Armel Duteil

Prisons




Vous pouvez trouver des renseignements sur le travail concret dans les prisons de Dakar en consultant les nouvelles à partir d'octobre 2011: 25 et 27 octobre, 19 et 25 novembre, etc.




Les actions prévues pour les autres prisons de l’archidiocèse de Conakry.

Historique

Une aumônerie est organisée est fonctionne très bien sous la direction du Père Roberto MAZZOCCO , grâce à lac collaboration entre plusieurs structures caritatives : paroisses, SOS MINEURS EN PRISON, Sœurs de la Charité (Mère Theresa), Scouts , Communauté Sant’ Egidio, Légion de Marie, et autres chrétiens volontaires dans cet apostolat auprès des détenus de toutes catégories. L’aumônerie travaille en coordination avec les autres organisations présentes : Croix Rouge, M.S.F, ONG Même Droits pour Tous….

Les activités de l’aumônerie portent essentiellement sur : présence et soutien aux prisonniers et à leurs familles, visites, distribution de nourriture et médicaments, écoute éducation humaine et religieuse, catéchèse (pour les chrétiens), alphabétisation etc.

Il faudrait élargir cette action aux autres prisons du diocèse, en mettant en place une aumônerie du même type adaptée aux réalités locales de chaque prison.
pour cela, il faudrait organiser une rencontre de réflexion et de formation, en partant de l’expérience de Conakry.

Que faire ?

Il s’agirait de faire venir trois (3) laïcs par ville, volontaires pour intervenir à la prison, avec un prêtre aumônier pour chercher avec eux les activités à mener afin d’atténuer les souffrances des détenus et leur redonner le goût de la vie.

Une fois ces activités lancées, des rencontres régulières.

Les temps sont durs et les souffrances que subissent les populations ne sauraient être ignorées par l’Eglise dont la mission est d’accompagner car la gloire de Dieu, c’est l’Homme vivant.

La Guinée vit depuis quelques années une situation chaotique qui fragilise davantage les pauvres.

L’Eglise, à travers ses œuvres peut proposer des solutions, et l’apostolat dans les prisons, est l’une de ces solutions indispensables à la survie des populations.

Budget pour la formation des Animateurs de prison / Voir détail en annexe



Désignation


Nbre de personnes


P.U.


Nbre de jours


Montant

1

Transport

36

480.000


3.840.000

2

Hébergement

36

35.000

2

1.260.000

3

Nourriture

40

35.000

2

2.460.000

4

Honoraires des Formateurs

3

50.000

2

300.000

5

Fournitures

36

64.000

2

99.200


Total général


614

2

7.759.200




Réflexions sur le travail pastoral dans les prisons (L35 - 5/4/2008)

L’état fait déjà beaucoup de choses : c’est important de le reconnaître et de soutenir ce qui se fait déjà, tout en cherchant à l’améliorer. Il y a aussi beaucoup d’intervenants : il est important de les connaître et de travailler en coordination avec eux. Tout en veillant à ce que l’administration ne se décharge pas sur eux de ses responsabilités, ou ne cherche pas à en profiter (détournements…). Ainsi, pour la libération des prisonniers, il y a le CICR (Croix rouge), « même droits pour tous », etc…Il faut réfléchir avec eux : par exemple on ne peut pas donner de l’argent au greffier ou au régisseur pour faire libérer des personnes sur lesquelles la justice n a pas encore statué ou qui n’ont pas terminé leur temps de détention, même si nous pouvons trouver de l’argent pour cela. Notre travail c’est d’améliorer les conditions dans lesquelles la justice est exercée.

Au niveau des groupes catholiques : Il est nécessaire de s’organiser et de coordonner les actions. On a l’impression que chacun intervient comme il veut, sans tenir compte des autres. D’abord, il y a des réunions de coordination s’adressant à tous, organisée par le CICR : il est important d’y participer.

Ensuite, l’aumônerie de la prison se met peu à peu en place : il faudrait que chaque jour quelqu’un soit présent à la prison pour voir ce qui s’y passe, le soutenir ou si nécessaire, intervenir : par exemple quand il y a distribution de nourriture pour qu’elle ne soit pas détournée. Nous n’avons pas à commander la prison, mais nous avons le droit de voir ce qui s’y passe. Et le devoir de faire réfléchir les gens qui y travaillent et de chercher à en améliorer les structures. Dans le sens du sel de la terre et de la lumière du monde (Mat 5, 12). Il n’est pas exclu qu’au nom de l’Eglise catholique, la commission fasse une déclaration sur le fonctionnement de la justice en général ou sur ce qui se passe à la prison en particulier. Il faudrait donc trouver 3 ou 4 personnes volontaires pour venir à tour de rôle un jour par semaine. Si possible, n’habitant pas trop loin, à cause du coût des transport : paroisse de St Joseph ou Cathédrale. Il faudrait récupérer notre local pour cela. Mais surtout, il s’agit d’assurer une animation dans tous les domaines à l’intérieur même des « cales » (chambrées) : alphabétisation, catéchèse, formation religieuse ouverte à tous, chorale, projections et discussions pour apporter une ouverture d’esprit et une réflexion et aider les prisonniers à sortir de leurs problèmes.

Pour la santé, le responsable au niveau de la prison est un infirmier militaire (ce qui lui donne une certaine autorité) chrétien. . Il serait donc souhaitable de le soutenir et de lui donner les moyens de travailler, plutôt que chaque groupe mène son action à part et sans coordination. On va contacter également le directeur de l’université, pour voir si des étudiants en médecine stagiaires ne seraient pas intéressés pour venir travailler à la prison, ce qui serait très utile pour leur propre formation.

Pour la bonne réputation de l’Eglise et le bien des prisonniers, il serait souhaitable que les différents groupes et personnes chrétiens qui interviennent coordonnent davantage leur action. Il n‘est pas question de leur imposer quoi que ce soit et il est nécessaire de respecter la vocation et les orientations de chaque groupe. Il s’agit de mieux travailler ensemble, en Eglise, pour le plus grand bien des prisonniers. C’est pourquoi, nous allons chercher à recenser ces différents groupes et personnes et leur proposer une reconnaissance ecclésiale, pour clarifier les choses. A la suite de cela, on pourra prévoir des rencontres de coordination ou au moins d’information, par exemple pour des questions spécifiques comme par exemple la santé ou la libération des prisonniers ou pour des temps forts comme Noel et Pâques. Pour cette reconnaissance ecclésiale, il y aurait un certain nombre de conditions et exigences, comme par exemple 1) accepter de collaborer avec les autres groupes, même non catholiques, travaillant sur les mêmes questions, 2)informer l’aumônerie 3) chercher à partir de là à mieux faire fonctionner les structures de la prison 4) participer à des rencontres d’information mutuelle et d’harmonisation

Nous envisageons une rencontre de toutes les personnes intervenant dans les différentes prisons de l’Archidiocèse, pour un partage d’expériences et un meilleur apostolat. Veuillez déjà nous envoyer un compte-rendu de ce que vous faites et mettre en place une équipe avec des laïcs, si elle n’existe pas encore.




Le travail à la prison

De nombreux groupes interviennent à la prison, à tous les niveaux (voir les comptes rendus des réunions des Commissions diocésaines de Pastorale Sociale). L’Evêque a nommé un aumônier de la prison de Conakry, le Père Roberto. Il reste maintenant à organiser les différentes activités et à coordonner l’action des intervenants, chrétiens d’abord, laïcs et officiels ensuite, ce qui n’est pas un mince travail, car chaque organisation a tendance à vouloir travailler de son côté et surtout sous sa propre étiquette pour se faire valoir. Il faudra donc beaucoup de doigté et de diplomatie pour arriver à cette coordination.

Dans les autres villes du pays, les prêtres de paroisse visitent les prisonniers régulièrement et aussi des groupes comme la Communauté Sant Egidio. Ils apportent aux prisonniers soutien moral, vêtements et nourriture mais nous voudrions aller plus loin. C’est pourquoi nous avons en vue la formation d’animateurs de prison dans toutes les villes où il y a une prison : une équipe de laïcs formés qui pourraient répondre aux différents besoins des prisonniers et mobiliser d’autres personnes autour d’eux.




Sessions de formation d'animateurs de prison

La première session a eu lieu à LAMBANY, du 13 au 15 Février 2009 ; la deuxième, à NGON IA, du 15 au 17 Mai ; la troisième, à BROUADOU, du 26 au 28 Mai.

Nous avons suivi le même programme. Nous avons utilisé les méthodes actives et participatives. En plus des représentants des différentes paroisses, nous avons eu des représentants de la Société civile, des Juges et des Avocats et des membres des différentes associations et ONG intervenant dans les prisons, comme par exemple M.D.T. (Mêmes Droits pour Tous), ou Sant Egidio, et aussi les scouts, les Sœurs de Mère Térésa, le dispensaire St Gabriel, etc.. qui sont intervenus et ont apporté leurs témoignages, ainsi que les éducateurs de SOS-Mineurs et du Foyer de l’Espérance. Les animateurs ont été : le père Armel DUTEIL, responsable de la Pastorale sociale, le père Roberto MAZZOCCO, aumônier de la prison centrale de Conakry, et M. Emile SAVOEDA, responsable de SOS-Mineurs.

Différents aspects ont été abordés : Prévention, détention, réinsertion et suivi à la sortie. La question des enfants a été spécialement abordée : suivi des enfants dans les quartiers et les commissariats par des éducateurs, à partir du Foyer de l’Espérance par des éducateurs. A la prison, soutien et appui éducatif dans un quartier à part (quartier des mineurs), avec des ateliers (formation professionnelle et alphabétisation). A la sortie, retour en famille, placement ou prise en charge au Foyer, apprentissage ou scolarisation, etc…

Les différents aspects de la question ont été analysés :

  • les conditions de vie à la prison (nourriture, hygiène, santé, …)

  • la vie sociale et la protection des prisonniers

  • la protection juridique et le droit à un jugement équitable et rapide

  • le travail avec les régisseurs et les gardiens

  • les relations avec les différents membres de la Justice

  • le soutien psychologique et moral

  • l’éducation, y compris l’éducation religieuse, et la formation

  • le suivi des femmes en prison

  • la sortie de prison et la réinsertion.

Nous avons analysé nos stratégies et réfléchi à nos façons de faire, en particulier face à la violence et à la corruption (détournement de la nourriture ou des médicaments, etc.).

Actuellement, dans chaque Préfecture, les participants à ces formations ont commencé à mettre en place une équipe d’éducateurs de prison.


Aumônerie des prisons de liberté

I - Notre mission à la Prison :

1) Une réponse à un appel et un envoi du Christ :

« J’étais en prison et vous m’avez visité ».

  • La personne rencontrée est créée à l’image et à la ressemblance de Dieu

  • La personne n’est pas sa faute, elle est plus que sa faute.

  • Après l’écoute, on se rend compte que le détenu n’est pas totalement responsable de la faute qu’il a faite. La famille et la société sont impliquées elles aussi.

  • La prison doit être un lieu de conversion et d’éducation, pas un lieu où on fait souffrir les prisonniers,

Une présence : quitter quelque part, quelque chose, soi-même

Pour aller vers les autres.

Une présence qui suppose une fidélité.

Offrir une amitié : avoir pour tout homme une vraie charité.

Apporter du soutien à des blessés et laissés pour compte - spirituel - moral- affectif- matériel

Aider les détenus à s’assumer en quoi faisant

  • reconnaître leur faute

  • ne pas se culpabiliser

  • ne pas désespérer : un avenir radieux est toujours possible

  • croire toujours en l’Amour Miséricordieux du Seigneur qui se moque du jugement

  • leur faire rencontrer leurs familles et leurs victimes pour une éventuelle réconciliation.

2) Une mission qui demande

  • une grande disponibilité

  • une fidélité

  • une qualité d’écoute

  • un cœur compatissant

  • une grande discrétion

  • une profondeur spirituelle

  • du discernement

3) principes de la pastorale 

  • connaître le milieu de la prison

  • connaître la situation des prisonniers pour mieux les accompagner

  • connaître les règlements et les lois pour pouvoir travailler avec les agents de la prison et les prisonniers

4) les étapes

  • Tout faire pour éviter les crimes : la prévention par l’éducation

  • Assurer une prise en charge totale du prisonnier aux niveaux physique, judiciaire, psychologique, moral et spirituel.

  • Aider à la réinsertion : à préparer à l’avance : liaison avec la famille

  • Faire une justice réparatrice : demander pardon à celui qu’on a fait souffrir

II - Comment sommes-nous organisés ?

  • Les jours d’intervention

    • chez les dames : Vendredi, de 9 heures à 10 h 30 et Samedi, de 10 h à 12 heures.

    • chez les hommes : Jeudi, de 10 h à 12 heures et Samedi, de 10 h à 12 heures.

  • Le contenu : laissé à la libre initiative des groupes, étant souhaité le fait d’éviter la routine.

  • Les Commissions de travail au sein de l’équipe des visiteurs, pour une prise en charge totale du détenu :

    • Assistance judiciaire : Anna DAGBA, Philomène FAYE, Marie-Odile CISSE

    • Assistance matérielle socio-économique : Ange MOREIRA, Eléonore NDEYE, Simon CORREA

    • Assistance spirituelle : Abbé Adrien SARR, P. THIBAULT

    • Réinsertion : Sœur Jeanne Diba Ndene , Emilie DIENE, Francisca DIATTA, Notercia CORREA

    • Formation continue des acteurs de l’apostolat : Hélène D. FAYE, Père Armel. : Une demi-journée de formation tous les deux mois 

Voir les Comptes-rendus de la session de Mbour (3-4/12/2010) et de la Rencontre Internationale de la Pastorale des Prisons.de Yaoundé (26/8 au 1/9/2011)


La maison d'arrêt et de correction de Rebeuss

Un enfer pour plus d'un millier de détenus

Seneweb NewsLetter

source: Journal Le populaire du 21 Juillet 2011

Avec une capacité d'accueil de 1600 détenus répartis en 43 chambres, la Maison d'arrêt et de correction de Rebeuss dépasse de loin cet effectif, avec des prisonniers qui s'entassent dans les chambres comme des sardines. Des conditions inhumaines par lesquelles la société leur fait payer des fautes que certains détenus nient avoir jamais commises.

Un autre monde à l'intérieur de Dakar, c'est ce qu’est véritablement la Maison d'arrêt et de correction de Rebeuss. Les longs murs blancs surmontés des barbelés témoignent que l'endroit est différent des autres et qu'on est bien dans le «domicile» des privés de liberté, lieu communément appelé 100 mètres carrés. De loin, on aperçoit le mirador. À l'entrée principale règne un silence d'enterrement, des gardes pénitentiaires surveillent tout. À l'intérieur, une porte de couleur verte mène au premier bâtiment où se trouvent le parloir, le secrétariat et le bureau du Directeur. Jusque-là on ne voit point de détenus. Quelques pas de plus et s'ouvre une autre porte de même couleur. Difficile de la franchir car elle met en contact direct avec le prisonniers. Dans cette cour où se trouvent le bureau du chef de poste et l'infirmerie, certains prisonniers forment de petits groupes et discutent entre eux. D'autres, par contre, se tiennent debout et nous regardent avec méfiance. Des va-et-vient s'intensifient à l'intérieur. Avec une chaleur insupportable, la chambre 4 est ouverte. Plus d'une centaine de détenus de tous âges y sont entassés comme dans des boîtes de sardines. Les six plafonniers ne servent visiblement à rien. Une chaleur intenable règne dans la chambre qui n'a rien à envier à une chaudière. En sueur, ils sont en général torse nu, tenant des morceaux de carton en guise d'éventail. Difficile de respirer dans cet endroit avec l'air qui n'y pénètre pas,surtout en cette période de canicule. 
Les petites fenêtres servent de dépôt de sachets, d'habits et de bouteille d'eau. On se croirait dans un camp de réfugiés tant le nombre de prisonniers dans cette seule chambre est pléthorique. Le regard incertain, une tristesse mêlée d'une souffrance atroce se lit sur les visages. Difficile au plus grand stoïque de rester imperturbable devant ces gens. Noircis, les yeux rouges, c'est de beaucoup dont ils sont privés.  
Pendant que certains prennent de l'air dans la cour, d'autres attendent dans les chambres, par mesure de sécurité. La section suivante offre le même décor. Détenus de toutes les nationalités se partagent la cour. Chacun essayant de se détendre à sa manière et de tuer le temps qui semble aller à reculons. Les uns lisent des journaux, les autres causent autour d'un fourneau avec une théière Dans cette section, les chambres sont plus aérées. Les uns lavent leurs habits sales. Les fils à linge débordent d’habits. Certains étalent même leurs vêtements par terre.
À l'approche, ils vous prennent tous pour quelqu'un venu à leur aide. De ce fait ceux qui sont dans les chambres regardent à travers les grilles de leurs portes et se font entendre. «Je ne suis pas encore jugé», «je suis malade», «nous sommes des citoyens comme tous», «qu'on nous juge ou qu'on nous laisse partir», tels sont les propos qu'ils lancent de manière désespérée. 
L'attention du visiteur ne peut ne pas ne pas être captivée par les problèmes de dents que traîne l'essentiel des détenus. Difficile d'en voir un qui ne soit édenté. Une identité commune aux détenus qui est tout sauf un hasard. Selon le médecin major Joseph, les dispositions sanitaires aussi posent problème. Le médecin major de l'infirmerie Joseph Awansou explique ces soucis dentaires par le manque d'hygiène. Une pathologie qui avec les problèmes cardiovasculaires, dermatologiques, les vertiges, troubles du comportement sont celles pour lesquelles il dit recevoir tous les jours 200 détenus. Pour leurs évacuations, les détenus souffrent à cause du manque d'ambulance. 
Tant bien que mal, la Maison d'arrêt s'essaie aussi à préparer aux détenus une réinsertion. Au niveau de l'espace socio-éducatif, se mènent ainsi des activités comme la couture, la peinture et l'alphabétisation. 

Confidences de détenus

Des histoires plus poignantes les unes que les autres 
Entassés dans des chambres, les détenus de la Maison d'arrêt et de correction de Rebeuss vivent le martyre. Une surpopulation inimaginable rend les conditions de vie à l'intérieur insupportables. Mamadou Bâ est pensionnaire à la cabine 2. Il regarde les passants, à travers les grilles de sa porte et ne manque pas nous aborder. 
«Je suis dans cette prison depuis janvier 2006. J'attends toujours un jugement, je n'ai pas d'avocat non plus». Ayant perdu ce qu'il avait de plus cher, il confie, «ma femme est morte et mes enfants sont tous dispersés». 
Sur les raisons qui l'ont conduit en prison, il dit : «on m'a accusé de complicité de meurtre». Chose qu'il nie catégoriquement. «Dieu sait que je suis innocent», martèle-t-il. Selon lui, «les conditions sont difficiles. Les chambres sont étroites». D'où son appel au secours : «il faut qu'on nous vienne en aide». 
Ibrahima Bâ, un détenu plus âgé, vient de finir son linge. Il confie : «Je suis ici depuis 1999. Je m'étais bagarré avec mon jeune frère et c'est ce qui m'a conduit ici. Ma soeur avait engagé un avocat pour ma défense. Il vient ici, mais je ne le vois pas». Fataliste, il lance : «C'est difficile de vivre dans une prison, mais moi je n'ai pas de problème spécial. Je me suis habitué à la vie carcérale». 
Dans le même registre, Mody Ndiaye soutient avoir perdu ses parents et dit ne pas avoir de moyens pour se payer un avocat. «Mes parents sont décédés, je n'ai pas de numéro pour joindre mes frères. Je suis ici pour des histoires de bagarre. Les conditions sont mauvaises ici. Nous sommes entassés dans les chambres. La nourriture n'est pas bonne. Les conditions d'hygiène aussi font défaut. On a vraiment besoin d'aide». 
Dans la chambre 4 où l’on se croirait dans un véritable camp de réfugiés. Ira Terry, d'origine malienne, explique sa souffrance : «Quand les policiers m'ont pris, ils m'ont frappé et depuis j'ai des problèmes cardiovasculaires. Je n'ai pas encore été jugé et je souffre atrocement». Il soulève son T-shirt et nous montre ses blessures. Dans la Maison d'arrêt et de correction de Rebeuss, les histoires des détenus sont diverses. Dans une chambre obscure débordant de prisonniers, Issa Coly confie : «je suis ici depuis 2008. Je n'ai pas d'avocat. Nous vivons l'enfer ici. Tout ce vous pouvez imaginer comme souffrances. Loin de nos familles, on doit nous juger pour qu'on sache nos sort». 

Situation carcérale des détenus à Rebeuss

Les jeunes avocats parlent de conditions «inhumaines»

Les conditions dans lesquelles vivent les détenus au niveau de la Maison d'arrêt et de correction de Rebeuss indignent l'Association des jeunes avocats du Sénégal (Ajas). Dans le cadre de la semaine d'activités qu'elle organise, l'association a rendu visite aux détenus de Rebeuss, hier, pour s'enquérir de leur situation. «Nous avons été tous impressionnés, à la limite atterrés par cette situation inhumaine de détention» dit Me Antoine Mbengue, président de ladite association. 
Guidée par le directeur de la prison, la délégation d'avocats et la presse ont fait le tour des lieux en visitant les différentes sections. «Nous avons démarré ce matin des activités à caractère social. Et ça nous rappelle notre mission en tant que jeunes avocats, premiers défenseurs des droits», ajoute-t-il. Promettant assistance aux détenus, il indique : «Nous allons recenser l'ensemble des noms des détenus qui sont là depuis de longues années, ensuite voir quelles sont les raisons, puis vérifier s'ils ont des avocats et au besoin voir comment en mettre à leur disposition pour qu'ils défendent leur cause». Des fiches vont être laissées au niveau de la Maison d'arrêt pour permettre à tous ceux qui le désirent de s'inscrire et l’Ajas va repasser les récupérer, souligne Me Mbengue. 

Le président de l'Ajas ne manque pas de dénoncer le comportement de certains de ses confrères. «Je ne cautionne pas un avocat qui ne voit pas son client, qui ne s'active pas pour le faire sortir de prison. Il faut prendre des sanctions contre ces confrères. Même sans avocat ni moyens, Ajas mettra gratuitement à la disposition des détenus les moyens pour être défendus» soutient-il. Il va même jusqu'à suggérer qu’il faille «donner la liberté provisoire à certains détenus».

Emmanuel Salif Ngom, directeur de la maison d'arrêt de la maison d'arr et de correction de Rebeuss: «La Justice ne fonctionne pas comme il le faut»  

La population carcérale croît de façon exponentielle à la Maison d'arrêt et de correction de Rebeuss. Et c'est une situation que déplore le Directeur de ladite prison, Emmanuel Salif Ngom. «La justice ne fonctionne pas comme il le faut», se désole-t-il. «En raison des mouvements qu'il y a eu au niveau des travailleurs de la justice, il y a beaucoup de renvois. Ce qui fait que les détenus s'entassent. Avec la surpopulation, il est difficile d'entreprendre quoi que ce soit en termes de sécurité et d'hygiène». À cela s'ajoute, selon lui, «le problème de la vétusté des locaux. Ils datent de longtemps. Il faut procéder à des travaux de réaménagement». «Le problème essentiel auquel nous sommes confrontés est le surpeuplement carcéral» dit-il. 

Auteur:  Awa DABO (Stagiaire)   


Camp pénal des hommes -Liberté 6

Aumônerie Catholique

Thème des rencontres du 4ème trimestre 2011 – Les samedis de 10h à 12h

  • 19 novembre : La vie à la prison : comment nous entr’aider : P. Armel

  • 26 novembre : Les droits des prisonniers : le droit à une nourriture décente et le droit à la santé : Hélène Faye

  • 3 décembre : La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : Adolf Msoka

  • 10 Décembre : Les droits des prisonniers : droits aux visites et au respect de sa dignité Hélène Diouma Faye

  • 17 décembre : La vie à la prison : La foi et la prière : P. Armel

  • 26 décembre : Célébration de Noel Messe : P. Armel

  • 31 décembre : Message du pape pour la Journée de la Paix : Hélène Diouma Faye

N.B : Possibilité de parler avec un prêtre et de se confesser à chaque fois

Bienvenu à tous.


Compte rendu de la réunion des membres de la pastorale des prisons zone liberté 6

Le mardi 25 Octobre 2011 à 17h, une réunion des membres de la pastorale des prisons zone liberté 6 a été convoquée et présidée par l’aumônier des prisons de ladite zone, l’abbé Adrien SARR. Cette rencontre a eu lieu dans a la salle « Jean Paul 2 » de la paroisse des martyrs de l’ouganda. Etaient présents : L’abbé Adrien SARR, Père Armel DUTEIL, Père Thibault de PONTBRIAND, Marie Clémance MENDY, Hélène Diouma FAYE, Clotilde THIOMBANE, Mireille GARCIA, Séga BASSE , Simon Gomis CORREA, Marie Geneviève NDOUR, Laure Barry DIA, Françoise Ivonne SARR DIOUF, Anna Sarr DAGBA, Maria Natercia CORREIA, Francesca Diatta DELGADO, Thérèse BADIANE, Elisabeth GOMIS, E, léonore NDEYE, Philomène SENE FAYE

1) Ordre du jour : Qui sommes nous ?

La pastorale des malades ; membre des commissions liturgique et formation ;

  • Mme Philomène SENE FAYE, légionnaire de Marie à la paroisse des martyrs de l’ouganda, intervient dans la pastorale des prisons et assiste l’abbé Adrien pour le secrétariat des pastorales, membre de la commission judiciaire ;

  • Mme Clémance MENDY : légionnaire aux martyrs, intervient dans la visite au Fort prison des jeunes) où elle assure la catéchèse et anime des causeries pour les enfants qui y sont détenus ;

  • Mme Hélène Diouma FAYE : membre de la Commission Justice et Paix à la paroisse saint Paul de Grand Yoff ; animatrice des causeries dans les différentes maisons d’arrêt ; membre de la commission formation continue ;

  • Mme Mireille GARCIA : légionnaire au martyr ;

  • Mme Clotilde THIOMBANE : légionnaire de Marie à la paroisse saint Charles de Gorée

  • Mr Séga BASSE : sympathisant de la communauté Point cœur , intervient dans les visites aux maisons d’arrêt de liberté 6 ;

  • Père Thibault de PONTBRIANT : membre de l’association Point cœur : intervient à la maison d’arrêt pour femmes et à la maison d’arrêt pour hommes où, avec les membres de son groupe, ils apportent un soutien spirituel aux détenus ; membre de la commission spirituelle ;

  • Père Armel DUTEIL : père spiritain nouvellement affecté à la paroisse Saint Paul de grand yoff, va rejoindre le groupe des visiteurs de prison : a déjà une expérience sur cette pastorale puisque l’ayant pratiqué en Guinée. L’abbé Adrien précise par ailleurs que nous comptons sur son expérience puisqu’il a écrit beaucoup de livres et a mis en place la commission « Justice et Paix » en Guinée. Il va renforcer l’équipe chargée de la formation ;

  • Mr Simon Gomis CORREA : paroissien des martyrs et président de l’association « Tendre Enfance » : intervient à la maison d’arrêt pour femmes de liberté 6 et de Rufisque, membre de la commission socio-économique et financière ;

  • Mme Maria Natercia CORREIA : légionnaire aux martyrs : intervient à maison d’arrêt pour femmes de liberté 6, membre de la commission réinsertion ;

  • Mme Francesca DIATTA : légionnaire aux martyr, intervient à la maison d’arrêt pour femmes de liberté 6, membre de la commission réinsertion ;

  • Mme Eléonore NDEYE : légionnaire aux martyrs, secrétaire du commissium de la légion de Marie, intervient dans la visite à la maison d’arrêt pour femmes de L.6, membre de la commission socio-économique et financière ;

  • Mme Elisabeth GOMIS : légionnaire aux martyrs, intervient au camp pénal hommes,

  • Mme Anna Sarr DAGBA : légionnaire au martyrs, assure la visite au camp pénal hommes, membre et responsable de la commission judiciaire ;

  • Mme Mireille GARCIA : légionnaire au martyrs,

  • Mme Laure Barry DIA : membre de la communauté « Arbre de vie »

  • Mme Thérèse Badiane DIOP : légionnaire à Sainte Thérèse : intervient à la maison d’arrêt pour femmes de liberté 6 où elle dispense la catéchèse ;

  • Mme Marie Geneviève NDOUR : légionnaire à la paroisse saint Paul de grand yoff.

A la suite de cette identification de chacun des membres présents, l’abbé Adrien rappelle que notre mission découle d’une injonction du Christ qui a dit « J’étais en prison et vous m’avez visité » (mt 25,36-45). Il fait remarquer que rien ne vaut une présence, une fidélité. Nous devons avoir une vraie charité pour tout homme. Nous sommes là pour soutenir des personnes blessées et nous leur apportons un soutien spirituel, moral, affectif, matériel et judiciaire. Nous voulons les aider à s’assumer en les aidant à reconnaître leurs fautes et en les aidant à ne pas se culpabiliser, à ne pas désespérer, à croire en l’amour miséricordieux du Seigneur. Nous devons les aider à rencontrer leurs familles et leur victime pour une justice réparatrice. Cette mission demande une grande disponibilité, de la fidélité, une qualité d’écoute, un cœur compatissant, une profondeur spirituelle et surtout une grande discrétion, poursuit-il. Nous y allons au nom de Jésus Christ, alors prenons le temps de nous préparer spirituellement avant chaque mission, prions avant d’y aller, recommande t-il.

2) Comment sommes nous organisés ?

A la maison d’arrêt pour femmes les visites ont lieu le Vendredi de 9h à 10h30 et le Samedi de 10h à 12h. L’équipe qui allait chez les dames était constituée par la sœur Maria Johanita (retournée aux philippines) en compagnie de madame Thérèse Badiane ainsi que des légionnaires pour la journée du vendredi et pour le samedi nous avons le groupe point cœur et monsieur Paul Simon CORREA ;

A la maison d’arrêt pour hommes les jours de visites sont le Jeudi de 10h à 12 h et le Samedi de 10h à 12h. Un jeudi sur deux l’équipe constituée par l’aumônier l’abbé Adrien et des légionnaires alterne avec le groupe point cœur, et les visites du samedi seront assurées par le père Armel et Adolf Msoka, un étudiant spiritain de Tanzanie, et les membres de la commission Justice et Paix de saint Paul de grand yoff

Pour ce qui est du contenu, il a été laissé à la libre appréciation de chacune des équipes ; cependant, nous devons éviter l’improvisation. Lors de la session tenue à Mbour sur la pastorale des prisons, une prise en charge totale du détenu avait été préconisée. Des commissions avaient été constituées pour un bon suivi ; cependant, force est de noter qu’elles n’ont pas vraiment fonctionné hormis la commission judiciaire.

Par ailleurs, la question de la remplaçante de la sœur Johanita a été soulevée. A cet effet, l’abbé Adrien demande que l’on se rapproche des sœurs du Bon Pasteur pour être informé. Par ailleurs il est à noter que le père Armel parle aussi bien anglais et ouolof qu’espagnol et pourra combler ce vide laissé par la sœur Johanita pour ce qui concerne les barrières linguistiques. Il a été demandé aux nouveaux membres adhérant, de voir quelle commission ils veulent intégrer et de le communiquer à la secrétaire Mme FAYE. L’abbé Adrien annonce que le père Armel intègre la commission de la formation et organisera en temps opportun des rencontres.

Pour ce qui concerne la formation des membres, le père Armel demande que ces derniers proposent le domaine dans lequel ils souhaiteraient approfondir leurs connaissances. Dans le même ordre d’idée, l’abbé Adrien demande aux uns et aux autres de s’imprégner de l’internet pour s’informer et se documenter.

3) Compte rendu sur le 13ème congrès mondial de la CICPP

Lors de cet important congrès de la Commission Internationale Catholique pour la Pastorale des Prisons organisé à Yaoundé du 27 Août au 1er Septembre 2011, en coopération avec le SCEAM (Symposium de la Conférence Episcopale sur l’Afrique et le Madagascar), le Sénégal était représenté par Mme Hélène Diouma FAYE de la commission Justice et Paix de la paroisse saint Paul de grand yoff. Profitant de cette rencontre, elle en a brièvement relaté les temps forts. Le thème choisit était : « La Pastorale Catholique de la Prison au service de la Justice de la Paix et de la Réconciliation ». La sœur Jacqueline ATABONG ancienne présidente de la dite commission s’est battue pour que ce congrés se tienne en Afrique. Ainsi il y a eu une forte représentation des pays africains dont le Sénégal pour la première fois. Dans le plan d’action qui leur a été communiqué, toute la pastorale des prisons a été clairement définie. Le seul problème que nous avons au Sénégal, c’est l’absence de l’aumônerie nationale des prisons, souligne Mme Hélène Diouma FAYE. Il faut chercher des bailleurs pour trouver des financements pour nos activités et les ateliers dans les prisons, et organiser des séminaires avec les membres de l’administration pénitentiaire. Les instances ont été renouvelées et le Sénégal est nommé coordonateur pour l’Afrique de l’Ouest. Chaque année, tout pays membre doit cotiser 400 euro pour la pastorale mondiale plus 100 euro pour le représentant du pays soit 500 euro au total. Il faut noter que cette commission est membre de l’O.N.U.

La représentante du Sénégal promet de revenir plus amplement sur ce congrés par un rapport plus exhaustif. Des documents y relatifs ont été remis à l’abbé Adrien SARR.

La séance a été levée à 18h 45mn.


Rencontre à la prison : Camp pénal de liberté 6 - le 9 décembre 2011

Exposé : La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

I – Qu’est-ce que les Droits de l’Homme ?

Ce sont des garanties juridiques universelles qui protègent les individus et les groupes contre tous les actes portant atteinte à leurs libertés fondamentales et à leur dignité.

Les Droits de l’Homme obligent les gouvernements à faire certaines choses et les empêchent d’en faire d’autres.

II – Les caractéristiques des Droits de l’Homme.

  1. Ils sont garantis à l’échelon international (mondial). Leur application est surveillée par un certain nombre d’ONG internationales et des Nations Unies.

  2. Ils sont protégés par la loi, aux niveaux international et national.

  3. Ils s’attachent avant tout à la dignité de l’être humain.

  4. Ils protègent les individus et les groupes.

  5. Ils imposent des obligations aux Etats et à ceux qui agissent en leur nom.

  6. Ils ne peuvent être ni négociés, ni déniés, ni supprimés.

  7. Ils sont égaux et interdépendants (unis entre eux et allant ensemble)

  8. Ils sont universels, valables pour tous et pour toujours.

III – L’origine de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Le 10 Décembre 1948, à Paris, au Palais de Chaillot, 58 Etats membres, qui constituaient alors l’Assemblée générale, ont adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pour empêcher les événements tragiques de se reproduire à nouveau, comme :

  • Les Guerres mondiales, 1ère, en 1914-1918
    2ème, en 1938-1945, où le plus grand nombre des tués a été des civils (personnes âgées, femmes et enfants)

  • L’utilisation de la bombe atomique au Japon (Hiroshima)

  • L’assassinat des Juifs par les Nazis (génocide).

Débats

  1. Comment vivre les Droits de l’Homme entre nous, en étant en prison ? Article 29 – Sur les devoirs de prisonnier : « 1. L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible. 2. Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique. 3. Ces droits ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies. En français simple et résumé : Tu as des devoirs envers les gens parmi lesquels tu vis. C’est eux qui te permettent de développer pleinement ta personne. La loi doit garantir les droits de l’homme. Elle doit permettre à chacun de respecter les autres et d’être respecté.

  2. Qu’est-ce que la loi, en général ?
    « La loi, dit St Thomas d’Aquin, est une disposition raisonnable, possible, commune et stable, obligatoire, promulguée par l’autorité législative et donnée à une communauté capable de recevoir une loi pour le Bien Commun ».
    Articles : 5, 9, 14, 22 (ci-après)
    Article 5 – Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, in humains ou dégradants. En français simple et résumé : Personne n’a le droit de te torturer, ni de te frapper pour te faire du mal.
    Article 9 – Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu, ni exilé.
    En français simple et résumé : On n’a pas le droit de te mettre en prison, ni de t’y garder, ni de te renvoyer de ton pays, injustement ou sans raison.
    Article 14 – 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. 2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
    En français simple et résumé : Si on te fait du mal, tu as le droit d’aller dans un autre pays et lui demander de te protéger. Tu perds ce droit si tu as tué quelqu’un et si tu ne respectes pas toi-même ce qui est écrit dans la Déclaration.
    Article 22 – Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.
    En français simple et résumé : La société dans laquelle tu vis doit t’aider à profiter de tous les avantages (culture, travail, protection sociale) qui te sont offerts ainsi qu’à tous les hommes et femmes de ton pays et à les développer.

  3. Les questions :

    1. Comment les agents de Droits de l’Homme s’approchent-ils des prisonniers ?

    2. Quelle est l’importance de cette Déclaration pour les prisonniers ?

    3. Y a-t-il un bon rapport entre les Droits de l’Homme et les Droits civils du pays ?

  1. Contributions et avis des prisonniers de Dakar (Camp Pénal de Liberté 6) :

    1. Les populations, en général, ne sont pas informées sur les Droits de l’Homme.

    2. Les prisonniers ne connaissent pas leurs droits propres, en tant que prisonniers.

    3. Les Droits de l’Homme sont plus appréciés en Occident qu’en Orient, et particulièrement en Afrique.

    4. L’appel est lancé pour demander aux agents des droits de l’homme de laisser les bureaux et de venir au secours des minorités, qui entendent parler de l’Organisation des Droits de l’Homme mais ne la voient pas sur le terrain.


Lundi 26 Décembre : Noël à la prison.

Hier, jour de Noël, nous étions trop pris à la paroisse et dans le quartier, nous avons donc décidé de célébrer Noël le 26, le matin chez les hommes et l’après-midi avec les femmes. Il est clair que, à la prison, les lectures de Noël prennent un nouveau sens très profond. Fêtez Jésus, pauvre, né loin de sa maison, refusé à la maison de passage de Bethléem et qui naît dans une grotte, cela veut dire quelque chose pour des prisonniers. Eux qui sont également loin de leurs familles, dans un grand état de misère et marginalisés. L’un d’entre eux nous a dit pendant la célébration : «Nous sommes comme les bergers de ce temps-là, pauvres, rejetés et méprisés. C’est donc en nous en premier que les anges s’adressent quand ils disent : paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. La prison m’a obligé à réfléchir à ma vie et à me convertir et maintenant je suis devenu moi aussi un homme de bonne volonté, et aujourd’hui cette fête de Noël vient vraiment m’annoncer une bonne nouvelle : pour moi aussi un sauveur est né, le Christ est venu me sauver en prison ». Un deuxième a ajouté : « C’est vrai, cette prison est vraiment un lieu de conversion pour réfléchir et changer notre vie si nous le voulons ».

Un autre a expliqué : « Dieu a envoyé un ange à Pierre quand il était en prison. Nous croyons que les anges nous protègent encore aujourd’hui, ici, dans ce Camp Pénal, comme ils ont protégé Jésus qui est né dans la brousse ».

Nous avons pris les textes de la messe de l’aurore du jour de Noël et nous avons partagé chacune des trois lectures, dans nos différentes langues. D’abord Isaïe qui nous dit (62, 11-12) : « Le Salut arrive ; tu as reçu le salaire de tes actes, maintenant tu vas recevoir ta récompense ». Dans ce Camp pénal, nous formons une communauté et une famille, nous aussi nous sommes un peuple saint, le peuple des rachetés. Dieu vient à notre recherche, Il ne nous a pas abandonnés, nous sommes une maison « non délaissée ».

Et Paul nous a dit, comme à Tite : « Aujourd’hui la bonté du Seigneur pour les hommes est apparue dans cette prison, et son amour. Il ne regarde pas les injustices que nous avons faites, Il nous sauve dans sa bonté par le baptême et l’Esprit Saint.  (d’ailleurs plusieurs des prisonniers suivent la catéchèse et se préparent au baptême). Cet Esprit Saint, Dieu l’a fait descendre en grande abondance sur nous par Jésus-Christ. Le Christ par sa grâce nous rend justes pour que nous vivions à nouveau une vraie vie ».

Nous voyons ensuite comment mettre en pratique l’Evangile (Luc 2, 15 à 20) : Quand les anges quittent les bergers, ceux-ci se lèvent aussitôt et marchent jusqu’à l’enfant, ils l’adorent et lui apportent leurs cadeaux : des petits moutons, fruits de leur troupeau et de leur travail.

Il n’est donc pas question pour nous de rester assis à pleurer, à penser à l’extérieur, et à nous décourager. Noël nous appelle à nous mettre debout et à marcher, à avancer dans la vie, à aller ensemble vers Dieu et vers nos frères, puisque Dieu en ce jour se fait homme et partage la vie de tous les hommes. Nos frères, notre prochain, c’est d’abord ceux avec qui nous vivons dans cette prison. Ensuite, les bergers vont annoncer la bonne nouvelle de la naissance d’un Sauveur aux habitants des villages, tout autour : nous nous sommes demandés comment annoncer cet Evangile et apporter la paix et le salut à ceux qui vivent avec nous dans cette prison, pour que, eux aussi, retrouvent sinon la joie au moins l’espérance et le courage, et que eux aussi puissent dire merci à Dieu. La plupart de ceux qui sont avec nous sont musulmans, mais les musulmans eux aussi connaissent Jésus, et le reconnaissent comme un grand Prophète ; le Coran en parle de nombreuses fois, de même que de Marie. Tous, chacun selon sa foi, comme Marie, nous gardons ces paroles et le souvenir de cette fête dans nos cœurs et nous y repensons dans la prière.

A la fin de la messe, chaque prisonnier est venu prier personnellement en silence devant la crèche. Ce fut un moment très fort de notre célébration. Dieu seul sait ce qu’ils ont pensé et dit dans leur cœur à ce moment-là.

Chez les femmes

L’après-midi, nous nous sommes retrouvés à la Maison d’arrêt des femmes. Nous avons commencé la célébration en retard, car les femmes tenaient à bien se préparer, à bien s’habiller, tresser leurs cheveux et se faire belles pour ce jour de fête. C’était très important. De nombreuses femmes musulmanes sont venues assister à notre prière, de même que leurs responsables avec qui nous collaborons d’une façon très active, comme j’ai eu déjà l’occasion de l’expliquer. Un groupe de prières (Jeunes, Espérance) est venu animer la fête avec leurs chants et leurs instruments de musique et les gens de l’aumônerie de la prison, soutenus par leurs amis et leur communauté, ont apporté de la nourriture et des cadeaux. Les autorités sont venues aussi à notre fête : le maire de la commune, l’inspecteur général des prisons et le responsable des personnels chrétiens des prisons du Sénégal.

La messe, animée par les délégués du Cardinal (vicaire épiscopal) a été très animée et joyeuse malgré les conditions difficiles dans lesquelles ces femmes vivent. Au moment du « Notre Père » nous nous sommes tous donné la main, en signe d’unité et de communion, mais aussi d’accueil et de soutien mutuel : prêtres, autorités, gens venus de l’extérieur, personnels de la Maison d’arrêt et locataires.

Après la messe, une des pensionnaires a adressé à tous un mot de remerciements très touchant (pour ces femmes qui sont à la prison, nous ne parlons pas de prisonnières mais de pensionnaires, en signe de respect ; de même que la prison, nous ne l’appelons pas « prison », mais « notre maison », ce qui est d’ailleurs juste puisque c’est une Maison d’arrêt). Voici le début de leur discours : Nous sommes venues avec nos peines, nous sommes restées avec nos souffrances, nous avons laissé derrière nous nos mamans qui sont nos consolatrices, nos maris avec qui nous partageons bonheurs et malheurs, nos enfants qui sont notre amour, nos frères et sœurs, nos ami(e)s. Mais de tout ce que nous venons de citer, rien d’autre ne compte pour nous que la liberté. Cependant, malgré notre souffrance, nous avons trouvé dans cette prison une consolatrice : la directrice de la prison, et des sœurs qui s’occupent de nous et font tout leur possible pour nous aider à porter le poids de cette vie difficile. Etc….

Après ce discours, les femmes de la prison ont toutes dit un mot de remerciement et offert des cadeaux (une nappe brodée par elles-mêmes et une horloge), à la nouvelle directrice de cette Maison d’arrêt. En effet, depuis quelques mois une nouvelle directrice est arrivée et a su former autour d’elle une véritable équipe avec tout le personnel de la prison qui fait tout pour soutenir et encourager les pensionnaires, et qui se conduit d’une façon très humaine. C’est pourquoi les pensionnaires ont décidé de les remercier et elles se sont cotisées pour leur offrir un cadeau. La directrice de la Maison était très émue, elle a pleuré à chaudes larmes et a mis plusieurs minutes avant de pouvoir parler et remercier. Tout cela s’est terminé par des chants et des danses ; tous ont dansé ensemble, les pensionnaires, le personnel de la Maison d’arrêt et tous les amis venus de l’extérieur vivre cette fête avec eux.

Ensuite, nous avons mangé tous ensemble, dans la joie, et partagé en particulier de très bons gâteaux offerts par le maire de la commune, qui tient à le faire à chaque fête, de même qu’il offre un mouton à l’occasion de la fête musulmane de la Tabaski. Tout cela montre combien, malgré les souffrances et la tristesse de la prison, les gens se mettent ensemble pour rendre cette vie à la prison plus humaine et faire de ce passage à la Maison d’arrêt un temps de réflexion pour se reprendre en main, afin de pouvoir commencer une vie nouvelle à la sortie. La fête a duré longtemps, jusque dans la nuit, et tous sont repartis très touchés et très émus. Le groupe de prières qui était venu, pour la première fois, animer cette fête a d’ailleurs promis de revenir chaque année avec chants et nourriture ; et également de passer régulièrement rencontrer les pensionnaires tout au long de l’année. Ce fut une vraie Fête de Noël !


Aumonerie catholique des prisons

B.P. 13051 – Tél. : 33 827 94 93 / 77 636 54 15
Abbé Adrien Ng. SARR – Aumônier des Prisons
Zone Liberté 6

Dakar, le 7 février 2012

Chers frères et sœurs,

Des hommes et des femmes peuplent nos prisons et cherchent des sources d'espérance. Que pouvons-nous leur apporter ? Dans l'Evangile selon saint Mathieu, chapitre 25 (34 - 36), Jésus dit :"venez les bénis de mon père, recevez en partage le royaume... j'ai eu faim, soif, j'étais étranger, malade, en prison, et vous êtes venus à moi". C'est Jésus qui nous envoie et c'est lui que l'on retrouve dans le plus pauvre et le plus petit. Il s'identifie à tous ceux qui sont en difficultés. N'attendons pas qu'Il nous dise un jour "J'étais tout près de toi et tu ne m'as pas vu". Rendons nous utiles, donnons un sens à notre vie en venant au secours de notre prochain.

Ainsi, l’aumônerie des prisons de Liberté 6 s’est retrouvée et a précisé les besoins actuels des prisonniers. En conséquence, elle adresse cette demande aux paroisses, aux différents groupes et associations et aux personnes de bonne volonté, en faveur de toutes les prisons.

  • Jugements : Beaucoup de prisonniers (hommes, femmes ou jeunes) attendent de longs mois et même des années avant d’être jugés, en 1° instance ou en appel. Avoir un avocat peut faire avancer énormément les choses. Mais beaucoup de prisonniers n’ont pas les moyens de payer un avocat. Connaissez-vous des avocats qui accepteraient de prendre en charge au moins un prisonnier ?

  • Soutien matériel : Beaucoup de prisonniers manquent de l’essentiel pour vivre dignement. Accepteriez-vous de parrainer un prisonnier (homme, femme ou jeune) au point de vue matériel : un peu de nourriture, médicaments, savon, habits… ?

  • Visites : De nombreux prisonniers sont seuls et abandonnés, spécialement les étrangers ou ceux qui viennent des autres régions. Pourriez-vous venir visiter de temps en temps un de ces prisonniers (homme, femme ou jeune) ?

  • Réinsertion : Certains prisonniers connaissent de gros problèmes pour recommencer une vie nouvelle à leur sortie de prison. Connaissez-vous des gens qui seraient prêts, avec les garanties nécessaires, à suivre l’une ou l’autre de ces personnes à sa sortie de prison ?

  • Ateliers : Nous voulons donner la possibilité aux prisonniers de se former pendant leur séjour en prison, pour pouvoir travailler à leur sortie. Pour cela, nous avons besoin d’outils et de petit matériel pour les différents ateliers (artisanat). Connaissez-vous des personnes ou des associations/ONG qui pourraient nous aider ?

Pour toutes ces choses, nous avons besoin aussi de personnes parlant anglais, espagnol ou portugais. Merci de nous le signaler

Par ces actions, ensemble essayons de "sauver" l'homme et de "tuer" le malfaiteur qui sommeille en lui. N'identifions pas le prisonnier à sa faute. L'homme est supérieur à sa faute ; évitons la stigmatisation.

Vous pouvez envoyer vos réponses à :

Précisez quelle aide vous pouvez apporter, où vous habitez et quelle langue vous parlez.

Merci pour tout ce que vous ferez, merci de transmettre cet appel à vos parents et amis. Dieu vous le revaudra !

L'aumônerie des prisons
Zone Liberté 6


Prière

Seigneur, tu nous as faits pour la joie. Et me voici malade. Cette maladie est dure à supporter. Mais je me souviens de toi et de ta croix qui était aussi très lourde à porter.

Pourtant, tu as avancé sur le chemin, aidé par Simon de Cyrène. Moi aussi, je veux t’accompagner sur chemin de la souffrance. Tu as accepté de souffrir, pour moi et pour tous mes frères, alors moi aussi, j’accepte cette maladie parce que je t’aime. Je te l’offre pour que le mal diminue dans le monde, pour ma famille et pour tous ceux que j’aime. C’est tout ce que je peux faire pour eux, en ce moment. Mais je sais que tu acceptes tout ce qu’on te donne avec amour, alors j’ai confiance en toi et je te redis que je t’aime, parce que tu es bon et que tu ne nous abandonne jamais. Seigneur, parfois j’ai envie de me décourager… Fais grandir en moi la foi. Que cette maladie ne soit pas inutile, mais qu’elle m’attache d’avantage à toi. Seigneur, merci d’être avec nous, au milieu de nos maladies, merci de me redonner courage, j’ai confiance en ta bonté. Prend pitié de tous les malades et donne-leur l’espoir. AMEN

Prière

Seigneur, tu nous as faits pour la joie. Et me voici en prison. Cette situation est dure à supporter. Mais je me souviens de toi et de ta croix qui était aussi très lourde à porter.

Pourtant, tu as avancé sur le chemin, aidé par Simon de Cyrène. Moi aussi, je veux t’accompagner sur chemin de la souffrance. Tu as accepté de souffrir, pour moi et pour tous mes frères, alors moi aussi, j’accepte cette situation parce que je t’aime. Je te l’offre pour que le mal diminue dans le monde, pour ma famille et pour tous ceux que j’aime. C’est tout ce que je peux faire pour eux, en ce moment. Mais je sais que tu acceptes tout ce qu’on te donne avec amour, alors j’ai confiance en toi et je te redis que je t’aime, parce que tu es bon et que tu ne nous abandonne jamais. Seigneur, parfois j’ai envie de me décourager… Fais grandir en moi la foi. Que cette incarcération ne soit pas inutile, mais qu’elle m’attache d’avantage à toi. Seigneur, merci d’être avec nous, au milieu de nos peines, merci de me redonner courage, j’ai confiance en ta bonté. Prend pitié de tous les prisonniers et donne-leur l’espoir. AMEN


Compte rendu de la réunion du 10 janvier 2012.
Pastorale des prisons,
Zone liberté 6

Le 10 Janvier 2012 s’est tenu à la salle Jean Paul 2 des Martyrs de l’Ouganda, une réunion des acteurs de la pastorale des prisons zone liberté 6.

Cette réunion convoquée et présidée par le père Armel DUTEIL, aumônier des prisons avait comme ordre du jour :

  1. Jugement et appel

  2. Soutien aux prisonniers

  3. Animation culturelle

  4. La réinsertion

La réunion a débuté par la lecture d’un passage d’Evangile selon saint Matthieu 25, 31-46 : « j’étais prisonnier et vous êtes venus me visiter »….. qui a été commenté par chacun.

1) Jugement et appel

Beaucoup de détenus sont incarcérés depuis plusieurs années. Chez les femmes, il y en a qui ne sont pas encore jugées ; chez les hommes, d’autres sont en attente d’appel. Le père Armel demande s’il y en a qui connaissent des avocats qui peuvent être volontaires pour aider à faire avancer ces dossiers. Il préconise aussi que notre groupe organise une rencontre avec les autres acteurs qui oeuvrent dans le même domaine que nous.

Le groupe Jeune Espérance est un groupe de prières dans lequel des avocats sont membres, fait remarquer madame Thérèse DIOP. Le père Armel souhaite les inviter à assister à notre prochaine réunion et demande à chaque participant à cette réunion de lui faire parvenir ou à madame Faye les noms et adresse des avocats qui seraient prêts à apporter leur aide.

Les membres de la commission juridique ont relaté les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans la recherche de solutions auprès des juridictions compétentes parce que n’étant pas des auxiliaires de justice et ignorant parfois les procédures à suivre. Le père Armel leur demande de trouver quelqu’un pour leur assurer une formation.

Il faut noter que la sœur Jeanne Diba NDENE a rejoint la pastorale des prisons. Elle est de la même congrégation que le sœur Johanita. Cependant, elle est étudiante et n’a pas la même disponibilité que cette dernière. Il serait souhaitable qu’elle soit membre de la commission juridique.

Par ailleurs, si les membres de cette commission avaient un document identifiant leur appartenance à la pastorale des prisons, cela pourrait leur faciliter la tâche. A défaut de l’aumônier national qui n’existe pas, ce document sera signé par l’aumônier du diocèse.

2) Soutien aux prisonniers

Au niveau matériel, certains n’ont même pas les produits de première nécessité. Pas de savons, pas de matelas ou de médicaments. Il a été noté que certains détenus ne sont pas raisonnables sur leur demande. Il y en a qui demandent beaucoup et d’autres rien du tout parce qu’ils n’osent pas demander. Nous devons faire la part des choses et être organisés. Tous les dons doivent être centralisés au niveau du service social. Nous ne pouvons pas satisfaire toutes les demandes ; il faudrait donc trouver le moyen de remplir la caisse. Une lettre sera faite pour solliciter l’aide de certaines personnes, associations ou groupes, faire des quêtes au niveau des paroisses, demander un parrainage pour les étrangers qui n’ont pas de famille ici, ainsi que les sénégalais qui viennent des régions intérieures. Le père Armel remercie toutes les personnes qui apportent leur aide.

Le groupe Jeune Espérance est en mesure d’animer des causeries et des partages d’évangile, fait remarquer madame DIOP. Il serait bon que nous trouvions un maître de chœur puisque des livres de chants ont été acquis. On pourrait aussi faire intervenir les scouts, souligne le père Armel.

L’innovation cette année, c’est que nous avons demandé des autorisations pour visiter toutes les prisons.

Un comité de réflexion a été mis en place pour essayer de trouver un moyen pour gagner de l’argent pour remplir la caisse de la pastorale. Ce comité fera des propositions sur l’organisation de spectacle, de khawaré ou kermesse afin de récolter des fonds. Les membres de ce comité sont : Marie Odile CISS, Marie Jeanne DIOP, Françoise Ivonne SARR, Thérèse DIOP et Philomène FAYE .

3) Animation culturelle

Il faudrait trouver un téléviseur et un lecteur de CD pour les séances de projection de films éducatifs. L’abbé Adrien détient des films que l’on pourrait passer de temps en temps, souligne le père Armel.

Mme Marie Geneviève NDOUR propose de transmettre cette doléance à son groupe et nous donnera la réponse. Mme Ivette DUMOND quant à elle signale qu’elle possède plus de 1500 films qu’elle pourrait nous prêter.

Le père Armel souligne que la direction de la maison d’arrêt pour homme de liberté 6 est favorable à ces séances d’animation. Mesdames Mireille GARCIA et Philomène FAYE se sont portée volontaire pour l’animation.

4) La réinsertion

Nous devons coordonner avec le service social pour connaître ceux qui sont en fin de peine, voir comment les préparer avant la sortie et les suivre après leur élargissement. Pour cela, il faudrait prévenir les responsables de Justice et Paix, la caritas et les paroisses afin que tout le monde prenne à bras le corps ce problème.

Madame Marie Jeanne DIOP se propose de contacter l’abbé André Latyr NDIAYE pour une émission télé sur le sujet.

La séance a été levée à 18h35 et s’est terminé par une prière d’action de grâce.


Rencontre à la prison : Camp pénal de liberté 6 - le 9 décembre 2011

Exposé : La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

I – Qu’est-ce que les Droits de l’Homme ?

Ce sont des garanties juridiques universelles qui protègent les individus et les groupes contre tous les actes portant atteinte à leurs libertés fondamentales et à leur dignité.

Les Droits de l’Homme obligent les gouvernements à faire certaines choses et les empêchent d’en faire d’autres.

II – Les caractéristiques des Droits de l’Homme.

  1. Ils sont garantis à l’échelon international (mondial). Leur application est surveillée par un certain nombre d’ONG internationales et des Nations Unies.

  2. Ils sont protégés par la loi, aux niveaux international et national.

  3. Ils s’attachent avant tout à la dignité de l’être humain.

  4. Ils protègent les individus et les groupes.

  5. Ils imposent des obligations aux Etats et à ceux qui agissent en leur nom.

  6. Ils ne peuvent être ni discutés, ni refusés, ni supprimés.

  7. Ils sont égaux et interdépendants (unis entre eux et allant ensemble)

  8. Ils sont universels, valables pour tous et pour toujours.

III – L’origine de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Le 10 Décembre 1948, à Paris, au Palais de Chaillot, 58 Etats membres, qui constituaient alors l’Assemblée générale, ont adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pour empêcher des événements tragiques de se reproduire à nouveau, comme :

  • Les Guerres mondiales,

  • 1ère, en 1914-1918

  • 2ème, en 1939-1945, où le plus grand nombre des tués a été des civils (personnes âgées, femmes et enfants)

  • L’utilisation de la bombe atomique au Japon (Hiroshima)

  • L’assassinat des Juifs par les Nazis (génocide).

Débats

1. Comment vivre les Droits de l’Homme entre nous, en étant en prison ?

Voir l’Article 29 – Sur les devoirs de prisonnier : «  1. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible. 2. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique. 3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies. »
En français simple et résumé : Tu as des devoirs envers les gens parmi lesquels tu vis. C'est eux qui te permettent de développer pleinement ta personne. La loi doit garantir les droits de l'homme. Elle doit permettre à chacun de respecter les autres et d'être respecté.

2. Qu’est-ce que la loi, en général ?

« La loi, dit St Thomas d’Aquin, est une disposition raisonnable, possible, commune et stable, obligatoire, annoncée par l’autorité législative (qui fait les lois), et donnée à une communauté capable de recevoir une loi pour le Bien Commun ».
Que dit la Déclaration universelle. Voir les Articles : 5, 9, 14, 22.

Article 5 Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En français simple et résumé : Personne n'a le droit de te torturer, ni de te frapper pour te faire du mal.

Article 9 Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.
En français simple et résumé : On n'a pas le droit de te mettre en prison, ni de t'y garder, ni de te renvoyer de ton pays, injustement ou sans raison.

Article 14 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. 2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
En français simple et résumé : Si on te fait du mal, tu as le droit d'aller dans un autre pays et lui demander de te protéger. Tu perds ce droit si tu as tué quelqu'un et si tu ne respectes pas toi-même ce qui est écrit dans la Déclaration.

Article 22 Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.
En français simple et résumé : La société dans laquelle tu vis doit t'aider à profiter de tous les avantages (culture, travail, protection sociale) qui te sont offerts ainsi qu'à tous les hommes et femmes de ton pays et à les développer.

3. Les questions

  1. Comment les agents des Droits de l’Homme s’approchent-ils des prisonniers ?

  2. Quelle est l’importance de cette Déclaration pour les prisonniers ?

  3. Y a-t-il un bon rapport entre les Droits de l’Homme et les Droits civils du pays ?

4. Contributions et avis des prisonniers de Dakar (camp pénal de Liberté 6)

  1. Les populations, en général, ne sont pas informées sur les Droits de l’Homme.

  2. Les prisonniers ne connaissent pas leurs droits propres, en tant que prisonniers.

  3. Les Droits de l’Homme sont plus appréciés en Occident qu’en Orient, et particulièrement en Afrique.

  4. L’appel est lancé pour demander aux agents des droits de l’homme de laisser les bureaux et de venir au secours des prisonniers, qui entendent parler de l’Organisation des Droits de l’Homme mais ne la voient pas sur le terrain.


Animation dans les prisons à Dakar

Au Sénégal, l’institution carcérale n’a pas suivi les évolutions de la société. En dépit de l’explosion démographique et d’une forte augmentation de la délinquance, aucun centre pénitentiaire n’a été construit depuis l’Indépendance du pays en 1960. Le Sénégal compte 37 lieux de détention (dont 32 maisons d’arrêt et de correction (MAC), deux camps pénaux, une maison centrale d’arrêt et un pavillon spécial) qui accueillent environ 17 000 prisonniers.
Selon la Commission africaine des droits de l’homme et du peuple (DDHP), « beaucoup de personnes en détention préventive passent illégalement trop de temps dans les lieux de privation en attendant leur jugement ». En 2008, la DDHP a recensé 31 personnes ayant passé dix ans de détention provisoire avant d’être acquittées. Les étrangers arrêtés croupissent souvent dans les cellules du Commissariat Central de Dakar des mois durant, en attendant leur reconduction à la frontière.

« Les détenus sont souvent des victimes de la double peine », En plus de l’enfermement qu’ils subissent, les conditions sanitaires précaires causent de nombreuses maladies (VIH, Tuberculose, Malaria). Face à ces problèmes, les visites médicales ne sont pas assurées et les médicaments manquent cruellement.

Les prisons sont très souvent surpeuplées. Avec 1500 détenus, celle de Rebeus compte quatre fois plus de détenus qu’elle n’en devrait. Les cellules collectives réunissent jusqu’à 180 personnes. Violence et promiscuité sont le quotidien des prisonniers sénégalais. « Les conséquences du surpeuplement des prisons sont physiques, sociales et économiques, parce qu’elles causent le stress, l’énervement, l’aggravation de certaines maladies par manque d’aération et d’hygiène (toilettes collectives dans les cellules elles-mêmes fermées pour la nuit…) ». En raison du surnombre la malnutrition sévit, même si l’on vient d’augmenter la pension alimentaire de 350 à 600 francs CFA par prisonnier et par jour, tout compris (moins d’un Euro). La faim et les épidémies ont parfois raison d’eux avant même qu’ils ne soient jugés.

« Les détenus sont rarement vus comme des citoyens, mais comme des personnes dangereuses, à punir et non pas à (ré)éduquer, et qui n’ont pas droit au respect, ayant perdu leur dignité »

Présentation de notre équipe

Nous travaillons à Dakar au Camp Pénal des hommes (détenus déjà condamnés), à la Maison d’Arrêt des Femmes (en attente de jugement) et au Centre des mineurs. Nous avons mis en place différentes commissions de manière à répondre le mieux possible aux besoins des prisonniers. En effet, dans le passé, il n’y avait qu’une petite équipe autour d’un prêtre qui allait dire la messe chaque semaine pour les catholiques. Mais nous avons senti la nécessité de soutenir les détenus dans toute leur vie et de répondre au maximum aux besoins de tous, sans distinction . Nous avons donc fait appel aux personnes volontaires et nous sommes actuellement une cinquantaine de bénévoles qui travaillent dans les différentes commissions suivantes.

  1. L’assistance judiciaire

  2. L’assistance matérielle et socio-économique

  3. L’assistance spirituelle et la formation continue

  4. La formation professionnelle et la ré-insertion

  5. La culture et la communitation

  6. La commission santé

Nous voulons ainsi répondre aux besoins divers de tous les détenus, dans tous les domaines et à tous les niveaux.

1. D’abord leurs conditions de vie et leur nourriture.

Cela implique un très lourd travail de la part de la Commission économique et sociale pour trouver des fonds, en particulier nourriture, habits et couvertures, produits d’entretien et d’hygiène, médicaments etc. Nous organisons pour cela des activités génératrices de revenus (AGR) et faisons appel à la générosité de nos amis et voisins. Nous devons dire que ces personnes sont vraiment généreuses, ce qui fait que nous arrivons à travailler, d’abord en comptant sur nos propres forces et en nous appuyant sur les possibilités locales. Mais bien sûr nous ne pouvons pas satisfaire tous les problèmes matériels, et d’ailleurs nous ne le voulons pas. C’est au gouvernement et à l’administration pénitentiaire de prendre leurs responsabilités dans ce domaine, mais un soutien est très important.

2. Au niveau santé

Les besoins sont énormes. A l’infirmerie il n’y a pas de médecin, mais seulement un infirmier, et pratiquement pas de médicaments. Nous cherchons donc à nous procurer des médicaments en ville, et à trouver des médecins qui peuvent venir faire des consultations régulières bénévolement. Nous avons lancé le même type d’activités pour les soins dentaires. Nous sommes appelés régulièrement pour prendre en charge les kits nécessaires pour les opérations chirurgicales (environ 100 euros à chaque fois). Nous organisons aussi des rencontres de formation à la santé avec les détenus : hygiène, prévention, éducation sanitaire et formation par rapport aux maladies : sida, tuberculose etc.

3. L’assistance judiciaire

Depuis l’arrestation jusqu’aux différents jugements (appel, obtention de libération conditionnelle, de réduction de peines, de grâce etc.). Beaucoup de détenus n’ont pas les moyens de se payer un avocat. Nous avons contacté un certain nombre d’avocats qui acceptent de prendre en charge bénévolement l’un ou l’autre détenu dont le dossier est plus délicat et difficile, et qui n’a ni ressource ni soutien. Il n’est pas rare qu’après avoir fait plusieurs mois et même plusieurs années, en attente de jugement, on s’aperçoive que l’accusé est innocent et qu’il a été arrêté injustement.

4. Soutien psychologique

Nous avons également mis en place un soutien psychologique à travers des rencontres personnelles et des séances d’écoute régulières. Et une animation culturelle : projections de film, conférences suivi de débats, alphabétisation et formations diverses.

5.La ré insertion

Nous préparons les détenus à leur sortie par une série de rencontres, pour voir comment ils vont pouvoir recommencer leur vie et travailler à l’extérieur. Nous préparons également leurs familles à les accueillir, ce qui n’est pas toujours facile. Nous cherchons enfin à mettre en place une réconciliation entre les détenus et leurs victimes. Mais cela est beaucoup plus difficile et nous n’y arrivons pas toujours. Les grandes distances ne facilitent pas non plus les contacts.

6.Le soutien aux familles

Quand les détenus sont en prison, ceux qui souffrent le plus en fait, ce sont leurs familles. En effet quand le chef de famille est en prison, sa femme et ses enfants n’ont souvent plus rien pour vivre. Ils ne peuvent plus payer leur loyer et sont chassés de leur maison. Les enfants sont renvoyés de l’école car ils ne peuvent pas se procurer les fournitures et payer les cotisations diverses. Il n’y a pas d’argent pour leur acheter des médicaments et les soigner en cas de maladie. Nous avons mis en place une organisation pour trouver du travail aux femmes, filles et nièces des détenus, selon leur compétence, pour qu’ils puissent avoir le minimum pour vivre.

Dans ce domaine, une autre chose qui nous préoccupe, c’est le divorce. Un certain nombre de femmes abandonnent leur mari quand il se retrouve en prison. Nous essayons donc de parler avec ces femmes de détenus pour maintenir la stabilité des familles.

7.La formation professionnelle

Dans la prison, il y a déjà des petits ateliers pour des détenus formés. Cela les occupe d’une façon utile et leur fournit un petit pécule, même s’ils ont parfois de la peine à récupérer leur argent à la sortie. Nous cherchons à faciliter les commandes et la vente de leurs produits. Mais pour nous poursuivons surtout un autre but. En effet dans les prisons, il y a un certain nombre de détenus qui ne connaissent pas de métier. Nous voudrions donc utiliser le temps qu’ils passent en prison pour leur donner la chance de se former, et ainsi trouver un travail à la sortie. Nous avons demandé à une association amie (Appel détresse) de nous trouver le petit outillage nécessaire pour démarrer cette action. Ils vont nous envoyer un container et la ministre de la justice nous a déjà promis l’exonération, pour ne pas avoir à payer les frais de douane. Nous n’avons pas les moyens de payer des formateurs pour ces ateliers que nous voulons lancer, mais des détenus compétents sont déjà volontaires pour former les autres prisonniers, par petits groupes et par métier. Pour démarrer nous pensons à 11 ateliers : soudure, électricité, petite mécanique générale, mécanique moto, reliure, sérigraphie, menuiserie, couture, sculpture, informatique et œuvres d’art (statues, tableaux, etc…). La prison prendra en charge l’électricité et l’eau ainsi que tous les produits et matériels de nettoyage et l’entretien des ateliers, de même que le mobilier nécessaire. Ce qui est déjà un très gros effort, vus la situation économique du pays et le budget plus que limité pour le secteur pénitentiaire. Nous voulons commencer par le Camp Pénal situé à Dakar, quartier Liberté 6. D’abord parce que c’est une prison où les détenus sont là pour une durée assez longue, ce qui leur donne le temps de se former suffisamment et sérieusement.

8.La communauté chrétienne

Nous avons aussi des rencontres spécifiques avec les chrétiens pour des partages d’Evangile, la catéchèse et la célébration de l’Eucharistie. Ces chrétiens se retrouvent en plus entre eux à l’intérieur de la prison les dimanches pour une célébration de la Parole et pour des prières et des formations religieuses. Mais nous parlons aussi avec eux de la vie en prison et des autres problèmes qui se posent, de même que de la vie du pays et du monde tout entier. En effet, il nous semble important qu’ils restent ouverts à ce qui se passe dans le monde. Nous cherchons avec eux comment ils peuvent être le sel de la terre et la lumière du monde à l’intérieur de la prison, en se soutenant mutuellement et en faisant de la vie en prison une occasion de réflexion et même de conversion. Ces chrétiens se retrouvent en plus entre eux à l’intérieur de la prison les dimanches pour une célébration de la Parole, pour des prières et des formations religieuses et des rencontres amicales.

De nombreux détenus nous disent, au moment de leur libération, combien ce séjour en prison a été pour eux un temps de réflexion, de reprise en main et le début d’une vie nouvelle. Voici ce que m'a écrit un prisonnier à sa sortie :" J'ai acquis une autre dimension spirituelle dans cette prison. Me voilà libre à présent et je voudrais mettre à profit mon temps libre au service des nécessiteux, à savoir faire partie des gens qui soient capables de rendre visite au nom de Justice et Paix  aux malades et aux détenus. Je suis disponible pour accomplir la catéchèse. Pour cela, je reste à votre entière disposition ».

Nous avons aussi des rencontres avec les responsables religieux et les croyants musulmans et nous travaillons en coordination avec les autres groupes chrétiens. A Noël et à Pâques, nous célébrons ces fêtes, de même que les musulmans célèbrent les leurs, en prison. Nous responsabilisons chaque fois une paroisse à tour de rôle pour qu’ils trouvent les fonds nécessaires pour cela et qu’ils envoient une de leurs chorales pour animer la fête. Après l’Eucharistie pour les chrétiens, les détenus musulmans viennent nous rejoindre pour un repas suivi de partage, de chants, de danses et de théâtre préparés par les détenus eux-mêmes. C’est l’occasion, dans les discours, de faire comprendre un certain nombre de choses, mais aussi de donner la parole aux détenus devant les autorités et tous les invités.

9.Un travail en commun

Pour toutes ces activités, nous travaillons toujours en coordination avec les responsables, le service social et le personnel de la prison. Nous rencontrons également régulièrement les techniciens et conseillers du ministère de la Justice et de l’administration pénitentiaire et la ministre elle-même. Et aussi la direction des droits humains, les Assises nationales, la Société civile et un certain nombre d’ONG. Mais nous n’arrivons pas encore à travailler en coordination avec les autres ONG intervenant en prison, certaines associations voulant garder jalousement leur indépendance et certains responsables préférant « diviser pour régner », et profiter des uns et des autres, au détriment des détenus. Ce n’est pas toujours simple !

Nous rencontrons aussi régulièrement les chefs de chambre, pour un temps de discussion et de prises de décision. Généralement le personnel pénitentiaire traite les détenus d’une façon humaine. Le problème étant plutôt celui de la recherche de l’argent et de la corruption. C’est surtout dans les commissariats, au moment de l’arrestation, que les personnes sont frappées et traitées sans respect.

10.La formation

Nous sommes tous des bénévoles et cette action demande des connaissances. Nous cherchons donc à utiliser nos diverses compétences au maximum et nous organisons des formations régulières, en particulier sur les questions judiciaires et la formation à l’écoute. Nous avons aussi des temps de prières et de récollection entre nous pour reprendre notre action dans la prière et au niveau de la foi, et pour voir comment continuer l’action du Christ dans les prisons : « J’étais prisonnier et vous m’avez visité… Tout ce que tu fais au plus petit de tes frères, c’est à moi que tu le fais « (Matthieu 25, 36) ». « L’Esprit de Dieu repose sur moi, Il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Evangile aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils vont être délivrés, que les aveugles vont voir et que les écrasés seront libérés pour annoncer une année de grâce de la part du Seigneur. C’est aujourd’hui que cette Parole de Dieu se réalise » (Luc 7, 14-21). Comme le disait une animatrice aux prisonniers le jour de Noel : »Il ne faut pas nous remercier d’être venus vous voir. En vous, nous avons rencontré Jésus Christ. C’est nous qui devons vous remercier !»


Compte rendu d'activités à la prison

Dakar, le 26 mai 2014

Chers amis,

Voici un bon moment que je me promettais de vous écrire, mais j’ai été vraiment très occupé, d’autant plus que j’ai changé de paroisse et en me retrouvant dans la grande banlieue de Dakar, il y a eu beaucoup de choses à mettre en place. Encore une fois merci pour le grand container que vous nous avez envoyé l’année dernière. Comme vous le savez, nous avons eu beaucoup de difficultés pour le sortir du port, mais finalement, grâce en particulier à l’équipe d’animation de la prison et au soutien de la Ministre de la Justice, devenue depuis Premier Ministre, les choses ont pu se débloquer. A l’avenir, nous savons maintenant comment faire pour éviter de telles difficultés et de tels problèmes.

Au niveau de la prison elle-même, il y a eu un changement de directeur et beaucoup de tensions dans les prisons elles-mêmes. Ce qui fait qu’il a fallu être très patient. Il est vrai que la nouvelle direction a voulu améliorer les choses pour faire fonctionner les ateliers dans de bonnes conditions. La cour a été pavée, les salles pour les différents ateliers aménagées, l’électricité a été installée pour le matériel informatique, l’infirmerie et le service dentaire. Si bien que les ateliers ont maintenant commencé à fonctionner : menuiserie, serrurerie, électricité, petite mécanique, couture, taillerie, peinture etc. Mais il nous a fallu bien préciser les choses, pour que ces ateliers soient vraiment des ateliers de formation des détenus et non pas des ateliers de production pour la prison. D’abord parce que les bénéfices des ateliers de production servent beaucoup plus au fonctionnement de la prison qu’aux détenus eux-mêmes, et surtout, parce que notre souci c’est la réinsertion des détenus à leur sortie. Nous ne cherchons donc pas en priorité des revenus, même s’il faut que ces ateliers tournent et qu’on leur fournisse le matériel nécessaire pour cela. Mais plutôt d’enseigner un métier aux détenus volontaires pour qu’ils trouvent plus facilement un travail à leur sortie. Je rappelle que ce sont ces détenus, connaissant ces différents corps de métiers, qui ont accepté de former volontairement et bénévolement, leurs co-détenus. Ce qui est très important pour nous.

Pour le cabinet dentaire, le fauteuil est installé avec tout le nécessaire. Nous sommes entrain de chercher l’outillage (daviers, etc.). Si vous pouvez nous procurer du matériel dentaire ancien, cela nous aiderait beaucoup. De même, un ophtalmographe que je vous ai déjà demandé, pour l’examen des yeux. A cause des mauvaises conditions de détention, beaucoup de détenus ont des problèmes de vision. Nous avons déjà des ophtalmologues et des dentistes prêts à venir bénévolement faire des consultations et des soins à la prison.

Personnellement, ayant déménagé, je n’interviens plus directement au camp pénal des hommes, mais chez les femmes internées dans la ville de Rufisque. A ce niveau là, le matériel de couture que vous nous avez envoyé nous est spécialement utile. Nous assurons également avec elle des cours d’alphabétisation en français et en ouolof.

Pour les trois dispensaires que nous avons aidés également à la réception du container l’an passé, celui de Derklé a changé de direction mais il continue a bien fonctionner, étant tenu par des sœurs de Saint Joseph de Cluny. Bien sûr, les produits ont été consommés depuis longtemps, de même que le lait et la panure. Mais le petit matériel médical est toujours utilisé et apprécié.

Au même endroit se trouve un centre de formation de jeunes filles dans lequel j’interviens régulièrement. Là aussi le matériel de mercerie a été bien utile.

Les vélos sont utilisés en parti par des catéchistes du secteur rural en différents endroits, et les autres en ville, par des étudiants qui ont un long chemin à faire pour aller suivre leurs cours. Je vous remercie donc pour tout cela.

Voici quelques nouvelles que je voulais vous donner. Vous recevez des nouvelles plus détaillés mais plus générales par mail. Soyez sûrs que nous vous sommes très reconnaissants pour tout ce que vous faites pour nous ici à Dakar, et également à Kédougou avec le Père Stéphane. Vous nous apportez un soutien très important pour notre travail social et humanitaire, et également en Guinée, que ce soit à Conakry ou à Mongo. Nous vous remercions de tout de tout cœur. Nous vous souhaitons bon courage dans vos activités.

Avec toute mon amitié.

Père Armel.


Nouvelles de la prison des femmes de Rufisque (extraits de mon journal)

  • Lundi 28 avril au samedi 3 mai : Les spiritains de l’Afrique de l’Ouest, nous sommes tous en retraite spirituelle, pendant toute la semaine. Malgré tout, je sors deux fois pour aller à la prison des femmes. La première fois, j’y amène un confrère de GUINEE BISSAO visiter une détenue qui vient de ce pays. Je l’avais prévenu à l’avance, il a été voir sa grande sœur au pays et lui apporte un colis de mangues, qu’elle a pu partager avec les autres détenues. Il lui apporte aussi des photos de ses enfants. Elle a beaucoup pleuré, mais en même temps ça lui a fait du bien et elle nous a remerciés. De son côté, elle a brodé une nappe pour sa grande sœur et un mouchoir avec une belle citation sur la paix pour notre confrère, qui en a été beaucoup touché… et moi aussi ! Deux jours plus tard, je suis retourné à la prison avec un confrère de GUINEE CONAKRY rencontrer une autre détenue. Elle vient de la préfecture d’où la maladie Ebola a démarré. Nous avons pu la rassurer, et elle en a été très contente.
    Pendant cette retraite, nous étions en silence et en prière toute la journée. Mais au repas du soir, nous prenions le temps de parler ensemble, pour partager notre travail, nos joies et nos soucis. Cela est très important, et a été une grande joie et un grand encouragement.
    Le vendredi soir, nous saluons les confrères et rentrons à Pikine car ce n’est pas trop loin et dès le lendemain matin, nous aurons du travail.

  • Mercredi 21 mai : Je devais aller dans un collège ; et jeudi 22 je devais aller à la prison des femmes. Mais je suis malade. J’essaie de me lever, mais à chaque fois je dois faire demi-tour ; je me recouche, tout triste. Mais ce qui me touche, c’est que dès l’après-midi la directrice de la prison me téléphone. Elle me demande : « Qu’est-ce qui se passe ? Tu n’es pas venu ; pourtant tu ne manques jamais ! »

  • Lundi 26 mai : Je retourne me faire soigner les dents. Nous étudions ensuite avec ma dentiste la liste du matériel à acheter pour assurer des soins dentaires aux détenus, hommes et femmes, de la prison principale de Dakar.

  • Jeudi 5 juin : Je suis toujours un peu fatigué, mais malgré tout je me force à aller à la prison des femmes car il y a trop longtemps que je ne les ai pas vues, pour toutes sortes de raisons : maladie, retraite, autres engagements, jours fériés (1er Mai, Ascension, etc…). J’ai pour plus d’une heure de déplacement en transport public, debout, et nous sommes tous très serrés, ce qui ajoute de l’inconfort à la chaleur extérieure déjà bien installée. Mais mon seul jour de rencontre et d’écoute des femmes est le jeudi. Comble de malheur, nous sommes coincés dans les bouchons d’une circulation intense. J’arrive donc en retard, alors que de nombreux problèmes m’attendent. Comme toujours, je suis très bien accueilli, tant par le personnel que par les femmes. Hélas je n’ai pas eu le temps de rencontrer la moitié de celles qui ont demandé à me voir, qu’on me dit que c’est l’heure de terminer. Pas question de discuter, c’est le règlement de la prison ! Les femmes devront attendre jusqu’à jeudi prochain ; elles sont tristes et moi aussi. Quand je sors, elles me donnent rapidement des n° de téléphone de parents ou amis à contacter. Cela va bien m’occuper les soirées, surtout qu’un certain nombre sont à l’étranger. Il va falloir que j’achète plusieurs cartes de téléphone !

  • Jeudi 12 juin : Je retourne à la prison. Je trouve des femmes nouvellement condamnées que j’avais connues lorsqu’elles étaient dans une autre prison de la ville, en prévention. Au milieu de leurs problèmes, elles sont heureuses de me revoir. Et moi aussi ! Comme chaque fois, plusieurs viennent me donner des numéros de téléphone pour que j’appelle leurs parents ou amis pour chacun de leurs problèmes. Et il y en a beaucoup ! La plupart sont analphabètes. Je suis toujours dans l’admiration devant leur mémoire qui leur permet de retenir ces n° de téléphone. L’une d’entre elles a appris la broderie en prison ; elle m’offre un beau texte brodé en anglais. Il y a plusieurs fautes, mais c’est l’amitié qui compte ! Une autre m’offre un beau bonnet qu’elle a tricoté. Je suis très touché par tous ces gestes d’amitié. Certaines font tout pour nous faire plaisir. D’autres cherchent plutôt à profiter de moi et à me tromper. Mais j’ai l’habitude, et je ne me laisse pas faire. Je dois aussi résister à l’opinion de certain(e)s gardien(ne)s qui me disent que j’en fais trop, et que de toute façon ça ne vaut pas la peine !

  • Jeudi 19 juin : Comme chaque semaine, je passe la matinée à la prison des femmes pour accueillir chacune avec ses problèmes : contacts avec les familles pour leur donner des nouvelles et demander des soutiens ; contacts avec les avocats pour le suivi des cas (il faut souvent les relancer pour qu’ils fassent quelque chose) ; problèmes de santé, lunettes, etc… Leur fournir du matériel de couture, broderie, tissage et autres activités, ou simplement parler ensemble pour leur remonter un peu le moral. Le Ramadan approche et nous en parlons longuement avec les musulmanes.

  • Jeudi 26 juin : Le matin, à la prison des femmes. Je trouve toujours le temps trop court. En effet, j’ai plus d’une heure de transport, et à midi il faut s’arrêter : c’est l’heure du repas, et ensuite les femmes sont enfermées en cellule jusqu’à 15 heures.

  • Juillet-août : Je continue chaque jeudi mes visites à la prison des femmes. Et mes émissions quotidiennes à la radio.

  • Jeudi 4 septembre : Visite à la prison. Je suis très attendu, aussi bien par le personnel que par les détenues. Nous sommes vraiment très heureux de nous revoir. J’apporte les réponses aux différents problèmes que j’ai pu régler entre temps. Et d’autres détenues viennent avec de nouvelles souffrances et difficultés. Toutes voudraient des visites, et aussi des habits et un peu de nourriture, pour fêter la Tabaski (Aïd el Kebir : le sacrifice d’Abraham), car la plupart sont musulmanes. Plusieurs m’assurent qu’elles ont prié pour moi. Beaucoup me demandent, comme à chacune de mes visites, de téléphoner ou d’envoyer un mail à leur famille pour avoir des nouvelles, surtout des enfants.
    J’ai reçu un stock de petites savonnettes. Je peux en donner une à chacune ; ce n’est presque rien, mais elles en sont très heureuses. Merci à tous ceux qui nous permettent ainsi d’apporter un peu de joie.

  • Jeudi 18 septembre : Je pars à la prison des femmes. Après avoir rencontré les détenues qui le souhaitent, nous tenons une réflexion sur le comportement des détenues. Certaines sont dépressives et deviennent facilement agressives. D’autres adoptent des comportements bizarres et même aberrants, qui perturbent les autres. Ce n’est pas facile de savoir que faire dans ces cas-là.

  • Jeudi 9 octobre : Visite à la prison le matin et réunion de communauté dans les quartiers la nuit. C’est à chaque fois différent, car chaque semaine amène ses nouveaux problèmes et aussi ses nouvelles joies.

  • Jeudi 16 octobre : Visite à la prison. Après la fête de la Tabaski j’étais très attendu. Je pars plus tôt que d’habitude, car à midi il faut arrêter les visites ; c’est le règlement ! J’amène, comme chaque fois, du courrier que les familles m’ont remis (et qui passera par la direction), les réponses aux appels téléphoniques que j’ai passés à la demande des détenues, des lunettes, un peu de nourriture. Beaucoup me demandent aussi du savon, mais je n’en ai plus… ni les moyens d’en acheter. Je ramène aussi les radios et autres appareils que j’ai fait réparer. Mais bien sûr, sur place, le principal c’est de rencontrer les détenues, les écouter et parler avec elles. Je suis toujours très touché par leur courage, leur patience et aussi leur confiance.


Animation à la prison des femmes de Rufisque

N.B. Ce document n’est pas accompagné de photos ; les photos étant absolument interdites en prison.

La ville de Rufisque est située à 25 km de Dakar au Sénégal. Là se trouve une prison pour une centaine de femmes condamnées pour divers délits, aussi bien sénégalaises qu’étrangères. Certaines de ces femmes ont été arrêtées, alors qu’elles étaient enceintes ou venaient d’accoucher. Elles se retrouvent donc avec leurs bébés en prison. On comprend les problèmes et les difficultés de ces femmes d’autant plus que la prison est en fait une maison très ancienne qui a été récupérée et n’a pas été rénovée, et donc qui n’a absolument pas été construite pour être une prison fonctionnelle. En plus, cette maison n’a pas les capacités d’accueillir un tel nombre de personnes, d’où la surpopulation carcérale avec toutes ses conséquences : promiscuité, tensions, maladies etc.

La nourriture est insuffisante et les soins de santé très limités. Mais pour la plupart des femmes, la plus grande souffrance c’est d’être séparée et sans nouvelle de leurs familles, spécialement de leurs enfants.

Notre action se situe dans le cadre de l’animation des prisons reconnue par les services pénitentiaires nationaux sous la supervision du ministère de la Justice. Nous intervenons sous la direction des régisseurs des différentes prisons en lien avec le personnel pénitentiaire. Nous avons les commissions suivantes qui interviennent dans chaque prison que nous suivons (Voir le document en pièce jointe).

  1. L’assistance judiciaire

  2. L’assistance matérielle et socio-économique

  3. L’assistance psychologique et la formation continue

  4. La formation professionnelle et la réinsertion

  5. La culture et la communication

  6. La commission santé

Plus précisément dans cette prison des femmes, nous intervenons

  1. D’abord pour une aide matérielle :
    * Fournir des habits, et du matériel de santé (médicaments) et d’hygiène (savon, eau de javel etc.) en particulier pour les étrangères et pour les femmes sénégalaises venues d’autres régions du pays, et qui ne reçoivent pas de visites de la famille pour leur apporter des médicaments dont elles ont besoin et qu’on leur donne pas à l’infirmerie, parce qu’ils manquent. On se contente souvent de leur donner simplement une ordonnance, et elles doivent alors payer les médicaments à leurs frais.
    * Apporter un complément de nourriture pour ces mêmes personnes.
    * Etant souvent enfermées dans le noir, beaucoup de ces détenues ont des problèmes de vision et nous leur fournissons donc des lunettes.

  2. Chaque semaine assurer des séances d’écoute pour accueillir et soutenir psychologiquement les détenues qui le désirent (elles sont nombreuses), sans aucune distinction de langue ou de religion. Nous intervenons en français, la langue officielle du Sénégal, en anglais, portugais et espagnol, et dans plusieurs langues africaines, en particulier le wolof, la langue véhiculaire du Sénégal , mais aussi le bambara, le soussou et le kissi (langues de Guinée) le lingala et le lari (langues du Congo), etc. pour que ces personnes puissent s’exprimer plus facilement dans leur propre langue. Tout cela bien sûr, dans la liberté totale et dans la confidentialité.

  3. Assurer les relations entre les détenues et leurs familles par des visites aux parents ou des contacts par téléphone ou internet pour celles dont la famille est éloignée, en particulier celles qui viennent des pays étrangers.

  4. Proposer une formation pendant le temps de la détention : alphabétisation dans différentes langues, spécialement anglais, français et wolof, apporter des revues et des livres pour celles qui savent lire. Les former à la couture, la teinture, le tricot et organiser la vente de leurs productions pour leur assurer un petit revenu qui leur permet d’acheter les produits de première nécessité à la boutique de la prison, et aussi de commencer à constituer un petit pécule préparatoire à leur sortie.

  5. Assurer des bonnes relations, des échanges, et des séances de réflexions avec le personnel pénitentiaire.

  6. Préparer la sortie et la réinsertion des femmes : préparer les familles à les accueillir de nouveau, leur trouver les moyens de retourner dans leur village ou leur pays, leur chercher un travail ou d’autres moyens de vivre, si possible, pour leur permettre de se prendre en charge avec leurs enfants et leurs familles.
    Et pour celles qui le désirent continuer à les rencontrer et à leur assurer écoute et soutien, au moins pour celles qui résident dans la région de Dakar.

  7. Nous cherchons aussi à répondre à des besoins plus personnalisés, exprimés par des détenues, dans la mesure de nos possibilités.


Religieux : L’apostolat dans les prisons, quelle interpellation pour nous ?

Ceci est le résumé de mon intervention aux deux récollections pour les religieux et religieuses du diocèse de Dakar, ville et zone rurale.

Nous avons commencé par la lecture de Luc (4, 18-22) : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi, Il m’a envoyé libérer ceux qui sont en prison, ouvrir les yeux des aveugles, libérer ceux qui sont écrasés, apporter la bonne nouvelle de l’Evangile aux pauvres et annoncer une année de grâce de la part du Seigneur ». Que faire pour que ce passage de l’Evangile se réalise aujourd’hui, là où nous vivons ?

La prison fait partie de notre histoire chrétienne. Déjà dans l’Ancien Testament avec les arrestations de Joseph, de Jérémie et d’Isaie. Jésus lui-même a été mis en prison, torturé et mis à mort. A sa suite, Pierre et Paul ont été aussi emprisonnés. La prison fait vraiment partie de notre foi.

Personnellement je suis très reconnaissant envers les prisonniers. J’ai eu l’occasion de commencer à intervenir dans les prisons de Rebeuss dans les années 1950, lorsque j’étais scout à la 2° Dakar. Tout au long de ma vie missionnaire, j’ai cherché à soutenir les prisonniers, là où je me trouvais. De retour au Sénégal, je suis d’abord intervenu au camp pénal de Liberté 6, chez les hommes et les femmes. Actuellement, je vais chaque jeudi à la prison des femmes de Rufisque. Je suis très reconnaissant aux détenus pour ce qu’ils m’ont appris : le courage dans les difficultés de la vie, la solidarité entre eux, le partage, non seulement de nourriture mais de conseils et des encouragements. Et aussi la conversion, la volonté de changer de vie, et de réfléchir à ce que l’on a vécu.

J’ai été très marqué par de nombreux partages d’Evangile vécus avec les prisonniers. Je citerai simplement ce passage d’Evangile, la guérison du paralysé (Luc 5,17-26). Les détenus ont dit : Jésus nous pardonne, nous aussi. Quel que soit le mal que nous avons fait, nos péchés sont pardonnés. Il nous dit à nous aussi : Lève-toi et marche. Et ils ont cherché comment vivre cela, même s’ils ne peuvent pas sortir de la prison : comment se lever et marcher vers les autres, dans la prison où ils sont. Et comment se soutenir les uns les autres, comme les quatre amis qui apporté le paralysé à Jésus, en disant : c’est notre travail d’apporter les autres prisonniers jusqu’à Jésus. J’ai beaucoup apprécié qu’à l’entrée de la salle d’accueil des familles au Camp Pénal de Liberté 6, dans un pays à majorité musulmane, on ait affiché ces paroles du pape Clément 9 : « soumettre les individus malhonnêtes au châtiment, cela ne sert à rien, si on ne les rend pas honnêtes par l’éducation ».

Notre action dans les prisons s’appuie sur Matthieu 25,31-46, le jugement dernier. A la fin du monde, Jésus nous demandera « J’avais faim, est-ce que tu m’as donné à manger ? J’étais malade, est-ce que tu m’as visité ? J’étais en prison, qu’est-ce que tu as fait pour moi ? J’étais étranger, est-ce que tu m’as accueilli ». En prison, beaucoup de prisonniers sont nus Ils n’ont même pas d’eau potable à boire. Il y a beaucoup d’étrangers, tous ont faim. Il y a beaucoup de malades. Il ne s’agit pas seulement de charité : aller les aider, parce que nous sommes bons. Jésus nous dit : « tout ce que tu fais à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que tu le fais ». L’engagement en prison ce n’est donc pas seulement d’aider les prisonniers, mais c’est de reconnaître en chacun d’eux, un petit frère ou une petite sœur de Jésus qui a sa dignité, et qu’il faut respecter à tout prix. C’est là que doit être notre premier engagement.

La punition de la prison, c’est la privation de liberté, et c’est là déjà une très grande punition : ne pas pouvoir sortir, ne pas pouvoir faire ce que l’on veut, ne pas pouvoir vivre en famille, ne pas pouvoir rencontrer ses amis. La punition en prison ne doit pas être le manque de nourriture ni le manque de soins. Le détenu reste une personne humaine, un frère de Jésus, un enfant de Dieu. Quelles que soient les mauvaises choses qu’il a faites, il a le droit au respect. Il ne s’agit pas de l’humilier, encore moins de le frapper, mais de l’aider à retrouver sa dignité. Les droits humains sont aussi valables pour les détenus, comme pour tous les autres hommes du monde entier. Or nous savons bien que dans nos prisons, les détenus vivent dans des conditions absolument inhumaines et dégradantes. Les détenus se retrouvent à plus de 100 personnes dans une chambre, obligés de coucher par terre, et même en quinconce, parce qu’ils n’y a pas assez de place. Avec des toilettes ouvertes à l’intérieur de la chambre. Et lorsque tu te lèves pour aller aux toilettes la nuit, d’abord tu te fais insulter et frapper parce que tu marches sur les autres. Et tu ne peux plus revenir te coucher, parce que les autres se sont desserrés, et ils ont pris ta place pendant ce temps. Il y a vraiment beaucoup de choses à faire, pour avoir un minimum de dignité en prison.

L’aumônerie catholique

Trop souvent, l’aumônerie catholique ne s’occupe que des chrétiens. Et même pour les chrétiens, on ne prend en compte que leur vie chrétienne, et non pas leurs besoins primaires. On va dans les prisons pour prier le chapelet, faire la catéchèse et dire la messe. C’est important, mais il y a tellement d’autres besoins à satisfaire. La première chose, c’est d’abord de nous abaisser devant les prisonniers, comme Jésus a lavé les pieds de ses apôtres. Et de les accueillir avant de vouloir les aider. Jésus disait à ses apôtres : « Celui qui vous accueille, c’est Moi qu’il accueille » (Mat 10,40-42). Les prisonniers ont beaucoup de choses à nous apprendre. Les prisonniers nous évangélisent.

Il y a six ans, une religieuse d’Afrique du Sud, camerounaise d’origine, responsable au niveau de l’Afrique des aumôneries de prison, est venue nous donner une formation. Suite à cette formation, avec l’abbé Adrien Sarr à Liberté 6, nous avons mis en place différentes commissions pour prendre en charge toute la vie des détenus, pas seulement des chrétiens mais de tous les prisonniers. Je pourrai vous fournir les cahiers de charge de ces commissions, et leurs explications. Je ne fais que les énumérer aujourd’hui.

* La commission juridique, pour aider les détenus qui n’ont pas les moyens d’avoir un avocat, entrer en relation avec l’administration pénitentiaire, et leur permettre d’être jugé le plus rapidement possible. Car certains doivent attendre de très nombreuses années avant d’être jugés, et parfois être déclarés innocents. Ou être condamnés à une peine plus courte que le temps qu’ils ont déjà fait en prisons. Ensuite, assister à leur jugement,

* La commission économique, pour aider les détenus dans leurs besoins matériels en nourriture, en médicaments, et aussi par exemple en lunettes, en habits et pour tous les autres besoins matériels.

* La commission culturelle, pour assurer une éducation et une réflexion avec des projections, des conférences, des débats. Et aussi des cours d’alphabétisation et l’organisation de la bibliothèque dans la prison.

* La commission formation pour aider les détenus à apprendre un métier. Pour cela, nous avons fait venir des outils, du matériel et des ordinateurs pour la formation à la sculpture, à la peinture, à la petite mécanique, à l’électricité, à la soudure, à l’informatique, etc. Pas seulement pour occuper les détenus, mais pour leur donner les bases pour pouvoir travailler à leur sortie. Comme nous n’avions pas les moyens de payer des formateurs, nous avons demandé aux détenus ayant un métier de former les autres bénévolement. Beaucoup ont accepté de le faire.

* La commission liturgique pour les prières et l’animation spirituelle des chrétiens, mais aussi des non chrétiens qui le demandent, dans le respect de leur religion.

. La commission de réconciliation pour essayer de réconcilier les détenus avec leurs familles. Car certaines familles les rejettent complètement, et refusent de les aider, et même de leur parler. Et certaines femmes demandent le divorce. Et aussi la réconciliation avec leurs victimes. Cela est très difficile, mais nous avons vécu des rencontres de pardon très fortes, et absolument extraordinaires.

* La commission des relations extérieures et de réinsertion : aider les détenus à rester en relation et avoir des nouvelles de leurs familles, et en donner à leurs familles. Surtout préparer la réinsertion. Car lorsqu’un prisonnier est libéré, on ouvre la porte, on le met dehors, et il doit se débrouiller par lui-même. Et parfois sa famille refuse de le recevoir. C’est tout cela que nous devons prendre en compte dans une aumônerie de prison, pas seulement la prière et l’Eucharistie.

* La commission de l’écoute, pour écouter ceux qui veulent parler avec nous. Il n’est pas question de leur faire de la morale, ni même de les conseiller. Mais simplement de les écouter. Car quand quelqu’un peut parler de ses problèmes dans la confiance et l’amitié, il fait sortir ce problème de lui-même, et il se libère. Bien sûr, pour cette écoute, nous avons dû recevoir une formation, qui nous a été donnée par une religieuse psychologue travaillant au Sénégal.

Toutes les bonnes volontés peuvent agir pour les prisonniers.

Comme je le disais, c’est une religieuse camerounaise qui nous a formés à l’écoute. Les scouts autrefois allaient souvent dans les prisons. Je ne sais pas s’ils continuent à le faire aujourd’hui. Il y a beaucoup d’étrangers dans les prisons, nous avons donc besoin de religieuses qui parlent l’anglais, le portugais, et les autres langues étrangères. J’ai connu ainsi de nombreuses personnes qui sont intervenues. A Saint-Louis, deux femmes faisaient l’alphabétisation en français : une allemande et une italienne. Et une portugaise a lancé un atelier de reliure. Car dans les prisons des hommes, une présence féminine est très importante.pour aider les détenus hommes à garder leur équilibre. Il y a certainement une place et un rôle importants pour les religieuses dans ce domaine.

Même si on n’intervient pas directement à la prison, il est important de soutenir la Caritas et les commissions Justice et Paix, pour qu’elles prennent leurs responsabilités dans ce domaine. Mais là encore, il y a trop peu de religieux et de religieuses à la Caritas et à Justice et Paix.

Un certain nombre de groupes chrétiens interviennent dans les prisons, à Noël et à Pâques. C’est une bonne chose, cela permet aux détenus de vivre ces fêtes et d’avoir un peu de joie. Mais est-ce qu’on peut se contenter de cela. On donne un bon repas à Noël aux détenus, mais qu’est-ce qu’ils vont manger par la suite ? Ce qui est important c’est intervenir tout au long de l’année de façon régulière et soutenue. Par exemple dans ces chorales et dans ces groupes, charismatiques ou autres qui vont à la prison à Noël et à Pâques, il y a des avocats, il y a des médecins, il y a des enseignants. Nous leur avons souvent demandé d’aider les détenus. Par exemple, pour les avocats, de prendre en charge bénévolement un détenu, un seul, qui n’a pas de moyen. Pour les enseignants, de venir faire des formations. Pour les médecins, de venir une fois par semaine, ou même une fois par mois, à tour de rôle, pour des consultations gratuites, en amenant des médicaments. Mais nous n’avons jamais reçu de réponses positives. Les gens viennent seulement à Noël et à Pâques et ils disparaissent, malgré tous nos appels. Même les agents de la santé catholique n’interviennent pas dans les prisons, malgré nos demandes. Pourtant, il y a des problèmes de santé très graves dans les prisons. Et les religieuses qui travaillent dans la santé sont nombreuses.

Notre responsabilité s’étend aussi au niveau de toute la société. Par exemple, en juillet nous allons élire nos députés. Est-ce qu’ils vont se sentir concernés par les prisons ? Heureusement, ils ont augmenté le montant la pension alimentaire de chaque jour pour les prisonniers. Cela est une bonne chose, c’est dans ce sens qu’il faut intervenir.

Quelles conclusions tirer de tout cela ?

Même si nous n’intervenons pas en prison, quels que soient les lieux où nous travaillons, et même déjà dans notre propre communauté, il est important que nous ayons le même courage, la même solidarité, la même volonté de nous convertir, que les détenus en prison. C’est important que nous partagions la Parole de Dieu, dans des vrais partages d’Evangile, et pas seulement réciter des prières, dans les différents groupes et activités auxquels nous participons. Que nous sachions reconnaître Jésus Christ, pas seulement dans les prisonniers, mais dans tous ceux que nous rencontrons. Que nous sachions respecter les droits, pas seulement des détenus mais les droits des pauvres, des petits, des handicapés, des malades psychologiques, des veuves, des orphelins, des chômeurs, des employés de maison, et de tous ceux dont les droits ne sont pas respectés. Que nous sachions travailler pour défendre la liberté et la dignité de tous les hommes. Que nous sachions accueillir et écouter ceux qui ont des problèmes autour de nous. Que nous sachions apporter une présence féminine là où nous vivons, et là où nous sommes engagés, pour aider tous les hommes et toutes les femmes à vivre leur sexualité d’une manière épanouissante. Les détenus nous enseignent, les prisonniers nous évangélisent. Est-ce que nous sachons les accueillir ?


Le travail dans la société : Le travail d’une aumônerie de prison ne se limite pas à l’intérieur de la prison. Comme je le disais, il faut préparer le retour en famille, la réinsertion et la formation professionnelle des détenus. Il est donc important de prendre contact avec les familles des détenus, pour qu’elles acceptent de les recevoir à leur sortie. Et surtout connaître la situation des familles. Car ceux qui souffrent le plus, ce ne sont pas les prisonniers, ce sont leurs femmes et leurs enfants. Quand le chef de famille est en prison, souvent la mère n’a pas de revenus financiers. Elle ne peut pas payer le loyer, elle est chassée de la maison. Elle ne peut plus payer les études, les enfants ne vont plus à l’école, ils doivent se débrouiller pour trouver à manger chaque jour. Il est donc important de chercher à connaître les familles des détenus. Nous ne pouvons pas tous aller dans les prisons. D’ailleurs cela devient de plus en plus difficile. Même les aumôneries ont beaucoup de peine à obtenir les autorisations nécessaires, pour travailler dans les prisons. Mais nous pouvons aider leurs familles, pas seulement au niveau matériel mais au niveau psychologique. Ce n’est pas facile pour une femme de continuer à vivre, et d’éduquer seule ses enfants, quand le père de famille est en prison. C’est pourquoi, comme je le disais, un certain nombre de ces femmes demandent le divorce, et même se remarient.

Il est très important d’encourager le personnel des prisons. Leur travail est très difficile. Il demande beaucoup de dévouement, et aussi beaucoup de sagesse, pour ne pas se laisser prendre par la violence et par la méchanceté. Eux aussi ont besoin d’être soutenus. Je suis heureux de savoir que maintenant il y a une formation spéciale pour le personnel des prisons. Car jusqu’à l’année dernière, ils étaient formés dans les écoles de police, et donc ils se conduisaient comme des policiers à la prison, et non pas comme des éducateurs. Je tiens à remercier ici, en particulier le personnel féminin des prisons. Par exemple à la prison des femmes de Rufisque où j’interviens actuellement, le personnel est vraiment très proche des femmes. Elles essaient de tout faire pour leur arranger la vie, pour les aider, les encourager et les soutenir. Bien sûr, il faut garder la sécurité et observer les règlements des prisons. Mais cela peut se faire d’une façon humaine.

C’est important aussi d’intervenir auprès des avocats. Il a trop d’avocats qui demandent des sommes importantes, jusqu’à 500 000 frs, pour prendre en charge et soi-disant défendre un prisonnier. Ensuite, ils disparaissent. Ils changent même leur numéro de téléphone. On ne peut plus les contacter. C’est vraiment des cas de malhonnêteté, de détournement d’argent et de corruption que l’on retrouve très souvent

Nous avons donc tous à nous engager pour qu’il y ait plus de sérieux, de conscience professionnelle, de bonne gouvernance dans la société. Et de lutter contre la corruption, le vol et les détournements d’argent. Car ces problèmes on les rencontre aussi dans les prisons. Ainsi au Camp Pénal, la coopération turque avait offert un fauteuil pour les dentistes, pour soigner les détenus. En effet, avec la mauvaise alimentation, les problèmes dentaires sont très nombreux. L’infirmier quand il a pris sa retraite est parti avec tout le matériel dentaire. Avec des dentistes de la ville qui ont fait des cotisations volontaires, nous avons acheté un nouveau matériel. Lorsque tout le matériel a été en place, et que ces dentistes étaient d’accord pour intervenir gratuitement à tour de rôle pour soigner les dents des détenus, le directeur de la prison a demandé que l’on soigne d’abord le personnel des prisons et leurs familles, avant les prisonniers. Bien sûr ces dentistes bénévoles ont refusé, en disant qu’ils venaient pour les prisonniers mais pas pour les familles du personnel. Du coup, les détenus n’ont pas été soignés. De même, le directeur d’une prison est parti en stage au Congo en emportant tout l’argent (les pécules) des prisonniers.

Avec l’aide des anciens scouts de la 2ème Dakar vivant en France, nous avons reçu un container de 30 tonnes. Non seulement de la nourriture, mais aussi des outils et du matériel informatique. Cela nous a permis, avec les cotisations et le soutien de personnes sur Dakar, de fournir du matériel pour les différents ateliers de la prison. Et d’ouvrir une salle informatique. Malheureusement de nombreuses personnes du personnel ou de l’extérieur sont venues dans cette salle, visionner des vidéos pornographiques avec des clés pleines de virus. Actuellement la salle informatique ne fonctionne plus, et ce sont les détenus qui en payent les conséquences.

De même, nous avons connu une directrice de prison, encore jeune, qui se permettait de mettre les prisonnières même âgées à genoux et même de les frapper devant tout le monde, lorsqu’elles ne suivaient pas le règlement. Heureusement elle a été rapidement remplacée. C’est donc tout ce travail d’éducation, de formation qu’il faut continuer à faire, chacun là où nous vivons.

Attaquer les causes

Mais surtout il faut attaquer les causes. Il vaut mieux prévenir que guérir C’est très bien d’intervenir en prison, mais il faut surtout agir pour éviter que les gens n’aillent en prison. La grosse majorité des femmes qui sont en prison, quand ce ne sont pas des questions de drogue, c’est pour des questions d’avortement ou d’infanticide. D’abord, je suis absolument opposé à ce que l’on mette en prison des femmes qui ont avorté, et même celles qui ont tué leurs bébés. Car si elles l’ont fait, ce n’est certainement pas par plaisir mais parce qu’elles étaient complètement abandonnées et sans soutien. Une femme qui a avorté, et surtout si elle a tué son bébé, elle sait très bien que ce qu’elle a fait n’est pas normal. Elle est la première à le regretter, et à en souffrir énormément psychologiquement. J’en suis témoin chaque jour. Elles n’ont pas besoin de condamnation, encore moins de punition, mais de soutien. Que faisons-nous pour soutenir les femmes enceintes, qui ont des problèmes pour accueillir une nouvelle naissance ? Et pour une saine régulation des naissances ? Pour conseiller les parents, qui chassent leur fille de la maison, si elle est enceinte. Où va-t-elle aller ? Que va-t-elle faire ? Quelle éducation sexuelle donnons-nous aux élèves dans nos écoles ?

De même, ce n’est certainement pas la solution de mettre les homosexuels en prison. Ce n’est pas cela qui va les aider à vivre leur sexualité, et certainement pas aider les autres détenus. Ils risquent au contraire de faire grandir l’homosexualité à l’intérieur même de la prison. Ce qui se passe déjà assez souvent, même si on veut cacher les réalités. De même que les cas de Sida.

Il est sûr que le yamba est une drogue, et qu’il faut tout faire contre son utilisation. Mais je ne pense pas normal de mettre à égalité une maman qui vend du yamba pour avoir un peu d’argent, ou un jeune triste et désemparé qui fume du yamba, et des grands trafiquants qui utilisent des femmes qu’on appelle des mules, qu’on utilise pour vendre de l’héroïne et de la cocaïne, qui rapportent énormément d’argent sale, et qui sont des drogues dures aux conséquences très graves. Avoir criminalisé sans distinction l’utilisation de toutes les drogues, aussi bien le yamba (marijuana, cannabis) que les drogues dures, a rempli complètement les prisons avec toutes les conséquences dont j’ai parlé. Il vaudrait mieux faire payer des amendes à ceux qui utilisent le yamba. D’abord, cela rapporterait de l’argent, et la punition serait sûrement plus efficace et plus éducative, que de mettre en prison des jeunes pris à fumer un joint, ou même à vendre quelques cigarettes de yamba, ensemble avec de grands criminels. Entrés comme des petits délinquants, ils ressortent comme des grands bandits.

Certains jeunes et adultes se retrouvent en prison, parce qu’ils ont tué des camarades ou même des parents. Drogués, ils vont même tuer un camarade pour une cigarette ou une somme de 100 frs à la suite d’une bagarre, où ils sortent. Il est donc essentiel que nous luttions contre la violence, que nous travaillions à l’éducation des jeunes en commençant par les enfants. Et que nous soutenions les familles pour cela. Il y a trop de violences dans notre pays. Cela commence par les violences verbales et les insultes, cela se continue par les bagarres, et ça se termine par les crimes et des morts. Il est absolument essentiel que nous luttions contre cela de toutes nos forces. Souvent on attaque les parents en disant : les parents ont démissionné. C’est sans doute vrai en partie. Mais que fait-on dans nos écoles, même les écoles catholiques, pour éduquer véritablement les élèves à la paix. Pas seulement dans les classes mais dans toute leur vie ? Que font nos mouvements, comme les scouts et les CV-AV, par rapport à cela ? Et pourtant ils ont des frères et des sœurs conseillers et conseillères. C’est important que l’on s’engage dans ce sens-là.

Il commence à y avoir dans le pays des boutiques de droits pour défendre les droits des gens. Et des maisons de la femme pour accueillir, défendre, soutenir et donner des moyens de vivre aux femmes et aux jeunes filles victimes des violences, qu’elles soient conjugales ou non. Mais très peu de chrétiens, et encore moins de religieux et de religieuses participent à ces actions.

Quand un jeune n’a pas travail et qu’il n’est pas soutenu par sa famille, il est triste et complètement découragé. Et s’il n’a rien à manger, il va se mettre à voler. Pour oublier ses problèmes il va fumer, boire de l’alcool et se droguer. Et il se retrouvera en prison. La solution pour les prisonniers ne se trouve pas à l’intérieur de la prison, mais dans la société. Elle doit passer par la lutte contre la pauvreté, les soutiens et les projets de développement pour les jeunes et pour les femmes. Cela demande notre engagement dans la société. Trop souvent, nous sommes engagés seulement dans nos paroisses. Et même là, notre engagement se limite souvent à la catéchèse et à la liturgie. Nous religieux, nous ne sommes pas engagés dans la société. Et nous n’aidons pas les chrétiens laïcs à prendre leurs responsabilités dans les quartiers, et dans la vie de tous les jours. L’année de la miséricorde est terminée, mais il est important que nous continuons à agir pour la miséricorde, là où nous vivons. Pas tout seul mais avec tous, chrétiens ou non.

N.B. Dans le partage qui a suivi cette présentation, il y a eu des questions sur les conditions de vie des détenus, la situation des jeunes en prison, les conditions de vie des bébés qui sont en prison avec leurs mères, et un certain nombre d’autres questions. A chacun de cntinuer la réflexion…et l’action !




Évangile en prison (Luc 3, 15-18 + 21-22 : Le baptême de Jésus

On pourra se rapporter au commentaire de cet évangile tel que je l’envoie par mail, sur Facebook et à la radio. Voici quelques réflexions supplémentaires faites lors de la messe à la prison.

Au baptême de Jésus, Dieu se montre comme le Père qui aime son Fils. Jésus prie et  se manifeste comme fils de Dieu, et le saint Esprit descend sur lui. Dieu n’est pas tout seul, Il est une famille, Dieu est amour. Ici dans cette prison, nous pouvons aussi créer un esprit de famille, même si nous sommes loin de nos propres parents, et que nous pensons à eux avec tristesse. Il ne s’agit pas pour nous de regarder en arrière. Mais de construire une famille dans cette prison, et de vivre le mieux possible dans l’amour de Dieu, et l’amitié de nos frères.

Cet évangile nous donne aussi l’exemple de Jean Baptiste, que nous pouvons suivre dans cette prison. Il enseigne de la parole de Dieu avec courage. Il vit une vie simple, il a des habits en peau de bête. Il ne se nourrit que de sauterelles et du miel sauvage. Nous aussi, nous n’avons pas une nourriture suffisante, et nous manquons souvent d’habits.

Jean Baptiste est humble. Il dit qu’il ne mérite même pas de détacher la chaussure de Jésus. Dans cette prison, il y a trop de gens qui ne sont pas humbles : ils veulent se montrer. Ils disent qu’ils n’ont rien fait, alors qu’ils savent qu’ils sont coupables. Il y a des prisonniers qui s’imposent aux autres, qui les commandes et les font souffrir. Ils se présentent comme des « caïds ». Et certains profitent même des plus faibles sexuellement, pour prendre en eux du plaisir. Nous voulons suivre l’exemple de Jean Baptiste pendant ce temps où nous vivons en prison. Nous n’oublions pas que Jean Baptiste a été mis en prison, lui  aussi.

Quand Jésus est baptisé, les cieux sont ouverts. Pour nous aussi, qui sommes ici dans cette prison, les cieux sont ouverts au-dessus de nous. Les portes de la prison sont fermées, nous ne pouvons pas sortir. Mais le ciel est ouvert, et nous pouvons faire monter nos prières et nos souffrances vers le ciel, Jésus les portera à Dieu notre Père. Nous cherchons à faire le bien et des bonnes choses. Les anges les porteront dans les cieux. C’est cela notre vrai sacrifice, le sacrifice spirituel dont parle saint Pierre  (1° Pi 2,5), Dieu accueille toutes les bonnes actions que nous faisons dans cette prison. Les cieux sont aussi ouverts pour que le Saint Esprit descende sur nous, comme il est descendu sur Jésus le jour de son baptême. . Qu’Il nous donne la paix la foi et l’espérance.

Jésus vient nous baptiser dans le Saint Esprit et dans le feu. Certains d’entre nous ont été déjà baptisés, d’autres ne le sont pas encore. Mais tous nous pouvons vivre le baptême de Jean Baptiste : c'était un baptême de conversion pour demander pardon à Dieu de leurs péchés. Nous voulons changer de vie. Profitons de ce temps où nous sommes en prison, pour changer pas seulement notre comportement, mais aussi nos idées et notre cœur.

Dieu dit en parlant de Jésus : » celui-ci est mon Fils bien aimé en qui je trouve toute ma joie. » Nous aussi nous sommes des enfants bien aimés de Dieu, comme Jésus et grâce à Lui. Nous aussi, nous pouvons trouver la joie de Dieu, car nous sommes des enfants de Dieu et les petits frères de Jésus. Qu’est-ce que nous allons faire pour donner la joie à Dieu notre Père, et vivre en vrais enfants de Dieu, même dans cette prison. En gardant notre dignité d’enfants de Dieu, même si certain personnes nous méprisent ou nous accusent. Même si nos familles nous ont rejetés, Dieu ne nous rejette pas. Nous sommes ses enfants. C’est cela notre dignité. Mais à ce moment-là, il faut vivre comme Jésus,en le priant. Quand Jésus a été baptisé, il a prié. Dans cette prison, nous avons le temps de prier, de lire la parole de Dieu et de la partager avec les autres. Ne perdons pas ce temps-là.

Est-ce que nous essayons de faire connaître le Christ comme Jean Baptiste, à ceux avec qui nous vivons, dans la chambre et dans la cour, sans nous décourager. C’est difficile de vivre comme Jésus. C’est encore plus difficile de le faire connaître. Mais nous ne sommes pas tout seul, nous sommes ensemble. Et ce travail, ce n’est pas notre travail à nous. C’est le travail de Dieu lui-même. Comment conseiller nos amis pour qu’ils changer de vie et fassent le bien. Nous continuons le travail de Jésus. Il est avec nous, nous sommes sûrs que ça va marcher. Dieu nous prend pour être ses enfants, Jésus prend soin de nous comme de ses petits frères, nous sommes des prophètes à la suite de Jean Baptiste. Les cieux sont ouverts, nous disons merci à Dieu.


Pastorale en prison

 

Mes activités pastorales 1) prisons :

J’interviens principalement à quatre niveaux : les prisons, l’hôpital de Fann, le centre social de Ouakam et la communauté anglophone.

Prisons : Je vais au Camp Pénal hommes, camp pénal femmes, Rebeuss, Pavillon spécial et Cap Manuel (Vues les distances et le manque de temps je ne vais plus à Sébikhotane, ni à la prison des femmes de Rufisque, ni à la prison des jeunes de Fort B).

Je célèbre l’eucharistie, assure les confessions, fais les enseignements et la catéchèse à chaque fois que c’est nécessaire. Mais je laisse ces activités à un autre prêtre de l’aumônerie s’il est disponible, préférant me consacrer à l’écoute pour laquelle il est plus difficile de trouver quelqu’un de volontaire et de formé. J’interviens en français, ouolof, anglais, espagnol/portugais et parfois en l’une ou l’autre langue africaine de Guinée et du Congo où j’ai travaillé.

Nous travaillons en équipe (aumônerie) avec l’autorisation du ministère de la Justice, sous la supervision des autorités pénitentiaires et en collaboration avec les services sociaux, infirmiers, chefs de cour, gardiens…qui nous soutiennent, car cet engagement correspond à un vrai besoin et les allège dans leur travail. De notre côté nous les encourageons car leur travail n’est pas facile. Nous échangeons avec eux dans l’amitié, recevant un excellent accueil. Prêtres, religieux/ses et laïcs, nous intervenons tous bénévolement.

Ce travail d’accueil et d’écoute s’adresse à tous ceux qui le désirent (un par un) quelle que soit leur ethnie ou leur religion. L’écoute nous permet d’accueillir les détenus avec leurs problèmes, de gagner leur confiance et de chercher avec eux des solutions à leurs difficultés. Elle permet d’améliorer leur vie personnelle, de répondre à leurs problèmes psychologiques et autres, et de les aider à mener une vie sociale plus paisible au sein de la prison.

A partir de là, nous pouvons intervenir ou faire intervenir d’autres personnes, pour répondre à leurs besoins en santé (médicaments), habits et chaussures, produits d’hygiène, nourriture... Nous avons créé un réseau de bienfaiteurs qui nous aident pour cela.

Mais surtout nous voulons permettre aux détenus de garder contact avec leur famille, suivre l’avancée de leur dossier pour le jugement, contacter leurs avocats s’ils le désirent et préparer leur sortie et leur ré-insertion dans la société.

Avec l’association des anciens scouts et guides de Dakar, nous avons fait venir des conteneurs avec des outils et ordinateurs, pour des ateliers de formation dans la prison. Ces ateliers sont animés par des détenus connaissant différents métiers et qui forment bénévolement d’autres prisonniers qui le désirent. Nous encourageons les différents artisans pour cela : mécaniciens, menuisiers électriciens, sculpteurs, peintres, tisserands….

Tout ce travail est mené au sein de la commission diocésaine des prisons, dirigée par un aumônier diocésain et le vicaire général.

Apostolat dans les prisons 2 : l’écoute

Nous travaillons dans le cadre de l’aumônerie des prisons. Chaque année nous sommes inscrits sur la liste de l’aumônerie, et le ministère de la justice nous donne l’autorisation d’intervenir dans les prisons en respectant bien sûr le règlement et l’organisation de chacune des prisons.

Nous ne voulons pas travailler uniquement avec les chrétiens C’est pour cela que nous assurons aussi une animation pour tous les volontaires à partir de l’écoute. En quoi consiste ce travail de l’écoute ? Il s’agit de rencontrer personnellement les détenus qui le souhaitent. Ils sont informés et inscrits par les assistants sociaux de la prison. Nous rencontrons donc les volontaires sans aucune distinction de langue ou de religion, et donc musulmans aussi bien que chrétiens. Le premier but de cette rencontre c’est d’abord de permettre au prisonnier, en particulier aux nouveaux arrivés de retrouver leur équilibre, d’accepter leur situation et donc d’organiser leur vie personnelle en prison. En se libérant de la révolte et de l’agressivité. En effet, un certain nombre de personnes se découragent et se referment sur elles-mêmes. Elles deviennent très tristes. Le but de l’écoute, c'est de leur permettre de retrouver la paix, de se reprendre en main et de voir comment vivre le mieux possible dans les circonstances qui sont les leurs. A travers un accueil aussi amical que possible. Et bien sûr sans aucun reproche ni aucune condamnation. Pour mener une vie sociale aussi paisible et communautaire que possible

Dans un deuxième temps, nous parlons donc de leur vie sociale : Comment vivent-ils avec les autres dans leurs chambres, et dans les différentes activités de la prison. Avec les gens qui parlent leur langue, mais aussi ceux qui parlent une autre langue. En particulier pour les détenus étrangers, puisque les relations et les échanges se font spécialement en wolof dans la prison. Et qu’eux-mêmes ne connaissent pas le wolof.

Dans la suite, nous essayons de voir quelle est la situation actuelle du détenu. Est-ce qu’il a été entendu et enregistré par les greffiers ? A-t-il été convoqué ? Est-ce qu'il a été jugé ? Est-ce qu'il a fait appel ? Est ce qu'il a un avocat ? S’il a déjà accompli la moitié de sa peine, comment peut-il obtenir une réduction de peine, ou même une liberté provisoire ? Il y a là tout un travail de suivi et de soutien très important, en lien avec les assistants sociaux et les informations reçues des greffiers. En effet, l'un des gros problèmes c'est que, souvent, après leur première instruction au tribunal, les détenus vont passer 2,3 et même 4 ans avant d'être jugés. Ce qui est bien sûr absolument inadmissible, puisque normalement, s'ils n'ont pas été jugés au bout de 6 mois, ils devraient être libérés. Mais il y a toutes les lenteurs et les lourdeurs du fonctionnement de la justice. Et le manque de moyens. C’est pour la même raison que nous leur conseillons de ne pas faire appel. Car s’ils font appel de leur jugement, ils risquent d'attendre plusieurs années avant d’être convoqués. Et d'être maintenus en prison, même lorsqu'ils ont fini leur peine.

Quatrièmement, nous cherchons à aider les détenus à garder des relations aussi bonnes que possible avec leur famille. Car certaines familles les rejettent, et refusent non seulement de venir les visiter, mais tout contact avec eux. Pour permettre une relation avec leurs familles, nous avons constitué une caisse d'entraide, avec l’aide de sympathisants et d'organisations, pour payer les communications téléphoniques. Car elles ne sont pas gratuites, et de nombreux détenus n'ont pas les moyens de payer un simple coup de téléphone.

Cinquièmement, lorsque cela est possible, nous voyons avec eux quelles occupations ils peuvent avoir dans la prison. Il y a quelques ateliers, mais qui sont malheureusement très limités. Il y a quelques années avec l'aide des anciens scouts de Dakar nous avions fait venir un gros conteneur, avec des outils de mécanique, d’électricité, d'artisanat, de sculpture, de peinture… Une autre fois, nous avons fait venir un certain nombre d'ordinateurs Et nous avons pris en charge l'installation d'une salle d'informatique pour la formation des détenus. Avec des amis dentistes sur Dakar, nous avions également reçus des petits matériels dentaires. Il y a une bibliothèque. Nous fournissons régulièrement des livres en français, et aussi en anglais, en portugais et en espagnol, que nous recueillons dans la ville. Nous fournissons également des cahiers et des bics pour des cours d'alphabétisation. Ces cours sont assurés bénévolement par des prisonniers enseignants ou ayant fait des études. De même, des volontaires musulmans formés enseignent l'arabe et le Coran.

Tout cela nous semble très important pour que les prisonniers ne restent pas à ne rien faire, à se décourager. Nous n'avons pas les moyens de payer des artisans ou des enseignants venus de l'extérieur. Mais parmi les prisonniers, il y a toujours des gens qui connaissent un métier. Et des enseignants qui acceptent volontairement et gratuitement d'enseigner les autres détenus. Cela nous semble très important pour que les détenus eux-mêmes se prennent en charge. Et qu'ils aient le souci pas seulement de leur propre bien être, mais aussi de la formation et de l'éducation des autres prisonniers.

Bien sûr, nous parlons aussi de la prière et de la vie religieuse. Les musulmans prient ensemble le vendredi, avec l'aide d'un imam qui vient de l'extérieur. Pour les autres jours, ils prient entre eux. De même, les catholiques ont l’eucharistie avec un prêtre venu de l'extérieur le samedi, et un partage de la parole de Dieu entre eux le jeudi. . La prière est très importante et nous faisons tout pour les soutenir dans ce sens, aussi bien les musulmans que les chrétiens.

Nous parlons de tout cela en nous adaptant à chacun, sans faire de reproches ni de condamnation, sans même demander pourquoi ils sont en prison. Mais au bout d'un certain nombre de rencontres souvent ils nous disent alors pourquoi ils ont été emprisonnés. On peut alors aller plus loin avec eux. Et chercher à les aider, pour leur changement de vie, et même leur conversion. Pour la prise en charge par eux-mêmes de leur avenir. Et aussi assurer des réconciliations avec leurs familles et même parfois avec leurs victimes. Cela est difficile, il faut beaucoup de temps. Mais lorsque nous arrivons à cela, c'est une grande joie, pour eux et pour nous.

Nous cherchons aussi à maintenir l'unité entre le mari et la femme. Car surtout si le chef de famille est condamné à une peine de plusieurs années, certaines femmes demandent le divorce et se remarient. Nous sommes alors amenés à partager leurs souffrances et leurs peines. L’absence de visites est aussi très dure à supporter à la longue. Pour les femmes, le plus difficile, c’est la séparation d’avec leurs enfants. Malheureusement, les rencontres des détenus avec leurs enfants ne sont pas autorisées.

Mais le plus dur, c’est quand ils apprennent le décès de l’un de leur parent, car bien sûr, ils ne peuvent pas assister à l’enterrement.

Animation dans les prisons 2 bis / les besoins

Il y a aussi un certain nombre de besoins matériels, auxquels nous cherchons à répondre avec notre caisse, que nous alimentons par nos contacts, nos activités et nos demandes auprès de nos amis er relations. C'est d'abord fournir du café, du lait et du sucre pour le petit-déjeuner qui n'existe pas dans les prisons. Et la nourriture est souvent insuffisante et de mauvaise qualité, même si des progrès importants ont été faits à ce niveau. Et il y a une grande solidarité entre les détenus. Ceux qui reçoivent de la nourriture de leurs parents ou amis, la partagent avec ceux qui ne reçoivent rien, qui viennent des autres régions et aussi avec les étrangers.

On nous demande aussi du savon pour la toilette et la lessive, ainsi que des produits d’hygiène, des brosses à dents et pâtes dentifrice. Egalement des habits et chaussures, car certains prisonniers se retrouvent en prison avec simplement les habits qu'ils avaient sur le dos quand ils ont été arrêtés. Il y a aussi d’autres choses plus importantes dont les détenus ont besoin.

Il nous arrive souvent d'aider pour l'achat de médicaments, car à l’infirmerie de la prison ils sont insuffisants. On leur donne alors une ordonnance, à eux de trouver les moyens d'acheter ces médicaments. Ceux dont la famille habite en ville et qui ont des visites peuvent le faire. Pour les étrangers, et ils sont nombreux, et même pour ceux qui viennent des autres régions du pays, ils se retrouvent complètement abandonnés.

Lorsque les détenus arrivent à la fin de leur peine et que nous sommes au courant, nous préparons avec eux leur sortie. Nous prenons contact avec la famille pour qu’elle accepte de les accueillir et préparer leur réinsertion dans la société » et voir quel travail il va pouvoir faire pour vivre, Car rien n’est prévu pour cela, et ils sont souvent prévenus au dernier moment. sans même l'argent pour retourner dans leur lieu d'origine, même pour les habitants du pays. Les voyages coûtent très cher. Pour certains étrangers, c'est possible avec l'aide de l'Office des migrants d’assurer le retour dans le pays d'origine, mais cela reste très difficile. A leur sortie, certains détenus se retrouvent abandonnés n'ayant pas de quoi vivre ni même de quoi manger, ils se tournent vers le vol et se retrouvent à nouveau en prison. C’est une grande tristesse.

Il nous arrive souvent d'aider les familles des détenus. Quand le chef de famille est en prison, celui qui souffre le plus, ce n'est pas lui, c'est souvent sa famille. La femme, si elle n'a pas de travail salarié, elle n'a plus les moyens de payer le loyer. Elle est donc chassée de la maison. Elle ne peut plus acheter les tenues ni les fournitures, pour envoyer les enfants à l'école. Ceux-ci se retrouve dans la rue ; ils traînent au marché pour trouver quelque chose à manger. Et souvent, ils sont entraînés par des groupes et tombent dans la délinquance. Nous cherchons à mettre les familles en lien avec la Caritas du quartier ou du village où ils habitent, pour être soutenues autant que possible

Animation dans les prisons 3 / des problèmes

Nous n'arrivons pas à faire tout ce que nous voudrions, ni à soutenir suffisamment les prisonniers. De toute façon, ils gardent leur liberté et leur responsabilité. Certains détenus se laissent aller et se découragent. Ils restent isolés, n'ayant pas le courage de vivre en lien avec ceux qui les entourent par honte ou par tristesse. Ou simplement à cause du problème de la langue, pour ceux qui ne parlent ni le français ni le wolof. Cependant, pour la plupart, ils arrivent à réfléchir à leur vie passée pour se prendre en main, et éviter de retomber dans les mêmes problèmes à leur sortie

Comme je l'ai dit, beaucoup de prisonniers attendent des années avant d'être jugés. Et lorsqu'ils font appel, ce sont encore de nouvelles années qu'ils doivent attendre, souvent sans succès. Nous ne pouvons pas intervenir auprès du tribunal, n’étant pas avocats. Nous n'avons donc pas accès à leur dossier, ni même la possibilité de parler avec les juges. Ce sont seulement les avocats qui ont ce droit. Mais malheureusement, nous avons beaucoup de problèmes avec les avocats. Beaucoup d'entre eux réclament une forte somme d'argent pour prendre en charge un dossier, au moins 500.000 francs CFA. Et ensuite ils disparaissent. Ils ne s'occupent pas des détenus, ils ne viennent pas les visiter, ils ne prennent pas en charge leur dossier. Et même certains changent la puce de leur téléphone, si bien qu'on ne peut même pas rentrer en contact avec eux. Cela est une grande cause de découragement pour nous. Nous avons cherché à trouver des avocats qui accepteraient de prendre en charge au moins un détenu gratuitement, mais cela est très rare et très difficile.

Ceux qui travaillent et produisent quelque chose, normalement ils reçoivent une somme d'argent. Ils ne peuvent pas disposer de ce pécule tant qu’ils sont à la prison, mais on doit le remettre à leur sortie. Sur la production des détenus, 1/3 est utilisé pour la nourriture et les médicaments, 1/3 pour le fonctionnement général de la prison et 1/3 doit être réservé et remis au détenu à sa sortie. Malheureusement à leur sortie des détenus ne reçoivent rien, ou en tout cas pas le total de la somme qu'ils ont gagné.

Il y a un autre problème. Dans certaines prisons, on nous a interdit d’apporter de la nourriture pour les prisonniers, parce qu’on avait mis en place un magasin. Et on obligeait les prisonniers à acheter ce dont ils avaient besoin dans ces magasins. Alors que nous-mêmes nous pouvions le leur offrir gratuitement. Et que beaucoup n’avaient pas d’argent. Cela est pour nous une grande injustice et pour eux une grande souffrance.

Et maintenant, que faire ?

Nous sommes insatisfaits de ces limites, et d’abord de nos propres limites. Mais si nous arrivons à faire malgré tout autant de choses, c'est parce que nous nous soutenons et nous encourageons. Et que nous avons des réunions régulières pour faire le point de nos actions, pour les améliorer, partager nos soucis, nos interrogations et chercher ensemble des solutions. Dans le passé, en particulier à la prison du camp pénal de liberté 6, nous avions travaillé davantage avec les autorités de la prison et avec le personnel au cours de réunions que nous assurions régulièrement. Également sous la supervision des responsables de la prison, nous avions organisé des rencontres avec les chefs de Chambre, pour réfléchir à leur responsabilité et les aider à mieux les assumer. Nous avions aussi des rencontres avec les différentes ONG qui interviennent dans les prisons, de manière à coordonner nos actions : ne pas être plusieurs à faire la même chose et négliger des besoins importants. Cela malheureusement ne se fait plus pour le moment. Nous voudrions le relancer. Toutes ces différentes actions ont été arrêtées en particulier à cause de la COVID, et il est très difficile de reprendre les actions actuellement. Voilà donc un résumé les lignes dans lesquelles nous voulons travailler