulement. Les buses ayant été coulées en surface, de dimensions moyennes, elles peuvent être amenées vers le puits par quatre manœuvres sans trop de difficultés. Poids d’une buse de cette dimension : à peu près 500 à 700 kg.

La buse étant placée au-dessus du puits sur des madriers, est accrochée au câble du treuil. Le treuil levant légèrement la buse libère les madriers qui peuvent être retirés. La buse peut alors être descendue au fond du puits (par mesure de sécurité, il n’y a personne dans le puits. Voir « opération creusage »). Entre la buse et la paroi du puits, des pierres de petites dimensions sont glissées afin d’assurer le calage de la buse, d’une part, et de servir de filtre, d’autre part.

Exploitation des puits Besoins familiaux : Depuis des temps lointains, les populations de notre région trouvaient dans un environnement proche de leur village : des mares d’eau ou bien des trous d’eau aménagés par leurs soins pour subvenir à leurs besoins ménagers. Depuis une décennie ou deux, la pluviométrie ayant diminué dans ces secteurs, beaucoup de ces points d’eau traditionnels ont disparu. A la suite de cette contingence climatologique, les populations étaient astreintes à faire plusieurs kilomètres à pieds, avec des bassines sur la tête pour s’approvisionner en eau ; d’où l’urgence de ce programme de fonçage de puits dans notre secteur.

Lutte contre les maladies : Dans ces points d’eau traditionnels, ce ne sont pas seulement les humains qui venaient prendre l’eau, mais également les animaux sauvages et les animaux domestiques. Et la plupart des êtres humains, quand ils boivent de l’eau, éprouvent l’envie de satisfaire leurs besoins, ce qui fait que ces eaux étaient polluées à un haut niveau. A la suite de cela, nos populations étaient atteintes de beaucoup de maladies assez graves. Pour n’en citer que quelques-unes : bilharziose, dysenterie, fièvres diverses, etc…

Avec le fonçage des puits :

  1. les populations trouvent de l’eau à proximité : donc plus de propreté et moins de fatigue ;
  2. les populations sont moins atteintes par les maladies transmises par l’eau polluée.

Matériel de puisage : une corde en fibre végétale, poulie et vieux bidon.

Besoins pastoraux : Pour des raisons climatiques, les points d’eau naturels ayant disparu ou s’étant raréfiés, les animaux domestiques n’ont plus trouvé ce qu’il fallait pour étancher leur soif. Beaucoup ont dépéri et un grand nombre est mort..

Dans certains cas extrêmes, des villageois ont dû émigrer avec leurs troupeaux ; ce qui n’a pas toujours résolu le problème pour certains animaux domestiques vivant en liberté : tels que les caprins et les ovins.

Un animal qui n’est pas nourri par l’homme, comme c’est le cas dans nos régions en ce quiconcerne le petit bétail, trouve dans la nature –même en saison sèche- les différentes plantes qui lui sont nécessaires pour son équilibre alimentaire sur un circuit de plusieurs kilomètres autour du village. Si le petit troupeau familial est transféré dans un autre endroit inconnu, en raison de la sécheresse, il dépérit parce qu’il ne connaît pas les endroits où trouver les plantes nécessaires à son équilibre alimentaire

Le cas du porc-épic est significatif. Cet animal, dont le goût est très fin, se nourrit chaque nuit de quarante espèces de racines de plantes différentes ; on peut aisément suivre son parcours car il ne termine jamais une racine entièrement, il y revient la nuit suivante, et c’est ainsi pour chaque espèce de racine.

Maraîchage : La plupart du temps, lorsqu’un puits est en exploitation, les villageois se mettent spontanément à faire du maraîchage. Maraîchage qui se faisait traditionnellement autour des points d’eau, mais ces derniers s’étant raréfiés ou même ayant disparu, les villageois ont reporté autour des puits leur aire de maraîchage. L’eau est plus proche et plus abondante ; ce qui leur a permis d’augmenter très sensiblement la superficie attribuée à leurs cultures. Le nombre de maraîchers a sensiblement progressé dans les villages en raison de l’abondance de l’eau, de la facilité et de la simplicité du puisage.

CONSEQUENCES

Un équilibre alimentaire amélioré. Le maraîchage permet d’améliorer la qualité de la nourriture dans chaque foyer, sans grever le petit budget familial ; il permet un apport vitaminique important pour la santé de tous : un organisme bien alimenté est mieux en mesure de lutter contre les maladies.

Un revenu familial amélioré : Pour subvenir aux besoins alimentaires de la famille, le jardin est d’un apport substantiel, donc économie dans la dépense alimentaire. D’autre part, le surplus de la production est vendu sur les marchés locaux, ce qui améliore le budget financier de la famille.

Avec la vente de la production de leur jardin, beaucoup ont pu s’acheter différentes choses pour les besoins de la famille : j’ai même rencontré une veuve qui s’était acheté une vache avec le produit de son jardin….