Armel Duteil

Banques alimentaires

Les banques alimentaires

Les gens de la région où nous travaillons sont très pauvres et les problèmes actuels du pays n'arrangent rien. Alors les gens vivent sans arrêt dans les dettes ; ils engagent leurs récoltes avant même qu'elles soient mûres et au moment de la soudure (quand tout est consommé et en attendant la récolte suivante), ils n'ont plus rien à manger. Alors ils s'endettent à nouveau à des tarifs exorbitants et ils achètent, par ex. du riz, à un prix deux ou trois fois supérieur au prix de vente normal à des gens qui les exploitent. Pour lutter contre cela, nous avons lancé des BANQUES ALIMENTAIRES, nous achetons du riz au moment de la récolte, au prix du marché. Nous conservons ce riz jusqu'au moment de la soudure, en Juillet-Août, et nous le revendrons alors simplement au prix où nous l'avons acheté, soit 2 ou 3 fois moins cher que les prix pratiqués généralement à ce moment-là. Nous voulons ainsi rendre service aux paysans en leur fournissant du riz moins cher, mais surtout obliger les commerçants à baisser leurs prix et à arrêter leurs taux usuriers. Pour d'autres paysans qui le préfèrent, nous gardons le riz qu'ils nous ont livré au moment de la récolte pour qu'il soit conservé et ne soit pas vendu à cause de pressions familiales ou de besoins urgents. Ils peuvent récupérer ce riz en Juillet-Août, comme semence pour leur nourriture ou pour la vente. Grâce au soutien d'une Organisation catholique américaine (CRS : Catholic Relief Service), nous avons aussi pu ACCORDER DES CREDITS aux cultivateurs pour leur permettre de prendre en charge les frais de leurs cultures (achats d'outils, de semences, d'engrais,...). Au moment de la récolte ils nous remboursent cet argent que nous pouvons à nouveau donner en crédits l'année suivante (avec seulement 10 % d'intérêts sur 1 an pour les frais d'organisation et de gestion alors que souvent les usuriers font des prêts à 250 % sur 3 mois !). Nous organisons ces personnes en Groupements coopératifs et c'est tout le Groupement qui s'engage à rembourser au cas où l'un des membres ne le ferait pas. Ainsi ils sont tous responsables les uns des autres et se motivent mutuellement. Nous nous appuyons ainsi sur la dimension communautaire de la vie sociale qui existe toujours et que nous ne voulons surtout pas supprimer. Ce système de Banque de céréales nous semble plus important que de faire des distributions de vivres ou d'argent, car c'est un besoin sans fin que nous ne pourrons jamais combler. Nous préférons leur donner les moyens de travailler et de s'en sortir par eux-mêmes, tout en sachant qu'il restera toujours de nombreuses personnes nécessiteuses n'ayant pas la possibilité de s'en sortir par elles-mêmes et qu'il faudra toujours soutenir, mais toujours avec le maximum de participation de leur part, même si c'est minime et le soutien de la communauté villageoise.

Ces banques alimentaires ont donc un intérêt immédiat : lutter contre les hausses frauduleuses du riz qui est la nourriture de base, éviter aux paysans de s'endetter lourdement sans possibilité de remboursement, trouver les crédits nécessaires pour pouvoir travailler d'une façon rentable, apprendre à gérer un budget familial,... ensuite elles permettent aux gens de s'organiser en groupements, de réfléchir ensemble à leurs problèmes de développement et de lancer des actions dans ce sens.
Plus profondément, poser les bases d'une société civile qui se prend en main et qui pourra intervenir dans la vie du pays d'une manière efficace face à la mauvaise gouvernance des autorités et la mauvaise utilisation des ressources nationales et aura son mot à dire face à l'incompétence et le manque de conscience professionnelle, la corruption et les détournements d'argent, le manque de liberté et de respect des droits de l'homme et les autres problèmes du pays.