Samedi 31
Décembre :
Nous
reprenons tout cela avec les
prisonniers hommes.
1)
L’évaluation de la fête de Noël :
Comment continuer tout au long de l’année.
2)
Nos
vœux pour 2012 et que faire pour les réaliser.
3)
Quelles
activités organiser et que faire pendant nos rencontres.
Nous
allons continuer notre formation sur les droits des prisonniers et
voir comment améliorer la vie à la prison dans tous
les domaines. Comme d’habitude, nous nous donnons les
nouvelles.
C’est important qu’ils soient au courant de ce qui se
passe dans le monde. D’ailleurs, grâce aux transistors,
ils écoutent les nouvelles. On parle des grâces, mais
ils ne savent pas qui sera gracié le 1er
janvier. Cela crée un climat de tension et un grand risque
d’espoirs déçus. Suite à l’attaque
de la mairie du quartier « Sacré-Cœur-Mermoz »
tenue par un membre de l’opposition, qui a causé une
mort et trois blessés, des gens ont été
arrêtés. Il y a beaucoup de rumeurs. Les prisonniers
sont très inquiets pour leurs parents.
Ceux du Nigeria
sont aussi très tristes, suite aux attentats le jour de Noël
contre les églises. Nous avons lu aujourd’hui
l’Evangile du baptême de Jésus. Ensuite, Jésus
va au désert, où il est protégé des
bêtes sauvages. Les prisonniers disent : « Nous
aussi, ici, nous sommes dans un désert. Mais nous croyons que
Dieu nous protège aussi des bêtes sauvages et de tous
les dangers qui sont dans la prison ».
Ensuite, nous
nous présentons nos
vœux
dans la tristesse, le sérieux et le réalisme. Nous
voyons aussi comment prendre en charge les nouveaux, tout en
continuant à se soutenir mutuellement.
Nous allons
rencontrer le responsable des services sociaux de la prison pour
essayer de commencer ce que nous pouvons déjà
faire.
De
retour à la Communauté, je travaille au Guide de
l’Animateur pour les élections. Mais mon ordinateur
est vraiment fatigué et il se plante sans arrêt, avant
même que j’aie pu sélectionner le travail. Je
dois recommencer plusieurs fois le même travail et ça
n’avance pas vite !
Vendredi 30
Décembre :
Prison.
Je
voudrais bien prendre un peu de repos, mais ce n’est pas
possible pour le moment. Ce matin, je dois aller à la prison
des femmes. Je n’ai pas besoin de me forcer. Elles sont
vraiment gentilles et très accueillantes, et c’est une
grande joie pour moi de les retrouver chaque vendredi.
Aujourd’hui,
comme c’est la fin de l’année, nous faisons une
évaluation de nos différentes activités.
D’abord notre fête de Noël dont je vous ai déjà
parlé. (Je rappelle que pour les « Nouvelles »,
comme pour les autres documents sur mon site, vous avez un moteur de
recherche : rechercher
sur le site, pour trouver ce qui vous intéresse.)
Nous
voyons surtout comment continuer tout au long de cette année
la fête de Noël. Nous étions en paix :
comment continuer cette paix dans notre Maison d’Arrêt ?
Nous avons fêté ensemble, chrétiennes et
musulmanes, dans l’entente : qu’allons-nous faire
pour garder cette entente ? Nous étions ensemble,
pensionnaires, personnel, familles et étrangers :
Comment continuer à être tous ensemble pour faire
avancer et rendre meilleure notre maison. Nous avons dit aussi qu’il
est important de mettre à profit ce temps d’enfermement
qui nous est imposé : 1°)
Faire le point sur notre vie, voir ce que nous pouvons changer et
préparer notre sortie et notre vie future. 2°)
Nous former en profitant des possibilités que nous avons :
des formations sur les droits des prisonniers, les droits de l’homme
et toutes nos formations du vendredi ; l’alphabétisation ;
l’apprentissage de métiers : coiffure, fabrique de
jus, culture sur table. 3°)
Continuer la prière de Noël. Les femmes catholiques se
sont organisées : elles ont choisi deux responsables et
deux autres qui savent lire pour diriger la prière chaque
jour dans leur chambre et le dimanche toutes ensemble dans la cour,
en partageant la Parole de Dieu. Cela bien sûr en coordination
avec les musulmanes pour éviter des téléscopages
et incompréhensions. Chercher au contraire comment se
soutenir, s’encourager et se conseiller mutuellement pour
garder le moral, le courage et l’espérance. Aussi, et
d’abord, partager entre toutes ce que nous recevons :
nourriture, savon, habits, etc… Et chercher à nous
comprendre entre sénégalaises et étrangères
qui ne parlent pas ouolof. Accepter notre situation d’une
façon positive pour nous construire dans la paix et
l’entente, en évitant insultes et violences qui ne font
que casser les choses et ne sont pas constructives.
Rencontre
avec le Régisseur, directeur de la prison des hommes.
Nous
devons avoir une réunion de notre équipe d’animation
des prisons. J’ai déjà rencontré la
directrice de la Maison d’arrêt des femmes. Je vais voir
le directeur du Camp pénal des hommes pour connaître
son point de vue sur les différentes actions que nous voulons
mener, pour approfondir notre collaboration et savoir déjà
ce qui est possible au point de vue légal et avec les moyens
que nous avons concrètement. Pour améliorer les
conditions de vie des détenus, pour améliorer la vie
commune, pour activer les jugements et les demandes d’appel,
pour relancer les ateliers et les formations à la prison ,
chercher des avocats bénévoles, car les avocats commis
d’office ne suivent pas souvent les prisonniers qui leur sont
confiés, trouver des visiteurs pour les étrangers,
soutenir et aider les cas les plus difficiles, préparer la
sortie et la réinsertion et déjà permettre les
relations avec la famille et même, si possible, une
réconciliation avec leurs victimes. Il ne manque pas de
choses à faire.
Jeudi 29 Décembre : Je continue mon travail sur Vatican 2. En effet, Philippe et Agnès, des amis de longtemps, sont venus au Sénégal où ils ont longtemps vécu depuis les années 1961. Ils travaillaient à la formation des jeunes et à l’organisation des paysans, par les maisons familiales rurales. Nous nous étions connus lors d’une de ses visites à KINDAMBA au Congo-Brazzaville. Et j’avais fait des études avec Pierre, le frère d’Agnès. Nous sommes donc très heureux de nous retrouver. Nous allons manger ensemble. Nous attendons plus de 2 heures avant d’être servis ! Cela nous donne au moins le temps de parler ! Le matin, j’ai terminé d’enregistrer mes nouvelles et mon travail. Ils vont pouvoir les emmener pour les poster rapidement et sans risques. Et Jocelyne qui saisit déjà toutes ces nouvelles pourra s’atteler à ce travail et vous les faire envoyer par Jean-Jacques et les faire mettre sur mon site par Jean-Michel. Je les remercie à nouveau pour ce gros travail…. Car je ne les laisse pas au chômage ! Philippe et Agnès emportent également les attestations pour déductions fiscales pour tous ceux qui nous ont aidés, tout au long de l’année 2011. Donc, un grand merci à vous tous.
Mardi
27 décembre :
Comme chaque mardi, se tient une Conférence de
réflexion, organisée par la Commission Justice et
Paix, pour la préparation de l’élection
présidentielle qui vient, et plus largement pour la formation
au sujet des questions politiques. Nous avons eu d’abord une
réflexion sur le processus électoral au Sénégal
et les conditions pour une élection paisible, transparente et
crédible ; puis une autre réflexion sur :
quelle politique économique et sociale pour des meilleures
perspectives de développement au Sénégal. Ces
conférences seront suivies de deux autres : quelle
vision de la paix, regards musulman et chrétien pour un
Sénégal de paix ? Puis : la pacification de
l’espace politique : enjeux et perspectives. Aujourd’hui
le thème de la rencontre et de la réflexion est :
la demande sociale : quelles urgences et quelles
réponses ? Nous partons donc des demandes et des besoins
actuels de la population du Sénégal. J’en ai
déjà parlé longuement dans mon document sur la
situation du pays et tout au long de ces « Nouvelles ».
Le problème, comme l’indique le titre, c’est non
seulement de connaître les besoins, mais de déterminer
leurs urgences et de voir surtout quelles réponses leur
donner. Pour nous aider à réfléchir, d’abord
un Economiste fait l’analyse des différents Plans
gouvernementaux pour le développement dans les différents
domaines, et l’on s’aperçoit que, en fait, tout
le secteur primaire, en particulier le secteur rural, est
complètement désorganisé, et même
abandonné : c’est un secteur qui regroupe plus de
80 % de tous les producteurs, mais il ne produit que 10 % de la
richesse locale. On voit donc combien le pays est déséquilibré,
et 52 % de la richesse nationale dépend de l’extérieur.
A côté des risques de sécheresse, il faudrait
parler de la crise alimentaire avec l’augmentation des
produits de première nécessité et de la crise
énergétique. Le plus grave, c’est que la plus
grande partie des ressources est utilisée pour le secteur
tertiaire où les investissements coûtent très
cher, pour donner du travail à très peu de personnes.
En fait, c’est donc la classe la plus riche, celle du secteur
tertiaire, qui profite le plus cde l’argent du pays : 50
% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, la
moyenne de vie est de 56 ans, il n’y a que 40 %
d’alphabétisés, et chez les femmes cette
proportion descend à 20 %. 10 % de la population reçoit
44 % de la richesse nationale ; les 90 % autres ne reçoivent
donc que pratiquement la moitié des richesses du pays. Les
conclusions que nous avons tirées, c’est qu’il y
a beaucoup de travail à faire, et déjà le
conférencier a présenté un certain nombre
d’actions possibles, en particulier augmenter le commerce avec
les pays que l’on appelle « les BRICS »,
c’est-à-dire les pays émergents : le
Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique
du Sud, qui ont beaucoup de besoins nouveaux puisqu’ils
veulent se développer et la possibilité de payer, au
lieu de continuer à traiter avec l’Europe qui est en
pleine crise financière et qui va donc obligatoirement
diminuer ses importations, et donc ses achats au Sénégal,
comme aux autres pays développés. L’une des
conclusions c’est qu’il est clair, à voir ce qui
se passe, suite à onze années de gouvernement libéral,
que l’on ne peut absolument pas laisser l’économie
fonctionner librement selon les lois libérales, en pensant
que l’économie va s’équilibrer
d’elle-même. Il faut à tout prix organiser le
développement du pays, pour qu’il ne soit pas récupéré
par quelques-uns mais profite aux plus pauvres. .
Environ 800 mille personnes vivant dans cinq régions du
pays sont sous la menace d'insécurité alimentaire, a
averti jeudi à Dakar, Kazimiro Rudolf-Jocondo, coordonnateur
du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires
humanitaires en Afrique de l'Ouest et du Centre (OCHA). (Sources :
Agences de presse)
Le deuxième
conférencier était l’un des représentants
du mouvement « Y en a marre ».
Ce mouvement, qui regroupe de nombreux jeunes, 393 groupes
actuellement allant de 25 à 200 personnes dans le pays,
surtout des jeunes des banlieues et du secteur rural. Ces jeunes se
sont révoltés contre l’orientation actuelle du
pays, mais ce qu’il y a de très positif, c’est
que, au lieu de crier contre le gouvernement et les dirigeants ou
chefs d’entreprises, ils ont dit que la première chose
c’est d’abord d’agir par eux-mêmes, en
créant des cellules à la base pour travailler et
s’organiser. Cela commence par des actions très simples
mais qui essayent de conscientiser les gens. Ainsi, après
chacun de leur meeting ou de leur rencontre, ils nettoient la place,
ils ramassent les plastiques, les papiers et les ordures, en disant
« c’est notre pays, c’est à nous de le
garder propre ». Ils s’appuient sur ce qu’ils
appellent « le NTS », c’est-à-dire :
un Nouveau Type de Sénégalais. En disant que « le
Sénégal est notre pays » c’est à
nous de prendre nos responsabilités, en travaillant à
la base ». Ainsi, face au problème du chômage,
ils essaient de s’organiser eux-mêmes avec leurs petits
moyens, par exemple dans la banlieue de Dakar où souvent les
ordures ne sont pas ramassées, ils se sont organisés
pour les ramasser avec des charrettes (il y a encore de nombreuses
charrettes tirées par des chevaux dans la banlieue, et même
dans la ville de Dakar). Ils ramassent donc les ordures avec ces
charrettes et les habitants de la banlieue leur payent chacun 100 F
CFA par semaine (par famille), soit environ 15 centimes d’euro.
Cela ne va jamais les enrichir mais leur donne un peu d’argent
pour vivre et leurs quartiers s’aménagent. De même,
ils s’organisent par exemple pour créer un atelier de
sérigraphie avec quelques jeunes formés n’ayant
pas d’emploi ; ils travaillent entre eux, un autre groupe
se chargeant de la commercialisation. Ils cherchent aussi à
lancer une grande éducation civique, mais toujours à
travers des petites choses ; ainsi, lorsqu’un chauffeur
de « car rapide » (les moyens de transport de
la ville de Dakar ou des autres villes du Sénégal) a
commis une infraction, ce qui arrive très souvent, et cherche
à s’en sortir en donnant de l’argent au policier,
ils s’opposent fermement et à voix haute à cette
pratique, en prenant les autres voyageurs à témoin.
C’est ainsi qu’ils cherchent à créer une
conscience citoyenne et à ne pas laisser les chauffeurs
corrompre les policiers De même, ils conseillent ou
réprimandent le chauffeur quand il manque de prudence dans sa
conduite. Les différentes cellules ont maintenant créé
un réseau qui est très important. Ils ont mobilisé
les jeunes pour qu’ils aillent s’inscrire sur les listes
électorales, car beaucoup de jeunes ne s’étaient
pas inscrits et donc n’allaient pas voter. Et l’on a
compté ainsi 357 000 nouveaux inscrits dans le pays,
grâce à leurs efforts, et aussi bien sûr à
d’autres organisations de la société civile qui
se sont mobilisées toutes ensemble.
Ce mouvement étant
devenu très important, ils ont participé aux grandes
manifestations s’opposant à une 3ème
candidature du président WADE, qui a maintenant 86 ans et qui
en plus a déjà été élu deux fois
de suite, la Constitution ne permettant pas une 3ème
réélection. Dans leur action, ils se basent résolument
sur les méthodes d’action non violente. Ainsi, lors de
leurs manifestations, ils ne jettent jamais de pierres, ils ne
restent même pas debout et font asseoir tous les participants
pour maintenir le calme et éviter les agressions Les jeunes
leur font confiance et les écoutent. Mais ayant participé
à des manifestations beaucoup plus larges où il y a eu
des jets de pierres, des insultes, des violences verbales et une
répression souvent très forte de la part des forces de
l’ordre, certaines personnes pensent que c’est un
mouvement violent et uniquement contestataire, ce que peut faire
croire d’ailleurs leur nom : « Y en a marre ».
C’est pour cela qu’il serait vraiment important qu’ils
puissent se faire mieux connaître, et surtout faire mieux
connaître leur méthode d’action non violente et
tout le travail d’éducation citoyenne qu’ils
mettent en place. A ce sujet, il y a beaucoup de choses à
faire, car ils ont été interviewés par la
plupart des grandes radios et télévisions
occidentales, mais très peu par les radios, journaux ou
télévision sénégalais. On ne parle d’eux
que lorsqu’il y a des manifestations, mais on n’explique
ni leurs objectifs, ni leurs moyens, ni leur méthode
d’action, ce qui est très regrettable.
Ce qui est
aussi regrettable, c’est que peu de personnes ont participé
à cette rencontre aujourd’hui, car la salle Daniel
Brottier de la Mission catholique où se tenait cette
rencontre est juste à côté du Commissariat
central de la ville de Dakar, où a été arrêté
le maire de l’une des communes de Dakar accusé d’avoir
tiré au pistolet, lors d’une attaque de jeunes venus
de la banlieue contre sa mairie, et que l’on dit avoir été
télécommandés par le parti au pouvoir. Trois de
ces jeunes ont été blessés et un est mort. Au
moment de notre conférence, de nombreux jeunes s’étaient
regroupé autour du commissariat et protestait contre cette
arrestation par des chants, des slogans et même des jets de
pierres. La police est intervenue avec des canons à eau
chaude, il y a eu des coups de feu tirés en l’air en
avertissement, les jeunes se sont tous dispersés mais ½
heure après, ils étaient de nouveau regroupés.
Donc
beaucoup de gens ont eu peur de venir à notre conférence
à cause de ce qui se passait en ville, car comme je l’ai
déjà dit très souvent la situation est très
tendue et vraiment dangereuse.
Sénégal
: La
Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme
(HCDH), Navi Pillay, a exhorté jeudi les autorités
sénégalaises à éviter l'usage excessif
de la force suite à des troubles à Dakar et dans
d'autres villes du pays
Mercredi
28 décembre :
Aujourd’hui nous célébrons
les Saints Innocents.
C’est une fête qui m’a toujours beaucoup touché.
En effet, comment ne pas penser ce jour-là à tous ces
bébés qui sont encore tués actuellement, pas
seulement dans les guerres, mais aussi à cause de la maladie,
de la misère et du sous-développement ! Comment
ne pas partager la souffrance de leurs mères « qui
pleurent parce qu’on ne pourra jamais leur rendre leurs
enfants », comme le dit l’Evangile.
Autrefois,
certains disaient que les bébés non baptisés
n’allaient pas au ciel. Ce qui me touche aussi dans cette
fête, c’est qu’on dit que ces enfants qui étaient
des bébés qui n ont pas été baptisés
et qui n’ont pas connu Jésus-Christ, sont pourtant des
Saints et qu’ils vivent pour toujours auprès de Dieu.
C’est pour moi le signe que Dieu aime tous les hommes et qu’il
veut sauver tout le monde sans rejeter personne. Cela m’appelle
donc à être ouvert à tous les hommes, quels que
soient leur âge, leur ethnie ou leur religion.
Plus
profondément, dans notre célébration, nous
nous sommes laissés toucher par les grandes souffrances et la
présence du mal dans le monde d’aujourd’hui.
C’est quand même absolument extraordinaire qu’en
pleine fête de Noël l’Eglise nous fasse célébrer
un assassinat monstrueux et horrible, en nous demandant de le vivre
dans l’Espérance. Cela veut quand même bien dire
quelque chose pour notre monde d’aujourd’hui.
Le
soir, je suis invité par une communauté de quartier
pour que nous réfléchissions ensemble au rôle de
la famille et à
sa place dans la société sénégalaise
d’aujourd’hui. Nous repartons de cet évangile et
aussi de ce que Marie et Joseph ont vécu ensemble, tout au
long de l’enfance de Jésus. Puis nous étudions
ce que Benoît XVI vient d’écrire sur le rôle
de la famille, dans son Message pour la Journée Mondiale de
la Paix du 1er
Janvier 2012, qui s’appelle justement « Eduquer les
jeunes à la justice et à la paix ». Je
reprends également tout ce que j’ai travaillé
sur la famille dans le document l’Eglise dans le monde de ce
temps, du Concile Vatican 2, que j’ai mis sur mon site. Enfin,
nous travaillons aussi ce que l’on dit sur la famille, et le
rôle de chacun dans cette famille, dans l’exhortation
suite au 2ème
Synode pour l’Afrique : l’engagement de l’Afrique.
Cela fait autant de documents à réfléchir, à
continuer à travailler et surtout à mettre en
pratique.
Mercredi 28
Décembre :
Le
soir, je suis invité dans une communauté de quartier.
La rencontre se passe très bien. La plupart sont des jeunes
garçons et filles. Comme la réunion se fait en ouolof,
les gens participent facilement. Aujourd’hui, nous parlons de
la famille. Nous commençons par un partage de la Parole de
Dieu, à partir de l’Evangile de Jésus resté
au Temple de Jérusalem à 12 ans. Nous insistons sur
l’importance de l’entente entre mari et femme, entre
parents. Et aussi la difficulté de nous comprendre parfois
entre parents et enfants…. comme Marie n’a pas compris
son Fils. Nous parlons aussi de la place de la femme dans le
mariage. A Jérusalem, c’est Marie qui parle, pas
Joseph. Enfin, nous avons parlé de l’éducation
de nos enfants pour qu’ils grandissent « dans leur
corps, leur esprit et leur cœur, en sagesse et en bonnes
actions, devant Dieu et les hommes ».
Dans un 2ème
temps, nous avons parlé de la Lettre de Benoît 16 pour
la Journée mondiale de la Paix (le 1er
Janvier) : Eduquer les jeunes à la vérité
et la liberté, la justice et la paix ». Là
encore, nous avons une réflexion très importante où
chacun apporte ses idées très concrètes et
pratiques. Nous continuerons notre réflexion à partir
du document de Vatican 2 sur « l’Eglise dans le
monde d’aujourd’hui ». (Voir
dans mon site le compte rendu des formations que j’ai déjà
faites en décembre, sur ce document).
Puis nous allons aussi travailler l’exhortation « L’engagement
de l’Afrique », suite au 2ème
Synode pour l’Afrique. Nous avons encore du travail !
Au
cours de cette réunion, après avoir écouté
les jeunes, les adultes, hommes et femmes sont intervenus pour
apporter les idées. La rencontre s’est terminée
par une prière libre où chacun s’est exprimé
dans sa langue.
Lundi
26 décembre : Noël à la
prison.
Hier, jour de Noël, nous étions trop pris
à la paroisse et dans le quartier, nous avons donc décidé
de célébrer Noël le 26, le matin chez les hommes
et l’après-midi avec les femmes. Il est clair que, à
la prison, les lectures de Noël prennent un nouveau sens très
profond. Fêtez Jésus, pauvre, né loin de sa
maison, refusé à la maison de passage de Bethléem
et qui naît dans une grotte, cela veut dire quelque chose pour
des prisonniers. Eux qui sont également loin de leurs
familles, dans un grand état de misère et
marginalisés. L’un d’entre eux nous a dit pendant
la célébration : «Nous sommes comme les
bergers de ce temps-là, pauvres, rejetés et méprisés.
C’est donc en nous en premier que les anges s’adressent
quand ils disent : paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté. La prison m’a obligé à réfléchir
à ma vie et à me convertir et maintenant je suis
devenu moi aussi un homme de bonne volonté, et aujourd’hui
cette fête de Noël vient vraiment m’annoncer une
bonne nouvelle : pour moi aussi un sauveur est né, le
Christ est venu me sauver en prison ». Un deuxième
a ajouté : « C’est vrai, cette prison
est vraiment un lieu de conversion pour réfléchir et
changer notre vie si nous le voulons ».
Un autre a
expliqué : « Dieu a envoyé un ange à
Pierre quand il était en prison. Nous croyons que les anges
nous protègent encore aujourd’hui, ici, dans ce Camp
Pénal, comme ils ont protégé Jésus qui
est né dans la brousse ».
Nous avons pris les
textes de la messe de l’aurore du jour de Noël et nous
avons partagé chacune des trois lectures, dans nos
différentes langues. D’abord Isaïe qui nous dit
(62, 11-12) : « Le Salut arrive ; tu as reçu
le salaire de tes actes, maintenant tu vas recevoir ta
récompense ». Dans ce Camp pénal, nous
formons une communauté et une famille, nous aussi nous sommes
un peuple saint, le peuple des rachetés. Dieu vient à
notre recherche, Il ne nous a pas abandonnés, nous sommes une
maison « non délaissée ».
Et
Paul nous a dit, comme à Tite : « Aujourd’hui
la bonté du Seigneur pour les hommes est apparue dans cette
prison, et son amour. Il ne regarde pas les injustices que nous
avons faites, Il nous sauve dans sa bonté par le baptême
et l’Esprit Saint. (d’ailleurs plusieurs des
prisonniers suivent la catéchèse et se préparent
au baptême). Cet Esprit Saint, Dieu l’a fait
descendre en grande abondance sur nous par Jésus-Christ. Le
Christ par sa grâce nous rend justes pour que nous vivions à
nouveau une vraie vie ».
Nous voyons ensuite comment
mettre en pratique l’Evangile (Luc 2, 15 à 20) : Quand
les anges quittent les bergers, ceux-ci se lèvent aussitôt
et marchent jusqu’à l’enfant, ils l’adorent
et lui apportent leurs cadeaux : des petits moutons, fruits de
leur troupeau et de leur travail.
Il n’est donc pas
question pour nous de rester assis à pleurer, à penser
à l’extérieur, et à nous décourager.
Noël nous appelle à nous mettre debout et à
marcher, à avancer dans la vie, à aller ensemble vers
Dieu et vers nos frères, puisque Dieu en ce jour se fait
homme et partage la vie de tous les hommes. Nos frères, notre
prochain, c’est d’abord ceux avec qui nous vivons dans
cette prison. Ensuite, les bergers vont annoncer la bonne nouvelle
de la naissance d’un Sauveur aux habitants des villages, tout
autour : nous nous sommes demandés comment annoncer cet
Evangile et apporter la paix et le salut à ceux qui vivent
avec nous dans cette prison, pour que, eux aussi, retrouvent sinon
la joie au moins l’espérance et le courage, et que eux
aussi puissent dire merci à Dieu. La plupart de ceux qui sont
avec nous sont musulmans, mais les musulmans eux aussi connaissent
Jésus, et le reconnaissent comme un grand Prophète ;
le Coran en parle de nombreuses fois, de même que de Marie.
Tous, chacun selon sa foi, comme Marie, nous gardons ces paroles et
le souvenir de cette fête dans nos cœurs et nous y
repensons dans la prière.
A la fin de la messe, chaque
prisonnier est venu prier personnellement en silence devant la
crèche. Ce fut un moment très fort de notre
célébration. Dieu seul sait ce qu’ils ont pensé
et dit dans leur cœur à ce moment-là.
Chez
les femmes.
L’après-midi, nous nous sommes
retrouvés à la Maison d’arrêt des femmes.
Nous avons commencé la célébration en retard,
car les femmes tenaient à bien se préparer, à
bien s’habiller, tresser leurs cheveux et se faire belles pour
ce jour de fête. C’était très important.
De nombreuses femmes musulmanes sont venues assister à notre
prière, de même que leurs responsables avec qui nous
collaborons d’une façon très active, comme j’ai
eu déjà l’occasion de l’expliquer. Un
groupe de prières (Jeunes, Espérance) est venu animer
la fête avec leurs chants et leurs instruments de musique et
les gens de l’aumônerie de la prison, soutenus par leurs
amis et leur communauté, ont apporté de la nourriture
et des cadeaux. Les autorités sont venues aussi à
notre fête : le maire de la commune, l’inspecteur
général des prisons et le responsable des personnels
chrétiens des prisons du Sénégal.
La messe,
animée par les délégués du Cardinal
(vicaire épiscopal) a été très animée
et joyeuse malgré les conditions difficiles dans lesquelles
ces femmes vivent. Au moment du « Notre Père »
nous nous sommes tous donné la main, en signe d’unité
et de communion, mais aussi d’accueil et de soutien mutuel :
prêtres, autorités, gens venus de l’extérieur,
personnels de la Maison d’arrêt et locataires.
Après
la messe, une des pensionnaires a adressé à tous un
mot de remerciements très touchant (pour ces femmes qui sont
à la prison, nous ne parlons pas de prisonnières mais
de pensionnaires, en signe de respect ; de même que la
prison, nous ne l’appelons pas « prison »,
mais « notre maison », ce qui est d’ailleurs
juste puisque c’est une Maison d’arrêt).
Voici le début de leur discours : Nous sommes venues
avec nos peines, nous sommes restées avec nos souffrances,
nous avons laissé derrière nous nos mamans qui sont
nos consolatrices, nos maris avec qui nous partageons bonheurs et
malheurs, nos enfants qui sont notre amour, nos frères et
sœurs, nos ami(e)s. Mais de tout ce que nous venons de citer,
rien d’autre ne compte pour nous que la liberté.
Cependant, malgré notre souffrance, nous avons trouvé
dans cette prison une consolatrice : la directrice de la
prison, et des sœurs qui s’occupent de nous et font tout
leur possible pour nous aider à porter le poids de cette vie
difficile. Etc….
Après ce discours, les femmes de
la prison ont toutes dit un mot de remerciement et offert des
cadeaux (une nappe brodée par elles-mêmes et une
horloge), à la nouvelle directrice de cette Maison d’arrêt.
En effet, depuis quelques mois une nouvelle directrice est arrivée
et a su former autour d’elle une véritable équipe
avec tout le personnel de la prison qui fait tout pour soutenir et
encourager les pensionnaires, et qui se conduit d’une façon
très humaine. C’est pourquoi les pensionnaires ont
décidé de les remercier et elles se sont cotisées
pour leur offrir un cadeau. La directrice de la Maison était
très émue, elle a pleuré à chaudes
larmes et a mis plusieurs minutes avant de pouvoir parler et
remercier. Tout cela s’est terminé par des chants et
des danses ; tous ont dansé ensemble, les pensionnaires,
le personnel de la Maison d’arrêt et tous les amis venus
de l’extérieur vivre cette fête avec
eux.
Ensuite, nous avons mangé tous ensemble, dans la
joie, et partagé en particulier de très bons gâteaux
offerts par le maire de la commune, qui tient à le faire à
chaque fête, de même qu’il offre un mouton à
l’occasion de la fête musulmane de la Tabaski. Tout cela
montre combien, malgré les souffrances et la tristesse de la
prison, les gens se mettent ensemble pour rendre cette vie à
la prison plus humaine et faire de ce passage à la Maison
d’arrêt un temps de réflexion pour se reprendre
en main, afin de pouvoir commencer une vie nouvelle à la
sortie. La fête a duré longtemps, jusque dans la nuit,
et tous sont repartis très touchés et très
émus. Le groupe de prières qui était venu, pour
la première fois, animer cette fête a d’ailleurs
promis de revenir chaque année avec chants et nourriture ;
et également de passer régulièrement rencontrer
les pensionnaires tout au long de l’année. Ce fut une
vraie Fête de Noël !
Samedi 24
décembre :
Prison.
Comme
chaque samedi, je retourne à la prison. Dans un premier
temps, nous lisons l’Evangile de Noël que nous partageons
en petits groupes, dans différentes langues. Dans un deuxième
temps nous continuons à réfléchir comment
améliorer la vie à la prison, nous reparlons des
activités possibles et des possibilités pour les
prisonniers d’apprendre un métier auprès des
artisans qui sont en prison avec eux, suite à la visite que
nous avons faite des ateliers la semaine dernière ; mais
bien sûr tout cela suppose que nous puissions trouver un fonds
de roulement, du matériel et les outils nécessaires.
Je dois dire aux prisonniers que nous n’avons encore rien
trouver dans ce sens, malheureusement. Nous abordons aussi les
problèmes de santé et j’ai la joie d’apprendre
que deux des prisonniers ont été libérés.
A partir de là, je rencontre les différents
prisonniers qui viennent à nos rencontres pour voir où
ils en sont rendus. Pour la plupart, ils ont fait appel, mais ils
n’ont pas encore été convoqués et
certains attendent donc leur convocation depuis plusieurs mois, et
même plusieurs années. Il faut dire que s’ils
n’ont pas d’argent pour se payer eux-mêmes un
avocat, les avocats commis d’office ne recevant pas beaucoup
d’argent ne se consacrent pas à leur défense
mais préfèrent travailler pour des gens qui les
payent. Et ce n’est pas facile pour nous de trouver des
avocats qui peuvent accepter de les défendre gratuitement. Je
vois avec les prisonniers étrangers la possibilité de
rentrer en contact avec leur ambassade, et de leur trouver des
visiteurs pour qu’ils ne soient pas complètement
abandonnés. Enfin, nous préparons la fête de
Noël pour qu’elle se passe le mieux possible.
Messe
de Minuit. Le soir, je suis à la paroisse avec tous les
prêtres (nous célébrons ensemble) et une très
grande foule. Il n’y a plus de place, les gens sont venus à
l’avance car on passait un film, avant la messe, sur la
naissance du Christ. Comme chaque année, grâce à
l’aide d’un technicien, on a installé des grands
écrans dans la rue car la plupart des gens n’ont pas
trouvé de place à l’église et ils peuvent
suivre la célébration retransmise sur ces écrans.
Il a fallu aussi installer une sonorisation. Cette fête a
demandé beaucoup de travail, aussi à la fin de la
messe le curé ne manque pas de remercier les très
nombreuses personnes qui se sont données à ces
tâches.
La foule est très attentive et même
très sérieuse. Je trouve en effet nos célébrations
très bien suivies, mais finalement assez « froides »,
il n’y a pas eu de danses, même pas de battements de
mains, pas de procession comme j’y étais habitué
au Congo et également en Guinée que ce soit dans les
camps de réfugiés ou dans les villages. De son côté,
la chorale a fait de nombreuses répétitions ce qui
n’est pas sans me poser problème, car la plupart des
membres sont des jeunes et ils donnent beaucoup de temps pour
chanter, mais ils ont bien de la peine à s’engager, que
ce soit dans les Mouvements d’Eglise ou dans les Mouvements
sociaux dans leurs quartiers ou leurs lieux de travail. Même
le mois dernier lorsque je faisais les formations sur le Concile
Vatican 2, il y avait très peu de jeunes et pendant ce
temps-là trois chorales de la même paroisse faisaient
de longues répétitions pour préparer Noël.
De plus ces chorales chantent très bien, mais la foule ne
chante absolument plus, les messes deviennent des concerts et cela
est très regrettable. Le Concile Vatican 2, il y a 50 ans, a
pourtant demandé une participation pleine et active de
l’assemblée, mais cela est tué par les chorales.
Noël c’est la fête de la Paix, mais nous vivons
une situation très tendue puisqu’il y a eu des attaques
contre des gens de l’opposition, avec un mort et des blessés.
Cela nous inquiète énormément. Le Curé
insiste pour qu’à l’occasion de cette fête
de Noël chacun construise la Paix là où il vit et
cherche l’entente et la réconciliation, mais aussi pour
que chacun se prépare le plus sérieusement possible
aux élections qui vont venir, et que chacun se forme pour
sensibiliser et conscientiser les autres dans ce sens, comme je l’ai
déjà expliqué.
Vendredi 23 décembre :
Prison des femmes.
Aujourd’hui,
comme chaque vendredi, je vais à la Maison d’arrêt
des femmes et bien sûr nous nous préparons à la
fête de Noël. Nous relisons simplement ensemble le texte
de l’Evangile sur la naissance de Jésus et nous
partageons nos idées. Mais cette fois-ci les personnes ont
beaucoup de peine à parler car elles ont la gorge serrée.
En effet, la plupart de ces femmes sont des mères de famille
et spécialement en ce temps de Noël elles sont très
tristes en pensant aux leurs, aux fêtes passées et à
ces fêtes de cette année qu’elles ne pourront pas
vivre ensemble. Nous essayons malgré tout de nous redonner
un peu de courage et d’espérance, même si ce
n’est pas facile, par ce texte –et nous comprenons bien
sûr ce passage d’Evangile à partir de notre
situation actuelle- Jésus est né pauvre, déplacé
et loin de sa maison, comme elles qui sont dans une situation de
misère et de manque de liberté, et cependant Jésus
leur apporte la paix à elles, comme à tous les gens
qui en ont besoin, ainsi que les anges l’annonçaient
« à tous les hommes –et femmes- de bonne
volonté ».
Je prends un peu plus
de temps que d’habitude pour parler personnellement avec les
différentes femmes que je peux rencontrer, j’ai pris
mes dispositions pour cela, et aussi avec le personnel
pénitentiaire. C’est important pour nous d’avoir
de bons contacts avec eux et je dois reconnaître que les
relations sont très faciles, mêmes amicales, et qu’ils
essayent vraiment de comprendre et de soutenir ces femmes de la
prison, dans la situation qui est la leur. Avant de partir, j’achète
du sirop fabriqué à partir de plantes du pays (le
bissap) à la prison, à la fois pour procurer un peu
d’argent à ces prisonnières et aussi pour avoir
quelque chose à offrir aux nombreuses personnes qui vont
certainement venir me visiter à l’occasion de cette
fête de Noël.
Le soir, j’assure la messe, la
permanence et les confessions à la paroisse, pendant que les
5 autres prêtres sont partis dans une autre paroisse pour les
confessions communautaires. En même temps, nous nous
retrouvons avec l’équipe locale de Justice et Paix.
Nous voulions lancer notre action contre la hausse illégale
et anormale des loyers, car dans notre banlieue il y a un gros
problème de logements. Mais finalement, nous décidons
de nous intégrer tout de suite dans l’action de
préparation des élections dont je vous ai parlé,
et nous faisons donc une première information sur cette
question ; nous prévoyons pour le 1er
Janvier, Journée mondiale de la Paix, une journée
générale pour expliquer notre programme à toute
la paroisse pour qu’ils aillent ensuite mener leurs actions de
formation et de réflexion dans les différents
quartiers. Nous voyons également comment aider les personnes
nécessiteuses et isolées à vivre cette fête
de Noël le mieux possible, et, enfin nous nous cotisons pour
offrir un cadeau à notre secrétaire qui va se marier
samedi ; nous serons bien sûr autour d’elle.
Jeudi 22 décembre : Ce
matin je pars à la poste chercher un petit colis, envoyé
par une nièce, contenant des bas de contention que je dois
porter, suite à mes problèmes de varices et de
circulation sanguine. Je pensais que ce colis était perdu car
il a mis près de 3 mois à me parvenir depuis la
France. En plus, je dois le chercher un peu partout car il ne se
trouve pas à notre poste habituelle, mais dans une autre
poste pour les colis postaux. Chaque fois qu’il y a un pli un
peu plus important qu’une simple lettre, ou un petit colis,
on demande 1.000 F CFA pour le retirer, alors même que, bien
sûr, les frais postaux ont été payés par
l’expéditeur, mais cette fois on me demande en plus
5.000 F CFA (environ 8 €, ce qui est beaucoup pour le Sénégal,
étant donné le faible niveau de vie et les faibles
salaires du pays), ceci pour la douane, alors qu’il s’agit
d’un colis personnel, de matériel de santé, et
non pas de choses à revendre dans le commerce. Mais une
grosse partie des ressources du pays vient de la douane et donc tout
ce qui entre est taxé, ce qui n’est pas sans causer des
problèmes, et je reconnais que moi-même je ne suis pas
très content de me faire taxer de cette manière, mais
de toutes façons il n’y a rien à dire, ni rien à
faire.
De retour à la maison, je rencontre
Philippe et Agnès venus avec leur fille re-visiter le
Sénégal, pays dans lequel ils ont travaillé
depuis 1961, dans le secteur rural : formation des paysans et
mise en place de Maisons familiales rurales. Nous nous sommes connus
dans les années 70 au Congo et depuis nous nous revoyons
régulièrement. C’est une très grande joie
pour moi de les recevoir et, en plus, ils m’amènent des
livres et des cassettes qui vont bien me servir et que je me suis
fait envoyer chez eux, profitant de l’occasion de leur venue,
pour plus de sécurité au niveau de l’expédition
et du transport !
Nous avons des confessions pendant toute
la journée à la paroisse, aidés par les prêtres
des huit autres paroisses qui viennent chez nous aujourd’hui ;
nous ne terminons qu’à 22 heures mais nous prenons le
temps de manger tous ensemble pour vivre un temps d’amitié
et de partage, ce qui est très agréable.
Mercredi 21 décembre : Aujourd’hui je reste à la maison pour mettre à jour les différents comptes-rendus, préparer les activités de la semaine qui vient et continuer à travailler et à corriger les différents documents dont nous avons besoin pour cela.
Mardi 20 décembre:
Rencontre sur Vatican 2, « 50 ans
après ».
Aujourd’hui, c’est la
4ème rencontre sur le document « l’Eglise
dans le monde d’aujourd’hui ». Nous abordons
les problèmes politiques. Nous commençons par voir
l’évolution dans le monde depuis 50 ans pour cette
question de la politique. Puis nous abordons plus précisément
les changements qui se sont opérés dans ce domaine
depuis 50 ans et donc l’Indépendance au Sénégal,
avant de voir ce que doit être une vraie démocratie
africaine, c’est-à-dire moderne, efficace, mais tenant
compte de la culture et des valeurs traditionnelles, et comment
assurer des élections « claires et
transparentes », comme on le dit ici. Les questions sont
nombreuses, la participation très bonne et même tout le
monde n’a pas le temps de s’exprimer car nous nous
limitons à 1 heure de réflexion, mais nous avons quand
même réussi à tracer les lignes essentielles ;
chacun continuera à réfléchir personnellement
et surtout cette question sera abordée à nouveau dans
les différents groupes, mouvements et communautés de
base. Nous n’avons pas le temps de travailler en détail
les textes mêmes du document, mais il a été
distribué une semaine à l’avance, les gens en
ont donc pris connaissance (au moins des extraits, avec les mots
importants soulignés) et ils avaient ainsi de la matière
avant la rencontre. Je profite de l’occasion pour présenter
tout le plan d’action que nous avons préparé
samedi dernier pour cette éducation citoyenne et la
préparation aux élections. Maintenant, à chacun
de se mettre au travail.
Je ferai mettre sur mon site et je ferai
envoyer par Internet le compte-rendu de cette rencontre.
Cette
fois-ci, je retrouve un certain nombre d’anciens avec qui j’ai
travaillé autrefois, en particulier à St LOUIS avant
mon départ en Guinée. C’est toujours une joie de
nous retrouver et surtout de voir ce qu’ils sont devenus, les
engagements qu’ils ont pris à la suite des différentes
formations que nous avions mises en place.
Lundi 19 décembre:
Confessions.
Aujourd’hui, je devais avoir une
rencontre de formation et de réflexion avec nos étudiants
sur les Communautés de quartier, mais comme c’est la
fin du trimestre ils ont eu des examens et maintenant ils sont en
session. Notre rencontre est reportée en janvier. Je vais
donc à la paroisse où il y a déjà de
très nombreuses confessions préparatoires à
Noël. Pendant toute cette semaine, nous faisons le tour des
paroisses du doyenné où nous nous retrouvons tous
ensemble pour ce Sacrement pendant plusieurs heures. Les gens
continuent beaucoup à se confesser personnellement, jusqu’à
maintenant. C’est l’occasion pour eux de faire le point
de leur vie et de prendre un nouveau départ, pas seulement de
confesser leurs péchés. Cela demande beaucoup de temps
et d’efforts mais nous pensons que c’est important et
même essentiel.
Dimanche 18 décembre:
Récollection pour la pastorale des malades.
Journée
de réflexion avec les différentes personnes qui
interviennent auprès des malades dans les hôpitaux, les
dispensaires, les familles et aussi pour la distribution de la
Communion dans les quartiers. Nous travaillons cette question :
Comment mieux assurer cette responsabilité, davantage
soutenir les malades et leurs familles.
Nous commençons
après un temps de prière, de chant et de danse (prière
de louange) ; nous prenons plus d’une heure pour partager
sur « la guérison du paralysé, par Jésus »
et voir comment le Christ et les différents acteurs se sont
comportés : le malade, ceux qui l’ont apporté
à Jésus, les pharisiens, la foule, etc.., en nous
demandant à quoi cela nous appelle et comment nous comporter
aujourd’hui. A partir de là, nous menons tout une
réflexion sur le travail auprès des malades mais aussi
auprès de leurs parents, et auprès des différentes
organisations du pays, y compris les pouvoirs publics. Cela nous
amène à aborder un certain nombre de problèmes
et à mettre en commun nos idées, nos solutions et nos
façons de faire, pour le soutien des malades au niveau
matériel mais aussi moral, psychologique, affectif et
spirituel, et pour l’accompagnement de leurs familles. Tout
cela nous amène à une réflexion sur la médecine
traditionnelle, les médicaments utilisés dans les
villages mais aussi dans les quartiers en ville, car souvent les
gens sont trop pauvres pour acheter en pharmacie ; mais
également sur tous les problèmes de sorcelleries,
d’accusations mutuelles, de « maraboutage »,
malédiction , etc… et surtout comment garder dans les
soins et la façon de vivre actuelle les qualités et
les valeurs de la médecine traditionnelle et de la
réconciliation de la famille au moment de la maladie. En
effet, dans l’Afrique traditionnelle, le guérisseur ne
soignait pas seulement le corps, il commençait par soigner le
cœur et l’esprit du malade. Il réunissait toute
la famille et commençait par demander une réconciliation,
pensant que la maladie peut avoir non seulement des causes
matérielles (des microbes) mais aussi des causes
spirituelles, et en particulier le manque de paix et d’entente
dans la famille. En plus, c’est cette réconciliation
qui permettait au malade de porter sa maladie et ses souffrances
dans la confiance et l’espérance, d’avoir la paix
et donc d’être mieux soigné et de guérir
plus rapidement. Nous prenons un temps assez long pour réfléchir
à toute la façon traditionnelle africaine de soigner
et de guérir les malades. Puis nous abordons tous les
problèmes de la prévention, de l’éducation
à la santé et nous voyons comment intervenir aussi
bien auprès des pouvoirs publics que des dispensaires et des
hôpitaux pour améliorer le fonctionnement et
l’organisation afin que les malades soient mieux soignés,
mieux accueillis et mieux soutenus. Nous regardons ce que le Coran
dit sur la maladie et les façons dont les musulmans la vivent
et soutiennent les malades. Cela est important car nous cherchons à
aider tous les malades quelle que soit leur religion. Enfin, nous
voyons comment prier avec les malades et les aider à vivre
leur maladie dans la foi et la confiance, mais aussi d’une
façon positive pendant la maladie elle-même et pour la
suite de leur vie. Pour tout cela, j’utilise un livre que
j’avais composé il y a plus de 30 années, mais
qui reste valable : « Santé et bonheur pour
tous. Médecine traditionnelle et médecine moderne ;
nouvelles expériences pour un vrai développement ».
Nous
célébrons ensuite l’Eucharistie tous ensemble,
nous partageons ce que nous avons amené pour le repas, et
nous tirons les conclusions de la journée en traçant
quelques pistes d’actions pour l’avenir. Après
cela, nous prenons un temps de prière silencieuse (adoration)
et le chapelet que l’on aime beaucoup réciter au
Sénégal, et qui est un moyen simple de prière
quand on est malade, avec des passages d’Evangile, des
commentaires et des intentions de prières. Tout cela nous
fait une longue mais belle journée. Nous nous retrouverons
dans trois mois, dans un autre quartier de la banlieue, à
nouveau tous ensemble.
Samedi 17 décembre:
Préparation des élections.
Nous nous
retrouvons avec les responsables Justice et Paix des différents
diocèses et les responsables nationaux des organisations et
mouvements d’action catholique de tout le pays pour préparer
les élections. En effet, comme je vous l’ai déjà
dit, nous sommes en pleine préparation des élections
présidentielles et nous sommes assez inquiets pour l’avenir,
car il y a déjà beaucoup de violences, non seulement
verbales mais même d’agressions. Le Maire de l’une
des communes de la ville de Dakar a même été
attaqué, on lui a tiré dessus, il a répondu, il
y a eu un mort et trois blessés. Il est donc important que
l’on réagisse et que l’on puisse faire quelque
chose pour l’avenir du pays et d’abord pour que ces
élections se passent dans la paix et dans l’acceptation
mutuelle. Mais pour cela, il ne suffit pas de faire des grandes
déclarations à la radio ou à la télévision,
il s’agit de mener tout un travail de sensibilisation et de
réflexion à la base, avec la population. Déjà,
depuis un mois, nous avons organisé des conférences
publiques de formation à la citoyenneté et de
réflexion sur la politique en général et les
élections en particulier. Je vous mettrai sans doute tout
cela sur mon site et je vous en enverrai quelques comptes rendus
par la suite. C’est notre premier travail et nous voyons
comment refaire ce même travail de réflexion dans
chacune des régions du pays et même les différentes
villes pour que les candidats puissent présenter leurs
programmes, mais surtout que l’on puisse mener une réflexion
sur ces différents programmes, sur le bon déroulement
des élections, et donner des critères précis et
concrets aux électeurs pour le choix de leur candidat lors du
vote.
La 2ème action que nous envisageons,
c’est tout un travail d’éducation à la
vie civique. Pour cela, nous avons composé un certain
nombre d’affiches et de tracts, de dépliants et
d’autocollants qui portent sur le droit de vote, sur
l’importance de ne pas se laisser acheter, sur le respect de
la Constitution et des Institutions du Sénégal, et sur
le refus de toute forme de violence. Et par ailleurs, nous avons
rédigé ce que nous appelons « les Dix
Commandements de l’électeur » pour permettre
aux gens de choisir le candidat pour lequel ils vont voter d’une
façon plus réfléchie et plus responsable. La
composition de ces affiches et de ces dépliants nous a
demandé un très gros travail ; nous les avons
testés auprès d’un certain nombre de personnes,
y compris dans les prisons comme je vous l’ai déjà
dit. Maintenant, il s’agit de voir comment les utiliser au
mieux. Nous allons donc avoir une formation dans chacun des
diocèses. Les responsables Justice et paix de ces diocèses
assureront ensuite une formation dans chacune des paroisses, chaque
paroisse formera les membres de la commission justice et paix, les
responsables de communautés et les responsables de mouvements
pour l’utilisation de ces différents matériels
d’éducation, et ensuite on demandera à chacun de
descendre et d’intervenir dans son quartier, dans son lieu de
travail, dans la cour où il habite et partout où il
va. Les tracts sont disponibles, faciles à transporter et à
montrer aux autres. Ce que nous voulons donc, c’est sortir de
l’église et nous adresser à tous car ces
élections concernent tout le monde. Nous voyons comment
organiser des rencontres à la base, des discussions
informelles, des petits groupes et participer aux activités
des centres culturels, des groupements sportifs, des groupements de
femmes et des différentes autres organisations des quartiers
et des villages. Nous utiliserons, par exemple, ce que l’on
appelle des « thés-débats » où
des jeunes ont l’habitude de se retrouver pour prendre du thé
à la manière sénégalaise (il y a trois
tournées, et cela dure plus d’une heure, on discute
ensemble autour du thé sur des problèmes divers. Cette
fois-là, ça sera au sujet des élections).
La
3ème action que nous envisageons, ce sera de
former des observateurs indépendants pour nos
élections. Nous attendons l’autorisation du Ministère
de l’Intérieur pour commencer la formation de 7
personnes, car il est essentiel qu’ils aient une bonne
formation, profonde et sérieuse. Ces observateurs ne se
contenteront pas d’assister aux élections dans un
certain nombre de centres de votes, de préférence les
plus importants et les plus sensibles, mais ils suivront tout le
processus électoral à partir de maintenant puisque la
loi électorale a été proclamée et que
les électeurs ont été déjà
convoqués. Il s’agira de contrôler le retrait des
cartes d’électeurs pour éviter la distribution
de fausses cartes, de voir l’installation des différents
centres de vote, de veiller à la régularité des
élections le jouir même, mais aussi à ce que les
urnes nef soient pas ouvertes, donc veiller à leur sécurité,
à leur transport et ensuite au dépouillement des votes
jusqu’à la proclamation des résultats. En effet,
ces observateurs, grâce aux téléphones
portables, pourront nous communiquer les résultats de leurs
centres, pour éviter que les résultats officiels ne
soient truqués ou faussés. Nous aurons là un
moyen de contrôle important.
Ensuite, au cours de notre
rencontre nous cherchons un certain nombre d’idées à
proposer aux Evêques qui vont adresser un Message à
toute la Nation pour ces élections, en particulier pour
appeler au dialogue, à la paix, à l’acceptation
mutuelle et à l’honnêteté. Tout cela nous
occupe bien sûr toute la journée, et nous rentrons à
la maison, tard, fatigués, mais satisfaits de notre travail.
Lundi 12 décembre: Je prépare mon intervention de demain sur le document de Vatican 2 : L’Eglise dans le monde de ce temps, 3ème chapitre sur les problèmes économiques. Il y a beaucoup à dire, mais il me faut trouver la bonne façon de le dire. Surtout en ce moment de tensions dues aux élection s présidentielles prévues pour février 2012, mais aussi à cause des graves problèmes économiques du pays : pauvreté, chômage, mauvaises récoltes, avancée du désert, inégalités sociales qui augmentent suite aux orientations du libéralisme au pouvoir depuis 2000. D’ailleurs, vu l’importance de ce thème et l’intérêt porté par les gens, à partir de ces rencontres je pense approfondir la question et en sortir un document, au moins sur Internet et à mettre sur mon site. Comme je l’ai fait pour la Doctrine sociale de l’Eglise et les Droits Humains. D’ailleurs, ce sont des choses qui vont ensemble. A ce sujet, je reçois une bonne nouvelle pour le manuel sur la Réconciliation que nous préparons depuis 3 ans et pour lequel notre équipe s’était réunie deux années de suite à ABIDJAN, (Voir les « Nouvelles » de Juillet 2009 et 2010) sous la direction de Maria, responsable de M.I.R. France (Mouvement International pour la Réconciliation). Nous n’avons pas d’argent pour faire imprimer ce livre : nous allons donc le mettre sur Internet.
Mardi 13 décembre: La rencontre se passe très bien est très animée. Les gens sont venus nombreux et participent activement, car ils sont intéressés, et c’est un problème important. J’ai même de la peine à canaliser les interventions.
Mercredi 14
décembre:
Je
remets au clair mes notes à partir des interventions et
propositions d’hier. Je commence à chercher d’autres
informations sur Internet…. (quand il y a du courant et de la
connexion !). Les exploiter va m’occuper dans les
semaines qui viennent.
Nous recevons les thèses
que nos étudiants en théologie doivent
préparer pour leur examen de fin d’études. Nous
y réfléchissons entre formateurs, car il est important
de réfléchir à la formation donnée à
nos futurs religieux missionnaires spiritains. Nous voulons qu’ils
soient vraiment engagés dans la société et
proches des plus petits, nécessiteux et exploités.
Qu’ils sachent voir les problèmes concrets, les
analyser, en découvrir les causes, et s’engager avec
tous. Or nous trouvons la formation donnée trop théorique,
et trop occidentale, ne tenant pas assez compte des problèmes
africains et aussi des théologiens africains, des recherches
et actions menées en Afrique. Et que ces thèses soient
plus un contrôle et une restitution des connaissances, qu’une
occasion de réflexion et de recherches dynamiques et
créatives.
Jeudi 15
décembre:
Je
prépare un
compte rendu à
envoyer par mail à partir du rapport du secrétaire de
séance. Je demanderai à Jean-Michel de le mettre sur
mon site, en attendant que j’aie terminé mon travail de
recherche.
Tout cela ne m’empêche pas de donner un
coup de main à
la paroisse
de notre quartier. Les prêtres de la paroisse sont partis à
une rencontre du clergé diocésain. Je vais donc dire
la messe. Les fêtes de Noël approchent : beaucoup de
gens viennent se confesser après la messe, jusque tard la
nuit.
Vendredi 16
décembre:
Prison.
Ce
matin, rencontre hebdomadaire à la Maison
d’arrêt des femmes.
Entre autres choses, nous parlons de la situation du pays et des
élections qui arrivent, même si, dans leur situation
actuelle, elles ne peuvent pas voter. Ce que déjà nous
ne trouvons pas normal.
Après cela, nous visitons les
ateliers
qui sont dans cette prison, pour voir où elles en sont. Pour
le moment, deux activités marchent bien : un atelier de
coiffure et un autre de fabrication de jus de fruits à partir
de plantes et fruits locaux (oranges, pamplemousses, mangues, fruits
du baobab, bissap, etc…). Nous voyons avec la directrice de
la prison pour les autres projets qu’il serait possible de
lancer. En particulier de la culture sur tables (légumes,
condiments…). Nous profitons de cette rencontre pour aborder
d’autres questions : une
animation culturelle
dans la prison. Pour cela, nous allons chercher des moyens
d’animation, en particulier des DVD ou cassettes vidéo,
en ouolof, car beaucoup de gens ne comprennent pas le français.
Nous
voyons aussi comment trouver des personnes
volontaires
pour rencontrer les prisonnier(e)s au parloir et leur obtenir les
autorisations nécessaires pour cela, spécialement pour
les prisonniers et prisonnières étrangers. Par
ailleurs, nous chercherons de notre côté des
volontaires pour parrainer les prisonniers et les soutenir, en
particulier au point de vue de la nourriture qui est nettement
insuffisante à la prison, surtout pour ceux et celles qui
n’ont pas de famille sur place pour les soutenir. Mais
également pour des habits, du savon, la prise en charge des
ordonnances pour les médicaments, etc… La semaine
dernière, l’Ordre de Malte a apporté des
médicaments à l’infirmerie.
Après
cela, nous allons visiter les ateliers de la prison des hommes (Camp
Pénal). Il y a eu beaucoup d’ateliers mis en place :
menuiserie, menuiserie métallique, forge, couture, mécanique,
sculpture, reliure, sérigraphie, tissage, peinture, etc…
Beaucoup de ces ateliers ne fonctionnent plus. D’abord, parce
que le matériel est ancien, souvent tombé en panne ou
usé, et il n’y a pas d’argent pour acheter des
pièces de rechange ou réparer les machines. C’est
un problème fréquent : des associations ou ONG
donnent du matériel, mais il n’y a pas de fonds de
roulement. Pourtant ces ateliers nous semblent importants.
D’abord
pour offrir des occupations intéressantes aux prisonniers,
mais aussi permettre à ceux d’entre eux qui le veulent
de recevoir une formation professionnelle pendant leur séjour
à la prison (il y a suffisamment de prisonniers capables de
former les autres), et ainsi de se faire un pécule qu’ils
recevront à leur sortie de prison. Les bénéfices
de la vente de la production des ateliers sont divisés en 3 :
1/3 pour la prison, 1/3 pour l’achat de matériel et 1/3
pour les prisonniers eux-mêmes qui ont travaillé.
Les
besoins sont donc multiples : des financements pour réparer
les machines, acheter des outils et du petit matériel pour
remplacer ce qui est usé ou cassé, etc… ;
trouver aussi des gens ou associations qui pourraient nous fournir
ce petit matériel pour les différents ateliers et les
moyens de transport jusque chez nous. En effet, jusqu’à
maintenant, par manque de moyens, les clients achètent
eux-mêmes le matériel qu’ils amènent aux
ateliers de la prison. Et ils payent simplement la main d’œuvre.
Si nous avions du matériel, les prisonniers pourraient
fabriquer divers objets à l’avance. Et il ne nous
resterait plus qu’à assurer la vente, en trouvant des
clients.
Chez les hommes, comme chez les femmes, nous sommes bien
accueillis par l’Administration pénitentiaire.
Maintenant, la balle est dans notre camp, car il est sûr que
l’Etat sénégalais ne prendra pas tout cela en
charge : il n’arrive même pas à nourrir et
soigner les prisonniers ! Il s’agit du mieux être
et de l’avenir de ces hommes et femmes actuellement en
prison.
Il restera encore beaucoup d’autres choses à
faire. Nous pensons en particulier à faire raccourcir la
durée d’attente entre l’arrestation et le
jugement.
Car certains font plusieurs années en prison avant d’être
jugés. Et chercher des avocats
volontaires
pour soutenir les prisonniers lors de leurs jugements et en appel,
parce que beaucoup d’avocats commis d’office ne suivent
pas les dossiers.
Il y a aussi toute la question
de la réparation et du pardon.
Il nous semble très important de donner aux prisonniers la
possibilité de réparer le mal qu’ils ont fait.
Et aussi de rencontrer leurs victimes pour leur demander pardon et
se réconcilier. C’est un travail délicat,
difficile et de longue haleine, mais il est absolument nécessaire
et nous y tenons.
Vendredi 16, soir : Nous nous retrouvons à la paroisse pour la messe du 30ème jour du décès de Francis MSOKA, le père de l’un de nos étudiants, Adolph. Beaucoup de chrétiens sont venus nous entourer de leur amitié et de leur prière, et cela nous encourage beaucoup. Nos étudiants ont très bien préparé la cérémonie et l’ont animée avec des beaux chants, chants appréciés de trous.
Samedi 17 décembre: Les élections présidentielles se préparent au Sénégal, après beaucoup de tensions et de violences. Nous nous sentons fortement interpelés pour que les choses puissent mieux se passer. Et que nous puissions y prendre notre part.
Dimanche 11
décembre:
Je dis la messe dans un quartier. Les
participants sont très nombreux et se casent comme ils
peuvent dans les différentes classes de l’école
maternelle où nous célébrons l’Eucharistie.
Certains sont même dans la rue. Heureusement qu’il y a
une petite sonorisation. J’aime beaucoup ces situations
simples et même précaires, où je me sens à
l’aise et où les gens sont plus décontractés
et participent davantage. En plus, cela me fait revivre ce que j’ai
connu dans les camps de réfugiés ou les villages.
L’amicale des jeunes du quartier anime la messe, les enfants
jouent leur rôle, de même que les adultes. A la sortie,
je rencontre des Guinéens et des Congolais. Je suis heureux
de leur parler dans leur langue. A Dakar, les étrangers sont
nombreux et nous faisons le maximum pour les accueillir et les
intégrer, tout en respectant leur originalité et en
cherchant à recevoir leurs richesses. Après la messe,
des gens viennent me voir. D’abord un infirmier, venu en
formation à Dakar, qui voudrait rencontrer d’autres
personnes engagées auprès des malades : je
l’invite à la récollection de dimanche prochain.
Puis une religieuse qui se forme pour devenir assistante sociale.
Elle a pris contact avec un groupe de femmes venues des villages
pour gagner un peu d’argent pour faire vivre leurs familles.
Elles se retrouvent chaque jour sur une grande place de la banlieue
et les personnes qui cherchent une employée de maison
viennent les trouver. La Sœur voudrait les accompagner, et
aussi intervenir à la prison. Nous allons nous retrouver pour
préciser tout cela.
Nos étudiants pendant ce temps
sont en journée de prière (récollection), comme
chaque mois. De mon côté, je pars à la rencontre
des responsables du CAEDHU (Centre africain d’éducation
aux droits humains). Nous faisons le point des activités
passées et préparons les actions de l’année.
Nous
rencontrons les mêmes problèmes que la plupart des
associations : le manque de moyens, mais surtout le manque
d’engagement de certains, les problèmes de gestion et
de clarté dans l’utilisation de l’argent, la
participation des jeunes et la relève, le renouvellement du
Bureau, le manque de communication et de partage. Nous sommes aussi
déçus et bloqués par le comportement de
certaines Organisations internationales, grandes ONG et autres
bailleurs de fonds. Il va falloir reprendre les formations et
descendre sur le terrain pour des actions précises. Et
augmenter le soutien mutuel, l’entente entre nous et la
motivation pour travailler bénévolement, vu notre
manque de moyens. Dans un deuxième temps, nous préparons
une nouvelle assemblée générale pour relancer
les activités. C’est toujours compliqué. On
termine assez tard ; malgré tout comme je suis dans un
autre quartier, éloigné, j’en profite pour
rentrer par étapes, en passant saluer un certain nombre de
personnes que je n’ai pas vues depuis quelque temps. Le centre
des handicapés, notre 2ème
Maison de formation (1er
cycle de philosophie), les Soeurs missionnaires du St Esprit
(spiritaines) qui travaillent à la formation des femmes et
jeunes filles, la paroisse de OUAKAM, et notre Maison principale
pour rencontrer notre responsable qui revient de Mauritanie.
Samedi 10 décembre: Anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Hommes. C’est important pour nous. Nous le fêtons également au Camp Pénal, prison des hommes. (Voir le site : « Actions humanitaires »).
Vendredi 9 décembre: Matin, à la prison des femmes, comme chaque vendredi. Le soir, troisième réunion de notre Communauté de Quartier. Après le partage de la Parole de Dieu, nous mettons en place un Bureau (provisoire, jusqu’à la fin de l’année). Nous expliquons le rôle de chacun, et traçons des premières pistes d’action. Nous préparons aussi les rencontres suivantes et la fête de Noël (voir le compte-rendu sur mon site : http/:armel.duteil.free.fr).
Jeudi 8 décembre : Fête de l’Immaculée Conception. Nous avons une très belle messe tôt le matin, avant que les étudiants partent en cours.
Mercredi 7
décembre:
Comme chaque jour, je continue mes cours
de français et exercices de lecture pour nos confrères
et étudiants anglophones.
Je reçois aussi
régulièrement chacun de nos étudiants, et des
étudiants d’autres congrégations religieuses,
pour faire le point de leur vie (direction spirituelle) et de leurs
engagements.
Mardi 6 décembre: Deuxième rencontre sur le document « L’Eglise dans le monde de ce temps » du Concile Vatican 2. Aujourd’hui, j’aborde la question de la culture, du mariage et de la famille. Ce sont des sujets un peu délicats. On a fait appel à moi, car suite à plus de 50 ans de présence en Afrique Noire, spécialement en secteur rural, j’ai une certaine connaissance des langues, des coutumes et des traditions africaines. Nous cherchons ensemble comment garder les valeurs traditionnelles dans le monde moderne actuel, avec toute son évolution, mais aussi comment accueillir et vivre les valeurs modernes positives en Africains, sans perdre les qualités des cultures sénégalaises. Il n’y a rien d’évident, il faut chercher et créer, sans avoir de modèle tout fait. C’est une recherche passionnante. Je vous ferai envoyer le compte-rendu de cette rencontre par mail, et la ferai mettre sur mon site dès que possible.
Lundi 5 décembre: Je reste travailler un certain nombre de documents à la maison, car j’ai pris du retard. Toute la nuit, les musulmans fêtent le début de l’année musulmane (Achura appelée ici Tam Xarit). C’est un jour férié au Sénégal. Des amis nous offrent un bon plat de couscous de mil, le plat traditionnel pour ce jour de fête.
Dimanche 4
décembre:
Aujourd’hui, je dis la messe pour
les enfants. Cela me plait beaucoup. L’église est
pleine et même elle déborde avec les parents qui sont
dehors. Grâce aux micros, nous pourrons faire participer tout
le monde, et les enfants font des interventions très
spontanées, parfois surprenantes et très
intéressantes, que ce soit pour expliquer la Parole de Dieu
ou pour les prières. Sans oublier les chants et les danses.
A
midi, je vais manger chez un ami que j’ai connu comme élève
à St LOUIS, en 1980. Nous avions bien travaillé dans
les lycées de la ville. Il s’est marié et a
maintenant 3 grands enfants. Après ses études
d’agronome, il s’est spécialisé en France,
aux Etats-Unis et au Canada. Il dirige maintenant une Fondation qui
travaille avec les paysans, spécialement dans le nord du
Sénégal. Je suis très heureux de le revoir et
de parler longuement avec lui. Cela me permet de préciser mes
connaissances sur le monde rural.
Nous parlons de ses divers engagements dans la société
et dans l’Eglise. Il est membre du Conseil économique
du diocèse.
Je rentre à la Communauté à
17 heures, pour accueillir Jean, un ancien responsable d’un
mouvement des élèves et étudiants (la JEC) à
St LOUIS. Il est accompagné d’amis sénégalais
et ivoiriens. Bien sûr, nous nous rappelons les bons
souvenirs, mais nous parlons surtout des prochaines
élections, car Jean est engagé
dans un parti politique et, à ce sujet, il me dit apprécier
les rencontres sur le Concile Vatican 2 que j’anime le mardi
soir. Jean nous a apporté des jus de fruits ; nos étudiants
–et moi-même- allons apprécier, car en temps
normal nous sommes à l’eau, à la fois par manque
de moyens et par choix, pour éviter le risque de l’alcool
mais surtout pour habituer nos étudiants à une vie
simple et les préparer à la capacité de vivre
dans les secteurs les plus pauvres ou les plus difficiles.
Samedi 3
décembre:
A la prison des hommes.
Un
de nos étudiants explique la Déclaration universelle
des Droits de l’Homme, durant la deuxième heure et ils
parlent ensemble pour voir comment vivre ces droits à la
prison. La responsable Justice et Paix assure la traduction en
ouolof. Pendant ce temps-là, je parle personnellement avec
plusieurs prisonniers qui se trouvent en position plus difficile,
afin de réfléchir avec eux aux solutions à
trouver à leurs problèmes. Nous reprendrons cela la
semaine prochaine à notre rencontre des animateurs de
prison.
Pendant la première heure, nous avons eu un
partage de l’Evangile avec les chrétiens, en quatre
langues simultanées.
Vendredi 2
décembre:
Ce matin, je suis à la prison des
femmes. A midi, je passe à notre Maison centrale. Moïse,
notre économe, revient de Guinée. Il me donne des
nouvelles du pays et des nombreux amis que j’y ai laissés.
Je
vais rencontrer une religieuse avec
qui j’ai beaucoup et très bien travaillé. Elle
est maintenant responsable de sa congrégation : elle se
trouve affrontée à de nombreux problèmes et se
pose beaucoup de questions, comme nous tous. Nous échangeons
sur ces questions. A quoi sommes-nous appelés dans le monde
d’aujourd’hui en tant que religieux ? Comment
passer la main aux jeunes africains qui prennent actuellement la
relève ?
Nous devons nous séparer car je dois
partir pour notre réunion de
Communauté, comme chaque fois. Nous
réfléchissons d’abord à la façon
dont nous vivons le vœu d’obéissance. Et nous
cherchons à découvrir ensemble la volonté de
Dieu et à écouter les appels de nos frères.
Dans un 2ème
temps, nous réfléchissons à notre liturgie et à
notre façon de prier personnellement et en communauté.
Enfin, nous abordons les différents points de notre vie
commune et de notre maison. Chacun prend la parole et tous
participent.
Le soir.
C’est la fête de notre Cardinal, Evêque de Dakar.
En plus, cette semaine, c’est son 75ème
anniversaire. Nous nous retrouvons pour une grand’messe
solennelle. Ce n’est pas un culte de
la personnalité, mais une occasion de faire grandir la
communion entre nous, de nous redire notre volonté de mieux
servir le diocèse et, à travers notre engagement,
mieux servir le pays, d’agir avec le maximum de personnes et
surtout de soutenir ceux qui en ont le plus besoin. Il y a aussi la
joie de nous retrouver tous ensemble, prêtres, religieux et
laïcs et de passer du temps ensemble pour échanger nos
nouvelles et partager nos soucis et nos espoirs.
Jeudi 1er
décembre : Aux
nouvelles, on parle du monde rural.
Il n’a pas beaucoup plu cette année : beaucoup de
plantes ont séché, les arachides –principale
production agricole- sont peu nombreuses et beaucoup sont vides. En
plus, le gouvernement a libéralisé la vente des
arachides. Des sociétés étrangères vont
venir les acheter et usines huilières du Sénégal
ont peur de ne plus avoir de matière première. Par
ailleurs, dans beaucoup de villages, il y a des problèmes de
terres : des
grosses sociétés étrangères, mais aussi
des cadres aisés du pays, achetant des terrains pour des
cultures d’exportation ou pour fabriquer du bio-carburant.
Beaucoup de paysans risquent de se retrouver sans
terre.
Aujourd’hui, rencontre avec l’équipe
nationale de Justice et Paix
pour préparer les élections
présidentielles. Nous avons déjà
commencé tout un cycle de conférences. Il s’agit
maintenant de les exploiter : en faire une synthèse, les
envoyer au maximum de personnes par Internet et surtout mettre en
pratique les orientations qui ont été proposées.
Pour
la campagne électorale
nous avons un gros travail à faire. Nous commencerons par une
rencontre nationale afin d’expliquer aux différents
responsables et leaders ce que nous voulons faire, y compris des
journalistes pour faire connaître nos actions. Ces délégués
descendront au niveau des régions puis des villes et enfin
des quartiers. Les gens formés interviendront auprès
des groupes des quartiers, les associations, les maisons de jeunes,
etc… par des conférences, des séances avec
chants et théâtre, des thés-débats (on
parle pendant la cérémonie traditionnelle du thé),
des rencontres informelles. Pour cela, il nous faut non seulement
former les animateurs mais aussi composer le matériel
d’animation :
- des affiches avec les 4 points
essentiels sur lesquels nous voulons faire réfléchir
et donner la parole aux gens : 1. Refus de la violence ;
2. La corruption ; 3. La participation ; 4. La liberté
dans les votes ; et cela avec des éléments de
réflexion.
- des cartes, avec des critères pour
choisir son candidat ; des fiches pédagogiques et un
guide de l’animateur.
Dans tout cela, nous cherchons à
rejoindre les gens des quartiers et des villages, pour qu’ils
vivent ces élections dans la paix et puissent voter d’une
manière réfléchie.
La prochaine étape
sera la formation d’observateurs
pour ces élections. Nous allons commencer à réfléchir,
chacun de notre côté, à ce que nous voulons
faire et aux moyens que nous avons pour cela.
Hier soir, la messe
pour nos confrères était très chaleureuse et
fraternelle. Beaucoup de gens sont venus réconforter nos
confrères en deuil, et nous entourer
de leur amitié. Après la messe, nous restons longtemps
à parler ensemble.
Le soir, je suis invité dans une
autre Communauté de jeunes étudiants, les piaristes,
communauté religieuse qui se consacre spécialement à
l’éducation et l’enseignement dans les écoles.
Ils sont 23 jeunes en formation. Ils me demandent de leur parler de
la Commission Justice et Paix et comment participer à son
action. Je leur parle aussi de l’écologie et du respect
de la nature (intégrité de la création) et tout
ce qui touche à la disparition des espèces, le
déboisement et l’avancée du désert, la
pollution, le réchauffement de la terre et l’accaparement
des terrains. Je leur présente les statuts de la Commission
Justice et Paix de Guinée et je leur donne un certain nombre
d’exemples d’actions. Puis je réponds à
leurs questions : comment lancer une commission ? Comment
faire un plan d’action ? Que faire pendant les réunions ?
Comment mener les actions ? Comment travailler avec les
musulmans ?
Nous
abordons bien sûr la question des élections
présidentielles (voir
plus haut) :
Comment faire pour qu’elles se passent dans la justice et la
paix ? Quels moyens d’action avons-nous ? – Je
suis frappé par leur ouverture d’esprit et le sérieux
qu’ils portent à ces questions. J’espère
que cela va les aider à comprendre le travail de ces
Commissions et à s’y engager.
Mardi 29
novembre:
Je termine la mise
au point de mon exposé de ce soir. Nous nous retrouvons, les
trois formateurs,
pour préparer notre réunion de Communauté de
vendredi. Nous réfléchissons à la formation que
nous donnons à nos étudiants, à tous les
niveaux. Puis nous parlons de chacun en particulier pour saisir ses
progrès, ses difficultés et comment
l’accompagner.
Nous arrivons au 50ème
anniversaire de Vatican 2. Dans la paroisse des Martyrs de
l’Ouganda, pendant le temps de l’Avent, ils organisent
une conférence-débat
pour une formation chaque mardi et ils m’ont demandé
d’expliquer le document sur « l’Eglise dans
le monde de ce temps », 50 ans après (GAUDIUM ET
SPES). C’est un thème qui m’intéresse
beaucoup. Je vais d’ailleurs continuer à le travailler,
en me basant sur ces rencontres, pour approfondir la question et
pour mettre quelque chose sur mon site, pour les internautes que
cela intéressera. Il y a une cinquantaine de personnes ;
ils participent très bien et l’échange est très
intéressant. Il faut dire que les gens ont été
motivés à l’avance. On leur a donné un
questionnaire préparatoire à réfléchir
et à discuter. Et le dimanche on a distribué des
extraits du document à lire et à méditer. Je
recueille les adresses mail pour envoyer le compte-rendu et d’autres
documents, en particulier sur le Synode. Un volontaire s’est
proposé pour faire le secrétaire. Nous avons
décidé de ne pas dépasser une heure, mais au
bout d’une heure et demie les gens sont toujours là et
ne veulent pas travailler.
Les
confrères prêtres
me retiennent pour manger et sortent une bière bien fraîche.
Cela fait du bien ! Ces moments me permettent de mieux les
connaître et pendant le repas nous prolongeons la discussion
sur notre engagement, celui des laïcs et de l’Eglise
sénégalaise dans la société sénégalaise.
Il y a encore beaucoup à faire à ce niveau.
Il fait
nuit depuis longtemps, mais je passe chez Gisèle pour
préparer la prochaine rencontre du CAEDHU. Nous préparons
un programme pour l’éducation
aux Droits Humains.
Il y a énormément de demandes car nos jeux
pédagogiques et nos formations sont très appréciés.
Nous n’arrivons pas à répondre à la
demande. Nous posons aussi les bases d’un Manuel pour les
éducateurs.
Lundi 28 novembre: Ce matin, nous prions pour la sœur de notre frère économe décédée à la Martinique. Et mercredi, nous aurons une autre messe pour les mères de trois de nos confrères sénégalais décédées récemment. Chaque jour, nous rencontrons la mort dans nos activités. Et en ce qui nous concerne, à cause des distances, travaillant en pays étranger, souvent nous ne pouvons pas aller à l’enterrement.
Dimanche 27
novembre:
Aujourd’hui,
je dis la messe à 7 heures. Quand je quitte la maison, il
fait encore nuit aussi j’attache une lampe torche au guidon de
mon vélo pour m’éclairer. Lorsque j’arrive,
l’église est déjà totalement pleine ;
les gens se lèvent tôt et ils aiment bien prier de
bonne heure pour être libres ensuite. C’est le premier
dimanche de l’Avent : nous voyons ensemble, en ouolof,
comment rencontrer aujourd’hui le Christ qui vient dans la vie
de nos frères et de nos sœurs, et à travers tout
ce qui se passe dans notre société. A la sortie,
beaucoup viennent me saluer et échanger quelques idées
avec moi. Ils sont heureux de voir un blanc qui parle leur
langue.
Mais je rentre sans trop tarder, car il me faut
travailler à mes interventions de cette semaine.
Samedi 26
novembre:
Formation
sur les Communautés de quartier.
Elle
regroupe les responsables des 17 CEB de notre paroisse de Grand
Yoff. Nous partageons d’abord nos façons de faire.
Ensuite, nous écoutons trois témoignages de Guinée
Conakry, Guinée Bissao et Tanzanie (par nos étudiants).
A partir de là, nous nous retrouvons en carrefours pour en
tirer nos conclusions, dégager des orientations et voir
comment mieux travailler à l’avenir quand les
propositions auront été approuvées par le
Conseil Paroissial et expliquées à tout le monde. Je
pourrai vous en envoyer bientôt le compte-rendu.
Après
la formation, je suis invité au presbytère où
je retrouve les cinq
prêtres de la
paroisse. Je
suis frappé par l’entente et la simplicité qui
règnent entre eux. Nous nous connaissons déjà
et je suis très heureux de pouvoir parler avec eux. Notre
grand sujet de conversation, c’est bien sûr les
élections présidentielles qui se préparent,
avec toute leur cohorte de discours mais aussi d’agressivité.
Le curé est fatigué car il était parti jusqu’en
Casamance à l’enterrement du curé de la
Cathédrale de Kolda et par ailleurs responsable diocésain
de Justice et Paix. Avec le mauvais état des routes, ils ont
beaucoup traîné. Nous nous inquiétons aussi de
la santé de nos confrères prêtres, car plusieurs
viennent de mourir, relativement jeunes, de maladie ou même
brusquement, sans maladie apparente.
Bien sûr, nous
faisons aussi l’évaluation de la formation que nous
venons de donner.
Rencontre
chez les Sœurs franciscaines missionnaires. Comme
je suis dans le quartier, je vais aussi saluer les Sœurs. Je
rencontre leur nouvelle Supérieure. J’ai assuré
plusieurs formations à ces religieuses, il y a une vingtaine
d’années ; nous sommes très heureux de nous
retrouver. Chacune explique ce qu’elle est devenue et nous
partageons nos engagements actuels, en prévoyant d’ailleurs
quelques actions à mener ensemble.
Vendredi 25
novembre:
Comme chaque
vendredi, je vais à la
prison des femmes. Dans
la prison, il y a un groupe de chrétiennes et un autre de
musulmanes qui se retrouvent chaque semaine. Aujourd’hui, nous
avons décidé de nous rencontrer ensemble, les deux
groupes. Il n’y a pas assez de place dans la petite salle de
réunion. Nous allons donc tous ensemble dans la cour, assis
sur des nattes. C’est très sympathique. Elles ont
demandé que l’on parle du mariage religieux, dans
l’Eglise et dans l’Islam. Cela pour permettre un échange
entre chrétiennes et musulmanes, à partir de ce thème,
dont le choix peut paraître étrange pour des femmes
justement séparées de leur famille. Mais il faut
penser à leur sortie et leur réinsertion. Et nous
insistons sur l’importance de constituer une sorte de famille
entre elles, à l’intérieur de la prison, et donc
de commencer déjà à vivre ce que nous disons.
Je présente d’abord le point de vue chrétien, la
responsable musulmane le point de vue de l’Islam, les autres
visiteuses parlent de la vie conjugale et de l’éducation
des enfants, puis nous lançons un débat. Au début,
les femmes ont un peu peur de parler, puis elles se lancent peu à
peu. Nous leur demandons de parler du mariage et de la famille dans
leurs différentes cultures. En effet, il y a là, en
plus des sénégalaises (représentant déjà
des cultures différentes, chacune avec sa langue propre), des
africaines d’autres pays (francophones, anglophones,
arabophones et lusophones) mais aussi des européennes et des
sud-américaines. Cela nous aide à un échange
très intéressant, où les points de vue sont
différents, certaines ne sont pas d’accord, mais au
moins elles se parlent et s’écoutent, sans violence et
avec respect. Elles terminent par des conclusions pratiques :
« Vivons ensemble, cherchons à mieux nous
connaître, soyons courageuses, mettons à profit le
temps où nous sommes ici pour nous former et nous enrichir
intellectuellement et spirituellement, etc… ».
L’une d’entre elles amène sa Bible en anglais et
commente le passage de Luc 6, 31 : « Faites pour les
autres ce que vous voulez qu’elles fassent pour vous ».
A
la fin, j’ai un peu mal à la tête, car il a fallu
que je traduise tout cela du ouolof à l’anglais et
inversement (il n’y a rien eu en français, bien que ce
soit la langue officielle, mais peu comprise par la plupart, mais
des traductions particulières en plus, en créole
portugais et en arabe du Maroc).
Vendredi
soir : 2ème
rencontre de notre Communauté de quartier.
(Voir mon site, rubrique Communautés de Base (CEB/CCB)
Jeudi 24
novembre:
Je participe à
ma 1ère
réunion avec la commission paroissiale « Justice
et Paix ».
Elle se passe dans de très mauvaises conditions matérielles,
dues à la pauvreté de la paroisse et sa localisation.
Les salles de réunions (en fait les salles de classe de
l’école catholique) sont utilisées pour les
cours du soir et l’alphabétisation. Nous nous
retrouvons à plusieurs groupes dans la même cour :
sur des vieux bancs, sans table, ni chaise, ni tableau. Nous avons
de la peine à nous entendre, car la paroisse est cernée
par un grand marché au bord d’une route à
grande circulation. Mais cela n’enlève rien à la
qualité de notre travail. Après avoir fait
connaissance et donné de nos nouvelles, celles du quartier et
du pays, nous abordons l’ordre du jour :
1°)
L’action contre
l’augmentation des loyers.
Dakar est une ville enfermée dans une presqu’île
et surpeuplée, suite à un exode rural très
important. C’est très difficile de trouver un logement.
Les propriétaires
en profitent et les prix flambent. On expulse les familles pauvres
pour louer les maisons à des gens plus riches. Vivant dans
des conditions difficiles, et très nombreux dans des petits
logements, les locataires ne respectent pas toujours les lieux et
n’accomplissent pas toujours leurs devoirs non plus (paiement
des loyers, etc…). Nous avons donc prévu une formation
de personnes relais sur les textes concernant les locations. Ces
personnes feront un travail de sensibilisation dans les quartiers :
conversations avec les voisins, contacts avec les autorités
locales et les organisations du quartier, visites à domicile,
réunions avec les communautés de quartier et les
associations. Puis des conférences publiques avec animation
(musique, pièces de théâtre…) et
émissions à la radio. A partir de tout cela, rencontre
avec la Commission des lois (députés et sénateurs)
pour voter une loi sur les loyers, après un atelier de
sensibilisation et de réflexion. Nous allons nous retrouver
mercredi prochain pour commencer à préparer cela. Nous
comptons sur le soutien de CRS, (la Caritas des Etats-Unis :
Catholic RELIEF SERVICES) pour ces rencontres, faire des affiches,
imprimer des prospectus, etc…
2°) Les
élections présidentielles
sont dans trois mois. Il faut nous y préparer sérieusement.
Nous allons participer à une série de conférences
« Les mardis de BROTTIER », organisée
par la Commission nationale Justice et Paix et un groupe de
réflexion et d’action : « Présence
chrétienne ». En voici les thèmes :
-
Quelle constitution et quelles institutions pour promouvoir la
démocratie au Sénégal ?
- La
pacification de l’espace politique sénégalais,
enjeux et perspectives,
- Le processus électoral au
Sénégal : quelles conditions pour une élection
paisible, transparente et crédible ?
- Quelle
politique économique et sociale pour de meilleures
perspectives de développement au Sénégal ?
-
Demande sociale : quelles urgences, quelles réponses ?
-
Quelle vision de la paix ? Regards musulman et chrétien
pour un Sénégal de paix.
- La parole aux candidats
de la présidentielle.
- Pour chaque conférence, on
invite des intervenants importants, bien connus et compétents,
ce qui attire beaucoup de monde, et commence une réflexion
qui se poursuit ensuite dans les quartiers et lieux de travail.
3°)
Nous parlons du travail à la
prison (voir
plus haut). Et de la
participation des personnes intéressées, ainsi que des
CEB (Communautés de quartier). Pour intervenir chaque semaine
à la prison, il faut être disponible et en avoir
l’autorisation officielle. Mais on peut aider de nombreuses
autres façons : parrainer un prisonnier et le visiter au
parloir, soutien matériel (argent, habits, savon,
nourriture), contacts avec les avocats et en chercher pour suivre
les dossiers des prisonniers, contacts avec les familles et les
ambassades, fourniture de matériel et formation pour les
ateliers de la prison, et beaucoup d’autres choses encore à
préciser : réconciliation avec les victimes, aide
à la réinsertion, etc… Nous avons déjà
trouvé quelques personnes volontaires pour cela.
Mercredi 23 novembre: Un ami informaticien vient faire l’entretien de nos ordinateurs de bureau. Je lui demande de jeter un coup d’œil sur mon portable… qui est vieux (comme moi !) et donc usé et dépassé (pas comme moi, j’espère !) et il n’y a pas grand-chose à faire.
Mardi 22
novembre :
Je prépare
ma formation
de samedi sur les Communautés de quartier (CEB) et mon
intervention auprès des femmes de la prison, en ouolof.
L’après-midi, je prépare mes 4 conférences
de l’Avent sur la Constitution « Les joies et les
Espérances des Hommes » du Concile de Vatican 2
dont c’est le 50ème
anniversaire. Et je termine en étudiant l’Exhortation
sur le 2ème
Synode pour l’Afrique. Une journée entière au
bureau. C’est rare et j’ai dû me battre pour la
garder !
Mais la journée a quand même été
coupée par une séance
de français
avec notre confrère ghanéen venu apprendre cette
langue, afin de poursuivre des études à Paris, et un
exercice de lecture en public avec deux de nos étudiants.
Lundi 21 novembre: Nouvelles visites dans le quartier, toujours aussi enrichissantes. Je suis très bien accueilli partout.
Dimanche 20
novembre:
Fête du
Christ Roi. Chez nous, c’est la fête de l’apostolat
des laïcs, c’est-à-dire le lancement des
Mouvements des jeunes
et des adultes. Tous
sont venus en tenues, avec leurs panneaux, étendards et
autres signes. L’homélie porte sur ce thème,
avec une prière et une bénédiction spéciales
à la fin de la messe. Tous restent ensuite pour une
présentation des Mouvements, avec chants et danses, puis
repas pris en commun. De mon côté, je vais manger chez
un ancien responsable de la JEC, ancien élève à
Saint Louis, avec qui nous avons beaucoup travaillé. Je suis
heureux de connaître sa famille. Nous parlons de leur vie et
de leurs différentes activités.
Le Pape Benoît
16 termine sa visite au BENIN, où il est venu publier son
Exhortation, suite au 2ème
Synode pour l’Afrique, de 2009.
Je me mets au travail pour faire une première synthèse
de ses différentes interventions et tirer des extraits
significatifs de son exhortation, afin de fournir une base de
travail plus pratique. J’envoie ce travail par Internet, (ce
qui me prend toute la journée du Lundi 21).
Cette fois-ci
encore, je suis choqué, mais surtout très déçu
par les radios et
télévisions françaises.
Pratiquement, la seule chose qu’ils aient retenue et
présentée, c’est le SIDA. Alors que le Pape a
dit des choses très importantes aux différents groupes
de la société, en particulier des paroles très
fortes aux gouvernants, sur les problèmes économiques
et politiques, et sur la position paternaliste et même parfois
néo-colonialiste des pays occidentaux par rapport à
l’Afrique. Et encore, ces radios et télévisions
n’ont même pas repris les paroles du pape sur la
dimension morale de la lutte contre le SIDA, l’importance de
la prévention, de l’éducation sexuelle et du
soutien aux malades et séro positifs. France 24, par
exemple, au lieu de nous montrer les discours ou la messe du pape, a
montré des gens qui expliquaient à la population
comment mettre en place le condom ! Ils ne se rendent pas
compte qu’ils se discréditent complètement en
Afrique et donnent ainsi, à l’Afrique, une image très
négative de l’Occident. R.F.I. a été
plus positif. Il est vrai que dans leurs émissions, ils ont
donné la parole aux auditeurs africains. Ce qui est la
moindre des choses ! On se retrouve là, non seulement
contre une incompétence et un manque d’objectivité
dans la présentation des informations, mais plus gravement
devant une malhonnêteté intellectuelle.
Samedi 19
novembre:
Ce samedi, les
étudiants n’ont pas cours, ce qui leur laisse un peu de
temps. Nous faisons un partage d’Evangile en petits groupes.
Des membres de notre Communauté de quartier sont venus. Après
la messe, nous déjeunons ensemble. Puis nous allons visiter
des gens du quartier pour faire connaissance.
A 10 heures, nous
nous retrouvons à la
prison. Comme nous
l’avons déjà fait, et comptons continuer, nous
prenons 1 heure pour partager l’Evangile du dimanche. Je leur
propose un questionnaire pour cela, celui que nous utilisons dans
nos Communautés. Ils l’acceptent et le trouvent très
intéressant. Je suis frappé par leur ouverture
d’esprit et leur intelligence. L’Evangile est celui de
la Fête du Christ Roi : « J’avais faim,
et vous m’avez donné à manger…, j’étais
prisonnier, vous êtes venus me visiter. Tout ce que vous
faites au plus petit de mes frères, c’est à moi
que vous le faites ». C’est de circonstance. Nous
nous divisons en quatre petits groupes et partageons cette Parole de
Dieu en 4 langues différentes. Nous voyons comment nous
aimer, et nous entr’aider dans la prison. Le pays est, à
grande majorité, musulman ; mais il y a une bonne
entente et un très grand partage, en particulier au niveau
des idées. Ainsi, à l’entrée des prisons
du Sénégal, est inscrite une phrase du Pape Clément
9 : « Punir la personne malhonnête ne sert à
rien si on ne la rend pas honnête par l’éducation ».
Tout un programme !
Ensuite, nous commençons à
parler de la vie à
la prison, comme
prévu dans notre programme de ce trimestre, une fois sur
deux. L’autre semaine, Hélène, responsable
Justice et Paix, leur parlera des droits des prisonniers (Voir
le programme dans mon site : « Travail social,
humanitaire ; page : prison).
Il y a aussi tous les problèmes que nous allons essayer de
régler au fur et à mesure : le cas de ceux qui
attendent d’être jugés pendant des mois ;
les relations avec les avocats, les familles et les ambassades ;
les appels ; la réconciliation avec les victimes et la
réparation ; la préparation de la sortie et la
réinsertion. Nous faisons le tour des différents
aspects de la vie à la prison : 1) Formation,
alphabétisation, apprentissage d’un métier…
2) Les visites. 3) La santé et l’hygiène,
propreté des chambrées…. 4) Les problèmes
matériels : nourriture, savon, habits, etc…. 5)
Les relations entre prisonniers. 6) La foi et la vie de prières,
etc…. . Ce qui nous semble important, c’est de
permettre aux prisonniers de parler eux-mêmes de ces
questions, et de les écouter. Ils ont déjà fait
des propositions intéressantes. Il faudra maintenant
contacter le service social de la prison, voir ce qu’il est
possible de faire, et en chercher les moyens !
-
Aujourd’hui, les professeurs du Centre Augustin (où
étudient nos étudiants et tous les étudiants
des différentes Congrégations religieuses) et les
professeurs du Grand Séminaire du Sénégal se
retrouvent pour une séance de travail. C’est important
qu’il y ait une collaboration entre nous, et aussi que tout ce
travail de recherche et de formation soit rentabilisé et mis
à la disposition des personnes de l’extérieur.
-
Les problèmes
de santé. Je
poursuis mes visites du quartier. Je parle longuement avec Rose.
Elle est médecin et travaille à la Caritas, à
la prévention et la lutte contre le paludisme. Il y a de quoi
faire. Nous parlons ensuite des dispensaires privés
catholiques et de tout ce qu’il y a à faire :
améliorer l’accueil des malades et les aider à
prendre eux-mêmes leur maladie en charge, à tous points
de vue (pas seulement financier), la nécessité de
l’éducation sanitaire (hygiène…) et de la
prévention (vaccinations, etc.), le soutien des démunis.
Il y a tous les problèmes généraux, comme le
SIDA, la régulation des naissances. Et de nombreux points
particuliers, par exemple les cas de maladie qui se multiplient
pendant l’hivernage (la saison des pluies) qui est aussi le
temps des vacances et des cultures. Cela veut dire que les agents de
santé doivent être à leur poste et ne peuvent
donc pas prendre leurs congés en même temps que les
autres.
Rose me fait visiter le
quartier. Nous
faisons connaissance avec d’autres familles et aussi des gens
qui y travaillent. Nous parlons en particulier avec un vendeur qui
tient une petite boutique, très utile, pour les produits de
première nécessité vendus au détail,
comme il y en a un peu partout et qui rendent de grands services….
Ce ne sont pas nos énormes hypermarchés européens.
Samedi 19 Novembre : Je remporte un
grand succès en venant à la prière du matin
avec ma plaie au front, apparue pendant la nuit ! Surtout que
c’est moi qui préside les eucharisties cette semaine.
C’est le 7ème anniversaire de la mort du
père d’un de nos étudiants ; nous prions
tous ensemble avec lui.
A la prison des femmes aujourd’hui,
nous parlons de la vie et des problèmes des femmes. C’est
une laïque qui anime (il vaut mieux sur ce sujet là). Je
me contente de faire les traductions en anglais et en espagnol (pour
les portugaises), à partir du ouolof. Quand les femmes
retournent dans leurs cellules, nous restons un moment entre
animateurs pour faire le point sur un certain nombre de questions
(voir plus loin), parler avec les gardiennes et rencontrer la
régisseuse de la maison d’arrêt. Nous posons
aussi les bases de la prochaine rencontre de formation pour notre
équipe, mais nous ne trouvons pas de jour libre avant
février. Nous sommes tous très occupés, car les
personnes libres et volontaires ne sont pas nombreuses et les choses
retombent presque toujours sur les mêmes.
Vendredi 18 novembre :
Aujourd’hui, je vais aller en ville pour faire les
visites que je n’ai pas pu faire depuis longtemps, faute de
temps. D’abord, je rentre dans plusieurs magasins, puis
m’adresse à des Vendeurs de rue « par
terre », pour trouver du papier fin (pelure) dont j’ai
besoin pour les copies au carbone et pour les lettres par avion. Je
n’arrive pas à en trouver. Tout le monde veut se mettre
à l’ordinateur, l’imprimante et le photocopieur,
et ceux qui n’en ont pas les moyens ou la possibilité
(par exemple, par manque de courant électrique)… il ne
leur reste plus rien. Finalement, je vais voir un libraire, qui
était dans l’équipe JOC dont j’étais
l’aumônier en 1990. Il se débrouille pour me
trouver une rame de papier pelure bleu, qui était oubliée
au fond d’un placard (il est désolé parce que ce
n’est pas du papier blanc, mais moi je suis très
content !). L’emballage est tout sale et déchiré,
le papier à l’intérieur est bon. Ils ne savent
même plus quel en est le prix ; ils me font donc un prix
d’ami ! Je peux me mettre tout de suite à écrire
plusieurs lettres « légères ».
En effet, le timbre d’une lettre de 5 grammes pour la France
coûte près d’1 euro, ce qui est énorme vu
le niveau de vie du pays.
Il est déjà midi. Comme
je suis dans le quartier, je vais à notre Maison
principale. J’y retrouve le Frère qui tient la
maison, s’occupe de l’accueil des gens et de l’aide
matérielle à nos différentes communautés
des quatre pays où nous travaillons en Afrique de l’Ouest
francophone (Mauritanie, Guinée Conakry, Guinée Bissao
et Sénégal). Nous nous connaissons depuis longtemps.
Je l’avais accueilli comme stagiaire à Saint Louis. Et
nous avons vécu et travaillé ensemble à
CONAKRY. Ensuite, c’est lui qui m’a accueilli à
Dakar quand j’ai quitté la Guinée. Nous sommes
très heureux de nous retrouver et nous prenons un bon moment
pour parler ensemble de nos différentes activités et
de l’avenir de notre Communauté et de notre
Congrégation. En effet, au niveau mondial, nous préparons
un Chapitre Général pour faire le point de notre
Congrégation et changer nos responsables. C’est un
gros travail de réflexion pour lequel nous avons entrepris
une importante préparation depuis l’année
dernière. Nous préparons aussi une Assemblée
générale et des élections au niveau de
l’Afrique de l’Ouest.
Je prends aussi un bon moment
pour parler avec notre doyen qui préfère terminer sa
vie au Sénégal, plutôt que de rentrer en France,
dans la mesure où il n’a pas besoin de soins médicaux
intensifs. Il est notre mémoire et le pivot de notre maison
d’accueil. Il a toute sa tête, continue à
travailler la Parole de Dieu (il a publié plusieurs livres de
formation sur les différentes parties de la Bible), il anime
encore des sessions et des rencontres régulièrement et
nous espérons le garder le plus longtemps possible.
Enfin,
je rencontre deux de nos étudiants camerounais. Ils doivent
aller étudier la théologie au Portugal. Comme
il n’y a pas d’ambassade du Portugal, ils ont dû
venir à Dakar. Ils sont là depuis plus de deux mois ,
en attente, sans pouvoir obtenir de visa, alors qu’ils ont
fourni tous les papiers demandés, payé ce qu’on
leur demandait (et ce n’est pas rien) et fourni toutes les
attestations nécessaires de prise en charge et autres. Nous
ne savons plus quoi faire. Aujourd’hui, c’est
l’anniversaire de l’un des deux. Nous le fêtons
comme il se doit, ce qui les aide à supporter un peu leurs
problèmes !
Ensuite, je peux passer aux visites.
D’abord au PARI, Centre d’accueil et de soutien aux
réfugiés et immigrés. Le responsable est un ami
et nous collaborons depuis longtemps. Nous parlons du travail et de
l’insertion de notre étudiant qui vient de commencer à
travailler au Centre. Ensuite, nous parlons des difficultés
de cette action. Puis il me met au courant de ce qui se fait pour
accueillir les expulsés d’Europe pour les aider à
se ré-installer et à lancer un travail qui puisse non
seulement les aider à vivre, mais aussi aider leur famille.
Car c’est pour cela que souvent ils ont cherché à
partir en Europe.
Puis je passe à la Communauté des
Sœurs du Bon Pasteur qui travaillent avec les
prostituées et tiennent un Centre de formation pour les
jeunes filles en difficulté, spécialement celles qui
viennent des villages et se retrouvent perdues en ville. L’année
dernière, une des Sœurs travaillait à la prison.
Elle est retournée aux Philippines. Nous souhaiterions qu’une
autre Sœur la remplace. Malheureusement, elles ne sont pas
nombreuses. Cependant, nous allons nous revoir.
Rapidement, je
pars à la Centrale des Œuvres, où se trouvent
les permanents des différents Mouvements d’Action
Catholique jeunes et adultes. Aujourd’hui, je viens voir le
Frère aumônier de la JOCF (Jeunesse Ouvrière
Chrétienne, branche féminine). Nous avons travaillé
de longues années ensemble, quand j’étais
moi-même aumônier national de la JOC. Nous sommes très
heureux de nous retrouver. Il m’explique l’évolution
des Mouvements ces derniers temps et les difficultés
actuelles. C’est un travail d’accompagnement qui demande
beaucoup de patience et d’espérance. Et d’accepter
de travailler avec des petits groupes et de suivre personnellement
chacun.
Je passe ensuite voir le responsable de l’Ordre de
Malte. Ils ont prévu une distribution de médicaments
à la prison des femmes. Nous voyons comment organiser cette
distribution, mais surtout comment aller plus loin et apporter une
vraie solution aux différents problèmes qui se posent
et essayer d’en attaquer les causes profondes. Vaste
problème !
La route est longue (en plus, elle
monte !) pour rentrer en vélo à la maison.
J’arrive la nuit, fatigué mais heureux. Il n’y a
pas d’électricité. Je monte rapidement
l’escalier et me heurte à un angle de mur. Je me blesse
au front. Ce n’est pas trop grave et il y a de quoi me faire
un pansement. Mais mes lunettes sont cassées.
Mercredi 16 novembre:
Aujourd’hui, c’est l’enterrement du
père de notre étudiant, en Tanzanie. Nous avons tenu à
nous y associer pleinement. Depuis lundi, nous avons appris et
répété des chants pour cela. Et nous célébrons
une très belle messe. C’est notre confrère qui a
choisi les textes et qui fait un témoignage très
émouvant, avec beaucoup de courage malgré sa grande
tristesse.
Avec la responsable justice et paix, nous allons
rencontrer le Service social de la prison des hommes, pour voir
comment travailler ensemble. Nous abordons en particulier la
question de la formation du personnel pénitentiaire, de
l’animation des ateliers, des visites à l’intérieur
de la prison pour contacter les prisonniers et de l’importance
de rencontre de coordination de toutes les organisations qui
interviennent à la prison. Nous en profitons pour leur
présenter notre programme pour ce trimestre, ce qu’ils
apprécient beaucoup, à la fois pour le geste et pour
le contenu.
Mardi 15 novembre: Comme
chaque jour, je travaille le français avec un confrère
ghanéen qui nous aide à animer notre Communauté
et à suivre nos étudiants, en tant que formateur. Il
est venu apprendre le français et suit des cours à
l’Université de Dakar (section étrangers) pour
cela, avant d’aller faire une formation et recherches en
France. Ce n’est pas facile d’apprendre une nouvelle
langue, à son âge.
Chaque soir, je fais aussi des
exercices de lecture en public avec les étudiants. C’est
important qu’ils parlent clairement et se fassent comprendre.
Lundi 14 novembre: Ce
matin, nous disons la messe pour le père de notre confrère,
avant que les étudiants partent en cours.
A 16 heures, le
curé d’une paroisse voisine vient me rencontrer. Il m’a
demandé d’assurer une série de
conférences-débats pendant l’Avent. Comme
c’est le 50ème anniversaire du 2ème
Concile de Vatican 2, il me demande de faire réfléchir
à partir du document « l’Eglise dans le
monde de ce temps », avec sa phrase d’introduction
célèbre : « Les joies et les espoirs,
les tristesses et les peurs des hommes de ce temps, des pauvres
surtout et de tous ceux qui souffrent » sont aussi les
joies et les espoirs, les tristesses et les peurs des disciples du
Christ. Et tout ce qui est vraiment humain trouve place dans leur
cœur ? Il va s’agir aussi de comprendre les
changements qu’il y a eu dans le monde depuis 50 ans et de
voir comment cela s’applique à la société
sénégalaise d’aujourd’hui. Il va falloir
préciser tout cela. C’est un gros travail qui
m’intéresse beaucoup.
Réunion
communautaire sur nos engagements en pastorale. C’est
important et nous tenons une telle rencontre chaque mois, pour faire
le point. Nous élaborons ensemble le programme. J’explique
aux étudiants mes propres engagements. Nous repartons de
notre Règle de Vie, qui précise notre vocation
missionnaire et nous en précise les orientations. Nous
insistons sur l’importance du partage de nos différents
engagements entre nous, pour nous soutenir. Et sur la qualité
de notre vie communautaire internationale qui est notre première
responsabilité et un témoignage essentiel dans une
société où les tensions ethniques et autres
sont souvent fortes, de même que dans les familles. Je les
appelle à faire preuve d’initiatives, de responsabilité
et de créativité. Et sur la nécessité de
multiplier les contacts, pour s’informer et connaître
les différentes activités des paroisses et autres
organisations. En effet, la priorité actuelle ce sont leurs
études. Ils ne peuvent donc pas participer aux rencontres de
Communauté et autres commissions qui, pour la plupart, se
tiennent la nuit et loin de notre Communauté. Je leur demande
de noter leurs réflexions au fur et à mesure, d’y
réfléchir, d’en parler ensemble et de prier à
partir de ce qu’ils vivent. Et aussi, peu à peu, de
composer l’organigramme des paroisses et organisations dans
lesquelles ils travaillent. Nous insistons surtout sur l’importance
de faire l’unité de leur vie, entre les études,
la vie de communauté et la prière, leurs engagements.
Je les appelle à travailler les questions touchant à
leurs engagements et pas seulement leurs cours. Et à utiliser
Internet pour cela, pas seulement pour envoyer du courrier. Je leur
présente déjà un certain nombre de documents
qu’ils pourront utiliser. Enfin, pour terminer, nous abordons
quelques questions comme celles de la Communion aux malades et des
visites à l’hôpital.
Le mois prochain, nous
parlerons des Communautés de quartier. Je leur demande de
commencer à se renseigner sur ce qui s’y vit.
Dimanche 13 novembre: Nos
étudiants restent à la Communauté aujourd’hui
pour une journée de prière (récollection),
comme chaque mois, animée par l’un d’entre
nous.
Pour moi, je vais à HANN où se regroupent
trois paroisses pour une formation sur les C.E.B.
(Communautés Ecclésiales de Base). Les gens sont
intéressés et participent très bien. (Voir
le message à ce sujet et mon site).
Décès
du père d’un de nos étudiants. Ce soir, nous
apprenons cette très triste nouvelle. Son père, déjà
âgé, était tombé la nuit dans un
caniveau. Il était à l’hôpital, en
TANZANIE, mais semblait se relever lentement de son traumatisme.
Cette nouvelle nous touche beaucoup. La mort d’un parent est
toujours une épreuve, mais encore plus quand on se trouve au
loin. Ce qui est notre cas, le plus souvent. L’enterrement
aura lieu mercredi, or il faut deux jours par avion pour arriver en
Tanzanie depuis Dakar. En plus, il y a des complications au niveau
papier, visa, etc… Notre confrère ne pourra donc pas
se rendre à l’enterrement de son père. Nous
l’entourons tous de notre prière et de notre amitié.
Samedi 12 novembre:
A la prison des hommes.
Cette semaine, j’y vais seul
avec un de nos étudiants. Comme le personnel ne me connaît
pas encore, le Chef refuse de me laisser entrer, et nous sommes
samedi… le régisseur n’est pas là. Je me
renseigne sur son adresse, et après avoir longtemps tourné
dans le quartier, grâce à des gens sympathiques je
finis par trouver sa maison. Il m’accueille très bien,
me présente sa famille, téléphone au
gardien-chef de la prison et les choses s’arrangent. Il suffit
d’être patient, compréhensif et poli. Nous avons
perdu beaucoup de temps, mais, malgré tout, les prisonniers
nous attendaient tranquillement. Cette fois-ci, nous nous
présentons, à leur demande, avec le séminariste
qui m’accompagne. Cela les intéresse beaucoup et ils me
posent beaucoup de questions sur les différents pays où
j’ai travaillé ; je peux aussi parler avec
certains dans leur langue.
Ensuite, et comme nous voulons le
faire à chaque fois, nous lisons l’Evangile du dimanche
et partageons la Parole de Dieu en quatre groupes, correspondant aux
quatre langues : français, anglais, espagnol-portugais,
et ouolof. Tout le reste de la réunion, ils sont ainsi
répartis en quatre groupes pour assurer la traduction. Je
leur ai proposé une méthode pour la prière et
un questionnaire pour la Parole de Dieu, qu’ils semblent
apprécier.
Puis nous préparons le programme de ce
trimestre. Ce sont toujours les mêmes problèmes qui
reviennent : les mauvaises conditions de vie à la
prison, la communication avec les familles, la réhabilitation
et le pardon/réconciliation avec les victimes, la réinsertion
à la sortie de la prison, les appels et les recours en
grâces. Nous choisissons aussi les thèmes de
discussion. Avec Hélène, responsable justice et paix
de la paroisse, nous allons nous partager le travail. Hélène
parlera des droits des prisonniers : droit à
l’information, à une formation professionnelle, à
une nourriture décente, à la santé et à
l’hygiène, aux visites, à la protection, la
sécurité et la dignité, à la pratique
religieuse, aux loisirs et activités socio-culturelles, à
un enterrement décent, à un jugement juste et rapide,
etc….. Même si ces droits ne sont pas bien respectés,
c’est important que, au moins, les prisonniers les
connaissent. C’est la première étape.
Avec
moi, nous parlerons de leur vie concrète à la
prison, leurs problèmes, les actions et solutions
possibles.
Le séminariste leur parlera des Droits
humains et autres questions au choix. (Voir les programmes de ce
trimestre, femmes et hommes, dans mon site (Prison : travail
humanitaire).
Visite des familles dans le quartier.
Avec l’une des membres de la Communauté, nous visitons
les autres familles pour continuer à mieux nous connaître.
Le prêtre qui devait célébrer la Messe est
malade. Je le remplace au pied levé. A la sortie de la messe,
un jeune apprenti menuisier vient me voir. Son patron ne le
forme pas. Il voudrait aller dans un autre atelier, mais il hésite.
Nous en parlons longuement, en pesant le pour et le contre.
Vendredi 11 novembre:
C’est la fête de la Saint Martin Un grand
homme qui nous interpelle par sa vie et son engagement… aussi
pour nous qui sommes en Afrique. Voir dans mon site
http://armel.duteil.free.fr
dans la rubrique sur les « DROITS HUMAINS, la 2ème
partie : Droits humains et Christianisme, le 2ème
paragraphe : Droits humains et Histoire de l’Eglise.
C’est
un bon jour pour ma première visite à la prison
des femmes. C’est l’aumônier qui
m’introduit. Nous saluons le personnel à l’entrée
et dans les bureaux et couloirs. L’aumônier a su créer
entre nous un bon climat et d’excellentes relations, ce qui
permet de régler plus facilement un certain nombre de
problèmes. Nous nous présentons à la Directrice
de la prison qui nous accueille très bien. Je lui explique
le travail que je faisais autrefois à la prison de St Louis,
ce qui la met en confiance. Elle m’autorise donc à
intervenir directement à la prison, sans attendre.
Nous
nous retrouvons avec les femmes au bout d’un certain temps
d’attente. Elles sont moins rapides que les hommes, car elles
prennent le temps de se préparer et de bien s’habiller.
C’est important qu’elles continuent à s’occuper
d’elles pour garder leur dignité. Ma connaissance de
plusieurs langues européennes et africaines va me permettre
de leur rendre service plus facilement. Comme chez les hommes, il y
a des femmes originaires de divers pays d’Afrique, mais aussi
d’Europe et d’Amérique (nord, centrale et sud).
Je salue plusieurs d’entre elles dans leur propre langue, en
parlant de leur pays. Ca sert à quelque chose d’avoir
travaillé dans plusieurs pays (et appris la langue !).
Après
un temps de présentation et d’échanges, nous
préparons avec elles le programme de ce trimestre, sur les
différents aspects de leur vie pour nos rencontres, chaque
vendredi. Une autre équipe vient le samedi pour la prière.
Nous prévoyons une rencontre ouverte à toutes les
femmes, en collaboration avec la dame qui assure l’animation à
la prison, au niveau des musulmanes. Nous nous entendons très
bien. D’ailleurs, elle nous a laissé la moitié
de ses heures le vendredi pour que nous ayons plus de temps pour nos
rencontres. Nous terminons celle d’aujourd’hui par la
prière.
Après être passé à
l’atelier de coiffure où les volontaires peuvent se
former à ce métier, je vais acheter une bouteille de
sirop de bissap, fabriqué par les prisonnières à
partir de cette plante d’Afrique. Je vais ensuite au parloir
parler avec une femme du Nigéria. Elle a été
arrêtée à l’aéroport, alors qu’elle
était en route vers l’Italie, et accusée de
trafic de drogue. Bien qu’on n’ait pas trouvé de
drogue sur elle et qu’une prise de sang n’ait rien
révélé, elle a été mise en
prison. Elle s’y trouve depuis 16 mois maintenant, sans être
jugée. L’avocat commis d’office pour son cas
n’est jamais venu la voir. Elle est étrangère,
elle n’a donc personne pour lui apporter à manger et
son ambassade ne fait rien pour elle. Nous allons voir de notre côté
ce que nous pourrons faire.
En soirée :
Réunion de la Communauté du quartier.
Nous
avons changé le jour et l’heure et cette fois-ci nous
nous retrouvons à une vingtaine de personnes, heureux d’être
là ensemble. Nous lisons et partageons d’abord la
Parole : l’Evangile de Jésus à Nazareth où
il explique sa mission : annoncer l’Evangile aux pauvres
et relever ceux qui sont écrasés (Luc 4, 16-21). Les
gens sont encore un peu timides pour parler. Puis nous prenons un
long temps pour nous présenter et faire connaissance.
Ensuite, chacun dit ce qu’il attend de la Communauté.
Je vous enverrai bientôt un compte-rendu complet de cette
rencontre, que vous pourrez aussi trouver sur mon site (Activités
Paroissiales – Communautés).
- La présence
d’élèves musulmanes « intégristes »
dans les écoles catholiques. Cette année, un certain
nombre de jeunes filles musulmanes d’une secte
fondamentaliste, appelée les « Ibadou »,
ont été inscrites par leurs parents dans les écoles
catholiques, alors même qu’il y a les écoles
publiques et des écoles privées laïques ou
musulmanes (dites franco-arabes). Bien sûr, ces jeunes filles
portent le voile. Ce n’est pas un problème. La plupart
des religieuses portent aussi un voile au Sénégal. Et
beaucoup de femmes mettent un foulard. De nombreux élèves
chrétiens portent des croix et des médailles, de leur
côté. Au contraire, nous serions heureux d’accueillir
ces jeunes filles pour qu’elles sortent de leur milieu et
aient l’occasion de s’ouvrir aux autres, de se libérer
et de recevoir éducation et instruction. Mais le problème,
c’est qu’elles refusent de porter la tenue de l’école.
Or, dans toutes les écoles du Sénégal, les
élèves portent le même tenue pour amener une
certaine égalité dans l’habillement et éviter
une trop grande différence entre les élèves de
familles riches ou pauvres. Bien plus, ces jeunes filles refusent de
serrer la main de leurs camarades garçons ou de s’asseoir
sur le même banc. A la récréation, elles restent
entre elles et refusent de faire du sport. Cela a entraîné
une grande polémique, augmentée par la question du
voile en France, car au Sénégal on suit de près
et on est toujours très sensible à ce qui se fait en
France.. Le Ministre de l’Education nationale s’en est
mêlé, ce qui n’a rien arrangé. Le Cardinal
de Dakar a dû écrire une lettre, mais ces « Ibadous »
n’ont rien voulu entendre. Ils ont même refusé de
célébrer la fête de la Tabaski (Aïd el
Kebir) le même jour que les autres musulmans. Ils ont demandé
aux Imams de prêcher contre les catholiques le jour de la
fête. Mais ces derniers ont refusé et ont préféré
parler des problèmes du pays : les prochaines élections
et le refus de la violence, le chômage et les problèmes
des jeunes. Finalement, les responsables de l’Eglise et les
directeurs des écoles catholiques se sont retrouvés
avec les autres chefs religieux et ils se sont compris. Mais cela a
fait beaucoup d’histoires, pour rien. Et c’est d’autant
plus regrettable qu’il y a une bonne entente au Sénégal
entre chrétiens et musulmans, et il ne faudrait pas que
quelques intégristes viennent apporter le trouble.
Jeudi 10 novembre: Nous
nous rencontrons au CAEDHU pour finaliser notre travail. J’en
profite pour aller rencontrer quelques amis en ville.
Je me
retrouve au CAEDHU (Centre Africain pour l’Education aux
Droits Humains). Quand je travaillais à St Louis du Sénégal,
dans les années 80-90, j’avais lancé une section
d’Amnesty Intrernational, où nous faisions le travail
commun aux différentes sections, en particulier des lettres
aux autorités des différents pays pour obtenir la
libération des prisonniers d’opinion. Nous avions
adopté un prisonnier et après l’avoir soutenu
plusieurs années, nous avons obtenu sa libération.
Mais nous avons senti rapidement la nécessité
d’éduquer les gens aux Droits Humains, en particulier
les personnes en position d’autorité et ayant des
responsabilités, et également les jeunes et les
enfants. Nous avions donc lancé le CEDHOSSAI :
Commission d’Education aux Droits de l’Homme de la
Section Sénégalaise d’Amnesty International, qui
est ensuite devenue le CAEDHU et a beaucoup élargi son
action, en particulier en composant de nombreux modules pour la
formation aux droits humains, avec de nombreux exercices pratiques.
Ils ont aussi recomposé nos premiers jeux sur les Droits de
l’Homme et les Droits de l’enfant. Ce dernier jeu a été
remis par le Ministère de l’Education Nationale et avec
le soutien de l’UNICEF dans toutes les écoles
primaires, et les enseignants ont reçu une formation pour son
utilisation. Il reste maintenant à suivre, à évaluer
et à améliorer l’utilisation de ce jeu, mais il
nous manque les moyens financiers pour cela. Nous utiliserons aussi
une exposition que nous avons composée sur les Droits
Humains.
Nous préparons une rencontre de femmes en
milieu rural, travaillant à la protection de leur
environnement à Popenguine. Nous mènerons cette
réflexion en ouolof, la langue véhiculaire et
populaire, à partir d’une pièce de théâtre,
ce qui est un très bon point de départ pour une
recherche en commun, la plupart de ces femmes étant
analphabètes. Nous avons aussi prévu une exposition.
Nous l’avions prévue sur « les trois femmes,
prix Nobel de cette année ». Mais la personnalité
et la vie passée d’Helen Sirleaf, la Présidente
du LIBERIA, de même que les conditions de sa réélection,
nous posent problème. Nous avons donc décidé de
faire une exposition sur toutes les femmes prix Nobel de la Paix. Il
n’y en a pas des masses. Cela nous permettra de parcourir
l’histoire passée et de voir les évolutions dans
ce domaine. L’exposition sera prolongée par une
conférence, suivie de débat. Le lendemain, nous
visiterons la réserve environnementale (les villages) avec
ces femmes, qui nous expliqueront comment elles travaillent. Nous
ferons le jeu sur « le monde des enfants »
avec les enfants du village. Et le soir nous aurons une veillée
avec tous les habitants. Nous profiterons de cette sortie pour nous
retrouver entre nous, faire le point de nos actions et améliorer
l’organisation du CAEDHU. Nous en reparlerons.
Nous
travaillons depuis de nombreuses années. Nous avons quantité
de modules et de documents que nous souhaitons regrouper dans un
livret : « Le cahier de l’éducateur »,
pour que tout cela soit utilisable immédiatement. Comme nous
l’avons fait pour les textes importants sur les Droits
Humains. Aujourd’hui, nous en cherchons les grandes idées
et en fixons le plan et le contenu. C’est un gros travail que
nous commençons là. Ce livret comportera aussi des
exercices et une réflexion sur : Comment enseigner et
mettre en pratique les Droits Humains (voir mon site).
Nous
travaillons aussi sur la mise en place d’un site du CAEDHU.
Voir des renseignements sur Google. Cela fait une bonne journée
de travail. A la sortie, je vais récupérer ma carte
d’étranger qui est prête.
Mercredi 9 novembre: Nous sommes missionnaires spiritains. Nous avons des sœurs spiritaines missionnaires, mais aussi des fraternités voulant vivre de notre spiritualité, à la suite de François LIBERMANN et Claude POULLART DES PLACES et participer à notre travail missionnaire. Aujourd’hui, elles viennent nous visiter et encourager nos étudiants dans leur marche vers l’engagement définitif. Elles nous expliquent aussi ce qu’elles font. C’est une grande joie pour nous.
Lundi 7 novembre: Fête
de la Tabaski (fête du mouton = Aïd el
Kebir).
Elle se préparait depuis de nombreux jours et
l’ambiance dans la ville était toute changée.
Aujourd’hui, c’est la grande fête ! Et
plusieurs voisins musulmans nous ont offert un morceau du mouton
sacrifié. Cela augmente nos relations d’amitié.
Nous ferons la même chose à Noël et à
Pâques (dans le sens inverse). Une chose qui me touche
beaucoup, c’est que ce jour de fête, mais encore les
jours qui suivent, quand un musulman nous rencontre il nous demande
le pardon et la réconciliation. Même si cela est
parfois un peu formaliste, c’est quand même une avancée
vers la paix.
Dans leurs sermons pour cette fête, les Imams
ont beaucoup insisté sur la paix, la réconciliation et
le refus de la violence au cours de la Campagne électorale
pour les prochaines élections présidentielles. Ils ont
rappelé l’importance de la foi, à l’exemple
d’Abraham, notre Père à tous dans la foi. Car
nous sommes tous enfants d’Abraham. Et pour nous le sacrifice
d’Abraham qu’ils célèbrent, c’est
déjà l’annonce du sacrifice du Christ.
Dimanche 6 novembre:
«Première » homélie en
Ouolof.
Adrien a dû partir d’urgence hier à
KAOLACK, à plus de 200 km, pour l’enterrement de la
mère d’un de nos confrères prêtres. Il me
demande de le remplacer à la messe du dimanche. Bien sûr
j’accepte. Et je me lance dans mon premier sermon en ouolof.
Je n’ai pas encore retrouvé la maîtrise totale de
la langue, mais je crois que je m’en sors assez bien. En tout
cas, les gens sont contents. Alors, moi aussi ! Il est vrai que
l’Evangile du jour était celui des talents. Un thème
avec lequel je me sens à l’aise.
Samedi 5 novembre: Prison
des hommes.
C’est la 3ème fois que
j’y vais. Je commence à être rôdé !
Aujourd’hui, nous complétons les renseignements que
nous avons sur les prisonniers, les nouveaux arrivés, ceux
qui ont été libérés et ceux qui ont été
envoyés dans d’autres prisons. Puis nous nous
concentrons sur les cas les plus difficiles, ceux qui ont fait appel
et surtout ceux qui attendent depuis des mois, et même parfois
des années, sans être jugés et sans même
voir l’avocat qui leur a été commis d’office,
puisqu’ils n’ont pas d’argent pour s’en
payer un. Adrien, l’aumônier général, est
avec moi, mais il a énormément à faire. A
partir de la semaine prochaine, je devrai me débrouiller
seul. Mais ça devrait aller. J’ai déjà
travaillé 16 ans, dans la prison de St Louis du Sénégal.
Je viendrai avec un de nos étudiants pour le former à
ce travail.
Les condamnés du RWANDA. Nous
apprenons que le Sénégal a signé un Contrat
officiel avec la CPI (Cour Pénale Internationale) pour
accueillir des condamnés du génocide au Rwanda. On va
leur construire une prison « aux normes européennes »
(sic !). Cela nous inquiète beaucoup. Bien sûr,
c’est l’occasion pour le Sénégal de se
faire construire une prison gratuite et de récupérer
de l’argent. Mais au lieu de construire cette prison à
part, on va la créer dans le Camp Pénal lui-même.
Cela va engendrer une inégalité énorme entre
ces personnes du Rwanda et ceux du Sénégal, qui risque
d’entraîner de gros problèmes et des révoltes.
A qui la faute ?
Adrien me confie des tas de documents
sur les prisons. En particulier le compte-rendu d’une session
nationale à MBOUR et celui d’une rencontre mondiale en
Afrique du Sud. Déjà, j’avais recueilli de
nombreuses informations sur Internet. Cela fait beaucoup de travail,
mais les réfugiés méritent bien ça !
Vendredi 4 novembre: Réunion
communautaire.
Ce soir, c’est la rencontre générale.
Là, tous ensemble, nous faisons le point de notre vie de
communauté à tous les niveaux et dans toutes ses
dimensions. D’abord, un des étudiants nous présente
un document sur la formation, suivi d’un temps de discussion.
Il s’agit des conclusions d’une rencontre des formateurs
spiritains du monde entier qui a eu lieu en TANZANIE en Juillet
passé. Ensuite, chacun s’exprime sur notre vie de
communauté et fait ses remarques et ses propositions. Nous
prenons aussi un temps pour évaluer le Forum des religieux de
la semaine passée. Enfin, nous parlons de notre rythme de vie
et des études, de l’équilibre à trouver
entre études, prières et engagements extérieurs
et de l’importance d’organiser son temps. Cela nous a
pris près de 3 heures, car il était important que
chacun puisse parler !
Du 4 au 11 novembre:
Contacts personnels sur l’apostolat.
Chaque
jour, je vais rencontrer personnellement deux de nos étudiants
pendant plus d’une heure, comme tous les mois. La semaine
dernière, c’est Jean-Claude, le responsable de la
Communauté, qui a parlé avec eux de leurs études.
La semaine prochaine, Georges, le 3ème formateur,
les rencontrera au sujet de leur vie de prières. C’est
ainsi que nous avançons peu à peu. Ils ont tous
commencé leurs activités pastorales dans les paroisses
et les quartiers : catéchisme, Mouvements de jeunes et
d’adultes (scouts, ACE-CV.AV, Commissions Justice et paix, de
la Famille, de la Jeunesse, Mouvements d’adultes), handicapés,
réfugiés et émigrés, prisonniers,
malades, etc… Chacun a sa place. Et cela fait une belle
complémentarité au total.
Cette semaine, je vois
chacun en particulier, avec ses joies, ses questions et ses
problèmes, selon ses activités. La semaine prochaine,
nous aurons une rencontre communautaire pour rassembler tout cela.
Je suis touché par la confiance que chacun m’accorde,
ce qui nous permet de parler en toute sérénité,
avec beaucoup de clarté et de sérieux, sans
faux-fuyant. Il s’agit de leur formation et de leur avenir. Et
surtout du bien des gens, de chacun et de tous. J’essaie de
préparer ces rencontres le mieux possible, car ce travail de
formateur est nouveau pour moi. Même si, bien sûr, ce
n’est pas la première fois que je m’asseois avec
des gens pour parler et partager notre vie et nos idées.
Nous
commençons par prendre un temps pour faire connaissance.
J’insiste sur l’importance, au début de leurs
engagements, de regarder et comprendre les choses en profondeur, en
dépassant les apparences, de noter les bonnes choses qu’ils
voient (on voit toujours plus vite ce qui ne va pas et le mauvais
côté des choses) et d’écrire les choses
importantes qu’on leur a dites et les questions qu’ils
se posent. Puis reprendre tout cela calmement dans la prière,
y réfléchir calmement, personnellement et en
communauté. Je leur conseille de profiter au maximum des
contacts qu’ils ont et de se renseigner sur tout ce qui se
fait, car étant donné leurs horaires et le poids de
leurs études, qui sont leur priorité, ils ne peuvent
pas assister à toutes les rencontres et toutes les réunions.
Personnellement, je suis très heureux de ces contacts avec
nos étudiants qui nous permettent de nous rencontrer à
un niveau un peu plus approfondi que nos conversations ordinaires.
Mercredi 2 novembre:
1ère réunion de
C.E.B.
Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de
Communauté organisée dans notre quartier. Nous nous
sommes retrouvés deux fois à la paroisse après
la messe du dimanche, avec les gens du quartier. Nous avons cherché
à contacter d’autres personnes. Nous avons été
visiter ceux dont nous avions eu les adresses. Nous avons annoncé
la réunion trois fois, les deux dimanches passés et à
la Toussaint, et ce soir une seule jeune fille se présente à
19 heures et un père de famille à 20 heures. (Le
respect de l’heure est toujours un problème). Il
semble que le jour et l’heure proposés par les premiers
venus ne soient pas bons. On va donc relancer les affaires et
continuer nos contacts. Les débuts sont toujours difficiles !
Mardi 1er novembre: Je célèbre la fête de la Toussaint à la paroisse. Dans la paroisse voisine des Martyrs de l’Ouganda, se tient une veillée de prières, avec chants et scénettes sur la vie des saints, en particulier africains, pendant toute la nuit. L’après-midi, nous nous retrouvons tous au cimetière pour prier ensemble pour nos morts d’ici et d’ailleurs.
Du 29 Oct. Au 1er
novembre: Forum des
religieux(ses)
Dès la fin de la messe, après
ces contacts, je vais rejoindre le Forum qui regroupe les religieux
et religieuses de tout le Sénégal. Nous sommes plus de
500 ! Mais le Forum a été très bien
préparé et organisé, aussi les choses se
déroulent parfaitement. Le thème en est :
« Vérité, Liberté et Responsabilité.
Pour une mission féconde et épanouissante ».
Il y a beaucoup de choses à dire… et à faire
dans ce domaine. J’interviens plusieurs fois pour appeler à
plus d’attention et d’accueil des pauvres, marginaux et
autres personnes vulnérables. Pour davantage nous enraciner
dans la culture et les valeurs africaines. Et aussi afin d’être
plus créatifs et dynamiques pour aller de l’avant et ne
pas nous laisser enfermer dans nos habitudes et façons de
vivre et d’agir traditionnelles. Pour être davantage
« prophètes », savoir lire « les
signes des temps », redécouvrir notre « charisme »
et le vivre dans la société actuelle, pour utiliser
notre jargon religieux. A ce sujet, j’ai d’ailleurs
demandé à ce que nous vivions d’une manière
plus simple et parlions d’une façon que tous puissent
comprendre. (Voir mon site : circulaire de Novembre 2011 et
la Rubrique : Vie religieuse).
Comme toujours, cette
grande rencontre nous a permis de nous retrouver et d’échanger
de nombreuses idées et projets, dans une ambiance
sympathique, avec des temps de prière très forts, et
beaucoup de joie, de chants et de danses.
Il nous reste à
mettre en pratique nos grandes déclarations et de nous
retrouver dans quelques mois pour évaluer ce que nous aurons
fait.
Samedi
29 Octobre 2011 : Déplacements
« à bicyclette ! »
Quand
j’ai été obligé de quitter la Guinée,
j’ai été très secoué au niveau
moral. Cela a même entraîné des répercussions
physiques : j’ai eu des problèmes de circulation
sanguine, des difficultés à marcher et me tenir debout
(j’avais déjà des varices depuis longtemps, et,
depuis l’année dernière, lors de mes congés
en France, ma nièce médecin m’a demandé
de porter des bas de contention ). Arrivé à Dakar, je
suis allé voir une grande amie cardiologue, avec qui j’ai
travaillé de nombreuses années à la régulation
des naissances et l’éducation sexuelle des jeunes dans
l’ASPF (Association Sénégalaise pour la
Promotion de la Famille) quand j’étais à Saint
Louis du Sénégal. Son mari était le président
de l’Association, et c’est chez eux que je logeais, pour
pouvoir plus facilement parler et travailler ensemble la nuit, car
chacun de nous était très pris lorsque je descendais à
Dakar. Elle m’a fait passer des « Doppler »
et m’a donné un traitement qui m’a été
très utile, même si je reste encore un peu « bancal
sur mes pattes ». Après mes 10 années dans
les camps de réfugiés du Libéria et Sierra
Leone, avec son régime spartiate et mes nombreux
déplacements, ma vie plus sédentaire à Conakry
(déplacements en taxi à cause des grandes distances et
des dangers de la circulation routière) m’avait fait
prendre du poids. Mon médecin m’a donc mis au régime,
car il y avait aussi des risques de diabète. Au Sénégal,
comme en Guinée, on ne mange pratiquement que du riz, avec
beaucoup d’huile d’arachide ou de palme. Ce régime
très strict que j’essaie de suivre (oui,
oui, c’est vrai)
n’est pas très agréable et surtout fait du
travail supplémentaire pour notre cuisinière qui doit
déjà préparer à manger chaque jour pour
15 grands gaillards. Mais je suis obligé d’être
« sérieux », car notre cuisinière
est encore plus sévère que mon médecin….
Ce qui ne m’empêche pas de m’entendre très
bien avec elle !
Donc j’ai maigri et je me sens
davantage en forme. A 71 ans, c’est important de prendre les
moyens qu’il faut, et il n’y a pas que le paludisme à
supporter. Mais j’ai besoin de sport et d’exercices.
Comme je ne peux pas y consacrer du temps, j’ai fait remettre
un vélo en état et je me déplace en vélo,
ce qui me fait beaucoup de bien. En plus (mais ce n’est pas le
but !), cela m’attire un certain succès, car ce
n’est pas tous les jours que l’on voit un vieux, blanc
en plus, circuler à vélo dans la ville de Dakar. Bien
sûr, il faut faire attention à la circulation, mais je
suis habitué depuis ma jeunesse à ce type de conduite
un peu particulier.
Lancement
de l’année pastorale, autour du Cardinal.
La
paroisse de Yoff, comme les autres, a envoyé une délégation
de plusieurs membres. J’y vais avec eux, ce qui me permet de
leur parler dans le car pendant le trajet et de faire connaissance.
Nous sommes en avance. Je peux retrouver un certain nombre de
prêtres, mais aussi de laïcs avec qui j’ai
travaillé jusqu’à mon départ en Guinée
en 1996. Je retrouve en particulier un ami du Collège, devenu
vicaire épiscopal chargé de la formation des laïcs,
du plan pastoral d’Afrique de l’Ouest, et grand
théologien par ailleurs. Mais nous parlons de choses plus
terre à terre et plus amicales. A la sortie, je rencontre
Jean-Noël qui était professeur à St Louis et
conseiller laïc de la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne).
Nous parlons des problèmes actuels de l’enseignement,
et aussi de sa famille puisqu’il s’est marié
entre temps
Vendredi
28 Octobre : Conseil
paroissial.
C’est
le début de l’année pastorale. Chaque groupe a
renouvelé son Bureau et ses différents responsables.
Ces groupes sont très nombreux dans notre grande paroisse :
17 communautés de quartier, des mouvements de jeunes et
d’adultes, beaucoup de groupes de catéchèse,
nombreuses commissions, groupes divers. Le lancement de l’année
s’est fait dimanche dernier, dimanche des missions. Le
programme d’année a été très
sérieusement préparé par le bureau du Conseil
Paroissial. Aujourd’hui, le Conseil se réunit au
complet pour présenter ce programme et voir comment le mettre
en pratique. Comme les gens travaillent dans la journée, la
rencontre se tient en soirée. Elle dure assez longtemps,
malgré la bonne organisation et l’efficacité du
curé. Heureusement, les « cars rapides »
circulent toute la nuit !
Jeudi
27 Octobre : Première
visite au Camp Pénal (prison des hommes).
L’abbé
Adrien vient me présenter aux autorités et au
personnel du Camp Pénal. Nous sommes très bien
accueillis et je vois que notre équipe a su créer de
très bonnes relations avec tous. Nous sommes même
désirés, à cause de notre action positive
auprès des prisonniers, car cela facilite leur travail. En
effet, dans ce Camp pénal, il y a de grands délinquants
et des condamnés à vie ; la tâche n’est
pas toujours facile. Mais il y a donc une bonne collaboration et un
climat de confiance entre nous, même si nous ne sommes pas
toujours d’accord sur les orientations et les manières
de faire. Nous nous parlons et nous cherchons à régler
les problèmes dans l’écoute et la compréhension
réciproque.
Je suis surtout frappé par l’accueil
très sympathique des prisonniers. On voit que nous sommes
attendus. C’est un bonheur pour eux de se retrouver avec
nous, mais aussi entre eux. Tous se saluent avec joie. Aujourd’hui,
c’est une reprise de contact. Adrien me présente.
Ensuite nous faisons le tour des prisonniers présents et
voyons la situation de chacun :
- Ses coordonnées,
les renseignements de base, où est sa famille, etc…
- Depuis quand est-il là ? Est-ce qu’il est
passé au tribunal ? A-t-il un avocat ? Si c’est
un avocat commis d’office, est-il venu le voir ? Quand
va-t-il passer en jugement ? A-t-il fait appel ? En effet,
de nombreux prisonniers sont coupés de leur famille. Ils
manquent donc du nécessaire (habits, savon…) et
surtout de nourriture, ce qu’on leur donne à la prison
ne suffit pas. Car l’administration pénitentiaire ne
reçoit que 200 F CFA par prisonnier et par jour (même
pas 30 centimes d’euro !). Les étrangers ne sont
pas suivis, ni soutenus par leurs ambassades et même parfois
rejetés. Beaucoup font des mois et même des années
en prison, sans être jugés, ce qui n’est pas
normal.
Bien sûr, après ce contact général,
nous chercherons à avoir un contact personnel, au moins pour
les personnes en grande difficulté. Mais cela va nous
demander beaucoup de temps. Ils sont plus de 900 dans la prison.
Je
suis frappé par le courage de ces prisonniers qui pourtant
vivent dans des conditions très dures. Et aussi de l’entente
qu’il y a entre eux. Au moins pour ceux qui viennent à
nos rencontres. Car il y a aussi des gens très durs dans la
prison, beaucoup de tensions et de gens que l’on fait souffrir
et maltraite. Nous aborderons certainement ces questions avec eux au
cours de l’année, quand nous parlerons de leur vie.
Pour terminer, nous traçons les grandes lignes de nos
rencontres et de notre travail de cette année.
Mardi
25 Octobre :
Réunion de
l’aumônerie des prisons.
Nous
nous retrouvons, tous ceux qui travaillent dans les deux prisons
situées sur la paroisse, celle des hommes et celle des
femmes. Il y a de nouveaux volontaires. Nous prenons donc le temps
de nous saluer et de nous présenter. Puis l’abbé
Adrien, le responsable, nous présente les différentes
activités (voir
le document dans mon site, rubrique « Travail social
humanitaire – Prison)
avec les jours et les conditions, pour respecter la réglementation.
Nous constituons les différentes commissions, en plus des
visites ordinaires : 1) l’assistance judiciaire ;
2) l’assistance matérielle ; 3) l’assistance
spirituelle ; 4) réinsertion ; 5) réconciliation
avec la famille et les victimes ; 6) formation des
volontaires ; 7) formation des personnels des prisons.
Je
vous transmettrai bientôt un papier pour vous présenter
un peu plus en détails ce travail dans les prisons, et je
vous tiendrai au courant au fur et à mesure dans les
« Nouvelles ».
- Adrien nous explique
ensuite quelle est notre mission et les conditions pour bien
l’accomplir. Puis, comment organiser nos visites et
interventions à la prison.
- Hélène a
participé pendant les vacances à une rencontre
internationale sur la Pastorale des Prisons au Cameroun. Elle nous
en fait le compte-rendu et nous présente des pistes d’actions
pour cette année, chez nous. (Voir
mon site).
Lundi
24 Octobre :
Cours de français.
Dans
notre communauté, il y a un confrère ghanéen,
prêtre depuis déjà de nombreuses années,
qui est là pour apprendre le français, avant d’aller
étudier en France. Les cours n’ont pas encore commencé
à l’Université. Je lui donne donc des cours
particuliers, ce qui nous permet en même temps d’avoir
des contacts réguliers et plus approfondis. Mais cela lui
demande un très gros effort, car il est déjà
relativement âgé. Du coup, je commence également
à faire des exercices de diction et de lecture publique aux
étudiants. Il est important qu’ils se fassent
comprendre en public !
Dimanche
23 Octobre : La
paroisse de Grand Yoff.
Comme
j’ai été nommé formateur de nos
étudiants, je ne vais donc plus travailler à la
paroisse de Pikine. Notre communauté est sur la paroisse de
banlieue de Grand Yoff. C’est une paroisse à la fois
très grande et très populaire. Je vais m’y
sentir à l’aise. D’autant plus que le curé
est un ami et que nous avons beaucoup travaillé ensemble dans
les Mouvements d’Action Catholique, avant que je parte en
Guinée. Il est le bras droit de l’évêque
(vicaire général), responsable national de Justice et
Paix. Nous avons donc continué à collaborer et nous
allons travailler ensemble. Le courant passe aussi très bien
avec les autres prêtres, en particulier l’aumônier
de la prison et de l’hôpital. On me présente au
début de la messe. A la fin, de nombreuses personnes avec qui
j’ai travaillé autrefois viennent me saluer. C’est
une très grande joie pour tous.
Jeudi
20 Octobre : Retour
à Dakar.
Nous
ne voulons pas partir la nuit à cause de l’insécurité.
Nous prenons même le temps d’aller au port voir le
nouveau bateau qui fait la navette entre Dakar et Ziguinchor. En
effet, à cause des tracasseries à la frontière
gambienne, du mauvais état de la route et des attaques
rebelles, beaucoup préfèrent prendre ce bateau. Bien
sûr, nous parlons du bateau précédent, le Diola,
complètement surchargé, qui a coulé il y a
quelques années, causant plusieurs milliers de morts.
Le
voyage retour sera aussi difficile que l’aller. Le soir, nous
faisons une pause à Kaolack. J’y retrouve un camarade
de classe libanais du Collège de Dakar-Hann que je n’avais
plus revu depuis 1952. Nous buvons une bonne bière ensemble
pour fêter l’événement. Et arrivons à
Dakar au milieu de la nuit.
Mardi
18 Octobre : Thèse.
Le
matin, je pars assister à la soutenance de thèse d’un
étudiant sénégalais qui a décidé
d’entrer dans notre postulat spiritain (1ère
étape de la
formation à la vie religieuse et missionnaire).
Décès.
J’apprends le décès en CASAMANCE, sud du pays,
de la mère de notre confrère qui tient la paroisse de
l’aéroport de Yoff-Dakar. Comme c’est loin, on me
demande d’aller représenter l’ensemble des
confrères à l’enterrement. Nous avons beaucoup
de décès de parents ces temps-ci. En effet, la plupart
de nos confrères africains ont entre les 30 et 40 ans ;
leurs parents arrivent à l’âge où on
quitte la terre. Ce qui est toujours une souffrance, mais surtout
quand on est loin de son pays et de sa famille, comme c’est le
cas pour nous.
Voyage
en Casamance. La
maman de notre confrère est décédée en
Casamance, région du sud du Sénégal qui est
soumise depuis 30 ans à une révolte larvée,
menée par des gens qui voudraient obtenir l’indépendance
de la région, qui a causé beaucoup de morts et de
blessés en particulier par les mines anti-personnel. Cela
crée un climat d’insécurité et de peur et
bloque le développement de la région et même le
travail des champs. A la base de tout cela, il y a des problèmes
culturels : les gens de la région (diolas, mandjaques,
mancagnes, etc…) ne sont pas des mêmes ethnies que ceux
du nord du pays. De plus, ils n’ont pas été
colonisés par les Français mais par les Portugais et
beaucoup parlent encore le créole portugais. Mais surtout, il
y a tout le problème de l’accaparement des terres par
des fonctionnaires ou des riches venus du nord. Et quand on prend la
terre d’un paysan, il se révolte. C’est normal !
Sans parler d’un certain mépris des gens du sud par
ceux du nord. Ce qui n’arrange rien, en plus, la région
est séparée du reste par la Gambie, ancien territoire
anglais, qui s’enfonce dans le pays.
Cela entraîne de
nombreuses difficultés de déplacement. Nous sommes
partis avec une délégation de la paroisse de Yoff à
minuit et nous ne sommes arrivés que le lendemain à 15
heures, juste pour l’enterrement. En effet, il n’y a pas
de pont sur la rivière Gambie. Le gouvernement gambien s’y
oppose pour garder son « indépendance »
et gagner de l’argent par les taxes et les petits commerces,
restaurants, etc.. Et cela malgré les demandes pressantes du
Sénégal et autres pays d’Afrique de l’Ouest
(CEDFAO). Les deux bacs, utilisés pour la traversée,
sont très vieux et les quais ne sont plus en état.
D’ailleurs, un des deux bacs avait coulé la veille. Le
deuxième ne suffisait pas. Nous avons attendu durant 7 heures
avant de pouvoir traverser la rivière, au milieu de
nombreuses tracasseries policières et douanières. Et
même chose pour le retour. Heureusement que les femmes qui
étaient avec nous avaient prévu des sandwichs et de
l’eau.
La mère de notre confère était
une femme très dynamique (on l’appelait
« commissaire », bien que ce soit une simple
mère de famille et qu’elle n’ait jamais été
dans la police, parce qu’elle s’occupait très
bien de sa grande famille –son mari, militaire, étant
souvent absent, à la frontière- et réglait
beaucoup de problèmes dans le village de BIGNONA). Il y
avait donc beaucoup de monde à l’enterrement : la
cérémonie était très priante et
émouvante, la chorale chantait très bien et la foule
participait.
Après la messe, nous nous sommes retrouvés
avec les très nombreux prêtres venus à la
célébration. Certains que j’avais connus avant
1996 et mon départ pour la Guinée, et nous étions
très heureux de nous revoir. D’autres, inconnus, mais
qui étaient heureux de me connaître, ayant lu les
livres que j’ai écrits ou utilisé les diaporamas
et films vidéos que j’ai composés.
Il y avait
énormément de monde et donc pas de maison pour dormir.
Nous avons d’abord pensé dormir dans une cour, à
l’extérieur –il ne fait pas froid en Casamance et
la saison des pluies en était à sa fin-. Finalement,
nous avons décidé de descendre jusqu’à
ZIGUINCHOR, la capitale du sud, dans notre postulat (maison de
formation). Cela nous permet de passer la soirée avec nos
sept jeunes qui viennent d’arriver, dont deux qui viennent de
Guinée et que j’ai connus à Conakry. Je peux
ainsi parler calmement et avec joie avec le responsable de la
Communauté (un confrère sénégalais) et
Michel, un ancien que je connais depuis longtemps et qui est venu de
Guinée Bissao. Nous en sommes très heureux. Et aussi
avec l’administrateur qui dirige le diocèse de
Ziguinchor, en attendant la nomination d’un nouvel évêque,
l’ancien étant décédé l’année
dernière. Nous nous entendons très bien. D’ailleurs,
il loge dans notre Communauté.
Je loge chez les Sœurs,
ce qui me permet de prendre une bonne douche. J’en avais
besoin !
Le lendemain, je célèbre (préside)
l’Eucharistie, animée par nos jeunes et chantée
par les jeunes filles en formation pour devenir religieuses.
L’Evangile du jours commence par ces paroles de Jésus :
« Je suis venu mettre le feu sur la terre »
(Luc 12, 49-53). Je parle de notre engagement pour la Justice et la
Paix. Cela plait aux gens et mes compagnons de voyage me demandent
de leur parler à nouveau de cette question dans le mini-bus,
pendant le voyage de retour.
Lundi
17 Octobre : Carte
de séjour.
Il
faut aussi que je régularise ma situation, puisque je dois
rester au Sénégal. Il me faut d’abord passer une
visite médicale, avoir un acte de naissance certifié,
un extrait de casier judiciaire (heureusement que j’ai
une cousine qui peut s’en occuper en Bretagne ; malgré
cela, il me faut plus d’un mois pour les avoir, et encore
heureusement qu’il y a Internet et les scanners) ! Il
faut aussi bien sûr des photos, un certificat d’embauche
de mon employeur (l’Evêque de Dakar), etc…
L’administration sénégalaise a été
bien formée par l’administration française et
elle a bien retenu sa leçon ! La différence,
c’est que j’ai pu entrer au Sénégal sans
visa, et que la carte de séjour est gratuite. On ne peut pas
en dire autant pour les Sénégalais et autres étrangers
non-européens arrivant en France ! De plus, nous sommes
très bien accueillis dans les bureaux et services, et avec
beaucoup de respect.
Je reprends contact avec Gisèle,
co-fondatrice avec moi-même et quelques autres personnes, du
CAEDHU (Centre Africain pour l’Education aux Droits Humains).
J’en reparlerai.
Lundi
10 Octobre :
Engagement des étudiants.
Comme
je l’ai expliqué précédemment, je suis
chargé des activités pastorales de nos 12 étudiants
en théologie à Dakar. Les trois formateurs d’accord,
nous n’avons pas voulu qu’ils aillent dans les paroisses
seulement pour le travail « ordinaire » :
la messe, le catéchisme….. Mais qu’ils aient un
engagement humanitaire, social ou avec des mouvements de jeunes ou
d’adultes. En effet, ils sont rendus à la dernière
étape, avant d’être prêtres et d’être
envoyés comme missionnaires. Tout cela se prépare. Je
passe donc dans les neuf paroisses et auprès de responsables
d’Organisations travaillant avec les handicapés, les
prisonniers, les émigrés et les réfugiés,
etc… pour voir quelles activités proposer à nos
étudiants et comment les soutenir et les former. Cela demande
beaucoup de temps, mais c’est important et aussi intéressant.
Ainsi, moi-même, je me remets au courant des réalités
sénégalaises. Cela me prend tout une semaine.
26 octobre 2011 : Je suis en train de lancer une communauté de quartier et j'ai commencé à travailler dans 2 prisons (hommes: 950 prisonniers! et femmes: 120 "seulement") avec un certain nombre d'étrangers. Et bien sûr je travaille pour justice et paix...entre autres choses, avec pas mal de réunions mais aussi de formations avec des chrétiens ou en milieu laïc : rencontre des jeunes religieux, formation sur les Communautés Chrétiennes de Base, rencontre sur les Droits des Femmes, formation sur les Droits Humains, etc… C'est parti
13 octobre 2011 : Enfin, quelques
nouvelles !
J’ai été nommé
formateur dans notre théologat (grand séminaire pour
les étudiants se préparant à devenir prêtres).
Je suis chargé plus spécialement de leurs activités
pastorales (leurs activités dans les paroisses et les
quartiers). Et ce moment, nous sommes en retraite spirituelle d’une
semaine pour commencer cette nouvelle année
universitaire.
Après une réflexion avec les autres
formateurs, j’ai rencontré les 12 étudiants,
ensemble en réunion et en particulier, pour voir comment nous
allons travailler cette année.
Maintenant, je fais le tour
des paroisses où ils vont travailler et je contacte des
groupes et associations de quartiers, pour voir quelle activité
précise proposer à chacun. En effet, nous ne voudrions
pas qu’ils se contentent d’enseigner le catéchisme,
mais qu’ils participent à des commissions comme Justice
et Paix, les relations entre chrétiens et musulmans, les
mouvements de jeunes et d’adultes, les actions de la Caritas,
etc…Et aussi qu’ils interviennent par exemple à
la prison ou dans les hôpitaux, auprès des réfugiés
et des immigrés de retour d’Europe, des enfants de la
rue, des handicapés…chacun selon capacités. En
effet, la plupart ne sont pas sénégalais, mais guinéens
(Conakry et Guinée Bissao), tanzanien, congolais, togolais,
ghanéen et camerounais. Se pose donc en premier le problème
de l’apprentissage de la langue, le ouolof.
Pour moi, j’ai
pris contact avec la paroisse de banlieue où se trouve notre
théologat. C’est facile, car le curé, sénégalais,
est un ami de longue date. Je vous en parlerai une autre fois.
Le
pays est toujours sous tension, à cause des problèmes
dont je vous ai déjà parlé : coupures de
courant, augmentation du coût de la vie, inondations des
quartiers (nous sommes en pleine saison des pluies, qui a été
tardive cette année), difficultés des paysans. Les
tensions politiques se poursuivent, dans l’attente des
élections présidentielles de février 2012. Mais
je sens un certain nombre d’appels à la réflexion
et à la compréhension, pour moins de violence.
Je
vous redis toute mon amitié.
Armel.
29
août 2011 : Comme vous le savez sans doute, en 1996
j’ai quitté le Sénégal et la ville de
Saint Louis pour aller travailler au sud de la Guinée-Conakry.
C’était au moment de la guerre au Libéria et en
Sierra Leone. J’y suis resté 10 ans, travaillant dans
les camps de réfugiés, aussi bien que dans les
villages guinéens qui, eux aussi, subissaient les attaques de
rebelles et les conséquences de la guerre. J’y ai été
très heureux, malgré toutes les difficultés
rencontrées, grâce à l’amitié et au
soutien des populations. Vous pouvez retrouver tout cela dans mon
site http://armel.duteil.free.fr
En
2006, j’ai été nommé dans le diocèse
de Conakry où j’ai travaillé d’abord en
secteur rural, à Kataco et à Boffa, puis dans la
banlieue de Conakry, à Taouyah. J’étais en même
temps responsable de la Commission « Justice et Paix «
et de la « Pastorale sociale » du diocèse.
Je viens de tourner une nouvelle page, et je suis actuellement au
Sénégal, mais cette fois dans la banlieue de Dakar, à
Pikine.
Pikine est une grande paroisse de banlieue, très
populaire, ouverte dans les années 1950 par les spiritains.
Je rentre donc là dans toute une histoire d’action
pastorale et missionnaire. La paroisse est connue en particulier
pour ses communautés de quartiers actives et bien insérées
dans la vie des populations. Il y a deux lieux de culte : à
Pikine et à Thiaroye, distants d’environ 5 km. Thiaroye
est un milieu encore plus populaire et marqué actuellement
par les inondations et de nombreux problèmes sociaux. Les
jeunes, en particulier, se trouvent confrontés au chômage.
La Commission paroissiale « Justice et Paix »
est présente à ces problèmes, avec des membres
formés et engagés. C’est dire que je me retrouve
dans mon élément et que je pense y être heureux
et pouvoir y travailler. Ce n’est pas le travail qui va
manquer ; j’aurai l’occasion de vous en parler plus
tard, mais il faut d’abord « atterrir »,
voir les réalités, tisser des liens d’amitié,
écouter ce que les gens des quartiers disent, pensent et font
eux-mêmes. De toutes façons, je suis heureux de me
retrouver au Sénégal, ce pays où j’ai
passé toute ma jeunesse et où j’ai ensuite
travaillé de nombreuses années ; d’ailleurs
chaque jour je rencontre des gens avec qui j’ai vécu
autrefois, quand j’étais à Dakar d’abord,
puis à Tambacounda et enfin à St Louis ; et aussi
des gens avec qui j’ai travaillé dans les différentes
associations et mouvements de jeunes et d’adultes. C’est
très agréable.
Cette fois-ci, je n’aurai pas
de problème de langue puisque je parle le wolof depuis mon
enfance, c’est un gros avantage.
Nous allons nous retrouver
en équipe de trois prêtres spiritains : Bruno, le
curé, un Sénégalais ; Josaphat, un jeune
Tanzanien qui vient de terminer sa formation en France ; et
moi-même. Pour la paroisse, il y a deux communautés de
religieuses (des sœurs maristes et des sœurs ursulines)
engagées dans le domaine de la santé, et bien sûr
de nombreux laïcs ! Nous travaillons au sein d’un
doyenné qui recouvre toute la grande banlieue de Dakar,
jusqu’à Rufisque, à la sortie de la Presqu’Ile
du Cap Vert, et qui compte plusieurs millions de personnes. C’est
dire que le travail ne manque pas, mais également que nous
travaillons ensemble entre Sénégalais et étrangers,
entre prêtres du diocèse et religieux missionnaires.
Cette différence est une grande richesse pour nous, en
permettant une complémentarité dans notre engagement,
et c’est une bonne chose vu la diversité du milieu dans
lequel nous travaillons.
J’aurai l’occasion, à
l’avenir, de vous partager tout cela. Mais il faut d’abord
que je m’enracine pour la rentrée, que je découvre
les orientations pastorales du diocèse et la réalité
du pays. Pour aujourd’hui, je voulais simplement vous donner
quelques nouvelles et vous tenir au courant de ma situation.
Je
vous ai déjà envoyé, le mois passé, un
compte rendu sur le travail de « Justice et Paix »
des Spiritains dans les quatre pays de l’Afrique de l’Ouest
où nous travaillons (la FANO) et aussi une présentation
de la situation actuelle du Sénégal. Vous pouvez bien
sûr vous y reporter. Pour aujourd’hui, j’ajoute
simplement que nous sommes à la saison des pluies
(l’hivernage) ; il fait donc très chaud et très
lourd ; il y a eu une grosse pluie la semaine dernière
qui a causé de nombreuses inondations, comme chaque année.
En effet l’exode rural est très important et dans les
grandes villes, comme Dakar et également St Louis et Thiès,
les derniers arrivants se sont installés dans des bas-fonds
qui sont inondés pendant l’hivernage. Souvent, ils
perdent le peu qu’ils ont et les maisons sans fondations
solides s’effondrent. Cela cause beaucoup de souffrances, de
mécontentements et de tensions, d’autant plus que
chaque année les pouvoirs publics promettent de faire quelque
chose mais en fait il n’y a pas de réels progrès.
Ces
tensions sont encore augmentées par les coupures
d’électricité, les problèmes économiques
et la nervosité causée par le jeûne du Ramadan,
mais surtout par les tensions politiques à cause des
élections présidentielles qui approchent ; elles
sont prévues pour février 2012. Et beaucoup de
problèmes se posent, comme je vous l’ai déjà
expliqué, en particulier la question de l’alternance
politique et d’abord la légalité de la
candidature du Président actuel Maître Wade qui a déjà
fait deux mandats et qui est très âgé. Pour
gagner ces élections, les responsables politiques des deux
bords utilisent tous les moyens,car ils veulent mettre toutes les
chances de leur côté. Ainsi, aussi bien le parti au
pouvoir que les partis d’opposition sont allés voir
chacun à leur tour le Grand Marabout de Touba (le chef
religieux musulman de la confrérie des Mourides) pour
recevoir sa bénédiction, espérant que cela les
aidera à gagner les élections, car le Grand Marabout a
une grande influence sur ses disciples. Mais cela met la laïcité
du pays en danger, alors que nous y tenons beaucoup car c’est
une valeur importante pour la démocratie et pour la liberté
des personnes. D’ailleurs certaines personnes ont commencé
à réagir contre cela, mais en allant jusqu’à
l’autre extrême et en demandant que la religion se
limite à la vie privée et ne se montre plus en public.
Ce qui n’est pas une bonne chose non plus et qui n’aidera
certainement pas le pays à s’en sortir, ni à
régler ses problèmes.
Il y a beaucoup de
manifestations politiques, les deux côtés manifestant
même parfois le même jour pour se faire concurrence.
Cela entraîne beaucoup de violences verbales qui sont très
inquiétantes et qui risquent de déboucher sur des
bagarres. Il y a déjà eu des morts au cours de
répressions policières qui sont toujours très
musclées, et cela nous inquiète également
beaucoup. On sent la nécessité absolue d’une
formation au dialogue et au respect des autres, et l’importance
d’une formation aux méthodes d’actions non
violentes. Mais qui pourra l’assurer ?
28
août 2011 : Les
tensions politiques continuent dans le pays, avec la préparation
des prochaines élections présidentielles. On parle à
nouveau des attaques et exactions menées en Casamance, et de
ce qu’il faudrait faire pour ramener la paix après 30
ans d’insécurité. Mais cela ne pourra pas se
faire si l’on n’apporte pas de solutions aux causes de
cette situation : la mise à l’écart et le
retard dans le développement de la Casamance, séparée
du reste du Sénégal par la Gambie, l’accaparement
des terrains des paysans par des gens venus d’ailleurs et tant
d’autres choses. L’Eglise est impliquée dans cet
effort de réconciliatiorôlen. Les étudiants de la
JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne), réunis en session
nationale à Ziguinchor, ont rédigé une
déclaration qu’ils ont remise aux autorités et
qui a été très appréciée, dans
laquelle ils s’engagent en tant que jeunes, pour la paix.
Au
niveau politique, c’est la concurrence entre le Pouvoir et
l’Opposition, avec un certain nombre de violences verbales
inquiétantes et de coups-bas. Comme je l’ai déjà
expliqué, chaque côté cherche à s’attirer
les bonnes grâces et les bénédictions des chefs
religieux musulmans. Le 23 Juin, des jeunes et la société
civile ont manifesté avec force, en particulier contre les
délestages d’électricité, la pauvreté,
mais aussi contre la 3ème candidature prévue
du Président actuel, Abdoulaye WADE, ce qui demanderait un
changement de la Constitution. Ces jeunes ont constitué le
Mouvement du 23 Juin (M 23), dirigé par un responsable d’un
grand réseau de défense des droits humains en Afrique
(RADDHO) : Alioune TINE. Mais les partis d’opposition sont
entrés dans ce mouvement, ce qui a deux conséquences :
comme les chefs des différents partis politiques ne
s’entendent pas bien entre eux, ils ont apporté un début
de division dans le M23. De plus, la société civile
risque d’être détournée de ses objectifs
par et les partis politiques, et de ne plus pouvoir jouer son rôle,
ce qui n’est certainement pas une bonne chose En positif, les
scouts et les guides du Sénégal, réunis eux
aussi en conseil national, se sont engagés, en présence
du ministre de la Jeunesse et des Sports, au cours de leur session
nationale, à travailler pour des élections qui pourront
se passer dans la paix. La veille, une nuit de prière a eu
lieu dans un stade de Dakar, dirigée par l’évêque
président de la conférence épiscopale du
Sénégal, dans le même but. Elle sera suivié
par une prière similaire de la part des musulmans. On sent
donc qu’un certain nombre de personnes se lèvent pour
lutter contre les tensions actuelles. Même si dans les
quartiers les manifestations continuent, par exemple contre les
coupures intempestives de courant électrique.
Le problème
des sectes se pose également. Il est vrai que certaines se
conduisent d’une manière sinon agressive du moins
provocatrice, envers les musulmans. Cela entraîne des réactions
en retour. Deux temples ont été brûlés
par des musulmans de tendance dure, de même d’ailleurs
que des débits de boisson. Même si en général,
il y a un bon climat de paix et d’amitié entre chrétiens
et musulmans, ces bonnes relations entre les croyants des deux
religions sont à maintenir, ce qui demande un effort
permanent. Nous sommes actuellement dans le temps du Ramadan et cela
se fait bien sentir dans toute la vie sociale, les musulmans étant
environ 90 % de la population du pays.
Les phénomènes
de pauvreté s’accroissent et ce n’est pas la crise
financière en Europe et aux Etats-Unis qui va arranger les
choses. Les étudiants se plaignent de ne pas avoir reçu
leur bourse. Des manifestations ont eu lieu aussi bien à
Saint-Louis qu’à Dakar ; il y a eu des blessés
par les forces de l’ordre et des bus ont été
brûlés. La situation des paysans n’est pas
meilleure, mais eux ils sont en plein dans le travail des champs et
certains craignent pour leur récolte, car les pluies ne sont
pas très nombreuses pour le moment. Certains n’avaient
pas beaucoup de semences, ils les ont utilisées et elles se
sont desséchées, et si les pluies arrivent ils n’auront
pas de nouvelles semences. De son côté, le Gouvernement
vend du matériel agricole à des prix subventionnés,
mais ça ne suffit évidemment pas.
N.B. :
Je vous communique, ci-après, mes nouvelles coordonnées
et vous remercie d’en prendre note :
Voici
mes coordonnées actuelles :
P. Armel
DUTEIL
SPEM-Fano - Rue FN 10 x Av Cheikh Anta Diop Km 5
B.P.
5087
12523 Dakar-Fann
Sénégal
E mail:
armelduteil@hotmail.fr
Tel: 00 221 77 680 93 07
site:
http://armel.duteil.free.fr
Pour
tous vos dons nécessitant une attestation en vue de la
déduction d’impôt, merci de libeller et
d’adresser votre chèque, selon les indications
ci-après, en indiquant au Service de la Procure qu’il
s’agit d’un don pour mes activités humanitaires et
de développement. L’attestation vous sera expédiée
directement par la Congrégation, depuis Paris, sans
problème.
- CCP : Congrégation du
Saint Esprit - Paris 611 49 X
- Procure des Missions - 30 rue
Lhomond - 75005 Paris
(préciser: pour le père
Armel Duteil – Sénégal)
Téléphone
de la Congrégation : 01 43 36 17 47
Je vous donnerai
d’autres nouvelles dès que j’en aurai l’occasion.
Mon meilleur souvenir à tous !
Armel,