Armel Duteil

Nouvelles de 2011

  • Samedi 31 Décembre : Nous reprenons tout cela avec les prisonniers hommes.
    1)
    L’évaluation de la fête de Noël : Comment continuer tout au long de l’année.
    2) Nos vœux pour 2012 et que faire pour les réaliser.
    3) Quelles activités organiser et que faire pendant nos rencontres.
    Nous allons continuer notre formation sur les droits des prisonniers et voir comment améliorer la vie à la prison dans tous les domaines. Comme d’habitude, nous nous donnons les nouvelles. C’est important qu’ils soient au courant de ce qui se passe dans le monde. D’ailleurs, grâce aux transistors, ils écoutent les nouvelles. On parle des grâces, mais ils ne savent pas qui sera gracié le 1er janvier. Cela crée un climat de tension et un grand risque d’espoirs déçus. Suite à l’attaque de la mairie du quartier « Sacré-Cœur-Mermoz » tenue par un membre de l’opposition, qui a causé une mort et trois blessés, des gens ont été arrêtés. Il y a beaucoup de rumeurs. Les prisonniers sont très inquiets pour leurs parents.
    Ceux du Nigeria sont aussi très tristes, suite aux attentats le jour de Noël contre les églises. Nous avons lu aujourd’hui l’Evangile du baptême de Jésus. Ensuite, Jésus va au désert, où il est protégé des bêtes sauvages. Les prisonniers disent : « Nous aussi, ici, nous sommes dans un désert. Mais nous croyons que Dieu nous protège aussi des bêtes sauvages et de tous les dangers qui sont dans la prison ».
    Ensuite, nous nous présentons nos vœux dans la tristesse, le sérieux et le réalisme. Nous voyons aussi comment prendre en charge les nouveaux, tout en continuant à se soutenir mutuellement.
    Nous allons rencontrer le responsable des services sociaux de la prison pour essayer de commencer ce que nous pouvons déjà faire.
    De retour à la Communauté, je travaille au Guide de l’Animateur pour les élections. Mais mon ordinateur est vraiment fatigué et il se plante sans arrêt, avant même que j’aie pu sélectionner le travail. Je dois recommencer plusieurs fois le même travail et ça n’avance pas vite !

  • Vendredi 30 Décembre : Prison.
    Je voudrais bien prendre un peu de repos, mais ce n’est pas possible pour le moment. Ce matin, je dois aller à la prison des femmes. Je n’ai pas besoin de me forcer. Elles sont vraiment gentilles et très accueillantes, et c’est une grande joie pour moi de les retrouver chaque vendredi. 
    Aujourd’hui, comme c’est la fin de l’année, nous faisons une évaluation de nos différentes activités. D’abord notre fête de Noël dont je vous ai déjà parlé. (Je rappelle que pour les « Nouvelles », comme pour les autres documents sur mon site, vous avez un moteur de recherche : rechercher sur le site, pour trouver ce qui vous intéresse.)
    Nous voyons surtout comment continuer tout au long de cette année la fête de Noël. Nous étions en paix : comment continuer cette paix dans notre Maison d’Arrêt ? Nous avons fêté ensemble, chrétiennes et musulmanes, dans l’entente : qu’allons-nous faire pour garder cette entente ? Nous étions ensemble, pensionnaires, personnel, familles et étrangers : Comment continuer à être tous ensemble pour faire avancer et rendre meilleure notre maison. Nous avons dit aussi qu’il est important de mettre à profit ce temps d’enfermement qui nous est imposé : 1°) Faire le point sur notre vie, voir ce que nous pouvons changer et préparer notre sortie et notre vie future. 2°) Nous former en profitant des possibilités que nous avons : des formations sur les droits des prisonniers, les droits de l’homme et toutes nos formations du vendredi ; l’alphabétisation ; l’apprentissage de métiers : coiffure, fabrique de jus, culture sur table. 3°) Continuer la prière de Noël. Les femmes catholiques se sont organisées : elles ont choisi deux responsables et deux autres qui savent lire pour diriger la prière chaque jour dans leur chambre et le dimanche toutes ensemble dans la cour, en partageant la Parole de Dieu. Cela bien sûr en coordination avec les musulmanes pour éviter des téléscopages et incompréhensions. Chercher au contraire comment se soutenir, s’encourager et se conseiller mutuellement pour garder le moral, le courage et l’espérance. Aussi, et d’abord, partager entre toutes ce que nous recevons : nourriture, savon, habits, etc… Et chercher à nous comprendre entre sénégalaises et étrangères qui ne parlent pas ouolof. Accepter notre situation d’une façon positive pour nous construire dans la paix et l’entente, en évitant insultes et violences qui ne font que casser les choses et ne sont pas constructives.
    Rencontre avec le Régisseur, directeur de la prison des hommes.
    Nous devons avoir une réunion de notre équipe d’animation des prisons. J’ai déjà rencontré la directrice de la Maison d’arrêt des femmes. Je vais voir le directeur du Camp pénal des hommes pour connaître son point de vue sur les différentes actions que nous voulons mener, pour approfondir notre collaboration et savoir déjà ce qui est possible au point de vue légal et avec les moyens que nous avons concrètement. Pour améliorer les conditions de vie des détenus, pour améliorer la vie commune, pour activer les jugements et les demandes d’appel, pour relancer les ateliers et les formations à la prison , chercher des avocats bénévoles, car les avocats commis d’office ne suivent pas souvent les prisonniers qui leur sont confiés, trouver des visiteurs pour les étrangers, soutenir et aider les cas les plus difficiles, préparer la sortie et la réinsertion et déjà permettre les relations avec la famille et même, si possible, une réconciliation avec leurs victimes. Il ne manque pas de choses à faire.

  • Jeudi 29 Décembre : Je continue mon travail sur Vatican 2. En effet, Philippe et Agnès, des amis de longtemps, sont venus au Sénégal où ils ont longtemps vécu depuis les années 1961. Ils travaillaient à la formation des jeunes et à l’organisation des paysans, par les maisons familiales rurales. Nous nous étions connus lors d’une de ses visites à KINDAMBA au Congo-Brazzaville. Et j’avais fait des études avec Pierre, le frère d’Agnès. Nous sommes donc très heureux de nous retrouver. Nous allons manger ensemble. Nous attendons plus de 2 heures avant d’être servis ! Cela nous donne au moins le temps de parler ! Le matin, j’ai terminé d’enregistrer mes nouvelles et mon travail. Ils vont pouvoir les emmener pour les poster rapidement et sans risques. Et Jocelyne qui saisit déjà toutes ces nouvelles pourra s’atteler à ce travail et vous les faire envoyer par Jean-Jacques et les faire mettre sur mon site par Jean-Michel. Je les remercie à nouveau pour ce gros travail…. Car je ne les laisse pas au chômage ! Philippe et Agnès emportent également les attestations pour déductions fiscales pour tous ceux qui nous ont aidés, tout au long de l’année 2011. Donc, un grand merci à vous tous.

  • Mardi 27 décembre : Comme chaque mardi, se tient une Conférence de réflexion, organisée par la Commission Justice et Paix, pour la préparation de l’élection présidentielle qui vient, et plus largement pour la formation au sujet des questions politiques. Nous avons eu d’abord une réflexion sur le processus électoral au Sénégal et les conditions pour une élection paisible, transparente et crédible ; puis une autre réflexion sur : quelle politique économique et sociale pour des meilleures perspectives de développement au Sénégal. Ces conférences seront suivies de deux autres : quelle vision de la paix, regards musulman et chrétien pour un Sénégal de paix ? Puis : la pacification de l’espace politique : enjeux et perspectives. Aujourd’hui le thème de la rencontre et de la réflexion est : la demande sociale : quelles urgences et quelles réponses ? Nous partons donc des demandes et des besoins actuels de la population du Sénégal. J’en ai déjà parlé longuement dans mon document sur la situation du pays et tout au long de ces « Nouvelles ». Le problème, comme l’indique le titre, c’est non seulement de connaître les besoins, mais de déterminer leurs urgences et de voir surtout quelles réponses leur donner. Pour nous aider à réfléchir, d’abord un Economiste fait l’analyse des différents Plans gouvernementaux pour le développement dans les différents domaines, et l’on s’aperçoit que, en fait, tout le secteur primaire, en particulier le secteur rural, est complètement désorganisé, et même abandonné : c’est un secteur qui regroupe plus de 80 % de tous les producteurs, mais il ne produit que 10 % de la richesse locale. On voit donc combien le pays est déséquilibré, et 52 % de la richesse nationale dépend de l’extérieur. A côté des risques de sécheresse, il faudrait parler de la crise alimentaire avec l’augmentation des produits de première nécessité et de la crise énergétique. Le plus grave, c’est que la plus grande partie des ressources est utilisée pour le secteur tertiaire où les investissements coûtent très cher, pour donner du travail à très peu de personnes. En fait, c’est donc la classe la plus riche, celle du secteur tertiaire, qui profite le plus cde l’argent du pays : 50 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, la moyenne de vie est de 56 ans, il n’y a que 40 % d’alphabétisés, et chez les femmes cette proportion descend à 20 %. 10 % de la population reçoit 44 % de la richesse nationale ; les 90 % autres ne reçoivent donc que pratiquement la moitié des richesses du pays. Les conclusions que nous avons tirées, c’est qu’il y a beaucoup de travail à faire, et déjà le conférencier a présenté un certain nombre d’actions possibles, en particulier augmenter le commerce avec les pays que l’on appelle « les BRICS », c’est-à-dire les pays émergents : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui ont beaucoup de besoins nouveaux puisqu’ils veulent se développer et la possibilité de payer, au lieu de continuer à traiter avec l’Europe qui est en pleine crise financière et qui va donc obligatoirement diminuer ses importations, et donc ses achats au Sénégal, comme aux autres pays développés. L’une des conclusions c’est qu’il est clair, à voir ce qui se passe, suite à onze années de gouvernement libéral, que l’on ne peut absolument pas laisser l’économie fonctionner librement selon les lois libérales, en pensant que l’économie va s’équilibrer d’elle-même. Il faut à tout prix organiser le développement du pays, pour qu’il ne soit pas récupéré par quelques-uns mais profite aux plus pauvres. .
    Environ 800 mille personnes vivant dans cinq régions du pays sont sous la menace d'insécurité alimentaire, a averti jeudi à Dakar, Kazimiro Rudolf-Jocondo, coordonnateur du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires en Afrique de l'Ouest et du Centre (OCHA). (Sources : Agences de presse)
    Le deuxième conférencier était l’un des représentants du mouvement « Y en a marre ». Ce mouvement, qui regroupe de nombreux jeunes, 393 groupes actuellement allant de 25 à 200 personnes dans le pays, surtout des jeunes des banlieues et du secteur rural. Ces jeunes se sont révoltés contre l’orientation actuelle du pays, mais ce qu’il y a de très positif, c’est que, au lieu de crier contre le gouvernement et les dirigeants ou chefs d’entreprises, ils ont dit que la première chose c’est d’abord d’agir par eux-mêmes, en créant des cellules à la base pour travailler et s’organiser. Cela commence par des actions très simples mais qui essayent de conscientiser les gens. Ainsi, après chacun de leur meeting ou de leur rencontre, ils nettoient la place, ils ramassent les plastiques, les papiers et les ordures, en disant « c’est notre pays, c’est à nous de le garder propre ». Ils s’appuient sur ce qu’ils appellent « le NTS », c’est-à-dire : un Nouveau Type de Sénégalais. En disant que « le Sénégal est notre pays » c’est à nous de prendre nos responsabilités, en travaillant à la base ». Ainsi, face au problème du chômage, ils essaient de s’organiser eux-mêmes avec leurs petits moyens, par exemple dans la banlieue de Dakar où souvent les ordures ne sont pas ramassées, ils se sont organisés pour les ramasser avec des charrettes (il y a encore de nombreuses charrettes tirées par des chevaux dans la banlieue, et même dans la ville de Dakar). Ils ramassent donc les ordures avec ces charrettes et les habitants de la banlieue leur payent chacun 100 F CFA par semaine (par famille), soit environ 15 centimes d’euro. Cela ne va jamais les enrichir mais leur donne un peu d’argent pour vivre et leurs quartiers s’aménagent. De même, ils s’organisent par exemple pour créer un atelier de sérigraphie avec quelques jeunes formés n’ayant pas d’emploi ; ils travaillent entre eux, un autre groupe se chargeant de la commercialisation. Ils cherchent aussi à lancer une grande éducation civique, mais toujours à travers des petites choses ; ainsi, lorsqu’un chauffeur de « car rapide » (les moyens de transport de la ville de Dakar ou des autres villes du Sénégal) a commis une infraction, ce qui arrive très souvent, et cherche à s’en sortir en donnant de l’argent au policier, ils s’opposent fermement et à voix haute à cette pratique, en prenant les autres voyageurs à témoin. C’est ainsi qu’ils cherchent à créer une conscience citoyenne et à ne pas laisser les chauffeurs corrompre les policiers De même, ils conseillent ou réprimandent le chauffeur quand il manque de prudence dans sa conduite. Les différentes cellules ont maintenant créé un réseau qui est très important. Ils ont mobilisé les jeunes pour qu’ils aillent s’inscrire sur les listes électorales, car beaucoup de jeunes ne s’étaient pas inscrits et donc n’allaient pas voter. Et l’on a compté ainsi 357 000 nouveaux inscrits dans le pays, grâce à leurs efforts, et aussi bien sûr à d’autres organisations de la société civile qui se sont mobilisées toutes ensemble.
    Ce mouvement étant devenu très important, ils ont participé aux grandes manifestations s’opposant à une 3ème candidature du président WADE, qui a maintenant 86 ans et qui en plus a déjà été élu deux fois de suite, la Constitution ne permettant pas une 3ème réélection. Dans leur action, ils se basent résolument sur les méthodes d’action non violente. Ainsi, lors de leurs manifestations, ils ne jettent jamais de pierres, ils ne restent même pas debout et font asseoir tous les participants pour maintenir le calme et éviter les agressions Les jeunes leur font confiance et les écoutent. Mais ayant participé à des manifestations beaucoup plus larges où il y a eu des jets de pierres, des insultes, des violences verbales et une répression souvent très forte de la part des forces de l’ordre, certaines personnes pensent que c’est un mouvement violent et uniquement contestataire, ce que peut faire croire d’ailleurs leur nom : « Y en a marre ». C’est pour cela qu’il serait vraiment important qu’ils puissent se faire mieux connaître, et surtout faire mieux connaître leur méthode d’action non violente et tout le travail d’éducation citoyenne qu’ils mettent en place. A ce sujet, il y a beaucoup de choses à faire, car ils ont été interviewés par la plupart des grandes radios et télévisions occidentales, mais très peu par les radios, journaux ou télévision sénégalais. On ne parle d’eux que lorsqu’il y a des manifestations, mais on n’explique ni leurs objectifs, ni leurs moyens, ni leur méthode d’action, ce qui est très regrettable.
    Ce qui est aussi regrettable, c’est que peu de personnes ont participé à cette rencontre aujourd’hui, car la salle Daniel Brottier de la Mission catholique où se tenait cette rencontre est juste à côté du Commissariat central de la ville de Dakar, où a été arrêté le maire de l’une des communes de Dakar accusé d’avoir tiré au pistolet, lors d’une attaque de jeunes venus de la banlieue contre sa mairie, et que l’on dit avoir été télécommandés par le parti au pouvoir. Trois de ces jeunes ont été blessés et un est mort. Au moment de notre conférence, de nombreux jeunes s’étaient regroupé autour du commissariat et protestait contre cette arrestation par des chants, des slogans et même des jets de pierres. La police est intervenue avec des canons à eau chaude, il y a eu des coups de feu tirés en l’air en avertissement, les jeunes se sont tous dispersés mais ½ heure après, ils étaient de nouveau regroupés.
    Donc beaucoup de gens ont eu peur de venir à notre conférence à cause de ce qui se passait en ville, car comme je l’ai déjà dit très souvent la situation est très tendue et vraiment dangereuse.
    Sénégal : La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH), Navi Pillay, a exhorté jeudi les autorités sénégalaises à éviter l'usage excessif de la force suite à des troubles à Dakar et dans d'autres villes du pays

  • Mercredi 28 décembre : Aujourd’hui nous célébrons les Saints Innocents. C’est une fête qui m’a toujours beaucoup touché. En effet, comment ne pas penser ce jour-là à tous ces bébés qui sont encore tués actuellement, pas seulement dans les guerres, mais aussi à cause de la maladie, de la misère et du sous-développement ! Comment ne pas partager la souffrance de leurs mères « qui pleurent parce qu’on ne pourra jamais leur rendre leurs enfants », comme le dit l’Evangile.
    Autrefois, certains disaient que les bébés non baptisés n’allaient pas au ciel. Ce qui me touche aussi dans cette fête, c’est qu’on dit que ces enfants qui étaient des bébés qui n ont pas été baptisés et qui n’ont pas connu Jésus-Christ, sont pourtant des Saints et qu’ils vivent pour toujours auprès de Dieu. C’est pour moi le signe que Dieu aime tous les hommes et qu’il veut sauver tout le monde sans rejeter personne. Cela m’appelle donc à être ouvert à tous les hommes, quels que soient leur âge, leur ethnie ou leur religion.
    Plus profondément, dans notre célébration, nous nous sommes laissés toucher par les grandes souffrances et la présence du mal dans le monde d’aujourd’hui. C’est quand même absolument extraordinaire qu’en pleine fête de Noël l’Eglise nous fasse célébrer un assassinat monstrueux et horrible, en nous demandant de le vivre dans l’Espérance. Cela veut quand même bien dire quelque chose pour notre monde d’aujourd’hui.
    Le soir, je suis invité par une communauté de quartier pour que nous réfléchissions ensemble au rôle de la famille et à sa place dans la société sénégalaise d’aujourd’hui. Nous repartons de cet évangile et aussi de ce que Marie et Joseph ont vécu ensemble, tout au long de l’enfance de Jésus. Puis nous étudions ce que Benoît XVI vient d’écrire sur le rôle de la famille, dans son Message pour la Journée Mondiale de la Paix du 1er Janvier 2012, qui s’appelle justement « Eduquer les jeunes à la justice et à la paix ». Je reprends également tout ce que j’ai travaillé sur la famille dans le document l’Eglise dans le monde de ce temps, du Concile Vatican 2, que j’ai mis sur mon site. Enfin, nous travaillons aussi ce que l’on dit sur la famille, et le rôle de chacun dans cette famille, dans l’exhortation suite au 2ème Synode pour l’Afrique : l’engagement de l’Afrique. Cela fait autant de documents à réfléchir, à continuer à travailler et surtout à mettre en pratique.

  • Mercredi 28 Décembre : Le soir, je suis invité dans une communauté de quartier. La rencontre se passe très bien. La plupart sont des jeunes garçons et filles. Comme la réunion se fait en ouolof, les gens participent facilement. Aujourd’hui, nous parlons de la famille. Nous commençons par un partage de la Parole de Dieu, à partir de l’Evangile de Jésus resté au Temple de Jérusalem à 12 ans. Nous insistons sur l’importance de l’entente entre mari et femme, entre parents. Et aussi la difficulté de nous comprendre parfois entre parents et enfants…. comme Marie n’a pas compris son Fils. Nous parlons aussi de la place de la femme dans le mariage. A Jérusalem, c’est Marie qui parle, pas Joseph. Enfin, nous avons parlé de l’éducation de nos enfants pour qu’ils grandissent « dans leur corps, leur esprit et leur cœur, en sagesse et en bonnes actions, devant Dieu et les hommes ».
    Dans un 2ème temps, nous avons parlé de la Lettre de Benoît 16 pour la Journée mondiale de la Paix (le 1er Janvier) : Eduquer les jeunes à la vérité et la liberté, la justice et la paix ». Là encore, nous avons une réflexion très importante où chacun apporte ses idées très concrètes et pratiques. Nous continuerons notre réflexion à partir du document de Vatican 2 sur « l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui ». (Voir dans mon site le compte rendu des formations que j’ai déjà faites en décembre, sur ce document). Puis nous allons aussi travailler l’exhortation « L’engagement de l’Afrique », suite au 2ème Synode pour l’Afrique. Nous avons encore du travail !
    Au cours de cette réunion, après avoir écouté les jeunes, les adultes, hommes et femmes sont intervenus pour apporter les idées. La rencontre s’est terminée par une prière libre où chacun s’est exprimé  dans sa langue.

  • Lundi 26 décembre : Noël à la prison.
    Hier, jour de Noël, nous étions trop pris à la paroisse et dans le quartier, nous avons donc décidé de célébrer Noël le 26, le matin chez les hommes et l’après-midi avec les femmes. Il est clair que, à la prison, les lectures de Noël prennent un nouveau sens très profond. Fêtez Jésus, pauvre, né loin de sa maison, refusé à la maison de passage de Bethléem et qui naît dans une grotte, cela veut dire quelque chose pour des prisonniers. Eux qui sont également loin de leurs familles, dans un grand état de misère et marginalisés. L’un d’entre eux nous a dit pendant la célébration : «Nous sommes comme les bergers de ce temps-là, pauvres, rejetés et méprisés. C’est donc en nous en premier que les anges s’adressent quand ils disent : paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. La prison m’a obligé à réfléchir à ma vie et à me convertir et maintenant je suis devenu moi aussi un homme de bonne volonté, et aujourd’hui cette fête de Noël vient vraiment m’annoncer une bonne nouvelle : pour moi aussi un sauveur est né, le Christ est venu me sauver en prison ». Un deuxième a ajouté : « C’est vrai, cette prison est vraiment un lieu de conversion pour réfléchir et changer notre vie si nous le voulons ».
    Un autre a expliqué : « Dieu a envoyé un ange à Pierre quand il était en prison. Nous croyons que les anges nous protègent encore aujourd’hui, ici, dans ce Camp Pénal, comme ils ont protégé Jésus qui est né dans la brousse ».
    Nous avons pris les textes de la messe de l’aurore du jour de Noël et nous avons partagé chacune des trois lectures, dans nos différentes langues. D’abord Isaïe qui nous dit (62, 11-12) : « Le Salut arrive ; tu as reçu le salaire de tes actes, maintenant tu vas recevoir ta récompense ». Dans ce Camp pénal, nous formons une communauté et une famille, nous aussi nous sommes un peuple saint, le peuple des rachetés. Dieu vient à notre recherche, Il ne nous a pas abandonnés, nous sommes une maison « non délaissée ».
    Et Paul nous a dit, comme à Tite : « Aujourd’hui la bonté du Seigneur pour les hommes est apparue dans cette prison, et son amour. Il ne regarde pas les injustices que nous avons faites, Il nous sauve dans sa bonté par le baptême et l’Esprit Saint.  (d’ailleurs plusieurs des prisonniers suivent la catéchèse et se préparent au baptême). Cet Esprit Saint, Dieu l’a fait descendre en grande abondance sur nous par Jésus-Christ. Le Christ par sa grâce nous rend justes pour que nous vivions à nouveau une vraie vie ».
    Nous voyons ensuite comment mettre en pratique l’Evangile (Luc 2, 15 à 20) : Quand les anges quittent les bergers, ceux-ci se lèvent aussitôt et marchent jusqu’à l’enfant, ils l’adorent et lui apportent leurs cadeaux : des petits moutons, fruits de leur troupeau et de leur travail.
    Il n’est donc pas question pour nous de rester assis à pleurer, à penser à l’extérieur, et à nous décourager. Noël nous appelle à nous mettre debout et à marcher, à avancer dans la vie, à aller ensemble vers Dieu et vers nos frères, puisque Dieu en ce jour se fait homme et partage la vie de tous les hommes. Nos frères, notre prochain, c’est d’abord ceux avec qui nous vivons dans cette prison. Ensuite, les bergers vont annoncer la bonne nouvelle de la naissance d’un Sauveur aux habitants des villages, tout autour : nous nous sommes demandés comment annoncer cet Evangile et apporter la paix et le salut à ceux qui vivent avec nous dans cette prison, pour que, eux aussi, retrouvent sinon la joie au moins l’espérance et le courage, et que eux aussi puissent dire merci à Dieu. La plupart de ceux qui sont avec nous sont musulmans, mais les musulmans eux aussi connaissent Jésus, et le reconnaissent comme un grand Prophète ; le Coran en parle de nombreuses fois, de même que de Marie. Tous, chacun selon sa foi, comme Marie, nous gardons ces paroles et le souvenir de cette fête dans nos cœurs et nous y repensons dans la prière.
    A la fin de la messe, chaque prisonnier est venu prier personnellement en silence devant la crèche. Ce fut un moment très fort de notre célébration. Dieu seul sait ce qu’ils ont pensé et dit dans leur cœur à ce moment-là.
    Chez les femmes.
    L’après-midi, nous nous sommes retrouvés à la Maison d’arrêt des femmes. Nous avons commencé la célébration en retard, car les femmes tenaient à bien se préparer, à bien s’habiller, tresser leurs cheveux et se faire belles pour ce jour de fête. C’était très important. De nombreuses femmes musulmanes sont venues assister à notre prière, de même que leurs responsables avec qui nous collaborons d’une façon très active, comme j’ai eu déjà l’occasion de l’expliquer. Un groupe de prières (Jeunes, Espérance) est venu animer la fête avec leurs chants et leurs instruments de musique et les gens de l’aumônerie de la prison, soutenus par leurs amis et leur communauté, ont apporté de la nourriture et des cadeaux. Les autorités sont venues aussi à notre fête : le maire de la commune, l’inspecteur général des prisons et le responsable des personnels chrétiens des prisons du Sénégal.
    La messe, animée par les délégués du Cardinal (vicaire épiscopal) a été très animée et joyeuse malgré les conditions difficiles dans lesquelles ces femmes vivent. Au moment du « Notre Père » nous nous sommes tous donné la main, en signe d’unité et de communion, mais aussi d’accueil et de soutien mutuel : prêtres, autorités, gens venus de l’extérieur, personnels de la Maison d’arrêt et locataires.
    Après la messe, une des pensionnaires a adressé à tous un mot de remerciements très touchant (pour ces femmes qui sont à la prison, nous ne parlons pas de prisonnières mais de pensionnaires, en signe de respect ; de même que la prison, nous ne l’appelons pas « prison », mais « notre maison », ce qui est d’ailleurs juste puisque c’est une Maison d’arrêt). Voici le début de leur discours : Nous sommes venues avec nos peines, nous sommes restées avec nos souffrances, nous avons laissé derrière nous nos mamans qui sont nos consolatrices, nos maris avec qui nous partageons bonheurs et malheurs, nos enfants qui sont notre amour, nos frères et sœurs, nos ami(e)s. Mais de tout ce que nous venons de citer, rien d’autre ne compte pour nous que la liberté. Cependant, malgré notre souffrance, nous avons trouvé dans cette prison une consolatrice : la directrice de la prison, et des sœurs qui s’occupent de nous et font tout leur possible pour nous aider à porter le poids de cette vie difficile. Etc….
    Après ce discours, les femmes de la prison ont toutes dit un mot de remerciement et offert des cadeaux (une nappe brodée par elles-mêmes et une horloge), à la nouvelle directrice de cette Maison d’arrêt. En effet, depuis quelques mois une nouvelle directrice est arrivée et a su former autour d’elle une véritable équipe avec tout le personnel de la prison qui fait tout pour soutenir et encourager les pensionnaires, et qui se conduit d’une façon très humaine. C’est pourquoi les pensionnaires ont décidé de les remercier et elles se sont cotisées pour leur offrir un cadeau. La directrice de la Maison était très émue, elle a pleuré à chaudes larmes et a mis plusieurs minutes avant de pouvoir parler et remercier. Tout cela s’est terminé par des chants et des danses ; tous ont dansé ensemble, les pensionnaires, le personnel de la Maison d’arrêt et tous les amis venus de l’extérieur vivre cette fête avec eux.
    Ensuite, nous avons mangé tous ensemble, dans la joie, et partagé en particulier de très bons gâteaux offerts par le maire de la commune, qui tient à le faire à chaque fête, de même qu’il offre un mouton à l’occasion de la fête musulmane de la Tabaski. Tout cela montre combien, malgré les souffrances et la tristesse de la prison, les gens se mettent ensemble pour rendre cette vie à la prison plus humaine et faire de ce passage à la Maison d’arrêt un temps de réflexion pour se reprendre en main, afin de pouvoir commencer une vie nouvelle à la sortie. La fête a duré longtemps, jusque dans la nuit, et tous sont repartis très touchés et très émus. Le groupe de prières qui était venu, pour la première fois, animer cette fête a d’ailleurs promis de revenir chaque année avec chants et nourriture ; et également de passer régulièrement rencontrer les pensionnaires tout au long de l’année. Ce fut une vraie Fête de Noël !

  • Samedi 24 décembre : Prison.
    Comme chaque samedi, je retourne à la prison. Dans un premier temps, nous lisons l’Evangile de Noël que nous partageons en petits groupes, dans différentes langues. Dans un deuxième temps nous continuons à réfléchir comment améliorer la vie à la prison, nous reparlons des activités possibles et des possibilités pour les prisonniers d’apprendre un métier auprès des artisans qui sont en prison avec eux, suite à la visite que nous avons faite des ateliers la semaine dernière ; mais bien sûr tout cela suppose que nous puissions trouver un fonds de roulement, du matériel et les outils nécessaires. Je dois dire aux prisonniers que nous n’avons encore rien trouver dans ce sens, malheureusement. Nous abordons aussi les problèmes de santé et j’ai la joie d’apprendre que deux des prisonniers ont été libérés. A partir de là, je rencontre les différents prisonniers qui viennent à nos rencontres pour voir où ils en sont rendus. Pour la plupart, ils ont fait appel, mais ils n’ont pas encore été convoqués et certains attendent donc leur convocation depuis plusieurs mois, et même plusieurs années. Il faut dire que s’ils n’ont pas d’argent pour se payer eux-mêmes un avocat, les avocats commis d’office ne recevant pas beaucoup d’argent ne se consacrent pas à leur défense mais préfèrent travailler pour des gens qui les payent. Et ce n’est pas facile pour nous de trouver des avocats qui peuvent accepter de les défendre gratuitement. Je vois avec les prisonniers étrangers la possibilité de rentrer en contact avec leur ambassade, et de leur trouver des visiteurs pour qu’ils ne soient pas complètement abandonnés. Enfin, nous préparons la fête de Noël pour qu’elle se passe le mieux possible.
    Messe de Minuit. Le soir, je suis à la paroisse avec tous les prêtres (nous célébrons ensemble) et une très grande foule. Il n’y a plus de place, les gens sont venus à l’avance car on passait un film, avant la messe, sur la naissance du Christ. Comme chaque année, grâce à l’aide d’un technicien, on a installé des grands écrans dans la rue car la plupart des gens n’ont pas trouvé de place à l’église et ils peuvent suivre la célébration retransmise sur ces écrans. Il a fallu aussi installer une sonorisation. Cette fête a demandé beaucoup de travail, aussi à la fin de la messe le curé ne manque pas de remercier les très nombreuses personnes qui se sont données à ces tâches.
    La foule est très attentive et même très sérieuse. Je trouve en effet nos célébrations très bien suivies, mais finalement assez « froides », il n’y a pas eu de danses, même pas de battements de mains, pas de procession comme j’y étais habitué au Congo et également en Guinée que ce soit dans les camps de réfugiés ou dans les villages. De son côté, la chorale a fait de nombreuses répétitions ce qui n’est pas sans me poser problème, car la plupart des membres sont des jeunes et ils donnent beaucoup de temps pour chanter, mais ils ont bien de la peine à s’engager, que ce soit dans les Mouvements d’Eglise ou dans les Mouvements sociaux dans leurs quartiers ou leurs lieux de travail. Même le mois dernier lorsque je faisais les formations sur le Concile Vatican 2, il y avait très peu de jeunes et pendant ce temps-là trois chorales de la même paroisse faisaient de longues répétitions pour préparer Noël. De plus ces chorales chantent très bien, mais la foule ne chante absolument plus, les messes deviennent des concerts et cela est très regrettable. Le Concile Vatican 2, il y a 50 ans, a pourtant demandé une participation pleine et active de l’assemblée, mais cela est tué par les chorales.
    Noël c’est la fête de la Paix, mais nous vivons une situation très tendue puisqu’il y a eu des attaques contre des gens de l’opposition, avec un mort et des blessés. Cela nous inquiète énormément. Le Curé insiste pour qu’à l’occasion de cette fête de Noël chacun construise la Paix là où il vit et cherche l’entente et la réconciliation, mais aussi pour que chacun se prépare le plus sérieusement possible aux élections qui vont venir, et que chacun se forme pour sensibiliser et conscientiser les autres dans ce sens, comme je l’ai déjà expliqué.

  • Vendredi 23 décembre : Prison des femmes.
    Aujourd’hui, comme chaque vendredi, je vais à la Maison d’arrêt des femmes et bien sûr nous nous préparons à la fête de Noël. Nous relisons simplement ensemble le texte de l’Evangile sur la naissance de Jésus et nous partageons nos idées. Mais cette fois-ci les personnes ont beaucoup de peine à parler car elles ont la gorge serrée. En effet, la plupart de ces femmes sont des mères de famille et spécialement en ce temps de Noël elles sont très tristes en pensant aux leurs, aux fêtes passées et à ces fêtes de cette année qu’elles ne pourront pas vivre ensemble. Nous essayons malgré tout de nous redonner un peu de courage et d’espérance, même si ce n’est pas facile, par ce texte –et nous comprenons bien sûr ce passage d’Evangile à partir de notre situation actuelle- Jésus est né pauvre, déplacé et loin de sa maison, comme elles qui sont dans une situation de misère et de manque de liberté, et cependant Jésus leur apporte la paix à elles, comme à tous les gens qui en ont besoin, ainsi que les anges l’annonçaient « à tous les hommes –et femmes- de bonne volonté ».
    Je prends un peu plus de temps que d’habitude pour parler personnellement avec les différentes femmes que je peux rencontrer, j’ai pris mes dispositions pour cela, et aussi avec le personnel pénitentiaire. C’est important pour nous d’avoir de bons contacts avec eux et je dois reconnaître que les relations sont très faciles, mêmes amicales, et qu’ils essayent vraiment de comprendre et de soutenir ces femmes de la prison, dans la situation qui est la leur. Avant de partir, j’achète du sirop fabriqué à partir de plantes du pays (le bissap) à la prison, à la fois pour procurer un peu d’argent à ces prisonnières et aussi pour avoir quelque chose à offrir aux nombreuses personnes qui vont certainement venir me visiter à l’occasion de cette fête de Noël.
    Le soir, j’assure la messe, la permanence et les confessions à la paroisse, pendant que les 5 autres prêtres sont partis dans une autre paroisse pour les confessions communautaires. En même temps, nous nous retrouvons avec l’équipe locale de Justice et Paix. Nous voulions lancer notre action contre la hausse illégale et anormale des loyers, car dans notre banlieue il y a un gros problème de logements. Mais finalement, nous décidons de nous intégrer tout de suite dans l’action de préparation des élections dont je vous ai parlé, et nous faisons donc une première information sur cette question ; nous prévoyons pour le 1er Janvier, Journée mondiale de la Paix, une journée générale pour expliquer notre programme à toute la paroisse pour qu’ils aillent ensuite mener leurs actions de formation et de réflexion dans les différents quartiers. Nous voyons également comment aider les personnes nécessiteuses et isolées à vivre cette fête de Noël le mieux possible, et, enfin nous nous cotisons pour offrir un cadeau à notre secrétaire qui va se marier samedi ; nous serons bien sûr autour d’elle.

  • Jeudi 22 décembre : Ce matin je pars à la poste chercher un petit colis, envoyé par une nièce, contenant des bas de contention que je dois porter, suite à mes problèmes de varices et de circulation sanguine. Je pensais que ce colis était perdu car il a mis près de 3 mois à me parvenir depuis la France. En plus, je dois le chercher un peu partout car il ne se trouve pas à notre poste habituelle, mais dans une autre poste pour les colis postaux. Chaque fois qu’il y a un pli un peu plus important qu’une simple lettre, ou un petit colis, on demande 1.000 F CFA pour le retirer, alors même que, bien sûr, les frais postaux ont été payés par l’expéditeur, mais cette fois on me demande en plus 5.000 F CFA (environ 8 €, ce qui est beaucoup pour le Sénégal, étant donné le faible niveau de vie et les faibles salaires du pays), ceci pour la douane, alors qu’il s’agit d’un colis personnel, de matériel de santé, et non pas de choses à revendre dans le commerce. Mais une grosse partie des ressources du pays vient de la douane et donc tout ce qui entre est taxé, ce qui n’est pas sans causer des problèmes, et je reconnais que moi-même je ne suis pas très content de me faire taxer de cette manière, mais de toutes façons il n’y a rien à dire, ni rien à faire.
    De retour à la maison, je rencontre Philippe et Agnès venus avec leur fille re-visiter le Sénégal, pays dans lequel ils ont travaillé depuis 1961, dans le secteur rural : formation des paysans et mise en place de Maisons familiales rurales. Nous nous sommes connus dans les années 70 au Congo et depuis nous nous revoyons régulièrement. C’est une très grande joie pour moi de les recevoir et, en plus, ils m’amènent des livres et des cassettes qui vont bien me servir et que je me suis fait envoyer chez eux, profitant de l’occasion de leur venue, pour plus de sécurité au niveau de l’expédition et du transport !
    Nous avons des confessions pendant toute la journée à la paroisse, aidés par les prêtres des huit autres paroisses qui viennent chez nous aujourd’hui ; nous ne terminons qu’à 22 heures mais nous prenons le temps de manger tous ensemble pour vivre un temps d’amitié et de partage, ce qui est très agréable.

  • Mercredi 21 décembre : Aujourd’hui je reste à la maison pour mettre à jour les différents comptes-rendus, préparer les activités de la semaine qui vient et continuer à travailler et à corriger les différents documents dont nous avons besoin pour cela.

  • Mardi 20 décembre: Rencontre sur Vatican 2, « 50 ans après ».
    Aujourd’hui, c’est la 4ème rencontre sur le document « l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui ». Nous abordons les problèmes politiques. Nous commençons par voir l’évolution dans le monde depuis 50 ans pour cette question de la politique. Puis nous abordons plus précisément les changements qui se sont opérés dans ce domaine depuis 50 ans et donc l’Indépendance au Sénégal, avant de voir ce que doit être une vraie démocratie africaine, c’est-à-dire moderne, efficace, mais tenant compte de la culture et des valeurs traditionnelles, et comment assurer des élections « claires et transparentes », comme on le dit ici. Les questions sont nombreuses, la participation très bonne et même tout le monde n’a pas le temps de s’exprimer car nous nous limitons à 1 heure de réflexion, mais nous avons quand même réussi à tracer les lignes essentielles ; chacun continuera à réfléchir personnellement et surtout cette question sera abordée à nouveau dans les différents groupes, mouvements et communautés de base. Nous n’avons pas le temps de travailler en détail les textes mêmes du document, mais il a été distribué une semaine à l’avance, les gens en ont donc pris connaissance (au moins des extraits, avec les mots importants soulignés) et ils avaient ainsi de la matière avant la rencontre. Je profite de l’occasion pour présenter tout le plan d’action que nous avons préparé samedi dernier pour cette éducation citoyenne et la préparation aux élections. Maintenant, à chacun de se mettre au travail.
    Je ferai mettre sur mon site et je ferai envoyer par Internet le compte-rendu de cette rencontre.
    Cette fois-ci, je retrouve un certain nombre d’anciens avec qui j’ai travaillé autrefois, en particulier à St LOUIS avant mon départ en Guinée. C’est toujours une joie de nous retrouver et surtout de voir ce qu’ils sont devenus, les engagements qu’ils ont pris à la suite des différentes formations que nous avions mises en place.

  • Lundi 19 décembre: Confessions.
    Aujourd’hui, je devais avoir une rencontre de formation et de réflexion avec nos étudiants sur les Communautés de quartier, mais comme c’est la fin du trimestre ils ont eu des examens et maintenant ils sont en session. Notre rencontre est reportée en janvier. Je vais donc à la paroisse où il y a déjà de très nombreuses confessions préparatoires à Noël. Pendant toute cette semaine, nous faisons le tour des paroisses du doyenné où nous nous retrouvons tous ensemble pour ce Sacrement pendant plusieurs heures. Les gens continuent beaucoup à se confesser personnellement, jusqu’à maintenant. C’est l’occasion pour eux de faire le point de leur vie et de prendre un nouveau départ, pas seulement de confesser leurs péchés. Cela demande beaucoup de temps et d’efforts mais nous pensons que c’est important et même essentiel.

  • Dimanche 18 décembre: Récollection pour la pastorale des malades.
    Journée de réflexion avec les différentes personnes qui interviennent auprès des malades dans les hôpitaux, les dispensaires, les familles et aussi pour la distribution de la Communion dans les quartiers. Nous travaillons cette question : Comment mieux assurer cette responsabilité, davantage soutenir les malades et leurs familles.
    Nous commençons après un temps de prière, de chant et de danse (prière de louange) ; nous prenons plus d’une heure pour partager sur « la guérison du paralysé, par Jésus » et voir comment le Christ et les différents acteurs se sont comportés : le malade, ceux qui l’ont apporté  à Jésus, les pharisiens, la foule, etc.., en nous demandant à quoi cela nous appelle et comment nous comporter aujourd’hui. A partir de là, nous menons tout une réflexion sur le travail auprès des malades mais aussi auprès de leurs parents, et auprès des différentes organisations du pays, y compris les pouvoirs publics. Cela nous amène à aborder un certain nombre de problèmes et à mettre en commun nos idées, nos solutions et nos façons de faire, pour le soutien des malades au niveau matériel mais aussi moral, psychologique, affectif et spirituel, et pour l’accompagnement de leurs familles. Tout cela nous amène à une réflexion sur la médecine traditionnelle, les médicaments utilisés dans les villages mais aussi dans les quartiers en ville, car souvent les gens sont trop pauvres pour acheter en pharmacie ; mais également sur tous les problèmes de sorcelleries, d’accusations mutuelles, de « maraboutage », malédiction , etc… et surtout comment garder dans les soins et la façon de vivre actuelle les qualités et les valeurs de la médecine traditionnelle et de la réconciliation de la famille au moment de la maladie. En effet, dans l’Afrique traditionnelle, le guérisseur ne soignait pas seulement le corps, il commençait par soigner le cœur et l’esprit du malade. Il réunissait toute la famille et commençait par demander une réconciliation, pensant que la maladie peut avoir non seulement des causes matérielles (des microbes) mais aussi des causes spirituelles, et en particulier le manque de paix et d’entente dans la famille. En plus, c’est cette réconciliation qui permettait au malade de porter sa maladie et ses souffrances dans la confiance et l’espérance, d’avoir la paix et donc d’être mieux soigné et de guérir plus rapidement. Nous prenons un temps assez long pour réfléchir à toute la façon traditionnelle africaine de soigner et de guérir les malades. Puis nous abordons tous les problèmes de la prévention, de l’éducation à la santé et nous voyons comment intervenir aussi bien auprès des pouvoirs publics que des dispensaires et des hôpitaux pour améliorer le fonctionnement et l’organisation afin que les malades soient mieux soignés, mieux accueillis et mieux soutenus. Nous regardons ce que le Coran dit sur la maladie et les façons dont les musulmans la vivent et soutiennent les malades. Cela est important car nous cherchons à aider tous les malades quelle que soit leur religion. Enfin, nous voyons comment prier avec les malades et les aider à vivre leur maladie dans la foi et la confiance, mais aussi d’une façon positive pendant la maladie elle-même et pour la suite de leur vie. Pour tout cela, j’utilise un livre que j’avais composé il y a plus de 30 années, mais qui reste valable : « Santé et bonheur pour tous. Médecine traditionnelle et médecine moderne ; nouvelles expériences pour un vrai développement ».
    Nous célébrons ensuite l’Eucharistie tous ensemble, nous partageons ce que nous avons amené pour le repas, et nous tirons les conclusions de la journée en traçant quelques pistes d’actions pour l’avenir. Après cela, nous prenons un temps de prière silencieuse (adoration) et le chapelet que l’on aime beaucoup réciter au Sénégal, et qui est un moyen simple de prière quand on est malade, avec des passages d’Evangile, des commentaires et des intentions de prières. Tout cela nous fait une longue mais belle journée. Nous nous retrouverons dans trois mois, dans un autre quartier de la banlieue, à nouveau tous ensemble.

  • Samedi 17 décembre: Préparation des élections.
    Nous nous retrouvons avec les responsables Justice et Paix des différents diocèses et les responsables nationaux des organisations et mouvements d’action catholique de tout le pays pour préparer les élections. En effet, comme je vous l’ai déjà dit, nous sommes en pleine préparation des élections présidentielles et nous sommes assez inquiets pour l’avenir, car il y a déjà beaucoup de violences, non seulement verbales mais même d’agressions. Le Maire de l’une des communes de la ville de Dakar a même été attaqué, on lui a tiré dessus, il a répondu, il y a eu un mort et trois blessés. Il est donc important que l’on réagisse et que l’on puisse faire quelque chose pour l’avenir du pays et d’abord pour que ces élections se passent dans la paix et dans l’acceptation mutuelle. Mais pour cela, il ne suffit pas de faire des grandes déclarations à la radio ou à la télévision, il s’agit de mener tout un travail de sensibilisation et de réflexion à la base, avec la population. Déjà, depuis un mois, nous avons organisé des conférences publiques de formation à la citoyenneté et de réflexion sur la politique en général et les élections en particulier. Je vous mettrai sans doute tout cela sur mon site et je vous en enverrai quelques comptes rendus par la suite. C’est notre premier travail et nous voyons comment refaire ce même travail de réflexion dans chacune des régions du pays et même les différentes villes pour que les candidats puissent présenter leurs programmes, mais surtout que l’on puisse mener une réflexion sur ces différents programmes, sur le bon déroulement des élections, et donner des critères précis et concrets aux électeurs pour le choix de leur candidat lors du vote.
    La 2ème action que nous envisageons, c’est tout un travail d’éducation à la vie civique. Pour cela, nous avons composé un certain nombre d’affiches et de tracts, de dépliants et d’autocollants qui portent sur le droit de vote, sur l’importance de ne pas se laisser acheter, sur le respect de la Constitution et des Institutions du Sénégal, et sur le refus de toute forme de violence. Et par ailleurs, nous avons rédigé ce que nous appelons « les Dix Commandements de l’électeur » pour permettre aux gens de choisir le candidat pour lequel ils vont voter d’une façon plus réfléchie et plus responsable. La composition de ces affiches et de ces dépliants nous a demandé un très gros travail ; nous les avons testés auprès d’un certain nombre de personnes, y compris dans les prisons comme je vous l’ai déjà dit. Maintenant, il s’agit de voir comment les utiliser au mieux. Nous allons donc avoir une formation dans chacun des diocèses. Les responsables Justice et paix de ces diocèses assureront ensuite une formation dans chacune des paroisses, chaque paroisse formera les membres de la commission justice et paix, les responsables de communautés et les responsables de mouvements pour l’utilisation de ces différents matériels d’éducation, et ensuite on demandera à chacun de descendre et d’intervenir dans son quartier, dans son lieu de travail, dans la cour où il habite et partout où il va. Les tracts sont disponibles, faciles à transporter et à montrer aux autres. Ce que nous voulons donc, c’est sortir de l’église et nous adresser à tous car ces élections concernent tout le monde. Nous voyons comment organiser des rencontres à la base, des discussions informelles, des petits groupes et participer aux activités des centres culturels, des groupements sportifs, des groupements de femmes et des différentes autres organisations des quartiers et des villages. Nous utiliserons, par exemple, ce que l’on appelle des « thés-débats » où des jeunes ont l’habitude de se retrouver pour prendre du thé à la manière sénégalaise (il y a trois tournées, et cela dure plus d’une heure, on discute ensemble autour du thé sur des problèmes divers. Cette fois-là, ça sera au sujet des élections).
    La 3ème action que nous envisageons, ce sera de former des observateurs indépendants pour nos élections. Nous attendons l’autorisation du Ministère de l’Intérieur pour commencer la formation de 7 personnes, car il est essentiel qu’ils aient une bonne formation, profonde et sérieuse. Ces observateurs ne se contenteront pas d’assister aux élections dans un certain nombre de centres de votes, de préférence les plus importants et les plus sensibles, mais ils suivront tout le processus électoral à partir de maintenant puisque la loi électorale a été proclamée et que les électeurs ont été déjà convoqués. Il s’agira de contrôler le retrait des cartes d’électeurs pour éviter la distribution de fausses cartes, de voir l’installation des différents centres de vote, de veiller à la régularité des élections le jouir même, mais aussi à ce que les urnes nef soient pas ouvertes, donc veiller à leur sécurité, à leur transport et ensuite au dépouillement des votes jusqu’à la proclamation des résultats. En effet, ces observateurs, grâce aux téléphones portables, pourront nous communiquer les résultats de leurs centres, pour éviter que les résultats officiels ne soient truqués ou faussés. Nous aurons là un moyen de contrôle important.
    Ensuite, au cours de notre rencontre nous cherchons un certain nombre d’idées à proposer aux Evêques qui vont adresser un Message à toute la Nation pour ces élections, en particulier pour appeler au dialogue, à la paix, à l’acceptation mutuelle et à l’honnêteté. Tout cela nous occupe bien sûr toute la journée, et nous rentrons à la maison, tard, fatigués, mais satisfaits de notre travail.

  • Lundi 12 décembre: Je prépare mon intervention de demain sur le document de Vatican 2 : L’Eglise dans le monde de ce temps, 3ème chapitre sur les problèmes économiques. Il y a beaucoup à dire, mais il me faut trouver la bonne façon de le dire. Surtout en ce moment de tensions dues aux élection s présidentielles prévues pour février 2012, mais aussi à cause des graves problèmes économiques du pays : pauvreté, chômage, mauvaises récoltes, avancée du désert, inégalités sociales qui augmentent suite aux orientations du libéralisme au pouvoir depuis 2000. D’ailleurs, vu l’importance de ce thème et l’intérêt porté par les gens, à partir de ces rencontres je pense approfondir la question et en sortir un document, au moins sur Internet et à mettre sur mon site. Comme je l’ai fait pour la Doctrine sociale de l’Eglise et les Droits Humains. D’ailleurs, ce sont des choses qui vont ensemble. A ce sujet, je reçois une bonne nouvelle pour le manuel sur la Réconciliation que nous préparons depuis 3 ans et pour lequel notre équipe s’était réunie deux années de suite à ABIDJAN, (Voir les « Nouvelles » de Juillet 2009 et 2010) sous la direction de Maria, responsable de M.I.R. France (Mouvement International pour la Réconciliation). Nous n’avons pas d’argent pour faire imprimer ce livre : nous allons donc le mettre sur Internet.

  • Mardi 13 décembre: La rencontre se passe très bien est très animée. Les gens sont venus nombreux et participent activement, car ils sont intéressés, et c’est un problème important. J’ai même de la peine à canaliser les interventions.

  • Mercredi 14 décembre: Je remets au clair mes notes à partir des interventions et propositions d’hier. Je commence à chercher d’autres informations sur Internet…. (quand il y a du courant et de la connexion !). Les exploiter va m’occuper dans les semaines qui viennent.
    Nous recevons les thèses que nos étudiants en théologie doivent préparer pour leur examen de fin d’études. Nous y réfléchissons entre formateurs, car il est important de réfléchir à la formation donnée à nos futurs religieux missionnaires spiritains. Nous voulons qu’ils soient vraiment engagés dans la société et proches des plus petits, nécessiteux et exploités. Qu’ils sachent voir les problèmes concrets, les analyser, en découvrir les causes, et s’engager avec tous. Or nous trouvons la formation donnée trop théorique, et trop occidentale, ne tenant pas assez compte des problèmes africains et aussi des théologiens africains, des recherches et actions menées en Afrique. Et que ces thèses soient plus un contrôle et une restitution des connaissances, qu’une occasion de réflexion et de recherches dynamiques et créatives.

  • Jeudi 15 décembre: Je prépare un compte rendu à envoyer par mail à partir du rapport du secrétaire de séance. Je demanderai à Jean-Michel de le mettre sur mon site, en attendant que j’aie terminé mon travail de recherche.
    Tout cela ne m’empêche pas de donner un coup de main à la paroisse de notre quartier. Les prêtres de la paroisse sont partis à une rencontre du clergé diocésain. Je vais donc dire la messe. Les fêtes de Noël approchent : beaucoup de gens viennent se confesser après la messe, jusque tard la nuit.

  • Vendredi 16 décembre: Prison.
    Ce matin, rencontre hebdomadaire à la Maison d’arrêt des femmes. Entre autres choses, nous parlons de la situation du pays et des élections qui arrivent, même si, dans leur situation actuelle, elles ne peuvent pas voter. Ce que déjà nous ne trouvons pas normal.
    Après cela, nous visitons les ateliers qui sont dans cette prison, pour voir où elles en sont. Pour le moment, deux activités marchent bien : un atelier de coiffure et un autre de fabrication de jus de fruits à partir de plantes et fruits locaux (oranges, pamplemousses, mangues, fruits du baobab, bissap, etc…). Nous voyons avec la directrice de la prison pour les autres projets qu’il serait possible de lancer. En particulier de la culture sur tables (légumes, condiments…). Nous profitons de cette rencontre pour aborder d’autres questions : une animation culturelle dans la prison. Pour cela, nous allons chercher des moyens d’animation, en particulier des DVD ou cassettes vidéo, en ouolof, car beaucoup de gens ne comprennent pas le français.
    Nous voyons aussi comment trouver des personnes volontaires pour rencontrer les prisonnier(e)s au parloir et leur obtenir les autorisations nécessaires pour cela, spécialement pour les prisonniers et prisonnières étrangers. Par ailleurs, nous chercherons de notre côté des volontaires pour parrainer les prisonniers et les soutenir, en particulier au point de vue de la nourriture qui est nettement insuffisante à la prison, surtout pour ceux et celles qui n’ont pas de famille sur place pour les soutenir. Mais également pour des habits, du savon, la prise en charge des ordonnances pour les médicaments, etc… La semaine dernière, l’Ordre de Malte a apporté des médicaments à l’infirmerie.
    Après cela, nous allons visiter les ateliers de la prison des hommes (Camp Pénal). Il y a eu beaucoup d’ateliers mis en place : menuiserie, menuiserie métallique, forge, couture, mécanique, sculpture, reliure, sérigraphie, tissage, peinture, etc… Beaucoup de ces ateliers ne fonctionnent plus. D’abord, parce que le matériel est ancien, souvent tombé en panne ou usé, et il n’y a pas d’argent pour acheter des pièces de rechange ou réparer les machines. C’est un problème fréquent : des associations ou ONG donnent du matériel, mais il n’y a pas de fonds de roulement. Pourtant ces ateliers nous semblent importants. D’abord pour offrir des occupations intéressantes aux prisonniers, mais aussi permettre à ceux d’entre eux qui le veulent de recevoir une formation professionnelle pendant leur séjour à la prison (il y a suffisamment de prisonniers capables de former les autres), et ainsi de se faire un pécule qu’ils recevront à leur sortie de prison. Les bénéfices de la vente de la production des ateliers sont divisés en 3 : 1/3 pour la prison, 1/3 pour l’achat de matériel et 1/3 pour les prisonniers eux-mêmes qui ont travaillé.
    Les besoins sont donc multiples : des financements pour réparer les machines, acheter des outils et du petit matériel pour remplacer ce qui est usé ou cassé, etc… ; trouver aussi des gens ou associations qui pourraient nous fournir ce petit matériel pour les différents ateliers et les moyens de transport jusque chez nous. En effet, jusqu’à maintenant, par manque de moyens, les clients achètent eux-mêmes le matériel qu’ils amènent aux ateliers de la prison. Et ils payent simplement la main d’œuvre. Si nous avions du matériel, les prisonniers pourraient fabriquer divers objets à l’avance. Et il ne nous resterait plus qu’à assurer la vente, en trouvant des clients.
    Chez les hommes, comme chez les femmes, nous sommes bien accueillis par l’Administration pénitentiaire. Maintenant, la balle est dans notre camp, car il est sûr que l’Etat sénégalais ne prendra pas tout cela en charge : il n’arrive même pas à nourrir et soigner les prisonniers ! Il s’agit du mieux être et de l’avenir de ces hommes et femmes actuellement en prison.
    Il restera encore beaucoup d’autres choses à faire. Nous pensons en particulier à faire raccourcir la durée d’attente entre l’arrestation et le jugement. Car certains font plusieurs années en prison avant d’être jugés. Et chercher des avocats volontaires pour soutenir les prisonniers lors de leurs jugements et en appel, parce que beaucoup d’avocats commis d’office ne suivent pas les dossiers.
    Il y a aussi toute la question de la réparation et du pardon. Il nous semble très important de donner aux prisonniers la possibilité de réparer le mal qu’ils ont fait. Et aussi de rencontrer leurs victimes pour leur demander pardon et se réconcilier. C’est un travail délicat, difficile et de longue haleine, mais il est absolument nécessaire et nous y tenons.

  • Vendredi 16, soir : Nous nous retrouvons à la paroisse pour la messe du 30ème jour du décès de Francis MSOKA, le père de l’un de nos étudiants, Adolph. Beaucoup de chrétiens sont venus nous entourer de leur amitié et de leur prière, et cela nous encourage beaucoup. Nos étudiants ont très bien préparé la cérémonie et l’ont animée avec des beaux chants, chants appréciés de trous.

  • Samedi 17 décembre: Les élections présidentielles se préparent au Sénégal, après beaucoup de tensions et de violences. Nous nous sentons fortement interpelés pour que les choses puissent mieux se passer. Et que nous puissions y prendre notre part.

  • Dimanche 11 décembre: Je dis la messe dans un quartier. Les participants sont très nombreux et se casent comme ils peuvent dans les différentes classes de l’école maternelle où nous célébrons l’Eucharistie. Certains sont même dans la rue. Heureusement qu’il y a une petite sonorisation. J’aime beaucoup ces situations simples et même précaires, où je me sens à l’aise et où les gens sont plus décontractés et participent davantage. En plus, cela me fait revivre ce que j’ai connu dans les camps de réfugiés ou les villages. L’amicale des jeunes du quartier anime la messe, les enfants jouent leur rôle, de même que les adultes. A la sortie, je rencontre des Guinéens et des Congolais. Je suis heureux de leur parler dans leur langue. A Dakar, les étrangers sont nombreux et nous faisons le maximum pour les accueillir et les intégrer, tout en respectant leur originalité et en cherchant à recevoir leurs richesses. Après la messe, des gens viennent me voir. D’abord un infirmier, venu en formation à Dakar, qui voudrait rencontrer d’autres personnes engagées auprès des malades : je l’invite à la récollection de dimanche prochain. Puis une religieuse qui se forme pour devenir assistante sociale. Elle a pris contact avec un groupe de femmes venues des villages pour gagner un peu d’argent pour faire vivre leurs familles. Elles se retrouvent chaque jour sur une grande place de la banlieue et les personnes qui cherchent une employée de maison viennent les trouver. La Sœur voudrait les accompagner, et aussi intervenir à la prison. Nous allons nous retrouver pour préciser tout cela.
    Nos étudiants pendant ce temps sont en journée de prière (récollection), comme chaque mois. De mon côté, je pars à la rencontre des responsables du CAEDHU (Centre africain d’éducation aux droits humains). Nous faisons le point des activités passées et préparons les actions de l’année.
    Nous rencontrons les mêmes problèmes que la plupart des associations : le manque de moyens, mais surtout le manque d’engagement de certains, les problèmes de gestion et de clarté dans l’utilisation de l’argent, la participation des jeunes et la relève, le renouvellement du Bureau, le manque de communication et de partage. Nous sommes aussi déçus et bloqués par le comportement de certaines Organisations internationales, grandes ONG et autres bailleurs de fonds. Il va falloir reprendre les formations et descendre sur le terrain pour des actions précises. Et augmenter le soutien mutuel, l’entente entre nous et la motivation pour travailler bénévolement, vu notre manque de moyens. Dans un deuxième temps, nous préparons une nouvelle assemblée générale pour relancer les activités. C’est toujours compliqué. On termine assez tard ; malgré tout comme je suis dans un autre quartier, éloigné, j’en profite pour rentrer par étapes, en passant saluer un certain nombre de personnes que je n’ai pas vues depuis quelque temps. Le centre des handicapés, notre 2ème Maison de formation (1er cycle de philosophie), les Soeurs missionnaires du St Esprit (spiritaines) qui travaillent à la formation des femmes et jeunes filles, la paroisse de OUAKAM, et notre Maison principale pour rencontrer notre responsable qui revient de Mauritanie.

  • Samedi 10 décembre: Anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Hommes. C’est important pour nous. Nous le fêtons également au Camp Pénal, prison des hommes. (Voir le site : « Actions humanitaires »).

  • Vendredi 9 décembre: Matin, à la prison des femmes, comme chaque vendredi. Le soir, troisième réunion de notre Communauté de Quartier. Après le partage de la Parole de Dieu, nous mettons en place un Bureau (provisoire, jusqu’à la fin de l’année). Nous expliquons le rôle de chacun, et traçons des premières pistes d’action. Nous préparons aussi les rencontres suivantes et la fête de Noël (voir le compte-rendu sur mon site : http/:armel.duteil.free.fr).

  • Jeudi 8 décembre : Fête de l’Immaculée Conception. Nous avons une très belle messe tôt le matin, avant que les étudiants partent en cours.

  • Mercredi 7 décembre: Comme chaque jour, je continue mes cours de français et exercices de lecture pour nos confrères et étudiants anglophones.
    Je reçois aussi régulièrement chacun de nos étudiants, et des étudiants d’autres congrégations religieuses, pour faire le point de leur vie (direction spirituelle) et de leurs engagements.

  • Mardi 6 décembre: Deuxième rencontre sur le document « L’Eglise dans le monde de ce temps » du Concile Vatican 2. Aujourd’hui, j’aborde la question de la culture, du mariage et de la famille. Ce sont des sujets un peu délicats. On a fait appel à moi, car suite à plus de 50 ans de présence en Afrique Noire, spécialement en secteur rural, j’ai une certaine connaissance des langues, des coutumes et des traditions africaines. Nous cherchons ensemble comment garder les valeurs traditionnelles dans le monde moderne actuel, avec toute son évolution, mais aussi comment accueillir et vivre les valeurs modernes positives en Africains, sans perdre les qualités des cultures sénégalaises. Il n’y a rien d’évident, il faut chercher et créer, sans avoir de modèle tout fait. C’est une recherche passionnante. Je vous ferai envoyer le compte-rendu de cette rencontre par mail, et la ferai mettre sur mon site dès que possible.

  • Lundi 5 décembre: Je reste travailler un certain nombre de documents à la maison, car j’ai pris du retard. Toute la nuit, les musulmans fêtent le début de l’année musulmane (Achura appelée ici Tam Xarit). C’est un jour férié au Sénégal. Des amis nous offrent un bon plat de couscous de mil, le plat traditionnel pour ce jour de fête.

  • Dimanche 4 décembre: Aujourd’hui, je dis la messe pour les enfants. Cela me plait beaucoup. L’église est pleine et même elle déborde avec les parents qui sont dehors. Grâce aux micros, nous pourrons faire participer tout le monde, et les enfants font des interventions très spontanées, parfois surprenantes et très intéressantes, que ce soit pour expliquer la Parole de Dieu ou pour les prières. Sans oublier les chants et les danses.
    A midi, je vais manger chez un ami que j’ai connu comme élève à St LOUIS, en 1980. Nous avions bien travaillé dans les lycées de la ville. Il s’est marié et a maintenant 3 grands enfants. Après ses études d’agronome, il s’est spécialisé en France, aux Etats-Unis et au Canada. Il dirige maintenant une Fondation qui travaille avec les paysans, spécialement dans le nord du Sénégal. Je suis très heureux de le revoir et de parler longuement avec lui. Cela me permet de préciser mes connaissances sur le monde rural. Nous parlons de ses divers engagements dans la société et dans l’Eglise. Il est membre du Conseil économique du diocèse.
    Je rentre à la Communauté à 17 heures, pour accueillir Jean, un ancien responsable d’un mouvement des élèves et étudiants (la JEC) à St LOUIS. Il est accompagné d’amis sénégalais et ivoiriens. Bien sûr, nous nous rappelons les bons souvenirs, mais nous parlons surtout des prochaines élections, car Jean est engagé dans un parti politique et, à ce sujet, il me dit apprécier les rencontres sur le Concile Vatican 2 que j’anime le mardi soir. Jean nous a apporté des jus de fruits ; nos étudiants –et moi-même- allons apprécier, car en temps normal nous sommes à l’eau, à la fois par manque de moyens et par choix, pour éviter le risque de l’alcool mais surtout pour habituer nos étudiants à une vie simple et les préparer à la capacité de vivre dans les secteurs les plus pauvres ou les plus difficiles.

  • Samedi 3 décembre: A la prison des hommes.
    Un de nos étudiants explique la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, durant la deuxième heure et ils parlent ensemble pour voir comment vivre ces droits à la prison. La responsable Justice et Paix assure la traduction en ouolof. Pendant ce temps-là, je parle personnellement avec plusieurs prisonniers qui se trouvent en position plus difficile, afin de réfléchir avec eux aux solutions à trouver à leurs problèmes. Nous reprendrons cela la semaine prochaine à notre rencontre des animateurs de prison.
    Pendant la première heure, nous avons eu un partage de l’Evangile avec les chrétiens, en quatre langues simultanées.

  • Vendredi 2 décembre: Ce matin, je suis à la prison des femmes. A midi, je passe à notre Maison centrale. Moïse, notre économe, revient de Guinée. Il me donne des nouvelles du pays et des nombreux amis que j’y ai laissés.
    Je vais rencontrer une religieuse avec qui j’ai beaucoup et très bien travaillé. Elle est maintenant responsable de sa congrégation : elle se trouve affrontée à de nombreux problèmes et se pose beaucoup de questions, comme nous tous. Nous échangeons sur ces questions. A quoi sommes-nous appelés dans le monde d’aujourd’hui en tant que religieux ? Comment passer la main aux jeunes africains qui prennent actuellement la relève ?
    Nous devons nous séparer car je dois partir pour notre réunion de Communauté, comme chaque fois. Nous réfléchissons d’abord à la façon dont nous vivons le vœu d’obéissance. Et nous cherchons à découvrir ensemble la volonté de Dieu et à écouter les appels de nos frères. Dans un 2ème temps, nous réfléchissons à notre liturgie et à notre façon de prier personnellement et en communauté. Enfin, nous abordons les différents points de notre vie commune et de notre maison. Chacun prend la parole et tous participent.
    Le soir. C’est la fête de notre Cardinal, Evêque de Dakar. En plus, cette semaine, c’est son 75ème anniversaire. Nous nous retrouvons pour une grand’messe solennelle. Ce n’est pas un culte de la personnalité, mais une occasion de faire grandir la communion entre nous, de nous redire notre volonté de mieux servir le diocèse et, à travers notre engagement, mieux servir le pays, d’agir avec le maximum de personnes et surtout de soutenir ceux qui en ont le plus besoin. Il y a aussi la joie de nous retrouver tous ensemble, prêtres, religieux et laïcs et de passer du temps ensemble pour échanger nos nouvelles et partager nos soucis et nos espoirs.

  • Jeudi 1er décembre : Aux nouvelles, on parle du monde rural. Il n’a pas beaucoup plu cette année : beaucoup de plantes ont séché, les arachides –principale production agricole- sont peu nombreuses et beaucoup sont vides. En plus, le gouvernement a libéralisé la vente des arachides. Des sociétés étrangères vont venir les acheter et usines huilières du Sénégal ont peur de ne plus avoir de matière première. Par ailleurs, dans beaucoup de villages, il y a des problèmes de terres : des grosses sociétés étrangères, mais aussi des cadres aisés du pays, achetant des terrains pour des cultures d’exportation ou pour fabriquer du bio-carburant. Beaucoup de paysans risquent de se retrouver sans terre.
    Aujourd’hui, rencontre avec l’équipe nationale de Justice et Paix pour préparer les élections présidentielles. Nous avons déjà commencé tout un cycle de conférences. Il s’agit maintenant de les exploiter : en faire une synthèse, les envoyer au maximum de personnes par Internet et surtout mettre en pratique les orientations qui ont été proposées.
    Pour la campagne électorale nous avons un gros travail à faire. Nous commencerons par une rencontre nationale afin d’expliquer aux différents responsables et leaders ce que nous voulons faire, y compris des journalistes pour faire connaître nos actions. Ces délégués descendront au niveau des régions puis des villes et enfin des quartiers. Les gens formés interviendront auprès des groupes des quartiers, les associations, les maisons de jeunes, etc… par des conférences, des séances avec chants et théâtre, des thés-débats (on parle pendant la cérémonie traditionnelle du thé), des rencontres informelles. Pour cela, il nous faut non seulement former les animateurs mais aussi composer le matériel d’animation :
    - des affiches avec les 4 points essentiels sur lesquels nous voulons faire réfléchir et donner la parole aux gens : 1. Refus de la violence ; 2. La corruption ; 3. La participation ; 4. La liberté dans les votes ; et cela avec des éléments de réflexion.
    - des cartes, avec des critères pour choisir son candidat ; des fiches pédagogiques et un guide de l’animateur.
    Dans tout cela, nous cherchons à rejoindre les gens des quartiers et des villages, pour qu’ils vivent ces élections dans la paix et puissent voter d’une manière réfléchie.
    La prochaine étape sera la formation d’observateurs pour ces élections. Nous allons commencer à réfléchir, chacun de notre côté, à ce que nous voulons faire et aux moyens que nous avons pour cela.
    Hier soir, la messe pour nos confrères était très chaleureuse et fraternelle. Beaucoup de gens sont venus réconforter nos confrères en deuil, et nous entourer de leur amitié. Après la messe, nous restons longtemps à parler ensemble.
    Le soir, je suis invité dans une autre Communauté de jeunes étudiants, les piaristes, communauté religieuse qui se consacre spécialement à l’éducation et l’enseignement dans les écoles. Ils sont 23 jeunes en formation. Ils me demandent de leur parler de la Commission Justice et Paix et comment participer à son action. Je leur parle aussi de l’écologie et du respect de la nature (intégrité de la création) et tout ce qui touche à la disparition des espèces, le déboisement et l’avancée du désert, la pollution, le réchauffement de la terre et l’accaparement des terrains. Je leur présente les statuts de la Commission Justice et Paix de Guinée et je leur donne un certain nombre d’exemples d’actions. Puis je réponds à leurs questions : comment lancer une commission ? Comment faire un plan d’action ? Que faire pendant les réunions ? Comment mener les actions ? Comment travailler avec les musulmans ?
    Nous abordons bien sûr la question des élections présidentielles (voir plus haut) : Comment faire pour qu’elles se passent dans la justice et la paix ? Quels moyens d’action avons-nous ? – Je suis frappé par leur ouverture d’esprit et le sérieux qu’ils portent à ces questions. J’espère que cela va les aider à comprendre le travail de ces Commissions et à s’y engager.

  • Mardi 29 novembre: Je termine la mise au point de mon exposé de ce soir. Nous nous retrouvons, les trois formateurs, pour préparer notre réunion de Communauté de vendredi. Nous réfléchissons à la formation que nous donnons à nos étudiants, à tous les niveaux. Puis nous parlons de chacun en particulier pour saisir ses progrès, ses difficultés et comment l’accompagner.
    Nous arrivons au 50ème anniversaire de Vatican 2. Dans la paroisse des Martyrs de l’Ouganda, pendant le temps de l’Avent, ils organisent une conférence-débat pour une formation chaque mardi et ils m’ont demandé d’expliquer le document sur « l’Eglise dans le monde de ce temps », 50 ans après (GAUDIUM ET SPES). C’est un thème qui m’intéresse beaucoup. Je vais d’ailleurs continuer à le travailler, en me basant sur ces rencontres, pour approfondir la question et pour mettre quelque chose sur mon site, pour les internautes que cela intéressera. Il y a une cinquantaine de personnes ; ils participent très bien et l’échange est très intéressant. Il faut dire que les gens ont été motivés à l’avance. On leur a donné un questionnaire préparatoire à réfléchir et à discuter. Et le dimanche on a distribué des extraits du document à lire et à méditer. Je recueille les adresses mail pour envoyer le compte-rendu et d’autres documents, en particulier sur le Synode. Un volontaire s’est proposé  pour faire le secrétaire. Nous avons décidé de ne pas dépasser une heure, mais au bout d’une heure et demie les gens sont toujours là et ne veulent pas travailler.
    Les confrères prêtres me retiennent pour manger et sortent une bière bien fraîche. Cela fait du bien ! Ces moments me permettent de mieux les connaître et pendant le repas nous prolongeons la discussion sur notre engagement, celui des laïcs et de l’Eglise sénégalaise dans la société sénégalaise. Il y a encore beaucoup à faire à ce niveau.
    Il fait nuit depuis longtemps, mais je passe chez Gisèle pour préparer la prochaine rencontre du CAEDHU. Nous préparons un programme pour l’éducation aux Droits Humains. Il y a énormément de demandes car nos jeux pédagogiques et nos formations sont très appréciés. Nous n’arrivons pas à répondre à la demande. Nous posons aussi les bases d’un Manuel pour les éducateurs.

  • Lundi 28 novembre: Ce matin, nous prions pour la sœur de notre frère économe décédée à la Martinique. Et mercredi, nous aurons une autre messe pour les mères de trois de nos confrères sénégalais décédées récemment. Chaque jour, nous rencontrons la mort dans nos activités. Et en ce qui nous concerne, à cause des distances, travaillant en pays étranger, souvent nous ne pouvons pas aller à l’enterrement.

  • Dimanche 27 novembre: Aujourd’hui, je dis la messe à 7 heures. Quand je quitte la maison, il fait encore nuit aussi j’attache une lampe torche au guidon de mon vélo pour m’éclairer. Lorsque j’arrive, l’église est déjà totalement pleine ; les gens se lèvent tôt et ils aiment bien prier de bonne heure pour être libres ensuite. C’est le premier dimanche de l’Avent : nous voyons ensemble, en ouolof, comment rencontrer aujourd’hui le Christ qui vient dans la vie de nos frères et de nos sœurs, et à travers tout ce qui se passe dans notre société. A la sortie, beaucoup viennent me saluer et échanger quelques idées avec moi. Ils sont heureux de voir un blanc qui parle leur langue.
    Mais je rentre sans trop tarder, car il me faut travailler à mes interventions de cette semaine.

  • Samedi 26 novembre: Formation sur les Communautés de quartier.
    Elle regroupe les responsables des 17 CEB de notre paroisse de Grand Yoff. Nous partageons d’abord nos façons de faire. Ensuite, nous écoutons trois témoignages de Guinée Conakry, Guinée Bissao et Tanzanie (par nos étudiants). A partir de là, nous nous retrouvons en carrefours pour en tirer nos conclusions, dégager des orientations et voir comment mieux travailler à l’avenir quand les propositions auront été approuvées par le Conseil Paroissial et expliquées à tout le monde. Je pourrai vous en envoyer bientôt le compte-rendu.
    Après la formation, je suis invité au presbytère où je retrouve les cinq prêtres de la paroisse. Je suis frappé par l’entente et la simplicité qui règnent entre eux. Nous nous connaissons déjà et je suis très heureux de pouvoir parler avec eux. Notre grand sujet de conversation, c’est bien sûr les élections présidentielles qui se préparent, avec toute leur cohorte de discours mais aussi d’agressivité. Le curé est fatigué car il était parti jusqu’en Casamance à l’enterrement du curé de la Cathédrale de Kolda et par ailleurs responsable diocésain de Justice et Paix. Avec le mauvais état des routes, ils ont beaucoup traîné. Nous nous inquiétons aussi de la santé de nos confrères prêtres, car plusieurs viennent de mourir, relativement jeunes, de maladie ou même brusquement, sans maladie apparente.
    Bien sûr, nous faisons aussi l’évaluation de la formation que nous venons de donner.
    Rencontre chez les Sœurs franciscaines missionnaires. Comme je suis dans le quartier, je vais aussi saluer les Sœurs. Je rencontre leur nouvelle Supérieure. J’ai assuré plusieurs formations à ces religieuses, il y a une vingtaine d’années ; nous sommes très heureux de nous retrouver. Chacune explique ce qu’elle est devenue et nous partageons nos engagements actuels, en prévoyant d’ailleurs quelques actions à mener ensemble.

  • Vendredi 25 novembre: Comme chaque vendredi, je vais à la prison des femmes. Dans la prison, il y a un groupe de chrétiennes et un autre de musulmanes qui se retrouvent chaque semaine. Aujourd’hui, nous avons décidé de nous rencontrer ensemble, les deux groupes. Il n’y a pas assez de place dans la petite salle de réunion. Nous allons donc tous ensemble dans la cour, assis sur des nattes. C’est très sympathique. Elles ont demandé que l’on parle du mariage religieux, dans l’Eglise et dans l’Islam. Cela pour permettre un échange entre chrétiennes et musulmanes, à partir de ce thème, dont le choix peut paraître étrange pour des femmes justement séparées de leur famille. Mais il faut penser à leur sortie et leur réinsertion. Et nous insistons sur l’importance de constituer une sorte de famille entre elles, à l’intérieur de la prison, et donc de commencer déjà à vivre ce que nous disons. Je présente d’abord le point de vue chrétien, la responsable musulmane le point de vue de l’Islam, les autres visiteuses parlent de la vie conjugale et de l’éducation des enfants, puis nous lançons un débat. Au début, les femmes ont un peu peur de parler, puis elles se lancent peu à peu. Nous leur demandons de parler du mariage et de la famille dans leurs différentes cultures. En effet, il y a là, en plus des sénégalaises (représentant déjà des cultures différentes, chacune avec sa langue propre), des africaines d’autres pays (francophones, anglophones, arabophones et lusophones) mais aussi des européennes et des sud-américaines. Cela nous aide à un échange très intéressant, où les points de vue sont différents, certaines ne sont pas d’accord, mais au moins elles se parlent et s’écoutent, sans violence et avec respect. Elles terminent par des conclusions pratiques : « Vivons ensemble, cherchons à mieux nous connaître, soyons courageuses, mettons à profit le temps où nous sommes ici pour nous former et nous enrichir intellectuellement et spirituellement, etc… ». L’une d’entre elles amène sa Bible en anglais et commente le passage de Luc 6, 31 : « Faites pour les autres ce que vous voulez qu’elles fassent pour vous ».
    A la fin, j’ai un peu mal à la tête, car il a fallu que je traduise tout cela du ouolof à l’anglais et inversement (il n’y a rien eu en français, bien que ce soit la langue officielle, mais peu comprise par la plupart, mais des traductions particulières en plus, en créole portugais et en arabe du Maroc).
    Vendredi soir : 2ème rencontre de notre Communauté de quartier. (Voir mon site, rubrique Communautés de Base (CEB/CCB)

  • Jeudi 24 novembre: Je participe à ma 1ère réunion avec la commission paroissiale « Justice et Paix ». Elle se passe dans de très mauvaises conditions matérielles, dues à la pauvreté de la paroisse et sa localisation. Les salles de réunions (en fait les salles de classe de l’école catholique) sont utilisées pour les cours du soir et l’alphabétisation. Nous nous retrouvons à plusieurs groupes dans la même cour : sur des vieux bancs, sans table, ni chaise, ni tableau. Nous avons de la peine à nous entendre, car la paroisse est cernée par un grand marché au bord d’une route à grande circulation. Mais cela n’enlève rien à la qualité de notre travail. Après avoir fait connaissance et donné de nos nouvelles, celles du quartier et du pays, nous abordons l’ordre du jour :
    1°) L’action contre l’augmentation des loyers. Dakar est une ville enfermée dans une presqu’île et surpeuplée, suite à un exode rural très important. C’est très difficile de trouver un logement. Les propriétaires en profitent et les prix flambent. On expulse les familles pauvres pour louer les maisons à des gens plus riches. Vivant dans des conditions difficiles, et très nombreux dans des petits logements, les locataires ne respectent pas toujours les lieux et n’accomplissent pas toujours leurs devoirs non plus (paiement des loyers, etc…). Nous avons donc prévu une formation de personnes relais sur les textes concernant les locations. Ces personnes feront un travail de sensibilisation dans les quartiers : conversations avec les voisins, contacts avec les autorités locales et les organisations du quartier, visites à domicile, réunions avec les communautés de quartier et les associations. Puis des conférences publiques avec animation (musique, pièces de théâtre…) et émissions à la radio. A partir de tout cela, rencontre avec la Commission des lois (députés et sénateurs) pour voter une loi sur les loyers, après un atelier de sensibilisation et de réflexion. Nous allons nous retrouver mercredi prochain pour commencer à préparer cela. Nous comptons sur le soutien de CRS, (la Caritas des Etats-Unis : Catholic RELIEF SERVICES) pour ces rencontres, faire des affiches, imprimer des prospectus, etc…
    2°) Les élections présidentielles sont dans trois mois. Il faut nous y préparer sérieusement. Nous allons participer à une série de conférences « Les mardis de BROTTIER », organisée par la Commission nationale Justice et Paix et un groupe de réflexion et d’action : « Présence chrétienne ». En voici les thèmes :
    - Quelle constitution et quelles institutions pour promouvoir la démocratie au Sénégal ?
    - La pacification de l’espace politique sénégalais, enjeux et perspectives,
    - Le processus électoral au Sénégal : quelles conditions pour une élection paisible, transparente et crédible ?
    - Quelle politique économique et sociale pour de meilleures perspectives de développement au Sénégal ?
    - Demande sociale : quelles urgences, quelles réponses ?
    - Quelle vision de la paix ? Regards musulman et chrétien pour un Sénégal de paix.
    - La parole aux candidats de la présidentielle.
    - Pour chaque conférence, on invite des intervenants importants, bien connus et compétents, ce qui attire beaucoup de monde, et commence une réflexion qui se poursuit ensuite dans les quartiers et lieux de travail.
    3°) Nous parlons du travail à la prison (voir plus haut). Et de la participation des personnes intéressées, ainsi que des CEB (Communautés de quartier). Pour intervenir chaque semaine à la prison, il faut être disponible et en avoir l’autorisation officielle. Mais on peut aider de nombreuses autres façons : parrainer un prisonnier et le visiter au parloir, soutien matériel (argent, habits, savon, nourriture), contacts avec les avocats et en chercher pour suivre les dossiers des prisonniers, contacts avec les familles et les ambassades, fourniture de matériel et formation pour les ateliers de la prison, et beaucoup d’autres choses encore à préciser : réconciliation avec les victimes, aide à la réinsertion, etc… Nous avons déjà trouvé quelques personnes volontaires pour cela.

  • Mercredi 23 novembre: Un ami informaticien vient faire l’entretien de nos ordinateurs de bureau. Je lui demande de jeter un coup d’œil sur mon portable… qui est vieux (comme moi !) et donc usé et dépassé (pas comme moi, j’espère !) et il n’y a pas grand-chose à faire.

  • Mardi 22 novembre : Je prépare ma formation de samedi sur les Communautés de quartier (CEB) et mon intervention auprès des femmes de la prison, en ouolof. L’après-midi, je prépare mes 4 conférences de l’Avent sur la Constitution « Les joies et les Espérances des Hommes » du Concile de Vatican 2 dont c’est le 50ème anniversaire. Et je termine en étudiant l’Exhortation sur le 2ème Synode pour l’Afrique. Une journée entière au bureau. C’est rare et j’ai dû me battre pour la garder !
    Mais la journée a quand même été coupée par une séance de français avec notre confrère ghanéen venu apprendre cette langue, afin de poursuivre des études à Paris, et un exercice de lecture en public avec deux de nos étudiants.

  • Lundi 21 novembre: Nouvelles visites dans le quartier, toujours aussi enrichissantes. Je suis très bien accueilli partout.

  • Dimanche 20 novembre: Fête du Christ Roi. Chez nous, c’est la fête de l’apostolat des laïcs, c’est-à-dire le lancement des Mouvements des jeunes et des adultes. Tous sont venus en tenues, avec leurs panneaux, étendards et autres signes. L’homélie porte sur ce thème, avec une prière et une bénédiction spéciales à la fin de la messe. Tous restent ensuite pour une présentation des Mouvements, avec chants et danses, puis repas pris en commun. De mon côté, je vais manger chez un ancien responsable de la JEC, ancien élève à Saint Louis, avec qui nous avons beaucoup travaillé. Je suis heureux de connaître sa famille. Nous parlons de leur vie et de leurs différentes activités.
    Le Pape Benoît 16 termine sa visite au BENIN, où il est venu publier son Exhortation, suite au 2ème Synode pour l’Afrique, de 2009. Je me mets au travail pour faire une première synthèse de ses différentes interventions et tirer des extraits significatifs de son exhortation, afin de fournir une base de travail plus pratique. J’envoie ce travail par Internet, (ce qui me prend toute la journée du Lundi 21).
    Cette fois-ci encore, je suis choqué, mais surtout très déçu par les radios et télévisions françaises. Pratiquement, la seule chose qu’ils aient retenue et présentée, c’est le SIDA. Alors que le Pape a dit des choses très importantes aux différents groupes de la société, en particulier des paroles très fortes aux gouvernants, sur les problèmes économiques et politiques, et sur la position paternaliste et même parfois néo-colonialiste des pays occidentaux par rapport à l’Afrique. Et encore, ces radios et télévisions n’ont même pas repris les paroles du pape sur la dimension morale de la lutte contre le SIDA, l’importance de la prévention, de l’éducation sexuelle et du soutien aux malades et séro positifs. France 24, par exemple, au lieu de nous montrer les discours ou la messe du pape, a montré des gens qui expliquaient à la population comment mettre en place le condom ! Ils ne se rendent pas compte qu’ils se discréditent complètement en Afrique et donnent ainsi, à l’Afrique, une image très négative de l’Occident. R.F.I. a été plus positif. Il est vrai que dans leurs émissions, ils ont donné la parole aux auditeurs africains. Ce qui est la moindre des choses ! On se retrouve là, non seulement contre une incompétence et un manque d’objectivité dans la présentation des informations, mais plus gravement devant une malhonnêteté intellectuelle.

  • Samedi 19 novembre: Ce samedi, les étudiants n’ont pas cours, ce qui leur laisse un peu de temps. Nous faisons un partage d’Evangile en petits groupes. Des membres de notre Communauté de quartier sont venus. Après la messe, nous déjeunons ensemble. Puis nous allons visiter des gens du quartier pour faire connaissance.
    A 10 heures, nous nous retrouvons à la prison. Comme nous l’avons déjà fait, et comptons continuer, nous prenons 1 heure pour partager l’Evangile du dimanche. Je leur propose un questionnaire pour cela, celui que nous utilisons dans nos Communautés. Ils l’acceptent et le trouvent très intéressant. Je suis frappé par leur ouverture d’esprit et leur intelligence. L’Evangile est celui de la Fête du Christ Roi : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger…, j’étais prisonnier, vous êtes venus me visiter. Tout ce que vous faites au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le faites ». C’est de circonstance. Nous nous divisons en quatre petits groupes et partageons cette Parole de Dieu en 4 langues différentes. Nous voyons comment nous aimer, et nous entr’aider dans la prison. Le pays est, à grande majorité, musulman ; mais il y a une bonne entente et un très grand partage, en particulier au niveau des idées. Ainsi, à l’entrée des prisons du Sénégal, est inscrite une phrase du Pape Clément 9 : « Punir la personne malhonnête ne sert à rien si on ne la rend pas honnête par l’éducation ». Tout un programme !
    Ensuite, nous commençons à parler de la vie à la prison, comme prévu dans notre programme de ce trimestre, une fois sur deux. L’autre semaine, Hélène, responsable Justice et Paix, leur parlera des droits des prisonniers (Voir le programme dans mon site : « Travail social, humanitaire ; page : prison). Il y a aussi tous les problèmes que nous allons essayer de régler au fur et à mesure : le cas de ceux qui attendent d’être jugés pendant des mois ; les relations avec les avocats, les familles et les ambassades ; les appels ; la réconciliation avec les victimes et la réparation ; la préparation de la sortie et la réinsertion. Nous faisons le tour des différents aspects de la vie à la prison : 1) Formation, alphabétisation, apprentissage d’un métier… 2) Les visites. 3) La santé et l’hygiène, propreté des chambrées…. 4) Les problèmes matériels : nourriture, savon, habits, etc…. 5) Les relations entre prisonniers. 6) La foi et la vie de prières, etc…. . Ce qui nous semble important, c’est de permettre aux prisonniers de parler eux-mêmes de ces questions, et de les écouter. Ils ont déjà fait des propositions intéressantes. Il faudra maintenant contacter le service social de la prison, voir ce qu’il est possible de faire, et en chercher les moyens !
    - Aujourd’hui, les professeurs du Centre Augustin (où étudient nos étudiants et tous les étudiants des différentes Congrégations religieuses) et les professeurs du Grand Séminaire du Sénégal se retrouvent pour une séance de travail. C’est important qu’il y ait une collaboration entre nous, et aussi que tout ce travail de recherche et de formation soit rentabilisé et mis à la disposition des personnes de l’extérieur.
    - Les problèmes de santé. Je poursuis mes visites du quartier. Je parle longuement avec Rose. Elle est médecin et travaille à la Caritas, à la prévention et la lutte contre le paludisme. Il y a de quoi faire. Nous parlons ensuite des dispensaires privés catholiques et de tout ce qu’il y a à faire : améliorer l’accueil des malades et les aider à prendre eux-mêmes leur maladie en charge, à tous points de vue (pas seulement financier), la nécessité de l’éducation sanitaire (hygiène…) et de la prévention (vaccinations, etc.), le soutien des démunis. Il y a tous les problèmes généraux, comme le SIDA, la régulation des naissances. Et de nombreux points particuliers, par exemple les cas de maladie qui se multiplient pendant l’hivernage (la saison des pluies) qui est aussi le temps des vacances et des cultures. Cela veut dire que les agents de santé doivent être à leur poste et ne peuvent donc pas prendre leurs congés en même temps que les autres.
    Rose me fait visiter le quartier. Nous faisons connaissance avec d’autres familles et aussi des gens qui y travaillent. Nous parlons en particulier avec un vendeur qui tient une petite boutique, très utile, pour les produits de première nécessité vendus au détail, comme il y en a un peu partout et qui rendent de grands services…. Ce ne sont pas nos énormes hypermarchés européens.

  • Samedi 19 Novembre : Je remporte un grand succès en venant à la prière du matin avec ma plaie au front, apparue pendant la nuit ! Surtout que c’est moi qui préside les eucharisties cette semaine. C’est le 7ème anniversaire de la mort du père d’un de nos étudiants ; nous prions tous ensemble avec lui.
    A la prison des femmes aujourd’hui, nous parlons de la vie et des problèmes des femmes. C’est une laïque qui anime (il vaut mieux sur ce sujet là). Je me contente de faire les traductions en anglais et en espagnol (pour les portugaises), à partir du ouolof. Quand les femmes retournent dans leurs cellules, nous restons un moment entre animateurs pour faire le point sur un certain nombre de questions (voir plus loin), parler avec les gardiennes et rencontrer la régisseuse de la maison d’arrêt. Nous posons aussi les bases de la prochaine rencontre de formation pour notre équipe, mais nous ne trouvons pas de jour libre avant février. Nous sommes tous très occupés, car les personnes libres et volontaires ne sont pas nombreuses et les choses retombent presque toujours sur les mêmes.

  • Vendredi 18 novembre : Aujourd’hui, je vais aller en ville pour faire les visites que je n’ai pas pu faire depuis longtemps, faute de temps. D’abord, je rentre dans plusieurs magasins, puis m’adresse à des Vendeurs de rue « par terre », pour trouver du papier fin (pelure) dont j’ai besoin pour les copies au carbone et pour les lettres par avion. Je n’arrive pas à en trouver. Tout le monde veut se mettre à l’ordinateur, l’imprimante et le photocopieur, et ceux qui n’en ont pas les moyens ou la possibilité (par exemple, par manque de courant électrique)… il ne leur reste plus rien. Finalement, je vais voir un libraire, qui était dans l’équipe JOC dont j’étais l’aumônier en 1990. Il se débrouille pour me trouver une rame de papier pelure bleu, qui était oubliée au fond d’un placard (il est désolé parce que ce n’est pas du papier blanc, mais moi je suis très content !). L’emballage est tout sale et déchiré, le papier à l’intérieur est bon. Ils ne savent même plus quel en est le prix ; ils me font donc un prix d’ami ! Je peux me mettre tout de suite à écrire plusieurs lettres « légères ». En effet, le timbre d’une lettre de 5 grammes pour la France coûte près d’1 euro, ce qui est énorme vu le niveau de vie du pays.
    Il est déjà midi. Comme je suis dans le quartier, je vais à notre Maison principale. J’y retrouve le Frère qui tient la maison, s’occupe de l’accueil des gens et de l’aide matérielle à nos différentes communautés des quatre pays où nous travaillons en Afrique de l’Ouest francophone (Mauritanie, Guinée Conakry, Guinée Bissao et Sénégal). Nous nous connaissons depuis longtemps. Je l’avais accueilli comme stagiaire à Saint Louis. Et nous avons vécu et travaillé ensemble à CONAKRY. Ensuite, c’est lui qui m’a accueilli à Dakar quand j’ai quitté la Guinée. Nous sommes très heureux de nous retrouver et nous prenons un bon moment pour parler ensemble de nos différentes activités et de l’avenir de notre Communauté et de notre Congrégation. En effet, au niveau mondial, nous préparons un Chapitre Général pour faire le point de notre Congrégation et changer nos responsables. C’est un gros travail de réflexion pour lequel nous avons entrepris une importante préparation depuis l’année dernière. Nous préparons aussi une Assemblée générale et des élections au niveau de l’Afrique de l’Ouest.
    Je prends aussi un bon moment pour parler avec notre doyen qui préfère terminer sa vie au Sénégal, plutôt que de rentrer en France, dans la mesure où il n’a pas besoin de soins médicaux intensifs. Il est notre mémoire et le pivot de notre maison d’accueil. Il a toute sa tête, continue à travailler la Parole de Dieu (il a publié plusieurs livres de formation sur les différentes parties de la Bible), il anime encore des sessions et des rencontres régulièrement et nous espérons le garder le plus longtemps possible.
    Enfin, je rencontre deux de nos étudiants camerounais. Ils doivent aller étudier la théologie au Portugal. Comme il n’y a pas d’ambassade du Portugal, ils ont dû venir à Dakar. Ils sont là depuis plus de deux mois , en attente, sans pouvoir obtenir de visa, alors qu’ils ont fourni tous les papiers demandés, payé ce qu’on leur demandait (et ce n’est pas rien) et fourni toutes les attestations nécessaires de prise en charge et autres. Nous ne savons plus quoi faire. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de l’un des deux. Nous le fêtons comme il se doit, ce qui les aide à supporter un peu leurs problèmes !
    Ensuite, je peux passer aux visites. D’abord au PARI, Centre d’accueil et de soutien aux réfugiés et immigrés. Le responsable est un ami et nous collaborons depuis longtemps. Nous parlons du travail et de l’insertion de notre étudiant qui vient de commencer à travailler au Centre. Ensuite, nous parlons des difficultés de cette action. Puis il me met au courant de ce qui se fait pour accueillir les expulsés d’Europe pour les aider à se ré-installer et à lancer un travail qui puisse non seulement les aider à vivre, mais aussi aider leur famille. Car c’est pour cela que souvent ils ont cherché à partir en Europe.
    Puis je passe à la Communauté des Sœurs du Bon Pasteur qui travaillent avec les prostituées et tiennent un Centre de formation pour les jeunes filles en difficulté, spécialement celles qui viennent des villages et se retrouvent perdues en ville. L’année dernière, une des Sœurs travaillait à la prison. Elle est retournée aux Philippines. Nous souhaiterions qu’une autre Sœur la remplace. Malheureusement, elles ne sont pas nombreuses. Cependant, nous allons nous revoir.
    Rapidement, je pars à la Centrale des Œuvres, où se trouvent les permanents des différents Mouvements d’Action Catholique jeunes et adultes. Aujourd’hui, je viens voir le Frère aumônier de la JOCF (Jeunesse Ouvrière Chrétienne, branche féminine). Nous avons travaillé de longues années ensemble, quand j’étais moi-même aumônier national de la JOC. Nous sommes très heureux de nous retrouver. Il m’explique l’évolution des Mouvements ces derniers temps et les difficultés actuelles. C’est un travail d’accompagnement qui demande beaucoup de patience et d’espérance. Et d’accepter de travailler avec des petits groupes et de suivre personnellement chacun.
    Je passe ensuite voir le responsable de l’Ordre de Malte. Ils ont prévu une distribution de médicaments à la prison des femmes. Nous voyons comment organiser cette distribution, mais surtout comment aller plus loin et apporter une vraie solution aux différents problèmes qui se posent et essayer d’en attaquer les causes profondes. Vaste problème !
    La route est longue (en plus, elle monte !) pour rentrer en vélo à la maison. J’arrive la nuit, fatigué mais heureux. Il n’y a pas d’électricité. Je monte rapidement l’escalier et me heurte à un angle de mur. Je me blesse au front. Ce n’est pas trop grave et il y a de quoi me faire un pansement. Mais mes lunettes sont cassées.

  • Mercredi 16 novembre: Aujourd’hui, c’est l’enterrement du père de notre étudiant, en Tanzanie. Nous avons tenu à nous y associer pleinement. Depuis lundi, nous avons appris et répété des chants pour cela. Et nous célébrons une très belle messe. C’est notre confrère qui a choisi les textes et qui fait un témoignage très émouvant, avec beaucoup de courage malgré sa grande tristesse.
    Avec la responsable justice et paix, nous allons rencontrer le Service social de la prison des hommes, pour voir comment travailler ensemble. Nous abordons en particulier la question de la formation du personnel pénitentiaire, de l’animation des ateliers, des visites à l’intérieur de la prison pour contacter les prisonniers et de l’importance de rencontre de coordination de toutes les organisations qui interviennent à la prison. Nous en profitons pour leur présenter notre programme pour ce trimestre, ce qu’ils apprécient beaucoup, à la fois pour le geste et pour le contenu.

  • Mardi 15 novembre: Comme chaque jour, je travaille le français avec un confrère ghanéen qui nous aide à animer notre Communauté et à suivre nos étudiants, en tant que formateur. Il est venu apprendre le français et suit des cours à l’Université de Dakar (section étrangers) pour cela, avant d’aller faire une formation et recherches en France. Ce n’est pas facile d’apprendre une nouvelle langue, à son âge.
    Chaque soir, je fais aussi des exercices de lecture en public avec les étudiants. C’est important qu’ils parlent clairement et se fassent comprendre.

  • Lundi 14 novembre: Ce matin, nous disons la messe pour le père de notre confrère, avant que les étudiants partent en cours.
    A 16 heures, le curé d’une paroisse voisine vient me rencontrer. Il m’a demandé d’assurer une série de conférences-débats pendant l’Avent. Comme c’est le 50ème anniversaire du 2ème Concile de Vatican 2, il me demande de faire réfléchir à partir du document « l’Eglise dans le monde de ce temps », avec sa phrase d’introduction célèbre : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les peurs des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les peurs des disciples du Christ. Et tout ce qui est vraiment humain trouve place dans leur cœur ? Il va s’agir aussi de comprendre les changements qu’il y a eu dans le monde depuis 50 ans et de voir comment cela s’applique à la société sénégalaise d’aujourd’hui. Il va falloir préciser tout cela. C’est un gros travail qui m’intéresse beaucoup.
    Réunion communautaire sur nos engagements en pastorale. C’est important et nous tenons une telle rencontre chaque mois, pour faire le point. Nous élaborons ensemble le programme. J’explique aux étudiants mes propres engagements. Nous repartons de notre Règle de Vie, qui précise notre vocation missionnaire et nous en précise les orientations. Nous insistons sur l’importance du partage de nos différents engagements entre nous, pour nous soutenir. Et sur la qualité de notre vie communautaire internationale qui est notre première responsabilité et un témoignage essentiel dans une société où les tensions ethniques et autres sont souvent fortes, de même que dans les familles. Je les appelle à faire preuve d’initiatives, de responsabilité et de créativité. Et sur la nécessité de multiplier les contacts, pour s’informer et connaître les différentes activités des paroisses et autres organisations. En effet, la priorité actuelle ce sont leurs études. Ils ne peuvent donc pas participer aux rencontres de Communauté et autres commissions qui, pour la plupart, se tiennent la nuit et loin de notre Communauté. Je leur demande de noter leurs réflexions au fur et à mesure, d’y réfléchir, d’en parler ensemble et de prier à partir de ce qu’ils vivent. Et aussi, peu à peu, de composer l’organigramme des paroisses et organisations dans lesquelles ils travaillent. Nous insistons surtout sur l’importance de faire l’unité de leur vie, entre les études, la vie de communauté et la prière, leurs engagements. Je les appelle à travailler les questions touchant à leurs engagements et pas seulement leurs cours. Et à utiliser Internet pour cela, pas seulement pour envoyer du courrier. Je leur présente déjà un certain nombre de documents qu’ils pourront utiliser. Enfin, pour terminer, nous abordons quelques questions comme celles de la Communion aux malades et des visites à l’hôpital.
    Le mois prochain, nous parlerons des Communautés de quartier. Je leur demande de commencer à se renseigner sur ce qui s’y vit.

  • Dimanche 13 novembre: Nos étudiants restent à la Communauté aujourd’hui pour une journée de prière (récollection), comme chaque mois, animée par l’un d’entre nous.
    Pour moi, je vais à HANN où se regroupent trois paroisses pour une formation sur les C.E.B. (Communautés Ecclésiales de Base). Les gens sont intéressés et participent très bien. (Voir le message à ce sujet et mon site).
    Décès du père d’un de nos étudiants. Ce soir, nous apprenons cette très triste nouvelle. Son père, déjà âgé, était tombé la nuit dans un caniveau. Il était à l’hôpital, en TANZANIE, mais semblait se relever lentement de son traumatisme. Cette nouvelle nous touche beaucoup. La mort d’un parent est toujours une épreuve, mais encore plus quand on se trouve au loin. Ce qui est notre cas, le plus souvent. L’enterrement aura lieu mercredi, or il faut deux jours par avion pour arriver en Tanzanie depuis Dakar. En plus, il y a des complications au niveau papier, visa, etc… Notre confrère ne pourra donc pas se rendre à l’enterrement de son père. Nous l’entourons tous de notre prière et de notre amitié.

  • Samedi 12 novembre: A la prison des hommes.
    Cette semaine, j’y vais seul avec un de nos étudiants. Comme le personnel ne me connaît pas encore, le Chef refuse de me laisser entrer, et nous sommes samedi… le régisseur n’est pas là. Je me renseigne sur son adresse, et après avoir longtemps tourné dans le quartier, grâce à des gens sympathiques je finis par trouver sa maison. Il m’accueille très bien, me présente sa famille, téléphone au gardien-chef de la prison et les choses s’arrangent. Il suffit d’être patient, compréhensif et poli. Nous avons perdu beaucoup de temps, mais, malgré tout, les prisonniers nous attendaient tranquillement. Cette fois-ci, nous nous présentons, à leur demande, avec le séminariste qui m’accompagne. Cela les intéresse beaucoup et ils me posent beaucoup de questions sur les différents pays où j’ai travaillé ; je peux aussi parler avec certains dans leur langue.
    Ensuite, et comme nous voulons le faire à chaque fois, nous lisons l’Evangile du dimanche et partageons la Parole de Dieu en quatre groupes, correspondant aux quatre langues : français, anglais, espagnol-portugais, et ouolof. Tout le reste de la réunion, ils sont ainsi répartis en quatre groupes pour assurer la traduction. Je leur ai proposé une méthode pour la prière et un questionnaire pour la Parole de Dieu, qu’ils semblent apprécier.
    Puis nous préparons le programme de ce trimestre. Ce sont toujours les mêmes problèmes qui reviennent : les mauvaises conditions de vie à la prison, la communication avec les familles, la réhabilitation et le pardon/réconciliation avec les victimes, la réinsertion à la sortie de la prison, les appels et les recours en grâces. Nous choisissons aussi les thèmes de discussion. Avec Hélène, responsable justice et paix de la paroisse, nous allons nous partager le travail. Hélène parlera des droits des prisonniers : droit à l’information, à une formation professionnelle, à une nourriture décente, à la santé et à l’hygiène, aux visites, à la protection, la sécurité et la dignité, à la pratique religieuse, aux loisirs et activités socio-culturelles, à un enterrement décent, à un jugement juste et rapide, etc….. Même si ces droits ne sont pas bien respectés, c’est important que, au moins, les prisonniers les connaissent. C’est la première étape.
    Avec moi, nous parlerons de leur vie concrète à la prison, leurs problèmes, les actions et solutions possibles.
    Le séminariste leur parlera des Droits humains et autres questions au choix. (Voir les programmes de ce trimestre, femmes et hommes, dans mon site (Prison : travail humanitaire).
    Visite des familles dans le quartier. Avec l’une des membres de la Communauté, nous visitons les autres familles pour continuer à mieux nous connaître.
    Le prêtre qui devait célébrer la Messe est malade. Je le remplace au pied levé. A la sortie de la messe, un jeune apprenti menuisier vient me voir. Son patron ne le forme pas. Il voudrait aller dans un autre atelier, mais il hésite. Nous en parlons longuement, en pesant le pour et le contre.

  • Vendredi 11 novembre: C’est la fête de la Saint Martin Un grand homme qui nous interpelle par sa vie et son engagement… aussi pour nous qui sommes en Afrique. Voir dans mon site http://armel.duteil.free.fr dans la rubrique sur les « DROITS HUMAINS, la 2ème partie : Droits humains et Christianisme, le 2ème paragraphe : Droits humains et Histoire de l’Eglise.
    C’est un bon jour pour ma première visite à la prison des femmes. C’est l’aumônier qui m’introduit. Nous saluons le personnel à l’entrée et dans les bureaux et couloirs. L’aumônier a su créer entre nous un bon climat et d’excellentes relations, ce qui permet de régler plus facilement un certain nombre de problèmes. Nous nous présentons à la Directrice de la prison qui nous accueille très bien. Je lui explique le travail que je faisais autrefois à la prison de St Louis, ce qui la met en confiance. Elle m’autorise donc à intervenir directement à la prison, sans attendre.
    Nous nous retrouvons avec les femmes au bout d’un certain temps d’attente. Elles sont moins rapides que les hommes, car elles prennent le temps de se préparer et de bien s’habiller. C’est important qu’elles continuent à s’occuper d’elles pour garder leur dignité. Ma connaissance de plusieurs langues européennes et africaines va me permettre de leur rendre service plus facilement. Comme chez les hommes, il y a des femmes originaires de divers pays d’Afrique, mais aussi d’Europe et d’Amérique (nord, centrale et sud). Je salue plusieurs d’entre elles dans leur propre langue, en parlant de leur pays. Ca sert à quelque chose d’avoir travaillé dans plusieurs pays (et appris la langue !).
    Après un temps de présentation et d’échanges, nous préparons avec elles le programme de ce trimestre, sur les différents aspects de leur vie pour nos rencontres, chaque vendredi. Une autre équipe vient le samedi pour la prière. Nous prévoyons une rencontre ouverte à toutes les femmes, en collaboration avec la dame qui assure l’animation à la prison, au niveau des musulmanes. Nous nous entendons très bien. D’ailleurs, elle nous a laissé la moitié de ses heures le vendredi pour que nous ayons plus de temps pour nos rencontres. Nous terminons celle d’aujourd’hui par la prière.
    Après être passé à l’atelier de coiffure où les volontaires peuvent se former à ce métier, je vais acheter une bouteille de sirop de bissap, fabriqué par les prisonnières à partir de cette plante d’Afrique. Je vais ensuite au parloir parler avec une femme du Nigéria. Elle a été arrêtée à l’aéroport, alors qu’elle était en route vers l’Italie, et accusée de trafic de drogue. Bien qu’on n’ait pas trouvé de drogue sur elle et qu’une prise de sang n’ait rien révélé, elle a été mise en prison. Elle s’y trouve depuis 16 mois maintenant, sans être jugée. L’avocat commis d’office pour son cas n’est jamais venu la voir. Elle est étrangère, elle n’a donc personne pour lui apporter à manger et son ambassade ne fait rien pour elle. Nous allons voir de notre côté ce que nous pourrons faire.
    En soirée : Réunion de la Communauté du quartier.
    Nous avons changé le jour et l’heure et cette fois-ci nous nous retrouvons à une vingtaine de personnes, heureux d’être là ensemble. Nous lisons et partageons d’abord la Parole : l’Evangile de Jésus à Nazareth où il explique sa mission : annoncer l’Evangile aux pauvres et relever ceux qui sont écrasés (Luc 4, 16-21). Les gens sont encore un peu timides pour parler. Puis nous prenons un long temps pour nous présenter et faire connaissance. Ensuite, chacun dit ce qu’il attend de la Communauté. Je vous enverrai bientôt un compte-rendu complet de cette rencontre, que vous pourrez aussi trouver sur mon site (Activités Paroissiales – Communautés).
    - La présence d’élèves musulmanes « intégristes » dans les écoles catholiques. Cette année, un certain nombre de jeunes filles musulmanes d’une secte fondamentaliste, appelée les « Ibadou », ont été inscrites par leurs parents dans les écoles catholiques, alors même qu’il y a les écoles publiques et des écoles privées laïques ou musulmanes (dites franco-arabes). Bien sûr, ces jeunes filles portent le voile. Ce n’est pas un problème. La plupart des religieuses portent aussi un voile au Sénégal. Et beaucoup de femmes mettent un foulard. De nombreux élèves chrétiens portent des croix et des médailles, de leur côté. Au contraire, nous serions heureux d’accueillir ces jeunes filles pour qu’elles sortent de leur milieu et aient l’occasion de s’ouvrir aux autres, de se libérer et de recevoir éducation et instruction. Mais le problème, c’est qu’elles refusent de porter la tenue de l’école. Or, dans toutes les écoles du Sénégal, les élèves portent le même tenue pour amener une certaine égalité dans l’habillement et éviter une trop grande différence entre les élèves de familles riches ou pauvres. Bien plus, ces jeunes filles refusent de serrer la main de leurs camarades garçons ou de s’asseoir sur le même banc. A la récréation, elles restent entre elles et refusent de faire du sport. Cela a entraîné une grande polémique, augmentée par la question du voile en France, car au Sénégal on suit de près et on est toujours très sensible à ce qui se fait en France.. Le Ministre de l’Education nationale s’en est mêlé, ce qui n’a rien arrangé. Le Cardinal de Dakar a dû écrire une lettre, mais ces « Ibadous » n’ont rien voulu entendre. Ils ont même refusé de célébrer la fête de la Tabaski (Aïd el Kebir) le même jour que les autres musulmans. Ils ont demandé aux Imams de prêcher contre les catholiques le jour de la fête. Mais ces derniers ont refusé et ont préféré parler des problèmes du pays : les prochaines élections et le refus de la violence, le chômage et les problèmes des jeunes. Finalement, les responsables de l’Eglise et les directeurs des écoles catholiques se sont retrouvés avec les autres chefs religieux et ils se sont compris. Mais cela a fait beaucoup d’histoires, pour rien. Et c’est d’autant plus regrettable qu’il y a une bonne entente au Sénégal entre chrétiens et musulmans, et il ne faudrait pas que quelques intégristes viennent apporter le trouble.

  • Jeudi 10 novembre: Nous nous rencontrons au CAEDHU pour finaliser notre travail. J’en profite pour aller rencontrer quelques amis en ville.
    Je me retrouve au CAEDHU (Centre Africain pour l’Education aux Droits Humains). Quand je travaillais à St Louis du Sénégal, dans les années 80-90, j’avais lancé une section d’Amnesty Intrernational, où nous faisions le travail commun aux différentes sections, en particulier des lettres aux autorités des différents pays pour obtenir la libération des prisonniers d’opinion. Nous avions adopté un prisonnier et après l’avoir soutenu plusieurs années, nous avons obtenu sa libération. Mais nous avons senti rapidement la nécessité d’éduquer les gens aux Droits Humains, en particulier les personnes en position d’autorité et ayant des responsabilités, et également les jeunes et les enfants. Nous avions donc lancé le CEDHOSSAI : Commission d’Education aux Droits de l’Homme de la Section Sénégalaise d’Amnesty International, qui est ensuite devenue le CAEDHU et a beaucoup élargi son action, en particulier en composant de nombreux modules pour la formation aux droits humains, avec de nombreux exercices pratiques. Ils ont aussi recomposé nos premiers jeux sur les Droits de l’Homme et les Droits de l’enfant. Ce dernier jeu a été remis par le Ministère de l’Education Nationale et avec le soutien de l’UNICEF dans toutes les écoles primaires, et les enseignants ont reçu une formation pour son utilisation. Il reste maintenant à suivre, à évaluer et à améliorer l’utilisation de ce jeu, mais il nous manque les moyens financiers pour cela. Nous utiliserons aussi une exposition que nous avons composée sur les Droits Humains.
    Nous préparons une rencontre de femmes en milieu rural, travaillant à la protection de leur environnement à Popenguine. Nous mènerons cette réflexion en ouolof, la langue véhiculaire et populaire, à partir d’une pièce de théâtre, ce qui est un très bon point de départ pour une recherche en commun, la plupart de ces femmes étant analphabètes. Nous avons aussi prévu une exposition. Nous l’avions prévue sur « les trois femmes, prix Nobel de cette année ». Mais la personnalité et la vie passée d’Helen Sirleaf, la Présidente du LIBERIA, de même que les conditions de sa réélection, nous posent problème. Nous avons donc décidé de faire une exposition sur toutes les femmes prix Nobel de la Paix. Il n’y en a pas des masses. Cela nous permettra de parcourir l’histoire passée et de voir les évolutions dans ce domaine. L’exposition sera prolongée par une conférence, suivie de débat. Le lendemain, nous visiterons la réserve environnementale (les villages) avec ces femmes, qui nous expliqueront comment elles travaillent. Nous ferons le jeu sur « le monde des enfants » avec les enfants du village. Et le soir nous aurons une veillée avec tous les habitants. Nous profiterons de cette sortie pour nous retrouver entre nous, faire le point de nos actions et améliorer l’organisation du CAEDHU. Nous en reparlerons.
    Nous travaillons depuis de nombreuses années. Nous avons quantité de modules et de documents que nous souhaitons regrouper dans un livret : « Le cahier de l’éducateur », pour que tout cela soit utilisable immédiatement. Comme nous l’avons fait pour les textes importants sur les Droits Humains. Aujourd’hui, nous en cherchons les grandes idées et en fixons le plan et le contenu. C’est un gros travail que nous commençons là. Ce livret comportera aussi des exercices et une réflexion sur : Comment enseigner et mettre en pratique les Droits Humains (voir mon site).
    Nous travaillons aussi sur la mise en place d’un site du CAEDHU. Voir des renseignements sur Google. Cela fait une bonne journée de travail. A la sortie, je vais récupérer ma carte d’étranger qui est prête.

  • Mercredi 9 novembre: Nous sommes missionnaires spiritains. Nous avons des sœurs spiritaines missionnaires, mais aussi des fraternités voulant vivre de notre spiritualité, à la suite de François LIBERMANN et Claude POULLART DES PLACES et participer à notre travail missionnaire. Aujourd’hui, elles viennent nous visiter et encourager nos étudiants dans leur marche vers l’engagement définitif. Elles nous expliquent aussi ce qu’elles font. C’est une grande joie pour nous.

  • Lundi 7 novembre: Fête de la Tabaski (fête du mouton = Aïd el Kebir).
    Elle se préparait depuis de nombreux jours et l’ambiance dans la ville était toute changée. Aujourd’hui, c’est la grande fête ! Et plusieurs voisins musulmans nous ont offert un morceau du mouton sacrifié. Cela augmente nos relations d’amitié. Nous ferons la même chose à Noël et à Pâques (dans le sens inverse). Une chose qui me touche beaucoup, c’est que ce jour de fête, mais encore les jours qui suivent, quand un musulman nous rencontre il nous demande le pardon et la réconciliation. Même si cela est parfois un peu formaliste, c’est quand même une avancée vers la paix.
    Dans leurs sermons pour cette fête, les Imams ont beaucoup insisté sur la paix, la réconciliation et le refus de la violence au cours de la Campagne électorale pour les prochaines élections présidentielles. Ils ont rappelé l’importance de la foi, à l’exemple d’Abraham, notre Père à tous dans la foi. Car nous sommes tous enfants d’Abraham. Et pour nous le sacrifice d’Abraham qu’ils célèbrent, c’est déjà l’annonce du sacrifice du Christ.

  • Dimanche 6 novembre: «Première » homélie en Ouolof.
    Adrien a dû partir d’urgence hier à KAOLACK, à plus de 200 km, pour l’enterrement de la mère d’un de nos confrères prêtres. Il me demande de le remplacer à la messe du dimanche. Bien sûr j’accepte. Et je me lance dans mon premier sermon en ouolof. Je n’ai pas encore retrouvé la maîtrise totale de la langue, mais je crois que je m’en sors assez bien. En tout cas, les gens sont contents. Alors, moi aussi ! Il est vrai que l’Evangile du jour était celui des talents. Un thème avec lequel je me sens à l’aise.

  • Samedi 5 novembre: Prison des hommes.
    C’est la 3ème fois que j’y vais. Je commence à être rôdé ! Aujourd’hui, nous complétons les renseignements que nous avons sur les prisonniers, les nouveaux arrivés, ceux qui ont été libérés et ceux qui ont été envoyés dans d’autres prisons. Puis nous nous concentrons sur les cas les plus difficiles, ceux qui ont fait appel et surtout ceux qui attendent depuis des mois, et même parfois des années, sans être jugés et sans même voir l’avocat qui leur a été commis d’office, puisqu’ils n’ont pas d’argent pour s’en payer un. Adrien, l’aumônier général, est avec moi, mais il a énormément à faire. A partir de la semaine prochaine, je devrai me débrouiller seul. Mais ça devrait aller. J’ai déjà travaillé 16 ans, dans la prison de St Louis du Sénégal. Je viendrai avec un de nos étudiants pour le former à ce travail.
    Les condamnés du RWANDA. Nous apprenons que le Sénégal a signé un Contrat officiel avec la CPI (Cour Pénale Internationale) pour accueillir des condamnés du génocide au Rwanda. On va leur construire une prison « aux normes européennes » (sic !). Cela nous inquiète beaucoup. Bien sûr, c’est l’occasion pour le Sénégal de se faire construire une prison gratuite et de récupérer de l’argent. Mais au lieu de construire cette prison à part, on va la créer dans le Camp Pénal lui-même. Cela va engendrer une inégalité énorme entre ces personnes du Rwanda et ceux du Sénégal, qui risque d’entraîner de gros problèmes et des révoltes. A qui la faute ?
    Adrien me confie des tas de documents sur les prisons. En particulier le compte-rendu d’une session nationale à MBOUR et celui d’une rencontre mondiale en Afrique du Sud. Déjà, j’avais recueilli de nombreuses informations sur Internet. Cela fait beaucoup de travail, mais les réfugiés méritent bien ça !

  • Vendredi 4 novembre: Réunion communautaire.
    Ce soir, c’est la rencontre générale. Là, tous ensemble, nous faisons le point de notre vie de communauté à tous les niveaux et dans toutes ses dimensions. D’abord, un des étudiants nous présente un document sur la formation, suivi d’un temps de discussion. Il s’agit des conclusions d’une rencontre des formateurs spiritains du monde entier qui a eu lieu en TANZANIE en Juillet passé. Ensuite, chacun s’exprime sur notre vie de communauté et fait ses remarques et ses propositions. Nous prenons aussi un temps pour évaluer le Forum des religieux de la semaine passée. Enfin, nous parlons de notre rythme de vie et des études, de l’équilibre à trouver entre études, prières et engagements extérieurs et de l’importance d’organiser son temps. Cela nous a pris près de 3 heures, car il était important que chacun puisse parler !

  • Du 4 au 11 novembre: Contacts personnels sur l’apostolat.
    Chaque jour, je vais rencontrer personnellement deux de nos étudiants pendant plus d’une heure, comme tous les mois. La semaine dernière, c’est Jean-Claude, le responsable de la Communauté, qui a parlé avec eux de leurs études. La semaine prochaine, Georges, le 3ème formateur, les rencontrera au sujet de leur vie de prières. C’est ainsi que nous avançons peu à peu. Ils ont tous commencé leurs activités pastorales dans les paroisses et les quartiers : catéchisme, Mouvements de jeunes et d’adultes (scouts, ACE-CV.AV, Commissions Justice et paix, de la Famille, de la Jeunesse, Mouvements d’adultes), handicapés, réfugiés et émigrés, prisonniers, malades, etc… Chacun a sa place. Et cela fait une belle complémentarité au total.
    Cette semaine, je vois chacun en particulier, avec ses joies, ses questions et ses problèmes, selon ses activités. La semaine prochaine, nous aurons une rencontre communautaire pour rassembler tout cela. Je suis touché par la confiance que chacun m’accorde, ce qui nous permet de parler en toute sérénité, avec beaucoup de clarté et de sérieux, sans faux-fuyant. Il s’agit de leur formation et de leur avenir. Et surtout du bien des gens, de chacun et de tous. J’essaie de préparer ces rencontres le mieux possible, car ce travail de formateur est nouveau pour moi. Même si, bien sûr, ce n’est pas la première fois que je m’asseois avec des gens pour parler et partager notre vie et nos idées.
    Nous commençons par prendre un temps pour faire connaissance. J’insiste sur l’importance, au début de leurs engagements, de regarder et comprendre les choses en profondeur, en dépassant les apparences, de noter les bonnes choses qu’ils voient (on voit toujours plus vite ce qui ne va pas et le mauvais côté des choses) et d’écrire les choses importantes qu’on leur a dites et les questions qu’ils se posent. Puis reprendre tout cela calmement dans la prière, y réfléchir calmement, personnellement et en communauté. Je leur conseille de profiter au maximum des contacts qu’ils ont et de se renseigner sur tout ce qui se fait, car étant donné leurs horaires et le poids de leurs études, qui sont leur priorité, ils ne peuvent pas assister à toutes les rencontres et toutes les réunions. Personnellement, je suis très heureux de ces contacts avec nos étudiants qui nous permettent de nous rencontrer à un niveau un peu plus approfondi que nos conversations ordinaires.

  • Mercredi 2 novembre: 1ère réunion de C.E.B.
    Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de Communauté organisée dans notre quartier. Nous nous sommes retrouvés deux fois à la paroisse après la messe du dimanche, avec les gens du quartier. Nous avons cherché à contacter d’autres personnes. Nous avons été visiter ceux dont nous avions eu les adresses. Nous avons annoncé la réunion trois fois, les deux dimanches passés et à la Toussaint, et ce soir une seule jeune fille se présente à 19 heures et un père de famille à 20 heures. (Le respect de l’heure est toujours un problème). Il semble que le jour et l’heure proposés par les premiers venus ne soient pas bons. On va donc relancer les affaires et continuer nos contacts. Les débuts sont toujours difficiles !

  • Mardi 1er novembre: Je célèbre la fête de la Toussaint à la paroisse. Dans la paroisse voisine des Martyrs de l’Ouganda, se tient une veillée de prières, avec chants et scénettes sur la vie des saints, en particulier africains, pendant toute la nuit. L’après-midi, nous nous retrouvons tous au cimetière pour prier ensemble pour nos morts d’ici et d’ailleurs.

  • Du 29 Oct. Au 1er novembre: Forum des religieux(ses)
    Dès la fin de la messe, après ces contacts, je vais rejoindre le Forum qui regroupe les religieux et religieuses de tout le Sénégal. Nous sommes plus de 500 ! Mais le Forum a été très bien préparé et organisé, aussi les choses se déroulent parfaitement. Le thème en est : « Vérité, Liberté et Responsabilité. Pour une mission féconde et épanouissante ». Il y a beaucoup de choses à dire… et à faire dans ce domaine. J’interviens plusieurs fois pour appeler à plus d’attention et d’accueil des pauvres, marginaux et autres personnes vulnérables. Pour davantage nous enraciner dans la culture et les valeurs africaines. Et aussi afin d’être plus créatifs et dynamiques pour aller de l’avant et ne pas nous laisser enfermer dans nos habitudes et façons de vivre et d’agir traditionnelles. Pour être davantage « prophètes », savoir lire « les signes des temps », redécouvrir notre « charisme » et le vivre dans la société actuelle, pour utiliser notre jargon religieux. A ce sujet, j’ai d’ailleurs demandé à ce que nous vivions d’une manière plus simple et parlions d’une façon que tous puissent comprendre. (Voir mon site : circulaire de Novembre 2011 et la Rubrique : Vie religieuse).
    Comme toujours, cette grande rencontre nous a permis de nous retrouver et d’échanger de nombreuses idées et projets, dans une ambiance sympathique, avec des temps de prière très forts, et beaucoup de joie, de chants et de danses.
    Il nous reste à mettre en pratique nos grandes déclarations et de nous retrouver dans quelques mois pour évaluer ce que nous aurons fait.

  • Samedi 29 Octobre 2011 : Déplacements « à bicyclette ! »
    Quand j’ai été obligé de quitter la Guinée, j’ai été très secoué au niveau moral. Cela a même entraîné des répercussions physiques : j’ai eu des problèmes de circulation sanguine, des difficultés à marcher et me tenir debout (j’avais déjà des varices depuis longtemps, et, depuis l’année dernière, lors de mes congés en France, ma nièce médecin m’a demandé de porter des bas de contention ). Arrivé à Dakar, je suis allé voir une grande amie cardiologue, avec qui j’ai travaillé de nombreuses années à la régulation des naissances et l’éducation sexuelle des jeunes dans l’ASPF (Association Sénégalaise pour la Promotion de la Famille) quand j’étais à Saint Louis du Sénégal. Son mari était le président de l’Association, et c’est chez eux que je logeais, pour pouvoir plus facilement parler et travailler ensemble la nuit, car chacun de nous était très pris lorsque je descendais à Dakar. Elle m’a fait passer des « Doppler » et m’a donné un traitement qui m’a été très utile, même si je reste encore un peu « bancal sur mes pattes ». Après mes 10 années dans les camps de réfugiés du Libéria et Sierra Leone, avec son régime spartiate et mes nombreux déplacements, ma vie plus sédentaire à Conakry (déplacements en taxi à cause des grandes distances et des dangers de la circulation routière) m’avait fait prendre du poids. Mon médecin m’a donc mis au régime, car il y avait aussi des risques de diabète. Au Sénégal, comme en Guinée, on ne mange pratiquement que du riz, avec beaucoup d’huile d’arachide ou de palme. Ce régime très strict que j’essaie de suivre (oui, oui, c’est vrai) n’est pas très agréable et surtout fait du travail supplémentaire pour notre cuisinière qui doit déjà préparer à manger chaque jour pour 15 grands gaillards. Mais je suis obligé d’être « sérieux », car notre cuisinière est encore plus sévère que mon médecin…. Ce qui ne m’empêche pas de m’entendre très bien avec elle !
    Donc j’ai maigri et je me sens davantage en forme. A 71 ans, c’est important de prendre les moyens qu’il faut, et il n’y a pas que le paludisme à supporter. Mais j’ai besoin de sport et d’exercices. Comme je ne peux pas y consacrer du temps, j’ai fait remettre un vélo en état et je me déplace en vélo, ce qui me fait beaucoup de bien. En plus (mais ce n’est pas le but !), cela m’attire un certain succès, car ce n’est pas tous les jours que l’on voit un vieux, blanc en plus, circuler à vélo dans la ville de Dakar. Bien sûr, il faut faire attention à la circulation, mais je suis habitué depuis ma jeunesse à ce type de conduite un peu particulier.
    Lancement de l’année pastorale, autour du Cardinal.
    La paroisse de Yoff, comme les autres, a envoyé une délégation de plusieurs membres. J’y vais avec eux, ce qui me permet de leur parler dans le car pendant le trajet et de faire connaissance. Nous sommes en avance. Je peux retrouver un certain nombre de prêtres, mais aussi de laïcs avec qui j’ai travaillé jusqu’à mon départ en Guinée en 1996. Je retrouve en particulier un ami du Collège, devenu vicaire épiscopal chargé de la formation des laïcs, du plan pastoral d’Afrique de l’Ouest, et grand théologien par ailleurs. Mais nous parlons de choses plus terre à terre et plus amicales. A la sortie, je rencontre Jean-Noël qui était professeur à St Louis et conseiller laïc de la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne). Nous parlons des problèmes actuels de l’enseignement, et aussi de sa famille puisqu’il s’est marié entre temps

  • Vendredi 28 Octobre : Conseil paroissial.
    C’est le début de l’année pastorale. Chaque groupe a renouvelé son Bureau et ses différents responsables. Ces groupes sont très nombreux dans notre grande paroisse : 17 communautés de quartier, des mouvements de jeunes et d’adultes, beaucoup de groupes de catéchèse, nombreuses commissions, groupes divers. Le lancement de l’année s’est fait dimanche dernier, dimanche des missions. Le programme d’année a été très sérieusement préparé par le bureau du Conseil Paroissial. Aujourd’hui, le Conseil se réunit au complet pour présenter ce programme et voir comment le mettre en pratique. Comme les gens travaillent dans la journée, la rencontre se tient en soirée. Elle dure assez longtemps, malgré la bonne organisation et l’efficacité du curé. Heureusement, les « cars rapides » circulent toute la nuit !

  • Jeudi 27 Octobre : Première visite au Camp Pénal (prison des hommes).
    L’abbé Adrien vient me présenter aux autorités et au personnel du Camp Pénal. Nous sommes très bien accueillis et je vois que notre équipe a su créer de très bonnes relations avec tous. Nous sommes même désirés, à cause de notre action positive auprès des prisonniers, car cela facilite leur travail. En effet, dans ce Camp pénal, il y a de grands délinquants et des condamnés à vie ; la tâche n’est pas toujours facile. Mais il y a donc une bonne collaboration et un climat de confiance entre nous, même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur les orientations et les manières de faire. Nous nous parlons et nous cherchons à régler les problèmes dans l’écoute et la compréhension réciproque.
    Je suis surtout frappé par l’accueil très sympathique des prisonniers. On voit que nous sommes attendus. C’est un bonheur pour eux de se retrouver avec nous, mais aussi entre eux. Tous se saluent avec joie. Aujourd’hui, c’est une reprise de contact. Adrien me présente. Ensuite nous faisons le tour des prisonniers présents et voyons la situation de chacun :
    - Ses coordonnées, les renseignements de base, où est sa famille, etc…
    - Depuis quand est-il là ? Est-ce qu’il est passé au tribunal ? A-t-il un avocat ? Si c’est un avocat commis d’office, est-il venu le voir ? Quand va-t-il passer en jugement ? A-t-il fait appel ? En effet, de nombreux prisonniers sont coupés de leur famille. Ils manquent donc du nécessaire (habits, savon…) et surtout de nourriture, ce qu’on leur donne à la prison ne suffit pas. Car l’administration pénitentiaire ne reçoit que 200 F CFA par prisonnier et par jour (même pas 30 centimes d’euro !). Les étrangers ne sont pas suivis, ni soutenus par leurs ambassades et même parfois rejetés. Beaucoup font des mois et même des années en prison, sans être jugés, ce qui n’est pas normal.
    Bien sûr, après ce contact général, nous chercherons à avoir un contact personnel, au moins pour les personnes en grande difficulté. Mais cela va nous demander beaucoup de temps. Ils sont plus de 900 dans la prison.
    Je suis frappé par le courage de ces prisonniers qui pourtant vivent dans des conditions très dures. Et aussi de l’entente qu’il y a entre eux. Au moins pour ceux qui viennent à nos rencontres. Car il y a aussi des gens très durs dans la prison, beaucoup de tensions et de gens que l’on fait souffrir et maltraite. Nous aborderons certainement ces questions avec eux au cours de l’année, quand nous parlerons de leur vie. Pour terminer, nous traçons les grandes lignes de nos rencontres et de notre travail de cette année.

  • Mardi 25 Octobre : Réunion de l’aumônerie des prisons.
    Nous nous retrouvons, tous ceux qui travaillent dans les deux prisons situées sur la paroisse, celle des hommes et celle des femmes. Il y a de nouveaux volontaires. Nous prenons donc le temps de nous saluer et de nous présenter. Puis l’abbé Adrien, le responsable, nous présente les différentes activités (voir le document dans mon site, rubrique « Travail social humanitaire – Prison) avec les jours et les conditions, pour respecter la réglementation. Nous constituons les différentes commissions, en plus des visites ordinaires : 1) l’assistance judiciaire ; 2) l’assistance matérielle ; 3) l’assistance spirituelle ; 4) réinsertion ; 5) réconciliation avec la famille et les victimes ; 6) formation des volontaires ; 7) formation des personnels des prisons.
    Je vous transmettrai bientôt un papier pour vous présenter un peu plus en détails ce travail dans les prisons, et je vous tiendrai au courant au fur et à mesure dans les « Nouvelles ».
    - Adrien nous explique ensuite quelle est notre mission et les conditions pour bien l’accomplir. Puis, comment organiser nos visites et interventions à la prison.
    - Hélène a participé pendant les vacances à une rencontre internationale sur la Pastorale des Prisons au Cameroun. Elle nous en fait le compte-rendu et nous présente des pistes d’actions pour cette année, chez nous. (Voir mon site).

  • Lundi 24 Octobre : Cours de français.
    Dans notre communauté, il y a un confrère ghanéen, prêtre depuis déjà de nombreuses années, qui est là pour apprendre le français, avant d’aller étudier en France. Les cours n’ont pas encore commencé à l’Université. Je lui donne donc des cours particuliers, ce qui nous permet en même temps d’avoir des contacts réguliers et plus approfondis. Mais cela lui demande un très gros effort, car il est déjà relativement âgé. Du coup, je commence également à faire des exercices de diction et de lecture publique aux étudiants. Il est important qu’ils se fassent comprendre en public !

  • Dimanche 23 Octobre : La paroisse de Grand Yoff.
    Comme j’ai été nommé formateur de nos étudiants, je ne vais donc plus travailler à la paroisse de Pikine. Notre communauté est sur la paroisse de banlieue de Grand Yoff. C’est une paroisse à la fois très grande et très populaire. Je vais m’y sentir à l’aise. D’autant plus que le curé est un ami et que nous avons beaucoup travaillé ensemble dans les Mouvements d’Action Catholique, avant que je parte en Guinée. Il est le bras droit de l’évêque (vicaire général), responsable national de Justice et Paix. Nous avons donc continué à collaborer et nous allons travailler ensemble. Le courant passe aussi très bien avec les autres prêtres, en particulier l’aumônier de la prison et de l’hôpital. On me présente au début de la messe. A la fin, de nombreuses personnes avec qui j’ai travaillé autrefois viennent me saluer. C’est une très grande joie pour tous.

  • Jeudi 20 Octobre : Retour à Dakar.
    Nous ne voulons pas partir la nuit à cause de l’insécurité. Nous prenons même le temps d’aller au port voir le nouveau bateau qui fait la navette entre Dakar et Ziguinchor. En effet, à cause des tracasseries à la frontière gambienne, du mauvais état de la route et des attaques rebelles, beaucoup préfèrent prendre ce bateau. Bien sûr, nous parlons du bateau précédent, le Diola, complètement surchargé, qui a coulé il y a quelques années, causant plusieurs milliers de morts.
    Le voyage retour sera aussi difficile que l’aller. Le soir, nous faisons une pause à Kaolack. J’y retrouve un camarade de classe libanais du Collège de Dakar-Hann que je n’avais plus revu depuis 1952. Nous buvons une bonne bière ensemble pour fêter l’événement. Et arrivons à Dakar au milieu de la nuit.

  • Mardi 18 Octobre : Thèse.
    Le matin, je pars assister à la soutenance de thèse d’un étudiant sénégalais qui a décidé d’entrer dans notre postulat spiritain (1ère étape de la formation à la vie religieuse et missionnaire).
    Décès. J’apprends le décès en CASAMANCE, sud du pays, de la mère de notre confrère qui tient la paroisse de l’aéroport de Yoff-Dakar. Comme c’est loin, on me demande d’aller représenter l’ensemble des confrères à l’enterrement. Nous avons beaucoup de décès de parents ces temps-ci. En effet, la plupart de nos confrères africains ont entre les 30 et 40 ans ; leurs parents arrivent à l’âge où on quitte la terre. Ce qui est toujours une souffrance, mais surtout quand on est loin de son pays et de sa famille, comme c’est le cas pour nous.
    Voyage en Casamance. La maman de notre confrère est décédée en Casamance, région du sud du Sénégal qui est soumise depuis 30 ans à une révolte larvée, menée par des gens qui voudraient obtenir l’indépendance de la région, qui a causé beaucoup de morts et de blessés en particulier par les mines anti-personnel. Cela crée un climat d’insécurité et de peur et bloque le développement de la région et même le travail des champs. A la base de tout cela, il y a des problèmes culturels : les gens de la région (diolas, mandjaques, mancagnes, etc…) ne sont pas des mêmes ethnies que ceux du nord du pays. De plus, ils n’ont pas été colonisés par les Français mais par les Portugais et beaucoup parlent encore le créole portugais. Mais surtout, il y a tout le problème de l’accaparement des terres par des fonctionnaires ou des riches venus du nord. Et quand on prend la terre d’un paysan, il se révolte. C’est normal ! Sans parler d’un certain mépris des gens du sud par ceux du nord. Ce qui n’arrange rien, en plus, la région est séparée du reste par la Gambie, ancien territoire anglais, qui s’enfonce dans le pays.
    Cela entraîne de nombreuses difficultés de déplacement. Nous sommes partis avec une délégation de la paroisse de Yoff à minuit et nous ne sommes arrivés que le lendemain à 15 heures, juste pour l’enterrement. En effet, il n’y a pas de pont sur la rivière Gambie. Le gouvernement gambien s’y oppose pour garder son « indépendance » et gagner de l’argent par les taxes et les petits commerces, restaurants, etc.. Et cela malgré les demandes pressantes du Sénégal et autres pays d’Afrique de l’Ouest (CEDFAO). Les deux bacs, utilisés pour la traversée, sont très vieux et les quais ne sont plus en état. D’ailleurs, un des deux bacs avait coulé la veille. Le deuxième ne suffisait pas. Nous avons attendu durant 7 heures avant de pouvoir traverser la rivière, au milieu de nombreuses tracasseries policières et douanières. Et même chose pour le retour. Heureusement que les femmes qui étaient avec nous avaient prévu des sandwichs et de l’eau.
    La mère de notre confère était une femme très dynamique (on l’appelait « commissaire », bien que ce soit une simple mère de famille et qu’elle n’ait jamais été dans la police, parce qu’elle s’occupait très bien de sa grande famille –son mari, militaire, étant souvent absent, à la frontière- et réglait beaucoup de problèmes dans le village de BIGNONA). Il y avait donc beaucoup de monde à l’enterrement : la cérémonie était très priante et émouvante, la chorale chantait très bien et la foule participait.
    Après la messe, nous nous sommes retrouvés avec les très nombreux prêtres venus à la célébration. Certains que j’avais connus avant 1996 et mon départ pour la Guinée, et nous étions très heureux de nous revoir. D’autres, inconnus, mais qui étaient heureux de me connaître, ayant lu les livres que j’ai écrits ou utilisé les diaporamas et films vidéos que j’ai composés.
    Il y avait énormément de monde et donc pas de maison pour dormir. Nous avons d’abord pensé dormir dans une cour, à l’extérieur –il ne fait pas froid en Casamance et la saison des pluies en était à sa fin-. Finalement, nous avons décidé de descendre jusqu’à ZIGUINCHOR, la capitale du sud, dans notre postulat (maison de formation). Cela nous permet de passer la soirée avec nos sept jeunes qui viennent d’arriver, dont deux qui viennent de Guinée et que j’ai connus à Conakry. Je peux ainsi parler calmement et avec joie avec le responsable de la Communauté (un confrère sénégalais) et Michel, un ancien que je connais depuis longtemps et qui est venu de Guinée Bissao. Nous en sommes très heureux. Et aussi avec l’administrateur qui dirige le diocèse de Ziguinchor, en attendant la nomination d’un nouvel évêque, l’ancien étant décédé l’année dernière. Nous nous entendons très bien. D’ailleurs, il loge dans notre Communauté.
    Je loge chez les Sœurs, ce qui me permet de prendre une bonne douche. J’en avais besoin !
    Le lendemain, je célèbre (préside) l’Eucharistie, animée par nos jeunes et chantée par les jeunes filles en formation pour devenir religieuses. L’Evangile du jours commence par ces paroles de Jésus : « Je suis venu mettre le feu sur la terre » (Luc 12, 49-53). Je parle de notre engagement pour la Justice et la Paix. Cela plait aux gens et mes compagnons de voyage me demandent de leur parler à nouveau de cette question dans le mini-bus, pendant le voyage de retour.

  • Lundi 17 Octobre : Carte de séjour.
    Il faut aussi que je régularise ma situation, puisque je dois rester au Sénégal. Il me faut d’abord passer une visite médicale, avoir un acte de naissance certifié, un extrait de casier judiciaire (heureusement que j’ai une cousine qui peut s’en occuper en Bretagne ; malgré cela, il me faut plus d’un mois pour les avoir, et encore heureusement qu’il y a Internet et les scanners) ! Il faut aussi bien sûr des photos, un certificat d’embauche de mon employeur (l’Evêque de Dakar), etc… L’administration sénégalaise a été bien formée par l’administration française et elle a bien retenu sa leçon ! La différence, c’est que j’ai pu entrer au Sénégal sans visa, et que la carte de séjour est gratuite. On ne peut pas en dire autant pour les Sénégalais et autres étrangers non-européens arrivant en France ! De plus, nous sommes très bien accueillis dans les bureaux et services, et avec beaucoup de respect.
    Je reprends contact avec Gisèle, co-fondatrice avec moi-même et quelques autres personnes, du CAEDHU (Centre Africain pour l’Education aux Droits Humains). J’en reparlerai.

  • Lundi 10 Octobre : Engagement des étudiants.
    Comme je l’ai expliqué précédemment, je suis chargé des activités pastorales de nos 12 étudiants en théologie à Dakar. Les trois formateurs d’accord, nous n’avons pas voulu qu’ils aillent dans les paroisses seulement pour le travail « ordinaire » : la messe, le catéchisme….. Mais qu’ils aient un engagement humanitaire, social ou avec des mouvements de jeunes ou d’adultes. En effet, ils sont rendus à la dernière étape, avant d’être prêtres et d’être envoyés comme missionnaires. Tout cela se prépare. Je passe donc dans les neuf paroisses et auprès de responsables d’Organisations travaillant avec les handicapés, les prisonniers, les émigrés et les réfugiés, etc… pour voir quelles activités proposer à nos étudiants et comment les soutenir et les former. Cela demande beaucoup de temps, mais c’est important et aussi intéressant. Ainsi, moi-même, je me remets au courant des réalités sénégalaises. Cela me prend tout une semaine.

  • 26 octobre 2011 : Je suis en train de lancer une communauté de quartier et j'ai commencé à travailler dans 2 prisons (hommes: 950 prisonniers! et femmes: 120 "seulement") avec un certain  nombre d'étrangers.  Et bien sûr je travaille pour justice et paix...entre autres choses, avec pas mal de réunions mais aussi de formations avec des chrétiens ou en milieu laïc : rencontre des jeunes religieux, formation sur les Communautés Chrétiennes de Base, rencontre sur les Droits des Femmes, formation sur les Droits Humains, etc… C'est parti

  • 13 octobre 2011 : Enfin, quelques nouvelles !
    J’ai été nommé formateur dans notre théologat (grand séminaire pour les étudiants se préparant à devenir prêtres). Je suis chargé plus spécialement de leurs activités pastorales (leurs activités dans les paroisses et les quartiers). Et ce moment, nous sommes en retraite spirituelle d’une semaine pour commencer cette nouvelle année universitaire.
    Après une réflexion avec les autres formateurs, j’ai rencontré les 12 étudiants, ensemble en réunion et en particulier, pour voir comment nous allons travailler cette année.
    Maintenant, je fais le tour des paroisses où ils vont travailler et je contacte des groupes et associations de quartiers, pour voir quelle activité précise proposer à chacun. En effet, nous ne voudrions pas qu’ils se contentent d’enseigner le catéchisme, mais qu’ils participent à des commissions comme Justice et Paix, les relations entre chrétiens et musulmans, les mouvements de jeunes et d’adultes, les actions de la Caritas, etc…Et aussi qu’ils interviennent par exemple à la prison ou dans les hôpitaux, auprès des réfugiés et des immigrés de retour d’Europe, des enfants de la rue, des handicapés…chacun selon capacités. En effet, la plupart ne sont pas sénégalais, mais guinéens (Conakry et Guinée Bissao), tanzanien, congolais, togolais, ghanéen et camerounais. Se pose donc en premier le problème de l’apprentissage de la langue, le ouolof.
    Pour moi, j’ai pris contact avec la paroisse de banlieue où se trouve notre théologat. C’est facile, car le curé, sénégalais, est un ami de longue date. Je vous en parlerai une autre fois.
    Le pays est toujours sous tension, à cause des problèmes dont je vous ai déjà parlé : coupures de courant, augmentation du coût de la vie, inondations des quartiers (nous sommes en pleine saison des pluies, qui a été tardive cette année), difficultés des paysans. Les tensions politiques se poursuivent, dans l’attente des élections présidentielles de février 2012. Mais je sens un certain nombre d’appels à la réflexion et à la compréhension, pour moins de violence.
    Je vous redis toute mon amitié.
    Armel.

  • 29 août 2011 : Comme vous le savez sans doute, en 1996 j’ai quitté le Sénégal et la ville de Saint Louis pour aller travailler au sud de la Guinée-Conakry. C’était au moment de la guerre au Libéria et en Sierra Leone. J’y suis resté 10 ans, travaillant dans les camps de réfugiés, aussi bien que dans les villages guinéens qui, eux aussi, subissaient les attaques de rebelles et les conséquences de la guerre. J’y ai été très heureux, malgré toutes les difficultés rencontrées, grâce à l’amitié et au soutien des populations. Vous pouvez retrouver tout cela dans mon site http://armel.duteil.free.fr
    En 2006, j’ai été nommé dans le diocèse de Conakry où j’ai travaillé d’abord en secteur rural, à Kataco et à Boffa, puis dans la banlieue de Conakry, à Taouyah. J’étais en même temps responsable de la Commission « Justice et Paix «  et de la « Pastorale sociale » du diocèse. Je viens de tourner une nouvelle page, et je suis actuellement au Sénégal, mais cette fois dans la banlieue de Dakar, à Pikine.
    Pikine est une grande paroisse de banlieue, très populaire, ouverte dans les années 1950 par les spiritains. Je rentre donc là dans toute une histoire d’action pastorale et missionnaire. La paroisse est connue en particulier pour ses communautés de quartiers actives et bien insérées dans la vie des populations. Il y a deux lieux de culte : à Pikine et à Thiaroye, distants d’environ 5 km. Thiaroye est un milieu encore plus populaire et marqué actuellement par les inondations et de nombreux problèmes sociaux. Les jeunes, en particulier, se trouvent confrontés au chômage. La Commission paroissiale « Justice et Paix » est présente à ces problèmes, avec des membres formés et engagés. C’est dire que je me retrouve dans mon élément et que je pense y être heureux et pouvoir y travailler. Ce n’est pas le travail qui va manquer ; j’aurai l’occasion de vous en parler plus tard, mais il faut d’abord « atterrir », voir les réalités, tisser des liens d’amitié, écouter ce que les gens des quartiers disent, pensent et font eux-mêmes. De toutes façons, je suis heureux de me retrouver au Sénégal, ce pays où j’ai passé toute ma jeunesse et où j’ai ensuite travaillé de nombreuses années ; d’ailleurs chaque jour je rencontre des gens avec qui j’ai vécu autrefois, quand j’étais à Dakar d’abord, puis à Tambacounda et enfin à St Louis ; et aussi des gens avec qui j’ai travaillé dans les différentes associations et mouvements de jeunes et d’adultes. C’est très agréable.
    Cette fois-ci, je n’aurai pas de problème de langue puisque je parle le wolof depuis mon enfance, c’est un gros avantage.
    Nous allons nous retrouver en équipe de trois prêtres spiritains : Bruno, le curé, un Sénégalais ; Josaphat, un jeune Tanzanien qui vient de terminer sa formation en France ; et moi-même. Pour la paroisse, il y a deux communautés de religieuses (des sœurs maristes et des sœurs ursulines) engagées dans le domaine de la santé, et bien sûr de nombreux laïcs ! Nous travaillons au sein d’un doyenné qui recouvre toute la grande banlieue de Dakar, jusqu’à Rufisque, à la sortie de la Presqu’Ile du Cap Vert, et qui compte plusieurs millions de personnes. C’est dire que le travail ne manque pas, mais également que nous travaillons ensemble entre Sénégalais et étrangers, entre prêtres du diocèse et religieux missionnaires. Cette différence est une grande richesse pour nous, en permettant une complémentarité dans notre engagement, et c’est une bonne chose vu la diversité du milieu dans lequel nous travaillons.
    J’aurai l’occasion, à l’avenir, de vous partager tout cela. Mais il faut d’abord que je m’enracine pour la rentrée, que je découvre les orientations pastorales du diocèse et la réalité du pays. Pour aujourd’hui, je voulais simplement vous donner quelques nouvelles et vous tenir au courant de ma situation.
    Je vous ai déjà envoyé, le mois passé, un compte rendu sur le travail de « Justice et Paix » des Spiritains dans les quatre pays de l’Afrique de l’Ouest où nous travaillons (la FANO) et aussi une présentation de la situation actuelle du Sénégal. Vous pouvez bien sûr vous y reporter. Pour aujourd’hui, j’ajoute simplement que nous sommes à la saison des pluies (l’hivernage) ; il fait donc très chaud et très lourd ; il y a eu une grosse pluie la semaine dernière qui a causé de nombreuses inondations, comme chaque année. En effet l’exode rural est très important et dans les grandes villes, comme Dakar et également St Louis et Thiès, les derniers arrivants se sont installés dans des bas-fonds qui sont inondés pendant l’hivernage. Souvent, ils perdent le peu qu’ils ont et les maisons sans fondations solides s’effondrent. Cela cause beaucoup de souffrances, de mécontentements et de tensions, d’autant plus que chaque année les pouvoirs publics promettent de faire quelque chose mais en fait il n’y a pas de réels progrès.
    Ces tensions sont encore augmentées par les coupures d’électricité, les problèmes économiques et la nervosité causée par le jeûne du Ramadan, mais surtout par les tensions politiques à cause des élections présidentielles qui approchent ; elles sont prévues pour février 2012. Et beaucoup de problèmes se posent, comme je vous l’ai déjà expliqué, en particulier la question de l’alternance politique et d’abord la légalité de la candidature du Président actuel Maître Wade qui a déjà fait deux mandats et qui est très âgé. Pour gagner ces élections, les responsables politiques des deux bords utilisent tous les moyens,car ils veulent mettre toutes les chances de leur côté. Ainsi, aussi bien le parti au pouvoir que les partis d’opposition sont allés voir chacun à leur tour le Grand Marabout de Touba (le chef religieux musulman de la confrérie des Mourides) pour recevoir sa bénédiction, espérant que cela les aidera à gagner les élections, car le Grand Marabout a une grande influence sur ses disciples. Mais cela met la laïcité du pays en danger, alors que nous y tenons beaucoup car c’est une valeur importante pour la démocratie et pour la liberté des personnes. D’ailleurs certaines personnes ont commencé à réagir contre cela, mais en allant jusqu’à l’autre extrême et en demandant que la religion se limite à la vie privée et ne se montre plus en public. Ce qui n’est pas une bonne chose non plus et qui n’aidera certainement pas le pays à s’en sortir, ni à régler ses problèmes.
    Il y a beaucoup de manifestations politiques, les deux côtés manifestant même parfois le même jour pour se faire concurrence. Cela entraîne beaucoup de violences verbales qui sont très inquiétantes et qui risquent de déboucher sur des bagarres. Il y a déjà eu des morts au cours de répressions policières qui sont toujours très musclées, et cela nous inquiète également beaucoup. On sent la nécessité absolue d’une formation au dialogue et au respect des autres, et l’importance d’une formation aux méthodes d’actions non violentes. Mais qui pourra l’assurer ?

  • 28 août 2011 : Les tensions politiques continuent dans le pays, avec la préparation des prochaines élections présidentielles. On parle à nouveau des attaques et exactions menées en Casamance, et de ce qu’il faudrait faire pour ramener la paix après 30 ans d’insécurité. Mais cela ne pourra pas se faire si l’on n’apporte pas de solutions aux causes de cette situation : la mise à l’écart et le retard dans le développement de la Casamance, séparée du reste du Sénégal par la Gambie, l’accaparement des terrains des paysans par des gens venus d’ailleurs et tant d’autres choses. L’Eglise est impliquée dans cet effort de réconciliatiorôlen. Les étudiants de la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne), réunis en session nationale à Ziguinchor, ont rédigé une déclaration qu’ils ont remise aux autorités et qui a été très appréciée, dans laquelle ils s’engagent en tant que jeunes, pour la paix.
    Au niveau politique, c’est la concurrence entre le Pouvoir et l’Opposition, avec un certain nombre de violences verbales inquiétantes et de coups-bas. Comme je l’ai déjà expliqué, chaque côté cherche à s’attirer les bonnes grâces et les bénédictions des chefs religieux musulmans. Le 23 Juin, des jeunes et la société civile ont manifesté avec force, en particulier contre les délestages d’électricité, la pauvreté, mais aussi contre la 3ème candidature prévue du Président actuel, Abdoulaye WADE, ce qui demanderait un changement de la Constitution. Ces jeunes ont constitué le Mouvement du 23 Juin (M 23), dirigé par un responsable d’un grand réseau de défense des droits humains en Afrique (RADDHO) : Alioune TINE. Mais les partis d’opposition sont entrés dans ce mouvement, ce qui a deux conséquences : comme les chefs des différents partis politiques ne s’entendent pas bien entre eux, ils ont apporté un début de division dans le M23. De plus, la société civile risque d’être détournée de ses objectifs par et les partis politiques, et de ne plus pouvoir jouer son rôle, ce qui n’est certainement pas une bonne chose En positif, les scouts et les guides du Sénégal, réunis eux aussi en conseil national, se sont engagés, en présence du ministre de la Jeunesse et des Sports, au cours de leur session nationale, à travailler pour des élections qui pourront se passer dans la paix. La veille, une nuit de prière a eu lieu dans un stade de Dakar, dirigée par l’évêque président de la conférence épiscopale du Sénégal, dans le même but. Elle sera suivié par une prière similaire de la part des musulmans. On sent donc qu’un certain nombre de personnes se lèvent pour lutter contre les tensions actuelles. Même si dans les quartiers les manifestations continuent, par exemple contre les coupures intempestives de courant électrique.
    Le problème des sectes se pose également. Il est vrai que certaines se conduisent d’une manière sinon agressive du moins provocatrice, envers les musulmans. Cela entraîne des réactions en retour. Deux temples ont été brûlés par des musulmans de tendance dure, de même d’ailleurs que des débits de boisson. Même si en général, il y a un bon climat de paix et d’amitié entre chrétiens et musulmans, ces bonnes relations entre les croyants des deux religions sont à maintenir, ce qui demande un effort permanent. Nous sommes actuellement dans le temps du Ramadan et cela se fait bien sentir dans toute la vie sociale, les musulmans étant environ 90 % de la population du pays.
    Les phénomènes de pauvreté s’accroissent et ce n’est pas la crise financière en Europe et aux Etats-Unis qui va arranger les choses. Les étudiants se plaignent de ne pas avoir reçu leur bourse. Des manifestations ont eu lieu aussi bien à Saint-Louis qu’à Dakar ; il y a eu des blessés par les forces de l’ordre et des bus ont été brûlés. La situation des paysans n’est pas meilleure, mais eux ils sont en plein dans le travail des champs et certains craignent pour leur récolte, car les pluies ne sont pas très nombreuses pour le moment. Certains n’avaient pas beaucoup de semences, ils les ont utilisées et elles se sont desséchées, et si les pluies arrivent ils n’auront pas de nouvelles semences. De son côté, le Gouvernement vend du matériel agricole à des prix subventionnés, mais ça ne suffit évidemment pas.
    N.B. : Je vous communique, ci-après, mes nouvelles coordonnées et vous remercie d’en prendre note :
    Voici mes coordonnées actuelles :
    P. Armel DUTEIL
    SPEM-Fano - Rue FN 10 x Av Cheikh Anta Diop Km 5
    B.P. 5087
    12523 Dakar-Fann
    Sénégal
    E mail: armelduteil@hotmail.fr
    Tel: 00 221 77 680 93 07
    site: http://armel.duteil.free.fr
    Pour tous vos dons nécessitant une attestation en vue de la déduction d’impôt, merci de libeller et d’adresser votre chèque, selon les indications ci-après, en indiquant au Service de la Procure qu’il s’agit d’un don pour mes activités humanitaires et de développement. L’attestation vous sera expédiée directement par la Congrégation, depuis Paris, sans problème.
    - CCP : Congrégation du Saint Esprit - Paris 611 49 X
    - Procure des Missions - 30 rue Lhomond - 75005 Paris
    (préciser: pour le père Armel Duteil – Sénégal)
    Téléphone de la Congrégation : 01 43 36 17 47
    Je vous donnerai d’autres nouvelles dès que j’en aurai l’occasion. Mon meilleur souvenir à tous !
    Armel,